GĂ©missements.
Câest notre souffle qui nous tient. Câest Ă dire : trois fois rien. Dans nos pensĂ©es et nos souvenirs se trouvent tant de trajectoires. De ce fait, on ne sâĂ©tonnera pas si je fais quelques excursions en des temps et des Ă©vĂ©nements diffĂ©rents et si je me retrouve ensuite Ă nouveau dans le prĂ©sent.
Aujourdâhui, ce mercredi 5 aout 2020 oĂč il a fait entre 29 et 30 degrĂ©s Ă Paris, je devrais ĂȘtre au cinĂ©ma. Jâai lâimpression de le trahir. Il y a tant de films Ă voir mĂȘme si le nombre de films a Ă©tĂ© restreint. Les salles de cinĂ©ma, pour celles qui ont pu rouvrir depuis le 22 juin, peinent Ă sâen sortir Ă©conomiquement.
EnrĂŽlĂ©es dans la bobine du cycle Covid-19, les salles de cinĂ©ma ont peu de spectateurs. Je mâen suis aperçu directement le 14 juillet en allant voir Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi. Le film mâa beaucoup plu. Jâen parle dans un article qui porte le nom du film sur mon blog: Tout simplement Noir .
Mais nous Ă©tions Ă peine dix spectateurs dans la grande salle de ce multiplexe parisien que je connais depuis plus de vingt ans. Câest vrai que jây suis allĂ© Ă la premiĂšre sĂ©ance, celle de 9h et quelques, mais je ne crois pas que lâheure matinale ait jouĂ© tant que ça sur le nombre que nous Ă©tions dans la salle :
Le confinement de plusieurs semaines dĂ» Ă la pandĂ©mie du Covid-19 et lâarrivĂ©e de lâĂ©tĂ© au moins ont eu un effet sĂ©cateur sur le nombre des entrĂ©es. En plus, cela fait plusieurs mois quâil fait beau. Je crois que les gens ont besoin de se rattraper. Ils ont aussi peut-ĂȘtre peur que le couteau dâun autre confinement ne se dĂ©ploie Ă nouveau sous leur gorge.
Mais on va un petit peu oublier le Devoir ce matin. Ou on va le défendre autrement. On va se faire notre cinéma à domicile.
Les photos qui dĂ©filent dans le diaporama sont un assemblage Ă la fois de quelques photos de vacances, dâouvrages que je lis, ai essayĂ© de lire ou voudrais lire, du Cd dont la musique mâa inspirĂ©….
Et je vais essayer de vous parler dâĂ peu prĂšs tout ça Ă ma façon.
On va vers lâautre pour essayer de combler ou de soulager un vide. Mais nous ne partons pas du mĂȘme vide. Nous ne portons pas le mĂȘme vide. Et nous ne parlons peut-ĂȘtre mĂȘme pas du mĂȘme vide. Beaucoup de conditions sont donc assez souvent rĂ©unies pour que, dans la vie, nous fassionsâŠ.un bide. Et, pourtant, nous connaissons des rĂ©ussites et des possibilitĂ©s de rĂ©ussite. Mais encore faut-il savoir sâen souvenir et sâen apercevoir.
Je ne connaissais pas du tout Magali Berdah dont jâai commencĂ© Ă lire la biographie, Ma Vie en RĂ©alitĂ© . Jâen suis Ă la moitiĂ©. Et jâai trĂšs vite dĂ©cidĂ© de lire son livre plutĂŽt que celui de Julia De FunĂšs intitulĂ© DĂ©veloppement ( Im) Personnel. Quâest-ce que je reproche au livre de Julia De FunĂšs dont jâai commencĂ© Ă lire lâouvrage ?
Le fait, dâabord, que lâon sente la « bonne Ă©lĂšve » qui a eu des trĂšs bonnes notes lors de ses Ă©tudes supĂ©rieures et qui a, donc, une trĂšs haute opinion dâelle-mĂȘme. Je suis bien-sĂ»r pour avoir des bonnes notes et pour faire des Ă©tudes supĂ©rieures autant que possible. Je suis aussi favorable au fait dâavoir de lâestime de soi. Parce quâil peut ĂȘtre trĂšs handicapant pour soi-mĂȘme comme pour notre entourage de passer notre vie Ă avoir peur de tout comme Ă toujours dĂ©cider que lâon ne sait jamais rien et que lâon ne sait absolument rien faire en toute circonstance.
Mais je ne crois pas Ă la certitude absolue. Y compris la certitude scolaire.
Julia De FunĂšs veut « philosophiquement » « dĂ©construire » les arnaques des « coaches » et des vendeurs de « recettes du bonheur » qui font florĂšs. Câest trĂšs bien. Et jâespĂšre bien profiter de ce quâelle a compris de ces arnaques. Mais elle abat ses certitudes en se servant de sa carte routiĂšre de la philosophie dont elle connaĂźt des itinĂ©raires et des soubresauts par cĆur.
Elle, elle Sait. Et elle va nous dĂ©montrer comme elle Sait quitte Ă ce que, pour cela, en la lisant, on ait mal Ă la tĂȘte en essayant de suivre sa propre pensĂ©e inspirĂ©e de celles de trĂšs grands philosophes quâelle a dĂ©chiffrĂ©s et qui ont rĂ©solu depuis lâantiquitĂ© le mal dont on essaie de se guĂ©rir aujourdâhui en tombant dans les bras et sur les ouvrages des commerçants du dĂ©veloppement personnel quâelle veut confondre.
RĂ©sultat immĂ©diat : pour accĂ©der Ă sa connaissance et profiter de ses lumiĂšres, on comprend dĂšs les premiĂšres pages de son livre quâil faut avoir la philo dans la peau. On lit son livre comme on pourrait lire un livre de Droit. Jâaime la philo. Et jâaime prendre le temps de rĂ©flĂ©chir.
Jâaime moins avoir lâimpression, lorsque je lis un livre, de devoir apprendre des lois. En plus, et câest sĂ»rement un de mes torts, dĂšs les premiĂšres pages, Julia de FunĂšs cite Luc Ferry comme une de ses rĂ©fĂ©rences. Dâabord, je nâai pas compris tout de suite. Jâai confondu Luc Ferry avec le Jules Ferry de lâĂ©cole publique. Oui, jâai fait ça. Ce genre de confusion. Et puis, comme Julia de FunĂšs cite plusieurs fois Luc Ferry en moins de dix pages, jâai fini par comprendre.
Jâai sĂ»rement de trĂšs trĂšs gros prĂ©jugĂ©s envers Luc Ferry, ancien Ministre de lâEducation. Mais, de lui, jâai surtout retenu quâil avait une trĂšs belle femme et quâil savait se faire payer trĂšs cher pour des confĂ©rences sur la philo. Et quand je pense Ă lui, je « vois » surtout quelquâun de trĂšs suffisant. Je nâai pas beaucoup aimĂ© ce quâil a pu dire, dans le journal Les Echos , ou peut-ĂȘtre plus dans Le Figaro. A savoir, que, selon lui, aprĂšs le confinement, le business reprendrait « as usual » et que, en quelque sorte, les Nicolas Hulot et toutes celles et tous ceux qui pensent comme lui, peuvent aller se rhabiller avec leurs histoires de « Il faut changer le monde et essayer de tirer des enseignements de ce que la pandĂ©mie du Covid a pu nous obliger Ă comprendre du monde et de la vie ».
On a le droit de critiquer Nicolas Hulot et celles et ceux qui lui ressemblent. On peut critiquer plein de choses sur la maniĂšre dont la pandĂ©mie a Ă©tĂ© gĂ©rĂ©e et dont elle continue dâĂȘtre gĂ©rĂ©e. Mais dire que ce sera « business as usual » revient Ă dire que notre monde marche bien tel quâil est Ă©conomiquement, politiquement, industriellement et socialement ; quâil est rĂ©glĂ© comme une horloge suisse et que rien ne peut ou ne doit modifier cet ordre et cet Ă©tat du monde dans lequel un Luc Ferry, « philosophe » de formation a ses entrĂ©es et ses privilĂšges. MĂȘme si Luc Ferry a sans aucun doute des connaissances et des raisonnements plus quâhonorables, il est vrai que, pour moi, pour lâinstant, lâhomme quâil incarne est pour moi un repoussoir. Et voir que, dĂšs le dĂ©but de son livre que jâai eu pour lâinstant un plaisir limitĂ© Ă lire, Julia de FunĂšs le place sur un piĂ©destal, mâa poussĂ© Ă fermer son livre et Ă passer Ă la biographie de Magali Berdah.
Oui, Magali Berdah.
Car, la biographie de Magali Berdah, câest le contraire. Je ne connaissais pas Magali Berdah auparavant. Et en tombant sur son livre Ă la mĂ©diathĂšque, il y a quelques jours, je me suis dit que je pourrais apprendre quelque chose. De mon Ă©poque. Pour moi. Pour mon blog. Afin de mieux le promouvoir mais aussi, peut-ĂȘtre, lâorienter diffĂ©remment. Sans pour autant aller dans la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© ou biberonner du Cyril Hanouna que Magali Berdah cite comme un de ses premiers soutiens avant de devenir « la manageuse » des influenceurs et des influenceuses. Avec Julia de FunĂšs, finalement, on est dans une pensĂ©e trĂšs puritaine. PensĂ©e que je partage aussi. Car je ne me fais pas tant que ça une si haute opinion de moi-mĂȘme :
Je peux, aussi, ĂȘtre trĂšs trĂšs puritain Ă ma maniĂšre. Si ! Si !
Sauf que avoir un certain sens et une certaine idĂ©e de la moralitĂ© ne suffit pas pour ĂȘtre heureux et pour ce que lâon appelle « rĂ©ussir sa vie ». Car notre vie se rĂ©sume quand mĂȘme souvent Ă ces deux questions :
Sommes-nous heureux ? Et faisons vraiment nous tout ce que nous pouvons, dans la mesure de nos moyens, pour ĂȘtre heureux ?
Parce-que pour moi, rĂ©ussir sa vie, câest ça : ĂȘtre heureux autant que possible, le plus longtemps possible et savoir le redevenir si on est malheureux, triste ou dĂ©primĂ©.
Et si je veux bien croire que Julia de FunĂšs peut mâaider, aussi, Ă rĂ©pondre Ă ces deux questions au moins dans son livre, je crois que Magali Berdah peut Ă©galement y contribuer. Car je ne vois pas pourquoi citer Luc Ferry pourrait suffire Ă me rendre heureux.
Alors que la biographie de Magali Berdah, elle, est concrĂšte. On peut trouver quâelle nous raconte sa vie de façon Ă passer pour une Cosette. On lui reprochera peut-ĂȘtre de trop Ă©taler sa vie privĂ©e, de se donner le beau rĂŽle (celui de la victime, de la personne moralement intĂšgre ou protectrice) et de sâen servir pour son sens de la Communication et des affaires. Elle est peut-ĂȘtre ou sans doute moins « jolie » moralement que ce quâelle nous donne Ă entrevoir dans son livre mais elle nous parle aussi dâun monde que lâon connaĂźt :
Celui oĂč des personnes vulnĂ©rables (mineures comme adultes), ignorantes, bosseuses et de bonne volontĂ©, peuvent se faireâŠ.arnaquer, kidnapper, trahir etcâŠ..
Et Magali Berdah nous raconte aussi comment elle sâen « sort ». ConcrĂštement. Ainsi que certains de ses fiascos et de ses coups durs. Par des exemples rĂ©pĂ©tĂ©s. Ce qui parle souvent beaucoup mieux quâen citant des philosophes ou des Anciens Ministres, fussent-ils trĂšs cultivĂ©s et dans le « Vrai » lorsquâils ( nous) parlent. A moins que ces Anciens Ministres et philosophes ne se parlent, dâabord, Ă eux-mĂȘmes.
Oui, Magali Berdah est beaucoup dans lâaffectif. Elle le dit et le fait comprendre avec sa « garde rapprochĂ©e » parmi ses collaborateurs. Et elle est Ă lâaise avec lâargent et le fait dâen gagner beaucoup. Il nâest pas donnĂ© Ă tout le monde, comme elle, de sâĂ©pancher facilement auprĂšs dâautrui. Moi, par exemple, dans la vraie vie, je me confie oralement assez peu. Câest une histoire de pudeur et de mĂ©fiance. Quant Ă lâargent, en gagner beaucoup nâa pas Ă©tĂ© ma prioritĂ© lorsque jâai commencĂ© Ă travailler. Je ferais plutĂŽt partie des personnes qui auraient du mal Ă mieux mettre en valeur mes articles par exemple.
Vis à vis de la « célébrité », je suis ambivalent :
Jâaime me mettre en scĂšne et faire le spectacle. Vraiment. Mais jâaime aussi pouvoir ĂȘtre tranquille, pouvoir me retirer et me faire oublier. Soit deux attitudes trĂšs difficilement conciliables qui expliquent par exemple au moins, en partie, la raison pour laquelle mon blog a sĂ»rement (beaucoup) moins de vues quâil ne pourrait en avoir. Mais aussi la raison pour laquelle, Ă ce jour, mon activitĂ© de comĂ©dien est plutĂŽt une activitĂ© sous-marine (câest peut-ĂȘtre aussi pour cela que je pratique lâapnĂ©e) ou sous-cutanĂ©e voire intramusculaire.
Câest sĂ»rement aussi pour cela que, certaines fois, je me retrouve Ă nouveau au moins tĂ©moin de certaines situations qui, dans mon mĂ©tier dâinfirmier, restent la norme.
Parce-que lorsque lâon est infirmier, on aime assez peu se mettre en scĂšne et prendre toute la lumiĂšre. On est plus dans le don de soi que dans la revendication pour soi. Et ça amĂšne ce rĂ©sultat et cette vĂ©ritĂ© automatiquement renouvelĂ©e :
Dâautres profitent de cette lumiĂšre et de cet argent.
Dans son livre, Magali Berdah explique quâelle dĂ©couvre lâunivers de la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© et des rĂ©seaux sociaux en rencontrant Jazz, une ancienne candidate de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, amie dâune de ses anciennes salariĂ©es, Martine, Ă qui elle rend un service.
A cette Ă©poque, Magali Berdah, mariĂ©e, trois enfants, est surendettĂ©e, et a surtout une expĂ©rience consistante en tant que commerciale et auto-entrepreneuse dans les assurances et les mutuelles. A premiĂšre vue, grossiĂšrement, on dira que cela nâa rien Ă voir. Sauf que Magali Berdah, est fonceuse, bosseuse, curieuse. Elle a sans doute aussi envie de garantir Ă ces jeunes vedettes cette protection et cette sĂ©curitĂ© dont elle a manquĂ© enfant.
Magali Berdah offre donc Ă ces jeunes vedettes son sens des affaires et du commerce ; une certaine indĂ©pendance. Ainsi quâune prĂ©sence affective permanente qui contraste avec ce monde des marques, des reflets et des images quâincarnent et vendent ces jeunes vedettes quâelle protĂšge.
Quelques temps plus tĂŽt, alors quâelle Ă©tait dĂ©primĂ©e du fait de ses problĂšmes professionnels, financiers et personnels rĂ©pĂ©titifs, elle sâĂ©tait confiĂ©e Ă une amie. Laquelle lui avait conseillĂ© de consulter un Rav (lâĂ©quivalent dâun rabbin) de sa connaissance. Magali Berdah, juive non pratiquante, avait acceptĂ© de le rencontrer. AprĂšs sâĂȘtre racontĂ©e, ce Rav, le Rav Eli, lui avait affirmĂ© quâun de ses ancĂȘtres, du cĂŽtĂ© de son grand-pĂšre maternel, Ă©tait lui-mĂȘme un Rabbin trĂšs « rĂ©putĂ© » considĂ©rĂ© comme un Tsadik .
Dans le vocabulaire hassidique, le Tsadik est un « homme juste ». Un Maitre spirituel. LâĂ©quivalent dâun Saint. Mais ce Saint nâest pas protĂ©gĂ© par Dieu de son vivant. Par contre, ce Tsadik protĂšgera un « descendant » et lui « offrira une vie extraordinaire : qui sort de lâordinaire ».
Et le Rav Eli dâapprendre Ă Magali quâelle Ă©tait cette personne protĂ©gĂ©e par le Tsadik.
Ces propos du Rav Ă©taient-ils sincĂšres ? RelĂšvent-ils de la gonflette morale ou du placebo ? Sont-ils lâĂ©quivalent de ces « trucs » vendus et proposĂ©s par les coaches « bien-ĂȘtre » que Julia De FunĂšs veut «dĂ©construire » ?
Je prĂ©cise dâabord que je ne suis pas juif. OĂč alors je lâignore. Mais jâaime beaucoup lâhistoire de cette rencontre dans laquelle je vois du conte et de lâuniversel. Un conte pour adultes. Un conte quâon aurait pu Ă©videmment transposer autrement en parlant dâune rencontre avec un marabout, un psychologue, un Imam ou toute autre rencontre Ă©tonnante ou mystĂ©rieuse pourvu que ce soit une rencontre hors-norme, hors de nos habitudes et inattendue dans une pĂ©riode de notre vie oĂč lâon a besoin de changement mais oĂč on ne sait pas comment sây prendre pour donner une autre direction Ă notre vie.
Dans cette histoire du Tsadik qui est lâĂ©quivalent du Saint, je pense bien-sĂ»r Ă la vallĂ©e des Saints quâun ami mâa conseillĂ© dâaller dĂ©couvrir lors de notre sĂ©jour rĂ©cent en Bretagne. On trouvera facilement mon diaporama de la vallĂ©e des Saints sur mon blog. La VallĂ©e des Saints
Pour lâinstant, je ne vois pas quelles retombĂ©es concrĂštes sur ma vie a pu avoir le fait dâavoir pris la dĂ©cision de me rendre avec ma compagne et ma fille Ă la vallĂ©e des Saints. Et ma remarque fera sans doute sourire ou ne manquera pas de me faire envisager comme un candidat idĂ©al pour le programme subliminal de nâimporte quel gourou foireux et vĂ©nal.
Alors, il reste le Tsadik , Ă©quivalent du Saint, qui, je crois, lui, sera plus difficile Ă contredire et Ă dĂ©loger, que lâon se moque de moi ou pas :
Religion juive ou pas, le soignant, infirmier ou autre, est souvent assimilĂ© au Saint ou Ă la bonne sĆur. Lorsque lâon regarde les conditions de travail et les conditions salariales dâun infirmier et quâon les compare Ă ce que celui-ci donne de sa personne au cours dâune carriĂšre, on « sait » que le compte nây est pas du tout. Et que les infirmiers, comme dâautres corps soignants, sont sous-payĂ©s et sous estimĂ©s comparativement Ă ce quâils donnent. Mais aussi comparativement Ă ce quâils endurent. Jâai dĂ©jĂ entendu dire que, souvent, dans les ancĂȘtres des soignants, il y a eu un malade, une grande souffrance. Mais on peut aussi penser, Ă travers lâexemple du Tsadik , quâun soignant (infirmier ou autre) est un Tsadik et que, lui aussi, donnera sa protection Ă un de ses descendants un jour ou lâautre.
Cette histoire-lĂ me plait beaucoup et elle mâest inspirĂ©e en lisant la biographie de Magali Berdah. Pas en lisant lâouvrage de Julia de FunĂšs. Jâai presque envie dâajouter :
« Alors que cela aurait dĂ» ĂȘtre le contraire. A quoi sert-tâil dâavoir autant de connaissances- comme Julia de FunĂšs- si câest pour plomber lâatmosphĂšre et le moral des gens alors que ceux-ci essaient de trouver des astuces pour sâallĂ©ger, respirer un petit peu mieux et sâoctroyer un peu de rĂ©pit avant de devoir reprendre leur labeur ? ».
RĂ©cemment, dimanche aprĂšs-midi, jâai effectuĂ© un remplacement dans un service. La collĂšgue infirmiĂšre du matin, ai-je appris plus tard, se lĂšve Ă 3 heures du matin lorsquâelle commence sa journĂ©e de travail Ă 6h45.
Câest sans doute rare quâune infirmiĂšre se lĂšve aussi tĂŽt lorsquâelle commence Ă 6h45 pour ĂȘtre Ă lâheure au travail. Mais je lâaurais vu au moins une fois dans ma vie.
Ce qui est moins rare, câest dâavoir appris que cette infirmiĂšre avait pu se faire « dĂ©foncer » en plein staff un matin parce-que le travail nâavait pas Ă©tĂ© fait en temps et en heure. Pour quelle raison ?
Peut-ĂȘtre parce quâelle Ă©tait nouvelle dans le service. Et encore en CDD. Mais, aussi, parce-que le service manque de personnel infirmier. Quatre infirmiers en poste dans le service alors quâil en manque sept autres. Il y a sept postes dâinfirmier vacants dans ce service. Le service tourne donc rĂ©guliĂšrement avec des remplaçants.
Ce qui est aussi moins rare, câest quâen se faisant « dĂ©foncer » en plein staff, cette infirmiĂšre ait subi sans broncher. Câest une Ă©tudiante infirmiĂšre prĂ©sente lors des faits qui, ensuite, en a parlĂ© au collĂšgue infirmier qui mâa racontĂ© ça le dimanche aprĂšs-midi.
Ce qui est Ă©galement moins rare câest dâavoir demandĂ© ce dimanche (jâĂ©tais alors prĂ©sent) Ă cette mĂȘme infirmiĂšre de revenir travailler le lendemain matin sur son jour de repos. Parce quâil manquait du personnel infirmier le lundi matin.
Pourquoi je parle de ça ? Le Covid a fait des soignants, officiellement, « des hĂ©ros ». Mais des personnes se font « dĂ©foncer » cette fois-ci physiquement, sur la place publique lorsquâils rappellent Ă dâautres citoyens de porter- correctement- le masque de prĂ©vention anti-covid. Ou simplement dâun porter un.
Pendant ce temps, dans leur service, des soignants continuent de se faire « dĂ©foncer » en plein staff comme cette collĂšgue infirmiĂšre. On peut donc dĂ©foncer en plein staff une hĂ©roĂŻne. Et câest normal.
Alors, quâest-ce quâil reste aux soignants hĂ©roĂŻques alors quâils continuent de se faire dĂ©foncer par leur hiĂ©rarchie ? Il leur reste la dĂ©pression ou le burn-out. Il leur reste les accidents de travail. Il leur reste les congĂ©s longue maladie. Il leur reste la dĂ©mission. Il leur reste la colĂšre ou la contestation. Il leur reste le Tsadik ou son Ă©quivalent. Et câest en lisant la biographie de Magali Berdah, que je nâai pas terminĂ©e, que je le comprends. Pas en lisant le livre sĂ»rement trĂšs cultivĂ© de Julia de FunĂšs.
Ce matin, ça a fait marrer une de mes jeunes collÚgues infirmiÚres lorsque je leur ai parlé de Magali Berdah. Elle était sans doute gentiment amusée par une de mes nouvelles bizarreries. Pourtant, je ne fais que prolonger à ma façon ce en quoi je crois depuis des années.
Miles Davis disait « My mind is not shut » : Mon esprit nâest pas fermĂ©. Dans la revue Yashima dont jâai beaucoup aimĂ© les articles cette fois-ci, il y a entre autres une interview de Kacem Zoughari.
Kacem Zoughari est « docteur en Histoire et Culture du Japon et adepte de Ninjutsu du plus haut niveau ». Jâai dĂ©couvert lâexistence de Kacem Zoughari il y a Ă peine dix jours par ce magazine Yashima achetĂ© durant mes vacances.
Quel rapport entre la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, le monde du fric et du commerce de Magali Berdah et lâascĂšse martiale Ă laquelle se tient Kacem Zoughari que je devrais appeler au moins Sensei ou Maitre au vu de ses titres ? A priori, Ă la tĂ©lĂ©, ce nâest pas la mĂȘme chaine. Il nây a aucun rapport si on oppose ces deux personnes et ces deux expĂ©riences selon leur image et leur parcours. Et puis, dans lâinterview, Kacem Zoughari dit par exemple :
« Quand jâarrive lĂ -bas (au Japon), je pense ĂȘtre bon. Jâai reprĂ©sentĂ© la discipline Ă Bercy et Ă la tĂ©lĂ© et je suis ceinture noire. Mais au premier cours chez Ishizuka sensei, on me reprend. On me reprend gentiment, mais jâai lâimpression dâĂȘtre giflĂ© ! ».
On peut donc ĂȘtre « trĂšs bon », bosseur et expĂ©rimentĂ© comme le pense alors Kacem Zoughari et, comme Magali Berdah, dans son domaine professionnelâŠĂ©chouer.
Or, que lâon Ă©volue dans le commerce ou dans le domaine des arts martiaux ou ailleurs, ce qui va importer, câest notre rĂ©action par rapport à « lâĂ©chec ». Ce que lâon va ĂȘtre capable dâapprendre et dâaccepter de cet Ă©chec.
Plus tard, Kacem Zoughari dit :
« (âŠ.) Hatsumi sensei dit parfois : « Tu veux ĂȘtre bon, shuraba ni ike ». Va oĂč a lieu le carnage ».
On peut penser au « carnage » de la guerre. Mais on peut aussi penser au « carnage » de la souffrance et de la violence auquel le soignant oĂč le travailleur social est rĂ©guliĂšrement exposĂ©. Et Magali Berdah parle aussi de certaines pĂ©riodes de « sa vie chaotique ».
Et jâai particuliĂšrement aimĂ© lorsque Kacem Zoughari dit :
« Certains Ă©lĂšves copient le maitre jusque dans ses dĂ©formations de dos, de genou, etc. Au-delĂ de lâaspect caricatural, câest mĂȘme dĂ©lĂ©tĂšre pour leur santĂ© ! Ce type de pratiquants intĂ©gristes refuse souvent aussi de voir ce qui se fait ailleurs pour ne pas corrompre lâimage quâils ont de leur maĂźtre. Câest une grave erreur ».
Bien entendu, je nâattends pas que Kacem Zoughari verse dans lâunivers de la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© et dans le monde de Cyril Hanouna. Mais on a compris que selon mes aptitudes et mon Ă©tat dâesprit, je peux trouver des parties de mes besoins et de mes rĂ©ponses tant dans ce quâenseigne Kacem Zoughari que dans ce que raconte Magali Berdah.
Dâautant que Kacem Zoughari confirme aussi :
« (âŠ..) car beaucoup dâobstacles se dressent sur la voie dâun adepte. Il y a dâabord les dĂ©sillusions. Le monde martial, comme tout microcosme, comporte de nombreuses personnes Ă la moralitĂ© douteuse. Il faut alors avoir foi dans les bĂ©nĂ©fices de la pratique pour trouver le recul de se dire que les actes dâun individu ne dĂ©finissent pas la valeur dâune discipline ».
Il y aurait bien-sĂ»r davantage Ă dire de lâinterview de Kacem Zoughari et je le ferai peut-ĂȘtre un autre jour.
Mais lâarticle va bientĂŽt se terminer et je veux dâabord rĂ©pondre Ă des questions que je crois possibles devant certaines des photos :
La voix du Raid Ă©crit par Tatiana Brillant (avec la collaboration de Christine Desmoulins), ancienne nĂ©gociatrice du RAID, parce-que je crois que son expĂ©rience peut aussi mâapprendre quelque chose dans mon mĂ©tier comme dans ma vie. Tatiana Brillant, dont, dâailleurs, le pĂšre est pompier. Et la mĂšreâŠ.infirmiĂšre. Tatiana Brillant qui dit, page 24 :
« (âŠ.) Ayant cette fois accĂšs Ă mon dossier, jâai appris que lors des prĂ©cĂ©dents tests jâavais Ă©tĂ© reçue premiĂšre avec lâobservation suivante :
« PremiÚre candidate. Impressionnante malgré son jeune ùge. Bonnes réactions, empathie naturelle ».
Câest ainsi que je suis entrĂ©e au RAID le 1er mars 2004. A BiĂšvres, dans lâEssonne, mon rĂȘve se rĂ©alisait ! Tout cela validait Ă jamais le mantra qui rythme ma vie :
« Il ne faut rien sâinterdire ».
« Lâempathie » est une aptitude qui peut ĂȘtre dĂ©valuĂ©e dans un monde oĂč lâimage, le statut social, la cĂ©lĂ©britĂ©, la rapiditĂ©, la rentabilitĂ© et le fric remportent souvent le gros lot.
Le personnel infirmier sait ce quâest lâempathie mĂȘme sâil se fait rĂ©guliĂšrement enfler. Parce quâil est plus dans le sacrifice et le don de soi que dans lâempathie me dira-tâon. Peut-ĂȘtre. Mais on voit Ă travers Tatiana brillant, Magali Berdah mais aussi Kacem Zoughari, qui lâĂ©voque dâune certaine façon dans un passage de son interview, que « lâempathie » est compatible avec la rĂ©ussite professionnelle et personnelle.
Tout bouge autour de moi de Dany Laferriere, membre de lâAcadĂ©mie française. Pour le titre. Pour la littĂ©rature. Parce-que je nâai encore rien lu de lui. Parce quâil parle dâHaĂŻti, oĂč il se trouvait, lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010 :
« Des choses vues » qui disent lâhorreur, mais aussi le sang-froid des HaĂŻtiens. Que reste-il quand tout tombe ? La culture. Et lâĂ©nergie dâune forĂȘt de gens remarquables ».
Parce quâHaĂŻti est une Ăźle oĂč jâaurais aimĂ© ĂȘtre allĂ© depuis des annĂ©es. Mais son rĂ©gime politique et sa pauvretĂ© mâont jusque lĂ trop inquiĂ©tĂ©. Je suis « entrĂ© » un peu Ă HaĂŻti dâabord par le cinĂ©ma de Raoul Peck dans les annĂ©es 90 par son film, LâHomme sur les quais . Jâai vu dâautres films de lui. Et mĂȘme des sĂ©ries. Je lâai aussi rencontrĂ© et interviewĂ© deux fois. Une fois lors du festival de Cannes au dĂ©but des annĂ©es 2010. Une autre fois, Ă Paris.
Il y a quelques photos de nos vacances en Bretagne. A la vallĂ©e des Saints ( avec les statues en granit) et aussi Ă Quiberon, du cĂŽtĂ© du port-Haliguen, oĂč nous sommes passĂ©s avant que le port du masque ne devienne obligatoire dans la rue.
Le titre que jâai choisi sur lâalbum Nordub rĂ©alisĂ© par Sly & Robbie et Nils Petter Molvaer feat Eivind Aarset and Vladislav Delay sâappelle :
European Express .
Câest le septiĂšme titre de lâalbum. AprĂšs avoir lu des critiques dithyrambiques sur cet album, je me suis dĂ©cidĂ© Ă lâacheter. Jâavais dĂ©jĂ Ă©coutĂ© deux anciens albums de Nils Petter Molvaer. JâapprĂ©hendais quâil soit trop prĂ©sent avec ses traversĂ©es Ă©lectroniques et sa trompette qui louche vers Miles mais sans lâattrait de Miles sur moi.
Sly and Robbie, depuis leur trajectoire Reggae avec Black Uhuru, Gainsbourg et beaucoup dâautres dans les annĂ©es 70 et 80 ont depuis longtemps dĂ©bouchĂ© dans dâautres atmosphĂšres musicales. Jâattendais beaucoup de cet album. Jâattendais du Dub. Jâai dâabord Ă©tĂ© dĂ©confit. Puis, en le reprenant en revenant de vacances, il sâest Ă nouveau vĂ©rifiĂ© que certains albums nous demandent du temps pour entrer dedans.
European Express, de par sa dynamique, est le titre qui mâa semblĂ© le plus appropriĂ© pour cet article.
Cet article est sans doute plus long quâil nâaurait dĂ», une fois de plus. Alors, jâespĂšre quâil ne sera pas trop fastidieux Ă lire et que les photos qui lâaccompagnent vous iront aussi.
Ici, si on le souhaite, on pourra Ă©couter cet article dans sa version audio :
https://balistiqueduquotidien.com/wp-content/uploads/2020/08/GĂ©missements.mp3
AprĂšs un concert, il arrivait que Miles engueule certains de ses musiciens aprĂšs quâils aient, selon lui, mal jouĂ©. Sans doute estimait-il quâils nâavaient pas pris assez de risques. Il leur disait :
« Jouez ce que vous savez jouer ! ».
Jâai Ă©crit ce que je sais Ă©crire. Câest le souffle qui nous tient. Câest Ă dire : trois fois rien.
Franck Unimon, ce mercredi 5 aout 2020.