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Cette nuit : enterrement du mois de mars 2020 en beauté

 

                                                  Cette nuit

Cette nuit, j’ai dĂ» prendre ma voiture pour aller au travail. Je me suis un peu trop relĂąchĂ© hier soir quant aux horaires et j’ai ratĂ© le train. Le suivant arrivait une heure plus tard. Impossible de l’attendre pour ĂȘtre Ă  l’heure au travail.

 

C’était une PremiĂšre pour moi que de devoir prendre ma voiture pour aller au travail sur Paris.

Ce matin, je suis un peu fatiguĂ©. Mais ça n’est pas encore mon heure d’aller me coucher. 

En rentrant tout Ă  l’heure, j’avais prĂ©vu de « publier Â» quelques photos de Tags ou de graffitis pris en photo ces derniĂšres semaines et ces derniers mois jusqu’à ce matin en me rendant au travail ou en revenant. Et puis, finalement, pourquoi se limiter ? Cela fait des annĂ©es que je n’aime pas le mois de mars. Je le trouve trop long. Je n’aime pas cette pĂ©riode. Je vais enterrer ce mois de mars-ci en beautĂ©. Ce sera un peu mon ” We’re gonna chase those crazy baldhead out of town” ( Titre ” Crazy Baldhead” de Bob Marley). En crĂ©ole guadeloupĂ©en, on dirait :

” Nou Kay KrazĂ© Sa !”. ” FoutĂ© Sa An Bwa !”. 

 

Voici donc quelques photos prises entre le mois de Janvier de cette annĂ©e et ce matin en allant au travail ou en en revenant ou ailleurs ( avant le 16 mars 2020) .

Ce ne sont pas des photos du pĂ©riphĂ©rique. Ce sont des photos choisies en Ă©coutant l’album Live de 1991 de Manu Dibango et le titre Crazy Baldhead de Bob Marley en studio ainsi qu’en concert.

Si certaines de ces photos reviennent plusieurs fois, c’est parce-que je n’ai pas voulu choisir entre l’une ou l’autre. On revient bien plusieurs fois aux endroits que l’on aime bien.

 

Merci aux artistes ! Merci aux personnes prĂ©sentes.

Photos prises Ă  Argenteuil, dans la rĂ©gion d’Angers et Ă  Paris.

Franck Unimon, ce mardi 31 mars 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au conservatoire d’Argenteuil.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette galette s’appelle la ” Peggy”.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le danseur Dany ( ou Dani).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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ScĂšne (s) Ă  Rio

ScĂšne (s) Ă  Rio 3

 

                                                 KolĂ© SĂ©rĂ©

 

Un couple : une femme blanche et un homme noir.

On les dĂ©couvre dans leur appartement ( ou dans leur chambre d’hĂŽtel aprĂšs leur premiĂšre nuit de lune de miel). Madame est rĂ©veillĂ©e au son du djembĂ© que Monsieur joue trĂšs mal au pied du lit. Mme se plaint doucement du tapage. Monsieur est trĂšs militant Ă  propos de ses racines. On dĂ©couvre la dĂ©coration de l’appartement : des souvenirs divers de l’esclavage, des formules en crĂ©ole du genre «  La Vi SĂ© on Konba, Si nou Moli nou Mo ! Â».

Devant les plaintes polies de Madame, Monsieur clame :

« Quoi, je suis noir, qu’est-qu’il y’a ?! Â». Monsieur est assez virulent mais sa virulence a quelque chose d’inoffensif voire de ridicule. On perçoit bien que Monsieur est bien plus gentil qu’il veut le croire lui-mĂȘme.

 

S’ensuit une « conversation Â» Ă©chevelĂ©e entre Monsieur et Madame au cours de laquelle, Monsieur soupçonne/accuse Madame d’avoir sĂ»rement une part de responsabilitĂ© dans l’esclavage de ses ancĂȘtres avec ses yeux verts ( ou bleus) et le fait qu’elle soit blonde ( ou tout simplement blanche). Madame se dĂ©fend patiemment. On comprend que Monsieur assaisonne leur foyer de rĂ©fĂ©rences liĂ©es Ă  sa culture d’origine et Ă  son Histoire. Musique antillaise, palmiers, nourriture des Antilles, igname au petit dĂ©jeuner
.

 

Lorsque Monsieur tombe sur un pot de mayonnaise – cachĂ©- dans l’appartement, il « s’emporte Â» et part dans une tirade/diatribe contre ce « condiment des blancs Â» et revendique la suprĂ©matie du piment oiseau.

 

AprĂšs cette premiĂšre scĂšne d’exposition, on voit sĂ©parĂ©ment Madame et Monsieur, sĂ©parĂ©ment, face camĂ©ra, comme lors des tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©s qui s’expriment librement et rĂ©pondent aux questions d’une sorte de psychologue qui reste hors-champ ( L…) Ă  propos de leurs problĂšmes de couple. ThĂ©rapie de couple ou tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ©, on hĂ©site. Toujours est-il qu’à la fin de cette histoire, radieux, le couple nous apprendra, face camĂ©ra, en se tenant la main, qu’il attend un heureux Ă©vĂ©nement.

 

Franck Unimon

 

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ScĂšne (s) Ă  Rio

ScĂšne (s) Ă  Rio 2

 

L’histoire de Paul Scolopendre et son enfant/fils

 

 

PremiĂšre scĂšne : musique « Sensuelle Â»  de Ludo. Gros plan sur mon visage et, en particulier, sur mes lunettes jaunes que je porte. On voit que je remue la tĂȘte en rythme. Au rythme du zouk du titre de Ludo. Je dois avoir l’allure du dragueur des tropiques telle qu’on peut se l’imaginer.

 

DeuxiĂšme scĂšne : on Ă©largit le champs et on s’aperçoit que je suis sur le quai d’une gare. Type gare d’Argenteuil mais cela peut ĂȘtre ailleurs. Peut-ĂȘtre filmer cette scĂšne au mois d’aout lorsqu’il y’aura moins de monde. Soit tĂŽt le matin ou tard le soir.

La musique de Ludo continue de se faire entendre et l’on m’aperçoit toujours qui dandine de la tĂȘte. Je suis habillĂ© comme un cadre moyen. J’attends le train.

Je tourne la tĂȘte dans la direction d’une jeune femme sur le quai qui attend aussi le train.

 

La jeune femme n’est vraiment pas à son avantage physiquement. Donc, l’enlaidir un maximum.

 

Pourtant, mon personnage (Paul Scolopendre) la voit autrement. Alors que l’on continue d’entendre le titre de Ludo, on voit comment je la vois/ comment je nous vois elle et moi.

 

ScĂšne suivante : voici ce que Paul Scolopendre voit lorsqu’il regarde cette jeune femme.

La jeune femme danse avec lui un zouk sensuel. Lui a toujours ses lunettes jaunes, a un air trĂšs sĂ©rieux, le menton relevĂ©, il a plus tendance Ă  regarder en l’air tandis que la jeune femme, en jupe, cheveux longs lĂąchĂ©s, bien maquillĂ©e, danse contre lui façon shakira, assez dĂ©chainĂ©e. Plusieurs fois, elle fait tourner sa tĂȘte de droite Ă  gauche, et, en passant « gifle Â» le visage de Paul Scolopendre avec ses longs cheveux. En dĂ©pit de l’attitude de la jeune femme, Paul Scolopendre continue de danser en restant sĂ©rieux, assez raide dans ses dĂ©placements finalement. Et, on finira par s’apercevoir qu’il porte une paire de palmes jaunes et noires (de plongeur) aux pieds tandis qu’il danse avec « Shakira» sur le quai.

 

Franck Unimon

 

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ScĂšne (s) Ă  Rio

ScĂšne(s) Ă  Rio 1

 

                                                    LOA

 

 

Un homme est dans une enceinte commerciale. Il s’apprĂȘte Ă  contracter un crĂ©dit afin d’acquĂ©rir un bien de consommation ridicule ( quoiqu’à la mode) au moment des soldes. Cet article peut ĂȘtre une feuille de papier que l’on se met autour du cou ou un vulgaire bout de pĂąte Ă  modeler avec lequel avec lequel on se promĂšne en le portant dans le creux de sa main.

Cet article est-il trĂšs cher ou a-t’il un prix dĂ©risoire ? Toujours est-il que notre homme n’a pas les moyens de se l’acheter ou de l’acheter pour l’offrir Ă  sa compagne.

 

L’enceinte commerciale oĂč il se trouve lui propose de bĂ©nĂ©ficier d’un crĂ©dit moyennant la constitution d’un dossier afin de voir, s’il peut prĂ©tendre Ă  ce crĂ©dit.

 

La constitution de ce dossier aboutit Ă  un entretien entre un employĂ© quelque peu rigide- mais aussi assez intrusif- de cette enceinte commerciale et notre homme qui doit rĂ©pondre Ă  des question trĂšs personnelles en vue de peut-ĂȘtre obtenir le dit-crĂ©dit, six mois aprĂšs la constitution du dit-dossier.

 

Exemples de question :

 

A quand remontent vos derniers rapports sexuels ?

Trompez-vous votre femme ?

La date de vos derniĂšres rĂšgles ?

Etes-vous un menteur ?

 

 

Franck Unimon.

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Le sacrifice

 

                                                    Le Sacrifice

Pour la premiùre fois hier soir et encore un peu plus, il y a quelques heures, j’ai remis de l’humour dans mes articles. Oui, je crois que je peux concevoir de l’humour. Et, quelques fois, d’autres personnes le croient aussi.

 

Depuis la premiĂšre allocution du PrĂ©sident concernant l’épidĂ©mie (c’est Ă©tonnant, je n’ai dĂ©jĂ  plus envie de citer le nom du PrĂ©sident ni mĂȘme de l’appeler «  GĂ©nĂ©ral Â»), j’ai en effet transfĂ©rĂ© ce que je prends pour de l’humour dans un de mes articles intitulĂ© Je l’aimerais peut-ĂȘtre. Article plus drĂŽle que l’article Ce serait facile que j’avais Ă©crit hier matin et que j’avais renoncĂ©, pour l’instant, Ă  publier. Car je m’étais dit que cet article, Ce serait facile,  n’était vraiment pas drĂŽle.

Mon article Contrainte et motivation Ă©crit auparavant et par contre, lui, publiĂ© sur mon blog, n’était pas particuliĂšrement drĂŽle non plus, je pense.

 

Donc, hier soir, j’ai commencĂ© Ă  me dire que ce serait bien, mieux, de respirer aprĂšs ces articles que j’écris depuis bientĂŽt dix jours ou un peu plus. Car, oui, depuis la premiĂšre allocution du PrĂ©sident de la RĂ©publique (mĂȘme le mot «  RĂ©publique Â» me dĂ©range), j’avais perdu la notion du temps. J’avais oubliĂ© la date de l’allocution : Le 16 mars 2020. Il y a 11 jours. 11 jours pour changer d’époque. Et de vie.

 

Enfin, depuis hier ou avant hier, je commençais, je crois, Ă  m’adapter. J’ai achetĂ© plusieurs journaux avant hier afin de lire ce qui se dit et ce qui se passe dans le monde Ă  la fois concernant l’épidĂ©mie. Mais aussi pour sortir la tĂȘte du chaudron. Et ça a marchĂ©, d’acheter ces journaux, de commencer Ă  les lire ( Les Echos, The Times, El Pais, Le Parisien, Le Monde, Le Canard EnchaĂźnĂ© d’autres
.j’en ai eu pour prĂšs de 30 euros de journaux papier. Non, non, les journaux ne se vendent pas tant que ça m’avait-il Ă©tĂ© rĂ©pondu : « Entre choisir de sortir pour faire des courses ou venir acheter le journal, les gens prĂ©fĂšrent aller faire des courses Â» m’avait-il Ă©tĂ© expliquĂ©. Par contre, toujours pas de trace du journal El Watan). 

Ce matin, j’ai aussi changĂ© la chambre Ă  air de la roue arriĂšre de mon vĂ©lo. Je ne crois pas que le Tour de France acceptera de me prendre comme prĂ©parateur de vĂ©los mais je suis nĂ©anmoins arrivĂ© Ă  rendre mon vĂ©lo de nouveau utilisable.

Des pompiers effectuant un Footing hier ou ce matin prĂšs des Galeries Lafayette.

 

Ensuite, je suis allĂ© faire quelques courses- dont du thĂ© Matcha- Ă  propos duquel j’ai lu beaucoup de bien pour la santĂ© en me disant que je n’aurai plus de raison de sortir pendant tout le week-end jusqu’à ma reprise du travail, ce lundi.

 

Mais, dans ma tĂȘte, ça a changĂ© depuis moins d’une heure. Il a suffi d’un message laissĂ© sur mon tĂ©lĂ©phone portable cette aprĂšs-midi alors que je me reposais de ma nuit. Pour l’instant, je n’en n’ai pas parlĂ© Ă  ma compagne. Je la crois plus inquiĂšte que moi vis-Ă -vis de ce qui se passe.

 

Dans ce message, mon ancien collĂšgue infirmier qui est maintenant « faisant fonction de cadre infirmier Â» m’explique qu’il a reçu de nouvelles informations. Qu’il aimerait m’en parler. J’ai compris en Ă©coutant qu’il est question soit d’aller remplacer de jour dans mon service ( je travaille de nuit) ou d’aller dans un service «  Covid Â» de l’hĂŽpital qui m’emploie : Certains patients porteurs de troubles psychiatriques ont contractĂ© le virus. Et, bien-sĂ»r, il convient de les surveiller d’une façon particuliĂšre en raison du risque mĂ©dical et vital. Jusque lĂ , rien d’étonnant au vu des « Ă©vĂ©nements».

 

 

Sauf que ma compagne Ă©tant aussi infirmiĂšre, elle est aussi susceptible que moi d’ĂȘtre sollicitĂ©e pour les mĂȘmes raisons. Et que, elle comme moi, sommes un petit peu au courant
du manque de matĂ©riel de protection pour les soignants (masques, tenues, gel hydro-alcoolique
.). Puisque nous sommes directement concernĂ©s.

 

Dans le journal Les Echos de ce jeudi 26 mars 2020, on apprend par exemple dans l’article  Comment la Chine est parvenue Ă  produire 110 millions de masques par jour ( page 8, signĂ© F.S pour FrĂ©dĂ©ric Schaeffer sans doute) que des milliers d’entreprises chinoises produisent des masques, y compris des entreprises ( tant publiques que privĂ©es), qui, initialement, Ă©taient sur d’autres secteurs ( automobile, Ă©lectronique etc
). L’article se conclut ainsi : « A lui seul, BYD produit 5 millions de masques par jour. Cinq fois plus que la France Â».

 

Sur la mĂȘme page de Les Echos, GuillĂšn del Barrio, un infirmier urgentiste Ă  Madrid, dĂ©clare dans l’article de CĂ©cile Thibaud :

 

«  A Madrid, nous manquons de lits, de matĂ©riel, de personnel, de tout
. Â».

Nous apprenons aussi dans cet article que : « Avec 3.434 dĂ©cĂšs depuis le dĂ©but de l’épidĂ©mie, le pays compte dĂ©jĂ  plus de victimes mortelles que la Chine ( 3.281 selon les chiffres de PĂ©kin).

 

Dans le mĂȘme journal, Ă  la mĂȘme date, toujours, on peut apprendre nĂ©anmoins que la France, pour l’instant, gĂšre (bien) mieux l’épidĂ©mie que les Etats-Unis  ( article Les Etats-Unis, prochain Ă©picentre de la pandĂ©mie mondiale, article de Virginie Robert, page 7.

 

Les Etats-Unis ont mal gĂ©rĂ© l’épidĂ©mie,  d’abord, nous explique Les Echos parce qu’il y a encore un mois, le PrĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump «  dĂ©dramatisant les risques de l’épidĂ©mie, demandait seulement au CongrĂšs
.2,5 milliards de dollars, pour acheter des Ă©quipements de protection et surveiller la progression du virus Â» ( article Washington dĂ©ploie l’artillerie lourde pour sauver son Ă©conomie de VĂ©ronique Billon, page 6, Les Echos du jeudi 26 mars 2020).

 

Sauf que, poursuit le mĂȘme article «  Les Etats-Unis sont devenus entre-temps le troisiĂšme foyer mondial de l’épidĂ©mie de coronavirus derriĂšre la Chine et l’Italie, avec plus de 55.000 cas de contamination, et plus de 800 dĂ©cĂšs, selon le dĂ©compte de l’universitĂ© Johns Hopkins Â».

 

 

Ensuite, la France offre une « assurance-santĂ© quasi gratuite alors qu’elle est liĂ©e Ă  l’emploi aux Etats-Unis Â» (propos de Roland Lescure, dĂ©putĂ© ( LREM) des Français d’AmĂ©rique du Nord, prĂ©sident de la commission des Affaires Ă©conomiques dans l’article intitulĂ© Quand on est dans la tranchĂ©e, on ne s’interroge pas sur le coĂ»t des munitions, signĂ© V.L.B, page 7 toujours dans Les Echos de ce jeudi 26 mars 2020.

 

« Avant mĂȘme d’en mesurer les consĂ©quences, le modĂšle social made in USA en lui-mĂȘme aura participĂ© Ă  la profondeur de la crise : Un quart des salariĂ©s ne bĂ©nĂ©ficient d’aucun congĂ© maladie payĂ© et mĂȘme un sur deux dans les mĂ©tiers les moins rĂ©munĂ©rĂ©s (
.) quel choix, dĂšs lors, avait un salariĂ© lĂ©gĂšrement fiĂ©vreux travaillant dans un hĂŽtel, un restaurant ou un supermarchĂ© ? Â» (article coronavirus : un «  stresse test Â» pour le modĂšle social amĂ©ricain, de VĂ©ronique Le Billon, page 9 Les Echos  du jeudi 26 mars 2020.

 

Autre handicap des Etats-Unis pour gĂ©rer l’épidĂ©mie comparativement Ă  la France, toujours dans le mĂȘme article :

 

« Vu de l’extĂ©rieur, il n’y a qu’un prĂ©sident aux Etats-Unis- Donald Trump. Mais, en rĂ©alitĂ©, cinquante gouverneurs dĂ©cident chacun du degrĂ© de confinement dans leur Etat, sans beaucoup de concertation. Avec un Donald Trump alternant dĂ©ni, prise de conscience et optimisme dĂ©mesurĂ©, l’absence de cap clair aggrave aussi la crise et le « chacun pour soi Â».

 

Le « Chacun pour soi Â», ça peut donner ça (Ă  nouveau, l’article Les Etats-Unis, prochain Ă©picentre de la pandĂ©mie mondiale) :

 

« A Manhattan, l’argent fait plus que jamais la diffĂ©rence pour se procurer au marchĂ© noir des masques vendus Ă  prix d’or ou carrĂ©ment des appareils de ventilation ( s’ils en trouvent) que les plus riches gardent sous le coude, au cas oĂč, rapportent des rĂ©sident effarĂ©s Â».

 

 

NĂ©anmoins, les Etats-Unis ont rĂ©ussi Ă  adopter un plan de sauvetage de «  2.000 milliards de dollars Â» dont « 100 milliards Â» sont destinĂ©s aux « hĂŽpitaux Â» et aux « prestataires de soins Â» ( article PrĂȘts, chĂšques et allĂ©gements de charges : un plan hors normes de V.L.B et N.Ra, page 6 de Les Echos de ce jeudi 26 mars 2020).

 

 

La France aussi fait des efforts avec de moindres moyens financiers. « 100 milliards de dollars Â» aux Etats-Unis pour les hĂŽpitaux et les prestataires de soins ? J’ai oubliĂ© ce que le gouvernement français avait proposĂ© ou a proposĂ© en termes d’aide financiĂšre pour les hĂŽpitaux. Dans les 300 millions d’euros ou quelque chose comme ça, non ?

 

 

De notre cĂŽtĂ©, en France, le « chacun pour soi Â» a aussi commencĂ©. Hier matin en rentrant, j’étais Ă  peine descendu du train dans ma ville que deux ou trois hommes commençaient dĂ©jĂ  Ă  entrer. J’ai dĂ» un peu m’imposer. Il y avait pourtant largement le temps, et la place dans la voiture, pour me laisser sortir. MĂȘme s’il peut y avoir du meilleur chez l’ĂȘtre humain, devant ce comportement,  je me suis demandĂ© ce que ça allait donner aprĂšs deux ou trois semaines de couvre-feu et de confinement.

 

 Un peu plus tĂŽt, dans le service, deux de mes collĂšgues du matin Ă©taient en colĂšre :

Dans la rue, on pouvait voir des personnes porter un masque FFP2 alors qu’il en manquait Ă  l’hĂŽpital. Des stocks de masques et de gel hydro-alcoolique auraient Ă©tĂ© volĂ©s dans des hĂŽpitaux.

Un de mes collĂšgues a affirmĂ© que dans d’autres services de psychiatrie, le personnel Ă©tait fourni en tenues, alors que nous, nous n’en n’avions plus et devions nous contenter de masques chirurgicaux. Il fallait savoir ! Il y a encore peu, en raison de suspicion de coronavirus, nous devions tous porter dans le service une tenue et porter un masque. Et, maintenant, on nous disait que cela n’était plus nĂ©cessaire de porter une tenue. Parce qu’il en manquait ?! Ou parce-que cela n’était plus nĂ©cessaire?! 

 

De nuit, dans mon service, en ce moment, quatre collĂšgues sont en arrĂȘt de travail.

Ce matin, une aide-soignante intĂ©rimaire dĂ©jĂ  venue travailler dans notre service est revenue. Les hĂŽpitaux et les Ă©tablissements de santĂ© (tant publics que privĂ©s) font appel Ă  du personnel intĂ©rimaire ou vacataire depuis au moins trente ans. Ce n’est donc pas une nouveautĂ©. J’ai aussi Ă©tĂ© intĂ©rimaire et vacataire. Et, j’avais mĂȘme entendu dire que sans ce personnel intĂ©rimaire ou vacataire, bien des Ă©tablissements de santĂ© ne pourraient pas tenir. Ceci pour souligner que la pĂ©nurie de personnel soignant qui s’est accentuĂ©e ces dix derniĂšres annĂ©es – en dĂ©cidant de ne pas remplacer le personnel parti ou convalescent, ou en supprimant des postes- a, Ă  mon avis, amplifiĂ© une pĂ©nurie qui Ă©tait dĂ©jĂ  persistante dans les murs des Ă©tablissements de soins.  Un peu comme un incendie Ă  combustion lente.

Et ces choix «  trĂšs avisĂ©s Â» de gestion de personnel, de locaux, de façon de soigner et de planning Ă©claboussent en premier lieu les soignants qui sont dans les services et qui doivent « assurer Â» en servant de contre-feu.

 

On peut se dire que le fait de devoir dĂ©pendre de personnel intĂ©rimaire, donc particuliĂšrement « itinĂ©rant Â», est une incohĂ©rence supplĂ©mentaire dans la gestion de la crise sanitaire actuelle. J’ai prĂ©fĂ©rĂ© voir « dans Â» cette collĂšgue intĂ©rimaire la possibilitĂ© de savoir comment ça se passait dans un autre service de l’hĂŽpital : Celle-ci m’a appris avoir effectuĂ© une mission rĂ©cemment dans un service d’hospitalisation psychiatrique adulte oĂč il n y avait pas assez de matĂ©riel de protection pour tous les soignants. J’en ai donc dĂ©duit- si comme un de mes collĂšgues l’a affirmĂ©, certains services de l’hĂŽpital sont bien Ă©quipĂ©s en matĂ©riel de protection- que tous les services de notre hĂŽpital ne bĂ©nĂ©ficient pas, de maniĂšre Ă©gale, des mĂȘmes moyens de protection en masques, tenues, gels hydro-alcooliques etc
.

 

 

Ce qui nous amĂšne un peu plus au sujet de cet article. Il y a une heure maintenant, je suis allĂ© souhaiter une bonne nuit Ă  ma fille. Pour la premiĂšre fois depuis les mesures relatives au couvre-feu et au confinement dĂ©butĂ©es il y a une dizaine de jours, je l’ai regardĂ©e diffĂ©remment. Alors que ma fille me parlait et me souriait, et m’interrogeait sur le soleil, les Ă©toiles, le carburant, comment ça se fabrique
 mon cerveau se dĂ©doublait. S’il est assez frĂ©quent d’entendre que les hommes ne peuvent pas faire deux choses en mĂȘme temps contrairement aux femmes, cela est faux pour les hommes qui sont pĂšres, Ă©ducateurs ou se sentent responsables de quelqu’un d’autre.

 

Je n’ai pas particuliĂšrement peur, pour l’instant, de mourir du coronavirus en allant au travail. Par contre, l’idĂ©e que ma fille soit exposĂ©e Ă  la perte d’un ou de ses deux parents en raison d’un manque de matĂ©riel de protection alors mĂȘme que « l’on Â» nous demande d’aller au casse-pipe ne passe pas. Ça ne passe pas. On peut me parler de «  hĂ©ros de la Nation Â», de mĂ©daille, de nom de rue, de PanthĂ©on, des « honneurs de la France Â» et de tout ce que l’on veut. Je ne prends pas. A la place de «  HĂ©ros de la Nation Â», j’entends plutĂŽt les termes de «  Couillon de la Nation Â» si je dĂ©cĂšde ou que ma compagne dĂ©cĂšde parce-que nous aurons Ă©tĂ© mis en contact du coronavirus par manque de matĂ©riel. Du fait de mauvais choix rĂ©pĂ©tĂ©s depuis des annĂ©es concernant la façon de gĂ©rer les hĂŽpitaux ainsi que le personnel soignant.

 

Par ailleurs, je n’ai pas Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© d’apprendre que des soignants avaient Ă©tĂ© ostracisĂ©s car leur voisinage craignait qu’ils ne propagent l’épidĂ©mie.

AprĂšs l’épidĂ©mie, je suis curieux de voir ce que l’on nous dira Ă  propos de notre fille quand elle retournera Ă  l’école. Devra-t’elle observer une quarantaine supplĂ©mentaire par rapport aux autres enfants ? Sera-elle suspectĂ©e de pouvoir contaminer l’école ?

Et, mĂȘme nous, les « hĂ©ros Â». On veut des hĂ©ros qui se sacrifient pour nous. Ensuite, si les conditions sont rĂ©unies, et qu’on le souhaite, et aussi selon certains critĂšres, on en choisira quelques unes ou quelques uns que l’on remerciera publiquement. Ou on permettra peut-ĂȘtre Ă  leurs cadavres d’ĂȘtre enterrĂ©s avec des honneurs qui lui Ă©taient interdits de leur vivant oĂč leur statut Ă©tait Ă  peu prĂšs Ă©quivalent Ă  celui d’un ver. On assurera Ă  leurs proches ou Ă  leurs descendants ” toute la reconnaissance” que la Nation leur porte. 

 

Mais il y a nĂ©anmoins des bonnes nouvelles. Dans le journal Les Echos de ce 26 mars que j’ai abondamment citĂ©, il y a plusieurs articles oĂč des personnes louent le numĂ©rique, la trĂšs haute capacitĂ© d’adaptation des Start-Up et les vertus de l’informatique, du tĂ©lĂ©travail, de la « communication Â» etc
que toutes les nouvelles technologies permettent. Puisqu’elles permettent de continuer de travailler, de s’adapter et de rester confinĂ©s.

 

Je ne conteste pas ces atouts. Sauf que ce sont- aussi- des personnes fĂ©rues des nouvelles technologies, des algorithmes et des calculs en tout genre qui ont fini par ĂȘtre convaincues et par convaincre que l’on pouvait tout maitriser Ă  la seconde prĂšs et s’ajuster en permanence aux Ă©vĂ©nements. Cette Ă©pidĂ©mie, et d’autres catastrophes, avant et aprĂšs elle, dĂ©montrent bien le contraire. Quels que soient les rĂ©els avantages que donnent les nouvelles technologies.

 

Et je suis trĂšs sceptique concernant notre monde s’il dĂ©pendait du tout numĂ©rique, du tout informatique. En cas de panne. En cas de virus informatique. En cas de piratage. En cas de dĂ©sinformation. Lorsque l’on voit Ă  quelle vitesse, et dans quelles proportions, une mauvaise information peut dĂ©sormais se transmettre.

 

Il se trouve que, pour moi, notre PrĂ©sident actuel, mais aussi une bonne partie de celles et ceux qui l’entourent que ce soit au gouvernement ou ailleurs qui l’admirent et l’envient sont acquis depuis longtemps Ă  cette conception qui est que le monde Ă©volue et les technologies avec lui. Et que refuser ça, c’est avoir des difficultĂ©s «  Ă  accepter le changement Â». Je ne vois pas de changement dans le fait qu’il y a toujours des milliers voire des millions de personnes qui se font sacrifier ou se doivent de se sacrifier pour quelques uns qui restent bien Ă  l’abri quelles que soient les consĂ©quences de leurs actes et de leurs dĂ©cisions. Et j’ai beaucoup de mal Ă  l’idĂ©e de me sacrifier ou de devoir me sacrifier pour ce genre de personnes. On parle des irresponsables qui ne respectent pas les rĂšgles du confinement. D’accord. Mais ça ne m’empĂȘche pas de voir qu’il y a des responsables tout autant irresponsables mais d’une autre façon concernant la façon de gĂ©rer ma vie.

 

Donc, pour moi, c’est Ă©vident : ma compagne ou moi, ira en renfort ou en remplacement dans un des services « Covid Â» de l’hĂŽpital si nĂ©cessaire.  Je veux bien ĂȘtre celui qui ira. Mais pas nous deux.

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 27 mars 2020.

 

 

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Je l’aimerais peut-ĂȘtre

                                                     

 

 

 

 

 

 

 

Peluches disposĂ©es pour marquer la distance sociale de prĂ©vention sanitaire pendant l’Ă©pidĂ©mie du coronavirus Covid-19.

 

 

 

                                                            Je l’aimerais peut-ĂȘtre

 

J’ai vraiment eu trĂšs peur quand elle m’a dit :

« DĂ©sormais que nous sommes confinĂ©s ensemble, je saurai quand tu mens Â».

 

 

J’ai Ă©crit ça sur ma page Facebook hier soir et ça a permis de faire sourire quelques personnes. J’en suis content. On pourra trouver ce genre d’humour misogyne et facile. Mais ça m’a fait du bien. Il Ă©tait temps de transfĂ©rer un peu d’humour dans ce que j’écris depuis une dizaine de jours.

 

Puis, j’ai failli ajouter :

 

« C’est le moment oĂč jamais de revoir le film The Mask Â».

 

Et, tout Ă  l’heure, je viens de « trouver Â» :

 

« On a l’impression qu’aller faire des courses ou aller au travail est un acte hĂ©roĂŻque tant on prend de risques. Ce soir, je regarderai dans le ciel comme dans Hunger Games pour voir si  j’y reconnais mon visage avec la petite musique Â».

 

 

Mon humour ne plaira pas Ă  tout le monde. Certaines personnes ne le comprendront pas et le trouveront dĂ©placĂ© car ce qui se passe en moment est grave et pesant. Mais ça fait des annĂ©es, depuis l’enfance, que l’humour me permet de m’échapper de certaines situations trĂšs mal embouchĂ©es oĂč l’anĂ©antissement semble le  seul aboutissement possible. Evidemment, j’aimerais permettre Ă  d’autres personnes de s’échapper avec moi par la porte de secours de l’humour. Mais je ne suis pas seul Ă  en dĂ©cider. Et je ne peux pas tout le temps faire «  le clown Â».  Je trouve que faire rire tout le temps revient Ă  en faire des tonnes et, pour ça, je n’envie pas les humoristes professionnels qui se doivent en permanence d’ĂȘtre des athlĂštes de –trĂšs- haut niveau de l’humour et en mesure de prouver rapidement et facilement qu’ils sont « bons Â».

 

Moi,  je ne fais que tenter quelques pirouettes comme on essaie de rĂ©aliser un plat ou de lancer une crĂȘpe en l’air avant de la rattraper. Des fois, ça passe et on est content. D’autres fois, non, et c’est comme ça. Ce n’est pas une raison pour s’arrĂȘter de faire de l’humour si d’autres fois on a pu rĂ©ussir son coup. Et si on a envie de tenter une « figure Â».

 

On parle de mĂ©canique du rire mais il est des moments oĂč le rire arrive parce que nous sommes dans un moment de tension et d’émotion que la « farce Â» rompt  telle une poche des eaux. Et c’est ça qui fait rire ou sourire.  Cet Ă©coulement possible hors de soi  par le rire ou le sourire. Mais personne, je crois, ne peut vraiment le prĂ©voir avec certitude sans tenter cette figure.

 

Confinés 1.

 

En plus austĂšre, j’ai d’emblĂ©e beaucoup aimĂ© ce titre d’une chanson de Jimi Hendrix lorsque je l’ai lue la premiĂšre fois il y a des annĂ©es :

 

« I Woke up this morning And Found Out I Was dead Â». J’ai peu de fois Ă©coutĂ© ce titre. Ce n’est pas celui que je prĂ©fĂšre de lui. Je prĂ©fĂšre le titre Ă  la chanson mais je n’ai pas Ă©coutĂ© les paroles et c’était il y a trĂšs longtemps lorsque j’ai Ă©coutĂ© cette chanson. Peut-ĂȘtre faudrait-il que je la rĂ©Ă©coute lorsque je serai mort. Et, alors, je l’aimerais peut-ĂȘtre.  

 

En attendant, je prĂ©fĂšre des titres comme If 6 was 9 ;  Castles made of sand ; Bold Love et d’autres
..

 

Confinés 2.

 

 

Franck Unimon, vendredi 27 mars 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ce serait facile

  

                                                   Ce serait facile

 

«  Aux Grands Hommes La Patrie Reconnaissante Â» peut-on lire Ă  l’entrĂ©e du PanthĂ©on.

Je vais finir par connaĂźtre cette phrase par cƓur. Mais il y a une autre affirmation que depuis le couvre-feu dĂ©cidĂ© la semaine derniĂšre, l’épidĂ©mie du Coronavirus Covid-19 va continuer de m’apprendre pendant plusieurs semaines :

 

« Hier Ă  l’abandon, aujourd’hui, les soignants des hĂŽpitaux publics sont les hĂ©ros de la Nation Â».

 

L’épidĂ©mie est dĂ©rangeante car en plus de nous dĂ©sarmer et de tuer, elle nous oblige Ă  comprendre que notre mĂ©moire est changeante. MĂȘme si des monuments prĂ©sents depuis des siĂšcles sont lĂ  pour nous rappeler l’Histoire.

 

Cela a Ă©tĂ© facile d’oublier l’Histoire des hĂŽpitaux publics. MĂȘme moi, je la connais peu.

 

Mais je me souviens encore que les mouvements de contestation des soignants  existent depuis plus d’une gĂ©nĂ©ration : ils n’ont pas dĂ©butĂ© « seulement Â» en 2004 ou en 2005 avec la T2A, depuis dix ans ou quelques mois comme on peut encore le lire.  

 

A la fin des annĂ©es 80, dĂ©jĂ   (au 20Ăšme siĂšcle). Cela serait trĂšs facile de continuer de l’oublier.

 

Comme cela serait trĂšs facile de croire qu’une prime et une revalorisation salariale vont suffire, comme d’autres fois, Ă  gagner du temps, alors que les hĂŽpitaux publics, comme d’autres institutions publiques, sont le miroir de la sociĂ©tĂ© mais aussi son socle.

 

Cela a Ă©tĂ© trĂšs facile de l’oublier. De l’ignorer. De (se) regarder dans d’autres miroirs. De « gĂ©rer Â» le sujet. De considĂ©rer qu’il y avait d’autres prioritĂ©s.   

 

Et l’épidĂ©mie s’est imposĂ©e. C’est l’équivalent d’un Krach en bourse- mais en direct- que peu de personnes ont vu venir. Sauf que donner de l’argent, du matĂ©riel, s’ils font partie de la solution, ne vont pas suffire. Il va falloir donner de la pensĂ©e, du temps et du futur qu’on a bradĂ©. Donner ce que l’on n’a pas ou plus que ce que l’on a, c’est souvent ce que l’on fait Ă  l’hĂŽpital tandis que d’autres prennent beaucoup plus qu’ils ne donnent. Ce n’est pas nouveau dans notre sociĂ©tĂ©. Ce serait facile de l’oublier.

 

Il va falloir rendre une autre vision du monde plutĂŽt que de continuer Ă  contribuer Ă  sa division. Car, aujourd’hui, la division du monde est blindĂ©e et couverte par l’épidĂ©mie.

 

Ce serait facile de croire qu’aprĂšs elle, nous serons prĂȘts, que nous aurons tout prĂ©vu, que nous aurons tout modĂ©lisĂ© et serons capables de tout maitriser. C’est ce que nous avons cru avant l’épidĂ©mie. 

 

Franck Unimon, jeudi 26 mars 2020.

 

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Contrainte et motivation

 

                                                            Contrainte et motivation

 

J’étais en train de sortir mon vĂ©lo de son local lorsque j’ai entendu un bruit Ă©trange.  C’est peut-ĂȘtre ce son particulier- Ploc-ploc- qui m’a d’autant plus donnĂ©, instinctivement, l’idĂ©e de tĂąter mon pneu arriĂšre. Il Ă©tait crevĂ©. Je me suis dit :

 

Soit j’ai trĂšs mal mis ma chambre Ă  air arriĂšre la derniĂšre fois (il y ‘a deux ou trois mois tout au plus). Soit la nouvelle chambre Ă  air, un premier prix, que j’avais mise Ă©tait de trĂšs mauvaise qualitĂ©. J’ai un moment pensĂ© Ă  une de mes collĂšgues, qui, lors de la grĂšve des transports en DĂ©cembre, pour protester contre la rĂ©forme des retraites, avait crevĂ© deux fois en l’espace de quelques jours.

 

Fort heureusement, j’avais des chambres Ă  air de rechange, en principe de bonne qualitĂ© vu le magasin de cycles oĂč je les avais achetĂ©es. Du temps de la grĂšve des transports en DĂ©cembre. Ce magasin, aujourd’hui, est sĂ»rement dĂ©sormais fermĂ©  depuis le couvre-feu consĂ©cutif Ă  l’Ă©pidĂ©mie. 

 

Mais je ne pouvais pas me permettre de prendre le temps de changer la chambre Ă  air de mon pneu arriĂšre.

 

Le local oĂč je mets mon vĂ©lo est Ă  dix minutes Ă  pied de chez moi. En m’y rendant, je m’éloigne de la gare
de dix minutes. Il devait ĂȘtre entre 19h30 et 19h40. Je reprenais le travail Ă  21h. Avec la diminution des transports, le fait que je ne m’étais pas renseignĂ© sur les horaires de train, impossible pour moi de savoir quand j’aurais un train. Mais j’avais bon espoir.

 

J’ai laissĂ© mon casque, mes lunettes et mon bidon d’eau dans le local. Fort heureusement, j’avais toujours sur moi mon Pass Navigo. J’allais devoir prendre les transports en commun pour aller au travail.

 

A la gare, premiĂšre information aprĂšs avoir passĂ© les portes de validation « ouvertes Â» :

 

Le prochain train, direct pour Paris St Lazare arrivait trente minutes plus tard. Soit entre 20h15 et 20h20. Je pouvais donc, dĂ©sormais, ĂȘtre en retard alors qu’avec mon vĂ©lo en Ă©tat de marche, je serais arrivĂ© avec quelques minutes d’avance.

 

Je suis repassĂ© chez moi. J’ai expliquĂ© ce qui se passait Ă  ma compagne. Je me suis changĂ©. J’étais prĂȘt Ă  prendre mes baskets afin d’aller au travail en footing depuis St Lazare. J’avais commencĂ© Ă  enfiler mon collant de footing. Ma compagne m’en a dissuadĂ© : j’avais dĂ©jĂ  fait assez d’efforts physiques cette semaine en m’y rendant Ă  vĂ©lo. Et, lĂ , d’un seul coup, je me prenais pour « un grand sportif ?! Â».

Je lui ai rĂ©pondu : «  Mais je suis un sportif ! Â». Un ancien sportif, Ă©videmment. Qui a vieilli en plus.

J’ai Ă©coutĂ© ma compagne. Je me suis habillĂ© comme quelqu’un qui allait prendre toute la chaine des transports en commun depuis chez lui.  A aucun moment, je n’ai envisagĂ© de prendre ma voiture. Le temps moyen habituellement pour me rendre Ă  mon travail en transports en commun est d’environ 45 minutes. Contre 1h05 au mieux Ă  vĂ©lo. Si je ne traine pas. Si les feux de circulation sont «clĂ©ments».

Comme on me l’avait dit, assez peu de monde dans le train. Par contre, en approchant de St Lazare, le train se met  au ralenti. Cela fait quelques minutes que je suis devant les portes pour sortir lorsqu’un homme d’une trentaine d’annĂ©es vient se placer Ă  cĂŽtĂ© de moi, sur ma droite, sans vraiment donner l’impression de tenir compte de la distance de prĂ©vention sanitaire de un mĂštre. As usual. Cet homme qui a mis du  Â« sent-bon Â»  croit peut-ĂȘtre que le parfum le protĂšge du virus.  Alors que le train se rapproche un peu plus de St Lazare,  je me surprends Ă  sentir se dĂ©placer en moi une certaine agressivitĂ© :

Je pourrais frapper cet homme. Juste parce-que, lĂ , alors qu’il y a tout l’espace nĂ©cessaire pour respecter une certaine distance, il est venu se mettre lĂ , juste Ă  cĂŽtĂ© de moi. Je tourne ma tĂȘte dans le sens opposĂ© Ă  sa prĂ©sence et attends la dĂ©livrance.

Cette rĂ©action ne me ressemble pas. En temps ordinaire, mĂȘme dans un train ou dans un mĂ©tro bondĂ©, je fais avec. Mais lĂ , coronavirus Covid-19 + sentiment d’enfermement dans les transports en commun+ les contrĂŽles de police ou de contrĂŽleurs font que je suis montĂ© dans ce train, auquel je n’ai pu Ă©chapper ce soir, sans doute avec un certain Ă©tat de tension inhabituel.

 

Le train arrive Ă  quai. J’ouvre et je me porte sur le quai. Je redĂ©couvre la gare St Lazare aprĂšs quelques jours de trajet Ă  vĂ©lo. 

TrĂšs vite, je m’aperçois qu’il m’est impossible de choisir l’endroit oĂč je vais prendre les escalators. La gare est quadrillĂ©e. Des sorties habituellement « praticables Â» sont barrĂ©es par des bandes adhĂ©sives blanches et rouges. Nous sommes arrivĂ©s sur la voie 26 ou 27. Il nous faut tourner Ă  droite et aller jusqu’aux premiĂšres voies de la gare pour accĂ©der Ă  la sortie. Je comprends Ă©videmment les raisons sanitaires de ce parcours mais j’ai l’impression que nous sommes traitĂ©s comme du bĂ©tail.

 

Enfin, la sortie de la gare. Juste devant, quatre ou cinq policiers en bas des escalators en tenue. Des gorilles. Ils doivent bien faire entre 100 et 120 kilos chacun. Noirs, crĂąne rasĂ©, sans masque sur le visage. Ils sont dĂ©tendus et ont l’air trĂšs sĂ»rs d’eux. Pas de contrĂŽle. Tant mieux. En passant, je me dis que leur assurance est une erreur. MĂȘme si je sais que le port du masque n’est pas obligatoire dehors en l’absence de symptĂŽmes,  je sais aussi que l’on peut ĂȘtre un «  trĂšs beau bĂ©bĂ© Â» et se faire aplatir mĂ©chamment Ă  coups de massue par un tout petit virus de rien du tout.

 

Je suis obligĂ© de me presser pour prendre le mĂ©tro automatisĂ© et sans conducteur de la ligne 14 car le prochain arrive dans cinq minutes. Il y en a moins que d’habitude. Et je n’ai pas envie de prendre le prochain. Je suis dedans. Le mĂ©tro est Ă  peine parti qu’un homme vient me demander l’heure. Plus ou moins SDF, plus ou moins passager. Habituellement, je rĂ©ponds tranquillement. LĂ , je rĂ©ponds mais Ă  distance. Je suis mĂ©fiant. Pour raisons sanitaires.

 

AprĂšs lui, c’est une jeune femme d’une trentaine d’annĂ©es qui passe. Sac chargĂ© sur le dos, un ou deux autres sacs Ă  la main, elle non plus, n’est pas trĂšs angoissĂ©e comme celui qui m’a demandĂ© l’heure. Elle, ce qu’elle voudrait, c’est une petite piĂšce. Elle m’explique que les foyers n’ont pas voulu d’elle ou qu’il n y’a pas de place pour elle. Elle accepte mon refus de lui donner une piĂšce avec un sourire de comprĂ©hension et poursuit sa quĂȘte dans le mĂ©tro.

 

C’est Ă  la gare de Lyon, ou j’hĂ©site un peu entre les diffĂ©rentes sorties, en commençant Ă  marcher, que je m’aperçois que je suis comme la roue arriĂšre de mon vĂ©lo : crevĂ©.

En traversant la Seine, j’aperçois le mĂ©tro aĂ©rien de la ligne 5 qui se dirige vers la gare d’Austerlizt. Je me dis que je vais tenter le prendre vu mon Ă©tat de fatigue. Et mon retard. Car, oui, dans Ă  peine une ou deux minutes, je serai en retard au travail. J’avais prĂ©venu les collĂšgues qui m’avaient dit que ça allait aller. Dont une collĂšgue de jour qui m’a dit qu’elle pourrait attendre. NĂ©anmoins, j’aurais aimĂ© ĂȘtre Ă  l’heure.

 

En montant les marches pour prendre le mĂ©tro ligne 5, je croise Ă  nouveau un SDF, assis tranquillement. Je ne sais pas si c’est parce qu’il y a nettement moins de monde dehors et qu’on les voit plus mais ça donne l’impression que les transports en commun, Ă  cette heure, deviennent leur territoire.

 

 

Le temps de me changer, de remettre la tenue de bloc avant d’aller dans le service, j’ai bien prĂšs d’une demie heure de retard. La nuit se passe bien. Mais je vĂ©rifie Ă  nouveau que lorsque l’on est fatiguĂ©, le moral descend. Mon autodiagnostic se fait au petit matin :

Je suis dĂ©primĂ©. Lorsque l’intellect reste aussi affĂ»tĂ© alors que notre moral, Ă©moussĂ©, se fait poussif, c’est que l’on est dĂ©primĂ©.

 

Je me demande ce qui me dĂ©prime. Je ne crois pas ĂȘtre dĂ©jĂ  Ă©puisĂ© physiquement. Le contexte peut-ĂȘtre. Ce n’est pas une pĂ©riode festive. Oui, je crois que c’est ça. Le contexte. La charge anxiogĂšne massive  que l’on s’est tous pris dans la figure, tous azimuts, en quelques jours.

 

Je « sais Â» aussi qu’ĂȘtre dĂ©primĂ©, avoir un moment de dĂ©prime, fait partie de ces moments oĂč l’on est en train de s’adapter, corps et Ăąme, Ă  un stress important. Ce qu’il faut, c’est ne pas se laisser border depuis l’écume de la dĂ©prime vers l’enclume de la dĂ©pression.

 

En pĂ©riode de guerre ou d’épreuve, on s’attache beaucoup aux hĂ©roĂŻnes, aux hĂ©ros, Ă  celles qui ont du charisme, des gestes magnifiques et dĂ©finitifs mĂȘme si ces gestes, surtout si ces gestes Ă©chouent ainsi qu’Ă  celles et ceux qui accomplissent des exploits. Mais tout le monde compte dans un conflit comme dans cette Ă©pidĂ©mie. N’importe quelle action peut avoir son importance. Pour ma part, j’attache toujours beaucoup d’importance au fait de rester d’humeur Ă©gale. Et aussi de faire rire. Mais rester d’humeur Ă©gale ou faire rire lorsque votre moral Ă©choue voire vous « tue Â», cela demande beaucoup d’efforts.

 

Alors, je fais au mieux avec ma collĂšgue de nuit. Nous faisons notre travail. Nos relations restent correctes. Et, le matin, je prends sur moi lorsque notre premiĂšre collĂšgue de jour arrive. Je rĂ©ussis Ă  me dĂ©coincer question humour lorsque la deuxiĂšme collĂšgue de jour arrive. Contrairement Ă  ses habitudes, elle a lĂąchĂ© ses cheveux. Elle a un peu le visage serrĂ©. Peut-ĂȘtre la contrariĂ©tĂ© au vu du contexte, de son retard. Mais je m’entends bien avec elle. Alors, je la chambre avec ses cheveux lĂąchĂ©s : «  Caliente ! Caliente ! Â». Elle sourit. Nous rions tous. Je commence Ă  me dĂ©sengager un peu de cette dĂ©prime.

 

Avant de partir du service, je prends une bonne douche. J’ai dĂ©cidĂ© d’en faire un rituel depuis le couvre-feu. Que ce soit pour des raisons tant sanitaires que morales. Prendre une bonne douche avant de partir du travail. Et, comme d’habitude, avant la douche, prendre un petit-dĂ©jeuner. Je bois du thĂ© vert japonais depuis deux ou trois ans. Et depuis quelques mois,  du thĂ© Gyokuro en particulier. Ce n’est pas pour frimer. J’aime le thĂ© vert japonais. J’ai bien-sĂ»r lu que c’était bon pour la santĂ© : antioxydants etc


 

J’utilise aussi quelques huiles essentielles. Ma collĂšgue de nuit et moi commençons Ă  avoir un rituel. Une goutte d’huile essentielle de Tea-Tree sur un poignet. On frotte ensuite sur notre autre poignet. Et on respire aussi un peu l’odeur en faisant attention Ă  nos yeux. J’utilise aussi l’huile essentielle de Niaouli, de Ravintsara. Nous restons dans une pĂ©riode de l’annĂ©e oĂč les tempĂ©ratures sont fraĂźches. Et, bien-sĂ»r, se laver les mains avec du savon rĂ©guliĂšrement. Maintenir autant que possible la distance sociale du mĂštre. Mais ce n’est pas toujours possible lorsque l’on prend la tempĂ©rature d’un patient. Qu’on lui donne son traitement. Il y a la distance sociale de prĂ©vention sanitaire. Et il y a la distance sociale relationnelle. Les deux distances peuvent se gommer mĂȘme si nous ne sommes pas Ă   la distance d’un slow lors de nos Ă©changes avec les patients .

 

Ce matin-lĂ ,  en quittant le service, je suis ensuite allĂ© interroger silencieusement le PanthĂ©on :

” Aux Grands Hommes, La Patrie Reconnaissante”. Qu’est-ce que ça veut dire ?

Et j’ai Ă  nouveau pris des photos comme j’en parle dans mon article Manu Dibango. Puis, je suis allĂ© prendre des photos de Notre Dame que je n’étais pas allĂ© revoir depuis des annĂ©es. MĂȘme lors de son incendie si mĂ©diatisĂ©.

 

J’aime prendre des photos car on peut dire beaucoup de choses avec une photo sans un seul mot.

J’aime prendre des photos car je trouve que c’est un bon anxiolytique.

J’aime prendre des photos car elles nous permettent de nous constituer une mĂ©moire de moments dont on ne mesure pas toujours l’importance.

Enfin, j’aime prendre des photos car en les revoyant ensuite, on voit souvent ce que l’on ne voit pas au moment prĂ©sent.

 

Je prends mon temps pour rentrer ce matin-lĂ . Je sais qu’une fois rentrĂ©, je resterai enfermĂ©. Peut-ĂȘtre que je prends mon temps aussi afin de continuer de me dĂ©toxiquer de mes Ă©motions nĂ©fastes. Bien-sĂ»r, j’ai prĂ©venu ma compagne. Je croise quelques policiers qui font des contrĂŽles. Personne ne m’arrĂȘte. Il fait trois degrĂ©s. 

 

En rentrant chez moi, je m’empresse de me rĂ©chauffer le plus possible. Je ne veux pas attraper froid.  Cela me contrariait de devoir rester chez moi pour cause de rhume ou de grippe surtout aussi tĂŽt dĂšs les premiers jours du couvre-feu pour rĂ©pondre Ă  l’Ă©pidĂ©mie. Pour une raison que je ne peux pas m’expliquer, je tiens particuliĂšrement Ă  “assurer” mes horaires de travail dans le service.Et, je dĂ©ploie tout un arsenal de boissons chaudes et autres : citron, cannelle, miel etc….Je mange mĂȘme les feuilles du thĂ© Gyokuro aprĂšs les avoir utilisĂ©es plusieurs fois. J’ai appris il y a environ deux mois lors d’un sĂ©jour dans la rĂ©gion d’Angers par le revendeur de thĂ© que les amateurs du thĂ© Gyokuro finissaient par en manger les feuilles.  Je mange d’abord quelques bouchĂ©es de feuilles de thĂ© Gyokuro comme ça. Puis, pendant notre dĂ©jeuner, j’essaie de les accommoder avec de la sauce de soja au citron. J’ai prĂ©fĂ©rĂ© sans. 

 

J’Ă©chappe au froid. Cette nuit-lĂ , Ă  3 heures du matin, j’entends ma fille en pleurs. Ces derniers temps, j’ai laissĂ© ma compagne s’en occuper. Je l’entends avant ma compagne.

Cette fois,  je vais voir notre fille. Pourquoi tu pleures ? Elle m’explique. Assez vite, je me montre ferme. Car j’estime qu’elle est capable d’autre chose que de pleurer et d’attendre que Ma-man ou Pa-pa monte pratiquement Ă  la moindre contrariĂ©tĂ© pour rĂ©soudre le problĂšme dont elle me fait part. Un problĂšme qu’elle a dĂ©jĂ  rencontrĂ© maintes et maintes fois. Pour lequel, sa mĂšre et moi, nous l’avons entraĂźnĂ©e maintes et maintes fois. Donc, moi, son pĂšre, j’estime que notre fille, au vu de ses multiples expĂ©riences, est capable d’autre chose que de pleurer et d’attendre que la solution vienne de nous. D’autant qu’en pareille situation, elle a dĂ©jĂ  « rĂ©ussi Â» bien des fois.

Résistance et refus de ma fille. Elle déploie son attirail : bras croisés, tape du pied, pleurs, mal-soudain- au genou.

Je commence Ă  me fĂącher vraiment.  Tu peux taper du pied, croiser les bras, donc, tu as l’énergie qu’il faut pour rĂ©soudre ton problĂšme. Ma fille avance au ralenti et commence Ă  s’engager. Finalement, sa mĂšre vient nous rejoindre. Vous allez rĂ©veiller “tout le monde” dans l’immeuble ! Moi, je m’en fiche de rĂ©veiller tout l’immeuble. D’une, je ne crois pas que nous allons rĂ©veiller tout l’immeuble. D’autre part, cĂ©der devant un enfant parce-que l’on a peur de faire du bruit ou de se faire remarquer, quelle erreur ! Ensuite, notre fille peut faire bien mieux que ce qu’elle fait. Elle n’est pas dĂ©bile. Elle n’est pas handicapĂ©e. Elle n’est pas un bĂ©bĂ©. Elle n’est pas une victime. Ce n’est pas une petite malheureuse abandonnĂ©e dĂšs sa naissance dans un orphelinat mal famĂ©. Et, ce n’est pas elle qui commande nos nuits !

Maman-sauveuse engueule tout de mĂȘme notre fille. Mais, pour moi, ça fait trop de bĂ©nĂ©fices vu le nombre de fois oĂč ce genre de rĂ©veils et de sollicitations nocturnes se rĂ©pĂšte. Et, cette nuit, en plus, deux parents pour une seule enfant ! Qui plus est pour une enfant capable de faire beaucoup mieux. Je le dis avant de quitter la scĂšne. Et je prĂ©dis Ă  ma fille que La fessĂ©e va arriver un de ces jours ! Que maman soit d’accord ou pas d’accord !

 

Ce qui s’est passĂ© cette nuit est une raison supplĂ©mentaire pour passer la journĂ©e du lendemain (hier) avec ma fille. Le matin, aprĂšs les retrouvailles affectueuses, ma fille se rappelle du pain au chocolat que je lui ai achetĂ© la veille pour le petit-dĂ©jeuner. Je le lui avais appris au moment du coucher aprĂšs lui avoir massĂ© le dos ainsi que les pieds. Notre fille avait Ă©tĂ© trĂšs contente d’apprendre que je lui avais achetĂ© un pain au chocolat. Elle m’avait embrassĂ© sur la tĂȘte et m’avait dit, contente : ” Tu penses Ă  tout !”. Ce matin, aprĂšs le bonjour affectueux,  je lui reparle du “cinĂ©ma” de cette nuit. Oui, elle s’en souvient un peu. Elle me dit de quoi elle se souvient. Je complĂšte et lui passe un savon. Ma fille marque d’abord le coup. Puis, aprĂšs quelques minutes,  elle commence Ă  soupirer et me dit :

«  Je m’ennuie
. Â». Je lui dis que cette nuit, c’est moi qui soupirais. Et qu’il aurait fallu qu’elle soit aussi grande qu’elle se montre maintenant. Tu t’ennuies ? Tu vas aller passer un peu de temps dans ta chambre. Tu as faim ? On verra aprĂšs.

 

AprĂšs le petit-dĂ©jeuner (environ cinq minutes plus tard) tout se passe bien. Jusqu’à ce qu’un moment, mademoiselle fasse traĂźner les choses lorsqu’il s’agit d’aller se brosser les dents. Quelques minutes plus tĂŽt, elle Ă©tait d’accord lorsque je l’ai prĂ©venue. LĂ , lorsque je l’appelle, il faut qu’elle ait prĂ©cisĂ©ment quelque chose Ă  faire. Jouer par exemple. Installer tel jouet comme ça. Et celui-ci comme ça. Je confisque. Et je mets ça en haut de l’armoire. Direction la salle de bain oĂč le brossage de dents se dĂ©roule sans trop de façons. Puis, dans quelques minutes, ce sera les devoirs. D’accord.

 

Je suis en train de repasser et j’entends un bruit suspect. J’appelle ma fille. Non, non, je ne touche Ă  rien ! Me dit-elle. Je me dis que j’ai peut-ĂȘtre imaginĂ© des choses. Que je suis trop dans le contrĂŽle.

 

Quelques minutes plus tard, je suis en train de me brosser les dents quand j’ai une « Ă©claircie Â». Je vais voir ce que j’ai confisquĂ©. Ce n’est plus en haut de l’armoire. A la place, il reste une trace du dĂ©lit par terre devant l’armoire. Saisie par mon interpellation quelques minutes plus tĂŽt, ma fille n’aura pas pensĂ©, ensuite, Ă  venir rĂ©cupĂ©rer ce qui restait du crime. Je rappelle ma fille. Je suis ferme et calme. Je la confonds sans problĂšme. Je lui demande de remettre en haut de l’armoire exactement ce que j’y avais mis. Elle s’exĂ©cute. Elle prend un tabouret, monte et remet tout en haut de l’armoire. Voyant l’ingĂ©niositĂ© ainsi que l’audace ( audace que je ne dĂ©couvre pas tant que ça) je lui dis :

« Tu vois, lĂ , tu n’as pas eu besoin de moi pour rĂ©cupĂ©rer tes jouets dĂšs que j’ai eu le dos tournĂ©. Et je ne t’ai pas entendu pleurer ! Tu as mĂȘme pu me mentir. C’est ça que je veux, la nuit ! Tu rĂšgles ton problĂšme sans nous solliciter ta mĂšre et moi ! Â».

 

Ce matin, au rĂ©veil, ma fille m’a sautĂ© dans les bras, trĂšs contente de me faire savoir que, cette nuit, elle avait su rĂ©gler son problĂšme toute seule, sans nous rĂ©veiller sa mĂšre et moi. Elle m’a rĂ©pondu que c’était facile et m’a expliquĂ© comment elle s’y Ă©tait prise. Je l’ai fĂ©licitĂ©e.

 

Par cet exemple, j’ai compris que devant une certaine contrainte, pour peu que ma fille ait la motivation et l’envie nĂ©cessaire d’atteindre son but, qu’elle savait dĂ©ployer son intelligence et son corps de maniĂšre adĂ©quate. Sans cette motivation et cette envie, la contrainte, voire le dĂ©couragement, prennent rapidement le dessus et son rĂ©flexe est de se dĂ©courager, de refuser de faire des efforts…et d’appeler au secours alors qu’elle est parfaitement capable de s’en sortir toute seule. Sa mĂšre et moi ne sommes pas des ThĂ©nardier : notre fille le sait plus que parfaitement. Elle est habituĂ©e Ă  pouvoir compter sur notre disponibilitĂ©. Voire, sur notre culpabilitĂ©, si nous la laissons trop dans la difficultĂ©, la pauvre petite ! 

 

 

Vis-Ă -vis de l’épidĂ©mie, nous sommes pareils. Chacun a un seuil personnel de contrainte et d’effort qu’il peut supporter. Et notre motivation et notre envie varient aussi afin d’atteindre notre but. Il convient donc, bien-sĂ»r, au besoin, de savoir s’entourer de personnes qui peuvent nous aider Ă  maintenir un niveau de motivation et d’envie suffisant afin d’accepter certaines contraintes, de rĂ©aliser certains efforts, en vue de surmonter un obstacle comme celui de l’épidĂ©mie.

Cet entourage peut faire montre de fermetĂ©. Mais il doit aussi ĂȘtre bienveillant. Associer les deux attitudes est difficile, surtout sur la durĂ©e.  Et je rappelle que chez l’ĂȘtre humain, selon ce que je comprends, la norme, c’est l’extrĂȘme : Donc, souvent, l’ĂȘtre humain fait montre soit  de trop de fermetĂ©, soit de trop de bienveillance.Il y a bien-sĂ»r des lois et des rĂšgles ou des protocoles. Mais celles et ceux qui les font appliquer sont des ĂȘtres humains. Il y a donc souvent du bon. Mais aussi du mauvais selon les circonstances.  Et je ne suis pas pressĂ© que l’informatique ou des robots prennent le contrĂŽle en ce qui concerne l’application des lois : certains ĂȘtres humains se comportent dĂ©ja suffisamment comme des robots borgnes et bornĂ©s. 

 

Au vu de ce que j’écris ce matin, on peut considĂ©rer que je vais mieux qu’avant hier soir. Sauf que l’épidĂ©mie est une Ă©preuve d’endurance. Il s’agit donc de savoir se mĂ©nager.  De rester prudent. De s’aĂ©rer la tĂȘte dĂšs qu’on le peut par des moyens autorisĂ©s qui sont compatibles avec les recommandations sanitaires. Faute de ne pas rĂ©ussir Ă  s’aĂ©rer, certaines personnes Ă©chapperont nĂ©anmoins au coronavirus covid-19, mais elles risquent d’ĂȘtre particuliĂšrement Ă©puisĂ©es moralement et physiquement aprĂšs l’épidĂ©mie. Un autre effet secondaire Ă  l’Ă©pidĂ©mie est le risque d’accoutumance Ă  cette pĂ©riode que nous vivons. Cela peut paraĂźtre paradoxal mais nous vivons quand mĂȘme une pĂ©riode qui nous engage d’une maniĂšre particuliĂšre et, mĂȘme si cela peut nous demander certains efforts, voire de grands efforts, certaines personnes peuvent trouver dans cette Ă©preuve un sentiment d’existence dĂ©cuplĂ© car il s’agit de donner le meilleur de soi.

 

Cette pĂ©riode de contrainte peut aussi ĂȘtre une pĂ©riode de grande crĂ©ativitĂ©. Je le perçois Ă  travers mes articles mĂȘme si je les trouve “trop” stimulĂ©s par l’omniprĂ©sence de l’Ă©pidĂ©mie dans nos pensĂ©es.

Notre vie habituelle peut nous empĂȘcher de donner le meilleur de nous-mĂȘmes car nous nous sommes parfois laissĂ©s enfermer dans un sillon dont on a du mal Ă  sortir. Alors, que, lĂ , au cours de cette Ă©pidĂ©mie, nous n’avons pas le choix et nous avons une cause Ă  dĂ©fendre qui est celle, en principe, du plus grand nombre : survivre. Jaillir hors du sillon tout tracĂ©. Ou que l’on soit.

MĂȘme s’il semble que l’Ă©pidĂ©mie du coronavirus covid-19 touche certaines rĂ©gions du monde mais pas toutes. Une aide-soignante intĂ©rimaire d’origine thaĂŻlandaise particuliĂšrement volubile m’a rĂ©cemment assurĂ© qu’il y avait peu de personnes touchĂ©es par le coronavirus covid-19 en ThaĂŻlande. Elle m’a mĂȘme donnĂ© le nom d’un traitement qui, Ă  l’entendre, serait trĂšs bon Ă  prendre de maniĂšre prĂ©ventive. Je n’ai pas su quoi faire de cette information. D’un cĂŽtĂ©, sa sollicitude m’a fait plaisir. D’un autre cĂŽtĂ©, je me suis dit qu’avec la peur de la mort, il devait sĂ»rement y avoir plein de personnes prĂȘtes Ă  tout prendre comme traitement si on leur garantissait que celui-ci pouvait les sauver. 

 

Il y a deux nuits, j’avais massĂ© ma fille et ma compagne. Le dos de ma fille, un peu son thorax, ainsi que ses pieds. Et le dos de ma compagne.  Une goutte d’huile essentielle de Niaouli et de Ravintsara dans de l’huile vĂ©gĂ©tale pour notre fille. Une goutte d’huile essentielle de girofle et de Niaouli ( dans de l’huile vĂ©gĂ©tale) pour ma compagne qui m’a ensuite rendu la politesse.

 

Je pense que se faire masser habillĂ©  (donc sans huile essentielle et sans huile vĂ©gĂ©tale) peut aussi ĂȘtre un bon moyen de s’aĂ©rer et de rĂ©cupĂ©rer physiquement et moralement. Ça fait du bien Ă  la personne massĂ©e, si elle est Ă  l’aise avec le fait d’ĂȘtre massĂ©e. Et ça peut aussi faire du bien Ă  la personne qui masse. Pour les personnes confinĂ©es, ça peut ĂȘtre un plus. En l’absence d’huile essentielle ou d’une huile vĂ©gĂ©tale dite de « massage Â», on peut utiliser un peu d’huile d’olive si possible bio. Le massage peut se faire en musique ou sans musique mais autant que possible dans une atmosphĂšre dĂ©tendue. Je parle Ă©videmment de massage bien-ĂȘtre. 

 

 

Franck Unimon, mercredi 25 mars 2020.

 

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Manu Dibango

 

 

 

 

                                                      Manu Dibango

 

 

 

Hier matin, en sortant du travail, je suis retournĂ© devant le PanthĂ©on. Il faisait trois degrĂ©s. J’étais retournĂ© lĂ  car, aprĂšs l’avoir plusieurs fois Ă©voquĂ© dans des articles prĂ©cĂ©dents ( tel que Gilets jaunes, samedi 14 mars 2020 par exemple),  je voulais, cette fois-ci, silencieusement interroger ce symbole :

 

« Aux Grands hommes, La Patrie Reconnaissante Â»

 

J’ai Ă  nouveau pris des photos. Puis, j’en ai profitĂ© pour aller voir du cĂŽtĂ© de Notre Dame pour laquelle des milliardaires ont Ă©tĂ© prĂȘts Ă  mettre la main Ă  la poche afin de la faire reconstruire. Alors que l’on entend moins parler de ces milliardaires et de bien des cĂ©lĂ©britĂ©s quand il s’agit de rĂ©parer les hĂŽpitaux publics.

 

 

J’avais prĂ©vu de me servir de ces photos pour illustrer un article qui devait s’appeler :

 

Le silence des organes.

 

J’ai pris des notes pour Ă©crire cet article. Je savais qu’il serait long. J’étais inspirĂ©.

Je pourrais encore l’écrire. Mais je me suis dit qu’il y avait d’autres prioritĂ©s. Que je m’étais dĂ©jĂ  suffisamment exprimĂ© sur l’épidĂ©mie que nous connaissons. Qu’il me fallait revenir Ă  d’autres sujets davantage pourvoyeurs de vie.

 

« Le silence des organes Â» est une expression que j’avais dĂ©couverte Ă  la fin des annĂ©es 80 Ă  l’hĂŽpital de Nanterre qui s’appelait encore la Maison de Nanterre. Laquelle Ă©tait, Ă  ce que m’en avait dit ma mĂšre, une ancienne prison pour femmes.

La Maison de Nanterre Ă©tait aussi le « havre Â» de certains SDF. J’ai connu cet hĂŽpital dĂšs mon enfance. Ma mĂšre y a Ă©tĂ© aide-soignante pendant des annĂ©es dans un service de rĂ©animation. Et deux de mes tantes y ont aussi travaillĂ©.  

 

Lors d’un de nos cours, pendant mes Ă©tudes d’infirmier, nous avions rĂ©flĂ©chi Ă  la dĂ©finition que nous pourrions donner au fait d’ĂȘtre en bonne santĂ©. La personne qui animait le cours, ce jour-lĂ , nous avait sorti cette expression de ses recherches. Je me rappelle de mon amie BĂ©a, mon aĂźnĂ©e de plusieurs annĂ©es, une pointure en tant qu’infirmiĂšre, qui s’était exclamĂ©e :

« C’est fort ! Â».

Le silence des organes n’a donc a priori rien Ă  voir avec la mort. MĂȘme si on y pense trĂšs fort en ce moment et que le musicien Manu Dibango est mort aujourd’hui ou hier.  Du Coronavirus Covid-19. J’ai appris son dĂ©cĂšs tout Ă  l’heure par hasard, sur le groupe What’s App de ma famille.

 

Il est nĂ©anmoins quelque chose de trompeur dans cette expression, «  silence des organes Â», pour parler du fait que l’on est en bonne santĂ©. Car  chaque organe a son bruit spĂ©cifique lorsqu’il va bien. Par contre, son bruit se dĂ©range lorsqu’il va mal. Rappelez-vous lorsqu’un mĂ©decin vous dit de tousser, ou de dire « 33 Â», vous ausculte, alors que vous le consultez parce-que vous ne vous sentez pas bien. Entendre, Ă©couter les mouvements internes d’un corps, c’est aussi ce qui permet de savoir s’il est en « paix Â».

Il en est de mĂȘme lorsque l’on Ă©coute la voix d’un proche ou d’une proche. Il nous est souvent possible de dĂ©celer si elle ou s’il est dans son assiette si l’on connaĂźt cette personne vĂ©ritablement. 

Si l’on est un peu attentif, on peut assez bien percevoir si son attitude et son regard concordent avec ses propos pour peu que cette personne soit « vraie Â» devant nous. Pour peu qu’elle ne porte pas un masque et ne soit pas experte dans cette grande comĂ©die sociale qui consiste Ă  dire que tout va bien quand ça va mal mais aussi Ă  dire que ça va trĂšs mal alors que cela ne va pas si mal que ça.

 

Mais des organes vĂ©ritablement et dĂ©finitivement silencieux, Ă  moins d’ĂȘtre dans un Ă©tat de lĂ©thargie particuliĂšrement complexe et indĂ©tectable, et encore !, signifient quand mĂȘme notre arrĂȘt de vie dĂ©finitif. Tout au moins sous notre forme humaine habituelle. Ensuite, on peut Ă  peu prĂšs tout concevoir. Et, c’est ainsi que je me raccroche Ă  nouveau Ă  Manu Dibango, dĂ©cĂ©dĂ© Ă  86 ans.

 

Je ne pensais pas Ă  Manu Dibango lorsque dans un de mes rĂ©cents articles, j’écrivais qu’il y avait sĂ»rement des personnes que je « connaissais Â» qui allaient mourir dans l’épidĂ©mie. Pourtant, je pensais Ă  lui depuis quelques jours.

 

Il se trouve qu’il y a bientĂŽt deux semaines, ou un peu moins, je m’étais rendu dans un magasin afin d’aller acheter le dernier album de l’artiste de Maloya, DanyĂšl Waro.

 

DanyĂšl Waro fait actuellement partie des artistes auxquels je suis particuliĂšrement attachĂ©. Avec une Ann  O’Aro par exemple. Le Maloya est pour moi tellement proche du Gro-Ka, du LĂ©woz et du Bel-Air des Antilles qu’il a fini par me rattraper avec les annĂ©es. La boite de nuit parisienne,  Le Manapany, est sans doute l’endroit oĂč j’avais entendu du Maloya pour la premiĂšre fois dans les annĂ©es 90. Pourtant, j’ai oubliĂ© oĂč elle se trouve.

 

Et, il y a quelques jours, c’est en allant acheter le dernier album de DanyĂšl Waro, que j’ai fini par fureter dans les rayons de disques comme lors de mon adolescence. Peut-ĂȘtre le jour oĂč j’étais allĂ© voir l’exposition de la derniĂšre tournĂ©e de NTM – en accĂšs libre-  sous la canopĂ©e aux Halles encore pour un jour. Exposition (du 20 fĂ©vrier au 10 mars 2020)  dont j’avais appris l’existence par hasard ainsi que la fin le lendemain en me rendant au cinĂ©ma. En allant voir, je crois, le film L’appel de la ForĂȘt. J’avais prĂ©vu d’écrire sur cette exposition comme sur ce film mais je ne l’ai pas encore fait.

Cette photo fait partie de celles prises par le photographe Gianni Giardinelli lors de la derniÚre tournée du groupe NTM. Les photos ont été exposées sous la canopée des Halles du 20 février au 10 mars 2020.

 

Dans le magasin de disques, ce jour-lĂ , je me suis rapidement retrouvĂ© avec plusieurs disques. Un classique. C’est pareil dans un magasin de dvds et de blu-rays. Et c’est aussi comme ça dans la librairie et la mĂ©diathĂšque de ma ville en temps usuel.

 

AprĂšs plusieurs hĂ©sitations et quelques Ă©coutes, et en comparant aussi le rapport qualitĂ©/prix, j’étais reparti avec l’album de DanyĂšl Waro
.et cette compilation de Manu Dibango.

 

Autant l’album de DanyĂšl Waro ne m’a pas, pour l’instant, entraĂźnĂ©, autant la compilation de Manu Dibango m’a rapidement plu.

 

 

 

J’avais dĂ©jĂ  Ă©coutĂ© du Manu Dibango, il y a plusieurs annĂ©es. Je l’avais aussi vu en concert Ă  Cergy St-Christophe, sur l’esplanade de Paris, il y a environ vingt ans, lors d’un concert gratuit. J’ai le souvenir d’un trĂšs bon concert. Un trĂšs bon bassiste figurait parmi ses musiciens.

 

Manu Dibango, DanyĂšl Waro, Arno et d’autres font partie de ces artistes qui sont lĂ  pour la vie. Au delĂ  de soixante ans, on les voit sur scĂšne avec une envie et une Ă©nergie que beaucoup ont dĂ©ja perdu lorsqu’ils ont Ă  peine passĂ© les limites de l’adolescence. Je m’inquiĂšte par moments de ce qu’il me reste de ce passĂ©. 

 

Un article signĂ© Youness Bousenna dans le TĂ©lĂ©rama de cette semaine parle du documentaire La DisgrĂące  rĂ©alisĂ© par Didier Cros. Ce documentaire passe ce soir sur France 2 Ă  23h40. La DisgrĂące est fait du tĂ©moignage de cinq personnes dont le visage dĂ©figurĂ© occasionne une grande souffrance personnelle. Souffrance due Ă  la dĂ©formation de leur visage mais aussi Ă  la violence du regard des autres.

 

Dans cet article, Youness Bousenna Ă©crit entre-autres :

 

«  (
.) Sans commentaire, le film les laisse raconter leur souffrance initiale et la violence que le regard des autres y ajoute, la tentative d’apprivoiser son visage en mĂȘme temps que la solitude que celui-ci leur inflige Â».

 

J’ai beaucoup aimĂ© que Youness Bousenna me fasse entrevoir que chaque visage, dĂ©formĂ© ou non, est une solitude.  En marge de l’article, j’ai Ă©crit de la main gauche :

 

«  De cette solitude, certains visages Ă©mergent plus que d’autres Â».

 

 

Cet article m’a rappelĂ© le dĂ©but du livre de Nina Bouraoui, Tous les hommes dĂ©sirent naturellement savoir. Je savais oĂč je l’avais rangĂ© alors je l’ai rapidement retrouvĂ©. C’est un livre paru en 2018 et que j’ai sĂ»rement achetĂ© dĂšs sa sortie. Un de plus, parmi tous ceux que j’ai achetĂ©s, que je n’ai pas encore lus, et dont le dĂ©but est :

 

«  Je me demande parmi la foule qui vient de tomber amoureux, qui vient de se faire quitter, qui est parti sans un mot, qui est heureux, malheureux, qui a peur ou avance confiant, qui attend un avenir plus clair. Je traverse la Seine, je marche avec les hommes et les femmes anonymes et pourtant ils sont mes miroirs. Nous formons un seul cƓur, une seule cellule. Nous sommes vivants Â».

 

Manu Dibango Ă©tait un homme joyeux. En tout cas sur scĂšne Ă  ce que j’ai vu. Son rire grave est aussi cĂ©lĂšbre que sa musique. Figure de Bokassa ou de CoupĂ©-ClouĂ© (les Antillais de plus de 50 ans sauront de qui je parle), Manu Dibango avait une stature et une autoritĂ© plus frĂ©quentables que celle de bien des dictateurs. Je me rappelle comment il avait expliquĂ© en rigolant que MichaĂ«l Jackson avait « oubliĂ© Â» de lui payer des royalties lorsqu’il avait utilisĂ© un de ses airs de musique pour composer un de ses titres.

Je me rappelle que lors d’un festival de Jazz retransmis Ă  la tĂ©lĂ©, Claude Nougaro s’était inclinĂ© devant Miles Davis, mon musicien prĂ©fĂ©rĂ©, alors que Manu Dibango existait de par sa seule prĂ©sence. Si la musique est aussi solitude, la sienne avait Ă©mergĂ© sans difficultĂ© cette soirĂ©e-lĂ  comme tant d’autres fois.

 

En prenant le temps de lire la prĂ©sentation de la compilation par Iain Scott, j’avais appris qu’avant d’ĂȘtre connu, Manu Dibango avait entre-autres jouĂ©, en France, avec Nino Ferrer mais aussi Dick Rivers et Johnny Halliday. Je suis souvent Ă©tonnĂ© par les alliances de certains artistes, que celles-ci soient musicales ou simplement amicales (telle l’amitiĂ© d’un Jacques Brel avec Johnny Halliday) comme par leur ouverture Ă  d’autres genres musicaux. Et, question ouverture, on peut dire qu’en Ă©coutant cette compilation de Manu Dibango, on entend aussi bien du Jazz, de l’Afro Beat, du Reggae, de la musique africaine. Et l’on comprend que le chanteur et bassiste Richard Bona (Ă©galement d’origine camerounaise) lui « doit Â» sans doute quelque chose.

 

Concernant la version Reggae de son Soul Makossa avec le duo Robbie Shakespeare et Sly Dunbar, en l’écoutant, on pense immĂ©diatement Ă  Serge Gainsbourg qui avait Ă©galement jouĂ© avec eux ainsi qu’avec les I-Threes « de Â» Bob Marley. Peu importe de savoir lequel avait eu l’idĂ©e le premier, Manu Dibango Ă©tait sans frontiĂšres question crĂ©ation musicale. Et le Rap ne lui a pas fait peur.

 

En Ă©coutant sa compilation, j’avais aussi beaucoup aimĂ© sa version de A La Claire Fontaine que j’avais postĂ©e sur ma page Facebook un ou deux jours avant d’apprendre sa mort. 

J’avais aussi eu envie de savoir quand il repasserait en concert. J’avais regardĂ©: un concert Ă©tait prĂ©vu en Martinique dans quelques mois. Ça faisait dĂ©ja un peu loin. 

 

Le rire de Manu Dibango est désormais entouré de silence. Mais sa musique continue de nous dire que nous sommes vivants. Et, ça, ça fait aussi beaucoup de bien à nos organes.

 

Franck Unimon, ce mardi 24 mars 2020.

 

 

 

 

 

 

 

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L’Avenir de l’HumanitĂ©

 

Mais qu’est-ce qu’elles ont ? Je suis Ă©tonnĂ© par le nombre de femmes que je croise dehors depuis le dĂ©but du couvre-feu. 

 

Ce samedi matin, les premiĂšres personnes que je croise dans la rue en sortant  du travail  sont des femmes. Elles courent. Elles marchent. Il fait 7 degrĂ©s. La tempĂ©rature s’est rafraĂźchie.

 

Hier soir, en allant au travail Ă  nouveau Ă  vĂ©lo, j’avais un pied posĂ© Ă  terre au feu rouge avant d’entrer dans la ville de Levallois lorsqu’une fusĂ©e m’a dĂ©passĂ©. Une femme Ă  vĂ©lo.

En moins d’une minute, elle m’a mis cent mĂštres dans le regard. Une imparable application de la distanciation sociale prĂ©conisĂ©e dans notre contexte d’épidĂ©mie. Merci Madame.

 

Quelques kilomĂštres plus loin, j’étais sur le point d’arriver Ă  mon travail lorsque je suis montĂ© sur le trottoir. Par instinct, j’ai regardĂ© sur ma gauche. Une jeune femme en cycliste, avec un fessier de pistarde, s’était mise en danseuse sur son vĂ©lo. Elle grimpait la route avec conviction. Sans casque comme la prĂ©cĂ©dente.

 

En rentrant ce matin, je suis cette fois passĂ© devant le PanthĂ©on. Dans la rue dĂ©serte, on voyait trĂšs bien son drapeau bleu, blanc, rouge que je n’avais pas remarquĂ© la derniĂšre fois, la veille de la manifestation des Gilets jaunes le samedi 14 mars. ( Gilets jaunes, samedi 14 mars 2020)

 

J’ai pensĂ© m’arrĂȘter pour prendre une photo du PanthĂ©on mais je l’avais dĂ©jĂ  dĂ©passĂ©.  Je ne l’ai pas fait. Je voulais rejoindre ces quais de Seine oĂč j’avais vu plusieurs fois des personnes courir. Je voulais voir jusqu’oĂč ces quais pouvaient me rapprocher de la Place de la Concorde qui est dans ma direction pour rentrer chez moi.

En me rapprochant de ces quais,  je suis tombĂ© sur  cette exposition de photos de femmes militant pour le respect des droits des femmes. Parmi ces photos, une de l’actrice AĂŻssa MaĂŻga dont le discours aux CĂ©sars 2020 a pu dĂ©ranger et dĂ©plaire. « Racialiste Â», « Embarrassant Â» ( Le discours de l’actrice AĂŻssa MaĂŻga aux CĂ©sars 2020 ).

Pour un de mes amis, le discours d’AĂŻssa MaĂŻga tient plus du discours « Noiriste Â» de l’ancien dictateur haĂŻtien Duvalier que de celui de la NĂ©gritude de CĂ©saire, Senghor et Damas. Je ne suis pas de l’avis de cet ami. Lui et moi en discuterons sans doute oralement aprĂšs l’épidĂ©mie.

 

 

Ces photos accrochĂ©es Ă  cet endroit, sur les grilles de l’ancien ( depuis 2016) Tribunal de Grande Instance de Paris, ont d’autant plus de force symbolique. Et sans doute encore plus, en cette pĂ©riode d’épidĂ©mie, de couvre-feu et de peur. Alors, je m’arrĂȘte et prends quelques photos.

L’ancien Tribunal de Grande Instance ( judiciaire) de Paris.

 

 

 

Mais comme nous sommes en plein couvre-feu et que nous sommes incitĂ©s Ă  rentrer chez nous le plus rapidement possible et Ă  limiter nos dĂ©placements, je n’ai pas envie de passer pour un provocateur et un irresponsable en prenant le temps de faire des photos. D’autant que derriĂšre les grilles du Tribunal de Grande Instance, mĂȘme si on ne les voit pas, il y a des policiers. Alors, je ne traĂźne pas.

 

Les quais que je voulais emprunter sont interdits d’accĂšs m’indique un employĂ© en chasuble des pieds Ă  la tĂȘte. Il porte un masque sur le visage. Et semble un peu agacĂ© par mon comportement. Je m’exĂ©cute. Je repars par oĂč je suis venu.

 

Les contrĂŽles policiers ? Je croise plusieurs fois des policiers en rentrant ce matin. Le plus souvent, en vĂ©hicules.

Hier soir , dĂ©jĂ , en allant au travail en quittant le Louvre. J’allais passer devant un car de police ou de CRS stationnĂ© sur le trottoir. Je me demandais si j’allais ĂȘtre contrĂŽlĂ©. Non. A la place, un jeune homme Ă  vĂ©lo, noir, sans casque je crois, l’a Ă©tĂ© juste avant moi.

 

Ce matin, je croise mĂȘme deux policiers qui marchent sur le trottoir. Je les salue de la tĂȘte en passant en sens inverse Ă  vĂ©lo. Ils rĂ©pondent Ă  mon salut. C’est quelques kilomĂštres plus loin que je m’avise que l’on me voit de loin. Et que je dois, pour l’instant, transpirer le mec en rĂšgle Ă  deux cents mĂštres: casque, lunettes, chasuble, sac Ă  dos de couleur voyante, lumiĂšres la nuit. Ce matin, j’ai mĂȘme pris une douche au travail avant de partir. Je sens peut-ĂȘtre encore un peu le savon.

 

 

En me rapprochant d’AsniĂšres par le Bd Malesherbes, je tombe Ă  nouveau sur l’affiche du film Brooklyn Secret dont la sortie en salles a Ă©tĂ© reportĂ©e Ă  plus tard ( Brooklyn Secret).

 

Revoir Ă  nouveau cette affiche dans ce contexte d’épidĂ©mie et de couvre-feu lui donne aussi d’autant plus de force symbolique. Ce que nous vivons actuellement peut ressembler en partie Ă  ce que vit l’hĂ©roĂŻne du film,  interprĂ©tĂ©e par Isabel Sandoval, Ă©galement rĂ©alisatrice, scĂ©nariste et monteuse du film. Comme la sortie du film a Ă©tĂ© retardĂ©e, j’ai pu prendre le temps de lire que les critiques sont bonnes envers ce film. MĂȘme PremiĂšre en dit du bien. « Sublime Â», je crois. La critique du journaliste Sorj Chalandon dans Le Canard EnchaĂźnĂ©  de cette semaine est Ă©galement Ă©logieuse : 

 

 

 

 

Ce matin ( hier, samedi 21 mars 2020), Ă  voir toutes ces femmes dehors, mĂȘme si depuis mon dĂ©part du travail, des hommes sont « apparus Â» entre-temps, je finis par me convaincre que si l’HumanitĂ© dĂ©cline un jour et qu’il reste quelques survivants, il y aura assurĂ©ment une ou plusieurs femmes parmi eux. L’émission Koh-Lantah nous dit peut-ĂȘtre cette vĂ©ritĂ© :

 

Si dans notre sociĂ©tĂ© et dans notre monde, les femmes sont encore autant relĂ©guĂ©es au fond de la classe des postes de dĂ©cision, c’est peut-ĂȘtre parce-que, dans l’Histoire, elles ont plein de fois supplantĂ©- devancĂ©- les hommes et que le cerveau reptilien de ceux-ci s’en souviennent.

 

Alors que je pĂ©dale, je me dis que j’ai un peu changĂ© ces derniers temps. Je suis peut-ĂȘtre en train de devenir une femme. Il faudra que je m’examine.

 

( Ps :  Hier soir vers 22h, une collĂšgue m’a appris que le jeune rĂ©cemment hospitalisĂ© dans notre service que l’on pensait peut-ĂȘtre positif aprĂšs avoir Ă©tĂ© en contact avec une personne porteuse du coronavirus civid-19 Objectif de conscience va bien et est nĂ©gatif. Cette nouvelle est rassurante. Mais il convient de rester prudent.

Un article dans le journal allemand Der Spiegel informe qu’en Allemagne le dĂ©placement Ă  vĂ©lo est prĂ©conisĂ© en matiĂšre de prĂ©vention sanitaire vis-Ă -vis du coronavirus Covid-19. Merci Ă  ma compagne pour m’avoir fait connaĂźtre cet article). 

 

Franck Unimon, dimanche 22 mars 2020.