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Voyage

Etat Satisfaisant

Etat Satisfaisant

 

 

Ils sont seulement deux dans la rue Ă  fumer du tabac. Je m’adresse au premier, mince, la trentaine. Je ne suis pas du coin. « Vous voulez quoi ? ». Je veux manger. Il rĂ©flĂ©chit. Un troisiĂšme homme, peut-ĂȘtre plus ĂągĂ©, plus imposant physiquement, sort pour lui parler. Mon interlocuteur sort un ou plusieurs billets. L’homme repart en se contentant de ce qu’il vient de recevoir. Puis, mon interlocuteur me fait une suggestion. J’acquiesce. J’entre pratiquement Ă  sa suite. Dedans, tout est plein de monde attablĂ©, son verre et son repas devant lui. Femmes, hommes. Tout le monde est assis. Aucun enfant. L’intĂ©rieur est un peu cheap. Personne ne danse. Personne ne sourit. Personne ne rit. C’est la fĂȘte. C’est le 25 dĂ©cembre. C’est NoĂ«l.

Je porte un sac assez volumineux. On me bouscule sans mĂ©nagement en passant. L’allĂ©e est Ă©troite. Pas un pardon. C’est de ma faute. Je ne suis pas chez moi et mon sac gĂȘne. Je ne fais pas d’histoires.

Quelques mĂštres devant moi, j’aperçois mon interlocuteur faire la bise Ă  quelqu’un puis disparaitre. Je ne le reverrai plus. Sur deux Ă©crans passent la mĂȘme vidĂ©o. Difficile de savoir si le clip est passĂ© et date d’une vingtaine d’annĂ©es ou si la qualitĂ© de la VHS a Ă©tĂ© abandonnĂ©e dans quelque terrain vague. AprĂšs un chanteur qui se dĂ©hanche de façon rĂ©tro, des hommes en treillis et torse nu dansent sur scĂšne du coupĂ©-dĂ©calé   avec une gestuelle et une fiertĂ© martiales. Certains se jettent par terre et se remettent sur pied sans le moindre tourment et prĂȘts Ă  recommencer. Je suis le seul ĂȘtre captivĂ©. Je suis Ă©poustouflĂ© devant cette dĂ©couverte pourtant datĂ©e. Bien entendu, je savais ce qu’était le coupĂ©-dĂ©calĂ©. Mais j’y vois dĂ©sormais une vitalitĂ© cachĂ©e aux yeux du plus grand nombre dans cette ville et nĂ©anmoins banale dans ce restaurant. Dans ce restaurant, nous sommes en CĂŽte d’Ivoire ou quelque part en Afrique noire. De l’autre cĂŽtĂ© de la frontiĂšre, en traversant la rue, un restaurant bĂ©ninois dĂ©sert avec seulement trois clients. Lorsque je tourne un peu la tĂȘte dans la salle, une femme, parmi les clients, me regarde. Je crois avoir Ă©tĂ© reconnu Ă  ma façon de me tenir. Je ne suis pas d’ici. En Guadeloupe, rien qu’à notre façon de marcher, il est possible de savoir si l’on est du pays ou si l’on « vient de France ». Alors, ici, parmi tous ces locaux, je ne me fais aucune illusion.

La serveuse me demande ce que je veux emporter. Elle me rĂ©pond que la machine Ă  carte ne marche pas. Elle me la dĂ©signe dans un coin prĂšs de la caisse. Comme si le simple fait pour moi de la voir valait confirmation de ses dires. Je la crois. Je la remercie et m’en vais en lui disant que je vais revenir. Une fois dehors, je change d’avis. Je n’ai pas envie d’aller chercher de l’argent dans un distributeur.

 

Quand je reviens sans mon sac quelques minutes plus tard, un homme blanc passe devant le restaurant sans s’arrĂȘter. Il sait oĂč aller alors qu’il s’éloigne aussi facilement qu’une raie Manta. Assez grand, blouson noir, pantalon noir, il est alors pour moi le reflet d’un monde qui passe devant un autre monde sans le percevoir ou s’en Ă©mouvoir. Comme lui, je fais de mĂȘme tous les jours et, ce, plusieurs fois par jour. Depuis des annĂ©es. Cela fait plus de neuf ans que je passe prĂšs de ce restaurant dans le 18Ăšme arrondissement de Paris. Et c’est la premiĂšre fois que j’y entre.

Je pense Ă  Basquiat et Ă  ses voyages en Afrique. Mais impossible d’en discuter avec la serveuse quand elle m’apporte mon repas enveloppĂ© dans plusieurs feuilles d’aluminium disposĂ©es dans un sac en plastique. Quatre exactement. Une pour les « condiments », une pour le piment, une pour l’Attieke, et une pour le poisson. Entretemps, j’ai lu l’avis des instances sanitaires qui ont inspectĂ© le restaurant :

« Etat satisfaisant ».

 

Au moment de partir, je guette un sourire de celui qui semble ĂȘtre le patron et qui tient la caisse. Il a alors dans les mains quelques billets. Mais celui-ci n’a de sourire que pour son argent – ce soir, les affaires sont sans doute trĂšs bonnes- et s’il me regarde, c’est plutĂŽt avec Ă©tonnement voire un peu de mĂ©fiance : je pourrais peut-ĂȘtre convoiter sa richesse du soir. Je renonce trĂšs vite aux politesses d’usage lorsque, ravi, le client servi s’en va.

Dans mon service, une fois les quatre feuilles d’aluminium dĂ©pliĂ©es sur la table, je dĂ©couvre un repas pour deux personnes. Mais ma collĂšgue et amie a dĂ©jĂ  mangĂ©. NĂ©anmoins, elle est tentĂ©e par les « condiments ». Elle dĂ©chante en les goĂ»tant. Ceux-ci sont constituĂ©s d’un piment cru, vert, serpent au venin assez puissant qui me surprend aussi en dĂ©pit de mon Ă©ducation culinaire. A cĂŽtĂ©, le piment officiel fourni avec le repas fait figure de sauce tomate. Mais le repas est bon. Le voyage en Afrique a lieu pour 15 euros.

 

J’ai ensuite un petit peu d’apprĂ©hension compte tenu de ce que je ressens dans mon estomac. Mais le lendemain et les jours suivants, je suis encore vivant.

Franck Unimon, ce dimanche 30 décembre 2018.

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Jeu

Visage partiel d’un comĂ©dien

                                    Visage partiel d’un comĂ©dien

 

 

 

 

J’ai commencĂ© Ă  prendre des cours de thĂ©Ăątre Ă  partir de la trentaine. J’ai alors estimĂ© que j’en avais le droit. J’y pensais depuis le lycĂ©e.

J’ai connu trois profs de thĂ©Ăątre.

VĂ©ronique Antolotti a Ă©tĂ© la premiĂšre Ă  m’accepter dans son cours Ă  Taverny. MĂȘme si,  en raison de mes horaires de travail de l’époque, je pouvais venir au cours hebdomaire uniquement une semaine sur deux. Pour ces raisons, avant elle, deux profs de thĂ©Ăątre m’avaient refusĂ© dans leur cours Ă  Cergy-St-Christophe. J’habitais alors Ă  Cergy-Le-Haut.

Parmi les Ă©lĂšves de VĂ©ronique, j’étais donc celui qui effectuait le trajet le plus long. J’Ă©tais heureusement vĂ©hiculĂ©. Je venais avec ma vieille opel Corsa.

VĂ©ronique Antolotti faisait dĂ©ja partie de la compagnie ThĂ©Ăątre en Stock. Une compagnie rĂ©putĂ©e dans le Val D’oise, rompue au thĂ©Ăątre de trĂ©teaux et Ă  d’autres genres tels que le thĂ©Ăątre d’improvisation. VĂ©ronique avait un cĂŽtĂ© maternant. Lorsque nous avions du mal avec une scĂšne, elle nous la donnait presque Ă  la becquĂ©e en interprĂ©tant avec Ă©vidence ce qui l’était moins pour nous. Elle insistait sur l’importance de se faire plaisir en jouant. Je suis restĂ© deux ans avec elle, je crois.

Aujourd’hui encore, je me la rappelle au parc de Cergy-prĂ©fecture. Sans doute lors du festival Cergy’Soit : elle jouait une femme enceinte extĂ©nuĂ©e, au bord de se soulager alors qu’elle allait enfin rĂ©ussir Ă  s’asseoir sur une chaise quand
. finalement, cette place lui Ă©tait ravie. Sa libĂ©ration Ă  venir suivie de sa dĂ©sillusion, tout avait Ă©tĂ© exprimĂ©/dĂ©composĂ©/exposĂ© au ralenti  sans un mot par son visage et son attitude corporelle. C’était il y’a Ă  peu prĂšs quinze ans.

 

Ensuite, grĂące Ă  Bernard Fleury, un partenaire du cours de VĂ©ronique, j’ai rejoint la compagnie L’Orpailleur dirigĂ©e (sans doute crĂ©Ă©Ă©) par Christian Bordeleau Ă  Paris du cĂŽtĂ© de Nation. Bernard prenait dĂ©jĂ  des cours avec Christian. Le cours de Christian se terminait Ă  23h et je m’endormais contre la vitre dans le RER A en rentrant Ă  Cergy-Le-Haut.

Originaire du QuĂ©bec, Christian Ă©tait arrivĂ© en France avec une expĂ©rience certaine, qu’il avait continuĂ© d’élargir, dans le milieu du spectacle vivant. Tout en Ă©tant intermittent du spectacle Ă  Disney, il n’en poursuivait et n’en poursuit par moins divers projets. Je suis restĂ© deux ou trois ans avec Christian.

Avec lui, j’ai dĂ©couvert que l’on pouvait faire du thĂ©Ăątre amateur sur scĂšne Ă  Paris avec une entrĂ©e payante pour le public. Il nous est arrivĂ© de faire dix (peut-ĂȘtre plus) reprĂ©sentations de la piĂšce que nous avions travaillĂ©e. Comme nous avions un emploi pour la plupart d’entre nous, les dates Ă©taient espacĂ©es sur environ un mois. ParallĂšlement, Christian met Ă©galement en scĂšne des comĂ©diens professionnels et il nous incitait Ă  venir voir ce travail. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de l’univers de Torch Song Trilogy par exemple. De temps Ă  autre, il nous rĂ©pĂ©tait:

« Ne vous jugez pas ! ».

 

AprĂšs avoir arrĂȘtĂ© les cours avec Christian, j’ai participĂ© Ă  deux projets thĂ©Ăątraux professionnels au thĂ©Ăątre du Nord-Ouest.  GaĂ«tan Aubry, comĂ©dien professionnel, qui avait assistĂ© Christian pendant une annĂ©e m’avait parlĂ© de deux jeunes metteurs en scĂšne, Marion Carroz et YaĂ«l Zlotowski, qui cherchaient des comĂ©diens pour adapter La ComĂ©die des erreurs de Shakespeare. J’ai passĂ© l’audition. J’ai Ă©tĂ© retenu pour un rĂŽle. Les comĂ©diens professionnels Ă©taient majoritaires dans ce projet. Si, sur scĂšne, j’ai fait mon travail, d’un point de vue humain, j’Ă©tais intimidĂ© par l’aisance de plusieurs de mes partenaires. D’un point de vue social, je me suis sĂ»rement mal “vendu” . Erreur que j’allais rĂ©pĂ©ter plus tard lors de mon expĂ©rience de journaliste cinĂ©ma avec Brazil ( voir mon article CinĂ©ma 2 dans la rubrique CinĂ©ma)

NĂ©anmoins, Martine Delor, comĂ©dienne professionnelle, Ă©galement impliquĂ©e dans la piĂšce La ComĂ©die des erreurs, faisait partie de mes partenaires de jeu. Elle a ensuite pensĂ© Ă  moi lorsqu’elle a mis en scĂšne Le Bourgeois africain toujours au thĂ©Ăątre du Nord-Ouest. Ces deux piĂšces ont dĂ» ĂȘtre jouĂ©es, chacune, entre quinze et vingt fois.

J’ai aussi participĂ© au projet de mon ami Pierre Cassard qui avait Ă©crit sa piĂšce, Raguse An 01. Pierre Ă©tait arrivĂ© un an aprĂšs moi au cours de Christian Bordeleau et nous avons sympathisĂ©.

Nous avons jouĂ© sa piĂšce avec lui et deux autres comĂ©diens au thĂ©Ăątre Darius Milhaud, une bonne dizaine de fois. Peut-ĂȘtre plus.

GrĂące Ă  une amie comĂ©dienne, metteur en scĂšne et Ă©galement prof de thĂ©Ăątre, Katia Redier, j’ai eu la chance de me rendre une fois en tant que spectateur au festival d’Avignon.

En 2013, j’ai revu par hasard un copain de lycĂ©e, aujourd’hui comĂ©dien professionnel : François Podetti. Notre prĂ©cĂ©dente rencontre datait d’environ 20 ans plus tĂŽt. J’Ă©tais, je crois, allĂ© le voir jouer sur scĂšne ainsi qu’un autre de ses amis de lycĂ©e, Ernesto, Ă  la MJC Daniel Ferry Ă  Nanterre.

En 2013, j’ai revu et reconnu François une premiĂšre fois dans le mĂ©tro parisien. Plusieurs mĂštres nous sĂ©paraient. Le mĂ©tro Ă©tait plein. Je me suis dĂ©placĂ© jusqu’Ă  lui. François m’a ensuite rĂ©pondu qu’il m’avait, lui, reconnu
à ma voix.

Puis, quelques semaines plus tard, je l’ai recroisĂ© une seconde fois prĂšs de la gare St Lazare. A nouveau par hasard. Nous avons pris rendez-vous pour prendre le temps de nous revoir peu aprĂšs.

Lors de notre troisiĂšme rencontre, François m’a spontanĂ©ment parlĂ© d’un de ses amis de lycĂ©e dont je parle dans mon article LycĂ©e  (voir la rubrique Echos Statiques).  L’évĂ©nement l’avait Ă©videmment marquĂ©.

AprĂšs m’avoir Ă©coutĂ©, François m’a dit que ce serait dommage d’arrĂȘter le thĂ©Ăątre au vu de mon parcours. Il m’a conseillĂ© de reprendre des cours pour me remettre dans le coup.

C’est ainsi qu’au lieu de me rĂ©inscrire Ă  un cours de guitare basse pour dĂ©butants, je me suis inscrit au conservatoire d’Argenteuil pour y suivre des cours d’interprĂ©tation thĂ©Ăątrale avec Michelle BrulĂ©. Comme tous les aspirants, j’ai passĂ© une audition.

 

Michelle BrulĂ© m’a permis d’accĂ©der Ă  des cours traditionnellement rĂ©servĂ©s Ă  des jeunes de 18 Ă  25 ans qui se destinent Ă  devenir comĂ©diens professionnels. J’en avais 45. Avec quelques autres sĂ©niors ou plus jeunes adultes, j’ai ainsi pu prendre part Ă  la formation thĂ©Ăątrale dispensĂ©e dans un conservatoire. Pour la premiĂšre fois, je me rendais Ă  mes cours de thĂ©Ăątre Ă  pied. Certaines et certains de mes partenaires de cours venaient de Paris, Enghien, Courbevoie, Sartrouville….

Je travaillais dĂ©jĂ  de nuit lorsque cela a commencĂ© avec Michelle et ma fille est nĂ©e un mois aprĂšs le dĂ©but des cours avec trois mois d’avance.

J’ai nĂ©anmoins fait mes trois annĂ©es de cours avec Michelle Ă  raison, pour la derniĂšre annĂ©e, de 10 Ă  12 heures de cours par semaine. Une semaine sur deux, je me rendais au cours de quatre heures du lundi aprĂšs-midi aprĂšs avoir effectuĂ© deux nuits de travail. Une troisiĂšme nuit de travail m’attendait aprĂšs le cours. J’ai plusieurs fois remarquĂ© que la fatigue me permettait de mieux jouer mĂȘme si elle avait aussi des petites incidences sur ma mĂ©moire du texte.

Pour mon travail de fin de formation, j’ai Ă©crit mon texte et fait un solo de 30-40 minutes. Je ne suis pas satisfait de la captation qui en a Ă©tĂ© faite. Je ne peux donc pas la montrer.

Avec Michelle, j’ai dĂ©couvert encore un peu plus l’exigence. C’était stimulant d’interagir avec des plus jeunes qu’ils se destinent ou non Ă  devenir professionnels. Et, il Ă©tait gratifiant de pouvoir jouer sur scĂšne au Figuier Blanc Ă  la fin de l’annĂ©e ainsi qu’à La Cave DimiĂšre. Comme il a Ă©tĂ© gratifiant que Michelle fasse venir des professionnels extĂ©rieurs que ce soit pour regarder notre travail, voire nous filmer face camĂ©ra. Et il a aussi Ă©tĂ© instructif d’aller voir d’autres comĂ©diens en formation Ă  Paris avec un de ses amis, Ă©galement professeur de thĂ©Ăątre et comĂ©dien. Et, avant cela, durant les trois annĂ©es, de tĂąter du cours de chant avec Françoise et du cours de danse avec Giovanna.

A la fin de ma premiĂšre annĂ©e de cours, Michelle nous avait un peu parlĂ© de son parcours. AprĂšs quelques annĂ©es de thĂ©Ăątre au collĂšge ou au lycĂ©e, elle avait dĂ©butĂ©  sa formation vers 16 ou 17 ans en Ă©tant acceptĂ©e Ă  l’ENSATT  ( Ecole Nationale SupĂ©rieure des Arts et Techniques du ThĂ©Ăątre aussi connue sous le nom de ” Ecole de la rue Blanche” Ă  Lyon). Ensuite, Michelle avait complĂ©tĂ© sa formation en intĂ©grant le CNSAD ( Conservatoire National SupĂ©rieur d’Art Dramatique Ă  Paris dans le 9Ăšme arrondissement). Je n’avais pas perçu avec prĂ©cision ce que cela impliquait hormis le fait que l’ENSATT comme le CNSAD sont  respectivement une Ă©cole et un conservatoire accessibles Ă  peu de prĂ©tendants. Mais en Ă©crivant cet article, j’en prends un peu plus la mesure alors que je prends le temps de me renseigner ( 3% d’admis chaque annĂ©e pour le CNSAD) . Et, c’est maintenant que j’apprends les noms de ces comĂ©diens aujourd’hui plutĂŽt indiscutables qui se sont Ă©galement formĂ©s au CNSAD avant, pendant ou aprĂšs la formation de Michelle. La liste est longue mais citons en quelques uns afin de se donner une idĂ©e : Muriel Robin, Jean-Hugues Anglade, Jean-Paul Belmondo, Vimala Pons, Vincent Macaigne, Atmen Kelif, AndrĂ© Dussolier, CĂ©line Sellette, Pierre Niney, Jean Rochefort, Eric Ruf, Philippe Torreton, GrĂ©gory Gadebois, Zita Hanrot, Jeanne Moreau….

(L’entrĂ©e du CNSAD au 2, Bis Rue du Conservatoire Ă  Paris dans le 9Ăšme arrondissement. Photo : par Franck Unimon)

 

 

AprĂšs le CNSAD, pendant des annĂ©es, Michelle a tenu  des rĂŽles de jeune premiĂšre dans des classiques du thĂ©Ăątre.  Elle a travaillĂ©, entre-autres, avec Pierre Debauche. Elle a aussi fait des Ă©tudes de philo. Puis, vers la trentaine ou la quarantaine, elle s’est lancĂ©e dans une carriĂšre de musicienne et de chanteuse Rock avec son accordĂ©on. Elle est toujours comĂ©dienne.  Et, nous avons eu la possibilitĂ© de venir la voir sur scĂšne alors qu’elle donnait sa crĂ©ation en solo.

 

VĂ©ronique, Christian et Michelle m’ont tous les trois Ă©tonnĂ© Ă  plusieurs reprises par l’étendue de leur culture et la tenue de leur engagement personnel. A les voir, Il semble qu’évoluer dans le milieu du thĂ©Ăątre soit synonyme au moins de ces deux mots.

 

Depuis mes cours avec Michelle, terminĂ©s en 2016, j’ai fait un tout petit peu de figuration. Dans un long mĂ©trage de Lucien Jean-Baptiste, Dieu Merci (on a tous un rĂȘve de gosse) grĂące Ă  Claire Diao, journaliste cinĂ©ma spĂ©cialiste du cinĂ©ma d’Afrique, co-fondatrice de la revue digitale AWOTĂ©lĂ© . Je crois que Claire est Ă©galement productrice. Entre-autres. Claire est Ă©galement l’auteure du livre Double Vague. J’ai fait la connaissance de Claire alors que j’Ă©crivais pour le site Format Court. ( je parle un peu de cette expĂ©rience dans l’article CinĂ©ma2 dans la rubrique…CinĂ©ma).

Depuis 2016, j’ai aussi fait un petit peu de figuration dans le court-mĂ©trage Na, tout pour elle de Djigui Diarra rencontrĂ© sur le tournage du film de Lucien Jean-Baptiste. Djigui poursuit son Ă©closion. Il a figurĂ© dans le long mĂ©trage de Raoul Peck sur Karl Marx. Il continue de rĂ©aliser des courts mĂ©trages dans lesquels il joue tel que MalgrĂ© eux qui a remportĂ© plusieurs prix.

 

J’ai aussi fait une brĂšve apparition dans le long mĂ©trage de Pascal Tessaud : Brooklyn. Mais comme je l’avais expliquĂ© Ă  mon copain de lycĂ©e, François Podetti, je n’aime pas passer des casting. J’ai beaucoup de mal Ă  me faire aux codes des casting. Cela m’ennuie. Je me rappelle de l’air aussi Ă©berluĂ© que comprĂ©hensif d’un comĂ©dien lors du tournage ( une scĂšne de nuit) du court mĂ©trage VirĂ©e Ă  Paname de Carine May et Hakim Zouhani. J’y faisais de la figuration et je venais d’expliquer que je n’aime pas passer des casting. Sage et pragmatique, ce bon comĂ©dien auquel je venais de m’adresser ( qui a un bon rĂŽle dans le film Rengaine de Rachid DjaĂŻdani ) m’avait rĂ©pondu : ” Pourquoi pas ? Si tu as le rĂ©seau…”. Je n’avais pas de rĂ©seau particulier en tant que comĂ©dien. PlutĂŽt des mĂšches ou des amorces. J’avais tout Ă  faire.  Quand j’y repense, cela me rappelle une lointaine discussion avec mon grand-pĂšre lorsque celui-ci Ă©tait encore vivant, sur la terrasse de sa maison Ă  Morne-Bourg, en Guadeloupe. Muni de ma plus pĂ©nĂ©trante intelligence, je venais de dĂ©clarer Ă  mon grand-pĂšre que j’aimerais bien vivre en couple avec quelqu’un avec qui il n’y’aurait ni dispute ni dĂ©saccord. Magnanime, mon grand pĂšre m’avait alors rĂ©pondu :

“Sa Pa On MovĂ© Bitin”. ( Ce n’est pas une mauvaise chose). J’avais nĂ©anmoins dĂ©celĂ© dans sa politesse un indice. Plus tard, j’ai compris que mon grand-pĂšre m’avait tĂ©moignĂ© une certaine indulgence pour ma stupiditĂ© et mon ignorance. Allez savoir ! Ce comĂ©dien rencontrĂ© sur le tournage de VirĂ©e Ă  Paname m’a peut-ĂȘtre dit les mots que l’Ăąme de mon grand-pĂšre lui a alors soufflĂ©. C’Ă©tait il y’a trois ou quatre ans.

Or, depuis 2016, j’ai plutĂŽt eu envie de souffler.  De me consacrer Ă  l’écriture. J’étais supposĂ© me consacrer Ă  l’écriture d’un scĂ©nario. Finalement, pour l’instant, j’ai surtout Ă©tĂ© inspirĂ© pour crĂ©er un blog…. et, avant cela, pour dĂ©couvrir l’apnĂ©e. Ce qui est une façon de souffler.

 

J’avais prĂ©vu, Ă  la fin de cet article, de poster une vidĂ©o me montrant sur scĂšne avec une de mes partenaires en 2016. Mais la vidĂ©o, d’une durĂ©e de 16 minutes, est pour l’instant trop lourde pour ĂȘtre mise sur le blog. J’espĂšre rĂ©ussir Ă  l’allĂ©ger  afin de la publier trĂšs rapidement.

 

 

Franck, ce vendredi 28 décembre 2018.

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DĂ©troits

Basquiat

 

 

 

 

 

La double exposition Egon Schiele/ Jean-Michel Basquiat dĂ©marrĂ©e le 3 octobre 2018 est prolongĂ©e jusqu’au 21 janvier 2019 du fait de son succĂšs. Elle se dĂ©roule dans la Fondation Louis Vuitton. Celle-ci a Ă©tĂ© crĂ©Ă©Ă© dans le 16Ăšme arrondissement de Paris, quartier bourgeois (environ trois Ă  quatre fois le prix du mĂštre carrĂ© de la ville oĂč j’habite pour rester modeste), prĂšs du jardin d’acclimatation, par le fils du milliardaire dont j’ai retranscrit quelques propos au dĂ©but de mon article PrivilĂ©giĂ©( rubrique Echos statiques)

 

Pour un milliardaire, investir dans l’Art est un moyen de laisser son nom dans l’Histoire en « lĂ©guant » des Ɠuvres ou des lieux Ă  mĂȘme de permettre de venir les dĂ©couvrir et les admirer. C’est aussi un moyen lĂ©gal de pratiquer l’évasion fiscale. Je l’ai appris rĂ©cemment. Parce-que je suis un peu bĂȘte. En lisant cette interview (qui date d’environ six mois) du pĂšre milliardaire qui, bien que laissant son fils prendre sa relĂšve le critique un peu en passant.

Je l’ai aussi appris en le lisant dans quelque journal :

Dans PrivilĂ©giĂ©, j’ai Ă©crit que le mouvement des gilets jaunes – qui persiste de diffĂ©rentes maniĂšres- avait aussi d’autres origines que des motivations financiĂšres. Je le crois toujours. Mais les causes financiĂšres sont nĂ©anmoins bien prĂ©sentes et restent les premiĂšres raisons de mĂ©contentement pour bien des gilets jaunes. Un certain nombre de gilets jaunes – et d’autres- savent (pour le voir et le vivre) que les riches deviennent de plus en plus riches depuis vingt Ă  trente annĂ©es et que les pauvres deviennent de plus en plus pauvres. Mais aussi que les riches pratiquent de plus en plus et de mieux en mieux l’évasion fiscale. Et, ce, tandis que les pauvres et les classes moyennes doivent supporter de plus en plus d’efforts financiers. Les gilets jaunes et d’autres ont le sentiment que le rĂ©sultat de leurs efforts financiers est de moins en moins visible dans cette vie qui est la leur que ce soit pour s’alimenter, pour l’accĂšs aux soins, Ă  une bonne offre de scolaritĂ© pour leurs enfants ou pour partir en vacances pour parler de quelques sujets prioritaires.

 

Mais ces affirmations sont insuffisantes.

 

Pour rĂ©ussir dans la vie, pour espĂ©rer convaincre, il est d’usage Ă  un moment donnĂ© de recourir Ă  des chiffres. Seul le naĂŻf, le privilĂ©giĂ© fanatique ou le plus que chanceux, peut continuer de croire qu’il rĂ©ussira une entreprise ou Ă  convaincre par sa seule volontĂ©, dĂšs son premier essai, en s’adossant uniquement Ă  ses bonnes intentions, sa ponctualitĂ©, ainsi qu’à la chance et au hasard. Les chiffres, les maths et les probabilitĂ©s deviennent Ă  un moment ou Ă  un autre un passage obligĂ©. Je dois donc, aussi, en passer par les chiffres.

 

 Le Canard EnchainĂ© numĂ©ro 5120 de ce mercredi 19 dĂ©cembre 2018 en rappelle d’abord quelques uns. Le journaliste C.L , dans son article Les gĂ©ants d’Internet remercient les gilets jaunes explique pour dĂ©buter , qu’ironiquement, le mouvement des gilets jaunes a « (
.) fait, sans le vouloir, les affaires des multinationales du numĂ©rique, reconnues pour leur talent Ă  gruger le fisc ». Car, nous explique ce journaliste, Ă  quelques semaines des fĂȘtes de NoĂ«l, le blocage des ronds points par les gilets jaunes et la fermeture «  des magasins pour cause de manifs du samedi ont rempli les caisses des plateformes de vente en ligne comme Amazon. La colĂšre des gilets jaunes a aussi dopĂ© la frĂ©quentation de Facebook, Twitter et Google ».

Pourquoi ? Parce-que le mouvement des gilets jaunes a fait parler de lui tant du cÎté des média que des particuliers.

Cette médiatisation a néanmoins aussi servi le mouvement ; car, comme le notait une semaine plus tÎt encore dans Le Canard Enchainé du mercredi 12 décembre 2018 ( numéro 5119 ), le rédacteur en chef Erik Emptaz, dans son article Gilets sur le Feu :

MalgrĂ© les travers du mouvement des gilets jaunes ( « incapacitĂ© Ă  se trouver des reprĂ©sentants crĂ©dibles et non dĂ©rapants », «  le fatras souvent contradictoire et sans cesse rĂ©alimentĂ© de leurs revendications », le «  complotisme », « racisme », « l’antisĂ©mitisme », « l’homophobie et d’autres dĂ©testables penchants de quelques uns de leurs adhĂ©rents », «  pertes de points de croissance », «  la casse engendrĂ©e par leur venue Ă  Paris ou leurs dĂ©filĂ©s dans d’autres villes » ) celui-ci «  En moins d’un mois, sans tĂȘte pensante et Ă  seulement 136 000 personnes dans tout le pays dont 10 000 Ă  Paris samedi dernier, soit un score des plus moyens s’il s’était agi des manifs sociales ordinaires, ils ( les gilets jaunes) ont rĂ©ussi Ă  obtenir plus que les syndicats en trente ans ». Or, grossiĂšrement, on Ă©value Ă  une trentaine d’annĂ©es (voire une quarantaine d’annĂ©es si on veut se rĂ©fĂ©rer Ă  la date officielle du dĂ©but de la crise Ă©conomique en France et en Europe dans les annĂ©es 70) la pĂ©riode Ă  partir de laquelle, les acquis sociaux ont commencĂ© Ă  ĂȘtre entamĂ©s et la vie Ă  devenir de plus en plus chĂšre en France avec un saut dans l’hyperespace lors du passage Ă  l’euro il y’a bientĂŽt vingt ans.

 

Mais ce 19 dĂ©cembre 2018, le journaliste C.L, dans Le Canard EnchainĂ© , pointe le fait que malgrĂ© les succĂšs politiques du mouvement populaire des gilets jaunes, les grosses entreprises , responsables d’une façon ou d’une autre de l’appauvrissement gĂ©nĂ©ral, conservent une trĂšs bonne santĂ© Ă©conomique et financiĂšre. Ainsi, toujours selon C.L ce 19 dĂ©cembre 2018 :

«  Amazon, qui truste en France 20% des achats en ligne, n’a payĂ© Ă  Bercy l’an dernier que 8 millions d’euros d’impĂŽts. Le numĂ©ro 1 de l’e-commerce n’y est pas allĂ© avec le dos de la souris pour minimiser son activitĂ© dans l’Hexagone : 380 millions d’euros de chiffres d’affaires dĂ©clarĂ©, alors qu’il est, de l’avis des experts, quinze fois plus Ă©levĂ©, Ă  5,7 milliards !

MĂȘme tour de passe-passe pour Facebook, qui n’a donnĂ© au fisc que 1,9 million. Google, lui, n’a rĂ©glĂ© que 14 millions d’euros d’impĂŽts, sur un chiffre d’affaires annoncĂ© de 325 millions, alors qu’il atteint presque 2 milliards. Quant Ă  Twitter, avec une activitĂ© en France rapetissĂ©e Ă  12,5 millions d’euros, cinq fois moins que la rĂ©alitĂ©, il aura inscrit moins de 300 000 euros sur sa feuille d’impĂŽts ».

Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), rappelons-le, sont des entreprises amĂ©ricaines qui doivent leur rĂ©ussite Ă©conomique Ă  la croissance d’internet et Ă  tous les produits et transactions qui en dĂ©coulent, sont actuellement et depuis des annĂ©es les plus puissantes du monde.

 

On peut voir cet article comme la venaison et la confirmation d’un esprit gauchiste aigri et anti-amĂ©ricain. Puisque j’y parle assez peu de Basquiat , l’artiste-peintre, et encore moins d’Egon Schiele. Et que je vais parler, maintenant, de cet article que j’avais lu et oubliĂ© dans
.le TĂ©lĂ©rama du 22 dĂ©cembre 2018 au 4 janvier 2019 (c’est-Ă -dire en ce moment) et sur lequel je suis Ă  nouveau tombĂ© tout Ă  l’heure par hasard.

Et que raconte entre-autre cet article, page 16, Le Mécénat Est-il Menacé signé Sophie Rahal ? :

 

«  (
) Mi-novembre une plainte contre X pour escroquerie et fraude fiscale a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e par une association anticorruption ; elle vise la Fondation Louis Vuitton. FinancĂ©e par le groupe LVMH, cette institution culturelle est soupçonnĂ©e d’avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© de la loi Aillagon pour rĂ©duire son impĂŽt, pour un montant de 518 millions d’euros, entre 2007 et 2017. Depuis, le mĂ©cĂ©nat (surtout culturel) est sous le feu des critiques. C’est oublier qu’il permet de faire vivre de nombreux projets : crĂ©ation artistique, festivals, photographie
le secteur culture-patrimoine est d’ailleurs le deuxiĂšme Ă  bĂ©nĂ©ficier du mĂ©cĂ©nat, aprĂšs le social, et avant l’éducation ».

 

Et, lĂ , je retourne Ă  Basquiat et Egon Schiele.

 

Basquiat, pour moi, depuis une vingtaine voire une trentaine d’annĂ©es, c’est un visage et un nom. Quelques photos. Je fais une courte allusion Ă  Basquiat dans mon article (trĂšs long) Moon France.

J’ai oubliĂ© quand, pour la premiĂšre fois, j’ai vu une photo de Basquiat. Lequel fait partie de ces jeunes artistes morts avant la trentaine et cĂ©lĂ©brĂ©s autant pour leur Art et leur talent que pour le fait d’ĂȘtre morts avant la trentaine : Jim Morrisson, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Amy Winehouse, James Dean
.

 

Je connais « mieux » le travail d’Egon Schiele. Il m’est arrivĂ© d’acheter des cartes postales reproduisant certains de ses tableaux.

 

J’avais 20 ans lorsque Basquiat est mort en 1988. Si son Art et ses messages parlaient et parlent de moi, je ne les comprenais et ne les connaissais pas. Et c’est encore le cas. Comme ce jeune que j’avais interrogĂ© Ă  mon arrivĂ©e il y’a 11 ans Ă  Argenteuil. Il ne comprenait pas et ne connaissait pas ce que je lui demandais. Assez souvent, il arrive que les gens ne comprennent pas ce que je leur demande. Et, ils croient que je me fiche d’eux. Il est vrai que je peux faire de la provocation surtout avec les personnes envers lesquelles j’éprouve sympathie ou affection.

Mais Je venais par le train du centre-ville d’Argenteuil. Et, je cherchais la mĂ©diathĂšque du Val d’Argenteuil. Nulle provocation de ma part.

Ce jeune du quartier, qui devait avoir entre 15 et 17 ans, peut-ĂȘtre plus, a rĂ©flĂ©chi quelques secondes, plutĂŽt perplexe. J’avais 8 ou 9 ans lorsque, pour la premiĂšre fois ( je l’en remercie encore), notre instituteur, Mr Pambrun de l’école primaire Robespierre, nous avait emmenĂ© Ă  pied, la classe entiĂšre, en longeant la piscine Maurice Thorez, jusqu’à la bibliothĂšque de Nanterre. Presque en vis-Ă -vis du lycĂ©e Joliot Curie oĂč j’allais poursuivre ma scolaritĂ© quelques annĂ©es plus tard. Et Ă  partir de cette premiĂšre fois avec la classe et Mr Pambrun, rĂ©guliĂšrement, les samedis aprĂšs-midis, je retournais seul ou avec un copain pour lire des bandes dessinĂ©es et emprunter des livres. Depuis, mon attachement aux bibliothĂšques et aux mĂ©diathĂšques s’est maintenu.

 

Trente ans plus tard, notre jeune de la dalle d’Argenteuil, Ă  peine parti, je m’étais aperçu que la mĂ©diathĂšque que je cherchais Ă©tait Ă  peine Ă  vingt ou trente mĂštres de nous. La mĂ©diathĂšque, lieu de culture et de rencontres, accessible et gratuit, ne faisait par partie du plan mental du jeune que je venais de rencontrer. C’est sans doute un prĂ©jugĂ© de ma part : mais je m’avise aujourd’hui que si je lui avais demandĂ© oĂč trouver du shit (PS : je ne consomme aucun stupĂ©fiant) il m’aurait peut-ĂȘtre mieux renseignĂ©.

Toujours est-il que vis-Ă -vis de Basquiat, avec ou sans shit, je suis Ă  peu prĂšs dans le mĂȘme Ă©tat d’esprit que notre jeune rencontrĂ© ce jour-lĂ  comme je cherchais la mĂ©diathĂšque du Val d’Argenteuil. Regarder cette nuit le documentaire Basquiat, une vie rĂ©alisĂ© en 2010 par Jean Michel Vecchiet m’en persuade. J’ai empruntĂ© le dvd dans la mĂ©diathĂšque de ma ville.

Si la musique et certains ralentis du documentaire me semblent trop appuyĂ©s, j’en ai nĂ©anmoins un peu plus appris sur Basquiat. Celui-ci est parti de chez lui Ă  15 ans comme beaucoup d’artistes et de personnes qui ont vĂ©cu dans la rue et qui ont « rĂ©ussi » affirme Suzanne Mallouk, une de ses ex-copines devenue psychiatre et spĂ©cialiste des addictions si j’ai bien compris. Mallouk se cite parmi ces jeunes partis de chez leurs parents Ă  15 ans. Ainsi que Keith Haring qu’elle et Basquiat ont cĂŽtoyĂ©. Madonna a fait partie de leur environnement. Elle se serait rapprochĂ©e de lui par intĂ©rĂȘt alors qu’il Ă©tait bien plus « famous » qu’elle.

 

A tort peut-ĂȘtre, en France, je pense Ă  BĂ©atrice Dalle comme faisant partie de ces artistes partis de chez eux Ă  15 ans.

 

Voir le documentaire en Anglais sans sous-titres m’expose Ă  certaines incomprĂ©hensions et quiproquos mais certains d’entre eux me plaisent. Par exemple, je crois d’abord qu’à Ă©voquer Basquiat, on parle d’un « Black Panther » alors que bien-sĂ»r, on parle de lui comme d’un « Black painter ». Mais son art militant a sĂ»rement un rapport aussi avec un mouvement comme celui des Black Panthers. Et je ne parle pas ici du film sorti en 2018, qui a bien marchĂ©, a eu de bonnes critiques, et qui m’a moyennement plu.

 

Dans le documentaire de Vecchiet, je dĂ©couvre que Basquiat a fait plusieurs sĂ©jours en Afrique : BĂ©nin, CĂŽte d’Ivoire. Mali ? Qu’il s’est rendu Ă  la Nouvelle-OrlĂ©ans qu’il considĂ©rait comme l’endroit du passage entre l’Europe et l’Afrique. Il Ă©tait curieux de ses origines. Ces lieux m’attirent que ce soit en Afrique ou Ă  la Nouvelle-OrlĂ©ans.

A parler de la consommation des drogues de Basquiat, Suzanne Mallouk affirme que celui-ci avait d’abord pris de la marijuana, puis de l’opium et ensuite qu’il alternait entre cocaĂŻne et hĂ©roĂŻne. Elle insiste quant au fait que l’usage des drogues faisait partie de la culture de l’époque dans leur milieu au mĂȘme titre que la consommation du LSD dans les annĂ©es 70. Pour elle, Basquiat Ă©tait un crĂ©atif constant (elle parle d’hypomanie crĂ©ative) indĂ©pendamment de la drogue et elle estime que celle-ci rendait ses Ɠuvres plus dĂ©taillĂ©es lorsqu’il Ă©tait sous cocaĂŻne et plus brutes sous hĂ©roĂŻne.

 

« Offended » par le racisme des Etats-Unis, sa relation difficile avec son pĂšre, la vulnĂ©rabilitĂ© de sa mĂšre, la cĂ©lĂ©britĂ© a peu rĂ©confortĂ© Basquiat. Souvent seul, finalement, Basquiat n’a pas su s’entourer lorsqu’il en aurait eu le plus besoin. En cela, il a peut-ĂȘtre manquĂ© de maturitĂ© et de luciditĂ©. Car trop tendre ( ce n’est pas une critique). Et la cĂ©lĂ©britĂ©, la richesse matĂ©rielle et les drogues n’ont rien arrangĂ©.

 

Lorsqu’arrive l’interview d’AgnĂšs B, je mesure comme je suis un clone de notre jeune homme rencontrĂ© prĂšs de la mĂ©diathĂšque du Val d’Argenteuil en matiĂšre d’ignorance :

Elle raconte comment, dans les annĂ©es 80, elle avait pu rencontrer Basquiat Ă  New-York dans une galerie ou Ă  une exposition et la façon dont elle avait Ă©tĂ© marquĂ©e par sa peinture. Et sa personnalitĂ©, simple, timide et sans chichis. J’aurais aimĂ©, depuis toutes ces annĂ©es, avoir eu la capacitĂ© de comprendre ou de ressentir l’Ɠuvre de Basquiat- et d’autres- comme AgnĂšs B et d’autres. Or, jusqu’à maintenant, l’Ɠuvre de Basquiat a eu sur moi Ă  peu prĂšs le mĂȘme effet que la mĂ©diathĂšque sur ce jeune croisĂ©. J’y suis restĂ© Ă©tranger. AgnĂšs B a grandi dans une famille « cultivĂ©e » mais cela est seulement une partie de l’explication.

 

 

Quelques mots sur Basquiat et , aprĂšs ça, je termine cet article afin qu’il soit d’une longueur encore Ă  peu prĂšs supportable pour le lecteur qui aura persĂ©vĂ©rĂ© jusque lĂ .

 

Au mieux, je crois que Basquiat m’avait marquĂ© dans le passĂ© car ses locks qui avaient fascinĂ© ou sĂ©duit AgnĂšs B et d’autres dans les annĂ©es 80 m’avaient sĂ»rement rappelĂ© Bob Marley ainsi que David Hinds, l’un des fondateurs et meneurs du groupe Steel Pulse. Et, le Reggae comme certaines de ses figures Ă©taient des messages et des symboles que je comprenais dans les annĂ©es 80. Sa coupe de cheveux rasĂ©e peut, elle, faire penser Ă  un Tricky avant l’heure, au mouvement punk ou peut-ĂȘtre Ă  la tonsure de certains Native American. Aujourd’hui, il est courant de voir des hommes crĂąne rasĂ© mais, selon mes souvenirs, dans les annĂ©es 80, la norme capillaire dans le civil Ă©tait d’avoir des cheveux.  Dans la vie courante, parmi les bien portants, seuls, les militaires, les moines, les punks et le skinheads, en occident ou en asie, se rasaient le crĂąne. Puis, des athlĂštes (noirs) amĂ©ricains ont commencĂ© Ă  populariser cette pratique, ou, en tout cas, Ă  me la rendre visible.

 

Il y’a un bon mois, maintenant, une de mes collĂšgues et moi avons discutĂ© de l’exposition Egon Schiele/ Basquiat qui se dĂ©roule dans la fondation Louis Vuitton. Nous avions ratĂ© les offres Ă  prix rĂ©duits proposĂ©es par le CGOS (comitĂ© de gestion des Ɠuvres sociales) qui peut nous permettre d’avoir environ cinquante pour cent de rĂ©duction sur certains Ă©vĂ©nements comme les expositions. Parce-que nous avons la chance que notre employeur nous permette de bĂ©nĂ©ficier des offres du CGOS. Mais Il n’y’avait plus de places proposĂ©es par le CGOS pour l’exposition. J’ai cru comprendre que celle-ci Ă©tait complĂšte. Et qu’il Ă©tait impossible de se procurer des places.

Nous ne saurons jamais si d’autres employĂ©s comme nous se sont prĂ©cipitĂ©s sur cet Ă©vĂ©nement ou si le CGOS disposait pour cet Ă©vĂ©nement d’un nombre de places infĂ©rieur Ă  d’autres offres.

 

Apprenant que l’exposition Ă©tait prolongĂ©e jusqu’au 21 janvier 2019, du fait de son succĂšs, je me suis dĂ©cidĂ© ce matin Ă  aller voir s’il y’avait des places disponibles. Il en restait : 16 euros la place Ă  plein tarif. Plus de cent francs dans l’ancien temps. En supplĂ©ment, on me proposait de bĂ©nĂ©ficier de la navette afin de me rendre jusqu’à la fondation. 2 euros de plus. Soit un total de 18 euros. Dans l’ancien temps, jamais je n’aurais acceptĂ© de payer plus de cent francs pour me rendre Ă  une exposition. MĂȘme si j’en avais eu les moyens.

 

RĂ©sumons. A 15 ans, Basquiat a quittĂ© ses parents pour aller vivre dans la rue. SĂ»rement parce-que la rue lui semblait un foyer et un Ă©chappatoire plus merveilleux que ce qu’il connaissait chez lui. Il s’est d’abord fait connaĂźtre par ses dessins et ses graffitis sur les murs de la ville de Brooklyn dans les annĂ©es 80. Il marchait beaucoup la nuit dans la ville. En zigzag car il avait du mal Ă  marcher droit assure Suzanne Mallouk. Il a sĂ»rement vĂ©cu dans des squats. A cette Ă©poque, artistiquement et culturellement, dit l’une des personnes qui tĂ©moigne dans le documentaire de Vecchiet, New York Ă©tait l’équivalent de Berlin aujourd’hui. Une ville dont au moins depuis sept ans, j’ai entendu dire du bien mais oĂč je ne suis toujours pas allĂ©.

 

Le jour oĂč Basquiat a vendu sa premiĂšre toile en 1981, il Ă©tait content : il avait empochĂ© 200 dollars. Un an plus tard, devenu un artiste cĂ©lĂšbre, une de ses toiles se vendait au minimum 20 000 dollars. Basquiat Ă©tait devenu riche. Puis, il est mort comme un pauvre six ans plus tard. Seul avec son overdose. Sa petite amie de l’époque (qui ne tĂ©moigne pas apparemment dans le documentaire) a d’abord cru qu’il dormait.

Sa mort Ă  peine rendue officielle, une des personnes interviewĂ©es dans le documentaire, tĂ©moigne qu’il y’a eu une forte spĂ©culation sur les Ɠuvres de Basquiat et que le prix de celles-ci a flambĂ©.

Trente ans plus tard, le groupe LVMH, groupe multimilliardaire, qui fait entre-autres dans les produits de luxe, organise via sa fondation Louis Vuitton une exposition Egon Schiele/ Jean-Michel Basquiat. L’exposition est un succĂšs. Cependant, LVMH est soupçonnĂ© d’avoir profitĂ© de la construction de la fondation Louis Vuitton pour pratiquer l’escroquerie et l’évasion fiscale. Et, il faut craindre les retombĂ©es du jugement qui sera rendu car cela pourrait avoir un effet nuisible sur la promotion de la culture.

Donc, en dĂ©boursant 16 euros tout Ă  l’heure pour me rendre Ă  cette exposition, je soutiens LVMH et la promotion de la culture. Tout en acceptant un effort financier supplĂ©mentaire au profit d’un milliardaire qui se contrefiche de moi et de tous les autres de mon espĂšce, avec ou sans gilets jaunes.

Comme Basquiat l’écrivait Ă  cĂŽtĂ© de ses Ɠuvres au dĂ©but de sa carriĂšre : SAMO.

Same Old Shit ! SAMO n’est pas mort contrairement Ă  ce qu’il a voulu croire.

 

Je me contenterai quant Ă  moi de signer simplement au bas de cet article en me convaincant que j’ai bien fait de donner 16 euros au groupe LVMH. En me disant que je vais vivre une expĂ©rience extraordinaire en me rendant Ă  cette double exposition (oĂč ma compagne a refusĂ© de m’accompagner). Et, puis, avec un peu de chance, il n’y’aura pas trop de monde.

 

Etant donnĂ© que j’ai eu du mal Ă  imprimer correctement ma place, j’espĂšre que l’on me laissera entrer dans la fondation.

 

Franck, ce mercredi 26 décembre 2018.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Et, ça marche ?

 

 

Et, ça marche ?

 

C’est la question que m’a posĂ©e le premier journaliste cinĂ©ma rencontrĂ© lorsque je me suis rendu Ă  ma premiĂšre projection de presse depuis sept ans. C’était avant de voir le film Kabullywood de Louis Meunier qui sortira le 6 fĂ©vrier 2019. Un film Ă  propos duquel j’ai Ă©crit dans la rubrique CinĂ©ma : https://balistiqueduquotidien.com/kabullywood-sort
e-6-fevrier-2019

 

Mon confrÚre journaliste voulait savoir si tenir un blog valait le coup (coût). Devant sa question, moi qui étais plutÎt à ma joie de retrouver le canal des projections de presse, je me suis senti pris au dépourvu et tenu de rendre des cendres, lourdé par une logique comptable terre à terre et néanmoins nécessaire.

J’ai rĂ©pondu que c’étaient les dĂ©buts du blog. Ce qui Ă©tait et reste vrai. Poliment, mon «confrĂšre» m’a alors souhaitĂ© bonne chance avec ce que ce « bonne chance » comportait de scepticisme.

 

La presse va mal d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale depuis plusieurs annĂ©es. Les personnels des mĂ©diathĂšques, par exemple, se dĂ©solent du fait que notre rapport Ă  la culture ait changĂ© ces vingt derniĂšres annĂ©es. On lit moins. On est plus impatient. On Ă©coute la musique autrement, de maniĂšre dĂ©matĂ©rialisĂ©e, en accĂ©lĂ©rĂ©. AffĂ»tĂ©s par les nouveautĂ©s grand public, on montrerait moins de curiositĂ©.

Et il existe tout un tas de mĂ©dia qui parlent dĂ©jĂ  de cinĂ©ma. Alors, lancer un blog fin 2018 oĂč je parlerai de cinĂ©ma peut intriguer et en intriguera d’autres Ă  l’image de ce confrĂšre, journaliste cinĂ©ma.

Par ailleurs, il semble admis qu’une pĂ©riode de deux ans soit le minimum avant de pouvoir espĂ©rer rendre viable l’existence d’un blog comme de toute entreprise que l’on crĂ©Ă©. En deux ans, on a le temps de se rĂ©signer ou de se voir confirmer que l’on tient le bon projet, celui qui marche et qui nous correspond.

En un mois, depuis l’ouverture de ce blog, j’ai publiĂ© vingt articles. Soit une assez bonne moyenne rĂ©dactionnelle. Mon meilleur « score » en termes d’audience a Ă©tĂ© de 45 lecteurs par jour. Cela peut sembler dĂ©risoire en regard avec les milliers de lecteurs ou d’abonnĂ©s de certains blogs, sites ou chaines Youtube. Mais chaque lecteur compte. Je crois du reste que chaque lecteur, mĂȘme contrariĂ©, est un lecteur. Un alliĂ©.

Je suis un peu Ă©tonnĂ© de m’exprimer comme un politicien pourrait le faire avec des Ă©lecteurs. Pourtant, concrĂštement, c’est encourageant de voir que l’on a Ă©tĂ© lu par des lectrices/ lecteurs. De recevoir des avis, des impressions. J’en ai reçus.

Et mĂȘme s’il importe de faire au plus vite du « chiffre » en termes de lectrices/ lecteurs et d’abonnĂ©s afin de constituer une spirale vertueuse de personnes qui va contribuer Ă  faire connaĂźtre le blog de plus en plus, pour l’instant, je ne m’inquiĂšte pas :

Cet Ă©tĂ©, avant de lancer le blog, j’avais expliquĂ© Ă  Jamila Ouzahir (l’attachĂ©e de presse revue par hasard dans le mĂ©tro et qui m’a encouragĂ© dĂšs le dĂ©but) que je parlerais de cinĂ©ma mais aussi d’autres sujets.

Pour qu’un blog «  marche », j’ai cru comprendre qu’il fallait le personnaliser et, aussi, parler de soi. Je parle trop de moi ? Tous les jours, sur les rĂ©seaux sociaux, mais aussi sur leur lieu de travail, des milliers voire des millions de personnes parlent d’elles. Tous les jours, nos navigations sur internet et sur le Web, nos achats au moins au moyen de nos cartes bancaires ainsi que nos dĂ©placements ne serait-ce que par les transports en commun donnent quantitĂ© d’informations et parlent de celles et ceux que nous sommes. Si l’on doit savoir qui je suis, je prĂ©fĂšre encore ĂȘtre celui qui choisit les sujets que je veux voir abordĂ©s au moment oĂč je l’ai dĂ©cidĂ©.

Certains de mes articles sont longs ? C’est un dĂ©faut. Ainsi qu’une particularitĂ©. Cela fait partie de mon grain. Il y’a environ trente ans maintenant, le CD Ă©tait supposĂ© exterminer le vinyle dĂ©finitivement. Aujourd’hui, mĂȘme si le vinyle reste minoritaire et en cours chez des « puristes», sa persistance indique qu’on lui trouve des propriĂ©tĂ©s uniques que la perfection sacrificielle du CD ou les caractĂ©ristiques du MP3 ont exclu. Mais le meilleur exemple est sĂ»rement celui du livre qui a beaucoup mieux rĂ©sistĂ© au numĂ©rique et Ă  la dĂ©matĂ©rialisation. La longueur de certains de mes articles provient sĂ»rement d’une certaine tradition- papier- du livre. Elle peut de ce fait convenir Ă  celles et ceux qui ont du mal Ă  se satisfaire de la briĂšvetĂ© de certains contenus et aiment prendre leur temps pour lire.

Mais ce qui plait Ă  certains et dĂ©plait Ă  d’autres est le contraire d’une science exacte. Ce qui rebute certaines et certains aujourd’hui conviendra peut-ĂȘtre demain, dans quelques jours ou dans quelques semaines, Ă  d’autres voire aux mĂȘmes. D’autres, enfin, sont peut-ĂȘtre tout simplement indisponibles en cette pĂ©riode de fin d’annĂ©e.

En attendant, mon rĂŽle est d’avoir des idĂ©es, de faire montre d’une certaine perspicacitĂ©, d’une certaine originalitĂ© et de sincĂ©ritĂ©.

Et, j’ai des idĂ©es. D’articles courts et longs. Pour mieux faire connaĂźtre mon blog. Mais aussi en termes de rubriques que j’ajouterai au fur et Ă  mesure.

Pour l’instant, je n’ai publiĂ© aucune vidĂ©o sur mon blog parce-que plus j’écris et moins j’ai envie de me montrer : c’est une question de dynamique. Plus j’écris et plus je me sens tout mou Ă  l’image. MĂȘme ma voix me redoute. J’ai pourtant une expĂ©rience du jeu d’acteur.

Je comprends qu’écrire et jouer face camĂ©ra sont deux actions et deux Ă©nergies distinctes. Elles peuvent se conjuguer mais, pour l’instant, je me sens divisĂ© entre les deux. Et puis, l’une comme l’autre de ces deux actions (Ă©crire et jouer) pour ĂȘtre effectuĂ©e de façon Ă  peu prĂšs satisfaisante, demande du temps. J’ai bien deux ou trois vidĂ©os Ă  montrer que certains ont dĂ©jĂ  vues mais il m’ennuie de me dire qu’aprĂšs elles, ce sera le vide car je n’aurai rien d’autre – pour l’instant- Ă  proposer. Je comprends donc qu’en Ă©crivant cette vingtaine d’articles et quelques autres, j’ai beaucoup Ă©tĂ© dans ma tĂȘte et que je dois, pour retrouver le plaisir du jeu d’acteur, retourner un peu plus dans mon corps.

 

Alors, est-ce que ça va marcher ? Pour le savoir, il faudra d’abord que j’aie posĂ© sur la table tous mes atouts. Ce que je suis trĂšs loin d’avoir fait. Et il faudra bien-sĂ»r que l’on continue de venir sur balistiqueduquotidien.com

Bonnes fĂȘtes de fin d’annĂ©e !

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 23 décembre 2018.

 

 

 

 

 

 

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Pour la rubrique cinĂ©ma de mon blog dĂ©sormais rebaptisĂ© Balistique du quotidien, j’avais prĂ©vu ce matin d’aller voir deux films au cinĂ©ma. Afin d’allĂ©ger un peu le contenu de certains de mes articles. Et aussi parce-que j’ai bien l’intention de parler cinĂ©ma sur ce blog. Et puis, il m’est soudainement apparu Ă©vident que la meilleure façon de dĂ©marrer ma rubrique cinĂ©ma consistait Ă  m’inspirer de mon expĂ©rience de journaliste cinĂ©ma pour le mensuel papier Brazil. Lequel a cessĂ© de paraĂźtre fin juin 2011 si je ne me trompe.

 

Le train du deuil et de la nostalgie de la fin de cette aventure journalistique me semble aujourd’hui, ce mardi 18 septembre 2018, passĂ©. 7 ans pour le passage d’un train, cela est un dĂ©lai plutĂŽt raisonnable.

 

Avant mon expĂ©rience de journaliste cinĂ©ma pour Brazil, j’étais un cinĂ©phile parmi d’autres. Bien que cinĂ©phile assez « tardivement ». Ma mĂšre m’a racontĂ© qu’elle et mon pĂšre m’emmenaient avec eux lorsqu’ils allaient au cinĂ©ma Ă  Paris. Dans les annĂ©es 70. Car la place Ă©tait gratuite pour moi et parce-que j’étais un enfant « sage ». Je devais vraiment ĂȘtre trĂšs petit (entre mes trois et six ans m’a rĂ©cemment rĂ©pondu ma mĂšre) car je n’ai aucun souvenir de sĂ©ance cinĂ©ma avec eux hormis quelques bribes d’un film oĂč le « hĂ©ros » Ă©tait une voiture coccinelle du nom de « Choupette ».

A la maison, devant la tĂ©lĂ© en noir et blanc dont la troisiĂšme chaine avait dĂ©sertĂ©, mes parents Ă©taient plutĂŽt portĂ©s sur certaines comĂ©dies françaises avec Bourvil et Fernandel. Mais ils avaient aussi une certaine fascination pour les films amĂ©ricains Ă  tendance polar ou western. Ou pour les films de Bruce Lee. Et moi, Ă  20h30, aprĂšs le journal des informations, j’avais obligation d’aller me coucher.

 

Je disposais nĂ©anmoins de mes plages tĂ©lĂ©vision. A condition que celles-ci soient compatibles avec l’agenda de mon pĂšre en termes de retransmission d’évĂ©nements sportifs Ă  la tĂ©lĂ©. Si la voie Ă©tait libre, les samedis aprĂšs-midis, j’avais par exemple droit Ă  l’émission Samedi est Ă  vous, Ă  Temps X lorsque les frĂšres Bogdanoff Ă©taient jeunes, beaux et sans silicone. Et, j’étais lĂ  devant l’écran lorsqu’arriva la saga Goldorak et tout ce qu’elle suscita d’engouement et de nouveautĂ©, amenant avec elle toutes ces caravanes de sĂ©ries japonaises (Candy, Heidi, Albator, Sandokan) et ignorant tout de leur provenance comme de ce qu’elles pouvaient Ă©ventuellement reprĂ©senter comme « menace » culturelle ou tout simplement commerciale pour des Ɠuvres telles que La Petite Maison dans la Prairie, Amicalement VĂŽtre, Les MystĂšres de l’Ouest, ArsĂšne Lupin ou Vidocq
.

Plus tard, Ă  partir de l’adolescence, rĂ©pondant peut-ĂȘtre dĂ©jĂ  Ă  un certain appel d’obsolescence programmĂ©e, je me suis aussi beaucoup abruti devant la tĂ©lĂ©. Je me suis beaucoup vu me mettre minable, les dimanches aprĂšs-midis, en regardant jusqu’au bout et sans rĂ©mission les Ă©missions (rĂ©) animĂ©es par Jacques Martin. Depuis L’homme qui prend des risques en passant par Incroyable mais vrai jusqu’au ThĂ© Dansant.

Je savais que ce que je regardais Ă©tait mauvais, trĂšs mauvais, que je savais lire et Ă©crire, que je perdais mon temps. Mais je restais lĂ , fidĂšle au poste, accrochĂ© Ă  la lucarne du tĂ©lĂ©viseur familial qui me semblait ĂȘtre mon seul subterfuge contre l’ennui.

Lequel tĂ©lĂ©viseur, remplaçant le prĂ©cĂ©dent, Ă©tait dĂ©sormais pourvu de la couleur et de la tĂ©lĂ©commande. NĂ©anmoins, je restais un tĂ©lĂ©spectateur pĂ©destre et mĂ©thodique, dĂ©vot jusqu’au-boutiste de la chaine et du programme choisis, totalement sectaire envers l’idĂ©e du zapping et la rĂ©prouvant mĂȘme, quelle dĂ©gĂ©nĂ©rescence ! , lorsque mon frĂšre, mon benjamin de 14 ans, s’y adonnerait parfois compulsivement devant moi.

 

Le grand avantage de toutes ces mauvaises cuites tĂ©lĂ©visuelles alors que j’ingĂ©rais toutes les versions françaises de ce que je regardais comme des hosties et du petit lait, c’est qu’en quittant mes parents pour aller emmĂ©nager chez moi, je me suis aussitĂŽt sevrĂ© de la tĂ©lĂ©. Je n’ai jamais achetĂ© de tĂ©lĂ©viseur. En acheter n’a jamais fait partie de mes projets. Il est quantitĂ© de dĂ©penses dont j’aurais dĂ» me passer et j’ai encore bien des efforts Ă  faire en termes de dĂ©penses. Je perçois la consommation « ordinaire » que nous pratiquons quasiment quotidiennement pour divers achats comme une addiction soit l’équivalent   d’un «  apprentissage pathologique » assimilĂ© depuis des annĂ©es et qui nous fait du tort. NĂ©anmoins, nous avons aussi des moments de luciditĂ©. J’ai toujours Ă©tĂ© perplexe devant les (grandes) sommes qu’acceptent de donner mes contemporains en vue d’acquĂ©rir un tĂ©lĂ©viseur. Et j’ai Ă©prouvĂ© une grande fiertĂ© Ă  pouvoir ĂȘtre dispensĂ© de payer la redevance tĂ©lĂ© pendant des annĂ©es.

Aujourd’hui, nous avons bien un tĂ©lĂ©viseur Ă  la maison. Mais c’est celui que possĂ©dait ma compagne alors que nous nous sommes rencontrĂ©s. Je n’ai jamais estimĂ© que cela pourrait constituer un motif recevable afin de la rĂ©pudier. D’autre part, son tĂ©lĂ©viseur nous sert d’écran pour regarder des Blu-Ray et des dvds voire des cassettes VHS. Et lorsque notre fille se met subitement en arrĂȘt Ă  Ă  peine cinquante centimĂštres d’un tĂ©lĂ©viseur allumĂ© de maniĂšre automatique chez des amis ou dans de la famille, je me transforme en vigie qui la fait battre en retrait de deux ou trois mĂštres. Ma compagne adopte la mĂȘme attitude mĂȘme si, assez amusĂ©e, elle ne manque pas de (me) rappeler quelques fois que lorsque je passe devant un tĂ©lĂ©viseur allumĂ©, je me transforme aussi en statue comme notre fille.

Je suis devenu cinĂ©phile lors de ma deuxiĂšme ou troisiĂšme annĂ©e d’école d’infirmier. J’avais 20 ans.

J’allais au cinĂ©ma gĂ©nĂ©ralement seul. Et, aprĂšs mon diplĂŽme d’infirmier, j’ai connu une pĂ©riode oĂč je voyais un film par jour en moyenne. En voir deux d’affilĂ©e Ă©tait tout autant normal. En version originale. Du jour oĂč j’ai arrĂȘtĂ© de regarder la tĂ©lĂ© et ses versions françaises au profit du cinĂ©ma en version originale, il m’est devenu trĂšs difficile ensuite de supporter la version française d’un film. Car notre cerveau et notre oreille dĂ©cĂšlent trĂšs vite le travail de faussaire de la version française aussi bonne soit-elle.

J’ai rencontrĂ© Christophe Goffette, le rĂ©dacteur en chef de Brazil dĂ©but 2009 aux CinglĂ©s du cinĂ©ma Ă  Argenteuil. Cela faisait 20 ans que je me rendais dans des salles de cinĂ©ma. Et autant d’annĂ©es que j’écrivais dans mon coin, imposant par moments mes Ă©clairs de « gĂ©nie » littĂ©raire Ă  quelques courageuses et courageux, ou malchanceux, parmi mes proches et moins proches. Perspicaces, toutefois, plusieurs maisons d’édition ont prĂ©fĂ©rĂ© Ă©garer ou me restituer mes manuscrits.

Avec, parfois, cette rĂ©ponse que j’arrachais et, qui, bien que polie, Ă©tait pour moi trĂšs humiliante : « Trop de lieux communs
. ». Mais ces maisons d’édition avaient raison. J’étais quelqu’un de commun ou un original qui Ă©chouait Ă  rendre Ă©vidente et captivante sa particularitĂ©.

 

En 2009, j’habitais Ă  Argenteuil depuis bientĂŽt deux ans. MalgrĂ© ses atouts, Argenteuil est selon moi une ville qui continue de beaucoup subir son image. Cela a peut-ĂȘtre aussi contribuĂ© Ă  nous rapprocher, elle et moi. MĂȘme si, vis-Ă -vis d’elle, je peux osciller entre sentiment de saturation et attachement.

 

Habiter Ă  Argenteuil Ă©tait un gros avantage pour se rendre aux CinglĂ©s du cinĂ©ma. Cela fait des annĂ©es que cette manifestation s’y dĂ©roule Ă  la salle des fĂȘtes Jean Vilar, non loin du conservatoire. Et, dĂ©sormais, j’avais juste une rue Ă  traverser pour, en trois Ă  quatre minutes, m’y trouver.

J’ai nĂ©anmoins failli ne me pas me rendre Ă  cette Ă©dition des CinglĂ©s du cinĂ©ma.

J’étais dĂ©primĂ©. Ma copine de l’époque m’avait quittĂ©. Ma vie sentimentale continuait d’ĂȘtre insatisfaisante. Je n’étais pas un gĂ©nie.

J’ai oubliĂ© comment je m’y suis pris avec moi-mĂȘme pour me porter jusqu’aux CinglĂ©s du cinĂ©ma. Je me suis sĂ»rement dit que j’allais juste y passer.

En furetant parmi les exposants, je suis tombĂ© sur Christophe Goffette avec lequel le contact a d’emblĂ©e Ă©tĂ© trĂšs simple et trĂšs sympathique en parlant cinĂ©ma. Plusieurs numĂ©ros de Brazil figuraient sur son stand. Je n’y ai pas prĂȘtĂ© d’attention particuliĂšre.

Je me rappelle davantage d’un visiteur, un personnage, conversant avec Christophe puis commençant Ă  dĂ©livrer son Ă©rudition Ă  propos d’un film de genre que trĂšs peu de personnes avaient vu et oĂč il Ă©tait question d’un Batman gay. Un moment hilarant que j’aurais aimĂ© enregistrer ou, Ă  dĂ©faut, que j’aurais dĂ» retranscrire aussitĂŽt. Puis, j’étais allĂ© dans d’autres rayons et Ă©tais repassĂ© Ă  son stand afin de lui acheter quelques dvds. Cette fois-ci, un autre cinĂ©phile discutait avec lui. En les Ă©coutant, j’ai cru comprendre qu’il Ă©tait possible d’écrire pour Brazil. J’ai alors interpellĂ© Christophe :

« Vous cherchez des personnes pour Ă©crire ? ». Il s’est dĂ©fendu, tout sourire :

« Mais je ne cherche pas ! ». Ce qui signifiait que le contenu et le style de Brazil

( « Le cinĂ©ma sans concession$ » ) correspondaient aux besoins de bien des cinĂ©philes qui en avaient assez d’une presse cinĂ©ma policĂ©e et normothymique.

Contrairement Ă  l’autre cinĂ©phile prĂ©sent, je connaissais Brazil vaguement.

Contrairement Ă  l’autre cinĂ©phile prĂ©sent, sitĂŽt rentrĂ© chez moi, j’ai envoyĂ© un mail Ă  Christophe comme convenu dans lequel je me prĂ©sentais un peu. Environ une Ă  deux semaines plus tard, Christophe m’a envoyĂ© par mail une liste de films Ă  voir en avant-premiĂšre dans des salles dĂ©diĂ©es aux professionnels de la presse. Il s’agissait de rĂ©elles avant-premiĂšres. De sĂ©ances qui se dĂ©roulaient un voire deux mois avant la sortie des films en salle. NĂ©anmoins, aucun de ces films ou de ces rĂ©alisateurs ne me parlait. Il s’agissait pour la plupart de petites productions et de cinĂ©ma d’auteur dont, trĂšs certainement, le grand public a peu entendu parler car il s’agit de rĂ©alisations assez peu diffusĂ©es dans les salles et non-Ă©ligibles au succĂšs commercial.

MĂȘme si Brazil frayait dans le cinĂ©ma d’auteur et le cinĂ©ma de genre(s), il est vraisemblable que Christophe me testait.

Ma premiĂšre rĂ©action a plutĂŽt Ă©tĂ© de croire qu’il s’agissait d’un canular : je croyais modĂ©rĂ©ment Ă  l’existence de ces sĂ©ances de presse dans ces rues proches des Champs- ElysĂ©es dont, jusqu’alors, j’avais ignorĂ© l’existence.

Christophe m’avait dit de joindre par tĂ©lĂ©phone les attachĂ©es de presse concernĂ©es et de m’annoncer comme journaliste de Brazil. C’est ce que j’ai fait. Et, en me rendant sur place, je me suis aperçu que tout Ă©tait vrai.

Je crois que le premier film que j’ai « critiqué » Ă©tait un film se dĂ©roulant en AzerbaĂŻdjan ou en OuzbĂ©kistan (Non ! Il s’agit du film Tulpan rĂ©alisĂ© en 2006 par Sergey Dvortsevoy au Kazakhstan et distribuĂ© en 2009). AprĂšs avoir lu mon texte, bienveillant, Christophe m’avait rĂ©pondu que l’on sentait que je me retenais encore un peu mais que ça allait venir par la suite.

Christophe m’avait aussi d’emblĂ©e prĂ©venu que tous les journalistes de Brazil Ă©taient bĂ©nĂ©voles. Cela ne m’a jamais dĂ©rangĂ© durant les deux ans et demi de mon expĂ©rience avec Brazil car nous avions une trĂšs grande libertĂ© d’expression que je n’ai pas retrouvĂ©e par la suite. Et aussi parce-que cette expĂ©rience m’a permis d’interviewer des rĂ©alisateurs et des acteurs (et aussi de me rendre dans certains endroits) que je n’aurais jamais rencontrĂ©s si j’avais Ă©tĂ© stagiaire ou mĂȘme pigiste dans d’autres mĂ©dias papiers officiels qui existent encore Ă  ce jour.

Et en Ă©crivant cela, je dis plusieurs choses : l’arrĂȘt de Brazil fin juin 2011 a Ă©tĂ© passionnĂ©ment mal vĂ©cu par plusieurs de mes anciens collĂšgues journalistes de Brazil. A tort ou Ă  raison, plusieurs de mes anciens collĂšgues journalistes de Brazil en ont beaucoup voulu Ă  Christophe de la fin de Brazil. Pour ma part, j’ai comparĂ© la fin du mensuel Brazil 
à une rupture amoureuse mais aussi Ă  la fermeture d’une usine dans une ville ou une commune dont toute l’activitĂ© Ă©conomique et sociale dĂ©pendait. Ce qui Ă©tait forcĂ©ment douloureux. Mais quelques expĂ©riences de vie m’avaient appris que dĂšs lors qu’une rupture amoureuse est inĂ©luctable, qu’il est beaucoup moins douloureux de l’accepter.

 

On peut me voir comme l’idiot ou le grand naĂŻf de l’histoire. Et je veux bien croire que ma « sympathie » voire ma « loyauté » envers Christophe Goffette a pu, aussi, m’isoler ou me coĂ»ter en termes d’opportunitĂ©s journalistiques puisque beaucoup est aussi affaire de relations, d’alliances et de rĂ©seaux dans ce milieu. Pour le reste, ma dĂ©pendance envers l’expĂ©rience et l’époque Brazil m’a certainement empĂȘchĂ© de voir comme de m’ouvrir Ă  d’autres opportunitĂ©s ou d’autres mĂ©dia. J’avais sĂ»rement besoin d’un temps de deuil plus long et plus lent que d’autres. Car il est bien deux ou trois autres anciens collĂšgues de Brazil qui ont su persĂ©vĂ©rer et, depuis, Ă©voluer dans le journalisme du cinĂ©ma tandis que d’autres, dĂ©jĂ  versĂ©s et reconnus dans ce milieu, avaient bien moins besoin que moi d’un dispositif comme Brazil pour se faire connaĂźtre de la profession. D’autres, aussi, semblent avoir dĂ©laissĂ© le journalisme cinĂ©ma. Enfin, je dois ajouter que mon humour, noir, absurde, Ă  froid, mes bizarreries ou ma folie mais aussi ma timiditĂ© me rendent quelques fois peu performant en matiĂšre de sĂ©duction sociale. Par exemple, lorsque je sors d’une sĂ©ance cinĂ©ma, je peux avoir beaucoup de mal Ă  partager ce que je viens de voir. J’ai besoin de garder mes impressions, avec une certaine exclusivitĂ©, pour pouvoir les Ă©crire. Et je peux aussi avoir besoin de temps pour laisser infuser. Je suis plutĂŽt pressĂ© de m’isoler, si je suis inspirĂ©, pour Ă©crire.

Ce genre d’attitude ou d’incartade est assez contre-productif en termes d’échanges sociaux avec des collĂšgues journalistes par exemple. Et sauf si ceux-ci nous connaissent bien ou ont la possibilitĂ© de nous connaĂźtre et de passer avec nous quelques moments informels et agrĂ©ables, ou tout simplement sociables, Ă  force de rencontres rĂ©pĂ©tĂ©es dans des festivals ou autres lieux dĂ©volus au cinĂ©ma, nous passons inaperçus ou pour quelqu’un de peu attractif.

 

Pour complĂ©ter le tableau, il convient sans doute aussi de dire qu’il existe une ligne de dĂ©marcation non-dite mais bien concrĂšte entre la caste, jugĂ©e infĂ©rieure, des journalistes cinĂ©ma bĂ©nĂ©voles et celle, estimĂ©e supĂ©rieure, des journalistes cinĂ©ma ou critiques de cinĂ©ma officiels et professionnels. On perçoit l’existence de cette sĂ©paration entre ces deux « castes » dans l’accueil que peuvent rĂ©server certaines et certains attachĂ©s de presse Ă  des journalistes cinĂ©ma patentĂ©s qui ont pour eux d’officier au sein d’un journal qui jouit soit d’un certain prestige intellectuel ou d’une grande puissance de diffusion Ă©conomique et commerciale voire des deux lorsque cela se produit. On peut alors entendre des attachĂ©es et des attachĂ©s de presse donner cĂ©rĂ©monieusement du « Monsieur » Ă  un journaliste « rĂ©puté » ou «  connu » comme on s’adresserait Ă  un vicomte ou Ă  un monarque au 18 Ăšme siĂšcle. Si je reconnais Ă  un certain nombre de ces journalistes ou critiques cinĂ©ma reconnus une connaissance, une certaine conscience du cinĂ©ma ainsi qu’une aptitude Ă  les transmettre, je crois aussi qu’aprĂšs avoir lu un certain nombre de leurs articles pour certains, qu’aprĂšs avoir vu un certain nombre de films et qu’aprĂšs avoir connu soi-mĂȘme- et continuer de le faire- un certain nombre d’expĂ©riences dans diffĂ©rents domaines de l’existence (culturels et autres) qu’on acquiert soi-mĂȘme une certaine conscience et une certaine connaissance de ce que l’on voit, comprend et de ce que l’on ressent. Ainsi que sa façon toute personnelle, inconditionnelle, et vivante, de les transmettre.

Et, je crois aussi qu’il est des fois ou des journalistes ou critiques cinĂ©mas labellisĂ©s et « reconnus » ont des trous de connaissance et de conscience ou, tout simplement, des insuffisances bien que celles-ci soient Ă©videmment humaines. Par exemple, dĂšs qu’il s’agit de parler d’un film sur une certaine banlieue comme cela avait pu ĂȘtre le cas pour le film L’Esquive de Kechiche, soit un univers extĂ©rieur visiblement Ă  certains des journalistes ou critiques cinĂ©ma « reconnus » que j’ai lus, j’ai dĂ©jĂ  pu ĂȘtre dĂ©sagrĂ©ablement surpris par la qualitĂ© de leurs Ă©crits aussi bienveillants et encourageants soient-ils. Je ne peux pas me considĂ©rer comme un spĂ©cialiste de la jeunesse de la banlieue ou d’une certaine banlieue : je fais dĂ©sormais partie des « vieux » et je suis insĂ©rĂ© professionnellement depuis des annĂ©es. Pourtant, Ă  lire certains articles Ă  propos de L’Esquive de Kechiche, il m’avait sautĂ© aux yeux que les journalistes ou critiques de cinĂ©ma « reconnus » dont je lisais les critiques depuis des annĂ©es Ă©taient alors plutĂŽt poussifs ou dĂ©passĂ©s.

Un autre aspect me dĂ©range dans cette espĂšce de monarchie laquĂ©e des journalistes et critiques de cinĂ©ma certifiĂ©s. Et cela me dĂ©range dans d’autres milieux que dans celui du journalisme cinĂ©ma : disposer d’un grand bagage intellectuel et culturel, c’est trĂšs bien. Et je suis preneur en termes d’apprentissage. Mais si on le transmet principalement de maniĂšre hautement cĂ©rĂ©brale, corsetĂ©e, froide de telle façon que cela dĂ©tourne de la lecture, de l’écoute, du sujet ou du film dont on parle, quel est le but ? De s’aimer soi plus que les autres ?

Pour beaucoup s’aimer, il est manifeste que certains journalistes ou critiques cinĂ©ma professionnels s’aiment beaucoup. Un jour, avant une projection de presse, j’ai rencontrĂ© l’un d’entre eux. Nous avions un peu de temps pour discuter. Et, celui-ci s’est montrĂ© trĂšs sympathique, chaleureux, allant mĂȘme jusqu’à aller me chercher un exemplaire du dossier de presse lorsque l’attachĂ©(e ) de presse est arrivĂ© (e ). J’étais si enjouĂ© devant une rencontre si avenante et si agrĂ©able que je me suis prĂ©sentĂ© en toute sincĂ©rité :

« Journaliste bĂ©nĂ©vole. L’avantage, c’est qu’on est libre ». Il Ă©tait autodidacte ? Moi, aussi. Le journaliste cinĂ©ma ne m’a rien rĂ©pondu.

Je l’ai revu Ă  d’autres projections de presse. Il ne me voyait pas. Ou me saluait du bout des lĂšvres lorsque nous nous croisions. Il lui est arrivĂ© de passer juste devant moi sur le quai du mĂ©tro sans me voir comme si j’étais un passager parmi d’autres. Je l’ai vu se montrer trĂšs sympathique, trĂšs drĂŽle, voire avenant avec d’autres journalistes cinĂ©ma ainsi qu’avec certaines attachĂ©es de presse. Un exercice de drague qui avait tournĂ© Ă  son dĂ©savantage ? Peut-ĂȘtre mais je ne crois pas que ce soit la principale raison.

AmnĂ©sique, alors ? HypermĂ©trope ? Lunaire ? L’une des derniĂšres fois oĂč je me souviens l’avoir vu et oĂč, en me voyant, il m’a reconnu et saluĂ© sans trop de difficultĂ© c’était, c’était
.au festival de Cannes. Muni d’un badge de journaliste tout comme lui, quoiqu’avec un badge d’une couleur moins avantageuse que le sien sans doute, je prenais le mĂȘme chemin que lui pour me rendre Ă  la mĂȘme projection de presse que lui. Et, me voyant dans ce lieu tout de mĂȘme assez prestigieux qu’est le festival de Cannes, cet homme, journaliste cinĂ©ma patentĂ© et sĂ»rement toujours en activitĂ© , avait dĂ» estimer que, tout de mĂȘme, j’étais un peu du mĂȘme milieu ou de la mĂȘme caste que lui. J’ai constatĂ© un peu le mĂȘme effet sur une attachĂ©e de presse dont je parle « mieux » un peu plus bas. Mais lĂ  oĂč je me suis illusionnĂ© quant au fait, dĂ©sormais, de commencer Ă  faire partie de ce milieu du journalisme cinĂ©ma, c’est que deux Ă  trois semaines plus tard, Christophe nous apprenait la fin de Brazil.

NĂ©anmoins, j’ai toujours privilĂ©giĂ© ma gratitude envers Christophe mĂȘme si j’ai quand mĂȘme connu des expĂ©riences journalistiques par la suite avec le site Format Court, principalement, qui m’ont donnĂ© une certaine satisfaction. AprĂšs avoir rencontrĂ© sa rĂ©dactrice en chef, Katia Bayer, dans le point Presse
.du festival de Cannes. J’ai aussi Ă©crit deux ou trois articles pour un magazine Ă©tudiant. Et, aprĂšs Brazil, j’ai un peu Ă©crit pour le site Cinespagne. Ce qui m’a permis de me rendre Ă  un festival du cinĂ©ma Ă  Marseille, une ville qui m’est particuliĂšre. J’essayais,  alors, de me maintenir et de me diversifier dans le journalisme cinĂ©ma. Et d’y retrouver ce que j’avais pu vivre avec le journal Brazil. Et, cela, en demeurant au plus prĂšs de celui que j’étais. Mais le contexte Ă©tait diffĂ©rent. J’Ă©tais sĂ»rement lassĂ©, aussi, de courir aprĂšs les films, les Ă©vĂ©nements ( festivals, projections et autres)  le texte et tout cela, en outre, bĂ©nĂ©volement.

Ma lassitude a Ă©tĂ© telle que si j’ai pris soin de prĂ©venir Katia que j’allais dĂ©sormais arrĂȘter de co-animer avec elle les soirĂ©es mensuelles de courts-mĂ©trages  de Format Court au cinĂ©ma Le Studio des Ursulines, j’ai coupĂ© tout contact sans prĂ©avis  avec Thomas, le rĂ©dacteur en chef du site Cinespagne.com.  MĂȘme si j’ai peu Ă©crit pour le site cette attitude ne me ressemble pas. Je profite donc de cet article, mĂȘme s’il ne le lira probablement jamais et qu’il a sans doute depuis bien d’autres prĂ©occupations, pour prĂ©senter mes excuses Ă  Thomas pour ce comportement. C’Ă©tait il y’a un peu plus de cinq ans.

 

Brazil a Ă©tĂ© une expĂ©rience extraordinaire. Je dois rappeler, aussi, qu’il s’agissait d’un mensuel papier. Je reste trĂšs attachĂ© Ă  la presse papier. Je suis peut-ĂȘtre vieux jeu mais je lui trouve un aspect plus prestigieux que la presse numĂ©rique. Je me contredis peut-ĂȘtre car j’Ă©cris aujourd’hui depuis mon blog. Et, j’ai aimĂ© Ă©crire en ligne pour Format Court.  Les deux supports ( papier et numĂ©rique ) sont bien-sĂ»r complĂ©mentaires.

De l’expĂ©rience journalistique avec Brazil, je concĂšde que, oui, un peu plus de rigueur Ă  propos de la rĂ©daction des articles aurait Ă©tĂ© bienvenu un certain nombre de fois. Cette rigueur m’a Ă©tĂ© profitable en Ă©crivant pour Format Court. MĂȘme si j’ai plusieurs fois mal pris le fait que Katia me demande de corriger certains passages de mes articles. Et, je veux bien croire qu’il a bien dĂ» y avoir des fois oĂč je me suis montrĂ© dĂ©sagrĂ©able compte-tenu de la trop haute importance que j’attribuais Ă  mon intelligence.

Pourtant, mĂȘme si je doute qu’un autre journal aurait pu me donner la mĂȘme latitude que celle que j’ai pu connaĂźtre dans Brazil, j’ai toujours su et pensĂ©, aussi, que j’étais plus dans mon Ă©lĂ©ment en tant que journaliste qu’en tant que rĂ©dacteur en chef. Etre rĂ©dacteur en chef est une charge dont je me dispensais trĂšs bien que ce soit Ă  Brazil , Ă  Format Court ou ailleurs.

Concernant les reproches faits Ă  Christophe Ă  la fin de Brazil, je n’avais pas de raisons pour les partager. Christophe a toujours tenu ses engagements envers moi Ă  l’époque Brazil.

Exemple : sĂ»rement pour rĂ©gler des comptes parce-que Christophe avait critiquĂ© dans un de ses Ă©ditos sur le thĂšme « Voici pourquoi vous ne lirez jamais d’interview de telle actrice française dans Brazil », l’attitude d’une certaine grande vedette du cinĂ©ma français qu’elle reprĂ©sentait (obtenir la couverture de Brazil contre une interview) une attachĂ©e de presse m’avait finalement privĂ© d’accrĂ©ditation pour un festival. Christophe m’avait alors dit :

« Ne t’inquiĂšte pas. Tu iras dans un festival bien mieux que celui-là
. ». Quelques mois plus tard, Christophe m’apprenait que j’allais
au festival de Cannes.

Aujourd’hui, si je m’exprime depuis ce blog, c’est bien-sĂ»r ma façon de m’affirmer un peu plus en tant qu’individu et en tant que journaliste. Dans le but d’essayer de m’acquitter de ces minutes oĂč nos aventures se limitent Ă  des sacrifices au service du futile et de l’artifice. Mais si ce blog est un moyen de transmettre, de faire connaissance (s) et de (faire) rire, c’est en en sachant, aussi, ce que je dois et Ă  qui je le dois Ă  Brazil ou ailleurs.

 

Ce prĂ©ambule est sans doute un peu long. Mais je crois qu’il a son importance.

 

Autrement, Hirokazu Kore-Eda, vous connaissez ?

Le voici.

J’ai pris cette photo aprĂšs l’avoir interviewĂ© en mars ou avril 2009. Ma premiĂšre interview pour Brazil. La photo a Ă©tĂ© prise Ă  contre-jour donc on voit Ă  peine le visage de Kore-Eda. Toutes mes excuses. Je n’ai pas osĂ© le faire se dĂ©placer d’autant que cette photo relevait de mon initiative. Le mensuel avait un trĂšs bon photographe, Eddy BriĂšre, et je suis certain que sans moi, Christophe aurait obtenu des photos de Kore-Eda bien plus prĂ©sentables. Cette photo a nĂ©anmoins paru dans Brazil.

Ici, mĂȘme si cela a un caractĂšre frustrant, je trouve que cette photo donne un petit plus Ă  Kore-Eda d’avoir son visage un peu dans la pĂ©nombre. Par ailleurs, on voit bien l’intĂ©rieur plutĂŽt luxueux, feutrĂ© et spacieux, de cet hĂŽtel. Impossible, Ă  moins de connaĂźtre cet hĂŽtel, de deviner que nous nous trouvons lĂ  du cĂŽtĂ© d’ OdĂ©on oĂč a eu lieu l’interview. Un hĂŽtel oĂč je n’aurais jamais mis les pieds sans cette interview. Je n’en n’ai pas les moyens et suis si peu habituĂ© Ă  ce genre d’endroit que, spontanĂ©ment, pour moi-mĂȘme, je me tournerais plutĂŽt vers des Formule 1 ou des hĂŽtels Ibis.

Kore-Eda, rĂ©alisateur japonais, a Ă©tĂ© palme d’or au festival de Cannes cette annĂ©e 2018 pour son film Une Affaire de famille (sorti en salles ce 12 dĂ©cembre soit depuis dix jours  puisque nous sommes le 22 dĂ©cembre 2018 lorsque je corrige et complĂšte cet article). Lorsque je le rencontre dans cet hĂŽtel en mars ou avril 2009, c’est pour parler de son film Still Walking ( 2008) rĂ©alisĂ© quatre ans aprĂšs son film Nobody knows ( 2004) qui l’a fait connaĂźtre.

J’avais intitulĂ© mon interview pour Brazil de Hirokazu Kore-Eda : Ă©chos d’une mĂšre. Et, dans le chapo, je prĂ©sentais l’interview de la façon suivante ( Brazil# 18- mai 2009, page 56) :

« La rupture et la perte nous poussent souvent Ă  certains engagements. Kore-Eda a rĂ©alisĂ© Still Walking aprĂšs le dĂ©cĂšs de sa mĂšre. Et il tient Ă  prĂ©senter ce film au moins comme le portrait d’une mĂšre, mais aussi comme diffĂ©rent de ses prĂ©cĂ©dentes rĂ©alisations ».

On sait ce que les PremiĂšres fois ont de mĂ©morable. Pour moi qui avais fait un voyage au Japon dix ans auparavant, voyage que je qualifie d’extraordinaire, faire ma premiĂšre interview de journaliste cinĂ©ma avec Kore-Eda, rĂ©alisateur japonais, avait immĂ©diatement un cĂŽtĂ© extraordinaire, voire, pourquoi pas, surnaturel.

Et puis, officiellement, journaliste cinĂ©ma n’était pas mon mĂ©tier. A cette Ă©poque, j’étais infirmier en poste dans un Centre MĂ©dico Psychologique (CMP) pour enfant et adolescents en banlieue parisienne. En gros : avec des collĂšgues Ă©ducateurs, je faisais la ronde avec des enfants de trois Ă  six ans en chantant par exemple « Dansons la capucine  ». Ou nous faisions de la peinture et des dessins. Ou nous leur racontions des contes oĂč les emmenions dans des aires de jeu. La plupart de ces enfants avaient soit un retard de langage, soit un retard de psychomotricitĂ© ou d’autres difficultĂ©s «  du dĂ©veloppement ».

LĂ , pour cette interview de Kore-Eda, changement de dĂ©cor et de corps. Ces deux mondes, celui de l’infirmier et du journaliste cinĂ©ma, n’ont rien Ă  voir ?

D’abord, j’aime ces Ă©carts entre deux univers. J’aime changer de casquette. Ensuite, je rĂ©fute totalement ces certitudes qui consistent Ă  opposer systĂ©matiquement deux univers qu’a priori tout Ă©loigne. Rien Ă  voir, vraiment, mon mĂ©tier de journaliste cinĂ©ma avec celui d’infirmier ?

Un des grands principes de l’interview, c’est de s’intĂ©resser Ă  autrui et de l’écouter. Comme de l’observer. C’est normalement la base du mĂ©tier d’acteur, du scĂ©nariste ou du rĂ©alisateur. Mais c’est aussi la base du mĂ©tier d’infirmier. Et l’infirmiĂšre et l’infirmier ont bien des fois Ă  s’employer pour interviewer qui un patient-client, qui sa famille, qui son entourage, ou d’autres collĂšgues, et, cela, dans toutes sortes de situations (urgentes ou non). Cela se vĂ©rifie en soins somatiques. Cela se vĂ©rifie encore plus en psychiatrie, spĂ©cialitĂ© oĂč j’ai, Ă  ce jour, effectuĂ©, la plus grande partie de ma carriĂšre.

Donc, faire une interview, une infirmiĂšre ou un infirmier, en est tout Ă  fait capable. Ce qui change ici, c’est plutĂŽt le mĂ©dium et le contexte ou le dĂ©cor : Ă  l’hĂŽpital, le mĂ©dium, c’est le trouble, la pathologie ou la maladie qui provoque la rencontre entre le patient-client et l’équipe soignante.

Avec Kore-Eda, le mĂ©dium, c’est le cinĂ©ma. Et le contexte ou le dĂ©cor, cet hĂŽtel oĂč je l’ai rencontrĂ© hors festival. Mais mĂȘme en changeant de mĂ©dium de contexte et de dĂ©cor, les thĂšmes qui concernent les femmes, les hommes et les enfants de ce monde restent les mĂȘmes. A savoir, la vie, la mort. La vie, la mort, les infirmiĂšres et les infirmiers trempent dedans concrĂštement dans leur service. Donc, Ă  moins de se trouver face Ă  une infirmiĂšre ou un infirmier indisponible ou en burn out, si vous voulez vous exprimer Ă  propos de sujets comme la vie, la mort avec une infirmiĂšre ou un infirmier, vous avez normalement une interlocutrice ou un interlocuteur ad hoc. Ce qui change, c’est la maniĂšre d’en parler, le moment et le lieu. C’est lĂ  qu’intervient la cinĂ©philie ou la culture cinĂ©matographique afin d’avoir un langage commun et d’éviter de vouloir rĂ©aliser la thĂ©rapie du rĂ©alisateur ou de l’acteur que vous rencontrez alors que vous ĂȘtes là
pour l’interviewer en tant que journaliste cinĂ©ma.

Fort heureusement, il y’a des garde-fous au cas oĂč, au lieu d’effectuer une interview, on commencerait Ă  se prendre pour un psychanalyste fou. D’abord, le rĂ©alisateur ou l’acteur que l’on interviewe. On peut lui faire confiance pour nous faire comprendre que l’on est hors-sujet. Ou alors, il y’a aussi l’attachĂ©e de presse qui peut jouer ce rĂŽle-lĂ .

Et puis, vu que je parle Ă  peine quelques mots de Japonais, Ă©tait prĂ©sente une traductrice (qui prĂ©fĂšrerait peut-ĂȘtre ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme « interprĂšte »), Catherine Cadou ; laquelle, lors des prĂ©sentations prĂ©liminaires Ă  l’interview, s’était annoncĂ©e comme ayant travaillĂ© (c’était une amie) avec «  Kurosawa, le Grand ». Pourquoi « Kurosawa, le Grand » ? Un autre rĂ©alisateur japonais, Kiyoshi Kurosowa, auteur de trĂšs bons films

( Tokyo Sonata, Shokuzai….), plus jeune, est toujours en activitĂ©. Akira Kurosowa « Le Grand » est une rĂ©fĂ©rence mondiale pour le cinĂ©ma : il a par exemple rĂ©alisĂ© Les 7 SamouraĂŻs qui a inspirĂ© ensuite les remake amĂ©ricains Les 7 Mercenaires.

Que m’avait dit Catherine Cadou, l’interprùte, à la fin de mon interview ?

« C’est bien. Vous avez tout ». En effet, j’avais prĂ©parĂ© mes questions et les avais dactylographiĂ©es. J’étais venu avec mon enregistreur numĂ©rique et mon appareil photo.

Catherine Cadou de m’expliquer aussi que certains journalistes, lorsqu’ils arrivaient, savaient Ă  peine de quelle histoire ils parlaient ou avaient oubliĂ© le nom de tel personnage.

Et que m’avait appris Kore-Eda lors de l’interview ? Au moins qu’il y’a une certaine logique dans nos parcours personnels. Logique que des personnes formĂ©es Ă  la thĂ©rapie systĂ©mique pourraient tout aussi bien expliciter. Exemple avec cet extrait des propos de Kore-Eda lors de l’interview de ce jour-lĂ  ( Brazil # 18-mai 2009, page 57) :

«  (
.) Une fille Ă©levĂ©e dans une famille comme celle-ci dĂ©cidera forcĂ©ment d’épouser un type qui sera l’opposĂ© de son pĂšre. Elle ne voudra pas vivre le genre de vie qu’a connue sa mĂšre qui Ă©tait sous la coupe du pĂšre. Donc, elle se choisira forcĂ©ment un mari comme le sien. Le fils, RyĂŽta, qui est le fils cadet, Ă©tait libre. Dans la mesure oĂč son frĂšre aĂźnĂ© Ă©tait celui qui devait reprendre le cabinet du pĂšre, RyĂŽta n’ayant pas de problĂšme d’argent – c’est une famille assez aisĂ©e- il allait forcĂ©ment choisir une voie artistique, ce qui est tout Ă  fait logique. AprĂšs, qu’il tombe sur une Ă©pouse qui, justement, travaille dans ce domaine-là
.

Mon but n’a pas Ă©tĂ© d’essayer de reconstituer une sociĂ©tĂ© japonaise microscopique
c’est plutĂŽt de la logique : Ă  partir de ce type de parents, on a ce type d’enfants (

) ».

A l’heure oĂč j’écris, j’ignore encore comment m’y prendre exactement avec cette rubrique cinĂ©ma. Je crois que revenir sur cette expĂ©rience Brazil avec des photos de rĂ©alisateurs et d’actrices et d’acteurs accompagnĂ©es de mes tĂ©moignages in situ a du bon. Mais je ne voudrais pas lasser celles et ceux qui lisent. Alors peut-ĂȘtre que j’opterai pour une alternance avec tantĂŽt ces « retours en arriĂšre » Ă  l’époque Brazil avec des rĂ©alisateurs et des actrices et acteurs toujours en activitĂ© dans leur majoritĂ© et tantĂŽt des films vus rĂ©cemment ou non.

 

Franck, ce mardi 18 septembre 2018.

 

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Echos Statiques

La Vocation et le Talent

 

 

La « Vocation » est peut-ĂȘtre Le mot que je hais Ă  parler du mĂ©tier d’infirmier (voir mon article sur le documentaire De Chaque Instant de Nicolas Philibert dans la catĂ©gorie CinĂ©ma).

La « Vocation » est pour moi une assignation. L’équivalent de la mĂ©daille de chocolat ou de la quatriĂšme place. Du distributeur automatique sur lequel il suffit d’appuyer et qui est «  lĂ  pour ça ! ».

C’est un lot de consolation que rĂ©cupĂšre celle ou celui, souvent plus persuadĂ©(e) que les autres qu’il/elle vaut moins qu’eux. Un leurre.

La « Vocation », c’est ce qui pousse Ă  croire que l’on obtient sa juste rĂ©compense au mĂ©rite : qu’en se taisant, en endurant, en acceptant tout et n’importe quoi, parfois de n’importe qui, un jour, notre consĂ©cration, notre prince ou notre princesse viendra. Alors, toutes celles et tous ceux que l’on aime seront lĂ  pour fĂȘter avec nous ce moment Ă©ternel.

La « Vocation », c’est ce qui incite Ă  s’excuser d’exister, de respirer, de penser. On craint souvent ou toujours de dĂ©ranger, d’ĂȘtre incongru, inappropriĂ©, d’avoir mal agi ou de mal agir.

 

Dans son livre Le Fils du pauvre , Mouloud Feraoun écrit ce passage :

«  (
..) PĂ©nĂ©trĂ© de mon importance dĂšs l’ñge de cinq ans, j’abusai bientĂŽt de mes droits. Je devins immĂ©diatement un tyran pour la plus petite de mes sƓurs, mon aĂźnĂ©e de deux ans. (
.) Elle avait un bon naturel qui lui permettait d’essuyer mes coups et d’accepter mes moqueries avec une mansuĂ©tude peu imaginable chez un enfant de son Ăąge. Toutefois, on ne manqua pas de lui inculquer la croyance que sa docilitĂ© Ă©tait un devoir et mon attitude un droit. Chaque fois qu’il lui arrivait de se plaindre, elle recevait une rĂ©ponse invariable : « N’est-ce-pas ton frĂšre ? Quelle chance pour toi d’avoir un frĂšre ! Que Dieu te le garde ! Ne pleure plus, va l’embrasser ».

GrĂące Ă  ce procĂ©dĂ©, elle avait fini par croire insĂ©parable la formule «  Que Dieu te le garde » du nom du frĂšre et il Ă©tait touchant de l’entendre dire Ă  ma mĂšre en pleurant :

-C’est mon frĂšre, que Dieu me le garde, qui a mangĂ© ma part de viande – Mon frĂšre, que Dieu me le garde, a dĂ©chirĂ© mon foulard.

Petite sƓur, qui es maintenant mĂšre de famille, ton vƓu a Ă©tĂ© exaucĂ©. Dieu t’a gardĂ© ton mauvais frĂšre ».

Le Fils du pauvre, publiĂ© en 1954, relate un passĂ© en Kabylie alors que l’auteur Ă©tait enfant presque cinquante ans avant l’indĂ©pendance de l’AlgĂ©rie en 1962. J’ai dĂ©jĂ  parlĂ© dans ce blog (dans la catĂ©gorie  Puissants Fonds) du journal que celui-ci a tenu durant la guerre d’AlgĂ©rie avant d’ĂȘtre assassinĂ© par l’OAS Ă  El-Biar, prĂšs d’Alger.

 

RĂ©cemment, un siĂšcle plus tard, lors de ce mois de dĂ©cembre 2018, une de mes collĂšgues, lors d’une de ces discussions confidentielles qu’il est possible d’avoir lorsque l’on se sent suffisamment en confiance nous a appris qu’il Ă©tait d’usage dans sa famille qu’elle soit celle, au moment de NoĂ«l, qui faisait des cadeaux Ă  tous. Elle Ă©tait un peu triste. Mais sans revendiquer quoique ce soit. Je suis sĂ»r que, rĂ©trospectivement, elle est capable de s’en vouloir d’avoir eu la  « faiblesse » de nous en parler. A notre autre collĂšgue et moi. Et, je suis aussi sĂ»r qu’elle est capable de m’en vouloir de parler d’elle. J’en prends nĂ©anmoins le risque car j’ai Ă©tĂ© et suis comme elle. Et tant d’autres sont comme elle : persuadĂ©s que les rĂŽles de servants et de figurants leur sont dĂ©volus.

Nous Ă©tions pourtant Ă  Paris, capitale culturelle et touristique, renommĂ©e internationalement, entre adultes de plus de quarante ans, porteurs de divers vĂ©cus, de rencontres et de voyages de par le monde. Et notre collĂšgue n’est pas la descendante cachĂ©e de la sƓur de Mouloud Feraoun.

TrĂšs vite, discrĂštement, mon autre collĂšgue et moi avons dĂ©cidĂ© d’essayer de rĂ©parer ça : lors de notre derniĂšre nuit de travail cette annĂ©e avec cette collĂšgue, nous lui avons fait quelques cadeaux. L’une s’est chargĂ©e des achats. Je me suis occupĂ© de la musique d’ambiance. Nous avons bien-sĂ»r partagĂ© les frais.

Notre collĂšgue a Ă©tĂ© surprise et touchĂ©e. Et, elle s’est presque excusĂ©e pour ces attentions que nous lui avons portĂ©es. C’est aussi ça, la vocation. L’attitude de cette collĂšgue un peu embarrassĂ©e d’avoir « bĂ©nĂ©ficié » de nos attentions. La nĂŽtre qui a consistĂ© Ă  spontanĂ©ment essayer d’attĂ©nuer un certain sentiment d’injustice et une certaine peine que nous avons perçue sans attendre, en retour, de recevoir une rĂ©compense ou une reconnaissance quelconques. Bien-sĂ»r, on pourra toujours nous dire que ma collĂšgue et moi nous sommes identifiĂ©s en notre autre collĂšgue et qu’en lui faisant ces cadeaux, nous nous les sommes faits Ă  nous-mĂȘmes et aux enfants que nous sommes demeurĂ©s. Et ce sera aussi vrai comme pour la plupart des cadeaux que nous faisons d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale Ă  notre entourage.

 

Le talent, c’est Ă  mon sens, avoir la conviction, Ă  un moment ou Ă  un autre, que tout ce qui nous arrive ou peut nous arriver de bien est notre droit. La diffĂ©rence principale entre la « vocation » et le « talent » Ă  mes yeux est la quantitĂ© de confiance – et donc de lĂ©gitimitĂ©- que l’on est capable de produire et de se procurer en soi et par les autres. Faute de confiance en soi et d’un sentiment de lĂ©gitimitĂ©, et livrĂ©s aux seules muses de la mĂ©sestime de soi, nous voilĂ  les Ă©lĂšves appliquĂ©s et prĂ©fĂ©rĂ©s de la culpabilitĂ© et de l’autodĂ©nigrement, rotondes de notre impuissance et de nos dĂ©faites Ă  venir qui nous confirmeront que nous sommes bien « nuls » et illĂ©gitimes pour de nouvelles entreprises comme pour d’autres horizons.

Dans cet extrait de Le Fils du pauvre, l’auteur reprĂ©sente le talent. Et, il se dĂ©crit lui-mĂȘme comme un «  enfant gĂąté ». Sa sƓur tyrannisĂ©e reprĂ©sente, elle, la vocation.

On a compris oĂč je veux en venir :

On peut remplacer le mot «  frÚre » par le mot « emploi », « patron », « gouvernement », « salaire », «  maison », « mari », « femme ». «  ami(e ) », « copain/copine » ou « pantalon » ça marche aussi.

Ce passage du livre de Mouloud Feraoun nous rappelle comme beaucoup de nos apprentissages, de nos soumissions futures mais aussi de nos rĂ©voltes, sont la suite de notre enfance que l’on ait vingt, trente, quarante, cinquante ou soixante dix ans. Que l’on soit de droite ou de gauche. Que l’on soit une femme ou un homme. Que l’on soit valide ou invalide. NĂ©vrosĂ© ou psychotique. Que l’on soit hĂ©tĂ©ro ou homo. Que l’on soit riche ou pauvre. Que l’on soit blanc, noir, arabe ou jaune. Que l’on soit catholique ou musulman. Que l’on soit cĂ©libataire ou en couple. Avec ou sans enfants.

Les gilets jaunes ? Oui, les gilets jaunes. Et d’autres. Hier ou demain. Qu’ils se manifestent par la violence physique, matĂ©rielle ou non. Violence physique et matĂ©rielle, je le rappelle, que je dĂ©sapprouve. Parce-que j’en ai encore les moyens. Physiquement, moralement et matĂ©riellement. Pour l’instant. Voir mon article PrivilĂ©giĂ© dans la catĂ©gorie  Echos statiques.

On peut se dĂ©faire de l’engrenage d’une certaine violence que l’on a connue jeune, tĂŽt, trop tĂŽt. C’est l’affaire de la rĂ©silience, du travail thĂ©rapeutique, de la prise de conscience, de la rĂ©flexion, de l’apaisement.

 

Lorsque cela est possible.

 

Cela peut ĂȘtre un travail long et lent dans un monde qui va vite. Ou qui semble aller trĂšs vite puisque nous sommes plus sĂ©duits par la nouveautĂ© et le rĂ©sultat final que par tout ce qui peut leur prĂ©cĂ©der pour les obtenir. Puisque ce que d’autres « rĂ©ussissent » peut nous sembler facile et rapide Ă  rĂ©aliser.

 

Dans son film En LibertĂ© sur lequel je n’ai pas encore Ă©crit, Pierre Salvadori nous montre Ă  nouveau des ĂȘtres inadaptĂ©s ou qui ont du mal Ă  se rĂ©insĂ©rer. En particulier, le personnage tenu par Pio MarmaĂŻ, employĂ© modĂšle (un vrai « diamant ») accusĂ© Ă  tort d’un dĂ©lit et qui sort de prison aprĂšs plusieurs annĂ©es. Vers la fin du film, sa compagne (jouĂ©e par Audrey Tautou), Ă©reintĂ©e par ce droit Ă  vivre par lequel il justifie tous ses actes de violence lui dit :

« T’es revenu innocent avec la cruautĂ© des victimes ! ».

C’est cette cruautĂ©-lĂ  que celles et ceux qui ont la vocation d’infirmier (et de soignant) acceptent parfois ou souvent, pendant des annĂ©es, de recevoir et de retenir pour Ă©viter de la retourner Ă  celles et ceux qui l’infligent. Et s’ils ont du talent, ils parviennent quelques fois Ă  la transformer en art.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 19 décembre 2018.

 

 

 

 

 

 

 

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Cinéma

Utoya, 22 juillet

                                          Utoya, 22 juillet, Film sorti en salles le 12 décembre 2018.

 

 

Erik Poppe, le rĂ©alisateur, rappelle que ce film est une fiction inspirĂ©e par les tĂ©moignages des victimes (et de leurs proches) du massacre sur l’üle Utoya en NorvĂšge le 22 juillet 2011.

 

 

Pour la fiction, on peut trouver une petite parentĂ© avec Hunger Games d’autant plus que le personnage de Kaja, « l’hĂ©roĂŻne » de Utoya, 22 juillet a un faux air de Jennifer Lawrence. Mais il a sĂ»rement Ă©tĂ© assez difficile, mĂȘme si thĂ©rapeutique, pour les acteurs et actrices (tueur inclus) d’endosser les rĂŽles des victimes d’Utoya.

Pour le cinĂ©ma, on pourra se rapprocher du film Elephant de Gus Van Sant (palme d’or Ă  Cannes en 2003) inspirĂ© de la tuerie au lycĂ©e de Columbine en 1999. Sauf que les deux meurtriers du lycĂ©e de Columbine ont Ă©tĂ© reconnus comme des tueurs de masse et qu’ils ont agi aux Etats-Unis, pays oĂč la lĂ©gislation sur les armes peut rendre celles-ci aussi accessibles que certains produits de consommation courants. (voir le film Les Veuves de Steve McQueen )

Dans mes souvenirs, Elephant dĂ©roulait une atmosphĂšre en suspension Ă  l’intĂ©rieur de laquelle, des lycĂ©ens livrĂ©s Ă  eux-mĂȘmes se faisaient tuer sans que l’on ait le temps d’apprendre Ă  les connaĂźtre un peu.

Dans Utoya, 22 juillet, le rĂ©alisateur humanise davantage ses victimes avant que le terroriste ne dĂ©marre son activitĂ© meurtriĂšre en tenue de policier. Quelques heures plus tĂŽt, il avait dĂ©clenchĂ© un attentat Ă  Oslo. Dans le film, on ne verra jamais son visage. On n’entendra jamais son nom. On apercevra sa silhouette, quelques secondes, de loin, depuis le contrebas d’une falaise, vers la fin du film. C’est plus respectueux des victimes et aussi des faits : personne n’a eu l’idĂ©e de lui tirer le portrait alors qu’il abattait ces jeunes idĂ©alistes de gauche.

MĂȘme s’il arrive que l’on aperçoive quelques corps inconscients ou blessĂ©s, Utoya, 22 juillet s’attache principalement Ă  rester proche des victimes qui se cachent, essaient de comprendre ce qui se passe, fuient ou tentent de prendre des dĂ©cisions.

AprĂšs dix minutes de dĂ©tonations par Ă  coups, plusieurs spectatrices et spectateurs (il m’a semblĂ© qu’il y’avait un petit peu plus de femmes que d’hommes) dans la salle ont commencĂ© Ă  soupirer tant la situation Ă©tait stressante. Quant Ă  moi, depuis mon siĂšge confortable et sĂ©curisĂ© de spectateur, il m’a pris l’envie de saisir une grosse branche d’arbre mort afin d’aller la fracasser sur la nuque de l’agresseur. Non par hĂ©roĂŻsme : j’aurais Ă©tĂ© autant voire plus effrayĂ© que tous ces jeunes d’une moyenne d’ñge comprise entre 18 et 25 ans Ă  vue d’Ɠil ( mĂȘme si le jeune Tobias a sans doute 14-15 ans). Et j’aurais peut-ĂȘtre Ă©tĂ© en Ă©tat de choc, en position fƓtale, bien incapable de courir pour sauver ma peau sur l’üle d’Utoya ce 22 juillet.

Mais par besoin d’en finir soit pour moi, soit par sacrifice pour d’autres, j’ai eu envie d’attraper une grosse branche.

A l’image de ces jeunes qui se sont fait tirer dessus comme des pigeons Ă  la foire, les chiffres de ce massacre tombent : Utoya, ce 22 juillet 2011, nous rappelle le film, c’est une tuerie d’une durĂ©e de 72 minutes. 77 morts, 99 blessĂ©s graves, 300 personnes touchĂ©es ensuite par un stress post-traumatique. Le film dure 1h33. C’est bien-sĂ»r 1h33 de trop. Mais ce film, en plus de rendre hommage d’une certaine façon aux victimes et Ă  leurs proches, a au moins deux buts :

Informer sur les menaces profondes que peuvent reprĂ©senter les mouvements d’extrĂȘme droite qui fondent sur les gouvernements comme sur des plages paradisiaques.

PrĂ©venir, peut-ĂȘtre, les futures victimes potentielles (et avant eux, leurs tuteurs, Ă©ducateurs ou parents) de tout tueur comme de tout agresseur Ă©ventuel.

Cette deuxiĂšme partie est peut-ĂȘtre ma façon de me rassurer de maniĂšre rationnelle comme le personnage de Petter qui a d’abord besoin de se persuader que l’attaque qu’ils subissent est un «  exercice d’entraĂźnement ». Car, il est bien difficile de se prĂ©parer Ă  ce genre d’expĂ©rience. Comme le prĂ©cise Jean-Paul Mari dans son livre Sans Blessures apparentes :

 « (
.) A l’heure de la survie, plus de jeu social, d’interrogations existentielles. En une heure d’assaut, face au danger, le soldat en apprend plus sur lui-mĂȘme que pendant des annĂ©es de bureau ».

Les jeunes militants de l’üle d’Utoya Ă©taient des civils. Et aussi des pacifistes. Pour ce que l’on perçoit d’eux, ils Ă©taient plutĂŽt ouverts au dialogue et optimistes que portĂ©s sur le pugilat pour s’affirmer ou survivre. Face Ă  eux, un homme armĂ©, prĂ©parĂ©, dĂ©terminĂ©, portant sur lui un uniforme reprĂ©sentant l’autoritĂ©, qui les prend par surprise sur un lieu isolĂ© ( une Ăźle ) , plutĂŽt festif, dĂ©pourvu de moyens de sĂ©curitĂ© comme de repli et oĂč la communication tĂ©lĂ©phonique est mauvaise. C’est dire l’impasse.

Et, encore, le fait que les téléphones portables existaient déjà en 2011 a sûrement contribué à diminuer le nombre de morts et de blessés.

Pour prĂ©venir ce genre de tragĂ©die, certains prĂ©fĂšrent une prĂ©sence armĂ©e et constante. D’autres, le droit Ă  porter une arme sur soi.

Je me demande Ă  partir de quel Ăąge et, comment, prĂ©parer au mieux son enfant Ă  la survenue possible de certains crimes Ă©tant donnĂ© qu’ĂȘtre en permanence sur la dĂ©fensive, c’est aussi l’amputer de son innocence : avoir peur de tout et se mĂ©fier de tous, c’est aussi se priver de certaines ressources. Dans Utoya, 22 juillet, les quelques liens sociaux maintenus entre plusieurs victimes, mĂȘme insuffisants pour se dĂ©barrasser de leur agresseur et ĂȘtre totalement solidaires, leur permettent aussi de se soutenir.

Pour moi, Utoya, 22 juillet, n’est pas un film Ă  aimer : la prioritĂ©, ici, n’est pas d’aimer. Mais de le voir afin de rĂ©flĂ©chir au genre de vie que l’on veut avoir et sur les modĂšles que l’on veut dĂ©fendre ou laisser aux autres, Ă  commencer par soi-mĂȘme.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 17 décembre 2018.

 

 

 

 

 

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Cinéma

Les Veuves

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les Veuves réalisé par Steve McQueen. Film sorti en salles le 28 novembre 2018.

 Visages d’un sĂ©pulcre creux, quatre femmes sont l’atoll de ce film carrĂ©. Deux autres sont cachĂ©es.

Comme lors de tout rythme initiatique, les héroïnes commencent par dérouiller.

Nous les voyons encaisser la mort. Elles se font Ă©jecter de leur zone de confort.

La «  zone de confort », dans un monde Ă©tabli selon les process de rĂ©ussite du rĂšgne masculin, blanc, libĂ©ral et occidental varie d’une femme Ă  l’autre.

Au tout dĂ©but du film, Veronica Rawlings ( l’actrice Viola Davis) est la Reine noire qui supprime, de par sa seule prĂ©sence dans le lit et dans la vie de son mari blanc ( jouĂ© par Liam Neeson), plusieurs gĂ©nĂ©rations de racisme social, mĂ©diatique et cinĂ©matographique. C’est une femme d’avenir, Ă©duquĂ©e, Ă©mancipĂ©e et plutĂŽt bourgeoise.

Le personnage interprĂ©tĂ© par Michelle Rodriguez est une commerçante indĂ©pendante, mĂšre de famille et Ă©pouse robuste d’un braqueur addict et flageolant. C’est elle qui tient la boutique.

Alice Gunner (l’actrice Elizabeth Debicki) est la grande blonde, mannequin d’argile d’origine polonaise, si peu sĂ»re de sa valeur qu’elle garde les coups de son compagnon et qu’elle dĂ©pend de l’escorte de sa mĂšre qui voit en son corps son meilleur capital.

Et puis, il y’a l’outsider, Belle (l’actrice Cynthia Erivo), physique de boxeuse, mĂšre cĂ©libataire, coiffeuse, baby-sitter au domicile des autres plus que chez elle, qui ne compte pas ses heures de travail pour s’en sortir.

Une Latinos, une Slave ( se rappeler que le mot “esclave” vient du mot ” slave”), deux Afro-amĂ©ricaines, Steve MacQueen a formĂ© son quartĂ© fĂ©minin avant le saut d’obstacles :

InfidĂ©litĂ©, double infidĂ©litĂ©, ambition politique et sociale (l)acĂ©rĂ©e, hĂ©ritage paternel, Les Veuves est peut-ĂȘtre un film de deuil sur les annĂ©es Obama. La prĂ©sidence Obama a peu modifiĂ© la trajectoire des inĂ©galitĂ©s et des violences entre les femmes et les hommes, entre les noirs et les blancs, entre les flics blancs armĂ©s, adultes, et les jeunes noirs interdits d’insouciance. Mais aussi entre noirs. L’ennemi est partout. Aux sentiments, mieux vaut prĂ©fĂ©rer les alliances par intĂ©rĂȘt commun tarifĂ©. Ce sont les meilleures assurances.

Pendant ce temps-lĂ , dans cette ville des Etats-Unis oĂč se passe l’histoire, les armes restent en vente libre et une mĂšre peut enseigner Ă  sa fille qu’une arme est un meilleur compagnon qu’une peluche ou un copain.

Bound, des ex-frĂšres Wachowski, Fresh, de Boaz Yakin, McQueen s’est probablement passĂ© de la vision de ces deux films pour donner Ă  ses hĂ©roĂŻnes le pouvoir de se servir de leurs « faiblesses » pour se tailler la part du lion dans le film.

De leur cĂŽtĂ©, les hommes servent les fantĂŽmes d’un passĂ© redoublĂ© ou traumatique. Colin Firth, homme politique par transmission et par vĂ©nalitĂ©, est asservi aux postulats passĂ©istes et racistes du pĂšre (l’acteur Robert Duvall).

Harry Rawlings (Liam Neeson), le braqueur de haute précision, a une tùche sur son CV personnel.

Les deux frĂšres Manning (l’acteur Bryan Tyree Henry et Daniel Kaluuya Ă  nouveau remarquable aprĂšs Get Out et le premier Sicario) en ont assez du ghetto et veulent en ĂȘtre.

On peut trouver ce film de McQueen plus « mainstream » que les prĂ©cĂ©dents. Son fond est pourtant plusieurs fois aussi lourd qu’un sac de frappe que l’on reçoit de face.

Plusieurs scÚnes sont virtuoses. Citons-en quelques unes :

Une séance de coaching conjugo-politique avec Colin Firth et sa femme en hors champ.

Une dispute/réconciliation entre Viola Davis et Elizabeth Debicki.

Michelle Rodriguez et un autre veuf.

Le personnage de Daniel Kaluuya donne son avis sur l’Art et le Rap.

Quand un politicien noir en campagne rend visite Ă  une veuve noire.

Un prĂȘche sur la nĂ©cessitĂ© de faire entrer l’Amour dans l’équation.

 

Comment ne pas aimer ce film ?

 

 

Franck Unimon, ce lundi 17 décembre 2018.

 

 

 

 

 

 

 

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Croisements/ Interviews

Le Fait Eric

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MĂšre normande, pĂšre malgache, il est d’abord parti de Caen. J’ai rencontrĂ© l’ami Eric Moscardo-Rabenja il y’a environ dix ans Ă  l’universitĂ© de Saint-Denis en banlieue parisienne.

Nous Ă©tions tous les deux acteurs dans un court-mĂ©trage rĂ©alisĂ© par des Ă©tudiantes en cinĂ©ma. Nous avons fait connaissance pendant que l’équipe technique procĂ©dait aux rĂ©glages ou que d’autres de nos partenaires tournaient. De contact facile, l’esprit Ă  la tĂȘte, la conversation avec Eric s’est aisĂ©ment faite.

Je suis souvent restĂ© perplexe devant la superficialitĂ© et l’infirmitĂ© des rapports entre les humains du milieu du thĂ©Ăątre, du cinĂ©ma mais aussi du journalisme cinĂ©ma qui peuvent pourtant se dĂ©vouer Ă  bien des Ɠuvres « gĂ©nĂ©reuses » et « humaines ».

Tout semble perpĂ©tuĂ© par une prise d’intĂ©rĂȘt immĂ©diate. A moins qu’il ne s’agisse de ces embarras communs, embruns qui nous dominent, lorsque l’on ne sait quoi dire Ă  un autre nous-mĂȘme. Ou de cette angoisse qui oblige. A faire du rendement et du recel de prĂ©sence plutĂŽt que des rencontres. Pour se prouver que l’on a bien travaillé ; que l’on a bien produit ; que l’on a Ă©tĂ© efficace ; que l’on a fait quelque chose de soi et de son temps.

On peut ĂȘtre dĂ©cisif en dĂ©posant que lorsqu’il est difficile de gagner sa vie- dans un milieu ultra-compĂ©titif- pour se nourrir et ĂȘtre reconnu Ă  la hauteur de son Ă©nergie, on n’a pas le temps pour jouer Ă  la balle au prisonnier, conter fleurette et faire du tricot.

Il est Ă©tonnant comme certaines personnes- mĂȘme dĂ©cĂ©dĂ©es- donnent encore l’impression de manquer de temps.

Le pire est que ce sous-dĂ©veloppement relationnel touche mĂȘme des univers professionnels supposĂ©s habilitĂ©s Ă  le traiter. Exemple : les techniques et dĂ©cisions gouvernementales et managĂ©riales dans les hĂŽpitaux et les lieux de soins.

Mais on peut aussi, bien-sûr, préférer évoquer pudiquement- et sincÚrement- le charme des       « affinités ».

 

Le sens de la droiture. Le fait d’avoir longtemps Ă©tĂ© un « artiste caché ».

 

Je crois avoir dĂ©celĂ© quelques affinitĂ©s entre Eric et moi. Pourtant, j’éviterai de trop le dĂ©shabiller. Car, mĂȘme si l’artiste, au moins, s’expose devant les autres, c’est souvent Ă  titre provisoire et partiel. Lors de certains moments prĂ©cis et identifiĂ©s par lui (ou elle) oĂč il ou elle est raccord pour se prĂ©senter autrement qu’à l’accoutumĂ©e.

Cela peut peut-ĂȘtre se comparer, jusqu’à un certain point, Ă  une forme d’envoutement, oĂč l’on fait refluer vers soi et en soi, toutes ces vies dĂ©nombrĂ©es, retenues, saisies, claquemurĂ©es, ignorĂ©es, confiĂ©es et aperçues dont on hĂ©rite et que l’on restitue – par parcelles- sur la scĂšne. Vies qu’on oublie ou que l’on oubliera une fois la scĂšne ou le plateau de tournage Ă©teints alors qu’elles auront entretemps Ă©treint d’autres mĂ©moires avant que l’on s’en retourne Ă  notre ordinaire.

 

Je suis peut-ĂȘtre sous l’influence de mes Ă©lucubrations, Ă©lĂ©ments variables de mes bizarreries et autres dĂ©rangements.

 

Eric est nĂ© le 3 octobre. Je suis nĂ© le 2. On peut donc dire que l’on se suit.

Lors de notre derniĂšre rencontre, il Ă©tait trĂšs amusant de voir comme, Ă  tour de rĂŽle, chacun voyait dans le parcours de l’autre, une inspiration possible pour Ă©crire une histoire ou un scĂ©nario de court-mĂ©trage.

AprĂšs avoir travaillĂ© une vingtaine d’annĂ©es dans les AĂ©roports de Paris, depuis trois ou quatre ans, Eric est devenu un artiste Ă  temps complet. Il a Ă©crit un premier One Man Show qu’il a jouĂ© Ă  Paris et Ă  Madagascar. Il continue de se former au jeu d’acteur et Ă  l’écriture de projet. Il participe Ă  des tournages. Il joue au thĂ©Ăątre. Il a un agent.

 

Lorsque j’avais reçu le dvd du court-mĂ©trage oĂč nous avions jouĂ© ensemble, je l’avais trouvĂ© meilleur acteur que moi. Je me souviens encore du passage oĂč, face camĂ©ra, il balance :

« J’t’ai toujours dit que je voulais pas d’une bande de chiards ! ».

 

 

Franck, ce vendredi 14 décembre 2018.

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Cinéma

Millenium : Ce qui ne me tue pas

Millenium : Ce qui ne me tue pas, réalisé par Fede Alvarez.

 

Sortie en salles le 14 novembre 2018.

 

Mes articles sont longs. Celui-ci sera court. J’avais aimĂ© les prĂ©cĂ©dents avec Noomi Rapace et Rooney Mara. Avec une prĂ©fĂ©rence pour Noomi Rapace qui a confirmĂ© son envergure d’actrice dans le Promotheus (2012) de Ridley Scott.

J’ai beaucoup aimĂ© l’affiche de Millenium : Ce qui ne me tue pas. Elle est trĂšs photogĂ©nique.

J’avais bien remarquĂ© que peu de critiques s’épanchaient sur ce film. Mais j’avais envie de revoir Lisbeth Salander. Dans ce film, Lisbeth Salander est James Bond, le NĂ©o de Matrix et Robin des Bois tout Ă  la fois. Une femme peut ĂȘtre plus forte et plus intelligente qu’un homme. Mais, ici, elle reste faible devant quelques puissants clichĂ©s du scĂ©nario.

GrĂące Ă  ce film, j’ai nĂ©anmoins reçu deux ou trois enseignements. Il faut toujours avoir quelques amphĂ©tamines Ă  portĂ©e de main. Au cas oĂč on nous injecterait une forte dose de sĂ©datifs sur la scĂšne d’un crime qui vient d’ĂȘtre commis.

Le monde se rĂ©partit en deux sphĂšres : celle des surdouĂ©s qui voient tout et peuvent tout en agissant seuls. Et celle des idiots d’Etat qui ne voient pas qu’une camĂ©ra miniature a tout filmĂ© du crime qui vient d’avoir lieu malgrĂ© la garde rapprochĂ©e prĂ©sente.

Il faut toujours se mĂ©fier de sa sƓur surtout si on l’a battue aux Ă©checs, enfant. Car, plus tard, elle voudra prendre sa revanche et portera une longue robe rouge.

Certains hommes sont frĂ©quentables : Les hackers solitaires sans libido. Les journalistes qui risquent leur vie pour une enquĂȘte. Et les hackers. Surtout si ces derniers ont pour spĂ©cialitĂ© d’ĂȘtre des tireurs Ă©mĂ©rites suffisamment habiles pour transporter des armes au doigt et Ă  l’oeil.

La maitrise de l’informatique permet de prendre le pouvoir Ă  peu prĂšs n’importe oĂč, n’importe quand. Le bug informatique n’existe pas.

Une baignoire protÚge des explosifs. Lors du prochain attentat, si possible, se précipiter dans la baignoire la plus proche.

Un homme rendu aveugle se dĂ©place plus vite dans la neige jusqu’à la route qu’une voiture de course.

 

Dans les premiĂšres minutes du film, nous assistons pourtant Ă  une scĂšne de violence conjugale particuliĂšrement bien rĂ©alisĂ©e. Ensuite, Millenium ou non, le film rejoint l’incurie de ces grosses productions folles de la rĂšgle selon laquelle Ă  partir d’un certain nombre de scĂšnes d’actions et de revirements, mĂ©caniquement, le public va se mettre Ă  « aimer » un film et affluer dans les salles quelque soit le contenu
.

 

Je viens de recevoir un sms de Lisbeth Salander. Celle-ci m’affirme qu’en persistant Ă  Ă©crire pour mon blog, je poursuis le mĂȘme but que ce film. Pour l’instant, elle ne me menace pas m’écrit-elle. Mais elle me met en demeure de fournir un peu plus de contenu que ce que j’ai pu voir dans ce film. Je vais me rapprocher de la baignoire.

Franck, ce mercredi 12 décembre 2018.