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Zingaro : Cabaret de l’exil femmes persanes conception Bartabas

Au théâtre Zingaro, à Aubervilliers, ce samedi 28 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Zingaro : Cabaret de l’Exil femmes persanes (conception Bartabas)

 

Cela faisait des années que j’avais entendu parler de Bartabas, du théâtre Zingaro, de « ses » chevaux et que j’avais envie d’aller les voir. J’avais aussi lu un ou deux articles sur lui. Ou peut-être une interview. Cela m’avait décidé.

Bartabas, après la représentation ce samedi 28 octobre 2023 au théâtre Zingaro. Photo©Franck.Unimon

Mais mes envies sont aussi des bagages que je tire derrière moi. On peut me trouver excentrique et original. Pourtant, je vis le plus souvent avec les badges, les numéros, les heures, les consignes ou les directions qui me sont attribuées et pour lesquelles je (me) suis renseigné.

Il faut des sorts contraires ou en être arrivé à un stade particulier dans son histoire personnelle, pour, un jour, ou par moments, renoncer complètement et oublier beaucoup de ce que à quoi l’on a pu tenir pendant des années. Ou faire le nécessaire pour que tout arrive.

Il a fallu que je me marie et devienne père pour que je pense cette année à offrir à ma fille un spectacle de Bartabas comme cadeau d’anniversaire et que je l’y emmène avec sa mère.

J’avais bien vu un de ses spectacles. Mais c’était au château de Versailles. Dans une autre vie avec une autre personne. Nous étions loin. Cela allait vite. Il était difficile de bien distinguer ce qui se passait même s’il m’en était resté quelques visions. Et, cela n’était pas au théâtre Zingaro.

Une des parties du théâtre Zingaro, à Aubervilliers, ce samedi 28 octobre 2023, là où s’est tenu la représentation. Photo©Franck.Unimon

Créé en 1989, situé dans la ville d’Aubervilliers, je m’étais toujours imaginé que le théâtre Zingaro était difficile d’accès. Que c’était soit trop loin ou soit trop cher.

Je suis pourtant né en banlieue parisienne et ai toujours vécu en banlieue parisienne. Un de mes cousins vit depuis plus de vingt ans dans la ville de Saint Denis. J’ai déjà fait des voyages à l’étranger et en France. J’ai aimé ça et continuer d’aimer faire des voyages. A Paris et en île de France, je préfère largement les transports en commun à la voiture et je les emprunte très facilement depuis des années.

Je n’ai peut-être pas assez aimé.

Tout est fait pour pouvoir se rendre à la station Fort d’Aubervilliers, par la ligne 7 du métro, et aller au théâtre Zingaro. C’est même beaucoup plus pratique que la voiture, le soir de la finale de coupe du monde de Rugby au stade de France entre la Nouvelle Zélande et l’Afrique du Sud.

Lorsque, tous les trois, nous partons découvrir le théâtre Zingaro et son dernier spectacle Cabaret de l’Exil femmes persanes, le match de Rugby n’a pas encore débuté. Et nous sommes à quelques heures du passage à l’heure d’hiver. Mais nous sommes un samedi soir, entre 18 heures et 19 heures, en pleines vacances de la Toussaint.

Il y a beaucoup de monde dans le métro. Des touristes. Des personnes habillées pour sortir le samedi soir. Des amatrices et des amateurs de Rugby qui se rendent au « stade » (au stade de France) ou ailleurs pour regarder le match. Telle cette jeune femme plutôt longiligne d’une vingtaine d’années en face de qui je m’assieds, qui porte un maillot ( de Foot ou de Rugby ?) de l’équipe de France et des écouteurs intra-auriculaires sans fil.

Arrivés à la station Fort d’aubervilliers, juste avant le terminus, nous descendons et, tels des exilés, nous cherchons notre chemin.

Sous le chapiteau où il est possible de se restaurer et de s’asseoir près du théâtre Zingaro, ce samedi 28 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Le jeune homme noir (la vingtaine) devant lequel je me fige et que je salue avant de l’interroger tient son téléphone portable à la main. Il est un petit plus grand que moi, debout, près de l’une des sorties du métro.

A l’intonation et aux accents de sa voix comparativement à mes expressions en Français « soutenu », je mesure à la fois sa surprise mais aussi que nous sommes, lui et moi, de deux mondes différents mais aussi que nous sommes bien en banlieue.

Pourtant, nous venons d’Argenteuil et je suis né à Nanterre. Argenteuil et Nanterre – là où j’y ai vécu en immeuble HLM- n’ont rien à voir avec Versailles, St Germain en Laye, Neuilly sur Seine ou le 6 ème arrondissement de Paris.

Mais nous sommes néanmoins deux étrangers lui et moi qui parlons alors dans une même langue, le Français, tout en ayant- a priori- des perspectives très différentes.

Toujours sous le même chapiteau que précédemment, ce samedi 28 octobre 2023, au théâtre Zingaro. Photo©Franck.Unimon

Je vois bien que le théâtre Zingaro, Bartabas, ça ne lui dit rien même s’il est du quartier vraisemblablement et qu’il me renseigne. J’ai été pareil que lui, durant des années, adolescent, lorsque je passais devant le théâtre des Amandiers, à Nanterre, et que je voyais, étonné et dubitatif, des personnes faire la queue dans la rue afin d’y entrer. Nous avons habité à environ dix minutes à pied du théâtre des Amandiers jusqu’en 1985. Soit quatre ans avant la création du théâtre Zingaro à Aubervilliers, ville qui, comme Nanterre, avait alors probablement un maire communiste.

Chaque fois que je connais un peu plus l’histoire du théâtre des Amandiers de Nanterre, je me rappelle avec une certaine amertume de ce genre d’opportunités que j’ai pu rater à cause, déjà, de mon infirmité :

Le manque de curiosité, de volonté et d’autonomie de pensée. Tout cela conduit à la cécité – morale, intellectuelle, psychologique- et à la lâcheté tant morale, que sociale et physique.

Ou, comme cela est mon cas, par moments, à une sorte de rage, de colère et d’amertume contre moi-même. Parce-que j’ai une certaine mémoire contre moi-même.

Personne, dans mon histoire, dans mon quartier, dans mes relations ou dans ma famille n’avait pu ou n’avait su saisir la chance ou l’intérêt que cela pouvait être, pour nous, personnes de banlieue, de milieu social modeste ou moyen, quelles que soient nos origines ou nos religions, d’avoir un tel lieu culturel près de chez nous.

Malgré les ambitions d’ouverture et de mixité sociale du théâtre des Amandiers et de tous les endroits ou de toutes les personnes qui lui ressemblent ou qui lui ont ressemblé.

Pourtant, j’étais une personne normale.

Quelques uns des artistes après la représentation, ce samedi 28 octobre 2023 au théâtre Zingaro. Photo©Franck.Unimon

J’allais à l’école, à la bibliothèque. Je regardais la télé, le journal télévisé. Je lisais. Je faisais mes devoirs, scolaires ou autres.
Et, lorsque je ne les faisais pas et les remplaçais par des bêtises ou des mauvais comportements et que j’étais démasqué, j’étais puni ou corrigé, que ce soit à l’école ou à la maison. Mauvaise note, gifles, oreilles tirées, remontrances devant la classe, coups de ceinture à la maison ou en public, engueulades.
Je jouais aussi au Foot avec les copains ou un autre sport. Je rigolais aussi avec eux. Je n’étais pas un isolé. Je partais en vacances. En colonie ou avec ma famille. J’avais des rêves et de l’imagination. J’avais une vie semblable à d’autres. Et, j’apprenais ce qu’il y avait à apprendre pour que tout se passe bien pour moi, par la suite.

En montant les marches nous amenant à la sortie du métro, ce samedi soir, sous la pluie qui ne nous avait pas quittés, il a fallu interroger deux ou trois autres personnes à une station de bus pour trouver le théâtre.

Un homme noir d’une cinquantaine d’années qui vendait des marrons grillés sous la pluie et qui ne connaissait pas le coin. Une femme noire, large, la quarantaine, qui voyait avec délivrance son bus se rapprocher. C’est une seconde femme, également noire, nettement plus âgée et plus svelte, à côté d’elle, qui m’a répondu que c’était sur le même trottoir, un peu plus loin.

Malgré les panneaux indiquant le théâtre Zingaro dès la sortie du métro, la pluie, la nuit et l’inconnu faisaient de nous des myopes ou des presque aveugles. Nous aurions tout aussi bien pu nous égarer un peu. Un grand centre commercial ou une autoroute restent mieux signalés. D’autant que, lorsque je cherche un endroit en me déplaçant à pied, malgré les GPS et les plans devenus courants depuis des années dans nos smartphones, je persiste à chercher parmi les personnes que je croise dans la rue, les étoiles qui vont m’indiquer ma route jusqu’à ma destination.

L’entrée du théâtre Zingaro se trouve à à peine cinq minutes à pied de la station de métro.

Les musiciennes et chanteuses, lors de la représentation : Firozeeh Raeesdanae, Shadi Fathi, Farnaz Modarresifar, Niloufar Mohseni. Photo©Franck.Unimon

Puisque l’on nous parlait d’un Fort, je m’attendais à ce que le théâtre Zingaro se découvre dans l’enceinte d’un fort et soit en quelque sorte invisible à l’extérieur. Mais c’est depuis la rue que le théâtre Zingaro s’expose. C’est aussi un lieu, un monde, qui impose son architecture et son univers dès l’accueil et la présentation des billets.
Il m’a fait penser au théâtre du Soleil « d’Ariane » Mnouchkine qui se trouve à la cartoucherie Vincennes dont Bartabas s’était sûrement en partie inspiré comme il s’était sûrement, aussi, inspiré du théâtre des Amandiers.

Alors qu’aujourd’hui existe une crise sévère de l’immobilier et qu’il a pu se construire à l’excès des logements en défigurant certains quartiers, le théâtre Zingaro fait penser à ce qui reste de certains millésimes d’espaces conçus pour être beaux, pour être accueillants, pour être divertissants, pour être chauds, pour être confortables, pour être aérés, pour y venir en famille avec ses enfants, pour libérer et faire rêver et réfléchir celles et ceux qui y viennent ne serait-ce que pour y voir un spectacle. Et, l’on comprend vite que ce programme vaut le déplacement mais aussi le prix que l’on peut mettre pour le vivre et/ou y assister. J’ai payé 39 euros la place pour ma fille, et deux fois 59 euros pour ma compagne et moi afin d’être bien placés de manière à ce que je puisse faire des photos.

Finalement, alors que je fais partie des mitrailleurs anarchiques de la prise de vue, je n’ai fait aucune photo durant le spectacle car j’ai très rapidement accepté de respecter au moins les chevaux et les artistes mais aussi l’état d’esprit du lieu.

Avant la représentation, le public a été d’ailleurs invité à appliquer le mot « Respect » mais aussi à « éteindre son intelligence artificielle même si cela est difficile pour certains ». Les photos de cet article ont donc été prises- sans flash comme toujours- avant la représentation ou à la fin de celle-ci. Je ne suis pas très content de ces photos (il va vraiment falloir que j’apprenne à me servir correctement de mes appareils photos). Par contre, je suis content d’être allé au théâtre Zingaro et que cela ait plu à ma compagne et à notre fille. Et, je me demande si je vais y retourner bientôt.

Près d’un des deux bars au théâtre Zingaro, après la représentation, ce samedi 28 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon. Sur les deux photos du bas, on peut reconnaître Bartabas, il y a quelques années.

Il est plutôt rare d’envier la caissière ou l’employé d’un supermarché lorsque l’on part y faire ses achats. Mais on peut croire et espérer que celles et ceux qui travaillent au théâtre Zingaro y ont une belle vie ou se consacrent à une œuvre qui a son importance bien au delà de sa valeur marchande. Alors qu’il est tant d’autres endroits où l’on donne de soi où par lesquels on passe où croyance et espérance passent pour des expériences de dégénérés qu’il importe d’éconduire et de détruire.

C’est en partie ce que raconte Cabaret de l’Exil Femmes persanes où les principaux rôles sont tenus par des femmes de différents profils. Une jeune femme naine ouvre le spectacle et déclame. D’autres, cavalières, danseuses, acrobates, chanteuses ou musiciennes ont d’autres silhouettes. Mais avec leurs partenaires masculins, toutes réclament leur droit de vivre ainsi que leur droit à l’Amour.

Bien-sûr, on ne peut que penser à ce qui se passe depuis quelques temps en Iran mais aussi partout où des femmes sont martyrisées et tuées. Cela peut aussi se passer en France, près du théâtre Zingaro mais aussi à Versailles ou dans le 6ème arrondissement de Paris.

Le cercle dans lequel se déroule le spectacle ainsi que ses diverses dimensions vise sans doute à nous dire que notre vie se déroule souvent sur plusieurs niveaux. Il y a ce sur quoi nous fixons la plus grande partie de notre attention, ce vers quoi, aimantés, obsédés, nous nous dirigeons. Et, il y a tout ce qui nous entoure de merveilleux, de fantastique ou de possible et que nous ne voyons pas ou que nous ratons.

Ainsi, c’est la première fois, où, en me rendant à un spectacle, j’ai été surpris d’être reçu par la chaleur thermique présente alors que nous venions nous asseoir aux places que j’avais réservées et payées. Je m’attendais à ce qu’il fasse froid. Pour moi, il fallait qu’il fasse froid dans l’enceinte du théâtre car, dehors, en plus de la pluie, la température avait baissé ces derniers jours. Et, pour les chevaux, je me disais qu’il valait mieux qu’il fasse assez froid.

Par ailleurs, devant nous, comme pour d’autres, la table était mise : une théière remplie, quatre petits verres, quatre boudoirs et quatre serviettes en papier étaient disposés sur notre table de quatre. Je ne pouvais que saluer la jeune femme qui nous avait précédé et, ensuite, lui proposer de lui servir du thé comme je l’avais fait au préalable pour ma compagne et notre fille. Ce fut un contraste avec la brutalité et la totalité des concerts, des festivals, des pièces de théâtre, des séances de cinéma et autres manifestations culturelles auxquels je suis parti assister et où , généralement, c’est toujours chacun pour soi ou pour nos connaissances. Même si nous venons admirer ou découvrir la même œuvre ou le même artiste que beaucoup d’autres inconnus, nous nous comportons en ces circonstances de la même façon que nous pouvons le faire dans les transports en commun, en voiture ou sur notre lieu de travail ! En troupeaux séparés ou en individualités forcenées.

Pour conclure et pour l’anecdote, et, je suis un peu désolé d’être quelque peu paralysé avec ça car je sais que ce sujet revient assez régulièrement dans mes articles :

La représentation de Cabaret de l’Exil Femmes persanes à laquelle nous avons assisté hier soir était complète ainsi que celle d’aujourd’hui. Mais lorsque les lumières se sont rallumées, en plus de moi, j’ai vu un seul homme noir dans la salle, au sein du public.

Je ne lui ai pas parlé. Cependant, à vue d’œil, je dirais qu’il avait une bonne quarantaine d’années.
Il demeure un paradoxe entre, d’un côté, beaucoup de noirs (et d’autres) présents ou qui vivent aux alentours du théâtre Zingaro depuis des années et si peu, manifestement, qui, de leur propre volonté ou par curiosité, viennent y voir ce qui s’y passe.

On devrait peut-être inventer le service culturel obligatoire.

Cela existe peut-être déjà quelque part. A partir d’un certain âge, et pour une certaine durée, on devrait peut-être obliger les jeunes femmes et les jeunes hommes, quelles que soient leurs origines, le volume de leur poitrine, la taille de leur pénis, celle de leurs religions, de leur classe sociale et de leur compte en banque, à quitter pendant un certain temps leur quartier, leur famille et leur environnement afin de partir découvrir mais aussi afin de participer à la création d’oeuvres culturelles et artistiques diverses.

Et, toute personne ou toute famille qui s’y opposerait devrait être sanctionnée moralement ou pénalement ou considérée comme désertant ses obligations civiques envers ses semblables. Ou perçue comme potentiellement dangereuse. Après tout, nous sommes beaucoup à devoir quitter un jour notre famille, nos amis, nos copines, nos copains et notre environnement pour des obligations au moins d’ordre économique ou personnelles. Et nous faisons avec généralement.

Au théâtre Zingaro, après la représentation, ce samedi 28 octobre 2023. Un feu de camp avait été fait. Photo©Franck.Unimon

La culture et l’Art, à eux seuls, ne sauvent pas de la barbarie, mais avoir à les créer, à les transmettre, à y assister et rencontrer véritablement d’autres personnes mais aussi des figures qui y contribuent, cela procure sans doute plus facilement d’autres ambitions, d’autres armes, d’autres âmes mais aussi d’autres responsabilités que celles de morceler sa prochaine ou son prochain pour de vrai ou de les ensorceler avec des barbelés.

Franck Unimon, ce mercredi 1er novembre 2023.

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Cinéma Théâtre

Etre déprimé : ébauche de texte pour du Stand Up

Etre déprimé : Ebauche de texte pour du stand Up.

 

Il est bien sûr préférable d’être déprimé plutôt que dépressif.

 

Mais on ne choisit pas.

 

En surface, et en société, lorsque l’on nous demande:

« Tu vas bien ? », il « vaut » mieux bien sûr répondre – et dans un grand et magnifique sourire- (un peu comme si on venait de se désaltérer en buvant un grand verre d’eau bien fraîche ou de sortir d’une très bonne séance de massage non érotique ) :

 

« Oui, ça va !  ».

Notre sourire doit être un tourbillon de bien-être. Une mini-réplique de Autant en emporte le bonheur

 

Peu importe que l’on ait surtout envie d’immoler par le feu ou de démolir à peu près tout ce que l’on approche à commencer par soi-même.

 

 Et, il vaut mieux y croire soi-même un petit peu lorsque l’on affirme que tout va bien.

 

Tout va hyper-bien. Nous ne nous sommes jamais sentis aussi bien. C’était ce que nous avions déja affirmé toutes les autres  fois. Mais, cette fois-ci, c’est encore plus vrai que d’habitude.

 

Il s’agit d’être crédible dans son rôle. Et tout de suite. 

 

Si on peut, on peut même en rajouter en disant :

 

« Bien-sur que ça va ?! Toujours ! Pourquoi ?! Y a un problème ?!  Quel problème ?! Et toi, ça va ?! ».

Il faut bien montrer qu’il faudra s’y mettre au moins à quatre pour essayer de nous abattre.

 

Cette réponse, c’est un peu notre carte de visite.

 

Notre coefficient de fréquentabilité voire de respectabilité.

 

Cette réponse nous rend « bankable », désirable ou non. Allez voir votre conseillère bancaire pour obtenir un prêt en lui laissant imaginer que votre véritable projet est surtout de vous suicider sitôt que vous l’aurez quittée….

 

Personne ne désire un bout de bois tout vermoulu plein de champignons dont même les vers se séparent.

 

Personne.

 

Si l’on répond ou décide de répondre :

 

« ça ne va pas… », les réactions et les divers algorithmes autour de soi se mettent à varier selon les interlocuteurs.  

 

Cela peut aller de la fuite à la curiosité voyeuriste et quasi-extatique ( « Enfin… »).

 

En passant par la pitié ou le dédain.

 

Et, tout de même, aussi, on peut rencontrer de l’attention bienveillante proche du partage. C’est le côté jardinier chez certains. Ou le côté mitoyen. Car quelqu’un peut ainsi vous souffler dans l’oreille : «  Moi, aussi…tu sais ».

 

 

Etre déprimé, c’est la honte. C’est comme ne pas savoir danser lors d’une soirée zouk ou salsa alors que tout le monde danse et a l’air de très bien s’amuser. Il n’y a plus qu’à attendre qu’un peu plus de monde soit alcoolisé ou défoncé pour que cela perde de son importance. Ou, peut-être vaut-il mieux envisager de partir pendant que personne ne semble nous remarquer. Même si l’on sait qu’une fois que l’on sera parti (e) que tout le monde parlera de nous ensuite comme de la personne pathétique et seule dans son coin qui ne parlait à personne. Et à qui personne n’avait envie d’aller parler. 

 

Etre déprimé est plutôt l’exemple à ne pas suivre. L’image à ne pas donner de soi. La déprime est au moral ce que la vergeture ou l’embonpoint est au corps. Ça dispose d’une volonté propre aspirée par la pesanteur et le fond de l’abysse. Non seulement ça vous entraîne mais, en plus, ça vous suit partout à un moment donné. ça vous attire même de nouveaux amis tout autant déprimés.

 

A moins d’être habile pour savoir à qui s’adresser en de pareilles circonstances sans que cela n’ait de graves conséquences.

 

Car, le déprimé ou la déprimée, c’est « le » loser. Celle ou celui que l’on va épier dans Closer.

 

C’est celle ou celui qui attire la malchance ou le mauvais sort sur elle ou sur lui et qui pourrait le transmettre à toute personne proche de son corps.

 

Cette personne est rarement photogénique ou ciné-génique. On n’a pas très envie de se faire prendre en selfie avec. A moins de s’appeler Tiger Woods, Serge Gainsbourg, Amy Winehouse, Céline Dion ou Stromae.

 

 Bien des productions du spectacle « vivant » l’ont bien compris.

Il y a quelques jours, je suis allé voir le film  Les Trois Mousquetaires. D’Artagnan de Martin Bourbolon. Un film français sorti ce 5 avril 2023 et qui marche très bien.

 

Je n’ai pas écrit :  «  Un film français qui déprime ». Mais un film français qui « marche très bien ». Afin, aussi, de faire savoir que les réalisateurs français savent ou ont appris à faire des films qui marchent plutôt que des réclames publicitaires pour le prozac et le lexomil.

 

Hé bien, dans Les Trois Mousquetaires. D’Artagnan, aucun des protagonistes principaux ne déprime.

 

Sauf Athos, très bien joué par Vincent Cassel. On peut même déclarer que Athos/ Vincent Cassel est dépressif.

Athos joué par Vincent Cassel.

 

Mais « sans pathos ».

 

Dans le film, Athos le dépressif dont les « remords » ou les « tourments » ont appris à nager reste un modèle auquel on aimerait beaucoup ressembler. Et ça, c’est un grand tour de force.

 

La force, qu’elle soit mentale, morale, intellectuelle, affective, viscérale ou physique, c’est ce qui manque au déprimé et encore plus au dépressif. Et, c’est, aussi, ce qu’on lui reproche.

 

Ou, ce dont on peut abuser.

Athos/ Vincent Cassel entre Aramis/ Romain Duris et D’Artagnan/ François Civil.

Cependant, Athos,  lui, ne manque pas de force.  Son caractère subversif ou « disruptif », sa liberté, son sens de l’honneur, son humour, son courage, sa vitalité érectile et, bien-sûr, son expertise dans les armes et l’art du combat font d’Athos un homme fort. Sa dépression est un peu son auréole d’être humain. Sans elle, Athos serait un demi Dieu ou un Dieu.  

 

Un surhomme.

 

On ne le dirait pas comme ça parce-que nous sommes beaucoup influencés par la « modernité » de ce que nous voyons, mais les trois Mousquetaires sont bien l’équivalent des ninjas ou des super-héros que nous pouvons voir dans des productions asiatiques et américaines :

 

La scène de combat, nocturne, en pleine forêt, et à l’épée, entre D’Artagnan (joué par François Civil) et Athos/ Vincent Cassel «  le dépressif » vaut bien une scène de combat de « type » ninja. Ou une tentative de sodomie dans une back room.

 

Mais cette scène d’escrime peut nous séduire au point de nous faire oublier le sujet de la déprime. Alors, redevenons terre à terre. Retournons aux « bouseux ».

Cait/ l’actrice Catherine Clinch dans The Quiet Girl

 

Dans le film The Quiet girl («  film en langue irlandaise le plus rentable de tous les temps ») on retrouve aussi la même idée vis à vis de la déprime.

 

The Quiet Girl  est un film réalisé par Colm Bairéad et sorti en salles ce 12 avril 2023.

 

 

Je suis allé le voir cette semaine, ce lundi 17 avril 2023 très précisément. Puisque les critiques étaient très élogieuses :

 

«  La pépite irlandaise » ; «  un film irlandais tout en sensibilité » ; « la belle histoire d’un petit film qui devient grand…. ».

 

Le film a été retenu pour les Oscars. C’est un grand succès en devenir tant commercial que critique.

Dès le générique du film, j’ai appris que The Quiet Girl  était inspiré de la nouvelle, Les Trois lumières, écrite par Claire Keegan. Il se trouve que j’avais lu et beaucoup aimé cette nouvelle de Claire Keegan il y a environ cinq ans. Grâce à l’action de la médiathèque de ma ville, à Argenteuil, qui nous sollicitait pour lire plusieurs ouvrages venant de paraître afin d’en discuter entre nous mais, aussi, pour élire celui que nous avions préférés.

 

Mais dans The Quiet Girl, nous ne sommes pas à Argenteuil, ville de banlieue parisienne, très bétonnée, mal réputée. Et beaucoup moins exotique que l’Irlande.

 

Car cela se passe en Irlande. La jeune héroïne, Cait, peut faire penser à Cosette ou à une héroïne de Rue, cases nègres.

 

Je croyais au départ qu’il s’agissait d’une histoire d’inceste. J’ai dû confondre avec un autre film, également plébiscité par la critique,  et sorti récemment, où une jeune fille subit un inceste.

 

Non. Pas de ça dans The Quiet girl.

 

Cependant, la petite Cait en prend néanmoins plein la tête dans sa famille.

 

Sa mère est une femme volontaire, travailleuse, croyante mais ignorante- ou rejetante- de tout moyen de contraception comme d’avortement. Nous sommes en Irlande.

 

 ET dans les années 1970-1980.

 

Question mariage, la « pauvre » mère de Cait, comme beaucoup de femmes dirons-nous, a tiré le mauvais numéro à la loterie. Pour effectuer ce portrait du père, Picasso aurait sans doute accompli un nouveau chef d’œuvre.

 

Le père de Cait est en effet fumeur, fumiste, buveur de bière, joueur, queutard, reproducteur de viande – ou d’enfants- à la chaine mais aussi débiteur de défaites en tout genre.

 

Et c’est un violent moral.

 

Le père de Cait est le portrait du bon beauf ou du mec « normal » diraient certaines personnes. Ce qui n’empêchera pas certaines de ces mêmes personnes de finir leur nuit ou leur vie avec ce même genre de mec par ailleurs. Car chacun sa vie, chacun ses choix et tout le monde est libre de faire à peu près ce qu’il ou elle veut comme tout le monde le sait.

 

Etant donné les dispositions de ses parents, on se dit que la jeune Cait pourrait peut-être trouver refuge dans cette solidarité qui se trouve parfois entre frères et sœurs ou chez quelque enfant de son âge.

 

Mais c’est chacun pour soi. La jeune Cait passe plutôt pour être « weird » ( « bizarre ») auprès des autres. Et le Professeur Xavier, mentor des X-Men, ne lui trouve pas de super-pouvoir de mutante pour avoir envie de venir la sauver en Irlande ou lui parler dans sa tête afin de lui recommander de continuer de croire en elle. Quant à Dieu, ou un autre, il ne se manifeste pas particulièrement sous la forme de visions pouvant au moins faire d’elle l’équivalent d’une Jeanne d’Arc ou d’une quelconque aventurière.

 

Moralité : Cait n’est pas du tout faite pour cette guerre totale qu’est sa vie sur terre depuis son plus jeune âge. Et, elle est vraiment très seule sur terre. Il n’y a même pas un réseau social de disponible sur lequel elle pourrait se trouver deux-trois amis. Et même si ça avait déja existé à cette époque, il est certain que dans son coin, il n’y aurait pas eu de réseau ou que son père aurait gardé en permanence la main dessus afin de se trouver ses plans cul comme on peut se trouver des plans came.

 

Aujourd’hui, en 2023, où l’on a « beaucoup » de recul et accompli diverses études sociologiques, psychologiques et bien-sûr scientifiques sur ce type de conditions de vie précoces ou « inaugurales », mais aussi beaucoup lu, on dirait que Cait a le profil type, voire le morphotype, de la jeune souffre-douleur destinée à être sacrifiée sur l’autel de la collectivité.

 

En se faisant harceler, tabasser ou, pourquoi pas, violer, engrosser, psychiatriser, clochardiser ou prostituer avant même sa majorité. En passant, bien sûr, par la consommation concentrée et répétée de diverses substances telles que tabac, stupéfiants ou autres.

 

Qu’est-ce que l’on croit ? Fille-mère toxicomane ou prostituée, c’est un projet de vie parfaitement normal pour une fille comme Cait vue de là d’où elle vient.

 

 

Chacun son karma.

 

 

 En plus, Cait, contrairement à Billy Elliot ne sait même pas danser et ne montre même pas de disposition particulière pour cela. Elle pourrait au moins essayer d’esquisser quelques petits pas de danse.

 

Même pas.

 

 Alors que contrairement à Billy Elliot mais aussi à l’adolescent du film Girl de Luke Dhont, Cait a pour elle d’appartenir dès sa naissance au genre sexué consacré pour la danse, la petite « idiote » délaisse complètement cet avantage et n’offre aucune volonté pour s’en sortir.

 

Sans prendre trop de risques, on peut se hasarder à conclure que Cait n’a aucune –bonne- carte en main. Et, alors qu’elle touche à peine ses dix ans, qu’elle a largement de quoi être dépressive, suicidaire ou très agressive.

 

 

Hé bien, pas de ça entre nous dans The Quiet Girl

 

Tout le film durant, la petite Cait reste aussi douce, mignonne, gentille, sensible et jolie que le bon lait.

 

Cait sait se tenir.

Jamais, Cait ne se montre en colère. Une véritable petite sainte sur terre.

 

Une future femme soumise, peut-être. Ou une âme « pure » et sans défauts comme on dit. Et qui a pour elle, non seulement, d’avoir gardé, malgré elle, sa virginité mais aussi… son insouciance. Les deux vont peut-être ensemble. Cela n’est pas tout à fait souligné dans le film. J’ai pourtant fait attention de bien lire les sous-titres en Français.

 

Cait est l’enfant parfaite qui peut donner très facilement bonne conscience- et gratification- aux adultes qui savent prendre soin d’elle.

 

Ce qui n’est pas très difficile pour les adultes « éclairés » que nous sommes devant ce film.

 

Alors que dans la vraie vie, c’est étonnant comme notre aveuglement nous guide très facilement.

 

Résilience et rebondissements

 

 

Il y a à peine deux mois maintenant, au salon du livre d’Argenteuil, lors d’une discussion  avec une adulte, peut-être grand-mère aujourd’hui, celle-ci a loué, voire presque revendiqué, la très forte capacité de « résilience » des enfants.

 

A écouter cette personne sincère et convaincue, on aurait presque pu  conclure que tout enfant qui rencontre et vit des expériences difficiles ou très difficiles se « doit » d’être « résilient ». En caricaturant un peu sa logique, cela aurait pu donner à peu près ceci :

 

« Les enfants qui vivent la guerre en Ukraine ? Résilients ! Les enfants des gilets jaunes ? Résilients ! Les enfants de celles et ceux dont la récente réforme des retraites imposée à coup de 49.3 a un peu plus  détruit celles et ceux, pour qui, deux années de travail supplémentaire, en raison de leurs conditions pénibles de travail, c’est beaucoup ? Résilients !

Les enfants des migrants morts en pleine mer après s’être faits arnaquer par des passeurs ? Résilients !  ».

 

J’en arrive à me dire que ce genre de raisonnement émis par des adultes, qu’ils soient des « spécialistes » de la petite enfance, de l’éducation ou d’anciens parents a pour but principal de rassurer ces adultes.

 

Et de leur donner bonne conscience en toute circonstance.

 

Il doit bien se trouver quelques unes et quelques uns de ces adultes parmi ces critiques et journalistes qui ont encensé The Quiet girl. Toujours prompts pour applaudir. Souvent absents lorsqu’il s’agit de véritablement tendre la main.

 

Pour ces quelques raisons, j’ai beaucoup de mal avec certains de ces termes avec lesquels nous sommes régulièrement badigeonnés comme on peut le faire sur la plage avec de la crème de bronzage avant une exposition prolongée au soleil :

 

« Résilience », « rebondir »…

 

Pour moi, la petite Cait attendrit parce qu’il est possible, sans trop de difficultés, de s’identifier à elle ou aux parents de substitution qui, dans le film, peuvent la sauver.

 

La « petite » est touchante. Les adultes qui la recueillent le sont tout autant. Et, entre les deux, il y a des méchants et des ignorants qui n’en valent vraiment pas la peine ainsi qu’une petite musique qui fait le service comme il se doit.

 

Tout ça, dans une période post-covid et de pénurie où l’on est devenu d’autant plus sensible au fait d’avoir une maison, son espace de liberté et d’autonomie à soi. Ce qui est le cas des parents de substitution qui ont également une souffrance intime et secrète. Ainsi qu’une grande maison bien chauffée à la campagne où l’on ne manque pas d’amour et de confort matériel.

 

Dans le film As Bestas de Rodrigo Sorogoyen, sorti en juillet 2022, les héros (adultes) paient par la mort et le harcèlement leur droit de passage définitif  dans ce paradis étranger pour lequel ils avaient quitté un monde parisien et urbain fait d’artificialité.

 

Dans The Quiet Girl, nous sommes de plain pied dans la ruralité sauf que nous débutons  par le plus mauvais et le plus misérable de ses extrêmes. Et, il s’agit de nous montrer que, malgré cela, il reste possible de sauver la petite Cait, et, à travers, elle, de sauver notre âme. Même si ses sœurs et son petit frère sont aussi mal partis qu’elle mais de cela on s’en contrefiche puisque l’on se focalise sur Cait.

 

Et puis, ce sera bientôt les vacances d’été et l’Irlande, c’est vraiment une très chouette destination pour le tourisme.

 

 

A la fin du film, à Paris, dans cette salle de cinéma près d’Odéon, j’ai aperçu deux personnes dont l’émotion était très visible. L’une d’elle essuyait ses larmes délicatement.

Je me suis quand même laissé prendre par l’émotion. Mais quelque chose m’a gêné dans le film :

 

On nous montre la petite Cait aux « meilleurs » moments de sa vie. Là où il est encore, de manière visible, possible de la sauver. Et lorsqu’elle est encore très « présentable ». Mignonne, polie, naïve, sans rancœur, vulnérable….

 

Cait est à peu près tout ce que l’on veut pouvoir attribuer à l’enfance et que nous avons plus ou moins perdu en devenant adultes ou que, une fois devenus adultes, nous avons pour devoir, en principe, de préserver chez les autres.

 

Chez celles et ceux qui nous entourent, petits ou grands, ou que nous aimons.

 

Ou sur ceux envers lesquels nous avons certaines responsabilités et sur qui nous pouvons exercer une certaine autorité.

 

Sauf que, sauvée ou non, pour moi, il est impossible que la jeune Cait reste aussi douce et aussi parfaite qu’on nous la montre.

 

Et, c’est pareil pour ses parents de substitution.

 

 

Pour moi, l’avenir de Cait pourrait ressembler à quelque héroïne  du film Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée ( 1981) ou du film Requiem for a dream ( 2000).

 

Mais cela, je l’écris seulement parce-que je suis déprimé, aigri, ou démesurément pessimiste et défaitiste. Parce-que j’ai des idées trop noires.

 

Ou parce-que je n’ai absolument rien compris au film.

Ce qui est le propre de la mentalité de tout cynique et de tout perdant.

 

Seuls celles et ceux qui sont combattifs, méritants – et résilients– peuvent véritablement apprécier le film à sa juste valeur.

 

The Quiet Girl  est le film-filtre qui départagera les résilients de tous les autres. Après la séance, les « autres » seront priés de retourner au néant préalable de leur existence sans déranger. Puisqu’ils ne sont même pas capables de saisir la chance qui leur a été proposée, au travers de ce film, de croire en leur avenir et de se battre pour lui.

 

Parce-que, dans la vraie vie, on aime celles et ceux qui en prennent plein la gueule et qui résistent avec le sourire. Parce-que c’est cela, être sain d’esprit.

 

Pourtant, quoi de plus « normal » que la déprime ?

 

Il y a du faux et du suspect, voire de l’inquiétant, chez celle ou celui qui, en toutes circonstances, en dépit de ses ratés, de ses doutes, de ses inquiétudes ou de ses deuils affirme que tout va très bien ou que tout se déroule « absolument comme prévu ».

 

Le dirigeant actuel de la Chine, future Première Puissance Mondiale hypothétique, a raté neuf fois son admission au parti communiste chinois. On peut louer sa persévérance ou parler de « résilience » à son sujet et chercher à s’inspirer de son exemple. Pourtant, on peut aussi se dire que les refus qu’il avait rencontrés ou sa persévérance, finalement couronnée de succès, avaient leurs raisons d’être. Pour notre avenir.

 

Si déprimer est un état désagréable dont on aimerait souvent se dispenser, on peut aussi se dire que cela aurait été mieux si certaines personnes pouvaient simplement accepter de déprimer.

Mais nous sortons de l’hiver. Et même si je ne parle pas de celui évoqué dans la série Game of thrones, succès déjà daté,  quoi de plus normal que de déprimer un peu ou beaucoup en ce moment?

Alors que nous avons changé d’année et sommes repassés à l’heure d’été. Alors que nous avons été plus ou moins éprouvés par le changement des saisons comme par certains événements divers personnels ou autres  : guerre en Ukraine, pénuries diverses, augmentation du prix des denrées alimentaires, du prix de l’essence, réforme des retraites, conflits sociaux qui en découlent, réchauffement climatique, crise des migrants…

Quoi de plus normal que de déprimer devant certains de ces événements extérieurs mais aussi intimes et personnels ? Et d’avoir besoin de rester quelque peu en jachère, ou en retrait, durant quelques temps ?

Le temps de récupérer. Un temps parfois ou souvent difficile à évaluer.

 

Il faudrait ou nous devrions être capables de prédire combien de temps nous sera nécessaire afin de pouvoir véritablement récupérer des efforts et des événements passés. Et, autant que possible, nous devrions raccourcir au plus vite cette période de récupération, pouvoir annoncer son terme afin de pouvoir être à nouveau opérationnels et disponibles et en première ligne sur tous les fronts du monde pour le confort et la satisfaction de quelques autres.

 

Comme s’il ne s’était jamais rien passé de marquant dans notre vie. Comme si le deuil et sa nécessité n’existaient pas dans notre vie. Comme si nous étions des êtres éternels et inchangés malgré le temps qui passe. Comme si nous étions indifférents à notre usure ou à notre sentiment d’usure ou de blessure intérieur et personnel.

 

Comme si nous étions, aussi, des pièces mais aussi des expériences interchangeables.

 

Chaque fois que l’on refuse l’idée d’être déprimé, on refuse aussi l’idée de faire partie de l’humanité et de notre particularité. Et, on devient, alors, autre chose ou quelqu’un d’autre. Un personnage de film ou de bande dessinée. Un dictateur ou une petite sainte.

 

Malgré nos « victoires » et nos « succès » publics ou d’estime.

Notre sourire intérieur importe plus que celui qui se voit, se récompense et s’entend. Lui seul peut véritablement nous tenir à distance de la déprime et de la dépression. Et, il est plus difficile à obtenir et à préserver.

 

Franck Unimon, ce vendredi 21 avril 2023.

 

 

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Théâtre

Au Théâtre du Soleil ce samedi 16 avril 2022 : l’île d’Or

 

 

Au théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022 pour “L’île d’Or”. Photo ©️Franck.Unimon                  

 

Au théâtre du Soleil ce samedi 16 avril 2022 : L’île d’or

 

Le Théâtre du Soleil est une planète dont j’avais entendu parler il y a plus d’un quart de siècle.

Je l’avais approchée sans l’atteindre. Le parc floral, l’été, et ses concerts (je me rappelle d’un très bon concert de Chucho Valdès). La caserne militaire où, appelé, j’étais un peu passé avant d’être affecté à l’hôpital militaire Bégin. Le centre équestre de la cartoucherie de Vincennes.

 

Il fallait réserver rapidement. Les places partaient très vite. J’habitais dans une banlieue éloignée et opposée.

 

Des noms stratosphériques, des noms magiques, sont « accolés » au Théâtre du Soleil. Ariane Mnouchkine, Hélène Cixous, Philippe Caubère, Simon Abkarian et beaucoup d’autres.

Le passé, le présent et l’avenir y sont composés comme dans une musique de Sun Ra.

 

Il y a bientôt une dizaine d’années, j’avais lu L’Art du Présent, le livre d’entretiens d’Ariane Mnouchkine avec la journaliste Fabienne Pascaud.

 

 

Pour un spectateur, pour un comédien, pour un auteur, passer par le soleil de ce théâtre, c’est entrer dans un lieu qui a résisté et résister peut-être aussi un peu avec lui.

 

A la lave de l’amnésie, de la destruction, de la dépression et du fatalisme.

 

Pour cela, il faut traverser Paris, capitale et astre culturel, ou s’en extraire. Pour venir à Vincennes. En voiture, en navette, à pied depuis la gare du RER A, voire en bus ou à pied. Je ne l’ai pas vérifié mais peut-être que le théâtre du Soleil a tenu à s’implanter hors de Paris avec un esprit d’engagement qui similaire à celui du théâtre des Amandiers, à Nanterre, lors de sa création ou dans certains mouvements proches de l’antipsychiatrie. 

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Photo ©️Franck.Unimon

 

Pour cette première fois au Théâtre du Soleil, j’avais emmené ma fille avec moi. Depuis Argenteuil, nous avons pris nos vélos, le train puis le RER. Il faisait beau.

 

Devant le Théâtre du Soleil, à gauche, en blanc, Ariane Mnouchkine après la représentation ce samedi 16 avril 2022. Photo ©️Franck.Unimon

 

 

 

J’ai dû m’y prendre à trois fois pour cette première fois. D’abord, il a fallu remettre notre venue à une autre date. Trop de cas de Covid parmi les comédiens en janvier m’avait-on appris ? Est-ce que je voulais reporter notre venue ou être remboursé ? On reporte. Je suis né à Nanterre où, jusqu’à mon adolescence, j’ai grandi à quelques minutes à pied du théâtre des Amandiers devant lequel je suis passé d’innombrables fois en le regardant comme un endroit qui m’était complètement exogène. Même si, en classe de 3ème, avec notre prof de Français de 3ème, je suis entré une fois dans le théâtre des Amandiers pour aller voir Combat de Nègres et de chiens, j’ai raté toutes mes rencontres avec le théâtre des Amandiers. Quarante ans plus tard, je n’allais pas rater ma rencontre avec le Théâtre du Soleil.  

 

Au théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Photo ©️Franck.Unimon

 

La fois suivante, ma fille était invitée à l’anniversaire d’une ses copines. Nous n’allions pas la priver de cette fête pour cette « surprise ». Une « surprise » dont elle ne connaissait rien. Plus de trois heures. Un ou deux entractes. Un peu un pari. Il y a des surprises d’accès plus « facile».

J’ai fait confiance à l’endroit et au jeu. A la mise en scène. Au spectacle. A mon envie ou à ma “folie”. 

 

Sur place, nous avons trouvé dehors un public qui  m’a semblé être constitué d’habitués. Autant celui venu pique-niquer ou se distraire en famille que pour se restaurer ou pour assister à la représentation.

 

A l’intérieur, cela a été la surprise de voir les comédiennes et les comédiens se préparer.

Je ne peux pas parler de ce que j’ai vu sur scène. Mais je suis content d’être venu.

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Avec Emmi. Photo ©️Franck.Unimon

 

 

Et si j’ai mis autant de temps pour montrer ces photos, c’est parce-que j’ai voulu bien les choisir. Je ne suis pas sûr, ce soir, d’y avoir réussi mais j’espère qu’elles parleront pour moi.

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Photo ©️Franck.Unimon

 

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Emmi découvre les comédiennes et les comédiens en pleine préparation. Photo ©️Franck.Unimon

 

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Photo ©️Franck.Unimon

 

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Photo ©️Franck.Unimon

 

 

Au Théâtre du Soleil, ce Samedi 16 avril 2022. Photo ©️Franck.Unimon

 

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Photo ©️Franck.Unimon

 

 

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Photo ©️Franck.Unimon

 

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Photo ©️Franck.Unimon

 

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

 

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Photo ©️Franck.Unimon

 

 

 

Au Théâtre du Soleil, ce samedi 16 avril 2022. Emmi avec Ariane Mnouchkine, après la représentation. Photo©️Franck.Unimon

 

Franck Unimon, ce vendredi 17 juin 2022.

 

 

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Argenteuil Théâtre

Garde à vue à Argenteuil

Argenteuil, dimanche 7 novembre 2021.

Garde à Vue à Argenteuil

 

 Une garde à vue dans un temple protestant. Cela s’est passé hier après-midi, dimanche, à Argenteuil.

Et, j’ai été consentant.

 

Le dimanche après-midi a longtemps pu être un enfermement chez soi. Mais on peut être enfermé de tellement de façons différentes. On sort à peine d’une cellule ou d’un ennui que l’on entre dans un autre ou dans une autre.

Argenteuil, dimanche 7 novembre 2021.

 

Hier après-midi, je suis allé voir l’adaptation théâtrale du film Garde à vue de Claude Miller. Parce-que je connais Daniel Muret, qui s’est occupé de la mise en scène, ainsi qu’Evelyne Fort. Ils représentent tous deux la compagnie Willy Danse Théâtre, à Argenteuil.  

 

J’avais fait leur connaissance après mon arrivée à Argenteuil, à la médiathèque, il y a plus de dix ans. Daniel y animait un atelier d’écriture auquel j’avais participé. Et Evelyne faisait partie des participants.

 

Il y a presque deux mois, j’avais croisé Daniel par hasard dans Argenteuil. Daniel est Argenteuillais depuis sans doute un demi siècle ou davantage. A Argenteuil, il y a encore des personnes qui y vivent depuis plusieurs générations.

Le jour de notre rencontre, Daniel m’avait dit qu’il en avait « assez » de toujours voir adapté des classiques et des auteurs déjà reconnus. Son propos m’avait plu.

 

Je n’ai pas- encore- vu le film de Claude Miller avec Michel Serrault. Si je « connais » bien sûr l’acteur Michel Serrault, je suis un peu jeune pour avoir vu ce film lorsqu’il était sorti au cinéma en 1981. Et, c’est seulement en écrivant cet article que je découvre que Lino Ventura (dont j’aime modérément le jeu mais que je sais considéré comme un grand acteur à la « Française » presqu’équivalent à un Jean Gabin que je préfèrerais) et Romy Schneider (une actrice, pour moi, au delà de beaucoup d’autres, un peu à l’image d’un Patrick Dewaere) figurent aussi dans le film de Miller. Et, je crois que c’était mieux pour moi, hier, de ne pas avoir vu le film au préalable.

 

Hier après-midi, je suis allé voir cette adaptation théâtrale sans comparaison en tête. Mais aussi pour rompre un peu avec cette coutume selon laquelle la culture se trouve principalement à Paris. Mais aussi parce-que j’en avais assez de cette ville.

 

Par moments, j’en ai assez d’Argenteuil, cette ville paradoxale, bétonnée, dont sont parties plusieurs personnes que j’y avais rencontrées. Ou que j’aimais bien.  Une ville très étendue, « La troisième du Val d’Oise », faite d’une multitude de quartiers.

 

Argenteuil, pour moi, est une ville de deuils. C’est aussi une ville qui vit sans qu’on la regarde mais à laquelle beaucoup sont attachés. Au point que, parfois, je me demande, à voir leur enthousiasme, ce qu’ils lui trouvent.

Pourtant, cette ville, je la défends aussi tandis que d’autres lui décernent tous les torts et tous les travers. La saleté, les incivilités, la délinquance, les impôts locaux élevés, les écoles publiques dont le niveau a chuté à partir du collège.

Au travail, j’ai pour habitude de dire que, pour moi, les gens sont plus importants que les murs ou le décor. Mais il y a des limites. Et, à Argenteuil, par moments, je me demande où est la différence entre les limbes et les limites. Et, tout ça, à quelques kilomètres de Paris, la « ville lumière ».

 

Argenteuil serait donc révoquée. Argenteuil compterait donc parmi les villes qui donnent difficilement le change. Et, je me suis rappelé qu’une partenaire de théâtre au conservatoire- d’Argenteuil- m’avait appris qu’un acteur ( «  qui peut tout jouer ») s’était abstenu de dire lors d’une de ses tournées qu’il jouerait aussi à Argenteuil. C’était peut-être un oubli après tout. Pourquoi toujours imputer aux gens des mauvaises intentions de vote ? C’est bien un truc de perdant, ça, penser que si on nous oublie, c’est parce-que l’on nous snobe.

 

A Argenteuil, j’ai vu passer sur scène Kassav’, Kéry James, Arno, Marc Ribot, Magma, Danyel Waro, Denis Lavant, Disiz La Peste et j’en aurais vu et entendu bien d’autres si je m’étais rendu disponible. Alors, je pouvais me rendre disponible pour la pièce Garde à vue.

A Argenteuil, Au théâtre de l’Abri, ce dimanche 7 novembre 2021.

Hier après-midi, le public m’a semblé principalement familial et amical. Et pourquoi pas ?

 

Argenteuil, au théâtre de l’Abri, dimanche 7 novembre 2021.

 

Si, quelques fois, la langue d’un ou deux comédiens a fourché, pendant plus d’une heure, j’ai oublié où j’étais. Les « gens », encore. Les gens sur scène mais aussi les décors avaient fait le nécessaire. Ils m’ont fait entrer dans une parenthèse qui s’est déroulée à l’époque où Valéry Giscard D’Estaing était Président de la République et encore vivant. Et  François Mitterrand et Jacques Chirac – qui allaient être les Présidents suivants- aussi. Dans une ville de province qui aurait pu être un des quartiers de la ville d’Argenteuil où à peu près tout le monde se connaît. Sauf que la mer aurait remplacé la Seine, et que le phare aurait pris la place de la salle des fêtes Jean Vilar, de la Cave Dimière ou du centre culturel le Figuier Blanc.

 

A l’époque où Valéry Giscard d’Estaing était Président de la République (on voit sa photo de Président sur scène) Argenteuil était ouvertement, encore, une ville communiste. Mais dans Garde à vue, on comprend que l’on est dans une ville de droite :

Un notaire, sujet de la grande bourgeoisie, est le suspect numéro un dans le meurtre de deux jeunes filles qui ont aussi été violées. Et deux policiers s’acharnent à le voir coupable. Il est en fait plus suspect d’être riche que meurtrier et, jamais, sans doute, ces deux policiers n’ont eu la possibilité d’approcher aussi longtemps et d’aussi près un homme riche. Alors, ils comptent bien en profiter. Quitte à le dépecer s’il le faut. D’autant que celui-ci a des secrets et des mensonges, comme tout un chacun, ce qui décuple la détermination des deux représentants de police qui ne supportent pas ce riche qui leur résiste.

A Argenteuil, au Théâtre de l’Abri, ce dimanche 7 novembre 2021.

 

Les comédiens m’ont plu. Je me suis aussi un peu demandé ce que j’aurais donné dans l’un des rôles. J’ai particulièrement aimé ces sous-entendus dans les propos. Mais aussi l’entrée de la femme (jouée par Marie Grandin) du suspect, grande bourgeoise d’entre tous mais aussi grande jalouse, jusqu’à la pathologie. Garde à vue, pour moi, est autant une œuvre sur une certaine haine sociale que sur l’inadaptation conjugale et relationnelle. Dans un cas comme dans l’autre, les êtres ne peuvent pas s’ajuster ou s’insérer puisque des illusions leur servent de repères et de refuges.

Argenteuil, au théâtre de l’Abri, ce dimanche 7 novembre 2021. A droite, Daniel Muret.

 

Franck Unimon, lundi 8 novembre 2021.