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Nouvelle épreuve olympique

 

 

 

 

 

                                                    Nouvelle Ă©preuve olympique

 

 

On devrait inscrire le dĂ©ni au tableau des Ă©preuves olympiques. On assisterait Ă  des  performances Ă©blouissantes. Tous les jours, des records mondiaux seraient battus. Et tout cela sans le moindre microgramme de dopage. Enfants, adolescents, femmes, hommes. Beaucoup d’entre eux ridiculiseraient par leur très haut niveau de compĂ©tence nos champions habituels.

 

Cette nuit, j’ai essayĂ© de dĂ©montrer Ă  une de mes collègues comment, en tant qu’infirmiers, nous sommes arrimĂ©s Ă  notre planning. Tout est parti d’une discussion Ă  propos de la gentillesse. Lorsque l’on est trop gentil, on se fait marcher dessus. C’est ce que j’ai affirmĂ© Ă  nouveau devant elle. Elle s’est presque mise en colère :

 

Les gens trop gentils, ça n’existe pas ! Pour elle, on parlait plutĂ´t de personnes « faibles Â» lorsque l’on parle de personnes qui se font marcher dessus !  

 

J’en suis arrivé à parler de cette violence qui peut nous être infligée à travers le planning.

 

On parle souvent de la pĂ©nibilitĂ© du travail infirmier. Sa charge Ă©motionnelle. Ses responsabilitĂ©s. Ses horaires en dents de scie et possibles tous les jours de l’annĂ©e. Sa dĂ©valuation constante, annĂ©e après annĂ©e. Ce nombre de jours de congĂ©s qui nous ont Ă©tĂ© supprimĂ©s. Ces primes de service bradĂ©es. Cette exigence de flexibilitĂ© («  Vous ĂŞtes titulaire mais pas titulaire de votre poste dans un service Â»). Ses effectifs diminuĂ©s. Cette carrière rallongĂ©e de plusieurs annĂ©es pour un mĂ©tier dĂ©sormais dĂ©fini comme « sĂ©dentaire Â». « SĂ©dentaire Â» comme pĂ©père. Des pĂ©pères qui, s’ils ont atteint leur nombre maximal de trimestres, pourront s’orienter vers une retraite Ă  taux plein Ă  peu près lorsqu’ils auront 64 ou 65 ans, on verra bien d’ici lĂ . OĂą on en sera du cĂ´tĂ© des assurances privĂ©es.

 

Dans cet organigramme des tours de vis que subit la profession infirmière- comme dans d’autres professions- presque de façon programmĂ©e, le planning occupe une place particulière dans nos cĹ“urs et dans nos artères. Car il est notre horoscope intime. TantĂ´t abĂ®me, tantĂ´t dĂ©livrance, c’est avec le stĂ©thoscope fĂ©brile et concentrĂ© que, souvent, on se penche au dessus de lui pour l’ausculter afin de savoir si notre avenir continue de luire entre les Ă©toiles oĂą s’il est devenu posthume. Pourrons-nous avoir la vie que nous souhaitons avoir en dehors de nos heures de travail ou serons-nous Ă  nouveau contraints Ă  faire plus d’efforts ? Pour « nĂ©cessitĂ©s de service Â». Pour les patients. Par solidaritĂ©. Par conscience professionnelle. Pour l’éthique.

 

Comme beaucoup, je connais tout cela. Ainsi que les arrangements de planning entre collègues. Je connais aussi les hiĂ©rarchies compĂ©tentes, engagĂ©es et comprĂ©hensives. NĂ©anmoins, Ă  moins de passer toute sa vie professionnelle dans un bunker, toute infirmière et tout infirmier connaĂ®tra le supplice du planning. Le tour de piste des collègues, malades, non remplacĂ©s, de mauvaise foi ou rĂ©calcitrants Ă  remplacer. Les hiĂ©rarchies qui vous placeront une kimura entre votre dimanche et votre lundi ; qui rĂ©interprèteront votre planning- votre horoscope- autrement ou vous contacteront durant vos vacances.  

Si vous avez  encore un petit peu de chance et de l’argumentation, cela sera fait avec correction et vous trouverez des arrangements. Autrement, il vous faudra composer. N’oubliez pas en outre, qu’aujourd’hui, et c’est une règle pour l’instant implicite mais dĂ©jĂ  active, avec le tĂ©lĂ©phone portable et la boite mail, tout le monde est supposĂ© pouvoir ĂŞtre joint pratiquement vingt quatre heures sur vingt quatre.

 

On supporte et on accepte mieux certaines conditions de travail et sa communication selon ce que l’on a besoin de prouver ou de sauver.  Selon ce que l’on a besoin d’apprendre. Selon son âge et sa situation personnelle, aussi.

 

Comme la majoritĂ©, j’ai participĂ© et continue de participer Ă  l’effort de guerre. Je l’ai fait et le fais encore volontairement. Mais on peut très bien consentir Ă  certains efforts ou sacrifices et palper encore un peu de luciditĂ© :

 

Si  dans le service, quelqu’un manque Ă  l’appel et Ă  l’appui sur la chaine de montage du soin, tout le reste s’effondre nous fait-on comprendre. MĂŞme si on sait aussi, au besoin, laisser filtrer dans notre cervelle que toute infirmière ou infirmier est interchangeable.

 

 

J’ai essayĂ© de faire comprendre Ă  ma collègue que dans la SantĂ©, d’autres professions collègues sont plus libres que nous par rapport au planning. Rien Ă  faire. A quelques voix de la retraite, celle-ci a considĂ©rĂ© qu’il Ă©tait beaucoup trop facile de s’en prendre aux hiĂ©rarchies ! Qu’elle avait toujours travaillĂ© en toute solidaritĂ© avec ses collègues ! J’ai louĂ© et je loue ça. Pourtant, Ă  part ça, le planning de l’infirmière et de l’infirmier est tout de mĂŞme bien des fois un crucifix, non ? HĂ© bien, pour elle, non ! Nous nous sommes presque fâchĂ©s.  J’ai fini par lui dire :

 

«  Tant mieux pour toi ! Â». «  Tu as de la chance ! Â».

 

 

Avant de quitter notre service, un message vocal de ma compagne. Notre fille ayant encore fait de la fièvre cette nuit (otite ? Angine ? ), elle me demandait si je pouvais rentrer plus tĂ´t afin qu’elle puisse partir au travail. Autrement, il allait manquer du personnel dans le service ce matin (oui, ma compagne est aussi infirmière). Dans son message, ma compagne se proposait de rentrer en dĂ©but d’après-midi afin d’emmener notre fille chez le mĂ©decin. Je l’ai appelĂ©e. Je n’avais pas vu tous les messages. Entretemps, elle avait dĂ©cidĂ© de prendre une journĂ©e « enfant malade Â». 

 

 

Après ça, je suis parti Ă  la pharmacie. Afin de me faire rembourser les masques FFP2 dont j’ai parlĂ© dans Coronavirus. D’un commun accord, ma compagne et moi avons optĂ© pour nous procurer des masques Ă  un tarif plus frĂ©quentable. Elle savait comment. Un des articles de Le Canard EnchaĂ®nĂ©  de ce mercredi 26 fĂ©vrier 2020 (Coronavirus : les prix des masques s’envolent en France  puis Le ( corona) virus du commerce ! ) m’a depuis malheureusement confortĂ© dans ce que j’avais compris :

 

 

«  (….) Car, dans les hĂ´pitaux, les factures grimpent dĂ©jĂ  Ă  une vitesse vertigineuse. Exemple : entre le 20 janvier et le 4 fĂ©vrier, le tarif facturĂ© par un distributeur français, Paredes, a quasi triplĂ© Â».

 

« (….) Sur internet, des petits malins ont aussi flairĂ© l’épidĂ©mie des bonnes affaires. Le dimanche 23 fĂ©vrier, un lot de 20 masques FFP2 Ă©tait en vente sur le site eBay au prix de 16 euros. Le lendemain matin, alors que l’Italie avait franchi un nouveau cap, le mĂŞme lot Ă©tait affichĂ© à….32 euros ! Â».

 

Mais avant cela, toujours dans le mĂŞme article signĂ© J.C, page 3, ce passage :

 

« Le Ministère de la SantĂ© a fait ses calculs : pour Ă©quiper les soignants, les flics et les pompiers face Ă  l’épidĂ©mie de coronavirus, «  il faudra 200 millions de masques FFP2 sur les trois prochains mois Â» confie une huile du ministère. Ces masques qui empĂŞchent d’être contaminĂ© ont une « durĂ©e de vie Â» de trois heures seulement…. Â».

 

 

Une « durĂ©e de vie de trois heures seulement Â». Le pharmacien m’avait dit « huit heures Â». Je me suis vraiment fait couillonner il y a un ou deux jours avec l’achat de ces masques. Ce qui s’est vĂ©rifiĂ© sur place en retournant Ă  la pharmacie :

 

Impossible de les restituer pour des « conditions d’étanchĂ©itĂ© Â». Impossible d’obtenir un bon d’achat en contrepartie. C’est comme pour les mĂ©dicaments m’a-t’on expliquĂ© de façon aimable et intraitable : une fois vendus, on ne les reprend pas.   

 

J’ai donc payé à nouveau de ma poche pour les autres articles que j’avais prévus d’acheter en revenant dans cette pharmacie. Je vois ces trois masques que j’ai donc gardés comme des préservatifs un peu chers. Ce sont peut-être eux qui nous sauveront la vie puisqu’une seule fois suffit. Et cela me permettra peut-être un jour de lire El Watan.

 

 

J’avais quitté la pharmacie depuis plusieurs minutes et me dirigeais vers la ligne 14 lorsque j’ai croisé un homme et peut-être son fils, adolescent. Ils portaient tous les deux un masque et, la nouveauté, c’est qu’il s’agissait là de deux européens. Je me suis dit que ça commençait. Bientôt, on va voir de plus en plus de personnes portant un masque FFP2 au moins dans les rues de Paris ou dans dans ses transports en commun.

 

 

Mais cet article n’est pas encore terminé.

 

 

Je me suis enfournĂ© dans le mĂ©tro de la ligne 14. Un homme d’une trentaine d’annĂ©es m’a accueilli presque bras ouverts. Le mĂ©tro Ă©tait bondĂ©. Normal aux heures de pointe. Ce qui a Ă©tĂ© inhabituel, cela a Ă©tĂ© les traits d’humour de cet homme qui s’est mis Ă  me parler. Des autres passagers plutĂ´t maussades. Du fait de partir au travail. Je lui ai dit que je venais de terminer. Son visage s’est Ă©clairĂ©. Le travail de nuit, c’est bien, m’a-t’il dit. MĂŞme si ce n’est pas très bon pour l’organisme a-t’il continuĂ©. J’ai acquiescĂ© et ajoutĂ© sans dĂ©velopper :

 

«  Pour la vie sociale, aussi Â». Il a haussĂ© un peu les Ă©paules. La vie sociale, ce n’était pas important. Il a Ă©voquĂ© son projet d’obtenir de faire du tĂ©lĂ©travail trois jours par semaine. Il m’a assurĂ© que si ses employeurs refusaient qu’il partirait. Il a ajoutĂ© :

 

«  De toute façon, je n’ai formĂ© personne. Ils ont besoin de moi Â».

 

A le voir habillĂ© en Jeans, basket, portant la veste, dĂ©contractĂ© et me parlant tĂ©lĂ©travail comme si son absence dans son service n’aurait aucune incidence, je me suis dit qu’il devait ĂŞtre informaticien. Ce que je lui ai demandĂ©. Celui-ci m’a rĂ©pondu :

 

« Dans l’informatique et la finance Â». Et sans que je lui en demande davantage, voilĂ  qu’il a commencĂ© Ă  me dire que, «  dans la finance Â», on Ă©tait crĂ©atif pour utiliser des « produits toxiques Â» de façon illĂ©gale. Ou en jouant avec la loi. Bien-sĂ»r, en entendant ça il me restait un fond de JĂ©rome Kerviel dans la tĂŞte.  Mais il m’a fallu rechercher son prĂ©nom et son nom sur le net pour la rĂ©daction de cet article. Car je les avais plus ou moins oubliĂ©s : JĂ©rome Kerviel Ă©tait un trader de 31 ans en 2008 lors de « l’affaire Â» de la SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale. A cette Ă©poque, je ne connaissais mĂŞme pas ma compagne et je travaillais ailleurs. On ne parlait pas de rĂ©forme de retraite. Il n y avait pas de gilets jaunes. Pas de coronavirus.

 

 

Avant que les portes du mĂ©tro de la ligne 14 ne s’ouvrent Ă  St Lazare, j’ai informĂ© mon interlocuteur que j’allais me dĂ©pĂŞcher. Il m’a souhaitĂ© une bonne journĂ©e. J’aurais pu rester discuter avec lui. Mais je n’aime pas piĂ©tiner dans la foule dans les escalators, dans les escaliers et dans les transports en commun. Je ne voulais pas non plus que notre conversation dure trop longtemps. Mais je crois qu’il Ă©tait bien dans l’informatique et dans la finance. Contrairement au livreur maussade qui est venu tout Ă  l’heure alors que j’étais encore dans cet article. La dernière fois, ce livreur m’avait obligĂ© Ă  venir chercher notre commande dans la rue affirmant :

 

«  On n’a pas le droit de monter. C’est interdit Â».

 

Aujourd’hui, il a dĂ» monter. Avec une certaine colère en sourdine, devant moi,  le livreur m’a demandĂ© : « Vous avez un stylo ? Â». Oui, j’avais un stylo. Studieusement, je suis parti chercher un stylo. Il m’a indiquĂ© avec autoritĂ© :

 

« Vous marquez votre nom lĂ  et vous signez Â». J’ai marquĂ© mon nom et j’ai signĂ©. Il est ensuite parti, remontĂ©. A la prochaine livraison, il me descendra peut-ĂŞtre.

 

Franck Unimon, ce jeudi 27 février 2020.

 

 

 

 

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Scandale

                                                       

 

                                                                    Scandale

 

 

On a pu entendre dire que les Américains des Etats-Unis sont des grands enfants. Savoir qu’un centre d’attractions comme Disneyland a les faveurs de millions d’Américains me laisse encore assez perplexe même si j’ai aimé et aimerais encore les équivalents de ce genre de lieux d’attractions en France. Les Etats-Unis sont aussi vus comme le pays de la malbouffe avec Mac Do, coca-cola et une certaine explosion de l’obésité.

 

J’ai lu un jour  que les Etats-Unis d’AmĂ©rique sont la plus grande dĂ©mocratie du monde. 

 

Et l’on sait aussi assez combien les Etats-Unis continuent de diriger le Monde mĂŞme si des Nations comme la Chine et la Russie, et certains de leurs alliĂ©s, peuvent s’opposer assez rĂ©gulièrement Ă  ce leadership. Commercialement et Ă©conomiquement pour la Chine. Au travers par exemple de l’histoire du tĂ©lĂ©phone portable de marque Huawei et de la 5 G, auquel se refuse le prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump. Car, officiellement, cette technologie permettrait aux Chinois d’espionner au moins les AmĂ©ricains qui nous le rendent bien depuis le prĂ©sident Barack Obama- et sans doute avant- avec leur surveillance de masse organisĂ©e avec la complicitĂ© des grandes entreprises telles que Google, Amazon, Facebook, Apple et d’autres en compagnie d’autres pays Ă  l’aise avec cette surveillance ( Australie, Nouvelle-ZĂ©lande, Royaume-Uni…. voir l’affaire Snowden).

 

La Russie de Poutine reprĂ©sente quant Ă  elle un danger militaire, technologique et politique au moins pour les Etats-Unis : un article dans Le New York Times de ce 22 et 23 fĂ©vrier 2020 informe que la Russie a l’intention d’influencer le rĂ©sultat des primaires des dĂ©mocrates en fĂ©vrier 2020 ainsi que celui des Ă©lections prĂ©sidentielles  ( «  (…) including that Russia intended to interfere with the 2020 Democratic primaries as well as the general election Â», article Lawmakers are warned of Russia interference).

 

 

Très avancé dans bien des domaines, les Etats-Unis sont aussi le pays qui peut se montrer très conservateur ou très arriéré selon nos modèles et nos valeurs.

 

Le film Scandale est fait de tous ces paradoxes. Dans mon article A Voir absolument  Ă©crit hier, je m’exprimais spontanĂ©ment devant l’affiche du film. Dans un certain jargon, on dira que j’ai projetĂ© sur cette affiche certaines de mes pensĂ©es et certains de mes sentiments en la voyant. Et j’en ai profitĂ© pour pousser la caricature et l’autodĂ©rision sans connaĂ®tre le sujet du film.  

 

Puis arrive, si on peut se l’accorder, le temps de l’expĂ©rience et l’Ă©tape de la contradiction. Mais aussi, dans le meilleur des cas, celui de la construction ou de la contribution. Ces trois temps, j’ai tenu Ă  me les accorder ce matin vraisemblablement du fait de la prĂ©sence de Charlize Theron et de Nicole Kidman dans le film. Actrices Ă  propos desquelles j’ai Ă©crit le bien que j’en pensais.  Du fait du titre du film. Et parce-que j’ai cĂ´toyĂ© quelques bouts d’une interview de l’actrice Margot Robbie qui parlait entre-autres de son admiration pour les deux premières.

 J’Ă©crirai peut-ĂŞtre plus tard sur les Ă -cĂ´tĂ©s de cette sĂ©ance cinĂ©ma car ils me semblent rajouter quelque chose Ă  mon regard sur le film. Mais, en attendant, maintenant que je viens de voir le film Scandale, je peux passer derrière cette vitrine et cette affiche que nous offre constamment les Etats-Unis de New-York. Puisque j’ai dĂ©jĂ  entendu dire que New-York, c’est une certaine partie des Etats-Unis. Une partie des Etats-Unis qui est peut-ĂŞtre la plus mĂ©diatisĂ©e. La plus donnĂ©e en exemple. Celle qui a aussi Ă©tĂ© terrorisĂ©e et agressĂ©e en 2001.

 

Cette vitrine new-yorkaise est faite de personnes travailleuses, ultra-compĂ©tentes, affutĂ©es, bien dans leur corps et Ă  l’aise avec leurs hormones. InvulnĂ©rables. FriquĂ©es.  Leurs sourires permanents ont la soliditĂ© d’un pare-chocs de quatre-quatre. Lorsque le Monde a peur, le visage des Etats-Unis, au moins Ă  New-York et dans ses environs, est celui de celle ou celui qui peut vous rĂ©pondre s’il le souhaite :

 

«  Relax ! On va y arriver ! Je suis l’adversaire de la peur. Vous allez voir, je vais vous monter un bon dossier avec des super-hĂ©ros, un scĂ©nario fantastique, une très bonne mĂ©decine, de bons journalistes et de très bons avocats et, croyez-moi, la mort va reculer car nous allons lui donner une bonne raclĂ©e et elle s’en souviendra. Nous sommes en AmĂ©rique, ici !  Â».

 

L’histoire du film Scandale est inspirĂ©e d’évĂ©nements qui se sont dĂ©roulĂ©s en 2015-2016 au sein de la chaine d’informations Fox News qui appartient Ă  Rupert Murdoch, «  32 ème personne la plus puissante du monde/ 76 ème fortune mondiale Â» nous dit wikipĂ©dia et soutien de Donald Trump lorsque celui-ci s’est prĂ©sentĂ© aux Ă©lections prĂ©sidentielles en 2015-2016. Cette dernière information est dans le film. 

 

J’ai peut-ĂŞtre entendu parler de l’affaire « Roger Ailes Â» Ă  l’époque mais je ne m’en souviens pas.

 

Efficace et pĂ©dagogique, le film de Jay Roach nous fait entrer dans un monde de la presse très conservateur, partial et dĂ©magogique, car vouĂ© Ă  satisfaire son public et son parti, tous deux conservateurs, et oĂą pratiquement toutes les femmes employĂ©es, de la journaliste lambda Ă  la journaliste vedette se donnent aux règles phallocrates des hommes qui les dominent. Car elles se dĂ©vouent Ă  un « mĂ©tier visuel Â» oĂą on les recrute souvent parce-qu’elles sont de jolies crevettes.

 

CĂ´tĂ© vitrine et affiche, ce sont des femmes Ă©loquentes, incisives et indĂ©pendantes qui ont Fox News dans la peau, gagnent bien leur vie et ont une très bonne carrière. Hors camĂ©ra, elles obĂ©issent Ă  l’audience et, pour la plupart, elles acceptent en silence le commandement supĂ©rieur  des volontĂ©s sexuelles de leurs boss masculins : tenues vestimentaires types, sexe oral et autres types de rapport imposĂ©s selon les agendas de ces hommes Ă  bosse proĂ©minente au milieu du pantalon. On appelle ça, faire preuve de loyautĂ©. On comprend un peu mieux en regardant ce film dans quel contexte Donald Trump a pu devenir prĂ©sident des Etats-Unis. Ainsi que les raisons pour lesquelles ses antĂ©cĂ©dents de harcèlement sexuel et un certain nombre de ses propos ont peu entamĂ© son accession Ă  la prĂ©sidence des Etats-Unis. 

 

«  J’ai fait gagner un milliard de dollars aux Murdoch Â» dira Roger Ailes dans le film. Cette rentabilitĂ© explique aussi le maintien de certains Ă  leur poste de responsables.  

De gauche Ă  droite, Megyn Kelly ( l’actrice Charlize Theron), Gretchen Carlson ( l’actrice Nicole Kidman) et Kayla Pospili ( Margot Robbie)

 Scandale raconte la rĂ©action de deux femmes journalistes vedettes, Megyn Kelly (interprĂ©tĂ©e par Charlize Theron) et Gretchen Carlson (interprĂ©tĂ©e par Nicole Kidman) qui dĂ©cident Ă  un moment donnĂ© d’attaquer en justice Roger Ailes (interprĂ©tĂ© par John Lithgow), le prĂ©sident de Fox News, pour harcèlement sexuel. Il s’agit d’un biopic. A ce que j’ai lu, le personnage de Megyn Kelly, dans la vraie vie, est moralement moins sympathique si l’on habite certaines valeurs.

 

 

Megan Kelly ( l’actrice Charlize Theron) et Roger Ailes ( l’acteur John Lithgow)

 

 

Cependant, « L’affaire Â» Roger Ailes rappelle Ă©videmment, dans le milieu du cinĂ©ma, « l’affaire Â» du producteur Harvey Weinstein qui se produira un ou deux ans plus tard. Ainsi que « l’affaire Â» DSK quelques annĂ©es plus tĂ´t.  En France, on pensera Ă  d’autres affaires du mĂŞme genre. Actuellement,  en France, on parle par exemple de l’affaire de l’écrivain Gabriel Maztneff  (Prix Renaudot en 2013, connu pour ses Ĺ“uvres oĂą il parle de ses expĂ©riences pĂ©dophiles)  suite Ă  la parution en 2019 de l’ouvrage Le Consentement  de Vanessa Springora  oĂą elle raconte sa relation avec celui-ci alors qu’elle avait 14 ans et lui, 49.

En France toujours, on parle aussi de l’affaire du rĂ©alisateur Christophe Rugia accusĂ© de «harcèlement Â» et « d’attouchements Â» par l’actrice Adèle Haenel alors qu’elle avait entre 12 et 15 ans. On reparle aussi du rĂ©alisateur Roman Polanski.

 

A chaque fois, les hommes incriminĂ©s sont installĂ©s au Pouvoir depuis des annĂ©es, sont nettement plus  Ă˘gĂ©s que leurs victimes et sont « coutumiers des faits qui leur sont reprochĂ©s Â». Ce sont aussi, lorsque l’on parle d’Harvey Weinstein et Roger Ailes, des hommes d’une “autre” Ă©poque et d’une  sociĂ©tĂ© qui Ă©tait antĂ©rieure Ă  la sociĂ©tĂ© que nous connaissons dĂ©sormais Ă  travers internet et les rĂ©seaux sociaux :

Soit que l’Ă©poque d’oĂą ils viennent Ă©tait celle d’une sociĂ©tĂ© plus permissive, plus passive ou plus servile concernant leurs agissements. Soit que leurs alliĂ©s et protecteurs d’alors Ă©taient plus nombreux et/ou plus puissants. Et que les victimes, elles, alors, Ă©taient davantage livrĂ©es Ă  elles-mĂŞmes. Lorsque je regarde Roger Ailes dans le film, il me fait penser Ă  Hoover qui avait rĂ©gnĂ© sur le FBI pendant des annĂ©es ( 42) tel un monarque absolu. MĂŞme si leurs domaines d’action Ă©taient diffĂ©rents,  je crois que les certitudes avec lesquelles ils gouvernaient Ă©taient assez jumelles.  

 

 

Roger Ailes avait un peu plus de 70 ans lorsque la journaliste Gretchen Carlson a portĂ© plainte contre lui. Harvey Weinstein, un peu plus de 60 ans lorsque son affaire a Ă©tĂ© rendue publique en 2017.  Un Ă  deux ans sĂ©pare les deux affaires. 

 

Le rĂ´le tenu par l’actrice Margot Robbie ( Kayla Pospili) a , lui, Ă©tĂ© inspirĂ© de tĂ©moignages. Bien-sĂ»r, on pense au mouvement #Metoo et balance ton porc. Mais je crois que le film Scandale  aborde aussi d’autres sujets :

 

La presse, dĂ©crite comme le quatrième Pouvoir, passe de plus en plus comme un Pouvoir en dĂ©clin pour dĂ©fendre certaines causes « justes Â». Car elle s’est faite annexer et museler. Dans Scandale, la presse se rĂ©vèle asphyxiante car  Fox News  semble ĂŞtre en situation de monopole en tant qu’organe de presse. A moins que ce soit une façon pour le rĂ©alisateur de montrer comme les personnes victimes de harcèlement, et, Ă  travers elles, toutes les personnes lanceuses d’alerte dans quelque domaine que ce soit, sont souvent d’abord isolĂ©es. Parce qu’elles Ă©voluent, malgrĂ© les sourires Ă  tous les Ă©tages, dans un monde professionnel extrĂŞmement concurrentiel oĂą le chacun pour soi, la peur de perdre son job, sa rĂ©putation – ainsi que sa position sociale avantageuse- et la toxicitĂ© de certaines pratiques sont une somme que la majoritĂ© regarde et engloutit dans le dĂ©ni.

 

Dans Scandale, arrive un point oĂą l’on se demande si le pire provient de tous ces hommes de Pouvoir et qui en abusent ou de tous ces employĂ©s – femmes et hommes inclus- qui deviennent spontanĂ©ment solidaires pour se taire et aussi pour dĂ©nigrer, discrĂ©diter voire harceler Ă  leur tour celles qui lancent l’alerte. Si l’on est bien au pays de Walt Disney, le parc d’attraction de Fox News devient ici un parc de destruction oĂą plus que Blanche Neige et le petit Chaperon Rouge, les sorcières et les loups restent les grands vainqueurs de l’animation. MĂŞme si certains des loups succombent Ă  leur disgrâce lorsque celle-ci arrive ( Roger Ailes est dĂ©cĂ©dĂ© en 2017 soit un ou deux ans après “l’affaire”).  

 

L’aplomb de Charlize Theron et de Nicole Kidman dans le film est proche de celui du personnage interprĂ©tĂ© par l’actrice Jessica Chastain dans Miss Sloane rĂ©alisĂ© par John Madden en 2016. Mais en grattant bien, je trouve que le rĂ´le de Nicole Kidman dans Scandale a une petite parentĂ© avec celui qu’Ă©tait le sien dans le Dogville de Lars Von Trier ( 2003) . Et  je repense aussi maintenant Ă  l’humiliation vĂ©cue par le personnage interprĂ©tĂ© par Jennifer Anniston dans The Good Girl rĂ©alisĂ© en 2002 par Miguel Arteta. MĂŞme si, cĂ´tĂ© humiliation , le personnage de Charlize Theron dans Monster ( 2003) avait fait le plein. On peut du reste relever, que comme par un besoin de compensation, Patty Jenkins,  la rĂ©alisatrice de Monster a ensuite rĂ©alisĂ© Wonder Woman en 2017 ainsi que Wonder Woman 1984 prĂ©vu en salles en 2020. 

 

 

On peut voir le film Scandale comme un film « fĂ©ministe Â» militant Ă  juste titre pour plus d’égalitĂ© entre les femmes et les hommes. Ce qui encouragera et rĂ©confortera sĂ»rement des personnes.  

 

Mais  je crois qu’il faut se rappeler que cette affaire est aussi contemporaine des affaires Snowden comme de Wikileaks, Chelsea/Bradley Manning, Katharine Gun, oĂą, lĂ  aussi, des individus, ont pris la dĂ©cision, pour diverses raisons, de refuser certaines pratiques privĂ©es et dictĂ©es afin de les rendre publiques et dĂ©mocratiques dans l’espoir de sauver ce qui peut encore l’être de nos droits, de nos vies et de nos libertĂ©s.

 

Je crois aussi qu’il faut aussi relier cette affaire au mouvement Occupy Wall Street. Aux initiatives qui sont prises par certaines personnes afin de vivre dans un monde plus Ă©cologique.  Aux collapsologues qui nous parlent de l’effondrement. Aux dĂ©marches judiciaires engagĂ©es par d’autres contre Monsanto et le Glyphosate mais aussi dans l’affaire du MĂ©diator et du scandale du silicone industriel dans les prothèses mammaires PIP.

 

Toutes ces prises de conscience et ces actions sociales, politiques et judiciaires sont souvent concomitantes. Les regarder comme de simples coïncidences éloignées et séparées dans un monde immuable est peut-être une forme de déni comme celui qui a meublé les existences de plusieurs des personnages aux avant postes dans le film Scandale. Et aussi ailleurs.

 

Dans le film, alors qu’elle est seule et en plein doute Gretchen Carlson ( interprĂ©tĂ©e par Nicole Kidman) dit Ă  ses avocats qu’elle s’est jetĂ©e du haut de la falaise en s’attaquant Ă  Roger Ailes. La suite la confortera dans sa très grande prise de risques. NĂ©anmoins, ce film plutĂ´t optimiste semble bien illustrer le titre d’une des chansons de Jimmy Cliff qui date de 1972 :

 

” Many rivers to cross”. 

 

Franck Unimon, mardi 25 février 2020.

 

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Coronavirus

 

 

Coronavirus : un petit sursis pour l’homme, un grand profit pour les pharmacies.

 

 

Je me trouvais du cĂ´tĂ© de la Gare du Nord. Je me suis dit que j’allais essayer de me procurer un numĂ©ro d’El Watan. Depuis que dans le 8ème arrondissement de Paris, j’ai croisĂ© un journaliste d’El Watan, je me suis mis en tĂŞte de le lire. C’était avant d’interviewer le rĂ©alisateur Abdel Raouf Dafri dont j’ai dĂ©jĂ  reparlĂ© rĂ©cemment. ( A Voir absolument ).

 

A entendre ce journaliste, il était facile de l’acheter dans un kiosque à journaux. C’était il y a plusieurs semaines. Toujours dans le 8 ème arrondissement, j’ai recroisé ce journaliste il y a quelques jours alors que je me rendais à la projection de presse du film Brooklyn Secret (Brooklyn Secret.) Mais avant que je puisse lui exposer mes difficultés pour trouver à la vente ce journal qui le rémunérait, il avait disparu.

 

Dans un point presse bien pourvu du 13ème arrondissement où on ne le vend plus depuis une dizaine d’années, on m’avait suggéré que j’avais mes chances à Barbès. C’est là que des anciens clients de ce point presse se rendraient désormais pour acheter El Watan.

 

Je me suis imaginĂ© que j’avais mes chances Ă  la Gare du Nord. Puisque c’est proche de Barbès. Je me suis trompĂ©. A la place, le vendeur a fait de l’humour. El Watan ? L’AlgĂ©rie ? J’ai commencĂ© moi aussi Ă  faire de l’humour :

« Vous savez que l’AlgĂ©rie existe ? Â». Il m’a rĂ©pondu sans dĂ©tour :

« Je sais que l’armĂ©e existe…je suis algĂ©rien Â».

Il m’a confirmĂ© qu’il Ă©tait probable que El Watan soit en vente Ă  Barbès. Mais je ne me voyais pas aller jusqu’à Barbès. Je me suis contentĂ© du New York Time  et de El Pais.

 

Par paresse, je lis très peu de presse étrangère. C’est un tort. C’est un tort de se contenter du minimum de ce que l’on sait et de ce que l’on a pu apprendre ou commencé à apprendre à l’école ou ailleurs. De rester dans son confort. C’est comme ça qu’ensuite, avec l’habitude, le quotidien, notre regard sur nous-mêmes et sur notre environnement se rétrécit et qu’après on pleure sur soi-même parce-que notre vie est pourrie. Qu’il ne s’y passe jamais rien ou pas suffisamment selon nous.

Mais, lĂ , j’ai achetĂ© The New York Times  et El Pais. MĂŞme si je savais que je les lirais très partiellement, cela me permettrait dĂ©jĂ  de partir ailleurs.

J’ai plus feuilletĂ© le New York Times car mon manque de pratique de l’Espagnol m’handicapait avec El Pais.

 

Dans le train du retour, je me suis assis à quelques mètres d’un SDF bouffi par l’alcool que je connais de vue. Je crois qu’il réside dans ma ville. Une dame venait de lui donner de l’argent. Mais dès qu’il m’a aperçu près de lui, il m’a sollicité et en a redemandé. A défaut d’argent, il m’a d’abord demandé l’heure car il ne pouvait pas voir. Puis, il a fini par me demander de lui donner un journal. Pour lire. Pour s’informer. Il avait manifestement envie de parler à quelqu’un. Lorsque je lui ai dit que les journaux étaient en Anglais et en Espagnol, il a renoncé. Par contre, lorsque quelques minutes plus tard, un autre homme est venu faire la manche dans le même wagon en passant parmi les voyageurs, il l’a aussitôt menacé et lui a dit de se casser. L’autre homme a poursuivi son œuvre avec le sourire.

 

Ce matin, je suis passĂ© Ă  la pharmacie. Je savais que je n’y trouverais pas El Watan. Aussi me suis-je abstenu de le demander. J’étais lĂ  pour acheter une lotion capillaire pour ma compagne. J’ai dĂ©jĂ  fait « pire Â» :

Je devais avoir à peine une vingtaine d’années lorsque ma mère m’avait demandé de lui acheter une paire de collants. Cela ne m’avait pas dérangé. Depuis le temps que ma mère m’envoyait faire des courses. J’étais ressorti du supermarché et, dans les rues de Pointe-à-Pitre, j’avais rapidement compris que certaines personnes qui m’avaient croisé avaient des yeux de drones leur permettant de voir parfaitement à travers le sac en plastique transparent que je portais en toute décontraction.

 

Ce matin, pas de collant parmi mes achats. J’étais à la caisse quand j’ai entendu un homme plus jeune que moi demander à une autre caisse un masque FFP2. J’ai aussitôt fait le rapprochement avec le coronavirus Covid-19 bien que, sans cet homme, j’aurais été incapable de savoir le définir de cette façon.

Devant moi, le pharmacien qui me servait m’a rĂ©pondu qu’il allait voir s’il en restait. Il m’a d’abord dit qu’un masque coĂ»tait 2,99 euros, l’unitĂ©. Puis, revenant avec trois masques, il m’a prĂ©sentĂ© ses excuses : un masque coĂ»tait 3,99 euros. Je les ai nĂ©anmoins pris tous les trois.

 

Le pharmacien m’a confirmĂ© que, oui, c’était bien les masques prĂ©ventifs pour le coronavirus. Il m’a dit qu’il espĂ©rait que cela allait s’arranger. Il m’a rĂ©pondu qu’ils n’en n’avaient pas toujours mais qu’il y avait en ce moment une certaine demande surtout des touristes. Il se trouve que les seuls touristes « reconnaissables Â» que j’ai pu voir dans cette pharmacie parisienne sont asiatiques. Peut-ĂŞtre chinois. Peut-ĂŞtre japonais.

 

Jusqu’à maintenant, j’ai entendu parler du coronavirus Covid-19 sans m’en inquiĂ©ter plus que ça. Mais, ce matin, je me suis dit que cela pouvait ĂŞtre bien de « s’équiper Â». En sachant que, selon les dires de ce pharmacien un masque a une durĂ©e d’efficacitĂ© de 8 heures. Il serait donc convenable si l’épidĂ©mie du coronavirus arrive en France qu’elle soit très rapide. Ou d’avoir de quoi acheter un nombre plutĂ´t consĂ©quent de masques. Mais je me suis dit ça après avoir quittĂ© la pharmacie et après avoir payĂ© les trois masques. Parce qu’en reprenant le mĂ©tro, j’ai pris le temps de lire le journal gratuit distribuĂ© devant la pharmacie. J’ai jetĂ© ce journal depuis. Mais je me souviens qu’après un match laborieux, le PSG, hier, a battu Bordeaux 4-3 au parc des Princes. Que El Matador « Cavani Â» a marquĂ© son 200ème but avec le PSG toutes compĂ©titions confondues. Que Neymar a trouvĂ© le moyen d’écoper d’un second carton jaune et de se faire exclure. Il sera donc absent pour le prochain match face Ă  Dijon. Qu’au dĂ©but du match, des supporters avaient montrĂ© une pancarte demandant Ă  M’bappĂ©, Neymar et Marquinhos de « porter leurs couilles Â».

A part ça, l’équipe de France de Rugby, en battant le Pays de Galles, confirmait qu’elle était une très belle équipe. Et puis, tout au début du journal, le coronavirus en Italie. L’inquiétude en Europe. Deux morts.

En rentrant, j’ai regardé à nouveau Le New York Times et El Pais. Hier, dans Le New York Times, j’avais pris le temps de lire l’article consacré à l’acteur, scénariste et réalisateur américain Ben Affleck qui parlait de son addiction à l’alcool. Au fait que son propre père était devenu sobre alors qu’il avait 19 ans. L’alcoolisme de son frère Casey, que l’on n’a plus vu depuis quelques temps sur les écrans, était aussi mentionné.

 

 

C’est sur El Pais que j’ai vu l’article dont s’est sans doute inspiré le journal gratuit d’aujourd’hui concernant le coronavirus. Entre-temps, les près de 4 euros par masque avaient commencé à me peser. Lorsque j’en ai discuté avec ma compagne, j’ai été obligé de me rendre compte que je m’étais fait arnaquer. Comme d’autres. Près de 4 euros pour un masque qui ressemble à un petit slip jetable pour bébé et dont le coût à la fabrication doit se compter en centimes et peut-être même en micro-centimes. Pour un slip jetable qui est peut-être fabriqué en Chine, ce qui serait comique en plus.

 

L’anxiĂ©tĂ© et l’esprit de prĂ©vention avaient encore frappĂ©. Lorsque ce n’est pas sous forme de pub sur le net, dans la boite Ă  lettres, Ă  la tĂ©lĂ©, au cinĂ©ma, Ă  la radio, dans la rue, dans les transports en commun, sur le tĂ©lĂ©phone portable, la tablette ou Ă  la banque, c’est sous forme de terrorisme, d’extrĂ©misme politique, de catastrophe, de meurtres ou d’épidĂ©mie sanitaire qu’ils s’infiltrent. Avant que le moindre virus n’ait eu le temps de visiter nos poumons, nous sommes dĂ©jĂ  contaminĂ©s par l’anxiĂ©tĂ© et l’achat de prĂ©vention qui sont une forme de crachat civil rĂ©servĂ© Ă  ces ĂŞtres civilisĂ©s et socialisĂ©s que nous sommes. Jusqu’à ce qu’une rupture de stock apparaisse….

 

Mais je crois encore que je rĂ©ussirai Ă  me rendre Ă  Barbès afin d’y trouver El Watan avant que le coronavirus ne trouve l’adresse de mon organisme.  

 

Franck Unimon, lundi 24 février 2020.

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Cinéma

A Voir absolument

 

 

 

                                                     A voir absolument

La norme, chez l’être humain, c’est l’extrĂŞme. Je le rĂ©apprends de temps en temps avec du  retard. Je t’aime et je t’adore aujourd’hui mais aussitĂ´t que je serai suffisamment intime avec toi, je deviendrai parfaitement libre de te maudire et de vouloir modifier ta race et ta constitution pour plusieurs gĂ©nĂ©rations. De leur faire subir toutes les interruptions de grossesse – mĂŞme si tu es un homme- et toutes les perturbations endocriniennes disponibles et accessibles Ă   mes connaissances. Oui, j’ai du chien ! MĂŞme si tu l’oublies alors que je te souris et que je suis cool avec toi. Tu as intĂ©rĂŞt Ă  bien te tenir. C’est aussi simple que ça.

 

La mauvaise foi est bien-sûr un fantastique adjuvant en même temps qu’un puissant conducteur. C’est également un excellent liant. Et, certaines fois, aussi, un très bon facilitateur de l’appareil reproducteur. Car si la norme chez l’être humain, c’est l’extrême, la contradiction et l’opposition font partie de ses meilleurs aphrodisiaques.

 

Je n’avais pas prévu ce préliminaire pour commencer à parler de cette affiche. C’est venu tout seul il y a quelques minutes après avoir relu mon texte écrit rapidement il y a plusieurs semaines.

 

 

Cela fait plusieurs jours, que je vois l’affiche de ce film :

 

A voir absolument. Il est un peu plus de 8 heures ce matin. Je suis dans le bus 21 qui traĂ®ne du cĂ´tĂ© des Halles. Dans moins d’une heure trente, je vais interviewer Abdel Raouf Dafri pour son premier film en tant que rĂ©alisateur : Qu’un sang impur. ( Interview en apnĂ©e avec Abdel Raouf Dafri)

 

Mais parlons de ce film, Scandale, qu’il faut voir absolument tandis que je suis assis à côté d’une femme sur une place prioritaire. Imitant en cela une autre femme sur ma gauche.

Quelques minutes plus tôt, j’avais bien vu que la femme à côté de qui je me suis décidé à m’asseoir m’avait en quelque sorte fait une petite place. Mais j’avais résisté.

Je suis d’abord resté debout comme un soldat avec mon sac.

 

Depuis des mois ou des années, je me suis aperçu que, désormais, dans les transports, j’ai tout un tas de scrupules à m’asseoir à côté d’une femme inconnue. Parce qu’en tant qu’homme, je suis suspect. Et si je suis embarrassé, c’est évidemment parce que j’ai des reproches à me faire.

 

Assis Ă  cĂ´tĂ© de cette femme inconnue dans ce bus 21, je m’attends Ă  ce que la brigade des mĹ“urs monte bientĂ´t afin de venir me menotter. En attendant, je poursuis  mon parcours de dĂ©linquant sexuel potentiel et passif. Un de ces jours, on instaurera des transports en commun ou des quotas sĂ©parant les femmes des hommes. Et les contrĂ´les porteront aussi sur notre genre sexuel. Les transgenres deviendront alors encore plus les nouveaux Arabes et les nouveaux Nègres de la sociĂ©tĂ©. Pour celles et ceux qui ne m’ont jamais vu : J’informe que je suis noir de peau de naissance et le resterai jusqu’à ma mort sauf Ă©vĂ©nement imprĂ©vu et indĂ©pendant de ma volontĂ©.

 

 

Non, Madame ! Ce n’est pas de ma faute si le bus 21 s’arrĂŞte Ă  la station Palais Royal au lieu de St-Ouen ! MĂŞme si je l’apprends en mĂŞme temps que vous. Comme vient de vous le dire le chauffeur de bus, il fallait regarder l’affiche !

 

Mais c’est peut-ĂŞtre de ma faute si les trois actrices principales du film Scandale, qu’il faut absolument aller voir, sont, Ă  nouveau, trois blondes. MĂŞme si, vous, Madame, vous n’êtes pas du tout blonde. Pourtant, toutes les femmes sont blondes. Toutes les femmes hautement dĂ©sirables depuis au moins un demi-siècle au cinĂ©ma sont automatiquement et majoritairement blondes. Et, ça, il faut le voir absolument. Bien-sĂ»r, il y a des exceptions, Madame.  Jennifer Connelly, prĂ©sente dans le film Alita, Battle Angel rĂ©alisĂ© par Robert Rodriguez qui m’a bien plu,  ressemble de plus en plus Ă  Demi Moore. Alden Ehrenreich- qui est un homme- rappelle James Dean.

Dans le milieu du cinéma, on est très loin d’être conservateur. On est vraiment dans le renouvellement et dans l’évolution des modèles et des visages.

 

Je dois voir ce film. C’est bon pour ma rééducation et ma conscientisation.

 

J’irai aussi le voir parce qu’avant l’affaire Weinstein – j’ai malheureusement raté le documentaire qui lui a été consacré. Mais c’est sûrement du fait de ma complicité inconsciente avec lui même si le documentaire est resté peu de temps dans quelques salles – avant l’affaire DSK et d’autres affaires de viol et de harcèlement, j’aimais déjà le jeu d’actrices de Nicole Kidman et de Charlize Theron. Mais ça, j’aurais dû absolument le passer sous silence. Puisque je suis un homme, je suis sûrement allé voir ces femmes au cinéma pour des motifs dépravés.

 

PS : c’est comme avec cette stagiaire Ă  qui j’ai fait la bise ce matin. Finalement, elle ne m’avait rien demandĂ©. J’y repense seulement maintenant. Elle ne m’avait pas demandĂ© de l’inclure dans cette ronde des bises matinales. Elle et moi, nous n’avons pas gardĂ© les cochons ensemble. Et mĂŞme si nous l’avions fait, un de ces jours, elle pourra me reprocher de l’avoir forcĂ©e, moi qui pourrais ĂŞtre son père, et qui Ă©tais en situation de supĂ©rioritĂ© de par mon grade et ma fonction. J’aurais dĂ» lui demander la permission. Et non pas la mettre devant le fait accompli en prĂ©sence de tout le monde (une grande majoritĂ© de collègues femmes).

 

Il va falloir que je me reprenne. Et que je sache me tenir. Comme avant, lorsque j’étais puceau, que j’écrivais des poèmes Ă  une jeune de mon âge pour lui dĂ©clarer mes sentiments et que, le plus souvent, je me prenais des râteaux.  J’aurais dĂ» Ă©crire un poème Ă  cette Ă©tudiante afin de lui demander si je pouvais lui faire la bise. Ou Ă©tablir une demande en bonne et due forme. Faire parvenir cette demande Ă  la responsable de son centre de formation voire peut-ĂŞtre Ă  ses parents voire Ă  sa compagne ou Ă  son compagnon – que je ne connais pas- mĂŞme si elle Ă©tait majeure.

 

Mais je raconte n’importe quoi. Je fais du mauvais humour pour masquer le fait que, là, je me suis mis dans une très très mauvaise situation. En plus, je suis marié et j’ai une fille. Non seulement je donne un très mauvais exemple. Et, en plus, je banalise le viol et toutes les offenses faites aux femmes par les hommes depuis des millénaires. Le scandale. C’est une attitude complètement irresponsable. Méprisable. Indéfendable. Et ça a l’air de beaucoup m’amuser, en plus.

 

Ça commence par une bise pour dire bonjour Ă  une stagiaire prĂ©sente dans le service depuis plusieurs semaines. Et, ensuite, on sait tous que ça se transforme en autre chose de beaucoup plus grave. Oui, mais maintenant que j’ai commencĂ©, si j’arrĂŞte de lui faire la bise alors que je vais continuer d’embrasser mes collègues femmes – que j’ai vues lui faire la bise- pour les saluer, que va t elle penser ? Que je suis bizarre ? Et si je la regarde plus de cinq secondes ?

 

Lorsque je passe devant l’affiche, je le vois bien, que sans rien dire, avant mĂŞme d’aller  voir le film,  que Nicole Kidman, Charlize Theron et Margot Robbie me jugent dĂ©ja. C’est la norme.

 

Franck Unimon, ce lundi 24 février 2020.

 

 

 

 

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Cinéma

Tu mourras Ă  20 ans

 

 

                                                Tu mourras Ă  20 ans

Ce film, réalisé par le Soudanais Amjad Abu Alala, est inspiré d’une nouvelle de l’auteur soudanais Hammour Ziada. Lequel vit aujourd’hui en Egypte après avoir été banni de son pays. Le tournage s’est effectué au Soudan dans le village du père du réalisateur, Amjad Abu Alala. A l’origine, l’histoire se déroulait en Egypte si j’ai bien compris.

 

Tu mourras Ă  20 ans est la 8ème rĂ©alisation  du Soudan dans l’Histoire du cinĂ©ma.  Il s’agit d’une coproduction internationale ( Soudan, France, Egypte, Norvège, Allemagne, Qatar).

 

Paris compte 87 ou 88 cinémas selon les sources ( Les Echos, Le Figaro…) pour un peu plus de 400 salles. 38 de ces cinémas parisiens sont des cinémas d’art & d’essai qui essaient de résister aux multiplexes. Parmi ces cinémas d’art & d’essai, on trouve le cinéma des Ursulines qui est aussi le plus ancien des cinémas parisiens en activité ( créé en 1926).

 

Un parisien va en moyenne 11 Ă  12 fois  par an au cinĂ©ma soit trois Ă  quatre fois plus qu’en province. A Paris, chaque semaine, 500 films sont Ă  l’affiche. Dans ces conditions, il est selon moi nĂ©cessaire, quand j’arrive Ă  m’extraire de l’attraction des multiplexes, d’aller voir en prioritĂ© des films comme Tu mourras Ă  20 ans qui est sorti dans seulement trois cinĂ©mas Ă  Paris ce 12 fĂ©vrier 2020. Il est encore possible d’aller le voir dans ces mĂŞmes cinĂ©mas ainsi que dans un cinĂ©ma Ă  CrĂ©teil et Ă  Montreuil. A ce que je viens de voir, ce film avait Ă©tĂ© projetĂ© ce 5 fĂ©vrier 2020 Ă  l’Institut du Monde Arabe.

 

Quelques cinémas projettent également Tu mourras à 20 ans en province. A Rennes, par exemple.

 

Muzamil ( une fois adulte, l’acteur Mustafa Shehata) nait dans la province d’Aljazira, au Soudan, entre le Nil blanc et le Nil Bleu avant que les deux branches du fleuve, en se rejoignant, forgent le Nil qui part ensuite vers l’Egypte.

On peut donc dĂ©jĂ  dire que, sans forcĂ©ment le savoir, Muzamil naĂ®t entre le jour et la nuit ou entre la vie et la mort. Car lorsque sa mère Sakina ( l’actrice Islam Mubarak), accompagnĂ©e de son père, fait le trajet pour le faire baptiser selon un rituel soufi, l’un des derviches tombe , alors que la bĂ©nĂ©diction est en cours, et prononce  la « condamnation Â» :

 

Muzamil est destiné à mourir à 20 ans et ce que Dieu a scellé, personne ne peut le défaire. Muzamil est le seul enfant du couple. Et les deux parents ne sont pas si jeunes que ça. Sakina a bien une bonne trentaine d’années. Peut-être doit-on comprendre qu’il leur a été difficile de concevoir cet enfant. Et qu’il leur est peut-être impossible d’en avoir un autre.

 

La déclaration provoque la séparation des deux parents de Muzamil, encore bébé. Le père, contrairement à Sakina, ne se sent pas les épaules pour rester et opte pour partir travailler au loin. Et, pendant des années, il adressera régulièrement de l’argent et des courriers à Sakina.

Muzamil, lui, grandit Ă  l’écart des autres. Sakina doit donc faire avec deux bannis : le père et le fils. L’un, par honte et impuissance. L’autre, par innocence.

On est très vite tenté de faire des analogies avec le film Va, vis et deviens réalisé par Radu Mihaileanu en 2005. Que cette comparaison plaise ou non ( puisque dans Va, vis et deviens, l’histoire se déroule en Israël ), dans Tu Mourras à 20 ans, on est à la fois dans le Sacré et dans la mythologie. Et aussi dans le conte et dans le blues. Dans des mythes fondateurs tant africains qu’européens.

 

Le SacrĂ© : Il n’ est pas encore fait  allusion dans cet article Ă  l’église du SacrĂ©-CĹ“ur, situĂ©e dans le 18èmearrondissement de Paris.

Par contre, à parler de l’Egypte et du Nil, il est difficile d’éviter certaines références au Sacré. Que l’on parle de l’Egypte du temps des Pharaons et, déjà, de la fuite des Juifs ou de toute histoire que chacune et chacun raccordera à ce qui a pu lui être transmis dans son héritage familial à propos de l’Egypte et du Nil.

 

Et puis, ce fils qui est sacrifié par la volonté de Dieu, cela rappelle une autre Histoire.

 

La mythologie :  On retrouve au moins la silhouette d’Ulysse dans Tu mourras Ă  20 ans.

 

L’acteur Gary Cadenat ( JosĂ©) face Ă  l’acteur Douta Seck ( Medouze) dans le film ” Rue Cases Nègres”.

 

Le conte : En regardant Tu Mourras Ă  20 ans, j’ai très vite pensĂ© Ă  un conte originaire de la Louisiane oĂą il est question de l’esclavage, d’un petit garçon, Boy, Ă  qui le vieil esclave Jason ( un autre prĂ©nom bien connotĂ© question sacrĂ© et mythologie), le soir, apprend Ă  jouer de l’harmonica et lui conseille d’aller vers le Nord, en suivant la voie ferrĂ©e, afin de devenir libre. Le vieux Jason est bien l’équivalent du vieux Medouze du film Rue Cases Nègres rĂ©alisĂ© en 1983 par Euzhan Palcy d’après le roman du Martiniquais Joseph Zobel. Et le personnage de Sulaiman ( Mahmoud Elsaraj) dans Tu mourras Ă  20 ans est bien leur alter-ego ainsi que,  sans discussion possible, la figure du Bluesman. Soit l’homme qui voyage ou qui a voyagĂ©, qui a endurĂ© et vĂ©cu y compris de façon hors-la-loi selon la morale.

 

 

Muzamil, sa mère Sakina et son père vivent scrupuleusement selon la Loi et lorsque l’on voit le résultat, on se demande quel crime horrible ils ont pu faire pour avoir ces vies de plaie. Mais si l’on regarde en Europe, avec un film comme Raining Stones ( 1993), un cinéaste comme Ken Loach a aussi pu parler de cette souffrance infligée injustement au nom de la religion.

 

L’actrice Emily Watson dans ” Breaking the waves”.

On retrouve cette mĂŞme souffrance dans Breaking the Waves ( 1996) de Lars Von Trier.  

 

 

 

 

Et si l’on insiste et que l’on tient vraiment Ă  parler de fondamentalisme religieux parce-que l’on trouve ces films encore trop lĂ©gers et trop sautillants, on peut se mater le documentaire Jesus camp, rĂ©alisĂ© en 2006 par Heidi Ewing et Rachel Grady. Ça se passe au Dakota du Nord et dans le Missouri, dans les Etats-Unis du 21ème siècle, Première Puissance Mondiale, dont une bonne partie des immigrĂ©s de l’époque de la « colonisation Â» venait d’Europe.

 

Le Blues :  que l’on parle du Nil ou du Delta du Mississipi, on entre dans la poussière du Blues. Le dĂ©funt musicien malien, Ali Farka TourĂ©, n’est pas loin, et avec lui se trouvent celles et ceux qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ© et celles et ceux qui l’ont suivi. Dans les environs du Rap et de tant d’autres genres musicaux.  Trop de voix et de notes pour les faire porter par des mots.  Parce-que le Blues, c’est franchir des frontières, aller au devant d’un voisinage, d’un langage et d’un espoir, les raconter et les rĂ©inventer, plutĂ´t que de continuer de faire tapisserie et de toujours- devoir- subir et accepter les règles des impasses jusqu’à la dernière d’entre elles, celle oĂą tout se joue. Celle qui peut tout voir et tout entendre.    

 

Pour ces quelques horizons, Tu mourras à 20 ans vaut plus que le coup d’œil. Ensuite, tout est question d’interprétation. On peut, comme certains des personnages dans le film, s’anesthésier avec des récitations que l’on répète ad libitum sans bien les comprendre. Que l’on parle de religion ou de toute sorte d’enseignement, de mode de vie, et de protocole à l’école, dans la vie ou au travail.

 

Ou on peut se dire qu’à 20 ans, et après 20 ans d’interdits et d’épreuves, Muzamil va peut-ĂŞtre abandonner celui qu’il a Ă©tĂ© et devenir un autre. Comme le fleuve qui va se jeter dans la mer.  Comme Boy, l’enfant esclave, qui, dans le conte, alors que le contremaitre l’emmène pour le vendre, dĂ©cide subitement de s’enfuir. Comme le bluesman Robert Johnson qui passait de train en train sans doute pour Ă©chapper au train-train quotidien. Comme le Bluesman John Lee Hooker, qui, dans son adolescence, a commencĂ© Ă  fuguer pour se diriger vers le Nord.

Comme toute personne qui, lorsqu’elle aspire à grandir, un jour, se décide à quitter sa routine quitte à revenir sur ses traces plusieurs années plus tard.

Comme les migrants de toutes sortes qui quittent leur pays, leur rĂ©gion, voire, pour certains, leurs familles,  leur langue, leur religion, leur profession,  pour des raisons climatiques, Ă©conomiques, militaires ou diffĂ©rentes mais toujours pour des raisons de vie ou de mort. Que l’on s’en souvienne ou non.

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 21 février 2020.

 

 

 

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Cinéma

Brooklyn Secret

 

 

 

Lorsque l’on arrĂŞte de courir après son passĂ©, on tombe sur un regard. Ce regard est notre secret. 

 

S’il faut souvent donner de soi pour se faire aimer, la gĂ©nĂ©rositĂ© dans Brooklyn Secret est un des meilleurs moyens pour se faire trahir ou rejeter. Brooklyn Secret parle d’abord de la vie, aujourd’hui, aux Etats-Unis et de sa politique anti-immigration telle qu’elle continue d’être appliquĂ©e par le PrĂ©sident Donald Trump.

 

 Alex (l’acteur Eamon Farren), la trentaine, dĂ©barque ou revient Ă  Brooklyn depuis l’Ohio  (759 kilomètres). Il vient habiter chez sa grand-mère russe ashkĂ©naze, Olga (l’actrice, Lynn Cohen).

Alex est un Ă©lan des cĹ“urs et aussi un jeune homme sans carrière. La dope et  l’alcool ont jusqu’alors Ă©tĂ© ses accessoires principaux. Ses conquĂŞtes fĂ©minines ont Ă©tĂ© ses plus grands succès.  

 

Alex veut repartir du bon pied. Aux Etats-Unis, pays des Libertés, tout est possible pour celle ou celui qui est volontaire et travailleur.

Un de ses oncles, pour rendre service Ă  sa mère, lui offre de travailler dans sa boucherie. Un emploi exigeant et dangereux : C’est un mĂ©tier physique oĂą on ne compte pas les heures. Un crochet de boucherie pèse 30 kilos et peut casser un pied.

 

Alex accepte aussi d’assister sa grand-mère Olga en complément d’Olivia (l’actrice, scénariste, monteuse et réalisatrice, Isabel Sandoval). Alex n’a jamais été aide-soignant ou aidant pour qui que ce soit. Il s’agit donc d’une première pour lui également de ce côté-là.

Autant Alex est assez friable et immature, autant Olivia est plus âgée et plus stable.

L’actrice, scĂ©nariste, monteuse et rĂ©alisatrice, Isabel Sandoval.

 

 

 

Olivia est originaire des Philippines. (Philippines/ Brooklyn : 13831, 50 kilomètres). C’est elle qui, au dĂ©but du film, rassure Olga dans une scène assez drĂ´le en lui disant qu’elle est bien chez elle. En lieu sĂ»r. La gĂ©nĂ©rositĂ© est aussi un des traits d’Olivia.

Mais les Etats-Unis  est ici  le pays oĂą l’on fait passer l’Administration, le Dollar,  la roulette russe et la boucherie avant la gĂ©nĂ©rositĂ©.

Et mĂŞme si la rĂ©alisatrice Isabelle Sandoval n’en parle pas directement dans son film, les Etats-Unis est aussi le pays des armes : Le plus grand budget militaire du monde avec 685 milliards de dollars loin devant la Chine “du” Coronarovirus avec 181 milliards (Source : Le Canard EnchaĂ®nĂ© numĂ©ro 5180 de ce mercredi 19 fĂ©vrier). Les armes aussi passent avant la gĂ©nĂ©rositĂ©.

 

Actress Isabel Sandoval with Actor Eamon Farren.

Aussi, lorsqu’Olivia et Alex s’envoient sur la Lune (distance entre la Terre et la Lune : entre 350 000 et 405 000 kilomètres), on pourrait donc d’abord se dire que leur vie va  dĂ©coller. Mais Brooklyn Secret, comme tout secret, est double et parfois triple.  

La solitude est le passeport de tous dans ce film. Car il est impossible d’être vĂ©ritablement chez soi lorsque l’on est seul et sans protection. Olga ne sort pas de chez elle. Alex, Ă  l’extĂ©rieur, est un  sans-abri devant une mauvaise expĂ©rience ou une mauvaise conduite. Et, Olivia, lorsqu’elle est dehors, est en sursis comme une patiente condamnĂ©e. On dĂ©couvre d’ailleurs pendant son histoire « d’amour Â» avec Alex comme elle vit Ă  l’étouffĂ©e. PlutĂ´t que de la fortifier, cette histoire la fragmente entre son passĂ© d’homme et sa prĂ©sence de femme. L’orgasme qui la fait renaĂ®tre et reprendre souffle aurait dĂ» ĂŞtre une victoire. Mais il est aussi ce qui la diminue dans un corps d’immigrĂ©e que l’on peut sacrifier. Alors qu’elle est Ă  la merci d’Alex, organiquement et administrativement, celui-ci reste conditionnĂ© par ses rĂ©flexes d’avant : ceux d’un joueur et d’un sĂ©ducteur qui ne sait pas s’arrĂŞter. Ceux d’un enfant provisoirement dominant qui croit pouvoir tout contrĂ´ler, tout se permettre et tout rĂ©parer de façon magique. Ce n’est pas un mĂ©chant garçon. Mais la mèche du temps qui guide Olivia a dĂ©jĂ  opĂ©rĂ© sa transition. Et Alex n’est pas le sauveur espĂ©rĂ©.

 

J’ai beaucoup moins aimĂ© le personnage d’Olivia, alors qu’il « flotte Â», et s’en remet Ă  Alex.  Mais on comprend assez facilement qu’elle tente sa chance avec lui.  D’autant que l’église oĂą elle se retrouve parfois avec sa sĹ“ur Trixia est une braise vide.

 

Peut-être aussi que, tout comme le personnage d’Alex, je suis également incapable de transformer ma pensée concernant le sujet et la question du genre.

 

Le sujet et la question du genre (puisqu’Isabel Sandoval s’appelait Vincent auparavant) hormis lors de quelques allusions, arrive au premier plan surtout Ă  partir de l’histoire d’amour avec Alex. Avant cela, pour moi, Olivia Ă©tait une femme et point final.  Et il est Ă©tonnant de voir comme,  selon l’angle de la camĂ©ra et aussi selon les Ă©motions d’Olivia, lorsque l’étau se resserre concernant sa situation d’immigrĂ©e clandestine qui peut, Ă  tout moment, se faire expulser, celle-ci peut avoir un visage plus masculin.  

Du fait de l’évocation des Philippines, Brooklyn Secret peut rappeler les films de Brillante de Mendoza. Mais il m’a d’abord rappelĂ© Maria, pleine de grâce avant de me faire penser Ă  Port Authority .

 

 

 

Brooklyn Secret sortira dans les salles le 18 Mars 2020

 

Franck Unimon

 

 

 

 

 

 

 

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Cinéma Ecologie

Système K

Photos pour cet article issues du site Allociné.

     

                                             

Produits de l’énergie du KO, ils sont les diadèmes Ă©loignĂ©s de nos rĂŞves bĂŞta-bloquĂ©s. Celles et ceux qui sont lĂ  mais que l’on ne voit pas. MĂŞme s’ils Ă©taient Ă  notre portĂ©e, cela ne changerait pas :

Le regard de l’occident est toujours cet oxydant rayant de la carte leurs matières premières et leur laissant pour sacs Ă  main des freins aux Ă©clats toxiques. Et nous rĂ©pĂ©tons cet accident car nous sommes cet occident.   

 

Plusieurs annĂ©es après Staff Benda Bilili (Au delĂ  des apparences) qui avait rĂ©pandu de la vibration ondulante sur le festival de Cannes avec ses musiciens en chaise ambulante, Renaud Barret revient une nouvelle fois. On pouvait reprocher Ă  l’entraĂ®nant Staff Benda Bilili qu’il avait corĂ©alisĂ© avec Florent de la Tullaye – que l’on retrouve dans le gĂ©nĂ©rique de son Système K –  de nous montrer «  en corps Â» des noirs musiciens au rythme et au membre plus roulants que la misère,  le dĂ©sespoir et la violence.  Kate Moss s’en souvient peut-ĂŞtre. Il y manquait Ă  peine Franck Vincent pour que la fĂŞte soit complète. Si on ne peut pas un peut s’amuser de temps en temps….

 

Pour sĂ»r, Staff Benda Bilili Ă©tait bien plus qu’une animation en caisson hyperbare rĂ©alisĂ©e pour le Club Med. Mais avec  Système K, oĂą l’on aperçoit Kinshasa entre les barres, Renaud Barret signe un documentaire sincère et attachant. Nous ne sommes plus sur les Champs ElysĂ©es Ă  la sortie d’un flacon d’eau de toilette luxueuse. Nous ne sommes plus en train de pleurer une Star du Basket disparue dans un accident d’hĂ©licoptère, ou occupĂ©s Ă  frissonner d’avance devant le grand dĂ©barquement prĂ©sumĂ© du coronavirus chinois qui viendra bientĂ´t nous anĂ©antir et nous diviser pour avoir espĂ©rer destituer le PrĂ©sident AmĂ©ricain Donald Trump qui a pu rĂ©cupĂ©rer son double permis Ă  tweet illimitĂ©.  Au lieu de choisir la marque Apple plutĂ´t que Huawei.

 

Dans Système K, Nous sommes souvent dans la rue, entre le camion Iveco, le taxi moto sur lequel on monte Ă  trois,  la vente d’une reproduction de la Joconde, de sacs en plastique remplis d’eau, dans le pays des quatre barrages oĂą une grande partie de la population vit sans eau courante (100 francs le bidon d’eau) et sans Ă©lectricitĂ©.

 

Censure, rĂ©pression, superstitions et vĂ©nalitĂ© de l’église et de l’Etat sont  un programme permanent ainsi qu’une seule certitude : L’instant prĂ©sent.

 

En face, Renaud Barret choisit de nous montrer la vitalitĂ© des performances de certains artistes, quelques moments de leur conscience et certaines de leurs rencontres avec la population qui les environne. «  Des artistes, ici Ă  Kin ? Â» demande un homme.

 

On y croise d’abord Freddy Tsimba qui explique plus tard avoir eu la chance de percer «  le mur invisible Â» qui sĂ©pare l’artiste solitaire et pauvre de celui qui est reconnu internationalement et estime avoir la responsabilitĂ© de laisser la porte ouverte derrière lui.

On y voit GĂ©raldine qui accepte de respirer des «  fumĂ©es toxiques Â» lorsqu’elle crĂ©e et qui a compris qu’elle Ă©tait « liĂ©e Ă  la fumĂ©e Â».

BĂ©ni, orphelin de père belge et de mère congolaise quand il avait six ans, aimerait quitter ce pays de « merde Â» ( la RDC ) mais explique que les Belges et lui, «  On ne se comprend pas Â» et, aussi, qu’il s’est « synchronisĂ© avec le plastique Â». Suivent d’autres performances et d’autres artistes.

Devant Système K, on ne sait pas si l’on est devant notre futur ou devant le passé. Mais ce qui est sûr, c’est que ce système est déjà le présent de certaines et certains d’entre nous.

 

Je me demande ce qu’en a pensé la très bonne revue Awotélé consacrée aux cinémas d’Afrique.

Franck Unimon, ce jeudi 13 février 2020.