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Cinéma

Saint Omer un film d’Alice Diop sorti au cinĂ©ma ce 23 novembre 2022

Saint Omer, un film d’Alice Diop sorti au cinĂ©ma ce mercredi 23 novembre 2022.

 

 

Chaque crime nous rappelle que nous restons au bord de l’abüme. Nous avons beau courir.

On comprend donc, facilement, que pour Ă©crire le scĂ©nario de Saint Omer, sa premiĂšre Ɠuvre de fiction, la rĂ©alisatrice Alice Diop ( La Mort de Danton, La Permanence, Nous ) se soit entourĂ©e de sa monteuse Amrita David et de l’écrivaine Marie Ndiaye.

 

Puisque Saint Omer relate le procĂšs d’un fait divers oĂč, en 2015,  une mĂšre avait « dĂ©posĂ© Â» en pleine nuit sa fille de 15 mois au bord de la mer Ă  Berck sur Mer, provoquant ainsi sa mort par noyade.

 

 Saint Omer est d’abord un film de femmes. Un film oĂč tous les premiers postes sont occupĂ©s par des femmes :

 

La rĂ©alisatrice, les scĂ©naristes, la mĂšre infanticide Laurence Coly, le personnage principal et double de la rĂ©alisatrice, les mĂšres de Laurence Coly comme du personnage principal (Rama), la juge, l’avocate de l’accusĂ©e


 

A cette sorte de solidaritĂ© fĂ©minine ou de sororitĂ©, Alice Diop a ajoutĂ© les renforts de la littĂ©rature (dont Marguerite Duras et Marie Ndiaye), un travail d’archives (les femmes tondues Ă  la fin de la Seconde Guerre mondiale, des images de la vie familiale passĂ©e du personnage principal) ainsi que son intimitĂ© et son expĂ©rience de ce procĂšs auquel elle avait assistĂ© alors qu’elle Ă©tait enceinte.

L’hĂ©roĂŻne, Rama ( l’actrice Kayije Kagame) est ainsi romanciĂšre en plus d’ĂȘtre enseignante, mais a aussi du mal Ă  accepter sa premiĂšre grossesse lorsqu’elle part assister au procĂšs de Laurence Coly, la mĂšre infanticide. 

Rama ( l’actrice Kayije Kagame)

 

 

Lorsque le rĂ©alisateur Jeff Nichols avait fait Take Shelter, la menace qu’il redoutait pour son enfant Ă  venir Ă©tait extĂ©rieure. En cela, Nichols avait peut-ĂȘtre mis en scĂšne une expĂ©rience et une peur plutĂŽt masculines face Ă  une naissance Ă  venir. Par ailleurs, Jeff Nichols, sans que cela soit un reproche de le souligner, est un homme blanc dans un monde de blancs.

 

Alice Diop, elle, nous parle en peurs intĂ©rieures. Elle a rĂ©alisĂ© Saint Omer en devenant ou aprĂšs ĂȘtre devenue mĂšre pour la premiĂšre fois, d’un enfant mĂ©tis, en Ă©tant une femme noire dans un monde de blancs, Ă  commencer par la France.

Je me rappelle que dans Nous, si je ne me trompe, elle nous avait appris que son pĂšre, parti du SĂ©nĂ©gal pour venir travailler et rĂ©sider en France et qui y avait vu naĂźtre ses enfants, avait accusĂ© le coup en silence lorsqu’elle l’avait informĂ© qu’elle avait l’intention de faire sa vie en France.

 

Il y avait donc pour Alice Diop au moins deux contraintes personnelles de taille Ă  devenir mĂšre en France. D’une part, l’incertitude concernant l’avenir lorsque l’on est une femme noire en France. DĂ©jĂ , ĂȘtre une femme, en soi, reste une situation ou un Ă©tat qui expose Ă  certaines violences ne serait-ce que dans le monde du travail. D’autre part, ĂȘtre noire, rajoute Ă  cette incertitude.

Ensuite, il y avait le fait, pour elle, de contredire le souhait de son pĂšre.

Et, sans doute devrais-je aussi rajouter (j’ai tendance Ă  l’oublier du fait de sa rĂ©ussite en tant que rĂ©alisatrice) qu’Alice Diop a eu aussi Ă  faire ou a sans doute Ă  faire avec la contrainte initiale d’avoir grandi dans un milieu de classe moyenne en banlieue parisienne, Ă  Aulnay Sous Bois. Par lĂ , je fais allusion aux codes sociaux Ă  intĂ©grer qui ont sans doute Ă©tĂ© diffĂ©rents de ceux qu’elle connaissait (et qu’elle connaĂźt) lorsqu’elle s’est lancĂ©e dans une carriĂšre dans le cinĂ©ma qui compte parmi beaucoup de ses intervenants des personnes d’un milieu socio-Ă©conomique et ou culturel plutĂŽt Ă©levĂ© ou favorisĂ©.

 

 

Le Fait divers

 

Lorsqu’arrive ce fait divers d’une mĂšre infanticide, trĂšs vite, qu’Alice Diop devine ĂȘtre d’origine sĂ©nĂ©galaise, tout comme elle,  elle est enceinte pour la premiĂšre fois de sa vie. La rĂ©alisatrice l’explique au moins dans cette interview que l’on peut lire dans le journal LibĂ©ration sorti ce mercredi 23 novembre.

 

Toujours dans cette interview, Alice Diop explique aussi avoir Ă©tĂ© particuliĂšrement attirĂ©e par ce fait divers. Ce qui est contraire Ă  ses habitudes, elle qui prise assez peu ce genre d’évĂ©nements.

Ce fait divers la dĂ©cide Ă  se rendre au procĂšs contre l’avis de son compagnon et sans rien en dire Ă  quiconque par ailleurs. Elle est alors sans projet de film sur le sujet Ă  cette Ă©poque.

 

Une expérience hors normes

 

 

Pour le peu que j’arrive Ă  en connaĂźtre, la grossesse est une expĂ©rience hors normes mais aussi hors morale. Il existe bien des injonctions morales ou sociales qui dictent ce qu’une femme et un homme devraient faire  ou ressentir lors de ces expĂ©riences et de ces Ă©tapes de la vie. Mais, dans les faits, cela peut se passer autrement. Une femme alors qu’elle est enceinte, peut ĂȘtre ambivalente et avoir  des idĂ©es de mort. Certaines psychoses se dĂ©clarent aussi lors de la grossesse. On parle alors de psychose puerpĂ©rale.

 Saint Omer raconte aussi ça. Comment une femme, Ă©duquĂ©e, brillante intellectuellement, trĂšs cĂąline avec des enfants qu’elle avait pu garder pendant deux Ă  trois ans, peut, « in fine Â», dissimuler autant que possible sa grossesse, accoucher seule, prendre un train, rĂ©server une chambre d’hĂŽtel, puis, en pleine nuit, Ă©quipĂ©e d’une lampe frontale, partir dĂ©poser son enfant au bord de la plage alors que la marĂ©e monte.

 

Dans son interview, toujours dans le journal LibĂ©ration de ce 23 novembre 2022, Alice Diop dit que la journaliste du journal Le Monde qui avait Ă©crit sur ce fait divers s’est reprochĂ©e a postĂ©riori d’avoir Ă©crit que cette mĂšre avait « dĂ©posĂ© Â» son enfant. Et qu’elle aurait dĂ» Ă©crire « NoyĂ© Â». Alice Diop prĂ©cise dans l’interview  que si cette journaliste avait Ă©crit « NoyĂ© son enfant Â», qu’il n’y aurait pas eu de film.

 

Un procĂšs est aussi une expĂ©rience qui peut s’avĂ©rer ĂȘtre hors normes. Mais Saint Omer n’est pas le procĂšs d’une grossesse.

 

Film de femmes et ouvertement en faveur d’une meilleure reprĂ©sentation des Noirs dans le cinĂ©ma français (Rama, le personnage principal, est enseignante et plutĂŽt taciturne, ce qui nous change de la femme de mĂ©nage ou de la doudou rigolote), Saint Omer laisse Ă©galement place Ă  certaines rĂ©miniscences traumatiques.

Laurence Coly ( l’actrice Guslagie Malanda)

 

 

La premiĂšre fois que Laurence Coly ( l’actrice Guslagie Malanda), l’accusĂ©e, est emmenĂ©e Ă  la cour, et attachĂ©e dans le dos, pour le dĂ©but de son procĂšs, il m’a Ă©tĂ© impossible de ne pas penser Ă  l’esclavage. Pendant quelques secondes, avant que la juge ne prenne la parole, Laurence Coly fait alors penser soit Ă  la femme esclave que l’on va vendre ou Ă  celle que l’on va livrer Ă  la vindicte publique.

 

Mais Alice Diop avait prĂ©venu dĂšs le dĂ©but de son film, avec ces images des femmes tondues Ă  la libĂ©ration et ce commentaire qui dit que « Les hĂ©ros (donc des hommes) Â» qui tondent ces femmes sont des « hĂ©ros sans imagination Â». Diop nous dit que si ces femmes ont commis l’irrĂ©parable, qu’il y a une autre façon de s’y prendre avec elles qu’en procĂ©dant Ă  cette humiliation publique qui laissera en elles une « flĂ©trissure Â».

 

Saint Omer cherche donc à comprendre cette mùre infanticide plus qu’à la bannir.

 

La Puissance féminine

 

 

Pour cela, j’avais dĂ©jĂ  commencĂ© Ă  en parler, je comprends qu’Alice Diop ait eu besoin de deux autres personnes avec elle pour le scĂ©nario et le portrait de cette femme. D’un cĂŽtĂ©, Amrita David, sa monteuse depuis plusieurs films. Et Marie Ndiaye, l’écrivaine, mais aussi mĂšre, je crois, de deux enfants Ă©galement mĂ©tis et l’aĂźnĂ©e (12 ans les sĂ©parent) de quelques annĂ©es d’Alice Diop.

 

Selon moi, cette mĂšre infanticide, d’aprĂšs ce que j’en vois dans Saint Omer ,est psychotique. Pour sa froideur, pour sa façon de parler de sa fille comme d’un objet fonctionnel ou une mĂ©canique. Pour sa maniĂšre de faire plus que d’ĂȘtre ou de vivre.

Je remarque aussi que cette mĂšre se sĂ©pare de sa fille lorsqu’elle a quinze mois, soit, lorsque celle-ci commençait peut-ĂȘtre Ă  marcher et, donc,  Ă  devenir autonome et Ă  pouvoir commencer Ă  se sĂ©parer d’elle.

 

Avec Marie Ndiaye, cette femme devient quelque peu une femme puissante. Je me trompe peut-ĂȘtre en Ă©crivant ça. Peut-ĂȘtre ou sans doute que cette idĂ©e de puissance provient-elle des trois femmes scĂ©naristes. Mais, avant mĂȘme de savoir que Marie Ndiaye avait participĂ© Ă  l’écriture du scĂ©nario, j’ai trop senti cette empreinte ou ce « label Â» de la puissance de Marie Ndiaye sans avoir pour autant lu un seul de ses livres.

 

SĂ»rement parce-que s’il peut y avoir une certaine forme de puissance, dans le fait, pour cette femme, d’aller Ă  l’encontre de l’entendement : exposer ou offrir son enfant Ă  la mort.

Pour moi, la puissance est avant tout ou doit ĂȘtre avant tout destinĂ©e Ă  la vie. Je sais bien que c’est faux : il est bien des puissances qui s’exercent sur autrui et plutĂŽt au bĂ©nĂ©fice de la destruction et de la mort. Et pas seulement dans Harry Potter et Black Panther….

Alors, je dirais que j’ai du mal avec cette « puissance Â» attribuĂ©e Ă  cette mĂšre et Ă  cette femme car, contrairement Ă  Duras, citĂ©e dans le film, je ne la trouve pas sublime.

 

Les mĂšres dans Saint Omer

 

 

Pour reprendre des propos du compagnon de Rama, Adrien ( l’acteur Thomas de Porquery), les mĂšres dans le film sont plutĂŽt “cassĂ©es”. Adrien parle alors de la mĂšre de Rama quand il lui explique:

“Ta mĂšre est cassĂ©e”.

Mais la mĂšre de Laurence Coly, mĂȘme si elle essaie de faire bonne figure, l’est Ă©galement. Mais pas de la mĂȘme façon que la mĂšre de Rama. Si la mĂšre de Laurence Coly reste sĂ»re de son fait comme de la bonne Ă©ducation qu’elle a pu lui donner, la mĂšre de Rama est plutĂŽt une mĂšre dĂ©faite. On a plutĂŽt envie de ramener la premiĂšre Ă  la raison mais on “devine” que celle-ci se montrera si combattive qu’il sera sĂ»rement impossible d’y parvenir. Alors que l’on a assez envie de prendre la seconde dans nos bras afin de tenter de la consoler. Sauf que cela est aussi impossible car cette mĂšre reste suffisamment forte pour rĂ©sister Ă  ce rĂ©confort et s’Ă©loigner.

Dans Saint Omer , Laurence Coly, qui a Ă©tĂ© une enfant parfaite et une Ă©lĂšve brillante, parle peut-ĂȘtre telle que ces deux mĂšres auraient certaines fois voulu le faire si cela avait Ă©tĂ© possible pour elles dans un monde d’hommes. Saint Omer nous suggĂšre peut-ĂȘtre que pour que la parole soit donnĂ©e aux femmes, dans notre monde d’hommes, qu’il leur faut d’abord passer par le crime. 

Personne ne cherche Ă  entendre ou Ă  savoir ce que pense ou ressent une Ă©lĂšve brillante et sans histoire. Comme personne ne cherche Ă  savoir ce que pense ou ressent la mĂšre de Rama, lorsque dans le film, parĂ©e de ses bijoux et de sa belle robe et apparaissant comme une femme brillante et parfaite, grosse de sa tristesse que seule l’enfant Rama vit et perçoit, elle apporte un repas de rĂ©jouissance pour les convives attablĂ©s. 

Le seul trait d’humour, involontaire et “forcĂ©ment” trĂšs noir, du film intervient lorsque Laurence Coly raconte qu’une fois arrivĂ©e Ă  Saint Omer, c’est une femme, “guide touristique”, qui lui a appris oĂč se trouvait la mer. J’essaie d’imaginer un peu, sans y arriver, l’effroi de cette guide aprĂšs la nouvelle de l’infanticide. Cette guide Ă©tait peut-ĂȘtre une mĂšre ou envisageait peut-ĂȘtre de le devenir un jour. 

 

Paroles d’homme

J’ai Ă©crit au dĂ©but de cet article que Saint Omer est un film de femmes. Cela est nĂ©cessaire pour tenter de rĂ©tablir certaines injustices. Mais c’est aussi le travers du film.

D’abord, j’ai du mal avec cette citation de Duras Ă  propos de l’affaire GrĂ©gory car, pour le peu que je sais, rien ne prouve comme l’avait affirmĂ© Duras que la mĂšre du petit GrĂ©gory ait vĂ©ritablement Ă©tĂ© l’auteure du crime.

 

Ensuite, en tant qu’homme, pour ma part, j’aurais plutĂŽt tendance Ă  fuir une femme qui ressemble Ă  Laurence Coly. Je ne parle mĂȘme pas de la mĂšre qui a tuĂ© ou « offert Â» son enfant Ă  la mer. Je parle de la psychose, de sa froideur, de sa psychorigidité 

 

Lorsque Luc Dumontet, son ex compagnon, parle des « jalousies Â» de Laurence Coly, capable d’ĂȘtre en colĂšre «pendant plusieurs jours Â», j’imagine des scĂšnes de jalousie aussi obstinĂ©es que brusques et incomprĂ©hensibles. Ce genre d’attitude ne me donne pas vraiment envie d’avoir une relation avec une personne pareille. Mais pour qui l’a, ce genre de relation est particuliĂšrement difficile.

 

Dans le film, j’ai donc trouvĂ© particuliĂšrement violente cette scĂšne oĂč l’avocate ( Maitre Vaudenay jouĂ©e par AurĂ©lia Petit) de Laurence Coly balance en public Ă  l’ancien compagnon de celle-ci ( Luc Dumontet, jouĂ© par l’acteur Xavier Maly) qu’il a Ă©tĂ© d’une « grande lĂąchetĂ© Â» !

 

Cette avocate, Maitre Vaudenay, commence par prĂ©venir cet homme qu’elle n’est pas lĂ  pour le juger car la couleur de sa robe est noire et non rouge, comme celle de la juge. Puis, finalement, brusquement, Maitre Vaudenay juge Luc Dumontet ( l’ancien compagnon de Laurence Coly) en public. Pour moi, cette femme avocate tond en public l’ancien compagnon de l’accusĂ©e.

 

Que cet homme ait Ă©tĂ© lĂąche, qu’il ait prĂ©fĂ©rĂ© cacher sa relation ou disposer de cette femme et future mĂšre infanticide, soit. Par contre, tout lui reprocher comme s’il avait eu, lui, la capacitĂ© de tenir tĂȘte Ă  cette femme qui (lĂ , je rejoins l’idĂ©e de sa puissance) est le contraire d’une femme docile et qui, qui plus est, est psychotique
.

 

Cet ex compagnon que j’ai vu dans Saint Omer, lorsqu’il raconte cette pĂ©riode heureuse avec Laurence Coly ( l’actrice Guslagie Malanda) et leur enfant m’a beaucoup donnĂ© l’impression d’un homme qui ne savait vraiment pas avec quelle genre de personnalitĂ© il se trouvait. Et qu’il Ă©tait, au fond, complĂštement dĂ©passĂ© alors qu’il vivait, lui, le grand bonheur passĂ© qu’il raconte Ă  la cour.

En cela, cet homme est semblable Ă  beaucoup de personnes, femmes comme hommes, qui, peuvent connaĂźtre des moments importants avec une personne, qui, malgrĂ© ou du fait de l’intimitĂ© partagĂ©e avec elle, ignorent beaucoup d’elle. Pas une seule fois, lorsque Luc Dumontet, l’ancien compagnon de Laurence Coly tĂ©moigne, il ne prononce le mot “Psychose” ou ne semble se dire, ou comprendre, que celle-ci puisse avoir eue une personnalitĂ© “un peu” pathologique. 

 

Et, un homme qui raconte, comme cet ex compagnon le fait, qu’un homme de son Ă©poque ne s’occupe pas des enfants ou ne sait pas s’en occuper, va spontanĂ©ment s’en remettre Ă  la femme et Ă  la mĂšre pour cela, ne me paraĂźt pas ĂȘtre un homme lĂąche. C’est un homme limitĂ©, archaĂŻque ou dĂ©passĂ©, si l’on veut. Mais pas plus lĂąche que bien d’autres.

 

Je le pense d’autant plus qu’assez rĂ©guliĂšrement, je m’interroge Ă  propos de certaines personnalitĂ©s ( masculines) en essayant de les imaginer en train de s’occuper de leurs enfants, bĂ©bĂ©s. Et, j’ai quelques fois bien des doutes- fondĂ©s ou infondĂ©s- concernant leurs capacitĂ©s de «nursing Â» : se lever en pleine nuit lorsque bĂ©bĂ© pleure, changer sa couche, prĂ©parer son biberon, lui donner son biberon,  prendre bĂ©bĂ© dans ses bras, ĂȘtre avec lui Ă  la maison ou sortir avec lui, lui parler….

 

Si je vois Laurence Coly, l’accusĂ©e, comme psychotique, paradoxalement, je ne la vois pas « folle Â» comme son avocate la voit. Je crois que l’avocate de Laurence Coly se rassure beaucoup en voyant sa cliente, Laurence Coly, “seulement” comme  folle. Parce-que si elle est folle, cela veut dire qu’elle est vulnĂ©rable, Ă  soigner et Ă  protĂ©ger. Moi, je ne crois pas que Laurence Coly soit aussi vulnĂ©rable que son avocate la voit. On a une petite idĂ©e de l’aplomb- mais aussi de la maitrise- dont elle peut ĂȘtre capable lorsqu’elle rĂ©pond Ă  l’avocat gĂ©nĂ©ral ( l’acteur Robert Cantarella) qui fait beaucoup plus le poids que son ancien compagnon n’était sans doute capable de le faire dans leur intimitĂ©.

Je ne suis pas persuadĂ© que dans le “couple” que Laurence Coly a formĂ© avec Luc Dumontet, que celle-ci ait toujours Ă©tĂ© la personne dominĂ©e. MalgrĂ© la diffĂ©rence du nombre d’annĂ©es, malgrĂ© la diffĂ©rence de statut social et de couleur de peau.

 

Laurence Coly (l’actrice Guslagie Malanda)

 

 Mais il est plus facile Ă  Maitre Vaudenay de voir l’ex compagnon de sa cliente comme un « lĂąche Â» qui a failli Ă  ses responsabilitĂ©s et, disons le une bonne fois pour toutes, comme un homme Ă  qui il a manquĂ© une bonne paire de couilles. Car c’est ça- en d’autres termes- que l’avocate de Laurence Coly dit Ă  l’ancien compagnon de celle-ci.

Par ailleurs, je suis Ă©tonnĂ© que l’ex compagnon de Laurence Coly ne soit, lui, dĂ©fendu par personne dans la cour. 

 

Mais il n’y a pas que ce portrait de cet homme « lĂąche Â» et sans couilles qui m’a dĂ©rangĂ© dans Saint Omer.

 

Le compagnon ( Adrien, jouĂ© par l’acteur Thomas de Pourquery)  de l’hĂ©roĂŻne est plutĂŽt sympathique. Il a une bonne tĂȘte, c’est un zicos ( musicien) il est ouvert, poli, sociable, solide, patient, comprĂ©hensif. Mais c’est un faire valoir. Il est juste lĂ  pour arrondir les angles, pour servir de confident et de doudou rassurant lorsque Rama, l’hĂ©roĂŻne, craque et Ă  juste titre. A force de rester Ă  proximitĂ© de l’abime, celui-ci finit par prendre la forme de notre visage et de notre regard.

Rama ( Kayije Kagame) avec son compagnon Adrien (Thomas de Pourquery)

 

 

Le compagnon de Rama serait l’homme parfait mais aussi un pĂšre attentif et prĂ©sent. Mais cet homme parfait, tel qu’il est, me dĂ©range beaucoup. Je ne vois pas trĂšs bien oĂč se trouve l’Amour dans ce couple mixte et « moderne Â». Je ne vois pas trĂšs bien ce qui donne envie Ă  cet homme d’ĂȘtre avec cette femme si taciturne. Je ne vois pas trĂšs bien ce qui donne de la vie Ă  leur relation de couple.

 

 

L’autre homme que l’on voit dans le film, c’est l’avocat gĂ©nĂ©ral. Bon. Il fait son travail. On a donc, d’un cĂŽtĂ©, un homme lĂąche qui est pire qu’un pauvre type et qui n’a plus qu’à aller se suicider aprĂšs s’ĂȘtre fait exĂ©cuter publiquement – et froidement- par l’avocate de son ex compagne. On a un homme parfait qui fait office de faire valoir. Et un homme qui fait son travail de procureur. Au suivant.

 

 

On pourrait ajouter le juge d’instruction plus ou moins raciste que l’on voit un peu tĂ©moigner et qui a ou aurait livrĂ©, clĂ©s en mains, Ă  l’accusĂ©e sa mĂ©thode de dĂ©fense. Juge d’instruction remis en cause par l’avocat gĂ©nĂ©ral qui fait plutĂŽt bien son travail de procureur, il me semble.

 

Et puis, surtout peut-ĂȘtre, il y a le pĂšre de l’accusĂ©e, absent au procĂšs, au contraire de la mĂšre. Le pĂšre qui s’est fĂąchĂ© avec elle lorsque celle-ci a pris la dĂ©cision d’arrĂȘter des Ă©tudes de droit pour faire de la philo. Le pĂšre qui a, dĂšs lors, arrĂȘtĂ© de la soutenir financiĂšrement et moralement. Poussant ainsi sa fille Ă  trouver des solutions pour s’en sortir Ă©conomiquement.

 

Il y a aussi le pĂšre disparu de Rama.

Enfin, il y a les femmes, les enfants et les hommes migrants qui se noient en mer en essayant de la traverser. Des personnes que l’on ne voit pas, que l’on ne rencontrera pas, et qui, pour certains, tombent dans les filets des nombres dont on dĂ©verse de temps Ă  autre le contenu en nous apprenant que tant de personnes sont mortes en mer, aprĂšs que les flotteurs de leur embarcation se soient dĂ©gonflĂ©s comme, rĂ©cemment, avec le Viking OcĂ©an, entre l’Angleterre et la France. Si l’on peut faire Ă  peu prĂšs tout dire au “personnage” incarnĂ© par Laurence Coly ou lui prĂȘter une bonne partie de nos projections, de notre attraction comme de notre rĂ©pulsion, selon ce qu’elle nous inspire, les circonstances de la dĂ©couverte du cadavre de la petite Lily sont nĂ©anmoins relatĂ©es dans Saint Omer  par la juge et PrĂ©sidente ( l’actrice ValĂ©rie Dreville). C’est un pĂȘcheur qui dĂ©couvre le cadavre et qui croit, au dĂ©part, qu’il s’agit du corps d’un enfant migrant.

 

On peut  penser que Laurence Coly avait tout pour rĂ©ussir. Qu’elle Ă©tait du bon cĂŽtĂ© de la mer comme on peut ĂȘtre dans le bon quartier d’une ville, Ă  la bonne Ă©poque, dans la bonne Ă©cole, et rĂ©unir les meilleures conditions qui soient pour rĂ©ussir en Ă©tant la mĂȘme personne. Le film Atlantique de Mati Diop peut aussi, un moment, se profiler dans l’horizon de notre mĂ©moire. 

Car on peut considĂ©rer que rĂ©ussir Ă  bien accoucher revient Ă  bien traverser la mer pour se retrouver du bon cĂŽtĂ© de la vie- et, qu’alors que le plus dur a Ă©tĂ© accompli, que Laurence Coly, elle, en quelques minutes, dĂ©truit ce pour quoi d’autres vont prendre tous les risques, voire mourir, sans l’obtenir. Traverser la mer, obtenir une meilleure vie. Donner la vie. Laurence Coly s’en dĂ©tourne car, pour elle, la SĂ©nĂ©galaise partie en France poursuivre des Ă©tudes supĂ©rieures, cela lui rendra la vie plus facile…

 

L’accusĂ©e est dĂ©crite Ă  la fin du film, par son avocate, comme une « femme fantĂŽme Â». Mais, pour moi, les hommes aussi sont des fantĂŽmes dans cette histoire. Mais aussi dans ce film.

 

J’ai aussi Ă©tĂ© perplexe devant les pleurs de l’accusĂ©e Ă  la fin du film. Les pleurs.

 

Les pleurs et les femmes

 

J’espĂšre que l’on ne va pas essayer de se convaincre que parce-que cette accusĂ©e pleure Ă  la fin du film, qu’elle en est plus humaine. Ou qu’elle rejoint enfin, le cercle des ĂȘtres humains. Et qu’il y a donc de l’espoir pour la personne qu’elle est en tant qu’ĂȘtre humain. Laurence Coly n’a jamais cessĂ© d’ĂȘtre humaine. Mais son humanitĂ© menace la nĂŽtre. 

 

Je me demande la raison pour laquelle l’accusĂ©e pleure Ă  la fin du film. Elle peut avoir Ă©tĂ© rĂ©ellement Ă©mue. Elle peut, aussi, pleurer parce-que son avocate, par sa plaidoirie, plus brillante que les suggestions faites par l’instruction plus ou moins raciste, lui indique ainsi comment se comporter. L’accusĂ©e pleure au bon moment. Ce qui pourrait inciter Ă  penser qu’elle vĂ©ritablement des «nĂŽtres». Sauf que mĂȘme sans pleurs, elle Ă©tait dĂ©jĂ  des “nĂŽtres”. 

 

Dans Saint Omer , Alice Diop nous montre une femme qui a dĂ©posĂ© son enfant devant la mer. Devant cette femme, je dĂ©pose mes doutes. Devant le film, je suis partagĂ© mais je suis content qu’il existe et qu’il ait eu des prix. Les acteurs jouent bien. L’actrice Guslagie Malanda ( Laurence Coly) se dĂ©tache. Mais j’ai aussi beaucoup aimĂ© le jeu de l’acteur Xavier Maly ( Luc Dumontel) car bien jouer «un lĂąche Â» est un exercice plutĂŽt difficile.

 

Franck Unimon, ce jeudi 24 novembre 2022

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En Concert

En concert avec Pongo Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre 2022

Pongo, Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

En concert avec Pongo Ă  la Cigale ce vendredi 18 novembre 2022.

 

 

Pongo m’était encore inconnue cet Ă©tĂ©. Dans mon entourage, personne ne la connaĂźt. Cela a Ă©tĂ© pareil lorsque j’ai parlĂ© rĂ©cemment de l’humoriste Tania Dutel ( que j’ai envie d’aller revoir) ou de Hollie Cook. Trois femmes, chacune d’une trentaine d’annĂ©es, plutĂŽt Ă©mancipĂ©es. Je ne l’ai pas fait exprĂšs.

 

Si Pongo est angolaise, Tania Dutel est française ( L’humoriste Tania Dutel sur scĂšne Ă  la Nouvelle Eve)  et Hollie Cook ( En concert avec Hollie Cook au Trabendo), elle, Anglaise.

 

C’est en Ă©coutant le podcast Musicaline d’une poignĂ©e de minutes, il y a environ deux mois, que j’ai « dĂ©couvert Â»  Pongo. La journaliste racontait qu’à l’ñge de 15 ans, Pongo avait fait un tube mondial, Wegue Wegue pour la FIFA. Mais son nom n’avait pas Ă©tĂ© crĂ©ditĂ©. J’ai Ă©coutĂ© Wegue Wegue, tout Ă  l’heure, le titre ne stimule pas ma mĂ©moire. Il y a 15 ans, nous Ă©tions en 2007.

 

AprĂšs Wegue Wegue, durant une quinzaine d’annĂ©es, Pongo a vĂ©cu de petits boulots afin de subvenir aux besoins de ses sƓurs. ( Selon wikipĂ©dia, Pongo et sa famille auraient fui la guerre civile en Angola en venant vivre au Portugal. Cependant, quelques annĂ©es aprĂšs leur arrivĂ©e, son pĂšre aurait abandonnĂ© le foyer. Si cela est avĂ©rĂ©, je l’ignorais lors du concert Ă  la Cigale hier soir)

 

Un jour, Pongo s’est entendue chanter Ă  la radio pour le titre Wegue Wegue.  Cela l’aurait dĂ©cidĂ©e Ă  se remettre dans la musique.

 

Dans ce podcast datĂ© du 31 mars 2022 oĂč Pongo Ă©tait surnommĂ©e La GuerriĂšre du Kuduro, la journaliste louait son Ă©nergie ainsi que ses dansants mĂ©langes musicaux.

Kuduro, le Semba ( musique angolaise), Zouk, Rap, Afrobeat, Dance Hall jamaĂŻcain
 quelques extraits de titres de Pongo avaient suivi :

 

Wegue Wegue, Bruxos, Doudou, Hey Linda


 

La journaliste disait que Pongo Ă©tait capable de faire « trois fois le tour du monde Â» dans une seule chanson.

 

Quelques jours plus tard, j’achetais son album, sorti cette annĂ©e : Sakidila.  

 

Je l’ai tout de suite aimĂ©. Cela fait quelques annĂ©es, maintenant, que le Kuduro a jailli. Et, mĂȘme s’il a pu m’arriver de le cĂŽtoyer, je n’avais jamais pris le temps de l’écouter de prĂšs.

 

La musique de Pongo ne se cantonne pas au Kuduro. Puisqu’il y est question de mĂ©langes. Mais son album me permet de m’y rendre en partie. MĂȘme si, au dĂ©part, en l’entendant chanter, je l’ai crue NigĂ©riane car j’avais cru reconnaĂźtre l’Afrobeat de Fela pour la façon de chanter mais aussi une certaine agressivitĂ© dans le rythme. Si la musique de Hollie Cook berce, celle de Pongo, perce.  

Pongo, Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

J’étais allĂ© seul aux concerts de Zentone ( En concert avec Zentone Ă  la Maroquinerie) et de Hollie Cook. Ce vendredi, j’ai invitĂ© deux amies, Zara et Tu piges ?! ou Tu Piges ?! et Zara Ă  venir avec moi.

Deux Ă  trois semaines plus tĂŽt, Tu Piges ?! et un autre ami, Radio Langue de Pute, m’avaient expliquĂ© qu’ils avaient pour habitude de partir Ă  trois en concert avec une autre amie. Et qu’à tour de rĂŽle, chacun faisait dĂ©couvrir aux deux autres un artiste.

 

L’idĂ©e m’avait plu. Je l’ai assez rapidement mise en pratique avec le concert de Pongo. Car Ă  trop attendre, certains projets ne se font pas. La preuve :

Comme j’avais un peu trop traĂźnĂ© pour acheter les places, il n’y en n’avait plus lorsque je me suis prĂ©sentĂ© dans cette chaine de magasins plus que connue pour vendre des produits culturels. Deux semaines avant le concert.

 

Je parle de cette chaine de magasins trĂšs connue qui ouvre aussi dĂ©sormais le dimanche et qui figurait, lors du confinement dĂ» Ă  la pandĂ©mie du Covid, sur la liste des commerces essentiels. Tandis que les salles de concert, de thĂ©Ăątre, les salles de cinĂ©ma, les bibliothĂšques et les mĂ©diathĂšques municipales, les musĂ©es et les Ă©coles avaient dĂ» rester fermĂ©es pour raisons sanitaires ou nĂ©cessiter la prĂ©sentation d’un passe sanitaire valide.

 

Je fais allusion Ă  cette chaine de magasins qui vend aussi, maintenant, des produits Ă©lectromĂ©nagers, en plus d’ordinateurs, de vĂ©los Ă©lectriques
.

 

J’ai Ă©tĂ© bien contrariĂ© lorsque la jeune vendeuse de cette chaine de magasins essentielle m’a appris qu’il n’y avait plus de places de concert disponibles quinze jours avant la date. J’avais trop attendu. Mais j’ai persistĂ© Ă  chercher.

 

Je suis tombĂ© sur l’application Dice que je ne connaissais absolument pas. J’ai pu acheter trois places sur Dice, Ă  30 euros la place. Tout semblait en rĂšgle.  J’ai mĂȘme reçu une facture que j’ai imprimĂ©e. Mais cette transaction uniquement numĂ©rique me changeait de ce que j’avais toujours connu et de ce que je prĂ©fĂšre :

 

Le contact humain. MĂȘme si on ne peut pas dire que le contact humain avec une vendeuse ou un vendeur de places de concert soit trĂšs soulignĂ© Ă©tant donnĂ© le nombre important de clients qu’ils voient dĂ©filer. Etant donnĂ©, aussi, le peu de plaisir qu’il peut y avoir dans le fait de rĂ©pĂ©ter la tĂąche standardisĂ©e qui consiste Ă  vendre des places de concert- ou du rĂȘve- Ă  un prix parfois Ă©levĂ©. Sans compter que, souvent sans doute, les vendeuses et vendeurs de places de concerts et de spectacles divers ont  Ă  rĂ©pondre plusieurs fois aux mĂȘmes questions comme si c’était la premiĂšre fois que celles-ci leur Ă©taient posĂ©es.

 

Je peux confirmer que Dice m’a permis de me rendre au concert de Pongo mais aussi d’y inviter Zara et Tu Piges ?! Radio Langue de pute ayant dĂ©jĂ  prĂ©vu d’aller Ă©mettre dans une certaine rĂ©gion de France, il n’a pas pu venir avec nous cette fois-ci. J’ai donc fait profiter Zara de la place qui me restait.

 

Ce vendredi soir, avant de retrouver Tu Piges ?! et Zara Ă  la cantine de la Cigale, cette fois, je suis allĂ© acheter des protections auditives Ă  la Baguetterie, un magasin de musique, rue Victor MassĂ©. MĂȘme si, en le mentionnant, je fais lĂ  une forme de publicitĂ©, je la crois utilitaire pour des raisons sanitaires ainsi que musicales. 

Ce vendredi, pour la premiĂšre fois depuis que j’ai commencĂ© Ă  aller Ă  des concerts, J’ai dĂ©cidĂ© de mettre le prix dans des protections auditives.  Vu que j’ai envie de retourner Ă  d’autres concerts. Et que j’ai besoin d’ĂȘtre prĂšs de la scĂšne pour faire des photos.

 

Pour Ă  peu prĂšs 50 euros, j’ai achetĂ© les Fcking Loud 25 de la marque Crescendo que j’essayais pour la premiĂšre fois et qui m’ont apportĂ© un  confort acoustique aussi Ă©tonnant que plaisant. A la fin du concert de Pongo, au bar de la Cigale, j’ai pu obtenir gratuitement des protections auditives. Mais celles que j’ai achetĂ©es protĂšgent et mes oreilles et la qualitĂ© du son.

 

Il existe des protections auditives moins chÚres. Il existe un autre modÚle, trÚs recommandé, qui coûte environ 30 euros.

Pongo, Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Lors du concert, dans la salle de la Cigale, ce qui m’a trĂšs vite Ă©tonnĂ©, c’est le nombre de femmes prĂ©sentes. On aurait dit qu’il y avait plus de femmes que d’hommes Ă  ce concert. Ou, que c’était peut-ĂȘtre une soirĂ©e entre femmes qui avait finalement « mĂąle tournĂ© Â» puisqu’il se trouvait quand mĂȘme des hommes.

 

Si j’ai remarquĂ© que la moyenne d’ñge gĂ©nĂ©rale du public se situait entre 20 et 30 ans, Tu Piges ?! et Zara m’ont ensuite dit avoir vu des spectateurs plus ĂągĂ©s. Mais pas dans la fosse oĂč je me trouvais et oĂč Tu Piges ?! a passĂ© un peu de temps avec moi avant de retourner rejoindre Zara au balcon.

Tu Piges ?! et moi avant le dĂ©but du concert de Pongo, Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Je m’attendais aussi Ă  rencontrer un public plus noir ou majoritairement noir. Cela a Ă©tĂ©  l’inverse. Le public Ă©tait majoritairement, et trĂšs largement, blanc. Et, si je poussais plus loin dans l’idĂ©e reçue, je dirais qu’à voir ce public blanc aussi prĂ©sent au concert de Pongo, la preuve est Ă  nouveau faite que la danse mais surtout certaines musiques se sont vĂ©ritablement dĂ©mocratisĂ©es et ne sont plus uniquement le  « patrimoine Â» de communautĂ©s noires ou arabes. Comparativement aux annĂ©es 80 ou 90 par exemple.

 

Je vais ici m’avancer Ă  affirmer qu’une artiste comme Pongo, dans les annĂ©es 80 ou 90 aurait sans doute comptĂ© un public plus « foncĂ© Â». Pour cela, je me fie Ă  l’histoire de groupes comme Kassav’ par exemple, qui, lors de ses premiers concerts Ă  Paris, avait gagnĂ© son succĂšs grĂące aux communautĂ©s noires prĂ©sentes en France, en particulier antillaises et d’Outremer et sans doute aussi africaines ( lien vers mon compte-rendu sur le documentaire rĂ©alisĂ© par Benjamin Marquet sur  Kassav’ ). Au vu de la rĂ©ussite par la suite de Kassav’ Ă©galement dans des pays d’Afrique noire.

 

Et, je me rappelle aussi d’un concert du groupe de Reggae Black Uhuru Ă  la fin des annĂ©es 80, je crois, Ă  l’ElysĂ©e Montmartre. Si j’avais finalement renoncĂ© Ă  profiter (une erreur de ma part ! ) de ma place que j’avais achetĂ©e et que j’avais trĂšs facilement revendue, je me rappelle d’avoir alors Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par la foule de Rastas ou de personnes en possĂ©dant certaines des caractĂ©ristiques majeures, en particulier les dreadlocks qui n’étaient pas lĂ  pour faire dĂ©coration.

Et, mon souvenir est que la foule que j’avais aperçue sur place devant la salle de concert Ă©tait majoritairement et indiscutablement noire. Pour moi, qui suis noir, cela avait presque Ă©tĂ© un choc sociologique de me retrouver subitement devant un tel concentrĂ© de personnes noires. Au point que je m’étais demandĂ© d’oĂč sortaient tous ces « Rastas Â» que je voyais rarement, dans de telles proportions, dans ma vie ordinaire. Et oĂč se cachaient-ils habituellement ? Dans des caves ?

 

Autre dĂ©couverte hier soir : si, dans mon entourage, personne ne connaĂźt Pongo, dans la salle, pleine, beaucoup de monde la connaissait. Ainsi que ses titres. La salle de concerts de la Cigale est une « petite Â» salle de concerts par comparativement Ă  quelques paquebots sonores mais elle accueille nĂ©anmoins beaucoup plus de monde que certains bureaux de vote.

 

La premiĂšre partie du concert a Ă©tĂ© assurĂ©e par le DJ Lazy Flaw. C’était plutĂŽt plaisant. Mais on connaĂźt le « principe Â» des premiĂšres parties. Ce n’est pas pour elles que l’on vient. Alors, on patiente poliment. Un peu comme si l’on attendait la fin d’un cours ou du ruisseau qui va nous mener Ă  la mer en opinant de temps en temps. Par moments, on se dit mĂȘme que ce n’est pas trop mal Ă  condition, toutefois, que cela se termine bientĂŽt.  Ce qui a fini par arriver avec le DJ Lazy Flaw.

 

AprĂšs « l’entracte Â», les deux musiciens de Pongo sont arrivĂ©s tranquillement. D’abord la DJ et choriste, aussi Ă©lĂ©gante que discrĂšte. Et le batteur, simple mais adĂ©quat.

Pongo, Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre. Photo©Franck.Unimon

 

 

Pongo ? Son entrĂ©e sur scĂšne a suffi pour capter  l’attention de la salle. Je ne crois pas qu’elle avait commencĂ© Ă  chanter lorsqu’elle a produit cet effet. Elle est arrivĂ©e, elle a peut-ĂȘtre dit quelques mots. Tout le public Ă©tait dĂ©jĂ  branchĂ© sur elle.

 

Pongo a commencĂ© par le titre Doudou. Lorsque j’écris « commencĂ© Â», ce n’était pas juste chanter. Mais aussi danser, s’emparer de la scĂšne et faire corps avec elle.

 

On ne peut pas rester indiffĂ©rent lorsque l’on voit danser comme Pongo le fait. Si l’on aime la danse. Si, pour soi, danser, c’est se libĂ©rer, se dĂ©faire des regards, du dĂ©couragement, se sensibiliser Ă  la transe. Et projeter sa vitalitĂ©.

 

Un peu sur l’arriĂšre scĂšne, entre la DJ choriste et le batteur, il y avait une sorte de carrĂ© noir un peu surĂ©levĂ© sur lequel, plusieurs fois, Pongo est venue s’installer comme sur une machine Ă  danser destinĂ©e Ă  nous secouer et Ă  promouvoir ce temps que nous allions passer ensemble.

 

Les titres Ă©taient courts ou m’ont semblĂ© courts mais pratiquement aucun n’a ratĂ© son sort. Nous attraper, nous faire danser. Pongo a rĂ©guliĂšrement ponctuĂ© la fin de ses chansons de roucoulements et interpellĂ© le public en l’appelant ” La Famille ! “.

Pongo, Ă  la Cigale, ce vendredi 18 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Un spectateur a remis un bouquet de fleurs Ă  Pongo. Le public a manifestĂ© son amour. Pongo a Ă©tĂ© trĂšs Ă©mue au point de pleurer un peu. Il m’a semblĂ© que beaucoup de fĂ©ministes Ă©taient Ă  la Cigale au concert de Pongo. A commencer par Zara et Tu Piges ?!

 

 

Vers la fin du concert, Pongo a invité le public à venir sur scÚne avec elle à deux reprises. Il y a eu foule à chaque fois. Entre les deux, Pongo est descendue dans la fosse pour chanter au milieu du public.

 

La seconde fois sur scĂšne, avec tout ce public Ă  nouveau venu la rejoindre, cela a Ă©tĂ© drĂŽle de voir la tĂȘte d’un des agents de sĂ©curitĂ© qui se serait bien passĂ© de tout ce bordel.

Pongo a enlacĂ© quelques spectatrices et spectateurs. Pongo a aussi fait intervenir deux danseuses, sĂ©parĂ©ment mais aussi ensemble. Chacune avait de solides arguments. Personne, je crois, n’a contestĂ© ce qu’elles avaient Ă  dire et elles l’ont dit. Pongo, Ă  cĂŽtĂ©, ne faisait pas de la figuration. Il lui suffisait d’un mouvement ou deux pour rĂ©affirmer sa prĂ©sence.

 

Le concert a Ă©tĂ© extraordinaire. Et, je suis d’autant plus content qu’il a beaucoup plu Ă  Zara et Ă  Tu Piges ?!

J’espĂšre que cet article et mes photos contribueront Ă  prolonger cette impression d’extraordinaire mais aussi Ă  donner envie d’écouter Pongo ou de danser avec elle en concert.

 

Pour rendre compte au mieux avec mes photos de l’atmosphĂšre du concert, il m’a semblĂ© qu’il fallait, cette fois-ci, opter pour un diaporama. Et, j’ai choisi le titre Bruxos de Pongo  qui est un de mes prĂ©fĂ©rĂ©s et celui que j’avais en tĂȘte lorsque j’étais en quĂȘte des places de concert.

 

Les photos du concert viennent dans un certain dĂ©sordre. J’ai dĂ©libĂ©rĂ©ment Ă©vitĂ© de suivre la chronologie exacte du dĂ©roulement du concert. Je crois que c’est mieux comme ça et j’espĂšre que cela vous plaira.

 

 

Franck Unimon, ce samedi 19 novembre 2022.

 

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Cinéma

Retour à Séoul un film de Davy Chou au cinéma le 25 janvier 2023

Retour à Séoul un film de Davy Chou au cinéma le 25 janvier 2023.

 

 

Retour Ă  SĂ©oul aurait pu avoir pour sous-titre : Le Prix du Matin calme.

 

 

Alors qu’il est en quĂȘte d’harmonie, le loup occidental  croit l’apercevoir dans certains pays d’Asie. Si l’on fait partie de ces personnes attirĂ©es par l’Asie au moins pour cette « raison Â» ou cette croyance, on envie la jeune Freddie lorsqu’elle arrive en CorĂ©e du sud au dĂ©but du film. Freddie est alors notre alibi et notre double. Bien que d’origine et d’apparence corĂ©enne, elle a toujours vĂ©cu en France et parle Ă  peine CorĂ©en. C’est une jeune femme dans la vingtaine trĂšs Ă  l’aise pour les relations sociales. Au lieu de se regarder dans un miroir en attendant que quelqu’un vienne Ă  elle, c’est elle qui s’avance vers les autres.

 

L’actrice Park Ji-Min II dans le rĂŽle de Freddie.

 

Sa facilitĂ© pour entrer en contact, en abattant les distances, avec les jeunes CorĂ©ens surprend (et cela nous surprend tout autant). Mais cela les fascine aussi et semble leur simplifier la vie. Tels les timides invitĂ©s d’une soirĂ©e ou d’une  sociĂ©tĂ©, ces jeunes CorĂ©ens semblent avoir toujours attendu que quelqu’un comme Freddie les rejoigne et  fasse pour eux le premier pas, les autorisant en cela Ă  s’avancer ensuite.

 

Le pays du Matin Calme serait donc un de ces endroits oĂč l’harmonie est obtenue en maintenant, dĂšs son plus jeune Ăąge, chaque individu Ă  l’envers de soi sur  un socle.

 

Freddie, « la jeune Ă©trangĂšre Â», est celle qui provient du hors champ de cette Ă©ducation Ă  la CorĂ©enne. Laquelle Ă©ducation, pour garantir l’harmonie sociale d’un pays, n’en n’enferme pas moins ses citoyens. Le pays tout entier est leur prison et s’étend jusqu’à leur espace social, Ă©motionnel, corporel et mental.

 

« Tu es une personne trĂšs triste Â» lui dira pourtant plus tard en Français Tena ( l’actrice Guka Han, Ă©galement auteure du livre Le jour oĂč le dĂ©sert est entrĂ© dans la ville ) une de ses amies corĂ©ennes pourtant peu portĂ©e sur l’extravagance. Comme si le fait d’avoir laissĂ© filer cette tristesse hors de son bol intĂ©rieur Ă©tait une grande tare sociale en CorĂ©e du sud. Ou que le secret de cette trop grande libertĂ© de Freddie, d’abord entraĂźnante et extraordinaire, avait pour elle le tort d’avoir Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©.

 

L’armature des convenances est telle qu’il convient de toujours aller bien et de savoir garder pour soi certaines Ă©motions afin de ne pas incommoder les autres avec celles-ci. Rien ne doit dĂ©passer ou dĂ©border.

 

Le pays du Matin Calme est peut-ĂȘtre le pays oĂč l’on aspire parfois Ă  extraire de soi ce que l’on ressent afin de l’exprimer mais oĂč le risque reste trop grand de se retrouver dĂ©valuĂ©, aux yeux des autres ou Ă  nos propres yeux, si l’on se confie tel que l’on est. Car nos secrets nous protĂšgent.

 

Or, Freddie, elle, dĂ©borde et se livre allĂ©grement comme une enfant tandis que les jeunes CorĂ©ens alentour se tiennent bien et Ă  l’abri du jugement des autres.

 

La rĂ©crĂ©ation, pour Freddie, dĂšs lors, se fait courte. AprĂšs les premiers temps de l’exaltation de la dĂ©couverte de la CorĂ©e du Sud, il lui faut aussi passer aux choses sĂ©rieuses.

Freddie ( l’actrice Park Jin-Min II) alors qu’elle cherche le Centre Hammond.

De d’abord libĂ©rĂ©e par rapport Ă  ses rencontres corĂ©ennes, car Française, Freddie trouve ensuite sa propre prison. Celle de l’histoire de son adoption. Car elle est nĂ©e CorĂ©enne. Ses amis corĂ©ens lui parlent du centre Hammond qui aide les enfants corĂ©ens adoptĂ©s Ă  retrouver leurs parents biologiques.

 

A partir de lĂ , Retour Ă  SĂ©oul cesse d’ĂȘtre la comparaison amusante mais aussi embarrassante – Freddie se montre par moments assez rude ( tant en Français qu’en Anglais ) envers certaines mƓurs corĂ©ennes-  entre deux cultures, CorĂ©enne et Française, pour devenir le rĂ©cit de la fabrication “en accĂ©lĂ©rĂ©” d’une nouvelle identitĂ©.

 

Freddie est spécifiquement Française au début du film. A la fin du film, sa part coréenne sera établie.

 

Le processus, sur plusieurs années, sera plusieurs fois déconcertant et difficile.

L’acteur OH Kwang-ROK qui incarne le pĂšre biologique de Freddie suivi par celle-ci ( l’actrice Park Ji-Min II) et son amie corĂ©enne Tena ( l’actrice Guka Han)

 

Il contiendra aussi son lot de dĂ©rives. Car tant que l’on fait semblant et que l’on raffole de l’instant et sans attente particuliĂšre, ce que l’on vit est sans consĂ©quences. Par contre, lorsque l’on s’expose au Temps des autres et que l’on en attend des rĂ©ponses
.

 

Freddie ne peut pas se soustraire à cet autre voyage. Celui de son histoire personnelle et de son identité pour lequel ses parents adoptifs français, malgré tout leur Amour et tous leurs efforts, restent et redeviennent deux étrangers.

 

AprÚs plusieurs voyages au Japon, pays proche, celui de Freddie en Corée du Sud, plus personnel et moins exotique, est le voyage de la maturité.

 

Presque paradoxalement, l’inconnu de ses origines qui construit sa quĂȘte, le handicap d’ĂȘtre Française comme celui de peu parler la langue corĂ©enne vont aussi lui permettre de prendre des dĂ©cisions, comme de mener une vie, dont elle aurait sĂ»rement Ă©tĂ© incapable si elle avait toujours vĂ©cu en CorĂ©e et toujours Ă©tĂ© « seulement Â» CorĂ©enne.

 

Pour rĂ©aliser ce film, Davy Chou s’est inspirĂ© librement de la vie de Laure Badufle qui a participĂ© Ă  la conception du scĂ©nario. Aujourd’hui, Laure Badufle est devenue Coach professionnelle de l’Ecole Française de Coaching, enseignante de Yoga Kundalini et co-prĂ©sidente de la FĂ©dĂ©ration Française FFKY. Elle a aussi « crĂ©Ă© le programme Adoption Mastermind pour accompagner adoptĂ©.e.s et adoptants Ă  travers les dĂ©fis de l’adoption et travaille avec des associations en France et Ă  l’étranger ( Racines CorĂ©ennes, La Voix des AdoptĂ©s, G.O.A’ L (
.) Â».   

 

Dans le film Retour Ă  SĂ©oul, L’actrice (Park Ji-Min II) qui incarne Freddie passe par un spectre de regards et d’émotions qui la rendent tantĂŽt attachante, tantĂŽt agaçante mais aussi cruelle, froide ou effrayante. Parfois, elle scrute voire sectionne du regard ses interlocuteurs comme des insectes de passage ou de transition mais aussi comme si elle voulait se rĂ©incarner dans leur histoire personnelle. On ne la quitte pas des yeux tant son jeu est convaincant.

Freddie, en plein repas avec sa famille biologique du cĂŽtĂ© de son pĂšre qu’elle a retrouvĂ©. Face Ă  elle, son amie CorĂ©enne, Tena ( l’actrice Guka Han) qui lui sert d’interprĂšte.

 

A la fin du film, Freddie demeure une personne assez insaisissable. Peut-ĂȘtre parce qu’elle est devenue un ĂȘtre humain plus libre et plus heureux en achevant bien sa mue en tant que CorĂ©enne. 

 

 

 

Retour Ă  SĂ©oul sortira au cinĂ©ma le 25 janvier 2023.  

 

Franck Unimon, ce vendredi 18 novembre 2022.

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self-défense/ Arts Martiaux

Le Maitre Anarchiste Itsuo Tsuda au Dojo Tenshin avec Manon Soavi ce mardi 8 novembre 2022

Paris, 13Ăšme arrondissement. Octobre ou novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

Le MaĂźtre Anarchiste Itsuo Tsuda au Dojo Tenshin avec Manon Soavi ce mardi 8 novembre 2022.

 

Nous grouillons de rĂȘves et d’envies. RassurĂ©s par ces dĂ©cors que nous connaissons, et qui nous dĂ©corent aussi, comme par ce mode de vie que nous sommes encore nombreux Ă  avoir pu conserver, nous continuons, souvent, comme « avant Â».

 

MĂȘme si nous savons tout ce qui se raconte et perce au travers de certains Ă©vĂ©nements :

 

L’évaporation des possibilitĂ©s fossiles- et autres- de notre environnement.

 

Nous ne parvenons pas Ă  nous empĂȘcher de rĂ©pĂ©ter les mĂȘmes erreurs car c’est ainsi que nous avons appris Ă  persister. Nous sommes habituĂ©s, aussi, Ă  ce que les malheurs se forment un peu partout autour de nous. L’Histoire de l’HumanitĂ© est faite de cette capacitĂ© Ă  continuer.

 

Et, puis, aussi, nous sommes munis de nos plus grandes espĂ©rances. Dont celle d’ĂȘtre Ă©pargnĂ©.

 

Quelques fois, ou peut-ĂȘtre souvent, je me donne la leçon avec ce genre de pensĂ©e. Je «regarde Â» celles et ceux qui ont agi tout Ă  fait diffĂ©remment de moi lorsqu’ils se sont engagĂ©s tel, en ce moment, un Frantz Fanon. Je sais que ma vie n’est pas la leur. Pourtant, je ne peux m’empĂȘcher de me dire certaines fois que, comparativement Ă  ces personnes, je manque d’audace et de courage.

 

RĂ©signĂ©, dominĂ©, apeurĂ©, angoissĂ©, trop raisonnable, trop prudent ou trop rĂ©aliste, je sais qu’une de ces caractĂ©ristiques ou toutes me dĂ©signent Ă  un moment ou Ă  un autre. Alors que nous vivons beaucoup de moments, seul ou Ă  plusieurs, dans une seule journĂ©e. Peu m’importe, lors de ces instants de dĂ©faillance, ce que d’autres peuvent distinguer ou ont pu distinguer de moi de plutĂŽt flatteur ou favorable. Car, alors, ma conscience m’appelle et me tranche avec mes/ses exigences.

 

Fort heureusement, il existe des solutions de repli, des opérations de sursis.

Un mot (« sursis») qui rime bien avec celui de la survie. Ainsi qu’avec la catharsis.

To Think out of the box

 

« To think out of the box Â» : On pourrait traduire cette phrase par « Sortir des sentiers battus». Mais, dit comme ça, c’est plat. Peut-ĂȘtre du fait de la plus grande variation des accents toniques dans la langue anglaise. PlutĂŽt que “Sortir des sentiers battus”, je prĂ©fĂ©rerais l’expression “Sortir des barreaux”. Des barreaux intĂ©rieurs. 

 

Ce mardi 8 novembre, j’ai essayĂ© de « Think out of the box Â». Pour cela, j’ai Ă©tĂ© stratĂ©gique. La veille, ma cervelle avait fait en sorte que je reste chez moi. Afin de pouvoir passer du temps avec ma fille jusqu’au coucher. Ainsi, le lendemain soir, j’ai pu plus facilement sortir de mes remparts pour retourner au Dojo Tenshin oĂč Manon Soavi nous a prĂ©sentĂ© son premier livre :

 

Le Maütre Anarchiste Itsuo Tsuda ( Savoir vivre l’utopie).

A quelques mĂštres de l’entrĂ©e du bĂątiment qui sert d’Ă©crin au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

DĂ©chaussĂ©s dĂšs l’entrĂ©e, Dans cet espace sauvĂ© du bruit et du rĂ©duit, nous sommes un peu plus d’une cinquantaine assis, dont deux ou trois enfants d’à peu prĂšs d’une dizaine d’annĂ©es, ainsi que la veuve de Maitre Noro , sur le tatami du Dojo Tenshin lorsque Manon Soavi commence Ă  nous parler.

Au dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Aujourd’hui, certains termes comme  « ĂȘtre zen Â», «  le Ki Â» et d’autres Ă©tats enseignĂ©s par les Arts Martiaux sont des recettes tombĂ©es dans l’escarcelle du libĂ©ralisme nous dit Manon Soavi. On peut ainsi lire des conseils pour « ĂȘtre zen Â» ou le devenir dans un magazine fĂ©minin comme Biba. A quand des sachets de zen instantanĂ©s que l’on pourra bientĂŽt trouver dans des distributeurs Ă  cĂŽtĂ© de sodas et de pop corn aurait pu ironiser Manon Soavi ?! 

 

Manon Soavi, ce mardi 8 novembre 2022 au Dojo Tenshin. Photo©Franck.Unimon

 

Ailleurs, nous dit aussi Manon Soavi,  Â« l’Anarchie Â» est devenue synonyme de « chaos Â».

 

 

Manon Soavi nous explique que l’expĂ©rience concrĂšte de ces termes et de ces pratiques est trĂšs Ă©loignĂ©e de ce qui en est prĂ©sentĂ© rĂ©guliĂšrement sur la place publique et publicitaire. Ce faisant, elle nous rappelle d’une certaine façon la diffĂ©rence qui existe entre un pratiquant et un consommateur.

 

L’un et l’autre se font des destins trĂšs diffĂ©rents aprĂšs une rencontre.

 

 

En quittant le Dojo Tenshin plus tard ce mardi soir, je serai particuliĂšrement « content Â», en reprenant le mĂ©tro, de tomber sur cette publicitĂ© que j’avais prĂ©alablement repĂ©rĂ©e et rencontrĂ©e. PrĂ©sente depuis quelques jours dans notre environnement, le message de cette publicitĂ© qui se veut sĂ»rement antiraciste et moderne car une femme noire y figure est au moins une incitation Ă  la dĂ©pendance, ainsi qu’un rappel que la femme ( se) doit d’ĂȘtre une mĂšre disponible pour ses enfants.

Paris, ce mardi 8 novembre 2022, dans le mĂ©tro. Photo©Franck.Unimon

Cette pub qui se veut « cool Â» et qui est facilement visible et accessible contrefait complĂštement certaines finalitĂ©s du Zen. Mais elle convaincra sĂ»rement certaines personnes.

 

Les personnes crĂ©dules qui prendront le contenu de cette publicitĂ© au pied de la lettre feront une autre expĂ©rience du Zen que celle vĂ©cue par RĂ©gis Soavi, le pĂšre de Manon Soavi, lorsque celui-ci, pratiquant d’Arts Martiaux depuis des annĂ©es, avait rencontrĂ© Itsuo Tsuda, le Japonais « nĂ© en CorĂ©e Â», dans les annĂ©es 70.

 

Itsuo Tsuda, en pleine séance.

 

Cette rencontre, nous dit Manon Soavi avant hier soir, a tout changĂ© pour RĂ©gis Soavi. Mais, cela peut sans doute se comprendre au moins pour deux raisons :

 

RĂ©gis Soavi, un homme dĂ©ja en rupture, a rencontrĂ© en Itsuo Tsuda un autre homme en rupture qui, comme lui, voire plus que lui, Ă©tait allĂ© encore plus loin dans la rupture avec ce qu’il refusait du monde ou de la sociĂ©tĂ©. En 1970, Ă  l’ñge de 56 ans, Itsuo Tsuda avait ainsi rompu avec son emploi de salariĂ© pour se lancer davantage dans l’aventure du Ki, du Katsugen Undo (ou mouvement rĂ©gĂ©nĂ©rateur) comme de leur enseignement.

 

Une rupture favorable Ă  la vie et Ă  l’ĂȘtre humain.

 

 

Dans cette attitude ou cette posture de rupture, nous sommes donc Ă  l’opposĂ© de celle du consommateur ou du citoyen qui obĂ©it, se laisse berner, affaiblir, diluer ou soumet son corps, son travail, sa vie, son entourage et son salaire Ă  des dĂ©cisions qui peuvent ĂȘtre prises sans  lui en Ă©change d’une sĂ©curitĂ© et d’une prĂ©servation supposĂ©es qui lui seraient alors, de fait, garanties. MĂȘme lorsque ce qui est ou sera exigĂ© de lui est contraire Ă  ses valeurs.

 

Nous vivons dans un monde qui nous pousse à la dissociation. Un monde qui nous apprend réguliÚrement à adorer et à préférer la peur.

 

D’un cĂŽtĂ©, il nous est dit que nous sommes libres, Ă©gaux et responsables et plein de possibilitĂ©s. D’un autre cĂŽtĂ©, nous vivons dans des sentiments d’impasse et d’impuissance qui contredisent ces messages.

 

Itsuo Tsuda, lui, a trĂšs tĂŽt refusĂ© ce mode de vie. En rupture Ă  l’ñge de seize ans avec son pĂšre, riche entrepreneur, comme avec les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale portĂ©es par les Japonais en CorĂ©e, il est parti vivre en France une premiĂšre fois dans les annĂ©es 30, en plein Front populaire.

 

Manon Soavi, au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Ce mardi 8 novembre 2022, au Dojo Tenshin, devant nous, Manon Soavi continue de dĂ©rouler devant nous une partie de l’histoire d’Itsuo Tsuda comme celle des quelques rencontres qu’il y a faites et qui ont changĂ© sa vie en France ou ailleurs. Tel Marcel Mauss


 

Plus tard, Itsuo Tsuda rencontrera Ueshiba sensei et deviendra un de ses Ă©lĂšves Ă©tudiant l’Aikido avec celui-ci jusqu’à sa mort en 1969. Itsuo Tsuda apprendra aussi le Seitai et le Katsugen Undo ( ou mouvement rĂ©gĂ©nĂ©rateur) avec Maitre Noguchi mais aussi le NĂŽ avec Maitre Hosada.

 

 

Dix annĂ©es durant, par la suite, RĂ©gis Soavi deviendra un des Ă©lĂšves de Maitre Itsuo Tsuda. Maitre faisant partie des Kage Shihan ( Maitres de l’ombre) selon Maitre Henri PlĂ©e. Manon Soavi mentionne cette affirmation de Maitre Henri PlĂ©e dans son livre que j’ai feuilletĂ© ce mardi soir avant de l’acheter.

 

On peut ĂȘtre l’élĂšve d’un Maitre d’Arts Martiaux ou de toute autre discipline ou rester celui de rĂ©clames publicitaires permanentes et renouvelĂ©es.

 

Certaines de nos relations et rencontres peuvent ĂȘtre des rĂ©clames publicitaires permanentes et renouvelĂ©es.

 

Mais, viendra peut-ĂȘtre le moment, un jour, oĂč l’on deviendra un Maitre soi-mĂȘme dans un domaine quelconque qu’il s’agisse de celui de l’illusion ou de l’éducation.  

 

Une Ă©ducation hors systĂšme

Manon Soavi, au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Avant l’édition de ce livre, Manon Soavi a dĂ©butĂ© l’AĂŻkido Ă  l’ñge de six (elle en a dĂ©sormais quarante) avec son pĂšre et fait l’apprentissage d’autres Arts martiaux. Elle a connu une Ă©ducation hors du systĂšme scolaire, une carriĂšre de concertiste de piano pendant dix ans. Le Dojo Tenshin, d’ailleurs, accueille rĂ©guliĂšrement des enfants Ă©duquĂ©s en dehors du systĂšme scolaire ( Un sujet qui m’interpelle et dont je n’ai pas encore pris le temps de discuter avec RĂ©gis et Manon Soavi).

C’est peut-ĂȘtre pour cela qu’il y a sans doute une continuitĂ© dans le fait que ce soit quelqu’un comme elle qui, un jour, se soit dĂ©cidĂ©e Ă  Ă©crire sur Itsuo Tsuda.

Au dĂ©but, l’intention de Manon Soavi Ă©tait d’écrire un article sur Itsuo Tsuda. L’article est devenu un livre.

Au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Lorsque ce mardi, j’ai demandĂ© Ă  Manon Soavi combien de temps lui avait Ă©tĂ© nĂ©cessaire pour Ă©crire ce livre, elle m’a rĂ©pondu :

 

“Il  y a deux rĂ©ponses”.

 

Un an et demi pour la rédaction. Rédaction facilitée par le confinement dû à la pandémie du Covid.

Et plus de trente ans si l’on considĂšre le fait que, dĂšs sa naissance, elle a baignĂ© dans les enseignements d’Itsuo Tsuda qui ont marquĂ© le temps et l’existence de son pĂšre et de sa mĂšre.

 

Manon Soavi avait deux ans lorsque Itsuo Tsuda est mort en 1984. Il l’a prise dans ses bras mais elle ne s’en souvient pas. Elle connaĂźt de lui ce que « la lĂ©gende familiale Â» lui a racontĂ© m’a t’elle prĂ©cisĂ© en souriant. Le reste, elle est allĂ©e le chercher et l’a en partie trouvĂ©. Car Itsuo Tsuda n’a pas tout dit.

 

Celles et ceux qui comptent nous disent rarement tout. C’est souvent Ă  nous de raconter ce qui reste. 

 

L’Anarchie

 

Sur le tatami, ce mardi, Manon Soavi nous dit qu’il y a de la provocation dans le titre de son livre car les termes « Maitre Â» et « Anarchiste Â» ne collent pas ensemble. L’anarchie vise Ă  Ă©chapper Ă  toutes formes de domination autant comme personne dominĂ©e que comme personne dominatrice. Elle nous parle des consĂ©quences du patriarcat. De la nĂ©cessitĂ© de l’ Â« empowerment Â». Plus tard, aprĂšs sa parole, j’ai vu que, dans son livre, elle cite des extraits d’ouvrages de Mona Chollet, une auteure fĂ©ministe ( J’ai lu RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet ). D’ailleurs, du 27 septembre au 16 novembre de cette annĂ©e, une de ses Ɠuvres, SorciĂšres, a Ă©tĂ© lue sur scĂšne.

 

Une commémoration

 

AprĂšs sa prĂ©sentation, Manon Soavi rĂ©pondra qu’au Japon, Itsuo Tsuda, est un inconnu. TrĂšs en rupture avec les instances officielles du Japon, cette indĂ©pendance lui a aussi valu l’anonymat dans son pays. MalgrĂ© ce qu’il a pu connaĂźtre et accomplir de son vivant tant en termes de pratiques, d’enseignement que de parutions.

 

Au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Itsuo Tsuda a Ă©crit une dizaine de livres en Français. Son premier livre, Le Non-Faire ,  est paru en 1973.

 

Inconnu ou ignorĂ© au Japon, Manon Soavi nous a parlĂ©, aussi, de son initiative, en 2013, d’organiser Ă  Paris une commĂ©moration pour les cent ans de la naissance d’Itsuo Tsuda (nĂ© en 1914).

 

Elle avait alors rĂ©ussi Ă  contacter des anciens Ă©lĂšves d’Itsuo Tsuda. Et, trĂšs vite, ceux-ci lui avaient assurĂ© qu’ils seraient prĂ©sents. Alors que prĂšs de trente annĂ©es Ă©taient passĂ©es depuis le dĂ©cĂšs de « l’inconnu Â» Itsuo Tsuda. Cette rĂ©action spontanĂ©e de plusieurs de ses anciens Ă©lĂšves, puis leurs tĂ©moignages ensuite, ont attestĂ© de l’importance qu’il avait pu avoir pour eux.

 

 

Je me demande maintenant quelle rĂ©clame publicitaire -ou quel article que j’ai pu acheter- il y a trente ans a pu avoir sur moi, le mĂȘme effet. Pourtant, en trente ans, j’ai vu,  « connu Â» et « aimĂ© Â» un certain nombre de rĂ©clames publicitaires et d’articles que j’ai pu acheter dans un de nos innombrables temples de la consommation.

 

Toujours dans ces prĂ©paratifs afin de commĂ©morer Itsuo Tsuda, un ou une de ses  ancien(ne)s Ă©lĂšves a donnĂ© Ă  Manon Soavi le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone d’une ancienne Ă©lĂšve  :

 

Madeleine D. Laquelle, durant une annĂ©e hĂ©bergea Itsuo Tsuda et sa femme chez elle et son mari, en rĂ©gion parisienne. Car Itsuo Tsuda fut pendant une annĂ©e en situation irrĂ©guliĂšre d’un point de vue administratif. Et, il avait alors obligation de quitter le territoire de la France.

En hĂ©bergeant Itsuo Tsuda et sa femme, cette ancienne Ă©lĂšve et son mari, furent aussi des personnes de « rupture Â». Et, Ă  travers eux, on pense Ă©videmment Ă  des rĂ©sistants ou Ă  tout individu, qui, lors d’une guerre ou d’un pĂ©ril imminent, a protĂ©gĂ© et cache chez lui des personnes vulnĂ©rables ou grandement exposĂ©es aux travers de certaines Lois.

 

En « donnant Â» Ă  Manon Soavi une des calligraphies d’Itsuo Tsuda en lui disant « Continuez Â», cette ancienne Ă©lĂšve (Madeleine D.) a perpĂ©tuĂ© le travail de transmission du Katsugen Undƍ. 

Au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Prochain stage de Katsugen Undo du 9 au 11 décembre 2022.

 

 

L’édition d’un livre

 

 

Si Itsuo Tsuda a Ă©crit Ă  peu prĂšs une dizaine de livres (tous Ă©crits en Français), Manon Soavi voit dans la parution de son propre livre Le Maitre Anarchiste Itsuo Tsuda, une transposition du Non-Faire professĂ© par celui-ci.

 

Au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Livres de Itsuo Tsuda.

 

 

Une annĂ©e durant, elle avait sollicitĂ© des maisons d’édition sans suite. Puis, finalement, un nouveau membre du Dojo a parlĂ© de ce projet Ă  un Ă©diteur avec lequel il faisait zazen.

 

Et, c’est finalement l’éditeur, intĂ©ressĂ©, qui a relancĂ© Manon Soavi. La suite de cette histoire s’est probablement enclenchĂ©e ce mardi depuis le dojo Tenshin.

J’avais pratiquement fini d’écrire cet article deux jours aprĂšs cette soirĂ©e au Dojo Tenshin. Puis, un dĂ©faut de connexion Ă  internet m’a empĂȘchĂ© de le publier avant aujourd’hui. Entretemps, ce lundi ( il y a trois jours) Ă  une projection de presse, je suis allĂ© voir le prochain film de Davy Chou qui se dĂ©roule en CorĂ©e du sud :  Retour Ă  SĂ©oul. Retour Ă  SĂ©oul  sortira au cinĂ©ma le 25 janvier 2023. Itsuo Tsuda, Japonais, Ă©tait nĂ© en CorĂ©e. C’est cette coĂŻncidence qui m’interpelle maintenant alors que j’ai dĂ©jĂ  Ă©crit mon article sur ce film ( Retour Ă  SĂ©oul un film de Davy Chou au cinĂ©ma le 25 janvier 2023). Une coĂŻncidence que j’avais oubliĂ©e en allant voir le film ce lundi.  

 

 

Franck Unimon, ce jeudi 17 novembre 2022.

 

 

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Sur scĂšne

L’humoriste Tania Dutel sur scĂšne Ă  la Nouvelle Eve

Ce jeudi 3 novembre 2022, devant l’entrĂ©e de la Nouvelle Eve.

L’humoriste Tania Dutel sur scùne à la Nouvelle Eve

 

Ce jeudi soir, deuxiĂšme semaine des vacances de la Toussaint, il y a assez peu de monde dans le mĂ©tro, ligne 12, qui m’emmĂšne dans le 9Ăšme arrondissement de Paris Ă  la station Pigalle. Une fois dehors, deux videurs d’un sexodrome  m’indiquent obligeamment la route :

 

« La rue Pierre Fontaine,  aprĂšs le Monoprix, c’est tout de suite Ă  gauche ! Â».

 

Depuis mon enfance, je suis dĂ©jĂ  passĂ© par Pigalle. Mais je ne connais pas la rue Pierre Fontaine. Cette rue oĂč se trouve pourtant le Bus Palladium ( en travaux) non loin du cabaret Chez Moune, des endroits qui ont marquĂ© l’Histoire de la nuit et de la vie artistique et culturelle de Paris. Et du monde occidental.

 

Je connais encore moins la salle la Nouvelle Eve oĂč joue Tania Dutel ce jeudi soir et, ce, pour plusieurs semaines encore. Pour me diriger vers la Nouvelle Eve, je tourne le dos au Moulin rouge qui s’éloigne derriĂšre moi.

 

Je ne l’ai pas fait exprĂšs mais aller voir Tania Dutel, cela va bien avec le fait d’ĂȘtre allĂ© voir Hollie Cook en concert la semaine derniĂšre ( En concert avec Hollie Cook au Trabendo) dont le titre Postman en particulier continue sa route dans ma tĂȘte.

La salle de la Nouvelle Eve, depuis le balcon, non loin des toilettes, ce jeudi 3 novembre 2022, avant la prestation de Tania Dutel. La troisiĂšme table, en partant de la gauche, juste devant la scĂšne, Ă  cĂŽtĂ© des marches, c’est lĂ  oĂč Ă©tait “ma” place. J’ai demandĂ© aux deux personnes attablĂ©es derriĂšre moi de bien vouloir veiller sur mon sac. Ce qu’elles ont facilement acceptĂ© de faire. Photo©Franck.Unimon

 

C’est par des vidĂ©os sur internet que j’ai dĂ©couvert Tania Dutel, 33 ans, il y a deux ou trois mois. Depuis des mois, par saccades, je regarde sur internet des sketches d’humoristes Ă  Montreux ou ailleurs. Il y a les humoristes connus ou que « tout le monde Â» connaĂźt. Et, il y a les autres qui marchent assez bien ou qui montent mais qui sont moins connus.

 

J’ai dĂ©ja vu trois ou quatre humoristes sur scĂšne dans le « passĂ© Â» :

 

Jamel Debbouze, DieudonnĂ©. C’était il y a plus de 12 ans.  Haroun a Ă©tĂ© le petit dernier, il y a Ă  peu prĂšs deux ans entre deux confinements dus Ă  la pandĂ©mie du Covid.

 

Mais je n’ai pas vu assez d’humoristes sur scĂšne. Pas autant que je le voudrais ou l’aurais voulu. Cela fait des annĂ©es que je me dis qu’il faudrait que je prenne le temps de le faire vĂ©ritablement. Le seul en scĂšne de l’humoriste est un exercice particulier. Si j’ai compris que le solo permet mieux Ă  un certain type d’artiste de se trouver et de s’exprimer, je vois aussi le mĂ©tier d’humoriste solo, sur scĂšne, comme un mĂ©tier colossal.

 

Pour moi, l’humoriste solo est l’artiste qui doit en faire des tonnes. Rire de soi, rire des autres, redonner le moral, ĂȘtre dans une forme physique olympique, dans un Ă©tat d’intelligence et de vivacitĂ© monumental, et de tous les instants
 au moins pour la façade sur scĂšne ou lors d’une Ă©mission ou d’une interview.

 

Et répéter cela.

 

 

Redonner aussi, constamment ou rĂ©guliĂšrement, de soi une image qui peut nous enfermer dans un certain type de rĂŽle et de comportement. Dans le rĂŽle de celle ou de celui qui se doit d’ĂȘtre toujours plein(e) de vie, d’ĂȘtre un marsupilami ou une super hĂ©roĂŻne Ă  temps complet, qui arrive toujours Ă  resurgir Ă  la surface et doit ĂȘtre lĂ©ger ou lĂ©gĂšre mĂȘme si, intĂ©rieurement, elle ou il touche le fond ou les bas-fonds. 

 

On aime beaucoup les histoires de celles et ceux qui « rebondissent Â» et qui nous offrent les  bouquets recomposĂ©s de leurs « rĂ©siliences Â». Cela nous rassure et nous inspire. Parfois, aussi, cela nous rend fainĂ©ants.

Tania Dutel, sur scĂšne Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Je vois aussi le mĂ©tier d’humoriste comme celui ou existe une grande dĂ©pendance aux rires du public. Puisqu’un humoriste qui ferait peur Ă  son public ou qui le ferait pleurer aurait ratĂ© son cƓur de cible. Hier soir, Tania Dutel nous a racontĂ© cette fois oĂč, sur scĂšne, elle avait connu un Ă©chec total au point de devoir prendre la dĂ©cision de couper court Ă  son spectacle pour annoncer plus tĂŽt l’artiste qui la suivait. C’est pour ce genre « d’anecdotes Â» en filigrane et d’expĂ©riences personnelles que sa prestation d’hier soir m’a plu.

Pourtant, malgrĂ© les risques qu’il comporte, j’aime le rire. Et j’ai besoin de lui. Il m’a aidĂ© Ă  me sortir un peu un certain nombre de fois de la glue de mes inquiĂ©tudes et de mes obsessions. Et c’est probablement pour cela que nous sommes beaucoup Ă  tenir Ă  celles et ceux qui nous font rire. Pour nous aider Ă  reprendre un peu pied, ainsi que notre souffle, et Ă  nous extirper un peu des marĂ©cages de nos fors intĂ©rieurs.

 

Tania Dutel, Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Certaines personnes, lorsqu’elles tombent amoureuses de quelqu’un plutĂŽt que d’une autre, disent que ça ne s’explique pas. Que c’est comme ça. C’est peut-ĂȘtre un peu pareil avec le fait de rire devant l’humour d’une personne au dĂ©triment de l’humour d’une autre personne.

 

MĂȘme si je ne crois pas tant que ça aux mystĂšres tant dans le domaine de l’Amour que du rire. Pour moi, il y a bien une ou plusieurs raisons pour expliquer le fait que l’on aime ou que l’on dĂ©sire une personne plutĂŽt qu’une autre. MĂȘme lorsqu’il vaudrait mieux s’abstenir de le faire.

Comme il y a sĂ»rement aussi une ou plusieurs raisons pour expliquer le fait que l’on va plus facilement rire devant l’humour d’une personne plutĂŽt que devant celui d’une autre. Mais, lĂ , il m’est difficile de savoir s’il vaudrait mieux, certaines fois, s’abstenir de rire devant un certain humour plutĂŽt que devant un autre.

 

 

Lorsque j’ai parlĂ© un peu autour de moi de Tania Dutel, on m’a demandĂ© qui c’était. Et, j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© car j’avais vu deux ou trois vidĂ©os d’elle, ou plus. Je les avais trouvĂ©es drĂŽles et bien pensĂ©es et comme elles semblaient avoir beaucoup de vues, j’ai cru que cela voulait dire que Tania Dutel Ă©tait  trĂšs connue.

 

Tania Dutel, Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hier soir, Tania Dutel, au dĂ©but de son spectacle, s’est prĂ©sentĂ©e comme quelqu’un qui avait eu un Bac scientifique, qui Ă©tait arrivĂ©e Ă  19 ans Ă  Paris depuis sa rĂ©gion du Beaujolais  oĂč vivaient un peu plus de mille habitants oĂč tout le monde « se connaĂźt Â». Deux sƓurs, deux frĂšres ou j’en ai peut-ĂȘtre rajoutĂ© une ou un de trop. Une mĂšre un peu « plus Â» imposante que le pĂšre qui sait Ă  quoi s’en tenir juste par une inflexion de la voix de la mĂšre.

 

Concernant son style d’humour, j’ai rĂ©cemment envoyĂ© le lien d’une de ses vidĂ©os Ă  deux de mes proches. Une de mes proches a comparĂ© Tania Dutel Ă  Blanche Gardin.

 

J’aime beaucoup Blanche Gardin.

 

Mais lorsque je regarde et Ă©coute Tania Dutel, je vois Tania Dutel. Tania Dutel a par exemple sa façon personnelle de dire :

 

« C’est assez hilarant Â».

Tania Dutel, Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

En tout cas, la file d’attente que j’ai trouvĂ©e ce jeudi soir devant la salle de la Nouvelle Eve ne doutait pas des pouvoirs humoristiques de Tania Dutel. Et, moi, depuis longtemps, je vois la scĂšne comme un sĂ©rum de vĂ©ritĂ© suprĂȘme. Une prestation scĂ©nique permet Ă  un artiste de mieux se dĂ©fendre
ou de se dĂ©faire. Pour connaĂźtre la vĂ©ritĂ© de ce spectacle, la place a coĂ»tĂ© 22 euros.

 

Si, hier soir, nous avons Ă©tĂ© devant « une petite salle Â» comme le dira Tania Dutel en voyant la centaine de personnes prĂ©sentes, le public a Ă©tĂ© assez variĂ©. Couples homos et lesbiens, couples hĂ©tĂ©ros, amis hĂ©tĂ©ros et homos, personnes seules ou cĂ©libataires ? Les plus jeunes devaient avoir dans les 25 ans et les plus ĂągĂ©s, une bonne quarantaine d’annĂ©es, de l’étudiant (e) Ă  l’employĂ© (e).

 

Je sortais des toilettes, en haut de la salle, au balcon, lorsque j’ai entendu l’arrivĂ©e de Tania Dutel sur scĂšne. J’ai eu Ă  peine le temps de revenir m’asseoir Ă  ma place, juste devant la scĂšne, lorsque Tania Dutel m’a interrogĂ©. Qu’est-ce que je faisais ? Comment je m’appelais ? J’étais seul ?

 

MĂȘme si j’ai Ă©tĂ© surpris, j’ai Ă©tĂ© assez Ă  l’aise pour rĂ©pondre.  Cela fait partie du jeu du stand up et des spectateurs du premier rang. Et, Tania Dutel ne m’a pas trop poursuivi. Mais ce genre d’échange crĂ©e un lien particulier avec l’artiste sur scĂšne. Durant quelques secondes, la spectatrice ou le spectateur vit un peu l’expĂ©rience de l’artiste qui se met Ă  nu et Ă  risque devant un public pendant plus d’une heure. MĂȘme s’il y a des « trucs Â» comme on dit dans la profession et que les annĂ©es d’entraĂźnement permettent de « faire Â» le spectacle, l’imprĂ©vu persiste. Puisque c’est le principe du spectacle vivant. D’ailleurs, Tania Dutel nous dira qu’au dĂ©but, elle avait prĂ©vu de faire autre chose.

 

Tania Dutel, Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Tania Dutel a sollicitĂ© aussi deux ou trois autres spectatrices et spectateurs. MĂȘme si j’avais dĂ©jĂ  observĂ© cette aptitude chez d’autres artistes sur scĂšne, j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par sa facilitĂ© pour Ă©couter les rĂ©ponses de son public. Comme pour retenir le prĂ©nom des spectatrices et spectateurs avec lesquels elle avait « conversĂ© Â» un peu devant nous. A la fin du spectacle, je crois me souvenir qu’elle se rappellera de mon prĂ©nom.

 

Lors de son stand up qui a durĂ© prĂšs d’une heure trente, avec une mise en scĂšne minimale, un micro, un pied de micro, un tabouret, une lampe, un cahier, un thermos dans lequel elle ne boira rien, Tania Dutel a Ă©tĂ© espiĂšgle, enfant, charmante, surprenante, bienveillante et trĂšs attentive Ă  son public. Il a Ă©tĂ© question au moins de viol, de boulimie, d’anorexie, de sexualitĂ©, des relations entre les femmes et les hommes, du corps des femmes, de sa physiologie. De quoi gĂȘner un petit peu au cours d’un apĂ©ro ou d’un barbecue lors d’une rencontre familiale ou amicale.

 

Il est possible que certaines sensibilitĂ©s trouvent outranciers les sujets abordĂ©s par Tania Dutel ainsi que sa maniĂšre de le faire. Et, c’est sĂ»rement une question de mesure mais je n’arrive pas Ă  les trouver indĂ©cents ou dĂ©placĂ©s.  Et, comme elle l’a expliquĂ©, elle ne peut pas plaire Ă  tout le monde mĂȘme en faisant  de son mieux pour mettre les formes.

En racontant des situations trĂšs intimes comme le veut le stand up, Dutel table sur le fait qu’il peut se trouver dans le public des personnes qui ont vĂ©cu la mĂȘme chose qu’elle et qui sont prĂȘtes Ă  ce que cela « sorte Â» de la bouche d’un( e) artiste.

 

Cela explique-t’il le fait que, trĂšs vite, le public prĂ©sent, tant fĂ©minin que masculin, ait ri avec conviction ?

 

En tout cas, le public, dans sa grande majoritĂ©, a adhĂ©rĂ©. Pour ma part, j’ai souvent souri. Peut-ĂȘtre ai-je moins ri que d’autres car je peux avoir un temps de dĂ©calage avec le rĂ©el. Mais aussi parce-que j’avais « vu Â» et entendu une partie des rĂ©pliques de Tania Dutel sur internet.

 

AprĂšs le spectacle, nous sommes quelques uns Ă  attendre Tania Dutel Ă  la sortie. Elle arrive, prend le temps de discuter avec nous.

Tania Dutel s’est lancĂ©e dans le mĂ©tier depuis 2009 et fait du stand up comme elle le pratique dĂ©sormais depuis 2017. Pendant la reprĂ©sentation, alors qu’elle parlait de « pĂ©nis de sang et de pĂ©nis de chair Â», elle s’est aperçue que je la prenais en photo. AprĂšs s’ĂȘtre assurĂ©e que je n’étais pas en train de la filmer – car c’est interdit- elle m’avait demandĂ© de la photographier plutĂŽt Ă  la fin du spectacle. J’avais alors posĂ© mon appareil photo.

 

Tania Dutel, Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Lors de ces quelques Ă©changes avec elle, dans la rue Fontaine, je lui explique avoir pris ces photos pour parler d’elle- en bien- dans mon blog. Elle ne pouvait pas le savoir. Lors d’un passage de son spectacle, elle nous a racontĂ© comment elle s’était faite « dĂ©foncer Â» par certains internautes qui n’avaient pas aimĂ© un de ses sketchs ou un de ses spectacles. De ce fait, depuis, elle ne lit plus les commentaires sous ses vidĂ©os. L’humoriste Elodie Poux a fait un sketch que je trouve rĂ©ussi sur les « haters Â», ces personnes qui manquent de courage,  ou simplement de maturitĂ© et d’autocensure, lorsqu’elles parcourent un clavier en restant bien abritĂ©es dans la pĂ©nombre et dans l’anonymat. 

 

Comme d’autres spectatrices et spectateurs prĂ©sents dans la rue Fontaine, hier soir, j’ai  remerciĂ© Tania Dutel pour son spectacle. Ainsi que pour son courage Ă  parler, seule sur scĂšne, de tous ces sujets. Alors que nous, spectateurs, nous pouvons avoir l’impression que c’est facile Ă  faire. Je l’ai saluĂ©e puis je suis parti. Avant de revenir pour lui demander un selfie. Il est dommage, qu’avec l’éclairage, il y ait plus d’ombre sur son visage que sur le mien mais au moins, la photo et son sourire sont lĂ .

Avec Tania Dutel, aprĂšs son spectacle Ă  la Nouvelle Eve, ce jeudi 3 novembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 4 novembre 2022.