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Zero Dark Thirty/ Un film de Kathryn Bigelow

ZERO DARK THIRTY ( 2012) un film de Kathryn Bigelow

 

« When you lie to me I Hurt you ! Â» ( Chaque fois que tu me mentiras, je te ferais du mal !)

 

 

C’est sĂ»rement le fait, hier, dans un de mes articles, d’avoir mentionnĂ© l’acteur Reda Kateb qui m’a amenĂ©, ce matin, au rĂ©veil, Ă  me rappeler du film ZERO DARK THIRTY de Kathryn Bigelow. J’avais vu le film dans une grande salle de cinĂ©ma Ă  sa sortie. Et, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de tomber sur
.Reda Kateb quasiment dĂšs l’ouverture du film dans le rĂŽle d’un terroriste que l’on torture et qui finit par lĂącher une information qui permettra de retrouver Ben Laden, l’homme alors le plus recherchĂ© du monde, aprĂšs les attentats du 11 septembre 2001.

 

Attentats dont je me « rappelle Â». Je sais encore oĂč je me trouvais et ce que je faisais lorsque les images des attentats du 11 septembre avaient Ă©tĂ© distribuĂ©es et redistribuĂ©es Ă  la tĂ©lĂ© :

Au travail, dans le service de pĂ©dopsychiatrie oĂč je travaillais alors avec des adolescents. Mais, Ă  cette Ă©poque, en 2001, personne ne parlait des soignants comme de « hĂ©ros de la nation Â».

 

La derniĂšre fois que j’avais aperçu l’acteur Reda Kateb sur un Ă©cran, c’était pour le voir dans des films d’auteurs français. Et, lĂ , dans ce complexe de cinĂ©ma parisien, sur un trĂšs grand Ă©cran, c’était dans cette trĂšs grosse production amĂ©ricaine rĂ©alisĂ©e par Kathryn Bigelow.

 

Kathryn Bigelow, amĂ©ricaine, est connue pour ĂȘtre une gorgone-rĂ©alisatrice de  films membrĂ©s.  RĂ©alisatrice, amĂ©ricaine et gorgone, Bigelow  a sans doute beaucoup Ă  dire sur la question du genre. Et, elle le fait en poussant ses films comme une femme pourrait se mettre debout pour pisser.

 

J’avais dĂ©jĂ  vu- et aimĂ©- plusieurs de ses autres films. Hormis Point Break ( 1991) (je n’avais pas retenu qu’elle en Ă©tait la rĂ©alisatrice)

 

 

 

 

j’avais vu Strange Days ( 1995)

 

 

 

, K-19, le piĂšge des profondeurs ( 2002)

 

 

ou Démineurs ( 2008) au cinéma.

 

Avec ZERO DARK THIRTY, nouveau « film d’action Â», on entre cette fois dans une autre actualitĂ© politique rĂ©cente. La traque reconstituĂ©e, au cinĂ©ma, et la « fin Â» de Ben Laden.

 

 

Si ZERO DARK THIRTY m’avait plu pour sa rĂ©alisation, j’étais restĂ© trĂšs perplexe quant aux motivations morales de ce film.

RĂ©alisĂ© avant que les Etats-Unis (ou les Extra-Terrestres) ne nous « envoient Â» Donald Trump, ZERO DARK THIRTY  expĂ©die quand mĂȘme Ă  la face du Monde, que « America Rules ! Â» et que si l’on s’en prend aux Etats-Unis, on s’expose Ă  de sĂ©vĂšres « Retaliation Â» ( reprĂ©sailles) y compris mĂ©diatiques.

 

Je ne nie pas le trauma du 11 septembre 2001 pour les AmĂ©ricains. Cela est impossible. Mais cette façon de percevoir les Etats-Unis comme l’équivalent du « berceau de l’HumanitĂ© Â» et de justifier par ailleurs toutes les atrocitĂ©s, militaires ou autres, connues ou non, rĂ©alisĂ©es par les Etats-Unis m’a semblĂ© se confondre avec les intentions du film.

 

Une trĂšs mauvaise habitude :

Je parlais de l’acte de pisser debout tout Ă  l’heure. Et, j’ai dĂ©jĂ  racontĂ© cette histoire.

 

Lorsque j’étais allĂ© voir le film en salle, pratiquement Ă  sa sortie, j’avais commencĂ© Ă  prendre l’habitude, de me rendre aux toilettes en pleine sĂ©ance et de laisser mon sac dans la salle.

 

Trùs mauvaise habitude que j’ai perdue depuis.

 

 

A mon retour dans la salle, alors que je me rapprochais de ma place, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© d’apercevoir deux silhouettes presque collĂ©es Ă  l’issue de secours. Debout. Et qui attendaient ou observaient. PlutĂŽt inquiĂštes Ă  leur attitude. Et, ce n’était pas pour pisser debout contre un des murs de la salle.

 

Car, alors que je commençais Ă  me diriger vers la rangĂ©e de fauteuils oĂč se trouvaient mes affaires, un homme, en dĂ©but de rangĂ©e m’avait alors demandĂ© :

 

« Elles sont Ă  toi, ces affaires ? Â». J’avais opinĂ© de la tĂȘte.

 

Il avait repris : « Quelle bande de cons ! Si tu les avais vus ! Â». J’avais alors compris que, sitĂŽt que mes affaires avaient Ă©tĂ© dĂ©couvertes sans leur propriĂ©taire- par quelques spectateurs- que pour plusieurs d’entre eux, le film Ă©tait soudainement devenu beaucoup plus rĂ©el dans la salle que sur le trĂšs grand Ă©cran.

 

Nous Ă©tions en 2012. Plus de dix ans aprĂšs les attentats du 11 septembre. Ben Laden avait Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© un an plus tĂŽt par des forces spĂ©ciales amĂ©ricaines. C’était ce que nous racontait Zero Dark Thirty.

 

Je m’étais rassis.  Aucune Ă©quipe de dĂ©mineurs n’était venue investir la salle. Et j’avais regardĂ© la suite du film.

 

Je crois que les deux silhouettes prĂšs de la sortie de secours Ă©taient ensuite revenues s’asseoir. Mais je ne saurais jamais de quel film elles se souviennent le mieux.

 

Aujourd’hui, ce 16 juin 2021, et depuis plusieurs mois, nous parlons certes beaucoup de la pandĂ©mie du coronavirus, de ses variants et de ses vaccins. Mais, nous savons aussi que vingt ans aprĂšs Al QuaĂŻda et Ben Laden, que d’autres terrorismes subsistent, croissent et nous inquiĂštent de plus en plus. Qu’il s’agisse d’un terrorisme religieux, politique, Ă©conomique, climatique, ou sanitaire. Lequel a plusieurs visages et diffĂ©rentes façons de se manifester et de tuer. Que l’on parle de Daech, de l’extrĂȘme droite, de certaines positions catholiques intĂ©gristes, de la dĂ©forestation intensive ou d’autres pratiques devenues si courantes qu’on les oublie ou les banalise.

 

AprÚs tout ce bla-bla en préambule, je vais regarder à nouveau ce film et je vous en reparle.

 

 

« You Belong to me ! Â» ( Tu m’appartiens/ Je fais de toi de que je veux !/ Tu es ma chose ! Â»

Quelques jours sont passĂ©s depuis que j’ai commencĂ© Ă  rĂ©diger cet article. Entre-temps, la vie courante, parfois mourante, m’a Ă©loignĂ© du terrain de l’écriture.

 

Je me reprends en main ce matin.

 

DivinitĂ©s de la lecture ! Alors que les terrasses des restaurants sont de nouveau sorties des bĂąches de la pandĂ©mie du Coronavirus et que l’on peut, depuis quelques jours, marcher dans les rues Ă  visage dĂ©couvert et y « rĂ©cupĂ©rer Â» celui de son prochain ou de sa prochaine alors que l’on ne pouvait, depuis des mois, que tomber dans ses yeux.

 

Faites prospĂ©rer l’attention des lecteurs ! Et, multipliez, aussi, les cercles et les sangs de celles et ceux qui, autour, pourront et voudront bien lire ces phrases aux pleins poumons. Car, dĂ©jĂ , je « sais Â» que cet article, vautour de mon temps, sera plus long que prĂ©vu.

 

A peine dix minutes de Zero Dark Thirty ont été vues que, déjà, mes pensées se resserrent sur un certain nombre de proies.

 

 

En commençant Ă  revoir ce film, j’ai redĂ©couvert ce plaisir qu’il y a se recueillir en soi
en entrant dans un film. J’ai dĂ©jĂ  comparĂ© le fait d’aller dans une salle de cinĂ©ma au fait d’aller Ă  la messe. Pour moi, sur l’écran, comme sur ce que l’on entend et voit d’un reprĂ©sentant de la foi, on projette ce que l’on est. On regarde un film comme l’on est et comme on vit. Comme on a pu vivre. Ou comme l’on voudrait vivre. De lĂ  nous vient un certain nombre de nos certitudes par rapport Ă  une scĂšne, un film, un prĂȘche religieux.

 

On veut faire Ă©tablir pour vĂ©ritĂ© ce qui nous parle Ă  nous, personnellement. Ce que l’on a compris et « vu Â». Et on veut convaincre.

 

Je veux donc convaincre. Une fois de plus. Et, une fois de plus, je n’y parviendrai pas forcĂ©ment. Ou si peu. C’est notre histoire, Ă  tous.

 

J’entends des voix :

 

 

Je me rappelais de ma surprise Ă  voir l’acteur Reda Kateb au dĂ©but de ce film. Mais j’avais oubliĂ© ces « voix Â» vraisemblablement de victimes des attentats du 11 septembre 2001 comme celles des services de secours qui leur rĂ©pondent au tĂ©lĂ©phone et qui tentent de les rassurer. Si ! Si ! Tout va bien se passer, vous allez voir !  Â« Je vous aime ! Â» crie une victime dans un message tĂ©lĂ©phonique qu’elle laisse Ă  ses proches. Aucune image.

 

Que des voix.

 

Un Ă©cran noir. Le noir sans doute pour le deuil. Sans doute pour la pudeur. Sans doute pour parler directement Ă  nos Ă©motions et Ă  nos consciences. Directement. Sans artifice. S’exfiltrer de l’artifice qu’est l’exercice du cinĂ©ma
en passant par le cinĂ©ma, ce film Zero Dark Thirty. Par un collage entre le rĂ©el ou supposĂ© rĂ©el et la mise en scĂšne d’un film de cinĂ©ma :

 

Je n’ai pas vĂ©rifiĂ© si ces voix sont d’authentiques voix de victimes du 11 septembre 2001 Ă  New-York. Mais je le suppose. Je ne demande qu’à le croire. Voire : je trouverais presque indĂ©cent, moralement, d’en douter.

 

Des horreurs sĂ©parĂ©es et hiĂ©rarchisĂ©es :

 

Donc, lorsque le film dĂ©bute vraiment avec l’acteur Reda Kateb en position de terroriste torturĂ© afin qu’il permette de remonter la filiĂšre qui permettra d’attraper les responsables de cette horreur (les attentats du 11 septembre 2001), le premier but de la Kathryn Bigelow est atteint. Les deux horreurs sont sĂ©parĂ©es, hiĂ©rarchisĂ©es.

 

Il y a d’un cĂŽtĂ© cette horreur (les attentats du 11 septembre 2001) que l’on ne voit pas car on ne l’accepte pas. Parce qu’on la trouve ignoble. Et celle de la torture du terroriste (interprĂ©tĂ© donc par l’acteur Reda Kateb) que l’on va voir. Et accepter.

 

PremiĂšre remarque Ă  propos de cette phrase- « You Belong to Me ! Â» que Dan (l’acteur Jason Clarke) le tortionnaire en chef , visage dĂ©couvert ( le seul Ă  avoir son visage dĂ©couvert face au terroriste Ă©galement mis Ă  nu, bien que porteur d’un pantalon et d’un tee-shirt) active :

 

Nous « appartenons Â» presqu’autant Ă  la rĂ©alisatrice dĂšs ce moment du film que ce terroriste n’appartient Ă  Dan. Et, pour cela, moins de dix minutes de cinĂ©ma ont Ă©tĂ© nĂ©cessaires. On peut d’ores et dĂ©jĂ  saluer le Savoir faire de la rĂ©alisatrice. Se demander, si, dans notre vie courante, nous nous faisons, toujours, aussi rapidement manipuler.

 

Ou commencer à réprouver moralement son film.

 

Je n’ai pas encore tranchĂ© Ă  propos de ces questions alors que je rĂ©dige cet article.

 

Dominant/dominĂ©/domino :

 

 

Mais, « You Belong to me ! Â», c’est Ă©videmment, la phrase qui peut se dire de dominant Ă  dominĂ©. Que cette situation de domination soit visible ou invisible. DĂ©tectable ou indĂ©tectable. Dans la vie conjugale. Entre des parents et leurs enfants. Au travail. Entre riches et pauvres. Entre l’occident
et le reste du monde.

 

Cette phrase a donc deux faces. Elle Ă©tale aussi au grand jour, au travers de Dan, cette domination qu’entend continuer d’exercer l’Occident, via les Etats-Unis, ici, sur un membre du Moyen-Orient :

 

Ammar, interprĂ©tĂ© par l’acteur Reda Kateb.

 

Et, en exposant la dualitĂ© de cette phrase, Bigelow montre aussi une certaine responsabilitĂ© de l’Occident. Ammar, et celles et  ceux qui lui ressemblent, ne sont peut-ĂȘtre pas que des terroristes. Mais, peut-ĂȘtre, aussi, des personnes qui refusent d’appartenir Ă  l’Occident. Et d’ĂȘtre ses esclaves ou ses choses.

 

 Mais c’est peut-ĂȘtre, moi qui l’interprĂšte comme comme ça. D’autres, Ă  ma place, ne verront en Ammar qu’un bouffon terroriste qui va et doit en baver comme il le « mĂ©rite Â». Et les adeptes de cette croyance ( « Ammar/bouffon/terroriste/qui-doit-en-baver) vont prendre leur pied, et peut-ĂȘtre se lubrifier, devant les scĂšnes de torture.

 

SubtilitĂ©s : j’ai mes rĂšgles.

 

 

Sauf que Bigelow est plus subtile que ça.

 

 

J’avais oubliĂ© ce visage de femme « prĂ©gnante Â» (de femme enceinte) de Maya – l’actrice Jessica Chastain qui a le rĂŽle principal- qui assiste, d’abord avec une cagoule, Ă  la torture d’Ammar.

 

Dan ironise quant au fait que, pour sa premiĂšre mission, on lui confie un « cas Â» particuliĂšrement difficile en la personne d’Ammar. Et l’on peut penser que cette sĂ©quence de torture a de quoi l’éprouver comme elle Ă©prouverait toute personne qui dĂ©bute par ce genre de mĂ©thode. Comme pour toute initiation qui peut rappeler aussi, celle, trois ans plus tard, de Kate Macer (l’actrice Emily Blunt) face Ă  Alejandro ( l’acteur Benicio Del Toro) dans le Sicario rĂ©alisĂ© en 2015 par Denis Villeneuve.

Au premier plan, l’actrice Emily Blunt. DerriĂšre, Daniel Kaluuya dans “Sicario” de Denis Villeneuve ( 2015).

 

 

Attouchements/accouchement :

Stationed in a covert base overseas, Jessica Chastain plays a member of the elite team of spies and military operatives who secretly devoted themselves to finding Osama Bin Laden in Columbia Pictures’ electrifying new thriller directed by Kathryn Bigelow, ZERO DARK THIRTY.

 

 

Mais en revoyant Zero Dark Thirty, il me plait maintenant de me dire que Maya/ l’actrice Jessica Chastain est pĂąle au dĂ©but du film parce qu’elle est enceinte. Et cela me plait d’autant plus qu’une sĂ©ance de torture, un film, un jeu d’acteur est aussi un accouchement. Une sĂ©ance de torture, c’est aussi une sĂ©ance d’attouchements qui peut mal tourner en vue de provoquer un accouchement.

 

 

Bien des situations critiques, dans la vie, sont nos sĂ©rums de vĂ©ritĂ©. La sĂ©ance de torture  fait partie de ces sĂ©rums de vĂ©ritĂ©.

 

Ammar, Dan mais aussi Maya, dans cette scĂšne de torture, accouchent de leur vĂ©ritable visage Ă  un moment ou Ă  un autre. De ce fait, inutile de porter une cagoule et de se cacher derriĂšre elle. C’est sans doute la raison pour laquelle Dan n’en porte pas. D’abord parce qu’il a la certitude, comme il le rĂ©pond Ă  Maya, qu’Ammar ne sortira jamais de ce camp de torture. Mais, aussi, parce-que, comme le « hĂ©ros Â» du film DĂ©mineurs ( 2010) qui avait  valu l’Oscar Ă  Bigelow, Dan s’est totalement fondu dans sa fonction. Elle et lui ne font plus qu’un.

Un film paritaire

 

Maya, elle, en retirant sa cagoule, use sans doute d’une stratĂ©gie, pour, en se servant de sa vulnĂ©rabilitĂ© supposĂ©e, Ă©branler Ammar. Mais, elle montre aussi qu’elle est raccord avec cette sĂ©ance de torture.  Qu’elle est l’égale de Dan.

 

Maya/l’actrice Jessica Chastain

 

« You can Help Yourself by being truthful Â» ( vous pouvez vous en tirer en disant la vĂ©ritĂ©/ en vous montrant sincĂšre) rĂ©pond/ment-elle avec son assurance de Bambi Ă  Ammar, lorsque, laissĂ©e seule avec lui, celui-ci essaie d’en faire son alliĂ©e.

 

Zero Dark Thirty  est donc aussi un film paritaire Femme/homme.  Vis-Ă -vis de Dan, le mĂąle occidental, plutĂŽt macho et physique. Mais aussi vis-Ă -vis d’Ammar, terroriste islamiste qui, probablement, « voit Â» la femme comme l’infĂ©rieure de l’homme.

 

 Maya expose qu’elle est plus solide qu’elle ne le paraĂźt. C’est du reste, elle, qui convainc Dan de reprendre la sĂ©ance plus tĂŽt que celui-ci ne l’avait prĂ©vu. Et qui trouvera plus tard le subterfuge afin de faire parler Ammar
.

 

 

Ammar accouche, donc. Se dĂ©livre. Et montre un autre visage que celui qu’il montrait jusqu’alors. Jusqu’alors, Ammar montrait le visage d’un homme dĂ©terminĂ© Ă  rĂ©sister. « Notre mission durera cent ans Â» est une phrase attribuĂ©e Ă  des Jihadistes du film. Ammar partage sans doute cette pensĂ©e.

 

Mais, finalement « grĂące Â» Ă  Maya, Ammar s’ouvre. Et, la pĂąle Maya supplante -ou potentialise- la brutalitĂ© de Dan, le tortionnaire Ă©prouvĂ© et redoutĂ© : car, sans le travail prĂ©liminaire de Dan et d’autres, la seule apparition de Maya aurait peut ĂȘtre Ă©tĂ© insuffisante pour que la cuirasse d’Ammar ne se fissure.

 

 

Pour conclure avec la phrase « You Belong to me ! Â» avant de retourner revoir la suite du film :

Histoire de faire un peu de sĂ©mantique prĂ©tentieuse, « You Belong to me ! Â» est proche de l’expression « Longing for Â». « Se languir de
. Â».

 

La personne qui impose Ă  une autre son « Tu m’appartiens ! Â»/ « Tu es ma chose Â» lui dit aussi :

 

«  Je ne peux pas me passer de toi Â»/ Â« Tu me manques Â». «  Sans toi, je ne suis rien Â».

 

On retrouve donc dans ce « You Belong to Me ! Â»  de Dan son ambivalence envers Ammar. L’ambivalence de l’occident envers le Moyen-Orient. Le « With or Without you I can’t Live Â» ( «  Avec et sans toi, je ne peux pas vivre Â») chantĂ© entre-autre par le groupe –irlandais- U2 qui s’y connaĂźt en relations-poudriĂšres indissociables.

 

 

« Friandises Â» en filigrane

 

 

A travers Dan et Ammar, on peut aussi deviner en filigrane la Palestine et Israël.

 

Dan est donc sans doute moins libre qu’il n’y paraĂźt. MĂȘme si, bien-sĂ»r, en pratique, il est plus libre d’aller, de venir et d’agir qu’Ammar. Le personnage le plus libre du trio mais aussi de l’ensemble, dans cette scĂšne de torture, c’est vĂ©ritablement Maya. Elle vient pour cette scĂšne. Se permet de montrer son visage, sa faiblesse apparente. Puis, elle repart. Tous les autres, armĂ©s, baraquĂ©s, restent sur les lieux. CagoulĂ©s ou Ă  visage dĂ©couvert. Dan, aussi, comme Ammar, ne quittera sans doute jamais cet endroit de torture. Vous parlez d’un accomplissement dans une vie ?! Passer son temps Ă  torturer d’autres ĂȘtres humains. Autant travailler dans un abattoir industriel oĂč l’on tue Ă  la chaĂźne des animaux. Si Dan torture Ă  visage dĂ©couvert, c’est peut-ĂȘtre aussi parce qu’il a dĂ©jĂ  du mal Ă  respirer Ă  cet endroit. Et, cela va sans doute ĂȘtre de pire en pire pour lui.

 

Et, Ammar, terroriste meurtrier, dans sa position d’ĂȘtre condamnĂ© Ă  l’enfermement Ă  perpĂ©tuitĂ©, a quand mĂȘme aussi un statut de personnage tragique. Il lui sera nĂ©cessaire d’ĂȘtre sĂ»r que ses actions qui l’ont menĂ© Ă  finir lĂ  en valaient vĂ©ritablement la peine. Car en cas de moindre doute de sa part, son supplice Ă  rester lĂ , sera d’autant plus augmentĂ©.

 

Mais aprĂšs ces petites friandises, retournons maintenant revoir la suite du film.

 

Stationed in a covert base overseas, Jason Clarke plays a member of the elite team of spies and military operatives who secretly devoted themselves to finding Osama Bin Laden in Kathryn Bigelow’s electrifying new thriller, ZERO DARK THIRTY.

 

« Je voulais te dire Â»

 

Nous sommes Ă  la 43Ăšme minute du film et Dan apprend Ă  Maya :

 

« Je voulais te dire, je me tire d’ici. Je dois en ĂȘtre Ă  100. J’ai besoin d’une activitĂ© normale Â». Un peu plus tard, Dan affirmera : « Ils ont tuĂ© mes singes Â». Ses singes en captivitĂ©, « doubles Â» inversĂ©s de cette centaine d’hommes (on ne voit pas de femmes torturĂ©es dans le film de Bigelow. Cela fait peut-ĂȘtre partie de ses limites) que Dan a torturĂ©s Ă©taient sa Â« rĂ©serve Â» d’humanitĂ©. La disparition de  ses singes lui indique que sa jauge d’humanitĂ© est dĂ©sormais dans le rouge.

 

Cette scĂšne entre Maya et lui est un passage de tĂ©moin. La Maya que nous avons connue tout au dĂ©but n’est plus. MĂȘme si elle a toujours la mĂȘme allure. L’actrice Jessica Chastain passerait trĂšs bien en tant que crĂ©ature dans Alien. Ce qu’elle fera autrement, d’ailleurs, et avec rĂ©ussite, en 2019 dans le rĂŽle de Vuk dans X-Men : Dark Phoenix rĂ©alisĂ© par Simon Kinberg. Le professeur Xavier ( l’acteur James MacAvoy) lui demandant dans une scĂšne : « What Are You ?! Â» ( « Qu’est-ce que vous ĂȘtes ?! Â»).

Jessica Chastain (Ă  droite) dans le rĂŽle de Vuk face Ă  Sophie Turner dans le rĂŽle de Phoenix.

 

 

Mais je parlais de « grossesse Â» pour Maya au dĂ©but du film. Environ cinq ans aprĂšs le dĂ©but de son travail de terrain pour retrouver Ben Laden, il lui est dit :

 

« Je sais qu’Abou Ahmed est ton bĂ©bĂ©. Mais il faut couper le cordon Â». C’est une collĂšgue, amie et mĂšre de famille qui lui dit ça. Jessica (l’actrice Jennifer Ehle) qui se trouve sur le terrain depuis plus longtemps qu’elle.

 

Jessica.

 

President Obama on TV :

 

Avant de quitter le camp de torture, Dan avait prĂ©venu Maya que la politique allait changer. Et, donc, qu’il ne serait plus possible de pratiquer la torture de la mĂȘme maniĂšre.

 

A la 50Ăšme minute du film, on peut voir et entendre le PrĂ©sident Obama dĂ©clarer Ă  un journaliste :

 

« L’AmĂ©rique ne pratique pas la torture Â».

 

Vrai/faux ? Toujours est-il que Bigelow montre dans son film que les mĂ©thodes d’interrogation changent. Mais, aussi, que rĂ©cupĂ©rer des informations devient plus difficile. Faut-il, oui ou non pratiquer la torture ? Bigelow pose la question.

 

 

« I Believe I was spared to finish the Job Â» ( « Je crois que j’ai Ă©tĂ© choisie/Ă©lue pour finir le boulot ! Â».

Stationed in a covert base overseas, Jessica Chastain plays a member of the elite team of spies and military operatives who secretly devoted themselves to finding Osama Bin Laden in Columbia Pictures’ electrifying new thriller directed by Kathryn Bigelow, ZERO DARK THIRTY.

 

Les terroristes sont convaincus d’ĂȘtre des « Ă©lus de Dieu Â». Maya, aprĂšs avoir perdu plusieurs amis et avoir survĂ©cu Ă  un attentat, par cette phrase, est aussi portĂ©e par la mĂȘme conviction- d’ĂȘtre une Ă©lue- que ceux qu’elle combat.

 

Les annĂ©es passent. Et, jamais, Maya ne se lasse. «  Je vais tuer Ben Laden Â». Executive Woman version militaire, Maya ne compte pas ses heures.

 

 

Vers la fin du film, elle tient d’ailleurs tĂȘte mĂȘme Ă  certains de ses supĂ©rieurs et son niveau d’exigence  dĂ©passe le leur, pourtant situĂ© ” on a very high level”. 

From his command post inside the CIA, Mark Strong directs the fight against the world’s most dangerous man in Columbia Pictures’ revealing new thriller directed by Kathryn Bigelow, ZERO DARK THIRTY.

Tel Georges, l’acteur Mark Strong, qui, lors de sa premiĂšre apparition intimide particuliĂšrement ses hommes, Maya inclus. Georges, alors, veut des rĂ©sultats ! «  I want targets ! Â» ( Je veux des cibles !). “I want people to kill !” ( Je veux des gens Ă  tuer ! “).  Mais mĂȘme lui finit par faire du surplace. Et Maya le lui fait bien sentir. A travers ce face Ă  face que Georges subit, c’est sans doute l’immobilisme de la sociĂ©tĂ© que Bigelow dĂ©crit lorsqu’il s’agit de laisser un certain pouvoir dĂ©cisionnel Ă  des femmes. Car il s’en passe des semaines avant que la dĂ©cision de passer Ă  l’action ne tombe. Ces passages du film oĂč, au marqueur rouge, Maya Ă©crit avec colĂšre le nombre de jours qui passent avant que ne soit prise la grande dĂ©cision sont les seuls moments un peu « comiques Â» du film. Mais, aussi, trĂšs critiques. NĂ©anmoins, ces passages montrent aussi que certaines dĂ©cisions sensibles ne se prennent pas Ă  la lĂ©gĂšre.

 

Ensuite, une fois le feu vert donné, le film devient un western américain pur jus héliporté .

 

 

De Maya qui dit aux « garçons Â» : « Vous allez tuer Ben Laden pour moi Â». L’équivalent de : «  Soyez des bons et grands garçons ! Faites plaisir Ă  maman ! Â» Aux blagues viriles et trompe-la-mort en plein vol (« Qui s’est dĂ©jĂ  crashĂ© en hĂ©licoptĂšre ? Â»).

 

 

« For God and country : Geronimo Â» : ( «  Pour Dieu et la Patrie : Geronimo (objectif atteint)

 

Ce n’est pas la premiĂšre fois que j’entends un AmĂ©ricain parler de « Dieu Â» dans beaucoup de ses propos. Mais invoquer Dieu, la Patrie, un ancien chef Indien- mĂȘme si c’est en langage codĂ©- qui, comme d’autres, a vu ses peuples exterminĂ©s et dĂ©possĂ©dĂ©s de leurs terres par les colons europĂ©ens, pour confirmer le succĂšs d’une opĂ©ration, m’a fait un drĂŽle d’effet. Ces paradoxes font partie de l’identitĂ© amĂ©ricaine.

 

Le contraire d’un film ratĂ©

 

 

Quoiqu’il en soit, raconter ces presque dix ans de traque de Ben Laden en seulement deux heures et vingt quatre minutes m’a laissĂ© l’impression d’une trĂšs grande maitrise cinĂ©matographique.

 

Zero Dark Thirty est le contraire d’un film ratĂ©. Concernant mes interrogations morales du dĂ©but quant aux intentions de ce film, Bigelow montre aussi le prix plus qu’élevĂ© que cette traque a coĂ»tĂ© aux AmĂ©ricains.  En logistique, en dollars, mais aussi en vies humaines. Et, encore, Bigelow ne s’attarde-t’elle pas sur les Ă -cĂŽtĂ©. Je n’envie pas la vie personnelle d’une Maya ou d’un Dan.

 

L’apothĂ©ose de la vie de Maya aurait pu ĂȘtre de reconnaĂźtre le visage d’un ĂȘtre cher Ă  sa naissance ou lors d’une rencontre amoureuse. Il consistera Ă  confirmer l’identitĂ© d’un mort qu’elle « suit Â» depuis des annĂ©es. Il y a des destinĂ©es plus heureuses.

 

Stationed in a covert base overseas, Jessica Chastain (center) plays a member of the elite team of spies and military operatives who secretly devoted themselves to finding Osama Bin Laden in Columbia Pictures’ electrifying new thriller directed by Kathryn Bigelow, ZERO DARK THIRTY.

 

Donc que Maya pleure un peu Ă  la fin du film, est, pour moi, la moindre des choses. Car je ne vois pas quelle paire de bras pourra jamais l’étreindre suffisamment afin de pouvoir l’extraire de cette cellule, oĂč, pendant plus de dix annĂ©es elle a passĂ© sa vie Ă  dĂ©sirer un cadavre.

 

Franck Unimon, ce jeudi 24 juin 2021.

 

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SaĂŻd Taghmaoui/ De la Haine A Hollywood

 

SaĂŻd TAGHMAOUI/ De La Haine A Hollywood

 

 

La main posĂ©e, il semble regarder par la fenĂȘtre. Il observe. Ce qu’il aperçoit ne lui plait pas. C’est peut-ĂȘtre un braqueur ou une sentinelle Ă  la recherche du moindre scintillement qui pourrait lui rĂ©vĂ©ler la prĂ©sence d’un tesson de bouteille, d’une infanterie du GIGN ou l’approche d’une trĂšs mauvaise nouvelle.

 

Ses cheveux noirs lisses et plaquĂ©s, sa petite moustache, sa peau basanĂ©e et son profil lui donnent une allure d’homme grec. L’Homme grec des Mythologies. Celui des pĂ©plum mais aussi celui des grands philosophes et des grands orateurs. Ceux qui ont contribuĂ© au rayonnement de la pensĂ©e humaine il y a des millĂ©naires et que l’on continue d’étudier et de citer encore aujourd’hui. Y compris au sein des Ă©lites. Dans les grands MinistĂšres. A cĂŽtĂ© de toutes celles et tous ceux que l’on nomme.

 

Lorsque l’on veut faire peur Ă  toutes sortes de boxeurs, de rappeurs ou de personnes que l’on tient Ă  amadouer. Que ce soit sur une scĂšne politique, lors d’un combat ou lors d’une phase de sĂ©duction car tout cela se ressemble.

 

Lorsque l’on veut faire savoir que, nous aussi, on a des titres et du potentiel.

 

Ni magistrat, ni petit bras, son registre, c’est le cinĂ©ma.

 

A l’origine, et pendant longtemps, il n’a pas Ă©tĂ© aidĂ©. Famille nombreuse d’origine marocaine. Famille modeste et croyante appliquant Ă  la lettre les prĂ©ceptes de la religion. Le pĂšre s’use au travail pour peu d’argent. La mĂšre reste Ă  la maison. CitĂ© de banlieue prĂ©caire. Un frĂšre aĂźnĂ© aimĂ© mais hĂ©roĂŻnomane qui mourra du Sida. Une personnalitĂ© « hyperactive Â» et souvent incomprise de ses propres parents. Une scolaritĂ© vite prise en dĂ©faut sur le modĂšle du titre du Rappeur Oxmo Puccino :

 

Peu de gens le savent  (interlude) oĂč l’on peut entendre, parmi d’autres, cette phrase

 

« Tu veux faire quoi, avec un BEP ?! Combien de millionnaires ont un BEP ?! Â» ou celle-ci

« Un BEP chaudronnerie ?! Tu veux faire quoi avec un chaudron ?! Â».

 

 Il a alternĂ© vols d’autoradio, gardes Ă  vue, Tags (sous le pseudo Airone), Rap, rencontres, multiples boulots tels chef de rang ou autre emploi manuel avec des rĂŽles au cinĂ©ma. 

 

 

Puis, il a fini par se stabiliser. S’il avait Ă©tĂ© blanc de peau, Ă  ses dĂ©buts, on l’aurait comparĂ© Ă  une Ă©poque Ă  un Nicolas Duvauchelle ou Ă  tout autre ex-jeune voyou du cinĂ©ma français lors de ses dĂ©buts (Depardieu, Dewaere, LĂ©otard, Lanvin
).  

 

« Mais Â», pour les autres, et aussi pour lui-mĂȘme, c’est un Arabe. Un de la « pire espĂšce Â» : des citĂ©s, peu Ă©duquĂ©. C’est  un « physique Â», dans le sens oĂč c’est davantage un instinctif et un affectif qu’un intellectuel. Et qu’il a d’abord Ă©tĂ© beaucoup chargĂ© en Rap et en roue arriĂšre sans casque. Il a connu ou Ă©tĂ© tĂ©moin de ce qui peut se dĂ©crire de pire dans une citĂ©. Une de plus. Une de trop.

 Il a Ă©tĂ© ou il est encore un Arabe sans filtre comme on pourrait le dire d’une cigarette Ă  forte concentration nicotinique.

 

Comparaisons/ comparutions

Alors, comparons-le Ă  ses « cousins Â» et « frĂšres Â» (masculins, donc) acteurs arabes ou d’origine arabe. Dans son livre, il ne cite pas ces autres acteurs et rĂ©alisateurs arabes ou d’origine arabe. C’est moi qui prends l’initiative de citer ces acteurs et ces rĂ©alisateurs.  Autant pour rĂ©viser. Que pour mieux « le Â» situer dans une gĂ©nĂ©alogie approximative de l’apparition des acteurs masculins arabes ou d’origine arabe ces trente ou quarante derniĂšres annĂ©es dans le cinĂ©ma français. Cette gĂ©nĂ©alogie, et les rĂŽles attribuĂ©s, pourraient bien-sĂ»r permettre un dĂ©but d’analyse de l’évolution de l’image de l’homme arabe ou d’origine arabe dans le cinĂ©ma et la sociĂ©tĂ© française. Mais je ne pourrai pas le faire dans cet article.

 

Ces acteurs et ces rĂ©alisateurs que je vais citer, je les ai tous vus, regardĂ©s, dans un ou plusieurs films. J’en ai mĂȘme interviewĂ© deux : Sami Bouajila et Roschdy Zem pour le mensuel Brazil pour la sortie du film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb (rĂ©alisĂ© en 2010). Du reste, j’avais aussi interviewĂ© Rachid Bouchareb Ă  propos de ce film.

 

 

« Lui Â», Il s’est fait connaĂźtre sur grand Ă©cran dix ans aprĂšs Le ThĂ© au harem d’ArchimĂšde (1985) de Mehdi Charef. Dans ce film de Charef,  Kader Boukhanef avait un des deux rĂŽles principaux aux cĂŽtĂ©s de RĂ©mi Martin.  

 

 

 

Roschdy Zem, Sami Bouajila et Zinedine Soualem l’ont prĂ©cĂ©dĂ© de quelques annĂ©es. Michel Polnareff, aussi. ( Bien-sĂ»r, Polnareff n’est ni acteur ni arabe. Et, alors ?!).

 

Je devrais citer Simon Abkarian parmi ceux qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ© sur grand Ă©cran « mais Â», sans vouloir l’exclure, Abkarian est d’origine armĂ©nienne.

 

Il est plus ancien sur grand Ă©cran que Rachid DjaĂŻdani, Reda Kateb, Samir Guesmi, Tahar Rahim ou Karim Leklou.

 

Le premier Taxi de Luc Besson qui avait fait connaĂźtre Sami NacĂ©ri mais aussi Marion Cotillard au grand public ? 1998. Trois ans aprĂšs lui.

 

 

 

L’acteur et rĂ©alisateur Jalil Lespert ? 1998 (Nos vies heureuses de Jacques Maillot) ou 1999 (Ressources humaines de Laurent Cantet).

 

Le film Le Ciel, les oiseaux
 et ta mĂšre de Djamel Bensalah, premier grand succĂšs cinĂ©matographique de Jamel Debbouze ? 1999.

 

L’acteur/rĂ©alisateur Rabah Ameur-ZaĂŻmĂšche ? 2002 avec le film Wesh Wesh qu’est-ce qui se passe?

 

Mehdi Nebbou ? 2005 dans Munich de Steven Spielberg ou 2007 dans Truands de FrĂ©dĂ©ric Schoendoerffer.

 

Tomer Sisley ? 2006 pour Toi et moi de Julie Lopes-Curval, 2007 pour Truands de FrĂ©dĂ©ric Schoendoerffer et, bien-sĂ»r, 2008 pour Largo Winch de JĂ©rĂŽme Salle.

 

Slimane Dazi ? 2009 dans Un ProphĂšte de Jacques Audiard.

 

 

DĂ©sormais, il a un CV assez chargĂ©. Et international. Plus cinĂ©matographique que judiciaire. ( Les Rois du DĂ©sert, Wonder Woman, John Wick, Ali Zaoua prince de la rue
.) Ça dure comme ça depuis un peu plus de vingt ans, mais en France, personne ne le « connaĂźt Â».

 

 

La Haine

 

Personne ne le connait ?! Sauf pour le film La Haine rĂ©alisĂ© par Matthieu Kassovitz en 1995.

 

.

Dans son livre, cela en devient comique lorsqu’il relate le nombre de fois, oĂč, dix voire vingt ans plus tard, aprĂšs l’avoir vu dans La Haine, des grands noms du cinĂ©ma amĂ©ricain ( rĂ©alisateurs, producteurs) pensent Ă  lui pour un rĂŽle dans leurs projets.

 

 

1995, c’est vraiment loin. Par exemple, c’est quatre annĂ©es lumiĂšre avant le premier volet du film Matrix des ex-frĂšres Wachowski. C’est avant l’an 2000. Avant les attentats du 11 septembre 2001. Avant Ben Laden. Et, bien avant que Kassovitz ( le mĂȘme) ne se fasse connaĂźtre par son rĂŽle de l’agent Malotru dans la sĂ©rie ( cinq saisons) de Le Bureau des LĂ©gendes. Avant que Vincent Cassel (Vinz, dans La Haine) ne tourne avec le rĂ©alisateur David Cronenberg (Les promesses de l’ombre en 2007) puis ne joue Mesrine, ex ennemi public numĂ©ro 1 dans les deux films rĂ©alisĂ©s par Jean-François Richet en 2008 : L’Instinct de mort et L’Ennemi public numĂ©ro 1.

Hubert KoundĂ© (un acteur noir) l’autre « hĂ©ros Â» de l’aventure cinĂ©matographique, commerciale et sociĂ©tale du film La Haine est encore plus mal loti que lui. Car, aujourd’hui, qui connaĂźt Hubert KoundĂ© au cinĂ©ma ?

 

Lorsque le film La Haine Ă©tait sorti au cinĂ©ma en 1995, je n’avais rien fait pour aller le voir. Je me rappelle de l’éclat mĂ©diatique du film. Des prix. Du fait que ce film avait propulsĂ© la carriĂšre de Kassovitz et de Cassel. Mais, aussi, que Joey Starr, du groupe de Rap NTM avait qualifiĂ© Kassovitz
. Â« d’opportuniste Â».  

 

Plus j’avais entendu parler du film- et on en avait beaucoup parlĂ©- et moins j’avais eu envie d’aller le voir. Aujourd’hui, on compare facilement La Haine (1995) avec Les MisĂ©rables de Ladj Ly (2019).

 

Cependant, les Ă©meutes en banlieue en 1995 puis en 2005 avaient et ont donnĂ© d’autant plus de crĂ©dibilitĂ© Ă  La Haine.

 

J’ai regardĂ© La Haine bien plus tard (il y a moins de dix ans). Je lui prĂ©fĂšre pour l’instant largement Le thĂ© au harem d’ArchimĂšde qui lui est antĂ©rieur de dix ans. Cependant, il est indiscutable que La Haine a Ă©tĂ© dans le cinĂ©ma français l’équivalent du Rap dans la chanson et dans la sociĂ©tĂ© française. Peut-ĂȘtre que Joey Starrn’aurait pas eu la carriĂšre cinĂ©matographique et thĂ©Ăątrale qu’il connaĂźt, Ă  juste titre, depuis des annĂ©es maintenant, sans un film comme La Haine
.

 

Les ricochets de La Haine blessent certains et en bĂ©nissent d’autres
 de reconnaissance.

 

Littérature

Son livre a une faible teneur en littĂ©rature. Cependant SaĂŻd Taghmaoui tĂ©moigne. 

 

Je n’ai pas arrĂȘtĂ© de parler de lui depuis le dĂ©but de cet article. MĂȘme si j’ai citĂ© beaucoup d’autres personnes qui sont dĂ©sormais connues en France et ailleurs.

 

DĂšs que je suis tombĂ© sur son livre dans la librairie, il y a quelques semaines, je l’ai achetĂ©. Je connais mal sa filmographie. Mais, plusieurs annĂ©es aprĂšs La Haine, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© d’apprendre, au travers d’articles, que sa carriĂšre d’acteur continuait. A l’étranger. GrĂące Ă  ses dons, dĂ©couverts par hasard, pour apprendre des langues Ă©trangĂšres. Mais, aussi, parce qu’ailleurs, on le regardait d’abord comme un acteur capable. Et non comme une photocopie de clichĂ©s ou de l’Arabe de la citĂ©.

 

Je l’avais vu dans Confession d’un dragueur (2001) rĂ©alisĂ© par
.Alain Soral avec Thomas Dutronc. J’avais Ă©tĂ© marquĂ© par une rĂ©plique qu’il faisait Ă  Thomas Dutronc qui confiait, dĂ©jĂ , que son image, quoiqu’il dise, passerait moins bien que celle de Dutronc, homme blanc. Et fils « de Â».

 

J’avais oubliĂ© que ce film avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par le Soral aujourd’hui ouvertement raciste et au moins antisĂ©mite. Taghmaoui dit sans ambigĂŒitĂ© qu’il est aux antipodes des pensĂ©es racistes de Soral.

 

Notoriété et normalité

NotoriĂ©tĂ© et normalitĂ© sont incompatibles nous apprend-il. Nous en entendons parler de temps Ă  autre dans les journaux Ă  potins ou sur divers rĂ©seaux sociaux. Mais il nous donne quelques exemples. Il nous parle aussi de certaines dĂ©sillusions connues avec des acteurs ou des rĂ©alisateurs qu’il considĂ©rait comme des « frĂšres Â». De la difficultĂ© de s’ouvrir Ă  une vie affective comme il a pu le faire avec sa carriĂšre d’acteur.

Taghmaoui est peut-ĂȘtre du genre hĂ©rissĂ©. Pas Ă©vident Ă  approcher. Et, il est possible que dans ces dĂ©sillusions amicales qu’il raconte, il ait pu ĂȘtre difficile de lui faire accepter certaines rĂšgles ou certaines limites. NĂ©anmoins l’envers du dĂ©cor de certaines vedettes qu’il raconte est crĂ©dible dans ce monde trait d’artifices qu’est le cinĂ©ma.

 

 

Franck Unimon, ce jeudi 24 juin 2021

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Projet d’annonces II pour Tinder et ce genre de sites ou Prince Charmant

 

 

Projet d’annonces II pour Tinder et ce genre de sites ou Prince Charmant

 

Vous avez Ă©tĂ© nombreuses et nombreux Ă  rĂ©agir Ă  mon prĂ©cĂ©dent article intitulĂ© Projet d’annonces pour Tinder et ce genre de sites . Et, cela, ne serait-ce que dans ma tĂȘte ! Je me serais presque cru dans un stade de Foot ou dans une salle de concert remplie de la taille de l’Arena DĂ©fense. J’attends donc que tout le monde se calme, se taise, se mette en rang et se tienne par la main. Car j’ai une annonce Ă  vous faire. Maintenant que je me sens une soudaine trĂšs haute responsabilitĂ©….

 

 

 

Franck Unimon, mercredi 16 juin 2021. 

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Projet d’annonces pour Tinder et ce genre de sites

 

            Projet d’annonce pour Tinder et ce genre de sites ou Prince Charmant

Comme j’ai un peu de temps devant moi, je me suis dit que j’allais m’essayer à un projet initiatique d’annonce pour Tinder et ce genre de sites d’annonces.

 

Ce n’était pas prĂ©vu.  J’ai eu quelques idĂ©es qui me sont arrivĂ©es alors que j’étendais le linge, chez moi, en faisant bien attention aux plis. ça (les idĂ©es) m’a fait rire. Je me suis dit qu’ensuite, j’allais l’enregistrer. En plus, comme ça, cela me permettra d’accĂ©lĂ©rer mon dĂ©bit de voix, de parler plus fort. Et de m’animer. Ça changera. Je suis tellement mort, d’habitude. Presqu’un fantĂŽme….

 

 

Franck Unimon, ce mardi 15 juin 2021. 

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Bilan de mes articles les plus lus

 

                                 Bilan de mes cinq articles les plus lus

J’ai traĂźnĂ© pour faire le bilan des cinq articles les plus lus, Ă  ce jour, sur mon blog.

 

MĂȘme si vous ĂȘtes encore des milliers et des milliers et des milliers Ă  ne pas lire mes articles, et que j’aurai sans doute tout oubliĂ© d’aujourd’hui lorsque vous le ferez, ce n’est pas une raison pour que je minimise ce que ce bilan me permet de dĂ©couvrir, aujourd’hui, ce mardi 15 juin 2021.

 

Par ordre dĂ©croissant, voici les cinq articles actuellement les plus lus sur mon blog, balistiqueduquotidien.com :

 

 Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre Jean-Pierre Vignau   

 

Jacques Bral, l’indĂ©pendant

 

Interview des apnéistes Julie Gautier et Guillaume Néry en 2016

 

4 ) Redemption Day

5) Marche jusqu’au viaduc

 

Et, en sixiĂšme position, on trouve PrĂ©paratifs pour le stage d’apnĂ©e Ă  Quiberon, Mai 2021  

 

La premiĂšre « place Â» de l’article consacrĂ© Ă  Maitre ou Sensei Jean-Pierre Vignau dĂ©boute certains principes.

 

On m’a dit et rĂ©pĂ©tĂ© qu’il vaut mieux Ă©crire court. Les gens veulent lire du court. Du rapide. Ou voir des images.

 

J’aime les images. Je peux Ă©crire court. Mais lorsque je suis inspirĂ©. Si je suis inspiré .

 

Cet article consacré à Maitre Jean-Pierre Vignau est un article long. Plus de 4000 mots. Quelques photos. Pas de vidéo.

 

Il y a sans doute un lectorat, dĂ©jĂ  acquis Ă  Maitre Jean-Pierre Vignau (Il enseigne le KaratĂ©), qui a lu cet article et a su le trouver car correctement relayĂ©. NĂ©anmoins, le contenu, aussi, de cet article et le contexte de sa publication y est peut-ĂȘtre aussi pour quelque chose.

 

AprĂšs la sortie et le succĂšs de son film Gravity,  le rĂ©alisateur  Alfonson Cuaron avait dit dans une interview quelque chose comme  :

 

«  Ce n’est pas parce qu’un film a moins de succĂšs qu’il est moins bon Â». De Cuaron, je garde un souvenir particulier de son film Les Fils de l’homme. Un film passĂ© pratiquement inaperçu et sous-estimĂ© Ă  sa sortie.

 

Concernant les articles de mon blog, malgrĂ© leurs dĂ©fauts, je me dis aussi de temps Ă  autre, que mĂȘme s’ils sont beaucoup moins lus qu’ils le pourraient ou le « devraient Â», que cela ne signifie pas qu’ils soient moins bons qu’un certain nombre de commentaires  lus et relus ailleurs des milliers ou des millions de fois.

 

Pour Ă©crire cet article consacrĂ© Ă  Maitre Jean-Pierre Vignau, je m’étais dĂ©placĂ© jusqu’à chez lui en voiture. En m’affranchissant de la restriction kilomĂ©trique imposĂ©e pour causes de Covid. Ni Jean-Pierre ni sa femme, ni moi, n’avions ensuite contractĂ© le Covid. Nous avions bien-sĂ»r respectĂ© certaines rĂšgles. Je n’ai serrĂ© la main Ă  aucun des deux. Ni embrassĂ©. Et, je me tenais Ă  un bon mĂštre de Jean-Pierre.

 

Mes deux passages chez eux, en banlieue parisienne, puis dans son club, Ă  Paris, ont sans doute inspirĂ© Ă  Jean-Pierre une certaine sympathie pour mon personnage. Car, depuis, il arrive, qu’assez rĂ©guliĂšrement, il me laisse un message tĂ©lĂ©phonique. Pour avoir de mes nouvelles. Et de ma fille. Et pour s’assurer que tout va bien chez moi. Je le rappelle ensuite et lui laisse, Ă  mon tour, un message tĂ©lĂ©phonique.

 

A mon deuxiĂšme passage chez lui, j’avais racontĂ© Ă  Jean-Pierre avoir croisĂ© rĂ©cemment par hasard Maitre LĂ©o Tamaki ( Maitre d’AĂŻkido) prĂšs des Galeries Lafayette, Ă  Paris. AussitĂŽt, Jean-Pierre m’avait dit : «  Il n’y a pas de hasard Â». Et, Jean-Pierre m’avait donnĂ© le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone personnel de Maitre LĂ©o Tamaki. Il est prĂ©vu que je l’interviewe prochainement.

 

On peut donc dire que c’est une belle rencontre que j’ai faite avec Maitre Jean-Pierre Vignau.

 

Une autre sorte de rencontre :

 

Le deuxiĂšme article, consacrĂ© au rĂ©alisateur Jacques Bral, est une autre sorte de rencontre. C’est la rencontre avec sa mort. Sachant que rencontrer la mort d’un autre, c’est souvent, se rencontrer soi-mĂȘme aussi.

 

Je n’étais pas supposĂ© ĂȘtre prĂ©sent Ă  l’enterrement de Jacques Bral, au cimetiĂšre du PĂšre Lachaise. Mais il se trouve que j’ai appelĂ© ce matin-lĂ , Jamila Ouzahir, l’attachĂ©e de presse. Comme ça. Par sympathie. J’étais dans ma voiture. Et, c’est lĂ  qu’elle m’a appris que Jacques Bral, dont j’avais appris le dĂ©cĂšs par la presse quelques jours plus tĂŽt, allait ĂȘtre enterrĂ© (incinĂ©rĂ©, plutĂŽt) vers 10h.

 

Le peu que j’avais compris de Jacques Bral à travers un de ses films, m’a convaincu de venir.

Mais, alors que j’écris, je trouve que Jacques Bral, l’indĂ©pendant, cela va trĂšs bien, aussi, Ă  Maitre Jean-Pierre Vignau. Il m’est bien sĂ»r impossible de savoir si les deux hommes s’étaient rencontrĂ©s, s’ils se seraient entendus. Mais, l’un comme l’autre me semblent faits de cette absence de compromis qui les ont rendus ou les rendent indĂ©pendants.

 

Et, d’une façon ou d’une autre, mĂȘme si je suis sans doute moins radical qu’eux, et sois aussi moins « connu Â» qu’eux, il est probable, qu’à ma façon, je sois, aussi, un indĂ©pendant.

 

Interview des apnĂ©istes Julie Gautier et Guillaume NĂ©ry :

 

C’est une interview ( filmĂ©e) dont je reste trĂšs content. Cette interview dit tellement de choses. Et, grĂące Ă  Eddy BriĂšre, elle est si bien rĂ©alisĂ©e techniquement. J’ai aimĂ© le fait qu’Eddy et moi nous soyons trĂšs bien complĂ©tĂ©s. C’était et c’est Ă  ce jour le seul travail que nous avons faits ensemble depuis l’expĂ©rience journalistique pour le mensuel de cinĂ©ma Brazil qui nous avait permis de nous rencontrer : C’était, Place d’Italie, pour l’interview de l’acteur Reda Kateb Ă  propos de son rĂŽle dans le film Qu’un seul tienne et les autres suivront  de LĂ©a Fehner.

L’acteur Reda Kateb. Une des photos que j’ai prises de lui, ce jour oĂč je l’ai interviewĂ©, Place d’Italie, pour parler du film “Qu’un seul tienne et les autres suivront” de LĂ©a Fehner. Interview effectuĂ©e pour le mensuel papier “Brazil”.

 

Auparavant, Kateb s’était fait connaĂźtre dans Un ProphĂšte d’Audiard ainsi que dans la sĂ©rie Engrenages.

 

Depuis  cette interview de Julie Gautier et de Guillaume NĂ©ry, l’apnĂ©e est devenue une pratique plus courante pour moi. Je  me suis ensuite inscrit dans un club, Ă  Colombes. J’ai parlĂ© un peu de mes expĂ©riences d’apnĂ©iste. En particulier dans l’article PrĂ©paratifs pour le stage d’apnĂ©e Ă  Quiberon, Mai 2021, sixiĂšme de la liste de mes articles les plus lus.

 

L’apnĂ©e a pour moi des points communs Ă©vidents avec les Arts Martiaux. Ne serait-ce que pour et par la respiration. La mort, aussi, d’ailleurs, si je fais un peu d’humour noir.

 

Je vais moins m’attarder sur l’interview de Julie Gautier et Guillaume NĂ©ry parce qu’ils ont moins besoin de couverture mĂ©diatique que mes articles ou les autres personnes que je peux citer dans un certain nombre de mes articles.

 

Mais leur interview reste selon moi une trĂšs bonne interview. Et, je ne serais pas surpris d’apprendre un jour que cette interview soit l’une des meilleures qui ait Ă©tĂ© faite d’eux, ensemble. En outre, habituellement, on interviewe « seulement Â» Guillaume NĂ©ry. Alors que, moi, j’ai tenu Ă  ce que sa compagne, Julie Gautier, soit prĂ©sente lors de l’interview. Il Ă©tait Ă©vident pour moi que cela donnerait un plus. Et, c’est plus que le cas.

 

Redemption Day

 

Cet article sur le projet de film de Hicham Hajji m’avait Ă©tĂ© demandĂ© par Jamila Ouzahir. «  Comme un service Â». Service rendu. Si je peux, en quelques lignes, rendre service, je le fais. Je ne sais pas oĂč en est le projet. Hicham Hajji, d’origine marocaine, a tentĂ© l’aventure hollywoodienne, mettant en hypothĂšque sa maison, je crois. Faire son possible pour rĂ©aliser son rĂȘve, je crois que cela justifie un petit coup de pouce. Si, d’une façon ou d’une autre, avec mon article, j’ai pu donner un (tout) petit coup de pouce Ă  Hijam Hajji dont le rĂȘve est de devenir rĂ©alisateur de cinĂ©ma, je le donne.

 

Marche jusqu’au viaduc :

 

Mon article peut-ĂȘtre le plus remuant. Peut-ĂȘtre, aussi, l’un de mes meilleurs.

 

Des larmes me montent aux yeux alors que j’écris. Pourtant, je n’ai plus touchĂ© Ă  cet article depuis un moment. J’ai Ă©crit bien d’autres articles depuis. Mais, c’est instinctif. Pour parler de ce fait divers survenu dans ma ville, Ă  Argenteuil, le 8 mars dernier, je me suis fait reporter, ce que j’étais dĂ©jĂ  sans doute. Mais, aussi, plus que ça :

PÚre, témoin, victime, éducateur, passeur
..

 

Passeur de quoi ?

 

Cet article-lĂ , je l’ai Ă©crit sans filet. Vraiment sans filet. C’est un trĂšs grand article. TrĂšs bien Ă©crit. Mais il ne devrait pas. Il n’aurait pas dĂ». Mais, Ă  tout prendre, alors que le meurtre avait eu lieu, autant, si possible, Ă©crire « bien Â» les choses. Sans dĂ©tourner les yeux. Sans banaliser l’évĂ©nement.

 

Il y a quelques jours, encore, alors que nous sortions du dĂ©confinement et qu’il faisait beau, j’ai repensĂ© aux parents de la jeune Alisha. Comme elle devait leur manquer par ces beaux jours. Je crois que lorsque l’on perd son enfant, ce serait plus simple si, dehors, il faisait moche et pleuvait tout le temps. Alors que, lĂ , il faisait beau et il continue de faire beau. Et, les gens, et c’est bien normal, sont contents.

 

Lorsque j’ai mis Marche jusqu’au viaduc, sur ma page Facebook, il a eu un succĂšs inhabituel. C’est aussi un article long. Mais, pour une raison un peu surprenante, plusieurs personnes l’ont lu et ont fait des commentaires pour l’approuver. Bien plus que pour mes autres articles en gĂ©nĂ©ral.

 

Donc, en regardant ce « Top 5 Â», parmi mes articles, je me suis dit :

 

« Voici ce qui le marche le mieux pour mes articles dans mon blog. Voici lĂ , oĂč, je suis le mieux inspirĂ© apparemment : Les Arts Martiaux, le cinĂ©ma, L’apnĂ©e, Un fait divers, une interview Â».

 

Il n’y a pas de rĂšgle ni de recette pour rĂ©ussir. Mais dans avec ces thĂšmes, soit il y a un lectorat prĂȘt Ă  venir, soit j’écris de maniĂšre suffisamment attractive pour que cela donne envie de lire mes articles.

 

Franck Unimon, ce mardi 15 juin 2021.

Du cÎté de Quiberon, Mai 2021.

 

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Erykah Badu

 

           Erykah Badu

 

 

Ses albums sont placĂ©s derriĂšre les barreaux depuis plusieurs annĂ©es maintenant. Parfois vingt.  Pourtant, ils continuent de nous libĂ©rer. Pourtant leurs canons ont fait et continuent de faire la jeunesse d’artistes que l’on Ă©coute aujourd’hui.

 

Quand on est jeune.

 

Si le corps essuie et colmate avec des rythmes les gestes qui, dans la vie courante, nous manquent ainsi que les bruits que l’on cache et qui nous braquent, notre esprit, lui, dĂ©truit ou non, est la gomme qui efface les distances entre les Ɠuvres et nous.

 

Plus jeune, j’avais entendu parler d’Erykah Badu. Je l’avais Ă©coutĂ©e. SĂ»rement en regardant et en Ă©coutant d’autres plus jeunes qui Ă©coutaient les Fugees, Macy Gray, Kelis, Alicia Keys et sont probablement, aujourd’hui, passĂ©s Ă  autre chose.

 

Autre chose.

 

Moi, le vieux, depuis peu, je rĂ©Ă©coute ses albums. J’en ai empruntĂ© Ă  la mĂ©diathĂšque prĂšs de chez moi. J’en ai un achetĂ© un, neuf, vendredi, Ă  une femme d’une trentaine d’annĂ©es, enceinte de plus de six mois, Ă  Mairie de Montreuil, prĂšs d’un marchand de fleurs. Le lieu du rendez-vous avait Ă©tĂ© choisi par la vendeuse. Deux ou trois jours  plus tĂŽt, j’avais commis un impair. Trop attachĂ© Ă  ce que j’écrivais, j’avais pris trop de retard. Mais, cette fois, j’avais plus d’une demi-heure d’avance. Je lui ai de nouveau prĂ©sentĂ© mes excuses. Je lui ai donnĂ© un peu plus que ce qui Ă©tait prĂ©vu pour le disque. J’ignorais qu’elle Ă©tait enceinte.

 

Aujourd’hui, j’entends autrement les titres d’Erykha Badu. Je croyais pourtant qu’avec les ans, on devenait sourd. Peut-ĂȘtre pas. Je repense Ă  mon pĂšre, tiens. Le premier amateur de musique que j’ai connu. Pourquoi, vers ses quarante ans, a-t’il arrĂȘtĂ© d’acheter des disques comme d’écouter de la musique Ă  la maison ? Lui, qui Ă©tait allĂ© jusqu’à acheter des magazines de musique spĂ©cialisĂ©s tels Rock & Folk et Best. Des magazines dans lesquels des critiques, qui se dĂ©vouent Ă  la musique, passent leur vie Ă  en Ă©couter, Ă  aller Ă  des concerts, Ă  rencontrer des artistes. Puis, Ă  en parler et Ă  donner envie de les Ă©couter et d’en discuter avec d’autres.

 

La musique, ça a Ă  voir avec la vie mais aussi avec notre enfance et notre jeunesse. Alors, mon pĂšre a-t’il arrĂȘtĂ© de vivre vers ses quarante ans comme beaucoup d’autres ? Ou a-t’il considĂ©rĂ© que tout cela Ă©tait anecdotique et coĂ»tait trop d’argent pour si peu d’épanouissement ?

 

On arrĂȘte tous de faire quelque chose Ă  un moment ou Ă  un autre, de notre vie. Mentir. Vomir. Sucer son pouce. Faire du sport. Sortir. Rire de tout.

 

Certaines personnes nous expliqueront que cela correspondait Ă  une Ă©tape de leur vie. Et que tout cela appartient dĂ©sormais au passĂ©. Mais est-on toujours obligĂ© de le croire ?

 

A quarante ans, nĂ©anmoins, j’ai arrĂȘtĂ© d’aller danser. De danser. Je me sens un peu fautif. Surtout envers ma fille. Enfant et ado, j’ai des souvenirs de soirĂ©es antillaises (mariages, baptĂȘmes, communions) oĂč beaucoup de gens dansaient, discutaient et mangeaient pendant des heures dans des grandes salles. Et, parfois, deux ou trois se bagarraient. Je me suis racontĂ© des histoires, certains soirs, Ă  regarder tout ce monde. Mais j’ignorais que ce que je voyais et entendais Ă©tait exceptionnel. Ce que nous voyons et entendons peut ĂȘtre exceptionnel. C’est nous, qui l’oublions.

A ces soirĂ©es, je n’ai pas pris de notes. Je n’en prenais pas. Je n’ai rien filmĂ©. Je n’avais pas de camĂ©ra. Je n’ai pas pris de photos. Et les quelques photos qui ont Ă©tĂ© prises l’ont Ă©tĂ© par d’autres regards et d’autres intentions. Mais j’ai appris Ă  gesticuler. Ou à
danser.

 

 

J’ai Ă©tĂ© un peu triste, lorsqu’un jour,  un petit a demandĂ© Ă  sa mĂšre si, Ă  leur mariage, elle et son pĂšre, avaient dansĂ©. Elle a rĂ©pondu un peu gĂȘnĂ©e, intimidĂ©e par cette question posĂ©e en public, comme si le sujet Ă©tait osĂ© :

« Non, on n’a pas dansĂ© Â». Elle avait une trentaine d’annĂ©es et Ă©tait plutĂŽt d’un abord avenant. C’était au conservatoire d’Argenteuil, au Val d’Argenteuil. J’avais emmenĂ© ma fille Ă  son cours de danse. A son cours d’initiation Ă  la danse et au chant. On emmĂšne au conservatoire nos enfants pour qu’ils apprennent ce qui a pu et peut s’apprendre dans les soirĂ©es voire entre copains et copines. Ou chez la tante, le grand-pĂšre ou avec la cousine ou le cousin.

 

Je ne sais pas quoi penser de ma « dĂ©fection Â» Ă  propos de la danse. Si ce n’est que, certaines fois, je me dis que j’en ai assez de rĂ©pĂ©ter les mĂȘmes gestes. Pourtant, je n’aime pas penser que, pour moi, la danse, c’était l’armĂ©e. On danse aussi pour arrĂȘter d’ĂȘtre des bĂȘtes traquĂ©es.

 

J’ai peut-ĂȘtre eu moins besoin de m’échapper. Et, aussi, celles et ceux que je frĂ©quente dĂ©sormais sont plus installĂ©s dans leur vie et davantage portĂ©s sur la parole. Ou, souvent aussi, quand mĂȘme, nous parlons des mĂȘmes
. sujets.

 

J’imagine qu’Erykah Badu, mĂȘme si son dernier album a quelques annĂ©es, a continuĂ© de danser et de chanter. Si une Me’Shell NdĂ©geocello ou une Björk ont pu se mettre en danse sur scĂšne, cela se passait autrement pour Miles Davis. Par contre, j’ai appris qu’Erykah Badu avait dirigĂ© la rĂ©Ă©dition d’albums de Fela. Mon pĂšre avait un de ses albums Ă  la maison. Mais il ne le mettait pas souvent. Et il n’achetait plus de disques lorsque Kassav’ a Ă©mergĂ©. Et encore moins lorsque d’autres artistes de zouk sont ensuite arrivĂ©s tel Jean-Michel Rotin qui fait partie des anciens, maintenant.

 

Comme Erykah Badu.

 

Rimshot, en concert, a Ă©tĂ© le titre qui a reposĂ© Erykah Badu sur mon atlas musical. Et, tout cela, suite Ă  un stage d’apnĂ©e Ă  Quiberon, en Bretagne, avec mon club le mois dernier. Parce-que j’ai fait des photos. Et qu’ensuite j’ai fait deux  diaporamas, un long et un court, et qu’à chaque fois cette chanson d’Erykah Badu a Ă©tĂ© celle que j’ai mise au premier plan.

 

De l’apnĂ©e en Bretagne, et, aussi, de la chasse sous-marine, Ă  Erykah Badu. Nos directions et notre façon d’écouter la vie restent assez imprĂ©visibles. Notre façon d’écouter, surtout. Car, souvent, le reste suit. A plus ou moins long terme.

 

Franck Unimon, ce dimanche 6 juin 2021.  

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Pour les Poissons Rouges

Célébrités

 

                                                     CĂ©lĂ©britĂ©s

Un jour, toutes ces personnes que j’ai aimĂ©es Ă©couter,  regarder, ainsi que leurs Ɠuvres. Qui m’ont guidĂ©, protĂ©gĂ© et aidĂ© Ă  me dĂ©cider. Que j’ai souvent- ou toujours- placĂ©es au dessus de moi, de mes idĂ©es. GrĂące auxquelles j’ai fait mes choix, me suis fĂąchĂ©, ai Ă©voluĂ©.

 

Toutes ces personnes que je n’ai jamais rencontrĂ©es. Avec lesquelles je n’ai pas vĂ©cu. Auxquelles je ne me suis pas confrontĂ©. Toutes ces statues.

 

Toutes ces personnes, religieuses, politiques, artistes, intellectuelles, riches, charismatiques et belles, un jour, je m’apercevrai qu’elles n’ont pas existĂ©. Et que, depuis le dĂ©but, c’est moi et le plus grand nombre qui les avons fait vivre, rendus vibrants et exceptionnels. Elles, elles se sont prĂ©sentĂ©es ou avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© mises lĂ  par d’autres, avant nous, qui les avaient fait vivre, entretenues, et nous avaient ensuite passĂ© le relais.

 

Sans toutes celles et tous ceux qui nous ont précédés et qui les ont fait vivre, il ne serait resté que des ruines ou quelques échos migratoires plus ou moins persistants.

 

C’est par ce genre de mystĂšre que nous pouvons aussi rĂ©aliser certaines inventions. L’observation et l’imitation ne sont pas les seuls moyens dont nous disposons pour inventer. La projection, le fait de se protĂ©ger en l’autre, de confondre « Je Â» avec « toi Â» ou « Je Â» avec « nous Â», est un de nos plus grands pouvoirs.

 

Il nous distingue, pour l’instant, de beaucoup d’espĂšces. GrĂące Ă  lui nous pouvons nous diriger. Nous propulser dans l’espace et aussi ailleurs. Car il peut, aussi, nous rendre, trĂšs fous :

 

C’est à dire, connus du plus grand nombre.

 

Franck Unimon, dimanche 6 juin 2021. 

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Corona Circus Croisements/ Interviews

Un supermarché pour tout

 

Un supermarché pour tout

Ce matin, je suis retournĂ© dans un DĂ©cathlon. Je cherchais des mitaines pour faire du vĂ©lo. Les miennes commencent Ă  ĂȘtre usĂ©es. Et un short, tendance cuissard, pour faire du vĂ©lo.

 

Aujourd’hui, on peut se rendre dans une enseigne de cette chaine – DĂ©cathlon– de grands magasins de sport comme chez le boulanger ou le marchand de primeurs. Trente ans plus tĂŽt, dans les annĂ©es 60, cela eut Ă©tĂ© inconcevable. C’était un autre monde.

 

C’est pareil pour certaines grandes enseignes de bricolage. Et d’autres enseignes telles que la Fnac qui agrĂšge librairie, informatique, photographie, produits high tech, Cds, Blu-rays et autres. Il y a aussi Darty. S’y rendre est une formalitĂ©.

 

On entend encore parler de la mort des petits commerces et de l’artisanat. Mais on n’est pas Ă  ça prĂšs. D’abord, on fait avec ce qui se trouve Ă  proximitĂ©, ce qui est moins cher et le plus pratique. Les supermarchĂ©s offrent des grandes quantitĂ©s, de la variĂ©tĂ©. Et nous sommes preneurs. Je suis preneur.

 

Avant d’aller Ă  DĂ©cathlon, j’ai confiĂ© mon vĂ©lo Ă  un petit magasin de cycles qui a ouvert Ă  quelques minutes de lĂ , il y a quelques mois :

La Roue Liber.

 Pour des nouveaux patins de frein. J’ai prĂ©fĂ©rĂ© passer par un petit magasin Ă  une chaine telle que DĂ©cathlon. Ceci afin de soutenir un peu Ă©conomiquement les petits commerces.

 

Je m’échappe de plus en plus des grandes surfaces. Sauf quand je n’ai pas le choix.

 

Dans le petit magasin de cycles, La Roue Liber,  j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© lorsque celle qui m’avait accueilli m’a demandĂ© :

« Vous voulez boire, quelque chose ? Â». J’étais en train de refermer mon sac Ă  dos et j’allais partir Ă  DĂ©cathlon.  

 

J’ai acceptĂ© de prendre un verre d’eau. En me l’apportant, cette mĂȘme personne m’a dit :

 

« Vous pouvez aller vous asseoir sur la terrasse. C’est Ă  nous Â». Devant le magasin de cycles, se trouve en effet une petite terrasse. PrĂšs de la route. Donc, Ă  portĂ©e des pots d’échappement des voitures des rues parisiennes. Mais, lorsque l’on passe du temps Ă  Paris, on est immunisĂ© contre ce genre de paradoxe. Et puis, une telle proposition dĂ©tonait dans,  pratiquement, toute ma vie de consommateur. 

 

Alors, mettons-ça sur le fait que ce magasin de cycles vient d’ouvrir. Qu’il se constitue sa clientùle. Et que dans d’autres commerces, telles les concessions automobiles ou certains opticiens, on fait aussi ce genre de proposition.

 

AprĂšs mon verre d’eau, je suis parti vers la grande enseigne du sport (DĂ©cathlon). J’avais Ă  peine fait quelques mĂštres que je suis passĂ© devant une pĂątisserie tenue par un couple japonais. Je ne l’avais jamais vue auparavant. Le couple Chiba. AngĂ©lique, qui tient cette pĂątisserie avec son mari, m’a parlĂ©. Mais j’avais « mon Â» DĂ©cathlon en tĂȘte. Alors, je lui ai rĂ©pondu que je reviendrais plus tard.

 

 

Sur le chemin, je suis passĂ© devant un autre magasin d’articles de sport. Une marque plutĂŽt cotĂ©e, assez technique, qui, depuis plusieurs annĂ©es, s’est ouverte au grand public : La marque Salomon. Avant, mĂȘme s’il y en a encore peu, aujourd’hui, en plein Paris, on trouvait moins ou pas de magasins reprĂ©sentant exclusivement cette marque.  

 

En vitrine, j’ai aperçu un pantalon qui m’a plu. Dans le magasin, j’ai demandĂ© conseil Ă  l’un des vendeurs. Le vendeur ne voyait pas de quel pantalon il s’agissait. Il a acceptĂ© de me suivre dans la rue oĂč je le lui ai montrĂ©. Pour finalement m’apprendre qu’il s’agissait d’un article
.pour femme

 

S’adressant Ă  moi comme si je comprenais  son langage, le vendeur m’a annoncĂ© qu’il s’agissait d’un pantalon « chino Â» et « wide Â».

 

Je n’ai pas compris tout de suite.  Je lui ai fait rĂ©pĂ©ter. J’ai mĂȘme compris « Wild Â».

Peut-ĂȘtre parce-que, dehors, face Ă  lui, je me suis senti un peu soupesĂ© par le vendeur en tant que valeur sur le marchĂ© du sexe. Car j’ai oubliĂ© de dire que je m’étais mis Ă  mon avantage pour cette sortie :  

Cycliste noir moulant, mi-cuisses, baskets, allure sportive. Puisque j’avais pris mon vĂ©lo et qu’il faisait chaud.  

 

Les femmes ont les jupes, les robes, les dĂ©colletĂ©s, les  bustiers, les les jambes nues et autres prompteurs Ă  cristaux liquides. Un retard d’acclimatation peut Ă©tourdir et faire perdre un peu le goĂ»t de l’heure et du temps qui passe. Cependant,  nous, les hommes, en Ă©tĂ©, ou lorsqu’il fait chaud, l’équivalent de notre panoplie Ă©rotique ou sensuelle peut-ĂȘtre une certaine allure sportive.  Avec ou sans marcel. Avec ou sans gamelle.

 

Le magasin Salomon n’avait pas encore reçu ce type de pantalon. Je pouvais en trouver sur le site internet. A voix haute, je me suis soudainement plongĂ© dans un abysse d’incertitudes inĂ©luctables :

Pouvais-je- en- tant -qu’homme-porter- un- tel- pantalon- puisqu’il- s’agissait- d’un article- fĂ©minin ?

Notre vendeur, empathique, et pragmatique, m’a alors dit :

« Il m’arrive de mettre des vĂȘtements pour femmes. Ça va passer crĂšme ! Â». Il fallait juste que je me fasse Ă  l’idĂ©e que c’Ă©tait un pantalon “taille haute”. 

 

«  Passer CrĂšme ! Â».  Cette expression, je l’ai dĂ©couverte par hasard en Ă©coutant un concours d’éloquence il y a un ou deux ans.

 

Au DĂ©cathlon, je n’ai pas trouvĂ© ce que je cherchais. Ni Ă©loquence. Ni crĂšme. Les mitaines Ă©taient moches. Il n’y avait pas le short que je recherchais, non plus. Mais j’ai trouvĂ© un  vendeur qui a bien voulu m’aider. Pendant toutes ces annĂ©es, j’avais Ă©tĂ© suffisamment nĂ©gligent pour laisser le code barre sur mes mitaines usagĂ©es. Cet article ne se vend plus m’a appris le jeune vendeur. « C’est un vieil article Â» a-t’il continuĂ©  tel un expert qui, examinant au microscope les lignes de ma main, s’aperçoit qu’il a affaire Ă  un objet dĂ©suet. Puis, il m’a assurĂ©  que j’avais dĂ» le payer «  six euros Â». Les nouvelles- et moches- mitaines prĂ©sentes devant moi dans les rayons coĂ»tent dĂ©sormais 20 euros.  

 

Les employĂ©s des enseignes comme DĂ©cathlon sont dĂ©sormais souvent de passage. Comme dans les banques. On se rappelle davantage du nom de l’enseigne, de l’article ou de la marque que l’on achĂšte.

 

AprĂšs DĂ©cathlon, je me suis arrĂȘtĂ© dans la pĂątisserie tenue par le couple japonais. J’ai appris qu’elle existait depuis
42 ans.

 

« Tout est fait maison Â», concernant les pĂątisseries, m’a appris AngĂ©lique. Celle-ci, la soixantaine, s’est affairĂ©e pour me servir. Il y avait sans doute le cĂŽtĂ© commercial qui consiste Ă  vouloir faire acheter le plus de produits. Mais, aussi, la volontĂ© de conseiller.

 

Un habituĂ© est arrivĂ©. Un homme en costume cravate. L’heure du dĂ©jeuner approchait. Comme AngĂ©lique s’occupait de moi, aprĂšs l’avoir saluĂ©e, il s’est installĂ© tranquillement en terrasse. AngĂ©lique a continuĂ© Ă  me parler des autres thĂ©s disponibles. Fouillant dans ses placards, elle sortait des grands paquets de hojicha, de GemmaĂŻcha. Elle m’a parlĂ© d’un thĂ© Sencha qu’elle venait de recevoir et qu’elle allait goĂ»ter. Mais celui que j’avais pris Ă©tait trĂšs bon ! Elle vendait du Matcha, aussi. Mais, le matcha, lui ai-je dit, je ne sais pas le faire. Alors, AngĂ©lique de me dire :

 

« Un jour, si vous avez le temps, je vous montrerai Â». Je lui ai rĂ©pondu :

« Je prendrai le temps Â». Elle s’est mise Ă  rire. Approuvant sans doute ma conduite.

 

Au moment de partir, je l’ai remerciĂ©e en Japonais : « Arigato Gozaimasu Â». Alors, s’inclinant vers moi avec dĂ©fĂ©rence, AngĂ©lique m’a Ă©galement rĂ©pondu en Japonais.

 

J’ai rĂ©cupĂ©rĂ© mon vĂ©lo Ă  La Roue Liber. J’ai Ă©tĂ© content de la rapiditĂ© des « travaux Â». J’avais Ă©tĂ© informĂ© par sms -alors que j’étais encore au DĂ©cathlon- qu’il Ă©tait prĂȘt.

 

Ensuite, je suis passĂ© dans cette pharmacie, prĂšs de la gare de St Lazare, qui a, depuis peu,  changĂ© d’emplacement. Elle est s’est maintenant rapprochĂ©e d’un grand hĂŽtel : Le Hilton.

 

L’intĂ©rieur a Ă©tĂ© modifiĂ©. TrĂšs Ă©clairĂ©. Cela se veut modĂ©lisĂ©. Prestigieux. Mais, impossible de trouver les huiles essentielles. Une personne de la pharmacie, souriante, me rĂ©pond que, dĂ©sormais, il suffit de faire la commande en appuyant sur un grand Ă©cran. Et que le flacon arrive dans une sorte de boite. Mais ça ne marche pas. On ne peut pas sĂ©lectionner l’huile essentielle que je souhaite acheter. L’écran « cale Â»  Ă  la lettre « G Â». Je dois donc me passer de l’huile essentielle que je comptais acheter.

 

J’escompte trouver du dentifrice. On m’indique oĂč se trouvent les tubes de dentifrice. Parmi les diffĂ©rents dentifrices, je ne trouve pas le dentifrice que je cherche. « Avant Â» le dĂ©mĂ©nagement, je le trouvais facilement. Je sors de la pharmacie sans rien acheter. J’irai ailleurs, une autre fois, dans un supermarchĂ© oĂč je trouverai ce que je « cherche Â».

 

Il y a des supermarchĂ©s pour tout. Partout. BientĂŽt, il y aura aussi des supermarchĂ©s oĂč nous trouverons des premiers prix pour nos tombes. Bien-sĂ»r, tout n’est pas perdu. Puisqu’il y a eu des pauses  et des oasis tels que ce magasin de cycles et cette pĂątisserie. Et, il en existe d’autres. Certaines de ces oasis viennent de se crĂ©er ou vont se crĂ©er. D’autres sont lĂ  depuis longtemps et sont seulement connues des habituĂ©s ou de leur proche voisinage.

 

A La Roue Liber, le rĂ©parateur, prĂ©venant, m’a engagĂ© Ă  ne pas appuyer trop fort sur les freins. Afin, de me rĂ©habituer au systĂšme de freinage. Je l’ai Ă©coutĂ© avec approbation.

 

Le monde dans lequel nous vivons, auquel nous appartenons en grande partie, et qui nous consomme, autant que nous le consommons, n’aime pas freiner. Ses freins sont  dĂ©fectueux ou usĂ©s. Ou brutaux. Il faudrait sans doute partir loin de tout ça avant l’irrĂ©mĂ©diable. Savoir sortir, au bon moment, de ces supermarchĂ©s- et de leurs hiĂ©rarchies- depuis longtemps Ă©tablis dans notre tĂȘte. Cela peut sans doute s’apprendre au jour le jour. Car nous avons encore plus de pensĂ©es et de rĂȘves qu’il n’existe de supermarchĂ©s.

 

Franck Unimon, ce jeudi 3 juin 2021.