La beauté du Geste un film de Sho Miyake
De cĆur Ă cĆur. « Ishin Denshin ».
La beautĂ© du geste est un titre dĂ©jĂ utilisĂ© pour un certain nombre d’ouvrages et dâĆuvres. On peut mĂȘme trouver un album du chanteur français GĂ©rald de Palmas, sorti en 2016, qui porte ce titre. Le film de Sho Miyake passe par un de ces principes assez radical, voire dogmatique, Ă©noncĂ© par le rĂ©alisateur ukrainien Myroslav Slaboshpytskyi lorsquâil a prĂ©sentĂ©, son film The Tribe, rĂ©compensĂ© Ă Cannes en 2014 :
Le fait dâemployer des mots pour parler nous sert souvent Ă mentir ou Ă dissimuler nos pensĂ©es. De ce fait, dans The Tribe ( 132 minutes), tous les protagonistes (en majoritĂ© sourds et muets) sâexpriment dans la langue des signes sans le moindre sous-titre pour les spectateurs.
Keiko Ogawa, lâhĂ©roĂŻne de La beautĂ© du geste, malentendante (pour Ă©viter de dire sourde) utilise principalement la langue des signes pour sâexprimer. Et la boxe. Elle Ă©crit aussi dans son journal intime.
Il faut avoir pratiquĂ© un Art martial durant dix mille heures en moyenne afin de pouvoir peut-ĂȘtre « obtenir » le premier niveau de la ceinture noire ou son Ă©quivalent.
Câest une rĂšgle- ou une vĂ©ritĂ©- qui varie selon les individus, selon le degrĂ© dâintimitĂ© quâils dĂ©veloppent avec leur intĂ©rioritĂ© mais aussi avec celle de leurs enseignants ou leurs Maitres, des compĂ©tences de ces derniers, de leur sincĂ©ritĂ©, mais aussi selon les Ă©poques et les contextes.
Il est trĂšs difficile de savoir Ă lâavance Ă combien de rencontres, de gestes et dâexpĂ©riences correspondent ces dix mille heures. Il sâagit juste dâun chiffre, dâune indication, pour donner un repĂšre comme on pourrait signaler une Ă©toile, une mĂ©taphore ou un indice afin de montrer vers oĂč continuer de se diriger. Il ne sâagit pas dâune vĂ©ritĂ© rigide et comptable.
La ceinture noire ou tout autre « grade », quelle que soit la discipline concernée,
est aussi une culture du coeur.
Et du gong.
On peut aussi comparer ça Ă une histoire dâAmour. Ou Ă toute rencontre qui, pour nous, dispose dâun dĂ©compte particulier.
Keiko Ogawa est sans doute en dessous des 10 000 heures de pratique quand « Monsieur le directeur » ( lâacteur Tomokazu Miura) de son petit club de boxe la remarque.
Le gong est une frontiĂšre. Ce nâest pas un mur.
Une des erreurs possibles, Ă parler de La BeautĂ© du geste, film franco-japonais ( par la production) qui sortira dans les salles ce mercredi 30 aout 2023, serait de seulement lâenfermer dans le ring pour toute comparaison avec le film Million Dollar Baby rĂ©alisĂ© en 2004 par lâAmĂ©ricain Clint Eastwood. Un film adaptĂ© par lâacteur et rĂ©alisateur Clint Eastwood dâaprĂšs une des Ćuvres de lâauteur FX Tool, trĂšs grand connaisseur- et amateur sur le tard- de boxe anglaise.
Certes, lâhĂ©roĂŻne de La BeautĂ© du geste, Keiko Ogawa -interprĂ©tĂ©e par lâactrice Yukino Kishii- peut rappeler celle de Million Dollar Baby jouĂ©e par lâactrice Hillary Swank. Deux femmes venues sur le tard Ă la boxe anglaise et dont lâengagement va saisir les regards de deux entraĂźneurs vĂ©tĂ©rans de la boxe. Dâun cĂŽtĂ©, Monsieur le directeur dâun petit club de boxe japonais (lâacteur Tomokazu Miura), de lâautre, lâancien cow-boy et inspecteur Dirty Harry, Clint Eastwood, devenu rĂ©alisateur aprĂšs avoir dâabord Ă©tĂ© un acteur mondialement connu.
19 annĂ©es sĂ©parent ces deux films et le Japon est diffĂ©rent des Etats-Unis. MĂȘme si au dĂ©cours de Hiroshima, Nagasaki et dâabord de Pearl Harbour leurs histoires se sont confrontĂ©es mais aussi rapprochĂ©es.
Pour moi, en 1h39, La Beauté du geste émeut plus loin que Million Dollar Baby.
Sans vedettes mondialement connues. Avec un budget moindre. Sans musique insidieuse.
Le film dĂ©fie aussi â et fait oublier- la pandĂ©mie du Covid dont on aperçoit les masques et qui avait fait de nous des sacs (ou des visages) de peur et dâangoisse.
Keiko Ogawa nâa pas peur. Elle nâaime pas avoir mal. CĂ©libataire, femme de mĂ©nage plutĂŽt modeste dans un hĂŽtel et dans le pays des mangas qui reste un pays riche et machiste corsetĂ© et entraĂźnĂ© par la recherche perpĂ©tuelle de la victoire Ă©conomique, elle prend des coups et donne du courage. Celles et ceux quâelle croise sont Ă son image.
La beauté du geste de Sho Miyake est un trÚs bon film à voir avant le gong de la rentrée mais aussi aprÚs.
Franck Unimon, ce lundi 28 aout 2023.