Pour la rubrique cinĂ©ma de mon blog dĂ©sormais rebaptisĂ© Balistique du quotidien, jâavais prĂ©vu ce matin dâaller voir deux films au cinĂ©ma. Afin dâallĂ©ger un peu le contenu de certains de mes articles. Et aussi parce-que jâai bien lâintention de parler cinĂ©ma sur ce blog. Et puis, il mâest soudainement apparu Ă©vident que la meilleure façon de dĂ©marrer ma rubrique cinĂ©ma consistait Ă mâinspirer de mon expĂ©rience de journaliste cinĂ©ma pour le mensuel papier Brazil. Lequel a cessĂ© de paraĂźtre fin juin 2011 si je ne me trompe.
Le train du deuil et de la nostalgie de la fin de cette aventure journalistique me semble aujourdâhui, ce mardi 18 septembre 2018, passĂ©. 7 ans pour le passage dâun train, cela est un dĂ©lai plutĂŽt raisonnable.
Avant mon expĂ©rience de journaliste cinĂ©ma pour Brazil, jâĂ©tais un cinĂ©phile parmi dâautres. Bien que cinĂ©phile assez « tardivement ». Ma mĂšre mâa racontĂ© quâelle et mon pĂšre mâemmenaient avec eux lorsquâils allaient au cinĂ©ma Ă Paris. Dans les annĂ©es 70. Car la place Ă©tait gratuite pour moi et parce-que jâĂ©tais un enfant « sage ». Je devais vraiment ĂȘtre trĂšs petit (entre mes trois et six ans mâa rĂ©cemment rĂ©pondu ma mĂšre) car je nâai aucun souvenir de sĂ©ance cinĂ©ma avec eux hormis quelques bribes dâun film oĂč le « hĂ©ros » Ă©tait une voiture coccinelle du nom de « Choupette ».
A la maison, devant la tĂ©lĂ© en noir et blanc dont la troisiĂšme chaine avait dĂ©sertĂ©, mes parents Ă©taient plutĂŽt portĂ©s sur certaines comĂ©dies françaises avec Bourvil et Fernandel. Mais ils avaient aussi une certaine fascination pour les films amĂ©ricains Ă tendance polar ou western. Ou pour les films de Bruce Lee. Et moi, Ă 20h30, aprĂšs le journal des informations, jâavais obligation dâaller me coucher.
Je disposais nĂ©anmoins de mes plages tĂ©lĂ©vision. A condition que celles-ci soient compatibles avec lâagenda de mon pĂšre en termes de retransmission dâĂ©vĂ©nements sportifs Ă la tĂ©lĂ©. Si la voie Ă©tait libre, les samedis aprĂšs-midis, jâavais par exemple droit Ă lâĂ©mission Samedi est Ă vous, Ă Temps X lorsque les frĂšres Bogdanoff Ă©taient jeunes, beaux et sans silicone. Et, jâĂ©tais lĂ devant lâĂ©cran lorsquâarriva la saga Goldorak et tout ce quâelle suscita dâengouement et de nouveautĂ©, amenant avec elle toutes ces caravanes de sĂ©ries japonaises (Candy, Heidi, Albator, Sandokan) et ignorant tout de leur provenance comme de ce quâelles pouvaient Ă©ventuellement reprĂ©senter comme « menace » culturelle ou tout simplement commerciale pour des Ćuvres telles que La Petite Maison dans la Prairie, Amicalement VĂŽtre, Les MystĂšres de lâOuest, ArsĂšne Lupin ou VidocqâŠ.
Plus tard, Ă partir de lâadolescence, rĂ©pondant peut-ĂȘtre dĂ©jĂ Ă un certain appel dâobsolescence programmĂ©e, je me suis aussi beaucoup abruti devant la tĂ©lĂ©. Je me suis beaucoup vu me mettre minable, les dimanches aprĂšs-midis, en regardant jusquâau bout et sans rĂ©mission les Ă©missions (rĂ©) animĂ©es par Jacques Martin. Depuis Lâhomme qui prend des risques en passant par Incroyable mais vrai jusquâau ThĂ© Dansant.
Je savais que ce que je regardais Ă©tait mauvais, trĂšs mauvais, que je savais lire et Ă©crire, que je perdais mon temps. Mais je restais lĂ , fidĂšle au poste, accrochĂ© Ă la lucarne du tĂ©lĂ©viseur familial qui me semblait ĂȘtre mon seul subterfuge contre lâennui.
Lequel tĂ©lĂ©viseur, remplaçant le prĂ©cĂ©dent, Ă©tait dĂ©sormais pourvu de la couleur et de la tĂ©lĂ©commande. NĂ©anmoins, je restais un tĂ©lĂ©spectateur pĂ©destre et mĂ©thodique, dĂ©vot jusquâau-boutiste de la chaine et du programme choisis, totalement sectaire envers lâidĂ©e du zapping et la rĂ©prouvant mĂȘme, quelle dĂ©gĂ©nĂ©rescence ! , lorsque mon frĂšre, mon benjamin de 14 ans, sây adonnerait parfois compulsivement devant moi.
Le grand avantage de toutes ces mauvaises cuites tĂ©lĂ©visuelles alors que jâingĂ©rais toutes les versions françaises de ce que je regardais comme des hosties et du petit lait, câest quâen quittant mes parents pour aller emmĂ©nager chez moi, je me suis aussitĂŽt sevrĂ© de la tĂ©lĂ©. Je nâai jamais achetĂ© de tĂ©lĂ©viseur. En acheter nâa jamais fait partie de mes projets. Il est quantitĂ© de dĂ©penses dont jâaurais dĂ» me passer et jâai encore bien des efforts Ă faire en termes de dĂ©penses. Je perçois la consommation « ordinaire » que nous pratiquons quasiment quotidiennement pour divers achats comme une addiction soit lâĂ©quivalent  dâun « apprentissage pathologique » assimilĂ© depuis des annĂ©es et qui nous fait du tort. NĂ©anmoins, nous avons aussi des moments de luciditĂ©. Jâai toujours Ă©tĂ© perplexe devant les (grandes) sommes quâacceptent de donner mes contemporains en vue dâacquĂ©rir un tĂ©lĂ©viseur. Et jâai Ă©prouvĂ© une grande fiertĂ© Ă pouvoir ĂȘtre dispensĂ© de payer la redevance tĂ©lĂ© pendant des annĂ©es.
Aujourdâhui, nous avons bien un tĂ©lĂ©viseur Ă la maison. Mais câest celui que possĂ©dait ma compagne alors que nous nous sommes rencontrĂ©s. Je nâai jamais estimĂ© que cela pourrait constituer un motif recevable afin de la rĂ©pudier. Dâautre part, son tĂ©lĂ©viseur nous sert dâĂ©cran pour regarder des Blu-Ray et des dvds voire des cassettes VHS. Et lorsque notre fille se met subitement en arrĂȘt Ă Ă peine cinquante centimĂštres dâun tĂ©lĂ©viseur allumĂ© de maniĂšre automatique chez des amis ou dans de la famille, je me transforme en vigie qui la fait battre en retrait de deux ou trois mĂštres. Ma compagne adopte la mĂȘme attitude mĂȘme si, assez amusĂ©e, elle ne manque pas de (me) rappeler quelques fois que lorsque je passe devant un tĂ©lĂ©viseur allumĂ©, je me transforme aussi en statue comme notre fille.
Je suis devenu cinĂ©phile lors de ma deuxiĂšme ou troisiĂšme annĂ©e dâĂ©cole dâinfirmier. Jâavais 20 ans.
Jâallais au cinĂ©ma gĂ©nĂ©ralement seul. Et, aprĂšs mon diplĂŽme dâinfirmier, jâai connu une pĂ©riode oĂč je voyais un film par jour en moyenne. En voir deux dâaffilĂ©e Ă©tait tout autant normal. En version originale. Du jour oĂč jâai arrĂȘtĂ© de regarder la tĂ©lĂ© et ses versions françaises au profit du cinĂ©ma en version originale, il mâest devenu trĂšs difficile ensuite de supporter la version française dâun film. Car notre cerveau et notre oreille dĂ©cĂšlent trĂšs vite le travail de faussaire de la version française aussi bonne soit-elle.
Jâai rencontrĂ© Christophe Goffette, le rĂ©dacteur en chef de Brazil dĂ©but 2009 aux CinglĂ©s du cinĂ©ma Ă Argenteuil. Cela faisait 20 ans que je me rendais dans des salles de cinĂ©ma. Et autant dâannĂ©es que jâĂ©crivais dans mon coin, imposant par moments mes Ă©clairs de « gĂ©nie » littĂ©raire Ă quelques courageuses et courageux, ou malchanceux, parmi mes proches et moins proches. Perspicaces, toutefois, plusieurs maisons dâĂ©dition ont prĂ©fĂ©rĂ© Ă©garer ou me restituer mes manuscrits.
Avec, parfois, cette rĂ©ponse que jâarrachais et, qui, bien que polie, Ă©tait pour moi trĂšs humiliante : « Trop de lieux communsâŠ. ». Mais ces maisons dâĂ©dition avaient raison. JâĂ©tais quelquâun de commun ou un original qui Ă©chouait Ă rendre Ă©vidente et captivante sa particularitĂ©.
En 2009, jâhabitais Ă Argenteuil depuis bientĂŽt deux ans. MalgrĂ© ses atouts, Argenteuil est selon moi une ville qui continue de beaucoup subir son image. Cela a peut-ĂȘtre aussi contribuĂ© Ă nous rapprocher, elle et moi. MĂȘme si, vis-Ă -vis dâelle, je peux osciller entre sentiment de saturation et attachement.
Habiter Ă Argenteuil Ă©tait un gros avantage pour se rendre aux CinglĂ©s du cinĂ©ma. Cela fait des annĂ©es que cette manifestation sây dĂ©roule Ă la salle des fĂȘtes Jean Vilar, non loin du conservatoire. Et, dĂ©sormais, jâavais juste une rue Ă traverser pour, en trois Ă quatre minutes, mây trouver.
Jâai nĂ©anmoins failli ne me pas me rendre Ă cette Ă©dition des CinglĂ©s du cinĂ©ma.
JâĂ©tais dĂ©primĂ©. Ma copine de lâĂ©poque mâavait quittĂ©. Ma vie sentimentale continuait dâĂȘtre insatisfaisante. Je nâĂ©tais pas un gĂ©nie.
Jâai oubliĂ© comment je mây suis pris avec moi-mĂȘme pour me porter jusquâaux CinglĂ©s du cinĂ©ma. Je me suis sĂ»rement dit que jâallais juste y passer.
En furetant parmi les exposants, je suis tombĂ© sur Christophe Goffette avec lequel le contact a dâemblĂ©e Ă©tĂ© trĂšs simple et trĂšs sympathique en parlant cinĂ©ma. Plusieurs numĂ©ros de Brazil figuraient sur son stand. Je nây ai pas prĂȘtĂ© dâattention particuliĂšre.
Je me rappelle davantage dâun visiteur, un personnage, conversant avec Christophe puis commençant Ă dĂ©livrer son Ă©rudition Ă propos dâun film de genre que trĂšs peu de personnes avaient vu et oĂč il Ă©tait question dâun Batman gay. Un moment hilarant que jâaurais aimĂ© enregistrer ou, Ă dĂ©faut, que jâaurais dĂ» retranscrire aussitĂŽt. Puis, jâĂ©tais allĂ© dans dâautres rayons et Ă©tais repassĂ© Ă son stand afin de lui acheter quelques dvds. Cette fois-ci, un autre cinĂ©phile discutait avec lui. En les Ă©coutant, jâai cru comprendre quâil Ă©tait possible dâĂ©crire pour Brazil. Jâai alors interpellĂ© Christophe :
« Vous cherchez des personnes pour Ă©crire ? ». Il sâest dĂ©fendu, tout sourire :
« Mais je ne cherche pas ! ». Ce qui signifiait que le contenu et le style de Brazil
( « Le cinĂ©ma sans concession$ » ) correspondaient aux besoins de bien des cinĂ©philes qui en avaient assez dâune presse cinĂ©ma policĂ©e et normothymique.
Contrairement Ă lâautre cinĂ©phile prĂ©sent, je connaissais Brazil vaguement.
Contrairement Ă lâautre cinĂ©phile prĂ©sent, sitĂŽt rentrĂ© chez moi, jâai envoyĂ© un mail Ă Christophe comme convenu dans lequel je me prĂ©sentais un peu. Environ une Ă deux semaines plus tard, Christophe mâa envoyĂ© par mail une liste de films Ă voir en avant-premiĂšre dans des salles dĂ©diĂ©es aux professionnels de la presse. Il sâagissait de rĂ©elles avant-premiĂšres. De sĂ©ances qui se dĂ©roulaient un voire deux mois avant la sortie des films en salle. NĂ©anmoins, aucun de ces films ou de ces rĂ©alisateurs ne me parlait. Il sâagissait pour la plupart de petites productions et de cinĂ©ma dâauteur dont, trĂšs certainement, le grand public a peu entendu parler car il sâagit de rĂ©alisations assez peu diffusĂ©es dans les salles et non-Ă©ligibles au succĂšs commercial.
MĂȘme si Brazil frayait dans le cinĂ©ma dâauteur et le cinĂ©ma de genre(s), il est vraisemblable que Christophe me testait.
Ma premiĂšre rĂ©action a plutĂŽt Ă©tĂ© de croire quâil sâagissait dâun canular : je croyais modĂ©rĂ©ment Ă lâexistence de ces sĂ©ances de presse dans ces rues proches des Champs- ElysĂ©es dont, jusquâalors, jâavais ignorĂ© lâexistence.
Christophe mâavait dit de joindre par tĂ©lĂ©phone les attachĂ©es de presse concernĂ©es et de mâannoncer comme journaliste de Brazil. Câest ce que jâai fait. Et, en me rendant sur place, je me suis aperçu que tout Ă©tait vrai.
Je crois que le premier film que jâai « critiqué » Ă©tait un film se dĂ©roulant en AzerbaĂŻdjan ou en OuzbĂ©kistan (Non ! Il sâagit du film Tulpan rĂ©alisĂ© en 2006 par Sergey Dvortsevoy au Kazakhstan et distribuĂ© en 2009). AprĂšs avoir lu mon texte, bienveillant, Christophe mâavait rĂ©pondu que lâon sentait que je me retenais encore un peu mais que ça allait venir par la suite.
Christophe mâavait aussi dâemblĂ©e prĂ©venu que tous les journalistes de Brazil Ă©taient bĂ©nĂ©voles. Cela ne mâa jamais dĂ©rangĂ© durant les deux ans et demi de mon expĂ©rience avec Brazil car nous avions une trĂšs grande libertĂ© dâexpression que je nâai pas retrouvĂ©e par la suite. Et aussi parce-que cette expĂ©rience mâa permis dâinterviewer des rĂ©alisateurs et des acteurs (et aussi de me rendre dans certains endroits) que je nâaurais jamais rencontrĂ©s si jâavais Ă©tĂ© stagiaire ou mĂȘme pigiste dans dâautres mĂ©dias papiers officiels qui existent encore Ă ce jour.
Et en Ă©crivant cela, je dis plusieurs choses : lâarrĂȘt de Brazil fin juin 2011 a Ă©tĂ© passionnĂ©ment mal vĂ©cu par plusieurs de mes anciens collĂšgues journalistes de Brazil. A tort ou Ă raison, plusieurs de mes anciens collĂšgues journalistes de Brazil en ont beaucoup voulu Ă Christophe de la fin de Brazil. Pour ma part, jâai comparĂ© la fin du mensuel Brazil âŠĂ une rupture amoureuse mais aussi Ă la fermeture dâune usine dans une ville ou une commune dont toute lâactivitĂ© Ă©conomique et sociale dĂ©pendait. Ce qui Ă©tait forcĂ©ment douloureux. Mais quelques expĂ©riences de vie mâavaient appris que dĂšs lors quâune rupture amoureuse est inĂ©luctable, quâil est beaucoup moins douloureux de lâaccepter.
On peut me voir comme lâidiot ou le grand naĂŻf de lâhistoire. Et je veux bien croire que ma « sympathie » voire ma « loyauté » envers Christophe Goffette a pu, aussi, mâisoler ou me coĂ»ter en termes dâopportunitĂ©s journalistiques puisque beaucoup est aussi affaire de relations, dâalliances et de rĂ©seaux dans ce milieu. Pour le reste, ma dĂ©pendance envers lâexpĂ©rience et lâĂ©poque Brazil mâa certainement empĂȘchĂ© de voir comme de mâouvrir Ă dâautres opportunitĂ©s ou dâautres mĂ©dia. Jâavais sĂ»rement besoin dâun temps de deuil plus long et plus lent que dâautres. Car il est bien deux ou trois autres anciens collĂšgues de Brazil qui ont su persĂ©vĂ©rer et, depuis, Ă©voluer dans le journalisme du cinĂ©ma tandis que dâautres, dĂ©jĂ versĂ©s et reconnus dans ce milieu, avaient bien moins besoin que moi dâun dispositif comme Brazil pour se faire connaĂźtre de la profession. Dâautres, aussi, semblent avoir dĂ©laissĂ© le journalisme cinĂ©ma. Enfin, je dois ajouter que mon humour, noir, absurde, Ă froid, mes bizarreries ou ma folie mais aussi ma timiditĂ© me rendent quelques fois peu performant en matiĂšre de sĂ©duction sociale. Par exemple, lorsque je sors dâune sĂ©ance cinĂ©ma, je peux avoir beaucoup de mal Ă partager ce que je viens de voir. Jâai besoin de garder mes impressions, avec une certaine exclusivitĂ©, pour pouvoir les Ă©crire. Et je peux aussi avoir besoin de temps pour laisser infuser. Je suis plutĂŽt pressĂ© de mâisoler, si je suis inspirĂ©, pour Ă©crire.
Ce genre dâattitude ou dâincartade est assez contre-productif en termes dâĂ©changes sociaux avec des collĂšgues journalistes par exemple. Et sauf si ceux-ci nous connaissent bien ou ont la possibilitĂ© de nous connaĂźtre et de passer avec nous quelques moments informels et agrĂ©ables, ou tout simplement sociables, Ă force de rencontres rĂ©pĂ©tĂ©es dans des festivals ou autres lieux dĂ©volus au cinĂ©ma, nous passons inaperçus ou pour quelquâun de peu attractif.
Pour complĂ©ter le tableau, il convient sans doute aussi de dire quâil existe une ligne de dĂ©marcation non-dite mais bien concrĂšte entre la caste, jugĂ©e infĂ©rieure, des journalistes cinĂ©ma bĂ©nĂ©voles et celle, estimĂ©e supĂ©rieure, des journalistes cinĂ©ma ou critiques de cinĂ©ma officiels et professionnels. On perçoit lâexistence de cette sĂ©paration entre ces deux « castes » dans lâaccueil que peuvent rĂ©server certaines et certains attachĂ©s de presse Ă des journalistes cinĂ©ma patentĂ©s qui ont pour eux dâofficier au sein dâun journal qui jouit soit dâun certain prestige intellectuel ou dâune grande puissance de diffusion Ă©conomique et commerciale voire des deux lorsque cela se produit. On peut alors entendre des attachĂ©es et des attachĂ©s de presse donner cĂ©rĂ©monieusement du « Monsieur » Ă un journaliste « rĂ©puté » ou « connu » comme on sâadresserait Ă un vicomte ou Ă un monarque au 18 Ăšme siĂšcle. Si je reconnais Ă un certain nombre de ces journalistes ou critiques cinĂ©ma reconnus une connaissance, une certaine conscience du cinĂ©ma ainsi quâune aptitude Ă les transmettre, je crois aussi quâaprĂšs avoir lu un certain nombre de leurs articles pour certains, quâaprĂšs avoir vu un certain nombre de films et quâaprĂšs avoir connu soi-mĂȘme- et continuer de le faire- un certain nombre dâexpĂ©riences dans diffĂ©rents domaines de lâexistence (culturels et autres) quâon acquiert soi-mĂȘme une certaine conscience et une certaine connaissance de ce que lâon voit, comprend et de ce que lâon ressent. Ainsi que sa façon toute personnelle, inconditionnelle, et vivante, de les transmettre.
Et, je crois aussi quâil est des fois ou des journalistes ou critiques cinĂ©mas labellisĂ©s et « reconnus » ont des trous de connaissance et de conscience ou, tout simplement, des insuffisances bien que celles-ci soient Ă©videmment humaines. Par exemple, dĂšs quâil sâagit de parler dâun film sur une certaine banlieue comme cela avait pu ĂȘtre le cas pour le film LâEsquive de Kechiche, soit un univers extĂ©rieur visiblement Ă certains des journalistes ou critiques cinĂ©ma « reconnus » que jâai lus, jâai dĂ©jĂ pu ĂȘtre dĂ©sagrĂ©ablement surpris par la qualitĂ© de leurs Ă©crits aussi bienveillants et encourageants soient-ils. Je ne peux pas me considĂ©rer comme un spĂ©cialiste de la jeunesse de la banlieue ou dâune certaine banlieue : je fais dĂ©sormais partie des « vieux » et je suis insĂ©rĂ© professionnellement depuis des annĂ©es. Pourtant, Ă lire certains articles Ă propos de LâEsquive de Kechiche, il mâavait sautĂ© aux yeux que les journalistes ou critiques de cinĂ©ma « reconnus » dont je lisais les critiques depuis des annĂ©es Ă©taient alors plutĂŽt poussifs ou dĂ©passĂ©s.
Un autre aspect me dĂ©range dans cette espĂšce de monarchie laquĂ©e des journalistes et critiques de cinĂ©ma certifiĂ©s. Et cela me dĂ©range dans dâautres milieux que dans celui du journalisme cinĂ©ma : disposer dâun grand bagage intellectuel et culturel, câest trĂšs bien. Et je suis preneur en termes dâapprentissage. Mais si on le transmet principalement de maniĂšre hautement cĂ©rĂ©brale, corsetĂ©e, froide de telle façon que cela dĂ©tourne de la lecture, de lâĂ©coute, du sujet ou du film dont on parle, quel est le but ? De sâaimer soi plus que les autres ?
Pour beaucoup sâaimer, il est manifeste que certains journalistes ou critiques cinĂ©ma professionnels sâaiment beaucoup. Un jour, avant une projection de presse, jâai rencontrĂ© lâun dâentre eux. Nous avions un peu de temps pour discuter. Et, celui-ci sâest montrĂ© trĂšs sympathique, chaleureux, allant mĂȘme jusquâĂ aller me chercher un exemplaire du dossier de presse lorsque lâattachĂ©(e ) de presse est arrivĂ© (e ). JâĂ©tais si enjouĂ© devant une rencontre si avenante et si agrĂ©able que je me suis prĂ©sentĂ© en toute sincĂ©ritĂ©Â :
« Journaliste bĂ©nĂ©vole. Lâavantage, câest quâon est libre ». Il Ă©tait autodidacte ? Moi, aussi. Le journaliste cinĂ©ma ne mâa rien rĂ©pondu.
Je lâai revu Ă dâautres projections de presse. Il ne me voyait pas. Ou me saluait du bout des lĂšvres lorsque nous nous croisions. Il lui est arrivĂ© de passer juste devant moi sur le quai du mĂ©tro sans me voir comme si jâĂ©tais un passager parmi dâautres. Je lâai vu se montrer trĂšs sympathique, trĂšs drĂŽle, voire avenant avec dâautres journalistes cinĂ©ma ainsi quâavec certaines attachĂ©es de presse. Un exercice de drague qui avait tournĂ© Ă son dĂ©savantage ? Peut-ĂȘtre mais je ne crois pas que ce soit la principale raison.
AmnĂ©sique, alors ? HypermĂ©trope ? Lunaire ? Lâune des derniĂšres fois oĂč je me souviens lâavoir vu et oĂč, en me voyant, il mâa reconnu et saluĂ© sans trop de difficultĂ© câĂ©tait, câĂ©taitâŠ.au festival de Cannes. Muni dâun badge de journaliste tout comme lui, quoiquâavec un badge dâune couleur moins avantageuse que le sien sans doute, je prenais le mĂȘme chemin que lui pour me rendre Ă la mĂȘme projection de presse que lui. Et, me voyant dans ce lieu tout de mĂȘme assez prestigieux quâest le festival de Cannes, cet homme, journaliste cinĂ©ma patentĂ© et sĂ»rement toujours en activitĂ© , avait dĂ» estimer que, tout de mĂȘme, jâĂ©tais un peu du mĂȘme milieu ou de la mĂȘme caste que lui. Jâai constatĂ© un peu le mĂȘme effet sur une attachĂ©e de presse dont je parle « mieux » un peu plus bas. Mais lĂ oĂč je me suis illusionnĂ© quant au fait, dĂ©sormais, de commencer Ă faire partie de ce milieu du journalisme cinĂ©ma, câest que deux Ă trois semaines plus tard, Christophe nous apprenait la fin de Brazil.
NĂ©anmoins, jâai toujours privilĂ©giĂ© ma gratitude envers Christophe mĂȘme si jâai quand mĂȘme connu des expĂ©riences journalistiques par la suite avec le site Format Court, principalement, qui mâont donnĂ© une certaine satisfaction. AprĂšs avoir rencontrĂ© sa rĂ©dactrice en chef, Katia Bayer, dans le point PresseâŠ.du festival de Cannes. J’ai aussi Ă©crit deux ou trois articles pour un magazine Ă©tudiant. Et, aprĂšs Brazil, j’ai un peu Ă©crit pour le site Cinespagne. Ce qui m’a permis de me rendre Ă un festival du cinĂ©ma Ă Marseille, une ville qui m’est particuliĂšre. J’essayais,  alors, de me maintenir et de me diversifier dans le journalisme cinĂ©ma. Et d’y retrouver ce que j’avais pu vivre avec le journal Brazil. Et, cela, en demeurant au plus prĂšs de celui que jâĂ©tais. Mais le contexte Ă©tait diffĂ©rent. J’Ă©tais sĂ»rement lassĂ©, aussi, de courir aprĂšs les films, les Ă©vĂ©nements ( festivals, projections et autres)  le texte et tout cela, en outre, bĂ©nĂ©volement.
Ma lassitude a Ă©tĂ© telle que si j’ai pris soin de prĂ©venir Katia que j’allais dĂ©sormais arrĂȘter de co-animer avec elle les soirĂ©es mensuelles de courts-mĂ©trages  de Format Court au cinĂ©ma Le Studio des Ursulines, j’ai coupĂ© tout contact sans prĂ©avis  avec Thomas, le rĂ©dacteur en chef du site Cinespagne.com.  MĂȘme si j’ai peu Ă©crit pour le site cette attitude ne me ressemble pas. Je profite donc de cet article, mĂȘme s’il ne le lira probablement jamais et qu’il a sans doute depuis bien d’autres prĂ©occupations, pour prĂ©senter mes excuses Ă Thomas pour ce comportement. C’Ă©tait il y’a un peu plus de cinq ans.
Brazil a Ă©tĂ© une expĂ©rience extraordinaire. Je dois rappeler, aussi, qu’il s’agissait d’un mensuel papier. Je reste trĂšs attachĂ© Ă la presse papier. Je suis peut-ĂȘtre vieux jeu mais je lui trouve un aspect plus prestigieux que la presse numĂ©rique. Je me contredis peut-ĂȘtre car j’Ă©cris aujourd’hui depuis mon blog. Et, j’ai aimĂ© Ă©crire en ligne pour Format Court.  Les deux supports ( papier et numĂ©rique ) sont bien-sĂ»r complĂ©mentaires.
De l’expĂ©rience journalistique avec Brazil, je concĂšde que, oui, un peu plus de rigueur Ă propos de la rĂ©daction des articles aurait Ă©tĂ© bienvenu un certain nombre de fois. Cette rigueur m’a Ă©tĂ© profitable en Ă©crivant pour Format Court. MĂȘme si j’ai plusieurs fois mal pris le fait que Katia me demande de corriger certains passages de mes articles. Et, je veux bien croire qu’il a bien dĂ» y avoir des fois oĂč je me suis montrĂ© dĂ©sagrĂ©able compte-tenu de la trop haute importance que j’attribuais Ă mon intelligence.
Pourtant, mĂȘme si je doute quâun autre journal aurait pu me donner la mĂȘme latitude que celle que jâai pu connaĂźtre dans Brazil, jâai toujours su et pensĂ©, aussi, que jâĂ©tais plus dans mon Ă©lĂ©ment en tant que journaliste quâen tant que rĂ©dacteur en chef. Etre rĂ©dacteur en chef est une charge dont je me dispensais trĂšs bien que ce soit Ă Brazil , Ă Format Court ou ailleurs.
Concernant les reproches faits Ă Christophe Ă la fin de Brazil, je n’avais pas de raisons pour les partager. Christophe a toujours tenu ses engagements envers moi Ă lâĂ©poque Brazil.
Exemple : sĂ»rement pour rĂ©gler des comptes parce-que Christophe avait critiquĂ© dans un de ses Ă©ditos sur le thĂšme « Voici pourquoi vous ne lirez jamais dâinterview de telle actrice française dans Brazil », lâattitude dâune certaine grande vedette du cinĂ©ma français quâelle reprĂ©sentait (obtenir la couverture de Brazil contre une interview) une attachĂ©e de presse mâavait finalement privĂ© dâaccrĂ©ditation pour un festival. Christophe mâavait alors dit :
« Ne tâinquiĂšte pas. Tu iras dans un festival bien mieux que celui-lĂ âŠ. ». Quelques mois plus tard, Christophe mâapprenait que jâallaisâŠau festival de Cannes.
Aujourdâhui, si je mâexprime depuis ce blog, câest bien-sĂ»r ma façon de mâaffirmer un peu plus en tant quâindividu et en tant que journaliste. Dans le but dâessayer de mâacquitter de ces minutes oĂč nos aventures se limitent Ă des sacrifices au service du futile et de lâartifice. Mais si ce blog est un moyen de transmettre, de faire connaissance (s) et de (faire) rire, câest en en sachant, aussi, ce que je dois et Ă qui je le dois Ă Brazil ou ailleurs.
Ce prĂ©ambule est sans doute un peu long. Mais je crois quâil a son importance.
Autrement, Hirokazu Kore-Eda, vous connaissez ?
Le voici.
Jâai pris cette photo aprĂšs lâavoir interviewĂ© en mars ou avril 2009. Ma premiĂšre interview pour Brazil. La photo a Ă©tĂ© prise Ă contre-jour donc on voit Ă peine le visage de Kore-Eda. Toutes mes excuses. Je nâai pas osĂ© le faire se dĂ©placer dâautant que cette photo relevait de mon initiative. Le mensuel avait un trĂšs bon photographe, Eddy BriĂšre, et je suis certain que sans moi, Christophe aurait obtenu des photos de Kore-Eda bien plus prĂ©sentables. Cette photo a nĂ©anmoins paru dans Brazil.
Ici, mĂȘme si cela a un caractĂšre frustrant, je trouve que cette photo donne un petit plus Ă Kore-Eda dâavoir son visage un peu dans la pĂ©nombre. Par ailleurs, on voit bien lâintĂ©rieur plutĂŽt luxueux, feutrĂ© et spacieux, de cet hĂŽtel. Impossible, Ă moins de connaĂźtre cet hĂŽtel, de deviner que nous nous trouvons lĂ du cĂŽtĂ© dâ OdĂ©on oĂč a eu lieu lâinterview. Un hĂŽtel oĂč je nâaurais jamais mis les pieds sans cette interview. Je nâen nâai pas les moyens et suis si peu habituĂ© Ă ce genre dâendroit que, spontanĂ©ment, pour moi-mĂȘme, je me tournerais plutĂŽt vers des Formule 1 ou des hĂŽtels Ibis.
Kore-Eda, rĂ©alisateur japonais, a Ă©tĂ© palme dâor au festival de Cannes cette annĂ©e 2018 pour son film Une Affaire de famille (sorti en salles ce 12 dĂ©cembre soit depuis dix jours  puisque nous sommes le 22 dĂ©cembre 2018 lorsque je corrige et complĂšte cet article). Lorsque je le rencontre dans cet hĂŽtel en mars ou avril 2009, câest pour parler de son film Still Walking ( 2008) rĂ©alisĂ© quatre ans aprĂšs son film Nobody knows ( 2004) qui lâa fait connaĂźtre.
Jâavais intitulĂ© mon interview pour Brazil de Hirokazu Kore-Eda : Ă©chos dâune mĂšre. Et, dans le chapo, je prĂ©sentais lâinterview de la façon suivante ( Brazil# 18- mai 2009, page 56) :
« La rupture et la perte nous poussent souvent Ă certains engagements. Kore-Eda a rĂ©alisĂ© Still Walking aprĂšs le dĂ©cĂšs de sa mĂšre. Et il tient Ă prĂ©senter ce film au moins comme le portrait dâune mĂšre, mais aussi comme diffĂ©rent de ses prĂ©cĂ©dentes rĂ©alisations ».
On sait ce que les PremiĂšres fois ont de mĂ©morable. Pour moi qui avais fait un voyage au Japon dix ans auparavant, voyage que je qualifie dâextraordinaire, faire ma premiĂšre interview de journaliste cinĂ©ma avec Kore-Eda, rĂ©alisateur japonais, avait immĂ©diatement un cĂŽtĂ© extraordinaire, voire, pourquoi pas, surnaturel.
Et puis, officiellement, journaliste cinĂ©ma nâĂ©tait pas mon mĂ©tier. A cette Ă©poque, jâĂ©tais infirmier en poste dans un Centre MĂ©dico Psychologique (CMP) pour enfant et adolescents en banlieue parisienne. En gros : avec des collĂšgues Ă©ducateurs, je faisais la ronde avec des enfants de trois Ă six ans en chantant par exemple « Dansons la capucineâŠÂ ». Ou nous faisions de la peinture et des dessins. Ou nous leur racontions des contes oĂč les emmenions dans des aires de jeu. La plupart de ces enfants avaient soit un retard de langage, soit un retard de psychomotricitĂ© ou dâautres difficultĂ©s « du dĂ©veloppement ».
LĂ , pour cette interview de Kore-Eda, changement de dĂ©cor et de corps. Ces deux mondes, celui de lâinfirmier et du journaliste cinĂ©ma, nâont rien Ă voir ?
Dâabord, jâaime ces Ă©carts entre deux univers. Jâaime changer de casquette. Ensuite, je rĂ©fute totalement ces certitudes qui consistent Ă opposer systĂ©matiquement deux univers quâa priori tout Ă©loigne. Rien Ă voir, vraiment, mon mĂ©tier de journaliste cinĂ©ma avec celui dâinfirmier ?
Un des grands principes de lâinterview, câest de sâintĂ©resser Ă autrui et de lâĂ©couter. Comme de lâobserver. Câest normalement la base du mĂ©tier dâacteur, du scĂ©nariste ou du rĂ©alisateur. Mais câest aussi la base du mĂ©tier dâinfirmier. Et lâinfirmiĂšre et lâinfirmier ont bien des fois Ă sâemployer pour interviewer qui un patient-client, qui sa famille, qui son entourage, ou dâautres collĂšgues, et, cela, dans toutes sortes de situations (urgentes ou non). Cela se vĂ©rifie en soins somatiques. Cela se vĂ©rifie encore plus en psychiatrie, spĂ©cialitĂ© oĂč jâai, Ă ce jour, effectuĂ©, la plus grande partie de ma carriĂšre.
Donc, faire une interview, une infirmiĂšre ou un infirmier, en est tout Ă fait capable. Ce qui change ici, câest plutĂŽt le mĂ©dium et le contexte ou le dĂ©cor : Ă lâhĂŽpital, le mĂ©dium, câest le trouble, la pathologie ou la maladie qui provoque la rencontre entre le patient-client et lâĂ©quipe soignante.
Avec Kore-Eda, le mĂ©dium, câest le cinĂ©ma. Et le contexte ou le dĂ©cor, cet hĂŽtel oĂč je lâai rencontrĂ© hors festival. Mais mĂȘme en changeant de mĂ©dium de contexte et de dĂ©cor, les thĂšmes qui concernent les femmes, les hommes et les enfants de ce monde restent les mĂȘmes. A savoir, la vie, la mort. La vie, la mort, les infirmiĂšres et les infirmiers trempent dedans concrĂštement dans leur service. Donc, Ă moins de se trouver face Ă une infirmiĂšre ou un infirmier indisponible ou en burn out, si vous voulez vous exprimer Ă propos de sujets comme la vie, la mort avec une infirmiĂšre ou un infirmier, vous avez normalement une interlocutrice ou un interlocuteur ad hoc. Ce qui change, câest la maniĂšre dâen parler, le moment et le lieu. Câest lĂ quâintervient la cinĂ©philie ou la culture cinĂ©matographique afin dâavoir un langage commun et dâĂ©viter de vouloir rĂ©aliser la thĂ©rapie du rĂ©alisateur ou de lâacteur que vous rencontrez alors que vous ĂȘtes lĂ âŠpour lâinterviewer en tant que journaliste cinĂ©ma.
Fort heureusement, il yâa des garde-fous au cas oĂč, au lieu dâeffectuer une interview, on commencerait Ă se prendre pour un psychanalyste fou. Dâabord, le rĂ©alisateur ou lâacteur que lâon interviewe. On peut lui faire confiance pour nous faire comprendre que lâon est hors-sujet. Ou alors, il yâa aussi lâattachĂ©e de presse qui peut jouer ce rĂŽle-lĂ .
Et puis, vu que je parle Ă peine quelques mots de Japonais, Ă©tait prĂ©sente une traductrice (qui prĂ©fĂšrerait peut-ĂȘtre ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme « interprĂšte »), Catherine Cadou ; laquelle, lors des prĂ©sentations prĂ©liminaires Ă lâinterview, sâĂ©tait annoncĂ©e comme ayant travaillĂ© (câĂ©tait une amie) avec « Kurosawa, le Grand ». Pourquoi « Kurosawa, le Grand » ? Un autre rĂ©alisateur japonais, Kiyoshi Kurosowa, auteur de trĂšs bons films
( Tokyo Sonata, Shokuzai….), plus jeune, est toujours en activitĂ©. Akira Kurosowa « Le Grand » est une rĂ©fĂ©rence mondiale pour le cinĂ©ma : il a par exemple rĂ©alisĂ© Les 7 SamouraĂŻs qui a inspirĂ© ensuite les remake amĂ©ricains Les 7 Mercenaires.
Que mâavait dit Catherine Cadou, lâinterprĂšte, Ă la fin de mon interview ?
« Câest bien. Vous avez tout ». En effet, jâavais prĂ©parĂ© mes questions et les avais dactylographiĂ©es. JâĂ©tais venu avec mon enregistreur numĂ©rique et mon appareil photo.
Catherine Cadou de mâexpliquer aussi que certains journalistes, lorsquâils arrivaient, savaient Ă peine de quelle histoire ils parlaient ou avaient oubliĂ© le nom de tel personnage.
Et que mâavait appris Kore-Eda lors de lâinterview ? Au moins quâil yâa une certaine logique dans nos parcours personnels. Logique que des personnes formĂ©es Ă la thĂ©rapie systĂ©mique pourraient tout aussi bien expliciter. Exemple avec cet extrait des propos de Kore-Eda lors de lâinterview de ce jour-lĂ ( Brazil # 18-mai 2009, page 57) :
« (âŠ.) Une fille Ă©levĂ©e dans une famille comme celle-ci dĂ©cidera forcĂ©ment dâĂ©pouser un type qui sera lâopposĂ© de son pĂšre. Elle ne voudra pas vivre le genre de vie quâa connue sa mĂšre qui Ă©tait sous la coupe du pĂšre. Donc, elle se choisira forcĂ©ment un mari comme le sien. Le fils, RyĂŽta, qui est le fils cadet, Ă©tait libre. Dans la mesure oĂč son frĂšre aĂźnĂ© Ă©tait celui qui devait reprendre le cabinet du pĂšre, RyĂŽta nâayant pas de problĂšme dâargent â câest une famille assez aisĂ©e- il allait forcĂ©ment choisir une voie artistique, ce qui est tout Ă fait logique. AprĂšs, quâil tombe sur une Ă©pouse qui, justement, travaille dans ce domaine-lĂ âŠ.
Mon but nâa pas Ă©tĂ© dâessayer de reconstituer une sociĂ©tĂ© japonaise microscopiqueâŠcâest plutĂŽt de la logique : Ă partir de ce type de parents, on a ce type dâenfants (âŠâŠ) ».
A lâheure oĂč jâĂ©cris, jâignore encore comment mây prendre exactement avec cette rubrique cinĂ©ma. Je crois que revenir sur cette expĂ©rience Brazil avec des photos de rĂ©alisateurs et dâactrices et dâacteurs accompagnĂ©es de mes tĂ©moignages in situ a du bon. Mais je ne voudrais pas lasser celles et ceux qui lisent. Alors peut-ĂȘtre que jâopterai pour une alternance avec tantĂŽt ces « retours en arriĂšre » Ă lâĂ©poque Brazil avec des rĂ©alisateurs et des actrices et acteurs toujours en activitĂ© dans leur majoritĂ© et tantĂŽt des films vus rĂ©cemment ou non.
Franck, ce mardi 18 septembre 2018.