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Apnée Pour les Poissons Rouges

Personnalités fusionnelles

Photo©️Franck.Unimon

 

 

Personnalités fusionnelles

 

Histoires de couples

 

«  Quand je t’en parle, tu bégayes, c’est que t’as pas envie…. » ; « On s’est embrouillé, je t’aime pas ! » ; « Tu es incapable….. Je te jure, si tu refais ça, je te quitte ! ».

 

 

Depuis quelques semaines, peut-être depuis ma lecture de Réinventer l’Amour de Mona Chollet et de Les Couilles sur la table de Victoire Tuaillon, je regarde les couples opérer. ( J’ai lu Réinventer l’Amour de Mona CholletLes couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. Premières partiesLes Couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. 2ème partie. Ego Trip. )

 

La première phrase de cet article a été prononcée dans une rue près de chez moi. La seconde, dans le train qui venait de quitter Argenteuil pour Paris. Et la troisième, dans le métro parisien. La chronologie n’a pas été respectée. Il a pu s’être passé plusieurs jours ou plusieurs semaines entre les trois « périodes ». Par contre, chaque phrase a été prononcée à chaque fois par une femme dont l’âge se situait, à première vue, entre 20 et 30 ans. Je ne leur ai pas demandé leur âge.

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La première femme assez énervée était en train de remonter une rue près de chez moi tout en s’adressant à quelqu’un dans son téléphone portable. La seconde, assise dans le train direct pour Paris, parlait à un jeune homme qui, embarrassé, a envoyé des textos sur son téléphone portable. Ce jeune homme comptait beaucoup sur les réponses ou les conseils qu’il pouvait obtenir.

La troisième femme, tout en lançant son ultimatum à la tête de son copain, agitait son éventail devant elle. Son copain, assis  à côté d’elle, près des portes du métro, s’est appliqué à rester calme. Mais, aussi, à consulter…son téléphone portable. La jeune femme, tout en continuant de s’éventer a jeté un coup d’œil sur le téléphone portable de celui qu’elle allait peut-être quitter s’il refaisait « ça ! ».

 

J’étais trop loin pour savoir ce qui correspondait à « ça ». Il y ‘avait trop de bruit dans le métro.

 

Un autre jour, dans un supermarché, j’ai aperçu un couple en train de passer à la caisse. Tandis que Monsieur, un homme proche de la trentaine, déposait les articles sur le tapis roulant, mon regard a croisé celui de Madame ou de Mademoiselle. Celle-ci portait des lunettes de soleil noires. Le contact visuel a peu duré. Je suis parti faire mes courses.

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Quelques minutes plus tard, j’ai revu le couple alors qu’il quittait le parking du supermarché. Monsieur conduisait une superbe Mercedes neuve. Madame ou mademoiselle était confortablement installée, côté passager. La route semblait avoir été faite pour eux. Je me suis dit que pour elle, et pour d’autres, réussir son couple, c’était ça. Avoir un compagnon qui fait les courses et qui la conduit au volant d’une grosse Mercedes.

 

Mais le sujet de cet article est dans son titre : Personnalités fusionnelles. Ces quelques scènes décrites plus haut ne démontrent en rien que nous sommes devant des personnalités fusionnelles. J’ai décrit ces scènes pour indiquer que cet article est la suite ou le complément de ceux que j’ai déjà écrits à propos des livres de Mona Chollet et de Victoire Tuaillon cités au début.

 

J’ai aussi décrit ces scènes pour sourire et faire sourire.  

 

Bien-sûr que des hommes peuvent, autant que des femmes, avoir des personnalités fusionnelles!

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Après avoir choisi ce titre pour cet article, je me suis demandé s’il convenait bien pour ce dont je voudrais parler. Car « relations fusionnelles », « personnes fusionnelles », « personnalités dépendantes » me paraît tellement proche aussi de ce dont je voudrais parler.

 

Mais il faut bien choisir un titre. Et, il faut bien se lancer aussi. Cela doit bien faire une dizaine de jours que je pense à écrire cet article puis que je me rétracte. En me disant que cet article a assez peu d’intérêt. Qu’il fait trop « cérébral » ; qu’il va ennuyer toutes celles et tous ceux, qui, cet été mais aussi plus tard, ont surtout besoin de légèreté. Et non pas de quelqu’un qui va venir les encombrer avec des pseudo raisonnements tirebouchonnés à rallonge. Où est passée ma fantaisie ? Je ferais peut-être mieux de partir à sa recherche au lieu de circuler dans mon corbillard.

 

Je n’ai fait aucune étude sérieuse pour cet article. Je vais seulement allonger deux ou trois de mes pensées sur le sujet. En me fiant, aussi, au peu de mon expérience.

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Equilibre et stabilité

 

Il y a quelques années, j’ai eu une copine qui, assez vite au début de notre relation, m’avait dit être « fusionnelle ». Je ne me suis pas senti importuné. J’étais décidé à, enfin, avoir une relation sentimentale durable avec quelqu’un.

 

Elle me plaisait. Je m’entendais bien avec elle.

 

Notre relation avait duré cinq mois. Quelques jours avant notre rupture, elle s’était mise à pleurer dans le lit, chez elle, à mes côtés.

 

Elle ne s’y retrouvait pas dans notre relation. Ce n’était pas possible !

 

« Fin » stratège, et très grand psychologue,  j’avais opté pour partir chez moi. Et pour la revoir un ou deux jours plus tard lorsqu’elle aurait retrouvé ses esprits.

 

A mon retour chez elle, j’avais retrouvé toutes mes affaires préparées près de la porte d’entrée.

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Cinq mois plus tôt, au début de notre histoire, ma copine d’alors m’avait affirmé, chez elle :

 

« Tu es chez toi ».

 

Cinq mois plus tard, j’étais éjecté comme un déchet.

 

Même si elle avait pris le temps de « m’expliquer » la raison pour laquelle elle se séparait de moi, je garde vis à vis de cette rupture un certain sentiment de colère. Non pour la rupture. Une rupture est rarement agréable à vivre. Et j’en avais connu d’autres. Mais pour cette façon d’être évincé. Tout était déjà tranché avant même que je ne revienne chez elle. C’est ça que je n’ai pas aimé.

 

Dans ses explications, ma future ex s’était appliquée à être aussi transparente et humaine que possible. Elle me trouvait monotone. Déplorait que notre humour soit différent. Qu’elle ne riait pas à mes blagues. Et moi, aux siennes. Le flop. 

Je me rappelle aussi de ce constat qu’elle avait fait devant moi :

 

« Tu es le plus gentil des garçons que j’ai connus. Tu m’apportes un équilibre et une stabilité ».

 

Je m’étais abstenu de lui dire que j’en déduisais donc qu’elle recherchait le déséquilibre et l’instabilité dans ses histoires d’Amour. Qu’on lui fasse mal. Puisqu’elle me jetait, moi, le garçon «le plus gentil » qu’elle ait connue et qui lui apportait « équilibre » et « stabilité » :

 

Ma future ex avait ( et a toujours sans aucun doute) un bien meilleur niveau socio-économique que le mien ainsi qu’un niveau d’études supérieur au mien. “L’équilibre” et la “stabilité” qu’elle avait mentionné était affectif et psychologique et aucunement économique. 

 

Dans ses griefs, à aucun moment, ma future ex ne m’avait reproché de se farcir tout le ménage. Mais sans doute cela serait-il advenu avec le temps puisque depuis la lecture de Réinventer l’Amour et de Les Couilles sur la table, j’ai appris que la majorité des femmes, dans les couples, se retrouve surchargée par cette partie de la vie quotidienne. Avec l’éducation et les devoirs des enfants. Mais aussi l’organisation de la vie du couple.

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Respirer

 

Après une rupture, comme après tout événement difficile, il nous est souvent nécessaire de reprendre ou de retrouver notre souffle.

 

Mon ex avait raison : j’avais été beaucoup trop gentil avec elle. J’avais été si volontaire et si désireux que notre relation tienne que j’avais accepté qu’elle empiète sur mon espace et mon intimité. Je ne l’avais pas remise à sa place certaines fois où il aurait été justifié de le faire.

 

A plusieurs reprises,  lors de notre relation, j’avais eu le sentiment d’étouffer lorsque, plein d’entrain, elle venait se coller à moi. Mais je n’avais rien dit. Je m’étais plutôt tenu à distance progressivement : froidement. Je ne savais pas comment m’y prendre avec ce genre de relation…fusionnelle. J’avais d’ailleurs oublié le mot. Pour moi, c’était une relation de couple. Et, j’étais volontaire.

 

Après ma rupture, j’avais retrouvé mon souffle en passant par la déprime, ma vie quotidienne, et une thérapie.

 

Ma première thérapie.

 

Car j’en étais arrivé à la conclusion qu’après cette énième rupture, je ne pouvais plus parler de malchance. J’avais néanmoins commencé à me dire que certaines personnes étaient « douées pour le bonheur » et que, moi, je n’en faisais pas partie.

 

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Ma thérapeute, en écoutant notre histoire et celle de notre rupture, en avait conclu que mon ex et moi nous étions comportés comme ” deux enfants apeurés”. Je n’en n’ai jamais voulu à ma thérapeute pour cette conclusion. Et je garde de ma thérapie de plusieurs mois avec elle et d’autres ( une thérapie de groupe qu’elle m’avait proposé et que j’avais accepté) un bon souvenir.

 

Ma vie quotidienne continuait malgré ma déprime. C’est à cette époque que je fis la rencontre, près de chez moi, à l’exposition Les Cinglés du cinéma, du rédacteur en chef du mensuel de cinéma papier Brazil : Christophe Goffette.

 

Grâce à cette rencontre, pendant deux ans et demi, jusqu’à l’arrêt de parution de Brazil, je fis l’expérience, avec d’autres, de journaliste cinéma. Une expérience qui m’envoya deux fois au festival de Cannes et qui me permit, aussi, de réaliser les interviews de réalisateur et d’acteurs que, bien-sûr, je n’avais jamais imaginé pouvoir rencontrer un jour.

 

Cette expérience, et d’autres, me permirent de mieux respirer. A nouveau.

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Respirer est notre premier besoin. A la naissance, le bébé qui respire mal est placé sous assistance respiratoire. Car mal respirer affecte aussi notre cerveau. Le développement mais aussi les capacités de notre cerveau.

 

Apnée et autonomie

 

 

Je pratique un peu l’apnée dans un club. Un être humain, s’il s’entraîne à l’apnée régulièrement ou s’il a des facilités pour cela, peut se passer de respirer pendant deux à trois minutes pour la moyenne des êtres humains et jusqu’à huit ou neuf minutes pour les plus performants d’entre eux.

Le record du monde d’apnée statique sans équipement pour un être humain est de onze minutes et trente cinq secondes depuis l’année 2009. Record réalisé par le Français Stéphane Mifsud.

 

Je tiens à parler de l’apnée dans cet article car, en Anglais, « Apnée », se dit « Free Dive ». « Immersion » ou « Plongée » libre.

 

Par « Libre », il faut comprendre « autonome ». Sans équipement : sans bouteille comme les plongeurs bouteille.

 

Un être humain, lorsqu’il pratique l’apnée, selon son niveau de pratique mais aussi selon sa forme morale, physique et la température de l’eau, peut donc « tenir » entre deux et neuf minutes dans l’eau sans respirer. Et sans que sa santé morale ou physique soit affectée par cette apnée. S’il a tenu compte de ses limites, il peut même avoir du plaisir à pratiquer ces apnées.

 

Affectivement, je me demande dans quelle mesure les capacités d’autonomie de l’être humain peuvent se rapprocher de celles d’une personne qui pratique l’apnée :

 

Je me demande au bout de combien de minutes, en moyenne, un être humain a t’il besoin de reprendre contact avec un de ses semblables pour se sentir « bien ».

Photo©️Franck.Unimon

 

Cette durée sera évidemment variable selon les âges, selon les moments, selon les situations et selon les personnes.

 

Un bébé a, a priori, plus besoin d’être régulièrement en contact avec ses parents ou des personnes attentives et bienveillantes qu’un enfant de cinq ans ou qu’un adulte de trente deux ans. Sauf que le développement de certains modes de vie vient contredire ça.

 

Séparation/ Silence/ Lenteur :

 

Il y a plusieurs années, le Dr Bruno Rist, un des meilleurs- si ce n’est le meilleur- cliniciens avec lesquels j’ai travaillé, médecin chef (pédopsychiatre) du service où je travaillais alors, s’était amusé à nous voir avec nos téléphones portables. Sans doute étions-nous en train de manipuler notre portable ou d’envoyer des sms. Il nous avait alors dit en souriant :

 

« Cela veut dire que vous n’êtes jamais séparés ».

 

La séparation mais aussi le silence et la lenteur sont des situations et des périodes de notre vie que nous pouvons avoir du mal à soutenir. Beaucoup, dans nos vies, doit aller vite et doit s’entendre, être entendu ou vu. S’il y a séparation, s’ouvre le silence et peut-être l’oubli, la disparition, l’inconnu. Ce qui peut rapidement devenir difficile à vivre pour certaines personnes.

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J’ai parlé de la « lenteur ». Mais « l’inaction » ou ce qui ressemble à de « l’inaction » ou à de « l’indifférence » peut être aussi difficile à vivre que « la lenteur ». Se retrouver face à quelqu’un qui nous donne l’impression que nous n’existons pas car elle ou il ne réagit pas « normalement » ou selon un langage que l’on peut « voir » et comprendre a aussi quelque chose de dérangeant.

 

La fusion avec l’autre, c’est la certitude qu’il ou qu’elle pense- rapidement- comme nous. Mais, aussi, qu’il ou qu’elle est- rapidement- avec nous.

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La fusion est donc le contraire de la lenteur, de l’inaction, de l’indifférence, de la séparation et du silence. C’est le contraire de l’expérience de l’apnée où, lenteur, séparation (d’avec le temps, d’avec la surface, d’avec l’angoisse, d’avec l’agitation) et silence sont assez recherchés.

 

Nous sommes poussés régulièrement à être des personnalités fusionnelles. Nous avons nos smartphones. Nos milliers de sms et de mms quotidiens. Nos réseaux sociaux. Nos appels illimités. Nos écrans. Les multiples incitations publicitaires. Ce que nous percevons du bonheur supposé des autres.

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Le Pouvoir de notre intolérance

 

 

L’un des travers de la fusion, en plus de la dépendance qu’elle entretient en nous, c’est qu’elle augmente le pouvoir de notre intolérance (à la frustration) :

 

Celle ou celui qui ne nous ressemble pas. Celle ou celui qui ne fait pas partie de notre clan ou de notre groupe. Celle ou celui qui ne colle pas- très vite- avec ce que l’on exige d’elle ou de lui. Celle ou celui qui ne pense pas- très vite- comme nous ou qui s’écarte un peu est jugé et condamné rapidement.

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Un des exemples les plus courants de cela depuis quelques années se retrouve dans les « clashes » entre les rappeurs. Untel a « trahi ». Untel ne fait pas partie de telle tendance. Untel a dit ceci.

 

 

Cette sélection/exclusion par la fusion « marche » aussi pour les couples, les groupes d’amis. Mais elle peut également  « marcher » dans le monde du travail entre collègues.

 

 

Notre tendance à la fusion s’étend de jour en jour. Elle permet des plus ou moins grandes rencontres. Elle en empêche aussi.

 

 

C’est ainsi que bien que volontaires pour certaines expériences, et malgré nos efforts, on peut être amené, un jour, en revenant, à retrouver nos affaires qui nous attendent contre un mur près d’une porte d’entrée. Il nous revient alors de savoir plier bagage afin d’aller retrouver de l’air ailleurs.

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Franck Unimon, ce lundi 8 aout 2022.

 

 

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Apnée

Aujourd’hui, nous avons repris l’entraînement d’apnée

La piscine de Colombes, fin novembre 2021.

   Aujourd’hui, nous avons repris l’entraînement d’apnée

 

Ce soir à 20 heures, nous avons repris l’entraînement d’apnée dans la piscine de Colombes. Dans quelques mois, nous irons nous entraîner dans la piscine d’une autre ville. La municipalité va entreprendre des travaux afin que le bassin où nous nous entraînons habituellement soit réservé à l’entraînement d’une discipline olympique.

 

La température extérieure ce soir, 7 ou 8 degrés, m’a peut-être un peu refroidi pour venir. Mais je savais qu’une fois dans l’eau, tout cela serait oublié. En conduisant, j’écoute des titres du groupe haïtien Tabou Combo : Mario Mario et Bambou Penche – Pa Casse.

 

 

Jean-Pierre, le plus ancien du club, cinquante ans de présence, plus de 70 ans, est le moniteur du groupe dans lequel je suis. Je l’ai rencontré dès mes débuts dans le club il y a quatre ou cinq ans. Dès mes premières séances sous l’eau. J’ai un peu évolué depuis.

 

Mais moins que lui.

 

Avant notre échauffement qui  consiste à faire « au moins » deux cent mètres de natation, il nous apprend être allé nager ce matin aux étangs de Cergy.

« Je vais nager tous les deux jours » nous rappelle-t’il. Ce matin, aux étangs de Cergy, il faisait moins un degré. Lorsque je l’entends parler de sa sortie aux étangs ce matin, je me dis que j’ai encore raté une occasion d’aller nager aussi.

 

Après les deux cents mètres d’échauffement, Jean-Pierre nous demande, par binôme, sur deux cent mètres, d’alterner vingt cinq mètres en apnée suivis de vingt cinq mètres de récupération active. Et ainsi de suite. Pour « digérer » les excès des repas de Noël nous dit-il avec son petit sourire.

 

A ce moment de la séance, nous avons tous nos palmes aux pieds. Je fais partie de ceux qui s’échauffent en nageant sans palmes. J’ai aussi mis ma souris ( une combinaison en néoprène sans manches de 2 à 3 mm) qui comporte une capuche. Dans la piscine, nous avons obligation de porter un bonnet.

Assis au premier plan, au milieu, T. A sa droite, S. A gauche, M. Debout qui s’éloigne, avec le nécessaire de secours, Yves, le responsable de la section apnée du club. La piscine de Colombes, un samedi matin, fin novembre 2021.

 

Je suis avec T. T dit régulièrement en début de séance qu’il n’est pas en forme. Qu’il a trop fumé. Qu’il a trop ceci. Qu’il a trop cela. Ce soir encore. Mais une fois sous l’eau, je constate alors que je le regarde onduler qu’il se porte bien.

 

Vingt cinq mètres d’apnée d’emblée, c’est généralement trop pour moi dès le début. J’ai besoin de me rôder. C’est étonnant comme chacun selon son tempérament- mais aussi ses capacités- a besoin de plus ou moins de temps pour bien entrer dans l’eau. Par exemple, souvent, lors de l’échauffement, je vois des copains et des copines d’entraînement fuser dans l’eau comme pressés ou catapultés. Je ne peux pas faire ça. Je risquerais la fracture.

 

Pourtant, ce soir, je tiens assez bien l’exercice de départ. Les vingt cinq mètres  d’apnée, la prise d’appui, respirer, faire le signe OK à mon partenaire. Faire vingt cinq mètres en récupération active. Puis repartir pour vingt cinq mètres d’apnée. Pendant deux cents mètres.

 

Tout le monde termine l’exercice. Nous récupérons. Jean-Pierre nous demande cette fois-ci de commencer par faire vingt cinq mètres d’apnée. De récupérer une minute. Et de repartir pour vingt cinq mètres d’apnée. Et de souffler quarante cinq secondes. Avant de se lancer pour vingt cinq autres mètres en apnée. Retirer quinze secondes de récupération à chaque arrêt. C’est moi qui tiens le chrono pour mon partenaire et moi. Ma montre, désormais rayée, a une petite histoire avec l’apnée dans cette piscine. Mais je la raconterai un autre jour.

 

Lorsque nous avons effectué la série où il s’agit de récupérer quinze secondes, T me répond qu’à son avis, il s’agit ensuite d’augmenter de quinze secondes les phases de récupération. Nous prenons trente secondes de récupération puis nous nous arrêtons après vingt cinq mètres d’apnée. Le reste du groupe nous rejoint dont Jean-Pierre.

 

Le nouvel exercice est le suivant : nous commencerons pas quinze secondes d’apnée statique puis nous partirons pour vingt cinq mètres d’apnée. A la sortie de l’eau, une minute de récupération. Puis trente secondes d’apnée statique avant de repartir pour vingt cinq mètres d’apnée. Suivis d’une minute de récupération, quarante cinq secondes d’apnée statique et vingt cinq mètres d’apnée. Jusqu’à arriver à une minute de récupération pour une minute d’apnée statique suivie de vingt cinq mètres d’apnée.

 

Cette alternance apnée statique/apnée dynamique met le corps et l’esprit en condition pour l’apnée. Il nécessite un relâchement ainsi qu’une certaine prise de confiance en soi. Car, instinctivement, après avoir arrêté de respirer pendant un certain temps, le réflexe est plutôt de sortir sa tête hors de l’eau pour reprendre de l’air. Alors que, nous, nous faisons tout le contraire. Nous faisons un canard et descendons vers le fond de la piscine  jusqu’aux vingt cinq mètres.

 

Nous avons déjà fait cet exercice. Si je me rappelle bien, il avait pu nous arriver de monter jusqu’ à deux minutes d’apnée statique avant de descendre ensuite pour faire  vingt cinq mètres en apnée.

 

Mais ce soir, lorsqu’arrive le moment où nous devons faire une minute d’apnée statique avant de partir, je n’y arrive pas. Je sors alors ma tête pour respirer, regarde la trotteuse. Et lorsque c’est le moment, je touche T pour lui signifier le départ et le suit en apnée.

 

J’ai dû mal récupérer à un moment donné. Ou peut-être que le fait de tenir la montre m’a-t’il empêché de me détendre suffisamment. Habituellement, durant cet exercice, lorsque quelqu’un d’autre annonce le départ, je ferme les yeux dans la phase d’apnée statique et m’allonge le plus possible. Je n’ai pas pu fermer les yeux ce soir vu que je regardais ma montre. Et regarder les secondes passer aide assez peu pour effacer le temps.

 

Après un nouveau moment de récupération, Jean-Pierre nous demande de faire vingt cinq mètres en apnée, puis, passés les vingt cinq mètres, de « vider nos poumons » en expirant jusqu’aux trente sept mètres cinquante. Et de récupérer activement ensuite jusqu’aux cinquante mètres. Expirer est ici la consigne donnée par Jean-Pierre et elle permet de se détendre. Hors de cette consigne, une personne pratiquant l’apnée qui expire sous l’eau et qui lâche des bulles évoque un début de noyade.

 

Pour finir, Jean-Pierre nous propose de faire un cinquante mètre en apnée au maximum. Nous en faisons un premier. Le groupe prend le temps de se reposer. Jean-Pierre fait quelques rappels afin de bien se relâcher et de bien faire baisser son diaphragme afin de prendre le plus possible d’air.

 

En tout, nous ferons trois cinquante mètres en apnée. Ce dimanche, il y aura une sortie en fosse à Conflans Ste Honorine. Mais je ne pourrai pas y aller.

 

Sur le parking de la piscine, je recroise Yves, le responsable la section apnée en pleine discussion avec d’autres responsables du club.

 

Je lui dis qu’il est trop couvert : Yves- très peu frileux- porte un petit blouson en cuir grand ouvert sur un tee-shirt manches courtes. Il me répond que c’est sa tenue de ville. Puis m’apprend que les réservations sont ouvertes sur le site du club pour le stage d’apnée et de chasse sous-marine prévu en Bretagne au moins de juin. Pour moi, c’est un stage à ne pas manquer. Si j’y vais, ce sera mon quatrième stage d’apnée avec le club, à chaque fois en Bretagne.

 

Du côté de Quiberon, avec le club, Mai 2021.

 

 

En repartant, j’écoute Tricky & Radagon sur le titre Street Times de Sly and Robbie.

 

Franck Unimon, ce jeudi 6 janvier 2022.

 

 

 

 

 

 

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Quiberon, Mai 2021.

Quiberon, Port Haliguen, mois de Mai 2021. Sur le zodiac, alors que nous partons en mer, sûrement sur l’île de Hoat.

 

                        Quiberon, Mai 2021.

 

 

Cet article fait suite à l’article Je ne suis pas un aventurier publié un peu plus tôt cette semaine. Lequel article était déjà la suite de….Préparatifs pour le stage d’apnée à Quiberon, Mai 2021 . On peut aussi voir ou revoir l’interview filmée qu’un ami et moi avions faite ( avant que je ne m’inscrive dans mon club actuel d’apnée), de l’apnéiste Guillaume Néry et sa compagne Julie Gautier en 2016, je crois : Interview des apnéistes Julie Gautier et Guillaume Néry en 2016 

 

Mais si ce que vous êtes en train de lire vous ennuie, ou vous paraît déjà beaucoup trop long. Ou que vous ne savez pas lire. Ou que vous êtes très très fatigué(e)s . Ou que vous manquez de temps.  Ou que vous avez faim et envie de passer à table. Ou que vous avez votre ménage ou la vaisselle qui vous traque. Ou que vous êtes en train de mourir. Ou que vous avez votre tiercé ou du compost à aller faire. Alors, et seulement, alors, un diaporama en musique  vous attend déjà. Il est tout en bas de l’article. Ce n’était pas la peine de rester là. Pour regarder le diaporama, il vous suffira de descendre à la fin de cet article. Et, ensuite, peut-être, de tout remonter pour lire un peu. Et en savoir un peu plus sur ces images que vous aurez regardées. C’est terminé, les articles où on vous enchaine pendant trois quarts d’heure, pour, à la fin, vous distribuer deux ou trois petites illustrations grossièrement dessinées à la main et qui sentent  le renfermé.

 

Le diaporama dure moins de cinq minutes. Cela est vérifiable scientifiquement ou simplement avec une montre ou un téléphone portable qui marche. Les photos sont éclairées suffisamment. La musique est peut-être adéquate.

 

 

En vous souhaitant un bon voyage. Pour les autres, les volontaires ou les condamné(es) de la lecture, ça commence d’abord, ici, par ce titre presqu’engageant….

 

Pourchassés

 

 

J’ai tangué encore un petit peu, ce matin, au moment du petit-déjeuner. Mais ça n’avait peut-être rien à voir avec ces quelques jours passés à Quiberon où, avec mon club d’apnée, nous sommes sortis en mer.  Pour….. chasser.

 

Parce-que, hier soir, ce mercredi, avant d’aller me coucher, pour la première fois depuis mon retour de Quiberon dans la nuit de dimanche à lundi, j’ai recommencé à lire des journaux. Je me « devais » d’être informé.

 

La Croix. Le Parisien. Le Canard Enchaîné. Un journal « gratuit », compilation des journaux officiels.

 

Après les avoir parcourus en grande partie, je me suis demandé ce que j’avais appris.

 

Le Jihadisme en Afrique (Cameroun, Nigeria….). Les groupes terroristes Daech et Al- Qaida étaient toujours vivants et bien portants. « Il reste beaucoup à faire ». Les bombardements de la Palestine par le Premier Ministre israélien Netanyahou «  en état de faiblesse ? ». Le retour de Manuel Valls en politique en France après sa parenthèse (également politique) de trois ans à Barcelone.

Le « différend » entre Gérald Darmanin, « notre » Ministre de l’intérieur, et Audrey Pulvar, alliée politique d ‘Anne Hidalgo, actuelle Maire de Paris, et possible candidate aux prochaines élections présidentielles françaises de 2022. «  Le paiement sans contact, nouvelle cible des truands ». Le Covid : « vaccination obligatoire : le débat relancé ». « Serial Killer : LE PLUS ANCIEN DETENU DE FRANCE ASSASSINAIT LES BRUNES ». « L’ombre du génocide rwandais plane sur le diocèse de La Rochelle ». « Cinéma : The Father, dans la tête d’Anthony Hopkins », premier film oscarisé de l’auteur Florian Zeller. Un film très « joyeux » à ce que j’ai compris. L’acteur Anthony Hopkins, oscarisé pour ce rôle, est par ailleurs, coïncidence, devenu célèbre pour son rôle d’Hannibal Lecter, un tueur en série, dans le film Le Silence des Agneaux, sorti en 1991. Un film que j’avais aimé voir. Je suis aussi porté sur le sujet des tueurs en série. J’en reparlerai dans d’autres articles. Mais, en attendant, en lisant ces « nouvelles », hier soir, qu’est-ce que j’ai pris ! Mais, aussi, qu’est-ce qui m’avait pris ?!

 

 

 

Des réflexes d’alcoolique

 

Ce qui m’a pris ? Ce qui m’a repris, plutôt, c’est ce réflexe conditionné de « citoyen », de bon écolier, de mouton ou « d’alcoolique » des mauvaises dynamiques qui, après avoir brouté pendant un laps de temps assez court, une certaine liberté et une certaine détente, se croit invincible. Et se croit obligé de revenir se ligaturer les pensées, l’imaginaire et la sensibilité dans ce brouhaha anthropophage, délétère et auto-recyclé de nos combines et de nos névroses quotidiennes.

 

Or, comme a pu le dire une personne essayant de se sevrer de l’alcoolisme :

 

« Si tu bois et que tu as un problème, tu as deux problèmes ! ».

 

En lisant hier soir ces journaux, c’est étonnant, comme, subitement, j’avais à nouveau beaucoup de problèmes. Des problèmes sur lesquels j’avais très peu de prise, qui me survivraient très certainement et dont j’acceptais, en quelque sorte, de redevenir le spectateur, le consommateur, le goulot, l’idiot, le débiteur massif,  intrépide, captif autant qu’impuissant…..

 

Tout n’est pas mauvais dans le quotidien comme dans un certain nombre de nos routines. Mais il y a néanmoins beaucoup de déchèteries et de vinasses mentales, et autres, et quantité de rustines, d’urines dégradées, avec lesquelles nous nous torchons comme s’il s’agissait de remontants dont nous aurions besoin pour nous exalter. Alors qu’ils nous détruisent.

 

A Quiberon, des « conditions de chiens » :

 

 

 

A Quiberon,  en pleine mer, la mer était assez « sale » : du fait des conditions météos. Courants, houle, vent (entre 30 et 40 nœuds en moyenne). Il y avait une certaine turbidité de l’eau qui rendait la visibilité plutôt mauvaise. A peine trois ou quatre mètres.

Lorsque j’essayais, en surface, d’assurer la sécurité de J-L, qui venait d’effectuer son canard et qui, lesté de ces 7, 8 ou 9 kilos de plomb, s’enfonçait vers le fond, je finissais toujours par le perdre visuellement. Même en « apprenant » un peu à deviner sa trajectoire, sa façon de se diriger dans la profondeur, un peu particulière et peut-être influencé par sa main qu’il portait à son nez pour faire son vasalva :

 

J-L descendait d’abord en oblique, longue tige tournant son dos au fond, rallongeant la distance qui l’éloignait du fond, puis, adoptant une sorte de demi-tour. Ce qui faisait qu’une fois au fond, à l’horizontale, il partait pratiquement dans le sens opposé de son arrivée.

C’était drôle à voir tant que je le « voyais », mon masque sur mon visage rentré dans l’eau, mon tuba en bouche pour respirer, alors que j’étais allongé à la surface, et que les vagues et le courant, me faisaient un peu dériver sans que je m’en aperçoive.

 

Puis, lorsque J-L resurgissait quelques mètres plus loin, derrière ou devant moi, c’était ensuite à mon tour de « descendre » avec mes 8 kilos de plomb, palmes, masque, tuba et ma combinaison en néoprène, bien-sûr :

7mm5 pour le torse et le dos ; 5 mm pour la tête et les mains ; 3 mm pour les pieds. Protection thermique utile pour une eau comprise, durant notre séjour, entre 12 et 14 degrés. Et pour des sorties en mer de 1h30 à 2h30.

 

Plusieurs fois, j’ai eu les pieds engourdis par le froid. Mais cela a été supportable. J’essaierai de trouver des chaussons plus chauds avec la même épaisseur. Car, trop épais, les chaussons peuvent être difficiles à mettre dans les palmes et cela serait inconfortable.

 

A Loctudy, en Mai 2017, où la température de l’eau avait été anormalement élevée, entre 16 et 18 degrés, je crois, j’ai l’impression qu’il avait pu nous arriver de rester 3 heures ou 3h30 dans l’eau sans que je me ressente du froid.

 

Mais à Quiberon, et dans les alentours, il y a quelques jours, nous aurions « plongé » dans des conditions de « chien » selon deux chasseurs (F et J), des apnéistes férus de chasses sous-marine que nous avons croisés, amis de J-P, un de nos moniteurs encadrants.

 

F nous a aussi dit qu’il chassait « toujours, sous le vent ».

 

Je ne me suis pas particulièrement rendu compte de ces conditions de « chien » mentionnées pas F et J. Si ce n’est, peut-être, en comparant le résultat des chasses à Quiberon avec celles effectuées lors des précédents stages que j’ai effectués auparavant avec le club :

 

A Loctudy en Mai 2017. Puis en Octobre 2020 à Penmarch.

 

Bien-sûr, les températures de l’eau en Bretagne sont plus froides, et les marées sont différentes de celles que j’ai pu connaître en Guadeloupe où j’ai passé mes deux premiers niveaux de plongée avec bouteille il y a plusieurs années. Mais les « conditions de chien » mentionnées ici se rapportent à d’autres éléments.

 

 

Chasse sous-marine : une chance et un privilège

 

 

D’abord, nous étions bien plus nombreux à Loctudy (près d’une trentaine) et déjà moins nombreux à Penmarch (neuf) contre « seulement » six, cette fois, à Quiberon. Mais les conditions de chasse sous-marine étaient sans doute meilleures malgré tout lorsque nous étions allés à Loctudy et à Penmarch. Cette fois-ci, à Quiberon, « nous » nous sommes donc encore plus rabattus que d’habitude sur les araignées de mer. Et sur…. les huîtres.

 

Lorsque j’écris « nous » : c’est surtout les autres membres du groupe qui ont chassé.

 

J’ai bien attrapé deux ou trois araignées : rien de plus « facile » même si, à Loctudy en 2017, pour moi, cette « facilité » était « difficile ». Car il s’agissait quand même de s’enfoncer dans l’eau avec une ceinture de plomb autour des reins, sans bouteille de plongée puisqu’il est interdit de chasser avec bouteille. De repérer l’araignée, l’attraper sans se faire pincer les doigts, remonter à la surface et la mettre dans son filet. C’est simple dit comme ça. Mais lorsque l’on n’est pas familier avec la ceinture de plomb, le fait de descendre au fond de la mer, en tenant compte de ses tympans, de son souffle et autres, cela fait un certain nombre de paramètres à enregistrer.

 

 

Aujourd’hui, et, pour l’instant, même si je peux et sais attraper des araignées de mer, je ne suis pas un chasseur. Je n’ai pas l’esprit à la chasse lorsque je « plonge » en apnée. Je suis plutôt un contemplatif.

Je comprends l’intelligence, le plaisir, et j’admire l’aptitude d’adaptation étonnante qu’il y a à  chasser sous l’eau. En se fondant dans le décor marin. En rusant avec la proie ou le poisson. En composant avec la houle et le courant. En ayant le coup d’œil pour repérer la proie même lorsqu’elle se cache. Et la « tirer » ou la « faire » au moyen de l’arbalète ou du « fusil de chasse » sous-marin.

J’admire ces chasseurs sous-marins capables de passer cinq ou six heures dans l’eau, de s’alimenter et de s’hydrater en pleine mer, juchés sur leur bouée comme si de rien n’était. Comme si c’était pareil que de faire du vélo, un footing ou d’être dans son canapé devant un bon film ou un bon livre.

 

A Penmarch, en octobre, j’avais aimé ce moment, où durant plusieurs secondes, posé sur le sable, mêlé à l’environnement, au fond de l’eau, à l’agachon, j’avais pu observer, un ou deux poissons, à quelques mètres, sous une petite grotte traversante, sur ma gauche. Les deux poissons se tenaient face au courant.

 

Ce genre de vision ou d’expérience vécue en apnée, impossible ou invisible pour nous, humains, à l’œil nu depuis la Terre, reste sans doute plus longtemps dans la mémoire. Car, dans nos conditions normales d’existence, sur la terre, et avec nos poumons, nos insuffisances mais aussi nos peurs, nous n’avons pas accès à ce monde.

 

 

 

Je comprends, aussi, la nécessité à apprendre à devenir chasseur sous-marin. Pour se nourrir. Ou nourrir sa famille ou son entourage. En respectant certaines règles : une certaine taille de poisson ou d’araignée. Certaines espèces et pas d’autres. Le sexe, aussi, de telle espèce afin de préserver sa reproduction.

 

Je comprends évidemment, aussi, la nécessité d’apprendre à préparer, dans la mer, le poisson que l’on a attrapé en l’accrochant d’une certaine façon afin qu’il ne s’échappe pas. En l’éviscérant comme il se doit. Dans mon club d’apnée, il se trouve un certain nombre d’adeptes expérimentés de la chasse sous-marine. Mais aussi de cuisiniers aptes à préparer ce qui a été pêché. Tel le carpaccio de vieille. Y m’a appris à faire des filets sur une vieille. Laquelle avait déjà été écaillée.

 

On peut trouver ça dégoûtant. Je trouve que c’est plutôt une aptitude à acquérir. Entre rester complètement dépendant de supermarchés,  de boites de conserves, de publicités ou d’informations monopolisées- et colonisées- par quelques uns et savoir, si nécessaire, aller pêcher en mer ou ailleurs, avec quelques uns ou seul, je préfèrerais, dans l’idéal, apprendre aussi à chasser ou à pêcher moi-même ce dont j’ai besoin ou peux avoir besoin.

 

 

C’est donc une chance et un privilège, pour moi, d’avoir pu être présent lors de ce stage « d’apnée » à Quiberon.  Et, encore plus alors que nous sommes encore nombreux à vivre dans les filets de la pandémie du Covid.

 

Devenir plus autonome :

 

Même si, pour l’instant, je ne suis pas un chasseur. Et que je « dois » devenir plus autonome. C’est d’ailleurs ça qui est plutôt ma priorité pour l’instant dans l’eau :

 

Me sentir plus à l’aise sur l’eau et au fond de l’eau. A Quiberon, j’ai commencé à découvrir que ma bouée était aussi ma maison. Car j’ai commencé à la personnaliser selon mes besoins et mes envies. Avec l’aide de mes encadrants du club. Et, d’après ce que j’ai vécu dans l’eau. Avec J-P, j’ai ainsi agrandi la garcette qui relie mon filet à ma bouée. Dans ce filet, je mets des barres de céréales dans leur emballage, des compotes, ma bouteille d’eau ainsi que ma chasse.

 

J’ai acheté d’autres mousquetons et les ai essayés. J’ai été content à plusieurs reprises, en revoyant la corde épaisse, et jaune, de ma bouée, lestée de plomb, alors que je m’approchais. Parce-que c’était devenu ma maison. Ce n’était pas le cas jusqu’alors. Jusqu’alors, à Loctudy et à Penmarch, c’était principalement ma bouée. Pour être vu, repéré. Pour me poser dessus à certains moments. Pour me déplacer.

 

Mes oreilles :

 

J’aimerais mieux faire « passer » mes oreilles. Mes oreilles « passent » suffisamment pour pêcher mais, de par ma petite expérience de plongeur bouteille, je sais qu’elles pourraient passer « mieux » et plus profond :

 

Pour l’instant, en apnée, je suis limité à une profondeur comprise entre 7 et 10 mètres.  Que ce soit en fosse ou en mer. Alors qu’en plongée bouteille, j’ai pu descendre à 40 mètres.

 

Je déglutis pour faire passer mes oreilles. Vasalva, Frenzel, ça n’agit pas pour moi. J’ai déjà essayé. Je veux bien réessayer mais, tout ce que j’obtiens, c’est des grosses bulles. Et la pression sur mon oreille, principalement la gauche, reste la même.

 

Mais les conditions entre la plongée avec bouteille et celle en apnée étaient différentes. D’un côté, en plongée bouteille, je dispose de bien plus d’air à disposition et je peux me permettre de prendre mon « temps » pour compenser mes tympans :

 

Réaliser l’équilibre entre la pression exercée sur mes tympans par tout le poids et le volume de l’eau de la mer et la pression présente dans mes tympans.

 

De l’autre, chaque fois que j’ai fait de la plongée avec bouteille, je plongeais régulièrement, à raison de trois à quatre plongées par semaine sur plusieurs semaines de suite. Là, où, en apnée, pour l’instant, je pratique des stages de quelques jours séparés dans le temps de plusieurs mois ou de plusieurs années. C’est sans doute trop peu régulier pour que mes tympans aient le temps de se « faire » à la mer. D’autant qu’en apnée, vu que notre réserve d’air disponible est moindre qu’en plongée avec bouteille, nous nous devons en quelque sorte davantage d’être en « osmose » avec nos capacités corporelles et physiologiques:

 

Nous sommes à la fois plus « libres » (car sans bouteille. En Anglais, apnée se dit Free Dive) mais aussi plus exposés. En cas de « problème » qui nous retiendrait sous l’eau ou nous éloignerait de notre bouée ou du bateau, nous n’avons pas de détendeur d’air à portée de main ou de binôme qui pourrait nous passer son détendeur de secours.

 

J’ai bien-sûr pensé à une cause psychologique concernant ma difficulté à faire passer mes oreilles, en apnée, au delà des 7 à 10 mètres. Il est vrai que l’expérience de la fosse de vingt mètres reste pour moi assez angoissante. Même si, tête en haut, j’ai pu descendre jusqu’à quinze mètres assez facilement.

Mais une discussion avec ma mère m’a appris qu’enfant, j’avais fait des otites et que j’avais été opéré. Je crois donc que la « rigidité » tympanique que j’ai à l’oreille gauche vient peut-être, tout simplement, de la cicatrice chirurgicale, qui a besoin d’un peu de temps pour être assouplie et mieux « passer » les profondeurs.

 

En plongée bouteille, j’ai déjà fait l’expérience qu’une fois bien acclimatées, mes oreilles descendent bien, ou « glissent » dans les profondeurs. Toujours en déglutissant.

 

Il faut se sentir en « conformité » ou en « adéquation » avec ses organes lorsque l’on pratique la plongée avec bouteille. Ou l’apnée.

 

Une fois que l’on est en adéquation avec nos organes et  notre humeur, on peut se rapprocher de grands plaisirs mais aussi du danger.

 

Le Danger :

 

La plongée avec bouteille est une discipline technique, exigeante et risquée.  Des gens en meurent.

La pratique de l’apnée est tout autant une discipline technique, exigeante et risquée. Mal pratiquée, on peut aussi en mourir.

 

Pourtant, à Quiberon, lors de ce stage d’apnée il y a quelques jours, comme à Penmarch en octobre dernier ou à Loctudy en Mai 2017, je n’ai pas eu cette impression de risquer ma vie. J’ai deux ou trois explications à cela.

 

L’expérience :

Comme je l’ai déjà écrit, je ne suis pas un aventurier. Et, je suis plutôt quelqu’un de prudent. Mais j’ai un peu d’expérience en plongée avec bouteille et, désormais, en apnée. Avec mon club en piscine mais, aussi, en mer.

 

Cependant, comme dans toute discipline risquée ou un peu risquée, il faut aussi savoir se méfier de notre expérience.

 

Bien des plongeurs avec bouteille, mais aussi des apnéistes, confirmés sont morts en mer. C’est pareil pour des automobilistes, des cyclistes, des piétons  ou des professionnels confirmés dans bien des domaines. Il est certaines négligences ou certains excès d’assurance et d’optimisme, qui, lors de certaines circonstances, peuvent avoir des conséquences traumatiques, définitives, ou, si on a un peu de chance, des incidences plus ou moins bénignes. Dans le domaine sportif, pour changer, on peut se rappeler l’accident de ski de l’ancien champion du monde d’automobile, Michael Schumacher. Adepte du ski hors-piste, et sportif d’excellence, Schumacher avait  sans aucun doute des aptitudes hors-normes pour la pratique du ski. Mais aussi un certain excès de confiance qui a dû faire partie des conditions qui ont provoqué son grave accident.

 

Ce revers de l’expérience- l’excès de confiance- peut néanmoins, aussi, me concerner. Comme il peut, aussi, concerner les responsables de l’encadrement de mon club, ainsi, que les autres membres du club, présents avec nous lors de ce stage.

 

 

 

La Confiance :

 

Si toute entreprise humaine, quelle qu’elle soit, repose sur la confiance que l’on peut avoir dans ses partenaires et encadrants, mais, aussi, en soi-même, il est manifeste que la confiance doit être au rendez-vous lorsqu’une entreprise comportant une part de risque modérée ou élevée est envisagée.

 

 

Plusieurs origines

 

J’avais évidemment confiance dans mon encadrement comme dans mes partenaires de club. Cette confiance a plusieurs origines. Elle vient d’abord de moi : c’est parce-que j’avais un minimum de confiance en moi que j’ai décidé, un jour, personnellement, de m’engager dans cette discipline particulière qu’est l’apnée. Où Il s’agit d’accepter d’arrêter de respirer en ayant la tête et les parties respiratoires, et pas seulement génitales, immergées dans l’eau pendant un certain temps. Et, cette eau peut aussi, avoir, une température variable. Ou comporter du courant.

 

Or, nous ne sommes pas des poissons. Même si, à une époque très lointaine, l’être humain, avant de devenir ce qu’il est aujourd’hui, a probablement été issu d’un mammifère ou d’un être vivant marin.

 

Ensuite, plus que dans d’autres disciplines, l’apnée et la plongée avec bouteille se déroulant dans des environnements où nous nous déposons provisoirement à la surface de la vie et de la mort, en arrêtant de respirer, il importe particulièrement d’avoir suffisamment confiance dans celles et ceux qui nous accompagnent dans l’eau pour cette expérience. Ou qui nous proposent d’y évoluer dans certaines conditions.

 

La confiance ne se commande pas. C’est un peu comme le désir. Une personne peut bien avoir un pedigree exceptionnel. Si, pour une « raison » ou pour une autre (c’est plutôt d’ordre émotionnel, viscéral et instinctif) cette personne certifiée, volontaire, plus ou moins avenante, nous inspire le contraire de ce qu’elle est ou de ce qu’elle représente, nous serons dans la méfiance, sur la défensive, voire dans le refus ou dans la fuite.

 

 

La confiance est donc un baromètre et un critère plus qu’important dans la pratique de l’apnée.  Et cela ne se contrôle pas toujours très bien.

 

Mais il est un autre critère qui m’a sauté particulièrement aux yeux cette fois-ci, à Quiberon, et qui s’ajoute à la confiance. Ou qui peut l’aider à advenir.

 

 

La Bienveillance :

 

Si bien des entreprises humaines se réalisent par la violence, fondatrices comme destructrices, ce qui m’a marqué lors de ce stage à Quiberon, c’est cette bienveillance constante qui a servi nos relations. Nous étions un petit groupe de six. Deux encadrants en titre. Deux encadrants plus récents mais néanmoins expérimentés dans l’eau. Et, deux pratiquants plutôt débutants dont je fais partie :

 

Je veux bien, d’ailleurs, accepter le titre de débutant ou de jeune pousse apnéiste du groupe. Au vu de ma dépendance encore très forte (presqu’une ventouse) envers l’encadrement. Ne serait-ce que pour réaliser un « simple » nœud de chaise ou pour dérouler ma corde correctement dans l’eau sans faire de nœuds.

 

 

Ces disparités de parcours et d’expériences marines et apnéistes pourraient d’emblée établir une hiérarchie verticale et monolithique. Et, évidemment, il y avait une hiérarchie établie et commune, acceptée de manière consensuelle. A aucun moment, par exemple, je ne me suis improvisé capitaine ou pilote du Zodiac qui nous a transporté. Comme, à aucun moment, je n’ai contesté l’endroit où ancrer le bateau et où nous allions nous mettre à l’eau : Je suis totalement incompétent dans ces domaines. Et je le sais.

 

 

Néanmoins, à terre, comme sur zodiac et dans l’eau, nous restions six personnalités, six individus. Une femme, six hommes. Et, comme nous le savons tous, nous autres, êtres humains, nous pouvons avoir un projet commun. Mais cela ne signifie pas pour autant  pour que nous parviendrons à le réaliser ensemble. Même si, sur le papier et en théorie, nous avons tout ce qu’il faut à notre disposition pour concrétiser ce projet :

 

Les compétences, l’envie, la volonté, le matériel, l’argent, l’expérience….

 

Car nous avons chacune et chacun nos particularités, nos tempéraments, nos rythmes, nos limites, nos egos, notre susceptibilité, notre façon de ronfler, de manger, de parler, comme notre horaire pour nous rendre aux toilettes. Ou, tout simplement, pour vivre ou travailler avec les autres.  

 

Certains ont besoin de parler tout le temps. D’autres sont régulièrement en activité et dans l’efficacité. D’autres ont aussi besoin de plages de silence, d’inactivité, de lenteur et de calme. Moi, je suis un lent. Mais ça ne m’empêchera pas de me lever à 5h25 du matin pour être à l’heure au petit-déjeuner de 6 heures. Car, pour notre dernière sortie, contrairement aux autres jours où nous prenions notre petit-déjeuner à 8h, celui-ci était à 6h.

 

En mer, alors, que nous avançons, j’aime bien connaître des moments où le bateau avance et où il n’y a que lui, et la mer, le vent, que l’on entend. Mais, d’autres, préfèrent ou ont absolument besoin de parler dans ces moments-là.

 

Néanmoins, malgré ces particularités et ces « disparités » de tempéraments et d’expériences marines et maritimes entre nous, notre séjour s’est bien déroulé. Parce-que nous nous étions encordés à une certaine bienveillance mutuelle.

 

Par la tenue des horaires décidés pour le petit-déjeuner. Pour le briefing de la journée. Pour être avec les autres. Pour réaliser les tâches diverses. Préparer les repas. Faire la vaisselle. Décharger et charger le zodiac. Faire les courses. Pour attraper une assiette ou un verre et le donner à qui en avait besoin à table au moment du repas etc…..

Port Haliguen, Quiberon.

 

La bienveillance, autant que la confiance et l’expérience ont permis selon moi la bonne réussite de ce séjour à Quiberon. Il était possible de les vivre très concrètement au vu de ces disciplines particulières, plutôt exigeantes, que sont l’apnée et la chasse sous-marine :

 

On s’aperçoit vite de la personne qui, lorsque l’on aspire à revenir sur le bateau nous tend la main pour prendre notre ceinture de plomb ou a un regard sur nous. Comme de celle ou de celui qui, lorsque l’on remonte à la surface, nous attend. De celle ou celui qui nous prête le mousqueton qu’il a en plus et dont on a besoin.

 

 

La bienveillance est aussi nécessaire dans bien d’autres entreprises humaines que ce soit au travail, avec les amis, en couple, son voisinage, avec son enfant etc….

 

Mais j’ai aussi lu d’autres mots écrits à notre retour pas d’autres membres du groupe pour expliquer la réussite (ressentie par tous) de ce séjour à Quiberon. Je ne les ai pas tous retenus alors que je termine cet article. Mais il y avait :

 

Bonne humeur, détermination,  persévérance, capacité à accepter certaines exigences etc…..

 

J’ai sans doute plus appris ou réappris lors de ce séjour de quelques jours à Quiberon, avec mon club d’apnée, qu’en lisant hier soir ces journaux avant d’aller me coucher.

 

Bien-sûr, pour apprendre certains enseignements, il faut être disponible pour eux. On peut n’être que disponible pour les mauvaises nouvelles et n’apprendre que ça :

 

 Que tout va mal et toujours très mal, à chaque instant, partout dans le monde, avec les autres et aussi en soi-même.

 

On peut choisir de s’orienter uniquement ou principalement avec les mauvaises nouvelles en se disant qu’en se préparant- et en pensant- toujours au pire, ainsi, on se réserve de bonnes surprises. Sauf que, de cette façon, si l’on s’épargne en effet certaines déconvenues et certaines désillusions, on aborde aussi la vie, les événements et les autres avec une certaine dynamique et un certain état d’esprit qui font barrage, frontière ou obstacle à certaines possibilités, élans ou initiatives, repoussées ou dissuadées par notre comportement alors plus proche de l’écueil que de l’accueil.

 

J’espère avoir un peu plus de bienveillance que ça envers moi-même. Etre plus accueil qu’écueil pour ce que j’ai à vivre. Et, si possible, être suffisamment accueillant envers les autres lorsque ceux-ci sont… bienveillants.

 

Mais être accueillant envers la bienveillance n’est pas inné. Il est nécessaire de pratiquer régulièrement. Autrement, on a assez vite fait de dériver et de se retrouver, de nouveau, entouré principalement de mauvaises nouvelles. Et, là, toutes le bouées que l’on nous aura jetées ou que l’on aura pu essayer de nous adresser ne suffiront pas.

 

Franck Unimon, ce jeudi 27 Mai 2021.

 

 

 

 

 

 

 

Catégories
Apnée self-défense/ Arts Martiaux

Je ne suis pas un aventurier

 

Port Haliguen, Quiberon. Mai 2021.

 

 

 

                                               Je ne suis pas un aventurier

 

Je ne suis pas un aventurier. En janvier de cette année, j’ai prononcé cette phrase, parmi d’autres, lors de mon discours de départ de mon précédent service. Service où, à ce jour, je suis resté ancré le plus longtemps : 11 années. Trois ans de jour pour commencer, puis huit de nuit pour finir.

 

J’ai fait trois fois mon pot de départ en effectifs réduits du fait de la pandémie du Covid. J’ai dit trois fois mon discours. J’ai donc répété cette phrase trois fois : ” Je ne suis pas un aventurier”. Certaines phrases, comme les vagues, se répètent. Mais nous ne les écoutons pas toutes. Parce-qu’elles sont trop nombreuses. Parce-qu’elles se ressemblent toutes. Parce-que nous sommes des araignées emportées par les sillons de nos propres toiles. Les vagues, aussi, sont des toiles. Elles accumulent les jours et les nuits plus qu’elles ne reculent devant elles.

 

J’avais déjà travaillé de nuit ailleurs, auparavant. 

 

Dans les logements où j’ai vécu, toujours en ville, à ce jour, toujours en banlieue parisienne, j’ai un peu oublié la moyenne, mais j’y suis resté six ou sept années. Toujours dans des appartements,  exception faite du pavillon que mes parents avaient acheté à Cergy-Pontoise et où nous avions emménagé. J’avais 17 ans. Et, pour moi, alors, quitter Nanterre et notre immeuble de 18 étages, dans notre cité HLM, cela avait été l’exil. M’éloigner d’une trentaine de kilomètres de ma région natale, les Hauts de Seine, pour cette région du Val-d’Oise, alors décrétée « ville nouvelle ».

 

 

Depuis l’esplanade de Paris, à quelques minutes à pied du pavillon de mes parents, par temps clair et ciel dégagé, je pouvais apercevoir la grande Arche de la Défense. C’était tout ce qui me restait à peu près, visuellement, comme contact, de Nanterre.

 

Il suffit de quelques kilomètres de différence par rapport à notre périmètre familier pour avoir l’impression d’être en quelque sorte « excommunié » du paradis où, pourtant, plus d’une fois, on s’est senti à l’étroit. Plus que la distance que l’on met entre soi et les autres, mais aussi entre certains événements et nous, ce qui compte, c’est le choix que l’on fait et le moment de ce choix. Et, je n’avais pas choisi de partir de Nanterre. Pourtant, à 17 ans, j’y partageais ma chambre avec ma petite sœur et mon petit frère. Il y a mieux comme intimité. D’autant que j’avais été fils unique pendant les neuf premières années de ma vie.

 

A Cergy-Pontoise, et jusqu’à mon départ de chez mes parents, un départ choisi après mon service militaire, j’allais, de nouveau, avoir ma chambre pour moi. J’allais aussi découvrir le calme. Le silence. Le calme et le silence d’une maison, d’un quartier pavillonnaire, d’une presque campagne, contre le tintamarre commun de la cité et de l’immeuble HLM :

 

Le jeune qui rôde sa mobylette dans la rue et qui enfile les tours de la cité en augmentant graduellement la vitesse de son engin motorisé avec, bien-sûr, le pot d’échappement pétaradant. Le voisin qui attaque son appartement à la chignole pour du bricolage. Les autres qui claquent la porte de leur appartement car celle-ci se ferme mal. Les gens qui s’engueulent. Les représentants qui électrisent subitement l’atmosphère dans l’appartement au moyen de la sonnette de la porte. Comme s’ils étaient chez eux. Les enfants/ les copains qui, depuis la rue, crient pour appeler leur copain afin qu’il descende jouer avec eux. La musique forte :

Même si, à la maison, on écoutait aussi de la musique à un volume sonore plus ou moins élevé, le tube Où sont les femmes ? De Patrick Juvet, mis et remis en selle, par la plutôt jolie fille aînée ( plus âgée que moi) de nos voisins directs, fait partie, à jamais, de mes souvenirs de Nanterre.

 

Je ne peux même pas dire si j’ai aimé entendre cette chanson : je n’avais tout simplement pas le choix. C’était comme ça. C’était normal. Et, à Cergy-Pontoise, dans ce pavillon acheté par nos parents, c’était exactement le contraire. Bien qu’il s’agissait d’un coin « civilisé », avec marché, médiathèque, piscine et centre commercial à proximité ( même si, comparativement aux Quatre Temps de la Défense, le centre commercial Les Trois Fontaines a d’abord fait un peu « pitié »), j’ai d’abord eu l’impression d’être arrivé dans un coin paumé. Pourtant, il y avait des gens. Et des jeunes de mon âge. Mais je ne les connaissais pas. Et la densité était moindre qu’à Nanterre.

 

Depuis mon enfance, je n’ai pas trop de problème pour sympathiser avec les autres. C’est peut-être un trait de mon tempérament. Ou, aussi, une résurgence des colonies de vacances et des centres de loisirs où je suis allé dès mes six ans voire plus tôt. Dans la ville de Cergy-Pontoise, en plus de vingt ans, je ne me suis fait aucun ami en dehors du travail. Tous mes amis de Cergy-Pontoise ont un rapport avec mon travail. J’ai en grande partie rejeté cette ville et ce qu’elle pouvait m’offrir dans le domaine associatif, sportif et autre. Pourtant, j’y ai croisé des gens en bien des circonstances.

 

Si j’avais été un aventurier, en six mois à Cergy-Pontoise, je me serais reconstitué un réseau d’amis pour remplacer celui dont j’avais été séparé à Nanterre. J’aurais fait le tour du monde à vélo ou à la voile. Je serais parti vivre plusieurs années à l’étranger.

Je serais venu habiter dans Paris lorsque les prix, dans l’ancien, à l’achat, étaient encore supportables : avant l’an 2000.

 

Je suis prudent. Je peux être méticuleux. Et, je peux être, aussi, particulièrement…. lent.  Mais je suis, aussi, assez curieux dans les deux sens : un personnage étrange, pas tout à fait conforme, qui n’avance pas au même rythme. Et qui ne pense et ne s’exprime pas toujours comme on pourrait s’y attendre. Ou l’exiger. Qui semble- et qui est- en retrait des autres mais qui, contre toute attente, peut être attentif aux autres de façon plutôt surprenante.

 

Cela n’est pas calculé. Les horaires des marées hautes et basses de mes pensées suivent des lunes qui, sans doute, sont peut-être moins communes mais sont aussi faites d’écume. Ce qui peut les rendre plus difficiles à cerner comme à prévoir sur le comptoir des échanges relationnels. Or, ce qui est incompréhensible peut dérouter ou faire peur.

 

Et dans quel domaine, je travaille ? En psychiatrie et en pédopsychiatrie. Soit un domaine où les personnes, les patients mais aussi les collègues, que l’on rencontre peuvent être susceptibles d’agir comme de penser de manière….incompréhensible. On dirait presque que je le fais exprès, de dérouter mon entourage. 

 

Mais, dans la vie, aussi, nous assistons à bien des phénomènes incompréhensibles.

 

Incompréhensibles. Mais, aussi, parfois, incompressibles.

 

 

Il m’a fallu plus de dix ans entre le moment où je me suis intéressé à la plongée avec bouteille. Et le moment où je me suis lancé en Guadeloupe jusqu’à y passer mes deux premiers niveaux. Pour l’instant, j’ai effectué 39 plongées avec bouteilles dont deux ou trois à quarante mètres.

 

Il m’a fallu à peu près le même temps ( plus de dix ans) pour me décider à prendre des cours de théâtre et jouer sur scène mais aussi dans des courts-métrages. Idem pour le roller etc….

 

 

Mon univers est sans doute celui d’un homme à l’envers. Pourtant, je sais ce qu’est le fait d’avoir des Devoirs et des engagements. Je n’ai pas beaucoup de leçons à recevoir des autres en matière de Devoirs et d’engagements. Pour cela, il me suffit de considérer ma vie, certains de mes sacrifices, même si je ne les ai d’abord pas toujours reconnus comme tels, et regarder un peu comme d’autres vivent autour de moi, pour savoir que je suis très en règle avec mes Devoirs et mes engagements. Voire, peut-être trop.

 

 

La pratique de l’apnée, en club, est devenue concrète pour moi il y a quatre ou cinq ans, maintenant. Après d’autres expériences tant personnelles que professionnelles. Là, aussi, il s’est passé un certain nombre d’années entre le moment où j’ai décidé de  faire les démarches pour m’inscrire dans un club d’apnée et le jour où je l’ai fait. Evidemment, avant de faire ça, j’avais déjà lu, ou vu, sur des professionnels de l’apnée. Des « professionnels » au sens commun :

 

Des pratiquants de l’apnée médiatisés pour leurs performances hors-normes lors de certaines compétitions. Des gens que l’on surnomme souvent « L’homme-poisson », « L’homme-dauphin » etc….

Il y avait des femmes, aussi. Audrey Mestre, en particulier.

 

Si l’aspect « performance » de l’apnée a pu me séduire, comme un mannequin, un beau blouson éclairé en vitrine ou une vedette de cinéma peut aussi nous séduire, il est un autre aspect qui m’a, je crois, le plus « dragué » dans l’apnée :

 

La maitrise de soi. Le calme. La contemplation. L’apprentissage et la découverte de mes capacités. L’adaptation à un autre environnement. Adaptation, qui, ensuite, sans même y penser, se transpose, dans ma vie terrestre.

 

Des aptitudes requises mais qui peuvent aussi être développées, sollicitées, par la pratique de la plongée avec bouteille, de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie, du théâtre, du massage bien-être, de la lecture, du journalisme cinéma, de l’écriture, du judo et de tout art martial mais aussi de tout sport de combat, diverses rencontres, la vie de couple, de famille ou le fait d’éduquer/d’essayer d’inspirer son enfant.

 

Il est courant d’opposer des disciplines qui, a priori, semblent antagonistes ou étrangères les unes aux autres. Entre ces disciplines, ces rôles et ces états, je recherche plutôt une certaine complémentarité.

 

Les personnes qui me connaissent un peu ne seront pas surprises par ce que j’avance.

 

J’ajouterai que la pratique de ces diverses disciplines – et d’autres- permet d’approfondir une certaine expérience de l’économie du geste, de la pensée, du calme, de la sincérité envers soi-même pour résumer. Et que cette pratique se réalise en « s’immergeant » en soi-même. Mais aussi en apprenant à observer et à ressentir, ce qui nous entoure (êtres, objets, éléments, événements). Et, aussi, en allant à leur rencontre dans la mesure de nos moyens, de nos limites et de nos connaissances.

 

 

Je ne suis pas un aventurier. Des quatre ou cinq jours que je viens de passer à Quiberon avec mon club d’apnée, mon troisième stage avec mon club, et mes trois seules sorties en mer de ce type, je suis revenu avec la sensation d’être un peu plus à l’aise dans l’eau en tant qu’apnéiste. Mais je ne suis pas encore autonome.

à suivre….

 

Franck Unimon, ce mardi 25 Mai 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Apnée self-défense/ Arts Martiaux

Préparatifs pour le stage d’apnée à Quiberon, Mai 2021

Place de la Concorde, ce matin, vers 9h.

 

 

Préparatifs pour le stage d’apnée à Quiberon de ce mois de Mai 2021

 

Choisir, c’est franchir :

En allant ce matin, jeudi de l’Ascension -mais aussi fin du Ramadan cette année pour les musulmans–  à la gare St Lazare, à vélo, après une nuit de travail de douze heures, j’ignorais encore que j’écrirais cet article.

 

Sur le trajet, comme à mon habitude depuis bientôt trois mois maintenant, à l’aller comme au retour, j’ai pris des clichés. Comme chaque fois qu’un endroit, une lumière ou un événement me porte.

 

J’ai « publié » certaines de ces photos sur ma page Facebook ou sur ma page instagram. Mais, la plupart du temps, j’ai réservé le plus gros de ces photos prises lors de mes trajets pour mon blog, balistiqueduquotidien.com, dans la rubrique :

 

Vélo Taffe.

 

Je ne fume pas. J’ai juste un peu crapoté, ado, sur un terrain vague, près du supermarché Sodim, à Nanterre, qui existait, alors, près de la Cité Fernand Léger, une cité d’immeubles HLM de 18 étages, où j’ai grandi jusqu’à mes 17 ans. Et, puis, ça a été tout pour ma prise de nicotine ou de substance par voie respiratoire ou pulmonaire.

 

Mais j’ai aimé l’idée du jeu de mot avec « Taf », le travail. Et le fait « d’inhaler » du vélo. Parce-que je voulais voir le fait de faire du vélo comme une respiration. Un mode de vie. Comme bien d’autres disciplines.

 

Au premier plan, à droite, le technicien que j’ai interrogé et qui m’a répondu : ” Je ne sais pas pour quel film !”. Ce matin, vers 9h.

 

Ce matin, très beau ciel bleu. Une belle lumière, dehors. Et, Place de la Concorde, le tournage d’un film. J’ai interrogé un des techniciens du film qui se dirigeait vers moi. Sans doute le technicien lumière. Celui-ci m’a répondu avec le sourire :

 

« Je ne sais pas pour quel film ! ».

 

Dans le camion, blanc, à droite, “Au P’tit coin”, lieu de détente ou de relâchement des sphincters. Ce camion fait sans doute aussi partie de la logistique du tournage, car, habituellement, il n’est pas là.

 

L’article que je suis en train d’écrire est sans aucun doute un film que je me fais et que je suis en train de tourner. Comme chaque fois que je suis inspiré pour écrire. Et que je dispose de suffisamment de temps pour le faire. Je ne vis pas de ce que j’écris. Je le fais donc dès que je peux capter un peu de temps par-ci par là, tout en composant avec ma vie de famille, de couple, de père,  de citoyen et d’employé.

 

Je dois donc concilier constamment plusieurs contraintes. Mais, ce faisant, comme la plupart des amateurs et des gens qui m’entourent et, de par le monde, j’ai ainsi accès à plusieurs vies. Chacun de mes articles est donc un tournage intime et public qui essaie de réunir, de projeter et de rendre attractives mes quelques vies d’ici et d’ailleurs. D’hier, d’aujourd’hui et de demain. Autant que je me souvienne. Pendant que j’ai encore de la mémoire, de l’envie et du plaisir.

 

A Penmarch’, en octobre 2020, lors de notre stage d’apnée avec mon club.

 

Cet article sera long. Je l’ai compris tout à l’heure en commençant à y penser chez moi. Alors, qu’au départ, il devait se contenter de faire un retour sur notre stage d’apnée à Penmarch, en Bretagne, en octobre dernier. Car j’avais pris quelques notes que j’ai facilement retrouvées tout à l’heure. J’avais aussi gardé des photos. Cet article devait être court. Il sera long. J’en suis désolé pour les lectrices et les lecteurs pressés. Pour celles et ceux qui ont besoin d’articles courts. Efficaces.

 

Je « sais » qu’écrire long est « anti-commercial ». Que c’est une mauvaise stratégie pour être beaucoup lu. Mais je ne peux pas et ne veux pas me  soumettre à toutes les pyramides des tyrannies. En particulier, à celles qui consistent à faire du buzz à tout prix. A celles qui consistent à privilégier des pensées et des sensations cosmétiques.

 

Je n’écris pas et ne travaille pas pour l’Oréal. Et, encore moins pour les vitrines des grandes surfaces qu’elles soient de luxe ou non. J’écris comme je vis. Donc, si cet article doit être long, il sera long.

 

Lors d’un des ateliers d’écriture auxquels j’avais participé à la médiathèque de Cergy-Préfecture, il y a plusieurs années ( il y a plus de dix ans) l’écrivain qui l’animait avait dit :

 

« On écrit comme on respire ».

 

Mon initiation à l’Apnée :

 

Je me suis inscrit à mon club d’apnée, à Colombes, dans les Hauts de Seine, il y a environ quatre ans, maintenant.

 

Mais je suis arrivé à la pratique de l’apnée…par la plongée avec bouteille. Discipline que j’avais découverte il y a plus de dix ans maintenant. En Guadeloupe. 

 

 

La plongée avec bouteille fait partie avec le roller de ces disciplines que j’ai découvertes et pratiquées, sur le tard. Alors que j’avais une trentaine d’années.

 

Ce sont des disciplines vers lesquelles je lorgnais depuis des années, comme j’ai aussi pu lorgner vers la pratique du théâtre pendant des années. Avant, là, aussi, de me décider à me lancer dans cette expérience avec plaisir.

 

C’est un Antillais, Jean-Charles, alors président et animateur d’un club à Cergy-Pontoise, Les Roller Eagles, qui m’a initié au sein de son club au roller. Je ne suis pas un pratiquant émérite de Roller. Mais, grâce à lui et à plusieurs sorties en club avec lui, j’ai pu faire des sorties d’une vingtaine de kilomètres sur la route, quelques randonnées, mais aussi participer à une ou deux randonnées nocturnes sur Paris. Jean-Charles a un rapport très concret aux rollers. Son enseignement visait à nous rendre aussi autonomes que possible en milieu urbain.

 

Aujourd’hui, j’ai toujours mes rollers même si je les utilise peu.

 

C’est un Corse, Stephan, qui, en Guadeloupe, dans la commune de Sainte-Rose, m’a initié à la plongée avec bouteille, dans son club : ALAVAMA.

 

Pourquoi Sainte-Rose ?

 

D’une part, parce qu’après avoir vécu une trentaine d’années en France, où je suis né, mes parents, natifs de la Guadeloupe, sont retournés vivre en Guadeloupe et se sont établis à Ste-Rose.

D’autre part, parce-que, après être allé rencontrer plusieurs dirigeants de clubs de plongée, c’est avec Stéphan, qu’humainement, je m’étais d’emblée senti le mieux.

Enfin, son club est un « petit » club. Et non une grosse usine de plongée. Cette particularité m’avait aussi plu.

 

Jean-Charles, tout comme Stephan, sont deux personnes que j’avais choisies. Or, choisir, c’est franchir….

 

Relater ça, et les origines de Jean-Charles, d’un côté, et de Stephan, d’un autre côté, est volontaire de ma part. Même si, je me répète :

 

Ce matin, au départ, en quittant mon service où je retournerai travailler cette nuit à nouveau pour douze heures, j’ignorais que j’allais écrire cet article.

 

 

Ce matin, en me rapprochant à vélo de la gare St Lazare, je suis tombé sur l’affiche d’un politicien. Son slogan était le suivant :

 

Le choix de la sécurité.

 

J’ai pris le temps de lire ce slogan alors que j’étais arrêté au feu rouge. Peu importe, pour moi, la couleur politique de cet homme. Car nous vivons dans un monde et dans un pays de frontières de toutes sortes :

 

Culturelle, sociale, ethnique, sexuelle, intellectuelle, politique, économique, religieuse, militaire, mentale….

 

Et, la pandémie du Covid, ses répercussions économiques et sociales, la géopolitique et d’autres facteurs accroissent de plus en plus les tensions autour et à propos de toutes ces frontières. Certaines frontières et tensions sont plus explicites que d’autres. Certaines sont plus directes que d’autres. Certaines sont plus visibles que d’autres.

Mais qu’on les perçoive ou non, ces frontières et ses tensions pèsent en permanence sur nos vies. Sur nos choix. 

 

 

Ce politicien n’a pas choisi ce slogan par hasard. Nous avons tous peur de quelque chose. Je ne crois pas aux gens qui n’ont- jamais- peur de rien. Même si certaines personnes ont une assurance terrifiante. Mais il n’y a qu’à voir comment finissent certains despotes, monarques ou dictateurs pour s’apercevoir ou se rappeler que lorsque le Pouvoir, qui reste du sable, leur échappe, ils ont peur et fuient comme tout un chacun.

 Enfants ou adultes. Jeunes. Vieux. Gros. Maigres. Yeux bleus, yeux marrons. Blancs ou noirs. Musulmans ou catholiques. Riches ou pauvres. Chômeurs ou travailleurs. Femmes ou hommes. Immigrés ou « nationaux ». Sportifs ou sédentaires. Propriétaires ou locataires. Résidents ou SDF. Cyclistes ou piétons, nous avons tous peur de quelque chose ou de quelqu’un à un moment ou à un autre. 

 

Sauf que si la sécurité devient la seule norme et le seul critère possible, alors, tous les replis communautaires, quels qu’ils soient, se justifient. Ainsi que la peur de l’autre. Comme la peur et le rejet pour toute expérience et toute rencontre qui sort de notre pratique et de nos connaissance familières et connues.

 

Si je n’avais fait que le choix de la sécurité, jamais, je ne me serais lancé dans la découverte du roller.

Jamais, je ne me serais lancé dans la découverte de la plongée avec bouteille. Et, jamais, je ne me serais lancé dans la découverte de l’apnée. Car ces trois disciplines ( roller, plongée avec bouteille, apnée) font peur, comportent des risques, et ne font pas partie de mon « habitat » naturel ni de mon héritage familial.

 

Penmarch’, Octobre 2020.

 

Mon héritage familial : Un héritage d’ Ultra-marins

Les Antillais peuvent aussi être dénommés « ultra-marins » : Nous venons ou sommes originaires de l’Outre-mer. Mais, « ultra-marins », ne signifie pas du tout « sous-marins ».

 

Il existe bien évidemment des Antillais parfaitement à l’aise sous l’eau, que ce soit des chasseurs sous-marins ou des plongeurs avec bouteille. Mais, d’après mon expérience personnelle et familiale, ces Antillais sont une minorité.

 

Dans ma famille, nous sommes plutôt des terriens ou des terrestres. Mes parents savent nager, d’accord. Mais, contrairement à d’autres personnes, je n’ai aucun souvenir de vacances ou de journées passées sous l’eau ou sur l’eau avec mes parents.

 

Par contre, le Foot, la course à pied, le cyclisme voire la boxe, ça, oui, ça fait partie de mon patrimoine familial et culturel. Que ce soit en tant que pratiquant ou en tant que spectateur. Mais le roller, la plongée avec bouteille ou l’apnée, certainement pas.

 

Je me rappelle encore d’un de mes grands oncles paternels, aujourd’hui décédé, tout étonné, alors que je venais de lui parler d’une sortie plongée récente, d’apprendre que, non, je n’avais pas pêché de poisson ! J’avais alors compris que son rapport à la mer était strictement nourricier. Comme, pour certains hommes, le rapport à la femme peut n’être que strictement sexuel, procréatif ou domestique.

 

Je me rappelle aussi du mari, aujourd’hui décédé, de ma tante paternelle, pêcheur, me racontant- également en Créole– qu’il avait vu, comme il me voit, certains de ses collègues, tomber à la mer et se noyer sous ses yeux. Et, si je me souviens bien, cet « oncle », très bon marcheur par ailleurs, ne savait pas nager. D’ailleurs, il n’est pas mort en mer. Mais en faisant une mauvaise chute dans des escaliers. Peut-être à cause de son alcoolisme. Plus saoul marin, donc, que sous-marin

 

Je me rappelle aussi comme, en Guadeloupe, certains locaux me regardaient comme un élément insolite, alors que depuis le club de plongée de Stephan, je figurais parmi les touristes (les blancs, pour faire simple) se dirigeant vers la mer et le bateau pour aller plonger plus loin.

 

Et, puis, je suis aussi obligé de rappeler que la mer, pour bien des ultra-marins, cela reste l’élément hostile, d’amnésie et de douleur, le récif qui nous a découpé et « séparé », de par l’esclavage, de la terre originelle : l’Afrique. Même si, depuis, l’Afrique est devenu un continent « autre ». Je connais peu, très peu d’Antillais, qui ont sillonné l’Afrique. Même moi, à ce jour, je ne suis toujours pas allé en Afrique. L’Afrique, pour beaucoup d’ultra-marins, c’est peut-être encore le continent de la défaite, du rejet, du deuil difficile ou impossible. Du reste, en occident, l’image- grossière- de l’Afrique reste régulièrement défigurée et : famine, dictatures, pauvreté, violences et, maintenant, jihadisme….

 

Par contre, nous sommes nombreux, aux Antilles ou en France, à regarder avec une certaine admiration nos “cousins” d’Amérique. Si Nelson Mandela, en tant que militant, est sûrement un leader africain estimé et reconnu aux Antilles, il me semble qu’à part lui, que nous serons souvent plus facilement inspirés pour admirer et citer des grands leader et des grands héros, noirs américains. Et, ce sera pareil pour des acteurs et des actrices noirs américains ou britanniques. Personnellement, je retiens le nom et “connais” bien plus d’acteurs et d’actrices noirs américains que d’actrices et d’acteurs africains. Cela pour dire jusqu’à quel point nous avons pu être séparés et pouvons continuer de nous séparer de l’Afrique…..

 

 

C’est donc dire à quel point, pour moi, le « Moon France » ( jeu de mot avec « Moun Frans », terme péjoratif que j’ai eu le privilège de découvrir dès mes 7 ans en Guadeloupe, pour mon premier séjour de vacances là-bas), le fait de choisir, à un moment donné, de découvrir une discipline comme la plongée avec bouteille, puis l’apnée, a nécessité que j’aille à contre-courant.

 

La facilité, la simplicité ou la lâcheté aurait évidemment consisté, pour moi, à suivre le courant. A me laisser résoudre et fabriquer selon les exemples et les modèles à ma portée immédiate :

 

D’après mes modèles familiaux et culturels. Mais aussi sociaux. Ce qui arrive encore constamment.

 

On peut très bien vivre dans un pays, une région ou une ville où il existe plein de possibilités de découvertes et d’épanouissement et s’en couper complètement. Et, vivre, de façon repliée. En faisant le choix de certaines certitudes. En faisant le choix….de la sécurité :

 

Je suis resté marqué par ce jeune croisé un jour alors que je venais d’emménager dans la ville d’Argenteuil en 2007. Je cherchais alors, près de la dalle d’Argenteuil, la médiathèque. Le jeune, qui, selon moi, habitait dans le coin, m’avait répondu qu’il ne savait pas où elle se trouvait. Et puis, en tournant la tête, je m’étais aperçu qu’elle était juste là, à quelques mètres de nous. Ouverte. Offerte. Gratuite.

Ce jeune devait passer devant cette médiathèque régulièrement sans le savoir. Je suis persuadé que nous agissons bien des fois comme ce jeune en bien d’autres circonstances. Et, cela, tout au long de notre vie. Et, personnellement, cela m’attriste, voire, m’inquiète. 

 

Prendre la peur comme seul critère pour choisir de vivre et pour sélectionner son environnement comme celles et ceux que l’on va fréquenter revient, à un moment ou à un autre, à se rapprocher davantage de la peur.

Photo prise à Penmarch, lors de notre stage en octobre 2020.

 

Ce Lundi 9 Mai 2021 :

Ce Lundi 9 Mai, nous étions six à assister et à participer à cette visio-conférence organisée par Yves, le responsable de la section apnée de notre club.

 

Le but était de préparer notre stage d’apnée à Quiberon la semaine suivante (dans quelques jours).

 

Comme à son habitude, et avec simplicité, Yves a de nouveau déployé l’étendue de ses compétences.

 

Etant donné que c’est le premier club d’apnée que je connais, je n’ai pas d’élément de comparaison avec un autre club d’apnée. Mais, régulièrement, je suis admiratif de voir comme Yves, originaire de Bretagne, semble maitriser tant d’éléments :

 

Météo, maritime et terrestre, topographie des lieux, coût du carburant, planning, coût de l’hébergement, permis bateau, pêche sous-marine, cuisine et préparation de ce que nous avons pêché, matériel….

 

En outre, il semble inaltérable et infatigable. Ce qui est humainement impossible. Et, pourtant. Dernier couché, premier levé. A Penmarch’, en short et tee-shirt à manches courtes, je l’ai vu profiter d’un temps de pause pour passer la tondeuse autour de sa maison familiale alors que nous étions sortis le matin. J’étais aussi couvert qu’il était en tenue d’été ( en octobre, en Bretagne !) et plus bon pour la sieste que pour le jardinage.

 

On m’objectera que c’est son rôle. Et que c’est la moindre des choses. Peut-être.

 

Mais avec une telle aisance, tant d’un point de vue pédagogique, tant sur terre, sur bateau que sous l’eau ?

 

Hé bien, je vais affirmer que non ! Tout le monde n’est pas comme lui. Et, il faut savoir voir ce que certaines rencontres ont d’exceptionnel même si les personnes concernées s’en défendront souvent.

 

Un tel engagement, une telle compétence,  dans une discipline si technique et potentiellement, si dangereuse, si effrayante, que ce soit en piscine, en fosse ou dans un environnement naturel ? Cela serait donc si banal, que ça ?!

Je vais affirmer- quitte à l’embarrasser- qu’il ne doit pas y avoir tant d’encadrants que ça qui font ça comme lui.

 Je vais aussi affirmer que chacun d’entre nous se sentait en….sécurité alors qu’Yves, lundi ( il y a quelques jours) nous parlait, nous présentait le programme, mais, aussi, répondait à nos questions.

 

Même lorsqu’Yves, a pu nous dire à un moment que, dans tel endroit «  il peut y avoir beaucoup de courant ». Mais qu’il suffit de se mettre à tel endroit, derrière la roche, pour se mettre à l’abri.

 

Tout en l’écoutant, je me suis demandé ce qui faisait que, moi, l’un des moins expérimentés du groupe, je pouvais me sentir si peu inquiet. J’allais quand même me retrouver, lesté de plusieurs kilos, dans une eau dont la température serait comprise entre 14 et 16 degrés, en pleine mer, durant plusieurs heures. Or, tout ce que j’entrevoyais, et attendais, c’était ce moment, où, avec les autres, j’aurais ces tonnes d’eau au dessus de ma tête. Et où je convergerais vers ces cinq ou huit mètres de profondeur, ou un petit peu plus peut-être, avec pour seule réserve et liberté, l’air que j’aurais emmagasiné dans mes poumons, ma tête. Et mes rêves.

 

A Penmarch, en octobre 2020.

 

D’accord, j’avais déjà effectué deux stages d’apnée en Bretagne avec le club. Un premier à Loctudy en 2017. Puis, un autre en octobre dernier à Penmarch. Mais cela suffisait-il pour expliquer cette tranquillité que je ressentais en l’écoutant ? Alors que je « savais » que si j’avais raconté à d’autres terriens- même sportifs- que nous avions prévu, avec mon club, de partir en stage d’apnée en Bretagne la semaine prochaine, que certaines et certains d’entre eux prendraient peur ou s’inquiéteraient.

 

Le choix de la sécurité….

 

Cet article est déjà long. Dans un autre, je restituerai les notes que j’avais prises lors de notre séjour à Penmarch en octobre dernier.

 

J’ajouterai avant de conclure celui-ci qu’autour d’Yves, se trouvent donc d’autres pratiquants qui ont déjà une sacrée expérience de chasse sous-marine. Mais, aussi, le doyen du club, Jean-Pierre, plus de 67 ans, et une bonne cinquantaine d’années d’expérience dans le domaine de la chasse sous-marine. Une longévité et une aisance que l’on ne peut qu’admirer. Je me rappelle encore qu’en octobre, alors que, moi, épuisé par les couchers assez tardifs et les réveils assez matinaux, j’avais opté pour arrêter ma «plongée » après deux heures dans l’eau ( température comprise entre 12 et 14 degrés, je crois), Jean-Pierre, lui, dans une mer qui secouait un peu, voltigeait comme un gamin dans son aire de jeu préférée. En pleine forme. Cela ne m’aurait même pas surpris s’il m’avait demandé, étonné : 

“Ah, bon ? Tu rentres, déja ? Tu arrêtes de jouer ?”. 

 

Je n’aurais jamais vu ou fait ce genre d’expérience et de rencontre si, toute ma vie, je ne m’étais tenu qu’à des choix de sécurité.

 

Penmarch, octobre 2020.

 

Franck Unimon, ce jeudi 13 Mai 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Apnée Ecologie Interview

Interview des apnéistes Julie Gautier et Guillaume Néry en 2016

Cette interview de Julie Gautier et Guillaume Néry a été réalisée le 17 Mai 2016 lors d’un stage d’apnée. Je faisais partie des stagiaires et c’était mon second stage d’apnée ( le premier avait été animé par Umberto Pelizzari). C’était aussi avant que je ne m’inscrive dans un club d’apnée.

L’interview a été réalisée pendant la pause-déjeuner. Nous avions eu de la chance car nous avions obtenu assez peu de temps avant le début du stage l’accord de Julie Gautier et de Guillaume Néry (après avoir obtenu l’accord préalable de Fabrice Rolland qui supervise les lieux) pour cette interview.

Je m’y étais pris un peu à la dernière minute pour envisager cette interview. Quelques jours avant le début du stage, j’avais exprimé à Eddy ( Eddy Brière) mon envie de la faire. Eddy, qui avait déja rencontré le couple, m’avait encouragé à la faire.

 Eddy, beaucoup plus calé que moi pour tout ce qui concerne l’image, la réalisation et le montage, s’était occupé de toute la partie technique de l’interview. Je suis crédité à la réalisation et au montage parce-que j’ai participé et que j’étais à l’initiative du projet mais c’est vraiment par gentillesse de la part d’Eddy. 

En Mai 2016, mon blog, balistiqueduquotidien.com n’existait pas. Ce soir, je me suis dit que ce serait bien d’y “rapatrier” cette interview et de la faire redécouvrir. Car je suis très content de ce que nous avions réalisé.

Franck Unimon, ce lundi 7 septembre 2020. 

 

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Apnée

Apnée et Limites

 

Apnée et Limites

Il existe trois sortes de limites : Celles que l’on se fixe. Celles de l’expérience. Celles du modèle ou de l’exemple des autres.

Nos limites sont nos cellules. Et nous sommes des cellules. De l’infiniment petit à l’infiniment grand, nos limites sont diverses.

Nous sortons quelques fois de certaines de nos cellules. Mais nous restons dans d’autres de nos cellules et en découvrons d’autres.

Nous percevons la présence de certaines de nos cellules. D’autres cellules qui continuent de nous enfermer passent inaperçues. Et nous restons aussi accrochés à certaines de nos cellules car l’inconnu fait peur et nous nous sentons très vulnérables en dehors de nos cellules connues.

Ma dernière sortie en fosse avec mon club date de cinq jours. Depuis les débuts de ma pratique de l’apnée il y a bientôt trois ans ( ou quatre ), si j’inclus ma participation à deux stages d’apnée animés par des ex-recordmen du monde d’apnée et des moniteurs confirmés, j’ai vécu environ vingt sorties en fosse. D’une profondeur de cinq mètres, dix mètres et vingt mètres.

Ajoutons à cela mon petit vécu de plongeur bouteille il y a environ dix-quinze ans : 39 plongées dont deux ou trois à moins quarante mètres. Je suis niveau deux. Il m’est arrivé une ou deux fois de faire des plongées avec un binôme, minimum niveau deux comme moi. Cela s’est toujours passé en Guadeloupe. Dans une mer chaude, claire et plutôt calme.

Mon baptême de plongée avait été laborieux. Alors que nous nous dirigions en bateau vers notre point de plongée, le moniteur que j’avais choisi -qui était également le directeur du centre de plongée- m’avait appris que, finalement, je ferais mon baptême avec un autre moniteur avec lequel j’étais en train de faire connaissance sur le bateau. Ce moniteur était sympathique mais il m’était imposé.

Au moment de ce qu’il faut bien aussi appeler ma « défloraison » aquatique, en pénétrant dans l’eau avec tout cet appareillage (bouteille, masque, détendeur, palmes) que je découvrais et qui m’encombrait, j’avais eu du mal à faire passer mes oreilles alors que nous avions à peine commencé notre descente sous la surface.

Après deux ou trois remontées suivies d’autant de tentatives, j’avais vu mon moniteur de «dernière minute » commencer à s’impatienter. Et puis, venant subitement du fond de la mer, «mon » moniteur était arrivé et avait rapidement, calmement et avec assurance pris le relais. Et, doucement, j’avais pu descendre. En déglutissant progressivement, j’étais parvenu à équilibrer mes oreilles. Malgré les techniques théoriques qui nous sont enseignées, il est étonnant de voir comme, pour peu que l’expérience se déroule à notre rythme et dans des conditions qui nous rassurent (grâce à l’encadrement humain, technique et matériel) nous trouvons instinctivement l’astuce ou l’attitude qui nous permet de nous adapter à un nouvel environnement. Aujourd’hui, je suis incapable de me rappeler ce qui, ce jour-là, m’avait donné l’idée de déglutir pour « faire passer » mes oreilles. Mais je sais qu’à partir de ce moment, c’est toujours de cette façon que j’ai procédé.

Rapidement, après mon baptême de plongée, j’ai commencé à suivre ma formation de plongeur. J’avais du temps : j’étais en vacances en Guadeloupe durant deux mois. Et cela faisait plusieurs années que je lorgnais sur cette expérience de la plongée bouteille. Et, régulièrement, à peu près tous les jours voire deux fois par jour peut-être certaines fois, j’étais revenu plonger avec le même club à Ste-Rose : Alavama.

A mesure de ma formation régulière donc, je compensais de plus en plus facilement mes tympans. En déglutissant. Mieux : me sentant de plus en plus à l’aise avec mon équipement et mon environnement, mes appréhensions rétrogradaient ou se dissolvaient.

« Avant », une fois immergé dans l’eau, j’avais peur de ce qui pouvait bien se trouver en dessous et de tout ce que je ne voyais pas : mon inconscient.

Ce qui était en dessous et que je ne voyais pas était forcément un être dangereux et mal intentionné. Un requin bien-sûr ou toute autre créature féroce de mon imagination.

« Après », je ne pensais plus à ce genre de catastrophe. Il était devenu normal de se trouver à moins dix mètres et, sur un banc de sable, de faire des exercices tels que décapeler, ôter son détendeur de la bouche quelques secondes, le remettre en bouche. Lorsque j’en avais parlé à une cousine de là-bas, j’avais compris à sa réaction que j’étais passé de l’autre côté du monde. Je le percevais aussi lorsque nous nous dirigions vers le bateau pour aller plonger. J’étais le plus souvent le seul homme noir parmi les plongeurs. Mes compatriotes qui prenaient le bateau pratiquaient la pêche. Et non ce loisir de « riche » et d’homme blanc qui consistait à payer pour aller regarder des poissons au fond de l’eau. Je me rappelle encore de la surprise d’un de mes grands oncles lorsque je lui avais raconté que, non, une fois dans l’eau, je ne pêchais pas de poisson car c’était interdit de le faire lorsque l’on plongeait avec bouteille. A cette époque, il m’était inconcevable de m’imaginer un jour faire de la chasse sous-marine en pratiquant l’apnée.

De retour en France, j’ai bien essayé une ou deux fois de pratiquer la plongée bouteille en m’inscrivant dans un club. Cela n’a jamais pris. L’entraînement technique en piscine ou en fosse était soit peu attractif. Soit effrayant ou angoissant.

Lors de mon premier entraînement dans un club de banlieue, nous plongions en fosse. Une fois harnaché au bord de la fosse des cinq mètres, il s’agissait de se jeter à l’eau, détendeur en bouche. J’avais peur mais comme j’étais niveau deux et que l’exercice paraissait facile à voir les autres le faire, je me suis exécuté. J’ai bu la tasse. J’ai perdu mon masque. Lequel, par je ne sais quel phénomène, alors que je m’étais bien jeté à l’eau dans la fosse des cinq mètres a été retrouvé au fond de la fosse des vingt mètres.

Je n’avais pas pratiqué la plongée depuis quelques années lorsque cela était arrivé. Je crois l’avoir précisé. Mais comme j’étais niveau deux et que, en apparence vraisemblablement, j’étais calme, on aura sûrement estimé m’avoir demandé de réaliser des consignes accessibles et très simples. Ce qu’elles étaient sûrement : Dans mon souvenir. Ou lorsque l’on est régulièrement entraîné. A ceci près que, dans ma formation, je ne me rappelle pas, en Guadeloupe, m’être mis à l’eau en sautant du haut du bateau tout équipé. Nous nous équipions généralement directement dans l’eau. Si je me rappelle bien, il nous était arrivé une ou deux fois, lors de notre formation, de basculer en arrière depuis le bateau. Et cela s’était bien passé pour moi.

J’ai oublié si ma déconvenue en fosse dans ce club de plongée est la seule raison pour laquelle je ne suis pas revenu. L’horaire me convenait à moitié. Si j’avais choisi mon club et mon moniteur de plongée en Guadeloupe, je n’avais ni choisi mon moniteur de plongée dans ce club de banlieue et ni ce club : j’avais fait avec ce qui était le plus proche de chez moi. Et, vraiment, j’ai du mal à pratiquer la plongée bouteille en piscine et en fosse. Je suis sûrement dans la situation de beaucoup de personnes qui, une fois qu’elles ont goûté à une discipline en milieu naturel, peuvent avoir beaucoup de mal à la pratiquer dans un milieu artificiel. Par exemple, j’ai appris à nager en piscine et, nageur intermittent, j’aime assez aller nager en piscine. Mais je peux concevoir qu’une personne qui a toujours nagé en mer ou dans un lac puisse avoir beaucoup de mal à se rendre dans une piscine pour y faire des longueurs.

Ce dimanche, il y a cinq jours, lors de notre dernière sortie fosse avec mon club d’apnée, tête en bas, j’ai pu descendre à dix mètres tout au plus. Quinze mètres tête en haut en descendant le long d’une « corde ». L’anecdote, c’est que c’est dans cette fosse que, dix ou quinze ans plus tôt, je m’étais ridiculisé en me jetant à l’eau avec bouteille et détendeur. Avec mon club d’apnée, nous revenons assez régulièrement pratiquer dans cette fosse. On pourrait donc dire que c’est une grande « victoire ». Je le vois différemment :

En apnée, je « devrais » descendre à trente mètres.

Lors de mon premier stage d’initiation à l’apnée dans un autre lieu, avant mon inscription dans mon club d’apnée, l’ex-recordman du monde qui animait le stage avait déclaré que selon nos capacités en apnée statique, on pouvait raisonnablement descendre à dix mètres si on était capable de tenir une minute en apnée statique. Donc vingt mètres si on pouvait tenir deux minutes en apnée statique. Il y a une dizaine de jours et hier soir, encore, j’ai tenu trois minutes en apnée statique. Il y’a une dizaine de jours, j’avais tenu les trois minutes facilement. J’aurais pu tenir quinze ou trente secondes de plus. Hier soir, j’étais moins en forme. J’étais enrhumé. J’avais un peu mangé une heure plus tôt. J’étais moins serein. J’ai eu peu de plaisir à être dans l’eau. J’ai très peu créé mon espace. A mes débuts, en apnée statique, je tenais deux minutes quinze secondes en apnée statique. Depuis mon inscription en club, chez moi, à sec, j’ai pu tenir trois minutes trente en apnée. Mais je l’ai fait une seule fois. Il y a plus d’un an. Je bois peu et je ne fume pas. J’ai un vécu de sportif dans des activités plutôt toniques, voire explosives, et terrestres (athlétisme, judo).

 

La première nuance à apporter aux propos de notre ancien multi-recordman du monde d’apnée est bien-sûr la qualité de notre hydrodynamisme, de notre palmage ainsi que notre « flottabilité». Certaines personnes coulent à pic. D’autres sont des vaisseaux d’Hélium et doivent se lester en conséquence.

L’autre nuance concerne évidemment tout ce qui concerne le mental, le moral, le psychologique, le culturel. Ce qui peut être pire que l’Hélium. Car, là, nous nous retrouvons face à nous-mêmes et nous sommes très différents les uns des autres. Assez seuls avec nos limites- et notre potentiel inhabité mais aussi insoupçonné- malgré la présence de l’encadrement qui fait de son mieux pour nous guider.

Il va sûrement me falloir- encore- un certain temps pour parvenir à convertir et à transférer ( à supposer que cela possible) dans ma pratique de l’apnée certaines compétences que j’ai pu développer en pratiquant l’athlétisme et le judo( essayez de faire un Uchi-mata sur un tympan qui ne passe pas, vous verrez : même en prenant bien son élan, c’est le tympan qui gagne) .

Me retrouver- pour le plaisir- à plusieurs mètres de profondeur sous l’eau est très éloigné de mes traditions ancestrales et familiales mais aussi de mes expériences enfantines et adolescentes. La pratique et l’apprentissage de l’apnée revient peut-être pour moi- et pour d’autres- au même que d’apprendre à jouer d’un instrument de musique à l’âge adulte. Sauf que, ici, l’instrument de musique, c’est évidemment notre corps et notre mental.

Ce dimanche, même si je suis à chaque fois volontaire pour me rendre en fosse, j’ai dû admettre que la fosse de vingt mètres continue de me faire peur. « Avant », c’était la fosse des cinq mètres. Puis celle des dix mètres. Au delà de dix mètres, je le vois bien en descendant tête en haut où je compense plus facilement mes tympans, je commence à trouver la descente un peu longue. Même en fermant les yeux depuis le début de la descente. Puis, une fois à quinze mètres, je vois bien que le fond de la fosse est tout proche. Mais ensuite, il faut remonter vingt mètres. C’est encore trop pour moi. Même si, une fois à quinze mètres tête en haut, je peux rester quelques secondes pour regarder ce qui se passe avant de remonter. Et je peux dire que depuis mon balcon de dix ou quinze mètres sous l’eau, qu’il est pour moi plutôt frustrant de voir les autres de mon club tout à leur plaisir au fond de la fosse alors qu’ils sont en train de zouker ou en train de jouer à la balle au prisonnier. Sourire. J’aimerais bien en être. Mais je n’arrive pas encore à faire partie de ce club-là. Secrètement, d’ailleurs, je cultive de plus en plus aussi l’illusion qu’en milieu naturel, bien préparé, je pourrais plus facilement- sans forcer- atteindre agréablement les vingt mètres. Le caractère froid et assez étroit de la fosse- on parle bien de « tube » certaines fois- de vingt mètres a un peu tendance à me rendre claustrophobe dirait-on.

Donc, depuis plusieurs sorties en fosse, c’est le même cirque qui se reproduit pour moi. Fosse de cinq mètres, aucune difficulté pour compenser tête en bas. Je déglutis. Ça passe avec évidence. Fosse de vingt mètres, je me plie à l’exercice d’échauffement. Je me plie aux consignes de compensation en compagnie de notre « ami » Frenzel en portant ma main sur mon nez puisqu’en déglutissant, au delà de huit mètres à peu près, ça coince. Et puis, vers huit mètres, ça coince quand même (même dans la fosse de dix mètres) et je suis obligé d’ouvrir le parachute : De me retourner, ralentir, de mettre ma tête en haut. Et, incrédule, je constate à nouveau que je bute sur le même mur de profondeur alors que j’ai encore une bonne provision d’air dans les poumons. Et que mon apparente volonté est insuffisante pour m’insuffler de quoi descendre plus bas.

J’éprouve rarement le plaisir de m’enfuir dans la fosse de vingt mètres. J’ai toujours l’impression de manquer de temps avant de le trouver, ce plaisir. Non, dans la fosse de vingt mètres, si je tombe, c’est vers la mort. La fosse commune, quoi. Pourtant, j’aimerais fondre vers les vingt mètres. Et non ramer dans les huit mètres tel un poisson empêtré dans un filet. En plongée bouteille, là ou d’autres parlent des poissons et de ce qu’ils voient, j’ai jusqu’à maintenant préféré vivre la sensation d’apesanteur et d’oubli. Même si j’ai eu le plaisir de voir une raie Manta « décoller » sur un banc de sable et aussi de croiser un groupe de dauphins qui s’étaient amusés avec nous durant quelques minutes. Les deux ou trois fois où je suis descendu à moins quarante mètres, il m’a semblé que j’aurais pu descendre plus profond. Je n’avais pas d’anxiété particulière puisque cette plongée profonde se déroulait après que je me sois de nouveau acclimaté à la plongée bouteille après plusieurs sorties régulières et rapprochées. Les sensations que je ressentais au cours de la plongée étaient des sensations confortables et familières et mon matériel ainsi que mon niveau d’air étaient au rendez-vous et satisfaisants.

Mon niveau 2 m’interdit bien-sûr de descendre plus profond et j’ai bien sûr été sensibilisé à la narcose ou ivresse des profondeurs.

Il existe peut-être un ratio théorique entre ce que, psychologiquement, on accepte comme profondeur en apnée selon la profondeur que l’on a pu connaître avec bouteille. Ce ratio est sûrement imparfait car bien-sûr cela varie d’une personne à une autre. Mais pour moi, en apnée, mon frein « dans » les oreilles est apparemment situé entre huit et dix mètres de profondeur. Et, je crois que ce frein est principalement dans la tête, plus que dans la technique de compensation.

C’est ce que je me dis depuis ce dimanche.

Je veux bien me considérer comme un idiot et me dire que je réalise vraiment très mal certains gestes techniques mais l’idiotie a également ses limites. Il est aussi vrai que les masques que j’ai eus jusqu’à maintenant me permettent mal d’atteindre mon petit nez. Oui, grâce à l’apnée, j’ai découvert que j’ai un petit nez lorsqu’il s’agit de le pincer à travers le masque pour compenser mes oreilles. Dimanche, j’ai dû l’admettre en regardant le nez (finalement, j’ai renoncé à les mesurer) de certains de mes copains de club : j’ai un petit nez. Alors, à défaut de chirurgie esthétique et de me faire prescrire du viagra pour le nez, je me suis acheté cette semaine un nouveau masque en prenant en compte cette particularité cette fois-ci. Et le vendeur m’a appris que ce masque se vendait beaucoup…en Asie. Car ils ont un petit nez. Grâce à l’apnée, je me suis peut-être découvert de lointaines origines asiatiques dans une autre vie. Mais peut-être aussi qu’en retournant régulièrement en fosse (j’y vais, au mieux, une fois par mois) que ce mystère des oreilles va se déboucher. C’est ce que je crois de plus en plus. Et c’est aussi ce que m’a déja expliqué une copine du club. En attendant, je dois accepter mes limites actuelles. Les rogner progressivement à la façon d’un charognard de vie et d’apnée.

J’écris ce récit aujourd’hui car lorsque mes oreilles passeront la barre des vingt mètres ou davantage, ou plus tard, j’aurai peut-être oublié ces tourments actuels qui seront peut-être le présent d’autres apnéistes et plongeurs.

Franck Unimon, ce vendredi 5 avril 2019.