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Nouvelle Ă©preuve olympique

 

 

 

 

 

                                                    Nouvelle Ă©preuve olympique

 

 

On devrait inscrire le dĂ©ni au tableau des Ă©preuves olympiques. On assisterait Ă  des  performances Ă©blouissantes. Tous les jours, des records mondiaux seraient battus. Et tout cela sans le moindre microgramme de dopage. Enfants, adolescents, femmes, hommes. Beaucoup d’entre eux ridiculiseraient par leur trĂšs haut niveau de compĂ©tence nos champions habituels.

 

Cette nuit, j’ai essayĂ© de dĂ©montrer Ă  une de mes collĂšgues comment, en tant qu’infirmiers, nous sommes arrimĂ©s Ă  notre planning. Tout est parti d’une discussion Ă  propos de la gentillesse. Lorsque l’on est trop gentil, on se fait marcher dessus. C’est ce que j’ai affirmĂ© Ă  nouveau devant elle. Elle s’est presque mise en colĂšre :

 

Les gens trop gentils, ça n’existe pas ! Pour elle, on parlait plutĂŽt de personnes « faibles Â» lorsque l’on parle de personnes qui se font marcher dessus !  

 

J’en suis arrivĂ© Ă  parler de cette violence qui peut nous ĂȘtre infligĂ©e Ă  travers le planning.

 

On parle souvent de la pĂ©nibilitĂ© du travail infirmier. Sa charge Ă©motionnelle. Ses responsabilitĂ©s. Ses horaires en dents de scie et possibles tous les jours de l’annĂ©e. Sa dĂ©valuation constante, annĂ©e aprĂšs annĂ©e. Ce nombre de jours de congĂ©s qui nous ont Ă©tĂ© supprimĂ©s. Ces primes de service bradĂ©es. Cette exigence de flexibilitĂ© («  Vous ĂȘtes titulaire mais pas titulaire de votre poste dans un service Â»). Ses effectifs diminuĂ©s. Cette carriĂšre rallongĂ©e de plusieurs annĂ©es pour un mĂ©tier dĂ©sormais dĂ©fini comme « sĂ©dentaire Â». « SĂ©dentaire Â» comme pĂ©pĂšre. Des pĂ©pĂšres qui, s’ils ont atteint leur nombre maximal de trimestres, pourront s’orienter vers une retraite Ă  taux plein Ă  peu prĂšs lorsqu’ils auront 64 ou 65 ans, on verra bien d’ici lĂ . OĂč on en sera du cĂŽtĂ© des assurances privĂ©es.

 

Dans cet organigramme des tours de vis que subit la profession infirmiĂšre- comme dans d’autres professions- presque de façon programmĂ©e, le planning occupe une place particuliĂšre dans nos cƓurs et dans nos artĂšres. Car il est notre horoscope intime. TantĂŽt abĂźme, tantĂŽt dĂ©livrance, c’est avec le stĂ©thoscope fĂ©brile et concentrĂ© que, souvent, on se penche au dessus de lui pour l’ausculter afin de savoir si notre avenir continue de luire entre les Ă©toiles oĂč s’il est devenu posthume. Pourrons-nous avoir la vie que nous souhaitons avoir en dehors de nos heures de travail ou serons-nous Ă  nouveau contraints Ă  faire plus d’efforts ? Pour « nĂ©cessitĂ©s de service Â». Pour les patients. Par solidaritĂ©. Par conscience professionnelle. Pour l’éthique.

 

Comme beaucoup, je connais tout cela. Ainsi que les arrangements de planning entre collĂšgues. Je connais aussi les hiĂ©rarchies compĂ©tentes, engagĂ©es et comprĂ©hensives. NĂ©anmoins, Ă  moins de passer toute sa vie professionnelle dans un bunker, toute infirmiĂšre et tout infirmier connaĂźtra le supplice du planning. Le tour de piste des collĂšgues, malades, non remplacĂ©s, de mauvaise foi ou rĂ©calcitrants Ă  remplacer. Les hiĂ©rarchies qui vous placeront une kimura entre votre dimanche et votre lundi ; qui rĂ©interprĂšteront votre planning- votre horoscope- autrement ou vous contacteront durant vos vacances.  

Si vous avez  encore un petit peu de chance et de l’argumentation, cela sera fait avec correction et vous trouverez des arrangements. Autrement, il vous faudra composer. N’oubliez pas en outre, qu’aujourd’hui, et c’est une rĂšgle pour l’instant implicite mais dĂ©jĂ  active, avec le tĂ©lĂ©phone portable et la boite mail, tout le monde est supposĂ© pouvoir ĂȘtre joint pratiquement vingt quatre heures sur vingt quatre.

 

On supporte et on accepte mieux certaines conditions de travail et sa communication selon ce que l’on a besoin de prouver ou de sauver.  Selon ce que l’on a besoin d’apprendre. Selon son Ăąge et sa situation personnelle, aussi.

 

Comme la majoritĂ©, j’ai participĂ© et continue de participer Ă  l’effort de guerre. Je l’ai fait et le fais encore volontairement. Mais on peut trĂšs bien consentir Ă  certains efforts ou sacrifices et palper encore un peu de luciditĂ© :

 

Si  dans le service, quelqu’un manque Ă  l’appel et Ă  l’appui sur la chaine de montage du soin, tout le reste s’effondre nous fait-on comprendre. MĂȘme si on sait aussi, au besoin, laisser filtrer dans notre cervelle que toute infirmiĂšre ou infirmier est interchangeable.

 

 

J’ai essayĂ© de faire comprendre Ă  ma collĂšgue que dans la SantĂ©, d’autres professions collĂšgues sont plus libres que nous par rapport au planning. Rien Ă  faire. A quelques voix de la retraite, celle-ci a considĂ©rĂ© qu’il Ă©tait beaucoup trop facile de s’en prendre aux hiĂ©rarchies ! Qu’elle avait toujours travaillĂ© en toute solidaritĂ© avec ses collĂšgues ! J’ai louĂ© et je loue ça. Pourtant, Ă  part ça, le planning de l’infirmiĂšre et de l’infirmier est tout de mĂȘme bien des fois un crucifix, non ? HĂ© bien, pour elle, non ! Nous nous sommes presque fĂąchĂ©s.  J’ai fini par lui dire :

 

«  Tant mieux pour toi ! Â». «  Tu as de la chance ! Â».

 

 

Avant de quitter notre service, un message vocal de ma compagne. Notre fille ayant encore fait de la fiĂšvre cette nuit (otite ? Angine ? ), elle me demandait si je pouvais rentrer plus tĂŽt afin qu’elle puisse partir au travail. Autrement, il allait manquer du personnel dans le service ce matin (oui, ma compagne est aussi infirmiĂšre). Dans son message, ma compagne se proposait de rentrer en dĂ©but d’aprĂšs-midi afin d’emmener notre fille chez le mĂ©decin. Je l’ai appelĂ©e. Je n’avais pas vu tous les messages. Entretemps, elle avait dĂ©cidĂ© de prendre une journĂ©e « enfant malade Â». 

 

 

AprĂšs ça, je suis parti Ă  la pharmacie. Afin de me faire rembourser les masques FFP2 dont j’ai parlĂ© dans Coronavirus. D’un commun accord, ma compagne et moi avons optĂ© pour nous procurer des masques Ă  un tarif plus frĂ©quentable. Elle savait comment. Un des articles de Le Canard EnchaĂźnĂ©  de ce mercredi 26 fĂ©vrier 2020 (Coronavirus : les prix des masques s’envolent en France  puis Le ( corona) virus du commerce ! ) m’a depuis malheureusement confortĂ© dans ce que j’avais compris :

 

 

«  (
.) Car, dans les hĂŽpitaux, les factures grimpent dĂ©jĂ  Ă  une vitesse vertigineuse. Exemple : entre le 20 janvier et le 4 fĂ©vrier, le tarif facturĂ© par un distributeur français, Paredes, a quasi triplĂ© Â».

 

« (
.) Sur internet, des petits malins ont aussi flairĂ© l’épidĂ©mie des bonnes affaires. Le dimanche 23 fĂ©vrier, un lot de 20 masques FFP2 Ă©tait en vente sur le site eBay au prix de 16 euros. Le lendemain matin, alors que l’Italie avait franchi un nouveau cap, le mĂȘme lot Ă©tait affichĂ© à
.32 euros ! Â».

 

Mais avant cela, toujours dans le mĂȘme article signĂ© J.C, page 3, ce passage :

 

« Le MinistĂšre de la SantĂ© a fait ses calculs : pour Ă©quiper les soignants, les flics et les pompiers face Ă  l’épidĂ©mie de coronavirus, «  il faudra 200 millions de masques FFP2 sur les trois prochains mois Â» confie une huile du ministĂšre. Ces masques qui empĂȘchent d’ĂȘtre contaminĂ© ont une « durĂ©e de vie Â» de trois heures seulement
. Â».

 

 

Une « durĂ©e de vie de trois heures seulement Â». Le pharmacien m’avait dit « huit heures Â». Je me suis vraiment fait couillonner il y a un ou deux jours avec l’achat de ces masques. Ce qui s’est vĂ©rifiĂ© sur place en retournant Ă  la pharmacie :

 

Impossible de les restituer pour des « conditions d’étanchĂ©itĂ© Â». Impossible d’obtenir un bon d’achat en contrepartie. C’est comme pour les mĂ©dicaments m’a-t’on expliquĂ© de façon aimable et intraitable : une fois vendus, on ne les reprend pas.   

 

J’ai donc payĂ© Ă  nouveau de ma poche pour les autres articles que j’avais prĂ©vus d’acheter en revenant dans cette pharmacie. Je vois ces trois masques que j’ai donc gardĂ©s comme des prĂ©servatifs un peu chers. Ce sont peut-ĂȘtre eux qui nous sauveront la vie puisqu’une seule fois suffit. Et cela me permettra peut-ĂȘtre un jour de lire El Watan.

 

 

J’avais quittĂ© la pharmacie depuis plusieurs minutes et me dirigeais vers la ligne 14 lorsque j’ai croisĂ© un homme et peut-ĂȘtre son fils, adolescent. Ils portaient tous les deux un masque et, la nouveautĂ©, c’est qu’il s’agissait lĂ  de deux europĂ©ens. Je me suis dit que ça commençait. BientĂŽt, on va voir de plus en plus de personnes portant un masque FFP2 au moins dans les rues de Paris ou dans dans ses transports en commun.

 

 

Mais cet article n’est pas encore terminĂ©.

 

 

Je me suis enfournĂ© dans le mĂ©tro de la ligne 14. Un homme d’une trentaine d’annĂ©es m’a accueilli presque bras ouverts. Le mĂ©tro Ă©tait bondĂ©. Normal aux heures de pointe. Ce qui a Ă©tĂ© inhabituel, cela a Ă©tĂ© les traits d’humour de cet homme qui s’est mis Ă  me parler. Des autres passagers plutĂŽt maussades. Du fait de partir au travail. Je lui ai dit que je venais de terminer. Son visage s’est Ă©clairĂ©. Le travail de nuit, c’est bien, m’a-t’il dit. MĂȘme si ce n’est pas trĂšs bon pour l’organisme a-t’il continuĂ©. J’ai acquiescĂ© et ajoutĂ© sans dĂ©velopper :

 

«  Pour la vie sociale, aussi Â». Il a haussĂ© un peu les Ă©paules. La vie sociale, ce n’était pas important. Il a Ă©voquĂ© son projet d’obtenir de faire du tĂ©lĂ©travail trois jours par semaine. Il m’a assurĂ© que si ses employeurs refusaient qu’il partirait. Il a ajoutĂ© :

 

«  De toute façon, je n’ai formĂ© personne. Ils ont besoin de moi Â».

 

A le voir habillĂ© en Jeans, basket, portant la veste, dĂ©contractĂ© et me parlant tĂ©lĂ©travail comme si son absence dans son service n’aurait aucune incidence, je me suis dit qu’il devait ĂȘtre informaticien. Ce que je lui ai demandĂ©. Celui-ci m’a rĂ©pondu :

 

« Dans l’informatique et la finance Â». Et sans que je lui en demande davantage, voilĂ  qu’il a commencĂ© Ă  me dire que, «  dans la finance Â», on Ă©tait crĂ©atif pour utiliser des « produits toxiques Â» de façon illĂ©gale. Ou en jouant avec la loi. Bien-sĂ»r, en entendant ça il me restait un fond de JĂ©rome Kerviel dans la tĂȘte.  Mais il m’a fallu rechercher son prĂ©nom et son nom sur le net pour la rĂ©daction de cet article. Car je les avais plus ou moins oubliĂ©s : JĂ©rome Kerviel Ă©tait un trader de 31 ans en 2008 lors de « l’affaire Â» de la SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale. A cette Ă©poque, je ne connaissais mĂȘme pas ma compagne et je travaillais ailleurs. On ne parlait pas de rĂ©forme de retraite. Il n y avait pas de gilets jaunes. Pas de coronavirus.

 

 

Avant que les portes du mĂ©tro de la ligne 14 ne s’ouvrent Ă  St Lazare, j’ai informĂ© mon interlocuteur que j’allais me dĂ©pĂȘcher. Il m’a souhaitĂ© une bonne journĂ©e. J’aurais pu rester discuter avec lui. Mais je n’aime pas piĂ©tiner dans la foule dans les escalators, dans les escaliers et dans les transports en commun. Je ne voulais pas non plus que notre conversation dure trop longtemps. Mais je crois qu’il Ă©tait bien dans l’informatique et dans la finance. Contrairement au livreur maussade qui est venu tout Ă  l’heure alors que j’étais encore dans cet article. La derniĂšre fois, ce livreur m’avait obligĂ© Ă  venir chercher notre commande dans la rue affirmant :

 

«  On n’a pas le droit de monter. C’est interdit Â».

 

Aujourd’hui, il a dĂ» monter. Avec une certaine colĂšre en sourdine, devant moi,  le livreur m’a demandĂ© : « Vous avez un stylo ? Â». Oui, j’avais un stylo. Studieusement, je suis parti chercher un stylo. Il m’a indiquĂ© avec autoritĂ© :

 

« Vous marquez votre nom lĂ  et vous signez Â». J’ai marquĂ© mon nom et j’ai signĂ©. Il est ensuite parti, remontĂ©. A la prochaine livraison, il me descendra peut-ĂȘtre.

 

Franck Unimon, ce jeudi 27 février 2020.

 

 

 

 

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Scandale

                                                       

 

                                                                    Scandale

 

 

On a pu entendre dire que les AmĂ©ricains des Etats-Unis sont des grands enfants. Savoir qu’un centre d’attractions comme Disneyland a les faveurs de millions d’AmĂ©ricains me laisse encore assez perplexe mĂȘme si j’ai aimĂ© et aimerais encore les Ă©quivalents de ce genre de lieux d’attractions en France. Les Etats-Unis sont aussi vus comme le pays de la malbouffe avec Mac Do, coca-cola et une certaine explosion de l’obĂ©sitĂ©.

 

J’ai lu un jour  que les Etats-Unis d’AmĂ©rique sont la plus grande dĂ©mocratie du monde. 

 

Et l’on sait aussi assez combien les Etats-Unis continuent de diriger le Monde mĂȘme si des Nations comme la Chine et la Russie, et certains de leurs alliĂ©s, peuvent s’opposer assez rĂ©guliĂšrement Ă  ce leadership. Commercialement et Ă©conomiquement pour la Chine. Au travers par exemple de l’histoire du tĂ©lĂ©phone portable de marque Huawei et de la 5 G, auquel se refuse le prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump. Car, officiellement, cette technologie permettrait aux Chinois d’espionner au moins les AmĂ©ricains qui nous le rendent bien depuis le prĂ©sident Barack Obama- et sans doute avant- avec leur surveillance de masse organisĂ©e avec la complicitĂ© des grandes entreprises telles que Google, Amazon, Facebook, Apple et d’autres en compagnie d’autres pays Ă  l’aise avec cette surveillance ( Australie, Nouvelle-ZĂ©lande, Royaume-Uni
. voir l’affaire Snowden).

 

La Russie de Poutine reprĂ©sente quant Ă  elle un danger militaire, technologique et politique au moins pour les Etats-Unis : un article dans Le New York Times de ce 22 et 23 fĂ©vrier 2020 informe que la Russie a l’intention d’influencer le rĂ©sultat des primaires des dĂ©mocrates en fĂ©vrier 2020 ainsi que celui des Ă©lections prĂ©sidentielles  ( «  (
) including that Russia intended to interfere with the 2020 Democratic primaries as well as the general election Â», article Lawmakers are warned of Russia interference).

 

 

TrÚs avancé dans bien des domaines, les Etats-Unis sont aussi le pays qui peut se montrer trÚs conservateur ou trÚs arriéré selon nos modÚles et nos valeurs.

 

Le film Scandale est fait de tous ces paradoxes. Dans mon article A Voir absolument  Ă©crit hier, je m’exprimais spontanĂ©ment devant l’affiche du film. Dans un certain jargon, on dira que j’ai projetĂ© sur cette affiche certaines de mes pensĂ©es et certains de mes sentiments en la voyant. Et j’en ai profitĂ© pour pousser la caricature et l’autodĂ©rision sans connaĂźtre le sujet du film.  

 

Puis arrive, si on peut se l’accorder, le temps de l’expĂ©rience et l’Ă©tape de la contradiction. Mais aussi, dans le meilleur des cas, celui de la construction ou de la contribution. Ces trois temps, j’ai tenu Ă  me les accorder ce matin vraisemblablement du fait de la prĂ©sence de Charlize Theron et de Nicole Kidman dans le film. Actrices Ă  propos desquelles j’ai Ă©crit le bien que j’en pensais.  Du fait du titre du film. Et parce-que j’ai cĂŽtoyĂ© quelques bouts d’une interview de l’actrice Margot Robbie qui parlait entre-autres de son admiration pour les deux premiĂšres.

 J’Ă©crirai peut-ĂȘtre plus tard sur les Ă -cĂŽtĂ©s de cette sĂ©ance cinĂ©ma car ils me semblent rajouter quelque chose Ă  mon regard sur le film. Mais, en attendant, maintenant que je viens de voir le film Scandale, je peux passer derriĂšre cette vitrine et cette affiche que nous offre constamment les Etats-Unis de New-York. Puisque j’ai dĂ©jĂ  entendu dire que New-York, c’est une certaine partie des Etats-Unis. Une partie des Etats-Unis qui est peut-ĂȘtre la plus mĂ©diatisĂ©e. La plus donnĂ©e en exemple. Celle qui a aussi Ă©tĂ© terrorisĂ©e et agressĂ©e en 2001.

 

Cette vitrine new-yorkaise est faite de personnes travailleuses, ultra-compĂ©tentes, affutĂ©es, bien dans leur corps et Ă  l’aise avec leurs hormones. InvulnĂ©rables. FriquĂ©es.  Leurs sourires permanents ont la soliditĂ© d’un pare-chocs de quatre-quatre. Lorsque le Monde a peur, le visage des Etats-Unis, au moins Ă  New-York et dans ses environs, est celui de celle ou celui qui peut vous rĂ©pondre s’il le souhaite :

 

«  Relax ! On va y arriver ! Je suis l’adversaire de la peur. Vous allez voir, je vais vous monter un bon dossier avec des super-hĂ©ros, un scĂ©nario fantastique, une trĂšs bonne mĂ©decine, de bons journalistes et de trĂšs bons avocats et, croyez-moi, la mort va reculer car nous allons lui donner une bonne raclĂ©e et elle s’en souviendra. Nous sommes en AmĂ©rique, ici !  Â».

 

L’histoire du film Scandale est inspirĂ©e d’évĂ©nements qui se sont dĂ©roulĂ©s en 2015-2016 au sein de la chaine d’informations Fox News qui appartient Ă  Rupert Murdoch, «  32 Ăšme personne la plus puissante du monde/ 76 Ăšme fortune mondiale Â» nous dit wikipĂ©dia et soutien de Donald Trump lorsque celui-ci s’est prĂ©sentĂ© aux Ă©lections prĂ©sidentielles en 2015-2016. Cette derniĂšre information est dans le film. 

 

J’ai peut-ĂȘtre entendu parler de l’affaire « Roger Ailes Â» Ă  l’époque mais je ne m’en souviens pas.

 

Efficace et pĂ©dagogique, le film de Jay Roach nous fait entrer dans un monde de la presse trĂšs conservateur, partial et dĂ©magogique, car vouĂ© Ă  satisfaire son public et son parti, tous deux conservateurs, et oĂč pratiquement toutes les femmes employĂ©es, de la journaliste lambda Ă  la journaliste vedette se donnent aux rĂšgles phallocrates des hommes qui les dominent. Car elles se dĂ©vouent Ă  un « mĂ©tier visuel Â» oĂč on les recrute souvent parce-qu’elles sont de jolies crevettes.

 

CĂŽtĂ© vitrine et affiche, ce sont des femmes Ă©loquentes, incisives et indĂ©pendantes qui ont Fox News dans la peau, gagnent bien leur vie et ont une trĂšs bonne carriĂšre. Hors camĂ©ra, elles obĂ©issent Ă  l’audience et, pour la plupart, elles acceptent en silence le commandement supĂ©rieur  des volontĂ©s sexuelles de leurs boss masculins : tenues vestimentaires types, sexe oral et autres types de rapport imposĂ©s selon les agendas de ces hommes Ă  bosse proĂ©minente au milieu du pantalon. On appelle ça, faire preuve de loyautĂ©. On comprend un peu mieux en regardant ce film dans quel contexte Donald Trump a pu devenir prĂ©sident des Etats-Unis. Ainsi que les raisons pour lesquelles ses antĂ©cĂ©dents de harcĂšlement sexuel et un certain nombre de ses propos ont peu entamĂ© son accession Ă  la prĂ©sidence des Etats-Unis. 

 

«  J’ai fait gagner un milliard de dollars aux Murdoch Â» dira Roger Ailes dans le film. Cette rentabilitĂ© explique aussi le maintien de certains Ă  leur poste de responsables.  

De gauche Ă  droite, Megyn Kelly ( l’actrice Charlize Theron), Gretchen Carlson ( l’actrice Nicole Kidman) et Kayla Pospili ( Margot Robbie)

 Scandale raconte la rĂ©action de deux femmes journalistes vedettes, Megyn Kelly (interprĂ©tĂ©e par Charlize Theron) et Gretchen Carlson (interprĂ©tĂ©e par Nicole Kidman) qui dĂ©cident Ă  un moment donnĂ© d’attaquer en justice Roger Ailes (interprĂ©tĂ© par John Lithgow), le prĂ©sident de Fox News, pour harcĂšlement sexuel. Il s’agit d’un biopic. A ce que j’ai lu, le personnage de Megyn Kelly, dans la vraie vie, est moralement moins sympathique si l’on habite certaines valeurs.

 

 

Megan Kelly ( l’actrice Charlize Theron) et Roger Ailes ( l’acteur John Lithgow)

 

 

Cependant, « L’affaire Â» Roger Ailes rappelle Ă©videmment, dans le milieu du cinĂ©ma, « l’affaire Â» du producteur Harvey Weinstein qui se produira un ou deux ans plus tard. Ainsi que « l’affaire Â» DSK quelques annĂ©es plus tĂŽt.  En France, on pensera Ă  d’autres affaires du mĂȘme genre. Actuellement,  en France, on parle par exemple de l’affaire de l’écrivain Gabriel Maztneff  (Prix Renaudot en 2013, connu pour ses Ɠuvres oĂč il parle de ses expĂ©riences pĂ©dophiles)  suite Ă  la parution en 2019 de l’ouvrage Le Consentement  de Vanessa Springora  oĂč elle raconte sa relation avec celui-ci alors qu’elle avait 14 ans et lui, 49.

En France toujours, on parle aussi de l’affaire du rĂ©alisateur Christophe Rugia accusĂ© de «harcĂšlement Â» et « d’attouchements Â» par l’actrice AdĂšle Haenel alors qu’elle avait entre 12 et 15 ans. On reparle aussi du rĂ©alisateur Roman Polanski.

 

A chaque fois, les hommes incriminĂ©s sont installĂ©s au Pouvoir depuis des annĂ©es, sont nettement plus  ĂągĂ©s que leurs victimes et sont « coutumiers des faits qui leur sont reprochĂ©s Â». Ce sont aussi, lorsque l’on parle d’Harvey Weinstein et Roger Ailes, des hommes d’une “autre” Ă©poque et d’une  sociĂ©tĂ© qui Ă©tait antĂ©rieure Ă  la sociĂ©tĂ© que nous connaissons dĂ©sormais Ă  travers internet et les rĂ©seaux sociaux :

Soit que l’Ă©poque d’oĂč ils viennent Ă©tait celle d’une sociĂ©tĂ© plus permissive, plus passive ou plus servile concernant leurs agissements. Soit que leurs alliĂ©s et protecteurs d’alors Ă©taient plus nombreux et/ou plus puissants. Et que les victimes, elles, alors, Ă©taient davantage livrĂ©es Ă  elles-mĂȘmes. Lorsque je regarde Roger Ailes dans le film, il me fait penser Ă  Hoover qui avait rĂ©gnĂ© sur le FBI pendant des annĂ©es ( 42) tel un monarque absolu. MĂȘme si leurs domaines d’action Ă©taient diffĂ©rents,  je crois que les certitudes avec lesquelles ils gouvernaient Ă©taient assez jumelles.  

 

 

Roger Ailes avait un peu plus de 70 ans lorsque la journaliste Gretchen Carlson a portĂ© plainte contre lui. Harvey Weinstein, un peu plus de 60 ans lorsque son affaire a Ă©tĂ© rendue publique en 2017.  Un Ă  deux ans sĂ©pare les deux affaires. 

 

Le rĂŽle tenu par l’actrice Margot Robbie ( Kayla Pospili) a , lui, Ă©tĂ© inspirĂ© de tĂ©moignages. Bien-sĂ»r, on pense au mouvement #Metoo et balance ton porc. Mais je crois que le film Scandale  aborde aussi d’autres sujets :

 

La presse, dĂ©crite comme le quatriĂšme Pouvoir, passe de plus en plus comme un Pouvoir en dĂ©clin pour dĂ©fendre certaines causes « justes Â». Car elle s’est faite annexer et museler. Dans Scandale, la presse se rĂ©vĂšle asphyxiante car  Fox News  semble ĂȘtre en situation de monopole en tant qu’organe de presse. A moins que ce soit une façon pour le rĂ©alisateur de montrer comme les personnes victimes de harcĂšlement, et, Ă  travers elles, toutes les personnes lanceuses d’alerte dans quelque domaine que ce soit, sont souvent d’abord isolĂ©es. Parce qu’elles Ă©voluent, malgrĂ© les sourires Ă  tous les Ă©tages, dans un monde professionnel extrĂȘmement concurrentiel oĂč le chacun pour soi, la peur de perdre son job, sa rĂ©putation – ainsi que sa position sociale avantageuse- et la toxicitĂ© de certaines pratiques sont une somme que la majoritĂ© regarde et engloutit dans le dĂ©ni.

 

Dans Scandale, arrive un point oĂč l’on se demande si le pire provient de tous ces hommes de Pouvoir et qui en abusent ou de tous ces employĂ©s – femmes et hommes inclus- qui deviennent spontanĂ©ment solidaires pour se taire et aussi pour dĂ©nigrer, discrĂ©diter voire harceler Ă  leur tour celles qui lancent l’alerte. Si l’on est bien au pays de Walt Disney, le parc d’attraction de Fox News devient ici un parc de destruction oĂč plus que Blanche Neige et le petit Chaperon Rouge, les sorciĂšres et les loups restent les grands vainqueurs de l’animation. MĂȘme si certains des loups succombent Ă  leur disgrĂące lorsque celle-ci arrive ( Roger Ailes est dĂ©cĂ©dĂ© en 2017 soit un ou deux ans aprĂšs “l’affaire”).  

 

L’aplomb de Charlize Theron et de Nicole Kidman dans le film est proche de celui du personnage interprĂ©tĂ© par l’actrice Jessica Chastain dans Miss Sloane rĂ©alisĂ© par John Madden en 2016. Mais en grattant bien, je trouve que le rĂŽle de Nicole Kidman dans Scandale a une petite parentĂ© avec celui qu’Ă©tait le sien dans le Dogville de Lars Von Trier ( 2003) . Et  je repense aussi maintenant Ă  l’humiliation vĂ©cue par le personnage interprĂ©tĂ© par Jennifer Anniston dans The Good Girl rĂ©alisĂ© en 2002 par Miguel Arteta. MĂȘme si, cĂŽtĂ© humiliation , le personnage de Charlize Theron dans Monster ( 2003) avait fait le plein. On peut du reste relever, que comme par un besoin de compensation, Patty Jenkins,  la rĂ©alisatrice de Monster a ensuite rĂ©alisĂ© Wonder Woman en 2017 ainsi que Wonder Woman 1984 prĂ©vu en salles en 2020. 

 

 

On peut voir le film Scandale comme un film « fĂ©ministe Â» militant Ă  juste titre pour plus d’égalitĂ© entre les femmes et les hommes. Ce qui encouragera et rĂ©confortera sĂ»rement des personnes.  

 

Mais  je crois qu’il faut se rappeler que cette affaire est aussi contemporaine des affaires Snowden comme de Wikileaks, Chelsea/Bradley Manning, Katharine Gun, oĂč, lĂ  aussi, des individus, ont pris la dĂ©cision, pour diverses raisons, de refuser certaines pratiques privĂ©es et dictĂ©es afin de les rendre publiques et dĂ©mocratiques dans l’espoir de sauver ce qui peut encore l’ĂȘtre de nos droits, de nos vies et de nos libertĂ©s.

 

Je crois aussi qu’il faut aussi relier cette affaire au mouvement Occupy Wall Street. Aux initiatives qui sont prises par certaines personnes afin de vivre dans un monde plus Ă©cologique.  Aux collapsologues qui nous parlent de l’effondrement. Aux dĂ©marches judiciaires engagĂ©es par d’autres contre Monsanto et le Glyphosate mais aussi dans l’affaire du MĂ©diator et du scandale du silicone industriel dans les prothĂšses mammaires PIP.

 

Toutes ces prises de conscience et ces actions sociales, politiques et judiciaires sont souvent concomitantes. Les regarder comme de simples coĂŻncidences Ă©loignĂ©es et sĂ©parĂ©es dans un monde immuable est peut-ĂȘtre une forme de dĂ©ni comme celui qui a meublĂ© les existences de plusieurs des personnages aux avant postes dans le film Scandale. Et aussi ailleurs.

 

Dans le film, alors qu’elle est seule et en plein doute Gretchen Carlson ( interprĂ©tĂ©e par Nicole Kidman) dit Ă  ses avocats qu’elle s’est jetĂ©e du haut de la falaise en s’attaquant Ă  Roger Ailes. La suite la confortera dans sa trĂšs grande prise de risques. NĂ©anmoins, ce film plutĂŽt optimiste semble bien illustrer le titre d’une des chansons de Jimmy Cliff qui date de 1972 :

 

” Many rivers to cross”. 

 

Franck Unimon, mardi 25 février 2020.

 

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Coronavirus

 

 

Coronavirus : un petit sursis pour l’homme, un grand profit pour les pharmacies.

 

 

Je me trouvais du cĂŽtĂ© de la Gare du Nord. Je me suis dit que j’allais essayer de me procurer un numĂ©ro d’El Watan. Depuis que dans le 8Ăšme arrondissement de Paris, j’ai croisĂ© un journaliste d’El Watan, je me suis mis en tĂȘte de le lire. C’était avant d’interviewer le rĂ©alisateur Abdel Raouf Dafri dont j’ai dĂ©jĂ  reparlĂ© rĂ©cemment. ( A Voir absolument ).

 

A entendre ce journaliste, il Ă©tait facile de l’acheter dans un kiosque Ă  journaux. C’était il y a plusieurs semaines. Toujours dans le 8 Ăšme arrondissement, j’ai recroisĂ© ce journaliste il y a quelques jours alors que je me rendais Ă  la projection de presse du film Brooklyn Secret (Brooklyn Secret.) Mais avant que je puisse lui exposer mes difficultĂ©s pour trouver Ă  la vente ce journal qui le rĂ©munĂ©rait, il avait disparu.

 

Dans un point presse bien pourvu du 13Ăšme arrondissement oĂč on ne le vend plus depuis une dizaine d’annĂ©es, on m’avait suggĂ©rĂ© que j’avais mes chances Ă  BarbĂšs. C’est lĂ  que des anciens clients de ce point presse se rendraient dĂ©sormais pour acheter El Watan.

 

Je me suis imaginĂ© que j’avais mes chances Ă  la Gare du Nord. Puisque c’est proche de BarbĂšs. Je me suis trompĂ©. A la place, le vendeur a fait de l’humour. El Watan ? L’AlgĂ©rie ? J’ai commencĂ© moi aussi Ă  faire de l’humour :

« Vous savez que l’AlgĂ©rie existe ? Â». Il m’a rĂ©pondu sans dĂ©tour :

« Je sais que l’armĂ©e existe
je suis algĂ©rien Â».

Il m’a confirmĂ© qu’il Ă©tait probable que El Watan soit en vente Ă  BarbĂšs. Mais je ne me voyais pas aller jusqu’à BarbĂšs. Je me suis contentĂ© du New York Time  et de El Pais.

 

Par paresse, je lis trĂšs peu de presse Ă©trangĂšre. C’est un tort. C’est un tort de se contenter du minimum de ce que l’on sait et de ce que l’on a pu apprendre ou commencĂ© Ă  apprendre Ă  l’école ou ailleurs. De rester dans son confort. C’est comme ça qu’ensuite, avec l’habitude, le quotidien, notre regard sur nous-mĂȘmes et sur notre environnement se rĂ©trĂ©cit et qu’aprĂšs on pleure sur soi-mĂȘme parce-que notre vie est pourrie. Qu’il ne s’y passe jamais rien ou pas suffisamment selon nous.

Mais, lĂ , j’ai achetĂ© The New York Times  et El Pais. MĂȘme si je savais que je les lirais trĂšs partiellement, cela me permettrait dĂ©jĂ  de partir ailleurs.

J’ai plus feuilletĂ© le New York Times car mon manque de pratique de l’Espagnol m’handicapait avec El Pais.

 

Dans le train du retour, je me suis assis Ă  quelques mĂštres d’un SDF bouffi par l’alcool que je connais de vue. Je crois qu’il rĂ©side dans ma ville. Une dame venait de lui donner de l’argent. Mais dĂšs qu’il m’a aperçu prĂšs de lui, il m’a sollicitĂ© et en a redemandĂ©. A dĂ©faut d’argent, il m’a d’abord demandĂ© l’heure car il ne pouvait pas voir. Puis, il a fini par me demander de lui donner un journal. Pour lire. Pour s’informer. Il avait manifestement envie de parler Ă  quelqu’un. Lorsque je lui ai dit que les journaux Ă©taient en Anglais et en Espagnol, il a renoncĂ©. Par contre, lorsque quelques minutes plus tard, un autre homme est venu faire la manche dans le mĂȘme wagon en passant parmi les voyageurs, il l’a aussitĂŽt menacĂ© et lui a dit de se casser. L’autre homme a poursuivi son Ɠuvre avec le sourire.

 

Ce matin, je suis passĂ© Ă  la pharmacie. Je savais que je n’y trouverais pas El Watan. Aussi me suis-je abstenu de le demander. J’étais lĂ  pour acheter une lotion capillaire pour ma compagne. J’ai dĂ©jĂ  fait « pire Â» :

Je devais avoir Ă  peine une vingtaine d’annĂ©es lorsque ma mĂšre m’avait demandĂ© de lui acheter une paire de collants. Cela ne m’avait pas dĂ©rangĂ©. Depuis le temps que ma mĂšre m’envoyait faire des courses. J’étais ressorti du supermarchĂ© et, dans les rues de Pointe-Ă -Pitre, j’avais rapidement compris que certaines personnes qui m’avaient croisĂ© avaient des yeux de drones leur permettant de voir parfaitement Ă  travers le sac en plastique transparent que je portais en toute dĂ©contraction.

 

Ce matin, pas de collant parmi mes achats. J’étais Ă  la caisse quand j’ai entendu un homme plus jeune que moi demander Ă  une autre caisse un masque FFP2. J’ai aussitĂŽt fait le rapprochement avec le coronavirus Covid-19 bien que, sans cet homme, j’aurais Ă©tĂ© incapable de savoir le dĂ©finir de cette façon.

Devant moi, le pharmacien qui me servait m’a rĂ©pondu qu’il allait voir s’il en restait. Il m’a d’abord dit qu’un masque coĂ»tait 2,99 euros, l’unitĂ©. Puis, revenant avec trois masques, il m’a prĂ©sentĂ© ses excuses : un masque coĂ»tait 3,99 euros. Je les ai nĂ©anmoins pris tous les trois.

 

Le pharmacien m’a confirmĂ© que, oui, c’était bien les masques prĂ©ventifs pour le coronavirus. Il m’a dit qu’il espĂ©rait que cela allait s’arranger. Il m’a rĂ©pondu qu’ils n’en n’avaient pas toujours mais qu’il y avait en ce moment une certaine demande surtout des touristes. Il se trouve que les seuls touristes « reconnaissables Â» que j’ai pu voir dans cette pharmacie parisienne sont asiatiques. Peut-ĂȘtre chinois. Peut-ĂȘtre japonais.

 

Jusqu’à maintenant, j’ai entendu parler du coronavirus Covid-19 sans m’en inquiĂ©ter plus que ça. Mais, ce matin, je me suis dit que cela pouvait ĂȘtre bien de « s’équiper Â». En sachant que, selon les dires de ce pharmacien un masque a une durĂ©e d’efficacitĂ© de 8 heures. Il serait donc convenable si l’épidĂ©mie du coronavirus arrive en France qu’elle soit trĂšs rapide. Ou d’avoir de quoi acheter un nombre plutĂŽt consĂ©quent de masques. Mais je me suis dit ça aprĂšs avoir quittĂ© la pharmacie et aprĂšs avoir payĂ© les trois masques. Parce qu’en reprenant le mĂ©tro, j’ai pris le temps de lire le journal gratuit distribuĂ© devant la pharmacie. J’ai jetĂ© ce journal depuis. Mais je me souviens qu’aprĂšs un match laborieux, le PSG, hier, a battu Bordeaux 4-3 au parc des Princes. Que El Matador « Cavani Â» a marquĂ© son 200Ăšme but avec le PSG toutes compĂ©titions confondues. Que Neymar a trouvĂ© le moyen d’écoper d’un second carton jaune et de se faire exclure. Il sera donc absent pour le prochain match face Ă  Dijon. Qu’au dĂ©but du match, des supporters avaient montrĂ© une pancarte demandant Ă  M’bappĂ©, Neymar et Marquinhos de « porter leurs couilles Â».

A part ça, l’équipe de France de Rugby, en battant le Pays de Galles, confirmait qu’elle Ă©tait une trĂšs belle Ă©quipe. Et puis, tout au dĂ©but du journal, le coronavirus en Italie. L’inquiĂ©tude en Europe. Deux morts.

En rentrant, j’ai regardĂ© Ă  nouveau Le New York Times et El Pais. Hier, dans Le New York Times, j’avais pris le temps de lire l’article consacrĂ© Ă  l’acteur, scĂ©nariste et rĂ©alisateur amĂ©ricain Ben Affleck qui parlait de son addiction Ă  l’alcool. Au fait que son propre pĂšre Ă©tait devenu sobre alors qu’il avait 19 ans. L’alcoolisme de son frĂšre Casey, que l’on n’a plus vu depuis quelques temps sur les Ă©crans, Ă©tait aussi mentionnĂ©.

 

 

C’est sur El Pais que j’ai vu l’article dont s’est sans doute inspirĂ© le journal gratuit d’aujourd’hui concernant le coronavirus. Entre-temps, les prĂšs de 4 euros par masque avaient commencĂ© Ă  me peser. Lorsque j’en ai discutĂ© avec ma compagne, j’ai Ă©tĂ© obligĂ© de me rendre compte que je m’étais fait arnaquer. Comme d’autres. PrĂšs de 4 euros pour un masque qui ressemble Ă  un petit slip jetable pour bĂ©bĂ© et dont le coĂ»t Ă  la fabrication doit se compter en centimes et peut-ĂȘtre mĂȘme en micro-centimes. Pour un slip jetable qui est peut-ĂȘtre fabriquĂ© en Chine, ce qui serait comique en plus.

 

L’anxiĂ©tĂ© et l’esprit de prĂ©vention avaient encore frappĂ©. Lorsque ce n’est pas sous forme de pub sur le net, dans la boite Ă  lettres, Ă  la tĂ©lĂ©, au cinĂ©ma, Ă  la radio, dans la rue, dans les transports en commun, sur le tĂ©lĂ©phone portable, la tablette ou Ă  la banque, c’est sous forme de terrorisme, d’extrĂ©misme politique, de catastrophe, de meurtres ou d’épidĂ©mie sanitaire qu’ils s’infiltrent. Avant que le moindre virus n’ait eu le temps de visiter nos poumons, nous sommes dĂ©jĂ  contaminĂ©s par l’anxiĂ©tĂ© et l’achat de prĂ©vention qui sont une forme de crachat civil rĂ©servĂ© Ă  ces ĂȘtres civilisĂ©s et socialisĂ©s que nous sommes. Jusqu’à ce qu’une rupture de stock apparaisse….

 

Mais je crois encore que je rĂ©ussirai Ă  me rendre Ă  BarbĂšs afin d’y trouver El Watan avant que le coronavirus ne trouve l’adresse de mon organisme.  

 

Franck Unimon, lundi 24 février 2020.

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A Voir absolument

 

 

 

                                                     A voir absolument

La norme, chez l’ĂȘtre humain, c’est l’extrĂȘme. Je le rĂ©apprends de temps en temps avec du  retard. Je t’aime et je t’adore aujourd’hui mais aussitĂŽt que je serai suffisamment intime avec toi, je deviendrai parfaitement libre de te maudire et de vouloir modifier ta race et ta constitution pour plusieurs gĂ©nĂ©rations. De leur faire subir toutes les interruptions de grossesse – mĂȘme si tu es un homme- et toutes les perturbations endocriniennes disponibles et accessibles Ă   mes connaissances. Oui, j’ai du chien ! MĂȘme si tu l’oublies alors que je te souris et que je suis cool avec toi. Tu as intĂ©rĂȘt Ă  bien te tenir. C’est aussi simple que ça.

 

La mauvaise foi est bien-sĂ»r un fantastique adjuvant en mĂȘme temps qu’un puissant conducteur. C’est Ă©galement un excellent liant. Et, certaines fois, aussi, un trĂšs bon facilitateur de l’appareil reproducteur. Car si la norme chez l’ĂȘtre humain, c’est l’extrĂȘme, la contradiction et l’opposition font partie de ses meilleurs aphrodisiaques.

 

Je n’avais pas prĂ©vu ce prĂ©liminaire pour commencer Ă  parler de cette affiche. C’est venu tout seul il y a quelques minutes aprĂšs avoir relu mon texte Ă©crit rapidement il y a plusieurs semaines.

 

 

Cela fait plusieurs jours, que je vois l’affiche de ce film :

 

A voir absolument. Il est un peu plus de 8 heures ce matin. Je suis dans le bus 21 qui traĂźne du cĂŽtĂ© des Halles. Dans moins d’une heure trente, je vais interviewer Abdel Raouf Dafri pour son premier film en tant que rĂ©alisateur : Qu’un sang impur. ( Interview en apnĂ©e avec Abdel Raouf Dafri)

 

Mais parlons de ce film, Scandale, qu’il faut voir absolument tandis que je suis assis Ă  cĂŽtĂ© d’une femme sur une place prioritaire. Imitant en cela une autre femme sur ma gauche.

Quelques minutes plus tĂŽt, j’avais bien vu que la femme Ă  cĂŽtĂ© de qui je me suis dĂ©cidĂ© Ă  m’asseoir m’avait en quelque sorte fait une petite place. Mais j’avais rĂ©sistĂ©.

Je suis d’abord restĂ© debout comme un soldat avec mon sac.

 

Depuis des mois ou des annĂ©es, je me suis aperçu que, dĂ©sormais, dans les transports, j’ai tout un tas de scrupules Ă  m’asseoir Ă  cĂŽtĂ© d’une femme inconnue. Parce qu’en tant qu’homme, je suis suspect. Et si je suis embarrassĂ©, c’est Ă©videmment parce que j’ai des reproches Ă  me faire.

 

Assis Ă  cĂŽtĂ© de cette femme inconnue dans ce bus 21, je m’attends Ă  ce que la brigade des mƓurs monte bientĂŽt afin de venir me menotter. En attendant, je poursuis  mon parcours de dĂ©linquant sexuel potentiel et passif. Un de ces jours, on instaurera des transports en commun ou des quotas sĂ©parant les femmes des hommes. Et les contrĂŽles porteront aussi sur notre genre sexuel. Les transgenres deviendront alors encore plus les nouveaux Arabes et les nouveaux NĂšgres de la sociĂ©tĂ©. Pour celles et ceux qui ne m’ont jamais vu : J’informe que je suis noir de peau de naissance et le resterai jusqu’à ma mort sauf Ă©vĂ©nement imprĂ©vu et indĂ©pendant de ma volontĂ©.

 

 

Non, Madame ! Ce n’est pas de ma faute si le bus 21 s’arrĂȘte Ă  la station Palais Royal au lieu de St-Ouen ! MĂȘme si je l’apprends en mĂȘme temps que vous. Comme vient de vous le dire le chauffeur de bus, il fallait regarder l’affiche !

 

Mais c’est peut-ĂȘtre de ma faute si les trois actrices principales du film Scandale, qu’il faut absolument aller voir, sont, Ă  nouveau, trois blondes. MĂȘme si, vous, Madame, vous n’ĂȘtes pas du tout blonde. Pourtant, toutes les femmes sont blondes. Toutes les femmes hautement dĂ©sirables depuis au moins un demi-siĂšcle au cinĂ©ma sont automatiquement et majoritairement blondes. Et, ça, il faut le voir absolument. Bien-sĂ»r, il y a des exceptions, Madame.  Jennifer Connelly, prĂ©sente dans le film Alita, Battle Angel rĂ©alisĂ© par Robert Rodriguez qui m’a bien plu,  ressemble de plus en plus Ă  Demi Moore. Alden Ehrenreich- qui est un homme- rappelle James Dean.

Dans le milieu du cinĂ©ma, on est trĂšs loin d’ĂȘtre conservateur. On est vraiment dans le renouvellement et dans l’évolution des modĂšles et des visages.

 

Je dois voir ce film. C’est bon pour ma rĂ©Ă©ducation et ma conscientisation.

 

J’irai aussi le voir parce qu’avant l’affaire Weinstein – j’ai malheureusement ratĂ© le documentaire qui lui a Ă©tĂ© consacrĂ©. Mais c’est sĂ»rement du fait de ma complicitĂ© inconsciente avec lui mĂȘme si le documentaire est restĂ© peu de temps dans quelques salles – avant l’affaire DSK et d’autres affaires de viol et de harcĂšlement, j’aimais dĂ©jĂ  le jeu d’actrices de Nicole Kidman et de Charlize Theron. Mais ça, j’aurais dĂ» absolument le passer sous silence. Puisque je suis un homme, je suis sĂ»rement allĂ© voir ces femmes au cinĂ©ma pour des motifs dĂ©pravĂ©s.

 

PS : c’est comme avec cette stagiaire Ă  qui j’ai fait la bise ce matin. Finalement, elle ne m’avait rien demandĂ©. J’y repense seulement maintenant. Elle ne m’avait pas demandĂ© de l’inclure dans cette ronde des bises matinales. Elle et moi, nous n’avons pas gardĂ© les cochons ensemble. Et mĂȘme si nous l’avions fait, un de ces jours, elle pourra me reprocher de l’avoir forcĂ©e, moi qui pourrais ĂȘtre son pĂšre, et qui Ă©tais en situation de supĂ©rioritĂ© de par mon grade et ma fonction. J’aurais dĂ» lui demander la permission. Et non pas la mettre devant le fait accompli en prĂ©sence de tout le monde (une grande majoritĂ© de collĂšgues femmes).

 

Il va falloir que je me reprenne. Et que je sache me tenir. Comme avant, lorsque j’étais puceau, que j’écrivais des poĂšmes Ă  une jeune de mon Ăąge pour lui dĂ©clarer mes sentiments et que, le plus souvent, je me prenais des rĂąteaux.  J’aurais dĂ» Ă©crire un poĂšme Ă  cette Ă©tudiante afin de lui demander si je pouvais lui faire la bise. Ou Ă©tablir une demande en bonne et due forme. Faire parvenir cette demande Ă  la responsable de son centre de formation voire peut-ĂȘtre Ă  ses parents voire Ă  sa compagne ou Ă  son compagnon – que je ne connais pas- mĂȘme si elle Ă©tait majeure.

 

Mais je raconte n’importe quoi. Je fais du mauvais humour pour masquer le fait que, lĂ , je me suis mis dans une trĂšs trĂšs mauvaise situation. En plus, je suis mariĂ© et j’ai une fille. Non seulement je donne un trĂšs mauvais exemple. Et, en plus, je banalise le viol et toutes les offenses faites aux femmes par les hommes depuis des millĂ©naires. Le scandale. C’est une attitude complĂštement irresponsable. MĂ©prisable. IndĂ©fendable. Et ça a l’air de beaucoup m’amuser, en plus.

 

Ça commence par une bise pour dire bonjour Ă  une stagiaire prĂ©sente dans le service depuis plusieurs semaines. Et, ensuite, on sait tous que ça se transforme en autre chose de beaucoup plus grave. Oui, mais maintenant que j’ai commencĂ©, si j’arrĂȘte de lui faire la bise alors que je vais continuer d’embrasser mes collĂšgues femmes – que j’ai vues lui faire la bise- pour les saluer, que va t elle penser ? Que je suis bizarre ? Et si je la regarde plus de cinq secondes ?

 

Lorsque je passe devant l’affiche, je le vois bien, que sans rien dire, avant mĂȘme d’aller  voir le film,  que Nicole Kidman, Charlize Theron et Margot Robbie me jugent dĂ©ja. C’est la norme.

 

Franck Unimon, ce lundi 24 février 2020.

 

 

 

 

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Tu mourras Ă  20 ans

 

 

                                                Tu mourras Ă  20 ans

Ce film, rĂ©alisĂ© par le Soudanais Amjad Abu Alala, est inspirĂ© d’une nouvelle de l’auteur soudanais Hammour Ziada. Lequel vit aujourd’hui en Egypte aprĂšs avoir Ă©tĂ© banni de son pays. Le tournage s’est effectuĂ© au Soudan dans le village du pĂšre du rĂ©alisateur, Amjad Abu Alala. A l’origine, l’histoire se dĂ©roulait en Egypte si j’ai bien compris.

 

Tu mourras Ă  20 ans est la 8Ăšme rĂ©alisation  du Soudan dans l’Histoire du cinĂ©ma.  Il s’agit d’une coproduction internationale ( Soudan, France, Egypte, NorvĂšge, Allemagne, Qatar).

 

Paris compte 87 ou 88 cinĂ©mas selon les sources ( Les Echos, Le Figaro
) pour un peu plus de 400 salles. 38 de ces cinĂ©mas parisiens sont des cinĂ©mas d’art & d’essai qui essaient de rĂ©sister aux multiplexes. Parmi ces cinĂ©mas d’art & d’essai, on trouve le cinĂ©ma des Ursulines qui est aussi le plus ancien des cinĂ©mas parisiens en activitĂ© ( crĂ©Ă© en 1926).

 

Un parisien va en moyenne 11 Ă  12 fois  par an au cinĂ©ma soit trois Ă  quatre fois plus qu’en province. A Paris, chaque semaine, 500 films sont Ă  l’affiche. Dans ces conditions, il est selon moi nĂ©cessaire, quand j’arrive Ă  m’extraire de l’attraction des multiplexes, d’aller voir en prioritĂ© des films comme Tu mourras Ă  20 ans qui est sorti dans seulement trois cinĂ©mas Ă  Paris ce 12 fĂ©vrier 2020. Il est encore possible d’aller le voir dans ces mĂȘmes cinĂ©mas ainsi que dans un cinĂ©ma Ă  CrĂ©teil et Ă  Montreuil. A ce que je viens de voir, ce film avait Ă©tĂ© projetĂ© ce 5 fĂ©vrier 2020 Ă  l’Institut du Monde Arabe.

 

Quelques cinémas projettent également Tu mourras à 20 ans en province. A Rennes, par exemple.

 

Muzamil ( une fois adulte, l’acteur Mustafa Shehata) nait dans la province d’Aljazira, au Soudan, entre le Nil blanc et le Nil Bleu avant que les deux branches du fleuve, en se rejoignant, forgent le Nil qui part ensuite vers l’Egypte.

On peut donc dĂ©jĂ  dire que, sans forcĂ©ment le savoir, Muzamil naĂźt entre le jour et la nuit ou entre la vie et la mort. Car lorsque sa mĂšre Sakina ( l’actrice Islam Mubarak), accompagnĂ©e de son pĂšre, fait le trajet pour le faire baptiser selon un rituel soufi, l’un des derviches tombe , alors que la bĂ©nĂ©diction est en cours, et prononce  la « condamnation Â» :

 

Muzamil est destinĂ© Ă  mourir Ă  20 ans et ce que Dieu a scellĂ©, personne ne peut le dĂ©faire. Muzamil est le seul enfant du couple. Et les deux parents ne sont pas si jeunes que ça. Sakina a bien une bonne trentaine d’annĂ©es. Peut-ĂȘtre doit-on comprendre qu’il leur a Ă©tĂ© difficile de concevoir cet enfant. Et qu’il leur est peut-ĂȘtre impossible d’en avoir un autre.

 

La dĂ©claration provoque la sĂ©paration des deux parents de Muzamil, encore bĂ©bĂ©. Le pĂšre, contrairement Ă  Sakina, ne se sent pas les Ă©paules pour rester et opte pour partir travailler au loin. Et, pendant des annĂ©es, il adressera rĂ©guliĂšrement de l’argent et des courriers Ă  Sakina.

Muzamil, lui, grandit Ă  l’écart des autres. Sakina doit donc faire avec deux bannis : le pĂšre et le fils. L’un, par honte et impuissance. L’autre, par innocence.

On est trĂšs vite tentĂ© de faire des analogies avec le film Va, vis et deviens rĂ©alisĂ© par Radu Mihaileanu en 2005. Que cette comparaison plaise ou non ( puisque dans Va, vis et deviens, l’histoire se dĂ©roule en IsraĂ«l ), dans Tu Mourras Ă  20 ans, on est Ă  la fois dans le SacrĂ© et dans la mythologie. Et aussi dans le conte et dans le blues. Dans des mythes fondateurs tant africains qu’europĂ©ens.

 

Le SacrĂ© : Il n’ est pas encore fait  allusion dans cet article Ă  l’église du SacrĂ©-CƓur, situĂ©e dans le 18Ăšmearrondissement de Paris.

Par contre, Ă  parler de l’Egypte et du Nil, il est difficile d’éviter certaines rĂ©fĂ©rences au SacrĂ©. Que l’on parle de l’Egypte du temps des Pharaons et, dĂ©jĂ , de la fuite des Juifs ou de toute histoire que chacune et chacun raccordera Ă  ce qui a pu lui ĂȘtre transmis dans son hĂ©ritage familial Ă  propos de l’Egypte et du Nil.

 

Et puis, ce fils qui est sacrifié par la volonté de Dieu, cela rappelle une autre Histoire.

 

La mythologie :  On retrouve au moins la silhouette d’Ulysse dans Tu mourras Ă  20 ans.

 

L’acteur Gary Cadenat ( JosĂ©) face Ă  l’acteur Douta Seck ( Medouze) dans le film ” Rue Cases NĂšgres”.

 

Le conte : En regardant Tu Mourras Ă  20 ans, j’ai trĂšs vite pensĂ© Ă  un conte originaire de la Louisiane oĂč il est question de l’esclavage, d’un petit garçon, Boy, Ă  qui le vieil esclave Jason ( un autre prĂ©nom bien connotĂ© question sacrĂ© et mythologie), le soir, apprend Ă  jouer de l’harmonica et lui conseille d’aller vers le Nord, en suivant la voie ferrĂ©e, afin de devenir libre. Le vieux Jason est bien l’équivalent du vieux Medouze du film Rue Cases NĂšgres rĂ©alisĂ© en 1983 par Euzhan Palcy d’aprĂšs le roman du Martiniquais Joseph Zobel. Et le personnage de Sulaiman ( Mahmoud Elsaraj) dans Tu mourras Ă  20 ans est bien leur alter-ego ainsi que,  sans discussion possible, la figure du Bluesman. Soit l’homme qui voyage ou qui a voyagĂ©, qui a endurĂ© et vĂ©cu y compris de façon hors-la-loi selon la morale.

 

 

Muzamil, sa mĂšre Sakina et son pĂšre vivent scrupuleusement selon la Loi et lorsque l’on voit le rĂ©sultat, on se demande quel crime horrible ils ont pu faire pour avoir ces vies de plaie. Mais si l’on regarde en Europe, avec un film comme Raining Stones ( 1993), un cinĂ©aste comme Ken Loach a aussi pu parler de cette souffrance infligĂ©e injustement au nom de la religion.

 

L’actrice Emily Watson dans ” Breaking the waves”.

On retrouve cette mĂȘme souffrance dans Breaking the Waves ( 1996) de Lars Von Trier.  

 

 

 

 

Et si l’on insiste et que l’on tient vraiment Ă  parler de fondamentalisme religieux parce-que l’on trouve ces films encore trop lĂ©gers et trop sautillants, on peut se mater le documentaire Jesus camp, rĂ©alisĂ© en 2006 par Heidi Ewing et Rachel Grady. Ça se passe au Dakota du Nord et dans le Missouri, dans les Etats-Unis du 21Ăšme siĂšcle, PremiĂšre Puissance Mondiale, dont une bonne partie des immigrĂ©s de l’époque de la « colonisation Â» venait d’Europe.

 

Le Blues :  que l’on parle du Nil ou du Delta du Mississipi, on entre dans la poussiĂšre du Blues. Le dĂ©funt musicien malien, Ali Farka TourĂ©, n’est pas loin, et avec lui se trouvent celles et ceux qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ© et celles et ceux qui l’ont suivi. Dans les environs du Rap et de tant d’autres genres musicaux.  Trop de voix et de notes pour les faire porter par des mots.  Parce-que le Blues, c’est franchir des frontiĂšres, aller au devant d’un voisinage, d’un langage et d’un espoir, les raconter et les rĂ©inventer, plutĂŽt que de continuer de faire tapisserie et de toujours- devoir- subir et accepter les rĂšgles des impasses jusqu’à la derniĂšre d’entre elles, celle oĂč tout se joue. Celle qui peut tout voir et tout entendre.    

 

Pour ces quelques horizons, Tu mourras Ă  20 ans vaut plus que le coup d’Ɠil. Ensuite, tout est question d’interprĂ©tation. On peut, comme certains des personnages dans le film, s’anesthĂ©sier avec des rĂ©citations que l’on rĂ©pĂšte ad libitum sans bien les comprendre. Que l’on parle de religion ou de toute sorte d’enseignement, de mode de vie, et de protocole Ă  l’école, dans la vie ou au travail.

 

Ou on peut se dire qu’à 20 ans, et aprĂšs 20 ans d’interdits et d’épreuves, Muzamil va peut-ĂȘtre abandonner celui qu’il a Ă©tĂ© et devenir un autre. Comme le fleuve qui va se jeter dans la mer.  Comme Boy, l’enfant esclave, qui, dans le conte, alors que le contremaitre l’emmĂšne pour le vendre, dĂ©cide subitement de s’enfuir. Comme le bluesman Robert Johnson qui passait de train en train sans doute pour Ă©chapper au train-train quotidien. Comme le Bluesman John Lee Hooker, qui, dans son adolescence, a commencĂ© Ă  fuguer pour se diriger vers le Nord.

Comme toute personne qui, lorsqu’elle aspire Ă  grandir, un jour, se dĂ©cide Ă  quitter sa routine quitte Ă  revenir sur ses traces plusieurs annĂ©es plus tard.

Comme les migrants de toutes sortes qui quittent leur pays, leur rĂ©gion, voire, pour certains, leurs familles,  leur langue, leur religion, leur profession,  pour des raisons climatiques, Ă©conomiques, militaires ou diffĂ©rentes mais toujours pour des raisons de vie ou de mort. Que l’on s’en souvienne ou non.

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 21 février 2020.

 

 

 

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Brooklyn Secret

 

 

 

Lorsque l’on arrĂȘte de courir aprĂšs son passĂ©, on tombe sur un regard. Ce regard est notre secret. 

 

S’il faut souvent donner de soi pour se faire aimer, la gĂ©nĂ©rositĂ© dans Brooklyn Secret est un des meilleurs moyens pour se faire trahir ou rejeter. Brooklyn Secret parle d’abord de la vie, aujourd’hui, aux Etats-Unis et de sa politique anti-immigration telle qu’elle continue d’ĂȘtre appliquĂ©e par le PrĂ©sident Donald Trump.

 

 Alex (l’acteur Eamon Farren), la trentaine, dĂ©barque ou revient Ă  Brooklyn depuis l’Ohio  (759 kilomĂštres). Il vient habiter chez sa grand-mĂšre russe ashkĂ©naze, Olga (l’actrice, Lynn Cohen).

Alex est un Ă©lan des cƓurs et aussi un jeune homme sans carriĂšre. La dope et  l’alcool ont jusqu’alors Ă©tĂ© ses accessoires principaux. Ses conquĂȘtes fĂ©minines ont Ă©tĂ© ses plus grands succĂšs.  

 

Alex veut repartir du bon pied. Aux Etats-Unis, pays des Libertés, tout est possible pour celle ou celui qui est volontaire et travailleur.

Un de ses oncles, pour rendre service Ă  sa mĂšre, lui offre de travailler dans sa boucherie. Un emploi exigeant et dangereux : C’est un mĂ©tier physique oĂč on ne compte pas les heures. Un crochet de boucherie pĂšse 30 kilos et peut casser un pied.

 

Alex accepte aussi d’assister sa grand-mĂšre Olga en complĂ©ment d’Olivia (l’actrice, scĂ©nariste, monteuse et rĂ©alisatrice, Isabel Sandoval). Alex n’a jamais Ă©tĂ© aide-soignant ou aidant pour qui que ce soit. Il s’agit donc d’une premiĂšre pour lui Ă©galement de ce cĂŽtĂ©-lĂ .

Autant Alex est assez friable et immature, autant Olivia est plus ùgée et plus stable.

L’actrice, scĂ©nariste, monteuse et rĂ©alisatrice, Isabel Sandoval.

 

 

 

Olivia est originaire des Philippines. (Philippines/ Brooklyn : 13831, 50 kilomĂštres). C’est elle qui, au dĂ©but du film, rassure Olga dans une scĂšne assez drĂŽle en lui disant qu’elle est bien chez elle. En lieu sĂ»r. La gĂ©nĂ©rositĂ© est aussi un des traits d’Olivia.

Mais les Etats-Unis  est ici  le pays oĂč l’on fait passer l’Administration, le Dollar,  la roulette russe et la boucherie avant la gĂ©nĂ©rositĂ©.

Et mĂȘme si la rĂ©alisatrice Isabelle Sandoval n’en parle pas directement dans son film, les Etats-Unis est aussi le pays des armes : Le plus grand budget militaire du monde avec 685 milliards de dollars loin devant la Chine “du” Coronarovirus avec 181 milliards (Source : Le Canard EnchaĂźnĂ© numĂ©ro 5180 de ce mercredi 19 fĂ©vrier). Les armes aussi passent avant la gĂ©nĂ©rositĂ©.

 

Actress Isabel Sandoval with Actor Eamon Farren.

Aussi, lorsqu’Olivia et Alex s’envoient sur la Lune (distance entre la Terre et la Lune : entre 350 000 et 405 000 kilomĂštres), on pourrait donc d’abord se dire que leur vie va  dĂ©coller. Mais Brooklyn Secret, comme tout secret, est double et parfois triple.  

La solitude est le passeport de tous dans ce film. Car il est impossible d’ĂȘtre vĂ©ritablement chez soi lorsque l’on est seul et sans protection. Olga ne sort pas de chez elle. Alex, Ă  l’extĂ©rieur, est un  sans-abri devant une mauvaise expĂ©rience ou une mauvaise conduite. Et, Olivia, lorsqu’elle est dehors, est en sursis comme une patiente condamnĂ©e. On dĂ©couvre d’ailleurs pendant son histoire « d’amour Â» avec Alex comme elle vit Ă  l’étouffĂ©e. PlutĂŽt que de la fortifier, cette histoire la fragmente entre son passĂ© d’homme et sa prĂ©sence de femme. L’orgasme qui la fait renaĂźtre et reprendre souffle aurait dĂ» ĂȘtre une victoire. Mais il est aussi ce qui la diminue dans un corps d’immigrĂ©e que l’on peut sacrifier. Alors qu’elle est Ă  la merci d’Alex, organiquement et administrativement, celui-ci reste conditionnĂ© par ses rĂ©flexes d’avant : ceux d’un joueur et d’un sĂ©ducteur qui ne sait pas s’arrĂȘter. Ceux d’un enfant provisoirement dominant qui croit pouvoir tout contrĂŽler, tout se permettre et tout rĂ©parer de façon magique. Ce n’est pas un mĂ©chant garçon. Mais la mĂšche du temps qui guide Olivia a dĂ©jĂ  opĂ©rĂ© sa transition. Et Alex n’est pas le sauveur espĂ©rĂ©.

 

J’ai beaucoup moins aimĂ© le personnage d’Olivia, alors qu’il « flotte Â», et s’en remet Ă  Alex.  Mais on comprend assez facilement qu’elle tente sa chance avec lui.  D’autant que l’église oĂč elle se retrouve parfois avec sa sƓur Trixia est une braise vide.

 

Peut-ĂȘtre aussi que, tout comme le personnage d’Alex, je suis Ă©galement incapable de transformer ma pensĂ©e concernant le sujet et la question du genre.

 

Le sujet et la question du genre (puisqu’Isabel Sandoval s’appelait Vincent auparavant) hormis lors de quelques allusions, arrive au premier plan surtout Ă  partir de l’histoire d’amour avec Alex. Avant cela, pour moi, Olivia Ă©tait une femme et point final.  Et il est Ă©tonnant de voir comme,  selon l’angle de la camĂ©ra et aussi selon les Ă©motions d’Olivia, lorsque l’étau se resserre concernant sa situation d’immigrĂ©e clandestine qui peut, Ă  tout moment, se faire expulser, celle-ci peut avoir un visage plus masculin.  

Du fait de l’évocation des Philippines, Brooklyn Secret peut rappeler les films de Brillante de Mendoza. Mais il m’a d’abord rappelĂ© Maria, pleine de grĂące avant de me faire penser Ă  Port Authority .

 

 

 

Brooklyn Secret sortira dans les salles le 18 Mars 2020

 

Franck Unimon

 

 

 

 

 

 

 

Catégories
Cinéma Ecologie

SystĂšme K

Photos pour cet article issues du site Allociné.

     

                                             

Produits de l’énergie du KO, ils sont les diadĂšmes Ă©loignĂ©s de nos rĂȘves bĂȘta-bloquĂ©s. Celles et ceux qui sont lĂ  mais que l’on ne voit pas. MĂȘme s’ils Ă©taient Ă  notre portĂ©e, cela ne changerait pas :

Le regard de l’occident est toujours cet oxydant rayant de la carte leurs matiĂšres premiĂšres et leur laissant pour sacs Ă  main des freins aux Ă©clats toxiques. Et nous rĂ©pĂ©tons cet accident car nous sommes cet occident.   

 

Plusieurs annĂ©es aprĂšs Staff Benda Bilili (Au delĂ  des apparences) qui avait rĂ©pandu de la vibration ondulante sur le festival de Cannes avec ses musiciens en chaise ambulante, Renaud Barret revient une nouvelle fois. On pouvait reprocher Ă  l’entraĂźnant Staff Benda Bilili qu’il avait corĂ©alisĂ© avec Florent de la Tullaye – que l’on retrouve dans le gĂ©nĂ©rique de son SystĂšme K –  de nous montrer «  en corps Â» des noirs musiciens au rythme et au membre plus roulants que la misĂšre,  le dĂ©sespoir et la violence.  Kate Moss s’en souvient peut-ĂȘtre. Il y manquait Ă  peine Franck Vincent pour que la fĂȘte soit complĂšte. Si on ne peut pas un peut s’amuser de temps en temps
.

 

Pour sĂ»r, Staff Benda Bilili Ă©tait bien plus qu’une animation en caisson hyperbare rĂ©alisĂ©e pour le Club Med. Mais avec  SystĂšme K, oĂč l’on aperçoit Kinshasa entre les barres, Renaud Barret signe un documentaire sincĂšre et attachant. Nous ne sommes plus sur les Champs ElysĂ©es Ă  la sortie d’un flacon d’eau de toilette luxueuse. Nous ne sommes plus en train de pleurer une Star du Basket disparue dans un accident d’hĂ©licoptĂšre, ou occupĂ©s Ă  frissonner d’avance devant le grand dĂ©barquement prĂ©sumĂ© du coronavirus chinois qui viendra bientĂŽt nous anĂ©antir et nous diviser pour avoir espĂ©rer destituer le PrĂ©sident AmĂ©ricain Donald Trump qui a pu rĂ©cupĂ©rer son double permis Ă  tweet illimitĂ©.  Au lieu de choisir la marque Apple plutĂŽt que Huawei.

 

Dans SystĂšme K, Nous sommes souvent dans la rue, entre le camion Iveco, le taxi moto sur lequel on monte Ă  trois,  la vente d’une reproduction de la Joconde, de sacs en plastique remplis d’eau, dans le pays des quatre barrages oĂč une grande partie de la population vit sans eau courante (100 francs le bidon d’eau) et sans Ă©lectricitĂ©.

 

Censure, rĂ©pression, superstitions et vĂ©nalitĂ© de l’église et de l’Etat sont  un programme permanent ainsi qu’une seule certitude : L’instant prĂ©sent.

 

En face, Renaud Barret choisit de nous montrer la vitalitĂ© des performances de certains artistes, quelques moments de leur conscience et certaines de leurs rencontres avec la population qui les environne. «  Des artistes, ici Ă  Kin ? Â» demande un homme.

 

On y croise d’abord Freddy Tsimba qui explique plus tard avoir eu la chance de percer «  le mur invisible Â» qui sĂ©pare l’artiste solitaire et pauvre de celui qui est reconnu internationalement et estime avoir la responsabilitĂ© de laisser la porte ouverte derriĂšre lui.

On y voit GĂ©raldine qui accepte de respirer des «  fumĂ©es toxiques Â» lorsqu’elle crĂ©e et qui a compris qu’elle Ă©tait « liĂ©e Ă  la fumĂ©e Â».

BĂ©ni, orphelin de pĂšre belge et de mĂšre congolaise quand il avait six ans, aimerait quitter ce pays de « merde Â» ( la RDC ) mais explique que les Belges et lui, «  On ne se comprend pas Â» et, aussi, qu’il s’est « synchronisĂ© avec le plastique Â». Suivent d’autres performances et d’autres artistes.

Devant SystĂšme K, on ne sait pas si l’on est devant notre futur ou devant le passĂ©. Mais ce qui est sĂ»r, c’est que ce systĂšme est dĂ©jĂ  le prĂ©sent de certaines et certains d’entre nous.

 

Je me demande ce qu’en a pensĂ© la trĂšs bonne revue AwotĂ©lĂ© consacrĂ©e aux cinĂ©mas d’Afrique.

Franck Unimon, ce jeudi 13 février 2020.