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Lille J + 4

Oeuvre de l’artiste Iwy Lahcen

 

 

 

 

 

 

Lille J + 4

 

 

Notre sĂ©jour Ă  Lille s’est terminĂ© dimanche. Lille Ă©tait nouvelle pour nous, en couple avec enfant. Nous n’attendions rien de particulier de Lille. Nous avions eu de diffĂ©rents bons Ă©chos depuis des annĂ©es. Mais elle Ă©tait restĂ©e cette ville secondaire dans nos pensĂ©es : Trop proche. A une heure de Paris en TGV. Trop au Nord. Et aussi trop loin de la mer et de la montagne. MĂȘme si « Lille, c’est pratique pour aller ensuite Ă  Amsterdam, en Belgique ou Ă  Londres ». Et puis, « La Grande braderie de Lille
 ».

Six nuits sur place ont Ă©tĂ© insuffisantes pour Ă©chapper Ă  cet effet secondaire de Lille : Cette ville nous a beaucoup plu. Devant Bordeaux et Rennes. C’en est mĂȘme suspect. TrĂšs suspect. Qu’est-ce qu’on nous a cachĂ© ?

Cette ville nous a sûrement caché quelque chose.

Dans Lille-centre prĂšs de la rue de la Monnaie ou dans la rue de la Monnaie.

 

Essayons donc d’ĂȘtre mĂ©thodiques : durant cette petite semaine Ă  Lille oĂč nous avons effectuĂ© tous nos dĂ©placements en transports en commun ou en marchant, il a fait beau la plupart du temps. Nous sommes bien-sĂ»r allĂ©s dans les « vannes » Ă  touristes. Dans les « bons » coins. En semaine Ă  partir du lundi et aux heures creuses. Et de jour. Nous n’avions pas de raison particuliĂšre d’aller effectuer des selfies nocturnes en famille dans certaines sphĂšres sensibles a priori situĂ©es-concentrĂ©es au « sud » de Lille.

 

 

NĂ©anmoins, mes perceptions sur cette ville ont assez peu variĂ© depuis notre retour. On sent Ă  Lille un hĂ©ritage historique particulier. Je le dis parce-que je l’ai lu :

Cette ville a morflĂ© Ă  chaque fois durant les deux Guerres Mondiales du 20 Ăšme siĂšcle. Son patrimoine picard et flamand ainsi que les diverses immigrations ont aidĂ© Ă  sa reconstruction et Ă  son impulsion actuelle. La naissance sur son sol de Charles de Gaulle a fait de cette ville une terre Gaulliste. Et il m’a fallu ce sĂ©jour pour mieux comprendre Ă  travers une ou deux plaques de commĂ©moration comme, pour Pierre Mauroy, Maire de Lille en 1981, cela avait dĂ» ĂȘtre une trĂšs forte victoire politique, personnelle et symbolique d’ĂȘtre le premier Premier Ministre du prĂ©sident socialiste François Mitterrand, un demi-siĂšcle aprĂšs LĂ©on Blum.

 

 

MĂȘme si, ensuite, Pierre Mauroy avait dĂ» laisser sa place de Premier Ministre et que peu Ă  peu, le parti socialiste de François Mitterrand s’était rĂ©vĂ©lĂ© moins « beau » que ce qu’il avait promis d’ĂȘtre.

 

 

En se dĂ©plaçant dans le centre de Lille et ses quartiers les plus emblĂ©matiques, on perçoit la volontĂ©- socialiste ?- depuis des annĂ©es, de faire de cette ville un essaim d’horizons. Par ses deux gares Ă  TGV, bien-sĂ»r, Lille-Europe et Lille-Flandre (une station de mĂ©tro ou dix minutes de marche Ă  pied les sĂ©parent). Par son mĂ©tro qui, s’il est moins dense que le mĂ©tro parisien, est bien pratique couplĂ© Ă  ses autres moyens de transports en commun. Et par ses infrastructures, Ă©tudiantes, commerçantes


 

Le sens de l’accueil lillois s’est confirmĂ© Ă  plusieurs reprises. Mais il faut aussi savoir se rappeler lorsqu’on s’attĂšle Ă  critiquer le mĂ©pris parisien que Lille et sa rĂ©gion sont nettement moins peuplĂ©es que Paris et ses villes de banlieue. Par ailleurs, ce samedi vers 18h, j’ai briĂšvement fait l’expĂ©rience de remonter la rue Esquermoise Ă  une heure de grande affluence. J’y ai Ă©tĂ© bousculĂ©- Ă  l’épaule- sans mĂ©nagement et sans un regard par une femme d’un certain Ăąge qui m’a semblĂ© faire partie de ce grand troupeau qui allait se vider vers le « Vieux-Lille ».

Dans le Vieux-Lille.

 

 

A dĂ©faut de pouvoir nous rendre sur le marchĂ© de Wazemmes (un des plus grands de France) quelques heures plus tĂŽt, nous nous Ă©tions rabattus sur ses Halles le samedi midi au mĂȘme endroit.

Les Halles de Wazemmes ce samedi. Le marchĂ© a lieu les mardis, jeudis et dimanches. Il semblerait qu’il soit plus beau les jeudis et les dimanches.

 

Les Halles de Wazemmes sont elles ouvertes du mardi au dimanche comme indiqué.

 

Les Halles de Wazemmes est/sont un lieu trĂšs agrĂ©able, entourĂ© de bĂątiments qui, dĂ©jĂ , montraient une ville de Lille moins Ă©panouie mĂȘme si ce quartier, en raison de sa mobilisation artistique et culturelle, ferait partie des quartiers qui « montent » Ă  Lille.

 

 

 

En sortant du mĂ©tro, des affiches annonçaient la manifestation du 20 juillet – Ă  Paris- en mĂ©moire d’Adama TraorĂ©.

 

 

Cependant, dans ce quartier de Wazemmes, il y’avait de la vie et une ambiance paisible.

 

Ensuite, notre passage Ă  Roubaix avait Ă©tĂ© assez dĂ©primant. Une ou deux semaines avant nos vacances Ă  Lille, j’avais croisĂ© deux jeunes de Roubaix prĂšs de la rue Montorgueil, Ă  Paris. Lorsque je leur avais demandĂ© ce qu’il y’avait Ă  voir ou Ă  faire Ă  Roubaix, les deux jeunes, d’une vingtaine d’annĂ©es, m’avaient rĂ©pondu stoĂŻquement :

« Il n’y’a rien Ă  Roubaix
 ».

 

 

J’avais alors tentĂ© : « Et la piscine de Roubaix ? ». AssurĂ©ment, ils savaient de quoi je parlais mais ça les concernait trĂšs peu. Le musĂ©e de la Piscine de Roubaix a une trĂšs bonne cĂŽte y compris Ă  Paris.

 

Je voulais absolument y aller pour l’exposition consacrĂ©e Ă  l’AlgĂ©rie. J’avais simplement oubliĂ© que cette exposition s’était terminĂ©e le 2 juin de cette annĂ©e. Nous y sommes nĂ©anmoins allĂ©s car c’était un endroit « oĂč aller » lorsque l’on est Ă  Lille. Et les photos aperçues de la piscine de Roubaix m’avaient donnĂ© envie. Ainsi que l’exposition de l’artiste ISE.

 

 

ça m’a fait tout drĂŽle, en sortant du mĂ©tro, non loin de la gare de Roubaix, de voir ces rues dĂ©sertes et ces commerces fermĂ©s un samedi, vers quatorze heures. J’ai pensĂ© Ă  ce que j’avais pu entendre dire de Detroit ( aux Etats-Unis), ville coulĂ©e Ă©conomiquement et socialement par la crise et la fermeture des usines automobiles. MĂȘme si certains projets en particulier Ă©cologiques s’y dĂ©velopperaient. En nous rapprochant de la piscine de Roubaix, un peu plus bas, une statue commĂ©morait celles et ceux de Roubaix qui s’étaient, de par le passĂ©, sacrifiĂ©s.

Au fond à gauche, la statue à la mémoire des martyrs de la résistance.

 

Je me suis dit que cela devait ĂȘtre ça : Ă  un moment de son histoire, Roubaix, qui est Ă  16 stations de mĂ©tro de Lille soit Ă  une vingtaine de minutes, et sa population avaient Ă©tĂ© sacrifiĂ©s et beaucoup de monde, ici, avait dĂ©cidĂ©ment beaucoup de mal Ă  s’en remettre.

 

Le musĂ©e de La piscine de Roubaix a Ă©tĂ© une espĂšce d’oasis. Nous y avons aussi sans doute croisĂ© autant de personnes que dans les rues de Roubaix.

 

 

 

 

 

Buste de jeune fille, oeuvre en marbre et lapis-lazuli rĂ©alisĂ©e en 1889 par l’artiste Jean Dampt.

 

 

 

 

 

 

En sortant de la piscine de Roubaix, nous nous dirigions vers un « commerce » oĂč l’on pouvait ĂȘtre susceptible d’acheter du linge de maison de bonne qualitĂ©. AprĂšs avoir dĂ©passĂ© un terrain de basket oĂč quelques jeunes jouaient. Le terrain de basket Ă©tait derriĂšre le musĂ©e de la piscine.

Je m’étais demandĂ© si ces jeunes qui jouaient au basket en plein soleil Ă©taient allĂ©s une seule fois se mettre Ă  l’ombre au musĂ©e de la Piscine. Par expĂ©rience, je sais que l’on peut multiplier pendant des annĂ©es nos regards sur un lieu « prestigieux » et vecteur d’avenir et s’en soustraire car on le trouve trop abstrait. MĂȘme s’il est ouvert au plus grand nombre et Ă  l’addition des chances.

 

 

Nous nous Ă©tions Ă©loignĂ©s d’une bonne centaine de mĂštres de ce terrain de basket quand j’ai entendu plusieurs coups de klaxon suivis de : « HĂ©, NĂ©gro ! ». Un angle de mur et plusieurs mĂštres me sĂ©paraient de celui qui appelait. Estimant que cette personne devait sĂ»rement s’adresser Ă  quelqu’un d’autre, aprĂšs une ou deux secondes, sans mĂȘme me retourner, j’ai donc repris ma marche. Ça ne pouvait pas ĂȘtre moi. Et puis, j’ai entendu deux hommes qui se parlaient, contents de se revoir.

 

 

Il nous a fallu plus de temps pour aller jusqu’au magasin de linge de maison que pour en repartir.

 

 

Une ouvriĂšre trĂšs aimable m’a ouvert la porte puis est retournĂ©e Ă  son atelier. Je la voyais comme elle me voyait Ă  travers deux fenĂȘtres ouvertes. J’ai regardĂ© les serviettes. Et d’une, toutes ces serviettes Ă©taient laides avec cette inscription « La piscine ». Et de deux, cela me mettait trĂšs mal Ă  l’aise de dĂ©ranger cette ouvriĂšre qui, si elle bĂ©nĂ©ficiait sans doute de meilleures conditions de travail qu’ailleurs, me donnait l’impression de remplir ainsi deux fonctions. Nous sommes trĂšs vite repartis. Bien-sĂ»r, Roubaix n’est pas Lille. Et le Maroilles n’est pas le camembert. Et, Bien-sĂ»r, Ă  Roubaix comme Ă  Lille, il y’a des personnes pleines d’énergie et qui s’en sortent. A notre arrivĂ©e Ă  Roubaix, il s’était mis Ă  pleuvoir et il faisait assez gris. Lorsque nous sommes sortis de la piscine de Roubaix, il avait arrĂȘtĂ© de pleuvoir. Et il y’avait un trĂšs beau ciel bleu. A la gare, un homme nous a dit qu’il n’y’avait pas de train aujourd’hui. Alors, nous sommes repartis comme nous Ă©tions arrivĂ©s. Par le mĂ©tro.

 

Je suis descendu Ă  la station Rihour oĂč j’ai vĂ©cu un peu le centre de Lille un samedi en fin d’aprĂšs-midi, Ă  une heure d’affluence. Avant notre dĂ©part le lendemain, je voulais faire quelques derniers achats de pĂątisseries. J’ai eu de la chance : j’ai obtenu la derniĂšre brioche sucrĂ©e et le dernier pot de glace Ă  la vanille de 500 ml chez MĂ©ert oĂč des gens faisaient dĂ©sormais la queue tandis que dans la rue des passants lorgnaient sur la vitrine.

 

Juste derriĂšre moi, une femme arrivait trop tard pour acheter sa brioche sucrĂ©e. L’employĂ© a fait un peu d’humour : « Faites monter les enchĂšres
 ».

 

 

 

Devant moi, un couple de jeunes (re)faisait l’expĂ©rience de se sentir des personnalitĂ©s importantes en commandant des pĂątisseries pour eux et leurs amis. Chez le pĂątissier Alex Croquet, j’ai eu la chance d’acheter la derniĂšre ensaimada.

 

 

 

Puis, je me suis fait un peu secouer par une femme-bovidĂ© en retournant au mĂ©tro. J’ai nĂ©anmoins rĂ©ussi Ă  retourner Ă  notre appartement sans me faire encorner.

 

A Lille et dans ses environs, nous n’avons pas pu prendre le temps d’aller dĂ©couvrir la gare St Sauveur, le marchĂ© de Wazemmes, les PrĂ©s de Hem, le MusĂ©e de l’Air ainsi que sa vie nocturne. Sa cĂ©lĂšbre grande braderie a lieu « le premier week-end du mois de septembre ». La ville de Lille possĂšde sans aucun doute encore bien d’autres attraits.

 

Cet article clÎture mes portraits de Lille démarrés dans mes articles précédents Lille-Jour 1, PremiÚres impressions lilloises, Lille. TroisiÚme portrait et Lille, vendredi 19 juillet 2019.

 

Franck Unimon, ce jeudi 25 juillet 2019.

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Lille, vendredi 19 juillet 2019.

Dans le Vieux-Lille. A quelques rues, se trouve la maison natale de Charles de Gaulle.

 

 

Hier encore, en apprenant oĂč je passais mes vacances, mon interlocuteur, alors au Cap Ferret, m’a rĂ©pondu :

 » Lille, c’est bien. Mais je prĂ©fĂšre ĂȘtre prĂšs de la mer ». Je ne peux pas lui en vouloir. Etre aux abords de la mer, dessus ou dessous, cela fait de nous des libellules du possible.

Mais Lille nous plait beaucoup. Et nous allons continuer de profiter encore – un peu- de notre bulle « lilloise » pour apposer d’autres photos qui sont bien-sĂ»r les fenĂȘtres que nous choisissons d’ouvrir.

Cet article est la suite des articles Lille-Jour 1 , PremiÚres impressions lilloises et Lille. TroisiÚme portrait.

 

Au fond, le palais des beaux-arts.

 

Un danseur répÚte ses pas.

 

 

L’Ă©cole supĂ©rieure de journalisme de Lille, trĂšs rĂ©putĂ©e.

 

AprĂšs l’enseigne MĂ©ert, cela a Ă©tĂ© un plaisir particulier de tomber par hasard sur le magasin de chaussures La Botte Chantilly et d’y entrer pour la premiĂšre fois. MĂȘme si j’en suis ressorti les mains vides.

 

Dans la rue Esquirmoise ou prĂšs de la rue Basse, j’ai aperçu un passage qui n’a l’air de rien et que je n’avais pas remarquĂ© les autres fois. En le prenant, je me suis trouvĂ© dans cet endroit. En poursuivant, j’ai fait d’autres « dĂ©couvertes ».

 

Iwy Lahcen est l’auteur de cette oeuvre.

 

 

Oeuvre d’Iwy Lahcen.

 

Je n’avais pas entendu parler de cet endroit. Mais je me suis aussitĂŽt dit que j’Ă©tais bien tombĂ©.

 

En outre, Ă  quelques jours prĂšs, nous n’aurions pas pu en profiter.

 

 

 

 

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 19 juillet 2019.

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Lille. TroisiĂšme portrait

 

 

 

Lille. TroisiĂšme portrait.

Une des sorties possibles de la gare Lille-Europe en se dirigeant vers la gare Lille-Flandre, vers le centre-ville et le vieux Lille.

 

En allant vers la gare Lille-Europe.

 

C’est dans cette rue que nous avions croisĂ© les deux jeunes qui nous avaient recommandĂ© le restaurant  » Les 3 Brigands de Di Napoli », rue St-Etienne. ( Mon article Lille-Jour 1 )

 

Dans le quartier St-Maurice.

 

 

 

 

C’est le journal qui m’a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© comme Ă©tant celui de rĂ©fĂ©rence concernant Lille.

 

A la Vieille Bourse de Lille.

 

A portée de voix de la place du Général de Gaulle.

 

 

Le long du quai du Wault.

 

Le Quai du Wault avec le coup d’oeil du soleil.

 

Un documentaire vu Ă  Paris avant notre dĂ©part pour Lille. J’espĂšre le chroniquer bientĂŽt ainsi que  Le Chant de la ForĂȘt et  Parasite.

 

Un incontournable. Je n’en n’avais jamais mangĂ©.

 

AprĂšs ĂȘtre descendus au terminus de la ligne 1 du mĂ©tro ( arrĂȘt CHU-EurasantĂ©), nous avons pris un car ( frĂ©quence : environ un car par heure). Vingt minutes plus tard, ce car ( le 229) nous a dĂ©posĂ© prĂšs du parc Mosaic. ConstituĂ© d’aires ludiques pour les enfants et les familles, le parc Mosaic aspire au rassemblement des cultures, Ă  la (re)connaissance de la nature ainsi qu’aux bienfaits de l’Ă©cologie. Nous sommes alors Ă  une dizaine de kilomĂštres de Lille. Les trois photos suivantes ont Ă©tĂ© prises au parc Mosaic.

 

 

 

 

 

 

 

 

Franck Unimon, ce jeudi 18 juillet 2019.

 

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PremiĂšres impressions lilloises

 

 

 

 

 

          PremiÚres impressions lilloises

 

 

Hier en dĂ©but d’aprĂšs-midi, nous venions de descendre du TGV Ă  la gare de Lille-Europe lorsque nous sommes passĂ©s Ă  cĂŽtĂ© d’une file de gens. Ils attendaient pour partir Ă  Londres. La proximitĂ© de Lille avec Londres a aussitĂŽt Ă©tĂ© trĂšs concrĂšte. Un employĂ© de la gare, un noir en tenue de vigile portant chasuble orange, s’assurait que tout le monde Ă©tait bien dans la file. L’ambiance Ă©tait dĂ©tendue. Ces personnes dans la file d’attente, cela aurait pu ĂȘtre nous souhaitant effectuer un sĂ©jour Ă  Londres.

 

Quelques mĂštres plus loin, ce sont deux hommes de mĂ©nage « barbus » qui nous ont confirmĂ© la sortie Ă  prendre pour nous rendre dans le centre-ville. L’un des deux, montĂ© sur son vĂ©hicule de nettoyage, nous a obligeamment renseignĂ©.

 

AprĂšs avoir dĂ©jeunĂ© au restaurant Les 3 Brigands de Napoli, nous avons marchĂ© jusqu’au logement que nous avons louĂ© pour ces quelques jours Ă  Lille. Le tĂ©lĂ©phone de ma compagne indiquait :

« Trente et une minutes de marche ». Aller dans le centre-ville nous avait éloigné.

« A dix minutes de la gare Lille-Europe » affirmait sur le site la premiĂšre annonce de notre « logeur ». Mais je suis tombĂ© sur une autre annonce nous informant que nous Ă©tions Ă  « Quinze minutes de la gare Lille-Europe ». Sourire complice de ma compagne en l’apprenant :

Il est plus attractif de présenter son appartement à dix minutes.

En revenant sur nos pas, nous sommes passĂ©s par la rue Pierre Mauroy. ParticularitĂ© lilloise. DĂ©couvrir ce nom de rue m’a rappelĂ© les premiĂšres annĂ©es euphoriques du gouvernement socialiste entre 1981 et 1983. Pierre Mauroy, alors Premier Ministre de François Mitterand, Ă©tait Ă©galement maire de Lille ( il l’a Ă©tĂ© de 1973 Ă  2001).

Le TGV est « arrivĂ© » Ă  Lille en 1993. NĂ©anmoins, pendant des annĂ©es, cette ville a Ă©tĂ© uniquement un nom pour moi. Une ville connue pour sa Grande Braderie que je ne connais pas. En 1993, j’étais sans doute encore trop sĂ©duit par le sud de la France comme, plus jeune, on peut Ă©galement ĂȘtre fascinĂ© par New-York et les Etats-Unis au dĂ©triment du reste du monde. J’étais aussi davantage attirĂ© par un pays comme l’Ecosse oĂč j’avais effectuĂ© un premier sĂ©jour en 1990.

Martine Aubry, l’ancienne Ministre, m’évoquait aussi Lille. Mais si Pierre Mauroy m’avait d’abord inspirĂ© une certaine sympathie puis l’image d’un homme politique dĂ©passĂ©, Martine Aubry, elle, bien qu’étant la Ministre des « 35 heures » me laissait l’impression d’une politicienne autoritaire, de plus en plus isolĂ©e, et aigrie. Bien-sĂ»r, je crois qu’il est assez rare que la personnalitĂ© d’une figure politique d’un pays ou d’une rĂ©gion incite Ă  venir y faire du tourisme.

Lille est nĂ©anmoins devenue une personne frĂ©quentable il y’a bientĂŽt une vingtaine d’annĂ©es : Une collĂšgue-amie venait de cette ville et, tous les week-end, pratiquement, celle-ci retournait dans son bercail lillois. Les Champs ElysĂ©es et Lille semblaient alors ĂȘtre les principales attaches de sa vie. Les Champs ElysĂ©es/ Lille, Lille/ Les Champs ElysĂ©es. Aujourd’hui, et depuis des annĂ©es, je crois qu’elle s’est un peu guĂ©rie de cette folie.

On comprend un peu mieux une personne en voyant oĂč elle habite.

Je n’ai pas vu grand chose de Lille. Mais c’est ce que je me suis dit hier en marchant dans certaines rues de Lille Ă  notre arrivĂ©e. Ces maisons de ville et ces petits bĂątiments que nous avons aperçus m’ont rappelĂ© ce passĂ© « ouvrier » de Lille. MĂȘme si cette architecture peut dĂ©jĂ  faire penser Ă  certains quartiers anglais oĂč peut subsister, aussi, un certain passĂ© ouvrier. Non loin de lĂ  oĂč nous sommes logĂ©s se trouve la rue de la Briqueterie. Ce monde fait de briques Ă©voque celui de l’ouvrier.

Je m’étais dĂ©ja fait cette mĂȘme remarque la veille, ce dimanche 14 juillet, en plein Paris :

 

On comprend un peu mieux une personne en voyant oĂč elle habite.

 

 

 

Le métro nous met à cinq minutes du centre-ville de Lille.

 

 

 

Ce dimanche 14 juillet, Ă  Paris, pour le travail, j’étais parti faire quelques courses. Un peu de nourriture pour « amĂ©liorer l’ordinaire », des cigarettes ainsi que le journal Les Ă©chos pour un patient-client. Il faisait beau lorsque j’étais sorti du service oĂč j’effectuais un remplacement. En passant, j’ai regardĂ© certaines de ces personnes attablĂ©es, avenue des Ternes, avenue de la Grande ArmĂ©e, prĂšs du Palais des CongrĂšs et de la Porte Maillot. RĂ©sident de Nanterre durant mes dix sept premiĂšres annĂ©es, j’ai toujours vĂ©cu en banlieue parisienne. J’ai eu peur de m’installer Ă  Paris lorsque cela aurait Ă©tĂ©- plus facilement- dans mes moyens financiers vingt ans plus tĂŽt. A cette Ă©poque, pour un primo-accĂ©dant Ă  la propriĂ©tĂ© en rĂ©gion parisienne, la norme Ă©tait d’obtenir un crĂ©dit immobilier intĂ©gral ( sans apport) de 15 Ă  20 ans. Et on Ă©tait ( trĂšs) content lorsque l’on obtenait un prĂȘt immobilier Ă  un taux fixe de 3,5% ou 4% hors assurance.  Mais j’ai Ă©tĂ© trop timorĂ©. J’ai peut-ĂȘtre manquĂ© de perspectives. J’ai aussi cru que j’allais me noyer au milieu de trop de perspectives. J’étais sĂ»rement trop prisonnier du ballet de certaines idĂ©es et de certaines craintes comme de celui de certains devoirs aussi. Je suis restĂ© dans cet environnement que je connaissais depuis mon enfance : la banlieue parisienne. Il y’avait et il y’a – aussi- heureusement, des bons cĂŽtĂ©s dans ce lieu de rĂ©sidence. Mais disons que vivre en banlieue parisienne, selon l’endroit oĂč l’on habite, c’est un peu plus prendre le risque d’ĂȘtre dĂ©favorisĂ© pour accĂ©der aux soins, Ă  de bonnes Ă©tudes ou Ă  de bons moyens de transport : pendant une vingtaine d’annĂ©es, j’ai Ă©tĂ© tributaire de la ligne A du RER pour me dĂ©placer de Cergy-Pontoise Ă  Paris. Plusieurs fois, j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de voir passer devant moi plus de RER Ă  destination de la ville de St-Germain en Laye, une ville pourtant plus proche et sans doute moins peuplĂ©e que les villes de Cergy-PrĂ©fecture, Cergy-St-Christophe ou Cergy-Le-Haut qui me concernaient.

 

 

Le 17Ăšme arrondissement de Paris est un lieu gĂ©ographique assez proche d’Argenteuil, la ville de banlieue- considĂ©rĂ©e comme « populaire » voire assez « pauvre »- oĂč j’habite dĂ©sormais. Mais ce 14 juillet, en regardant un certain nombre de ces personnes croisĂ©es dans le 17Ăšme arrondissement, en terrasse au restaurant , au cafĂ©, ou devant ces immeubles de « prestige », dans un certain cadre de vie plutĂŽt privilĂ©giĂ©, je me suis dit qu’il leur Ă©tait sĂ»rement impossible et impensable d’imaginer ce que peut ĂȘtre la vie vue de certains endroits de banlieue pourtant proches. Je me suis aussi dit que pour certaines de ces personnes, la vie en banlieue est un lieu de perdition sociale et morale. Et, pourquoi pas, mentale !

Gilets jaunes et gilets noirs Ă©taient peut-ĂȘtre pour quelques uns assez semblables Ă  des aborigĂšnes d’Australie ou Ă  des Indiens d’AmĂ©rique consignĂ©s dans des rĂ©serves Ă©loignĂ©es pour raisons sanitaires Ă  des milliers de kilomĂštres de lĂ . Bien-sĂ»r, mon avis, ici, est lapidaire et manque de nuance : on peut ĂȘtre riche, privilĂ©giĂ© ou sembler l’ĂȘtre, ĂȘtre au courant des mouvements sociaux de son quartier, sa rĂ©gion ou de son pays et se sentir parfaitement impuissant devant eux comme devant leurs causes.

On peut aussi ĂȘtre riche, privilĂ©giĂ© ou sembler l’ĂȘtre et militer activement – bien plus activement que moi- pour que le monde change et Ă©volue.

On peut aussi ĂȘtre riche, privilĂ©giĂ© ou sembler l’ĂȘtre, et tout autant souffrir intĂ©rieurement de sĂ©vĂšres dĂ©boires personnels ou familiaux . Le Dr Tempura nous l’avait dit il y’a plusieurs annĂ©es. Et cela est avĂ©rĂ©.

Parmi ces personnes attablĂ©es tranquillement ce 14 juillet, deux ou trois hommes portaient une kippa. Je me suis demandĂ© la raison pour laquelle ils la portaient dans un espace public : Auparavant, lorsque certaines tensions communautaires Ă©taient « moins » vives, avant le 11 septembre 2001, avant les attentats de l’Hyper Cacher et « de » Charlie Hebdo, avant les meurtres de M.M
 , avant le Gang des barbares et la mort d’Ilan Halimi, je ne me serais pas posĂ© cette question. Mais, lĂ , ce 14 juillet 2019, je me suis demandĂ© si ces hommes portaient leur kippa car quelqu’un de leur famille avait servi la France durant la Guerre. Ou si c’était pour honorer l’Histoire de leur famille d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale depuis les premiers pogroms dont des juifs avaient pu ĂȘtre victimes en passant – comme s’il Ă©tait possible de passer dessus- par la shoah jusqu’à la crĂ©ation de l’Etat d’IsraĂ«l. Je me suis demandĂ©, si, pour ces hommes, porter la kippa ouvertement, revenait au mĂȘme que, pour des Noirs, lever le poing serrĂ©, recouvert d’un gant noir, du « Black Power ». Sauf que nous Ă©tions dans le 17 Ăšme arrondissement, quartier de Paris- et de France- plutĂŽt privilĂ©giĂ©, dĂ©tendu et agrĂ©able, et trĂšs diffĂ©rent d’autres quartiers de Paris et d’ailleurs oĂč dĂ©sert et misĂšre s’associent et se meurtrissent.

 

On peut s’en dire des choses, hein, en effectuant un petit sĂ©jour touristique comme moi Ă  Lille. Je vais me reprendre. Il est 9h10 ce matin. Notre rĂ©sidence est calme. MĂȘme si, tout Ă  l’heure, ma compagne m’a demandĂ© :

« Tu n’as pas entendu le bruit, cette nuit ? Quatre Boum-Boum. Comme si quelqu’un avait tirĂ© avec un fusil ? ». Non, je n’ai rien entendu cette nuit. Notre « rĂ©sidence » est calme.

 

A part, quelques fois, des personnes qui passent dans le couloir devant l’appartement, nous avons entendu notre premiĂšre voiture ce matin vers 8 heures. Chez nous, Ă  Argenteuil, lors de la victoire de l’AlgĂ©rie Ă  la Coupe d’Afrique de Football, quelques jours plus tĂŽt, nous avions eu droit Ă  des cris d’allĂ©gresse et des coups de klaxon en pleine nuit en bas de chez nous. Et mĂȘme sans match de Foot, nous avons assez rĂ©guliĂšrement l’honneur de profiter des goĂ»ts musicaux d’un automobiliste arrĂȘtĂ© au feu rouge. Ou de la joie de futurs mariĂ©s et de leurs invitĂ©s Ă©galement vĂ©hiculĂ©s. Il est nĂ©anmoins bien des endroits calmes Ă  Argenteuil.

Non, cette nuit, je n’ai rien entendu.

Par contre, ce matin, j’ai bien entendu ma fille me reprocher Ă  nouveau d’ĂȘtre devant mon ordinateur et de ne pas pouvoir venir s’asseoir sur mes genoux. Et pourquoi j’écris ?!

Je l’ai aidĂ©e Ă  s’asseoir sur mes genoux et je lui ai expliquĂ© :

« Parce qu’au fur et Ă  mesure de notre voyage, nous allons oublier des choses. C’est vrai que tu me vois souvent en train d’écrire avec mon ordinateur. Mais ça ne m’empĂȘchera pas d’ĂȘtre avec toi et avec maman ». Je me suis alors tournĂ© vers ma compagne qui m’a demandĂ©  :

« Pourquoi tu me regardes ? ». Je me suis à nouveau adressé à notre fille :

« Et toi, qu’est-ce que tu as remarquĂ© depuis que nous sommes arrivĂ©s Ă  Lille hier ? Qu’est-ce qui t’a plu ? ». Ma fille a rĂ©flĂ©chi. Elle se souvient d’avoir vu des statues

 

( je le lui ai soufflĂ©), un petit chien qui aboyait ( je n’ai pas pris de photo du petit chien) . Et, elle trouve que les maisons sont jolies.

Je me fais assez peu d’illusions : ma fille va sĂ»rement se souvenir que lors de notre sĂ©jour Ă  Lille, je passais –tout- mon temps Ă  Ă©crire sur mon ordinateur. Peu importent ces moments que je passerai avec elle et sa mĂšre loin de mon ordinateur et de mes photos et de mes mots. C’est comme ça que ça marche : entre nous et nos enfants. Entre nous et nos parents. Et entre nos enfants et nous.

 

MĂȘme s’il est sĂ»rement moins frĂ©quentĂ©- et un peu plus Ă©troit- que le mĂ©tro parisien, nous avons pris le mĂ©tro lillois Ă  une heure creuse.

 

 

 

« La Voix du Nord ». Cette « phrase » m’intriguait. Je pressentais qu’elle avait une importance particuliĂšre mais je ne trouvais pas. Ma compagne a eu la bonne intuition : La voix du Nord, c’Ă©tait sans doute celle Charles De Gaulle pendant la Seconde Guerre Mondiale. Nous sommes sur la place GĂ©nĂ©ral De Gaulle.

 

Un copain de mon club d’apnĂ©e m’avait parlĂ© de cette enseigne pour ses gaufres. L’enseigne MĂ©ert qui est un des incontournables Ă  Lille. C’est ce qu’il m’a dit il y’a environ deux semaines. J’avais oubliĂ© le nom de cette enseigne et puis nous sommes passĂ©s devant. A la bonne heure. Pas de queue. Rien qu’Ă  la façon d’y entrer, on comprend que l’on est dans un lieu « sĂ©lect » et quelque peu feutrĂ©. Bon, ils ne prennent pas les chĂšques vacances ( j’ai eu besoin de demander) mais ils acceptent les tickets restaurant. J’ai prĂ©fĂ©rĂ© m’acheter une brioche. Mais le bout de gaufre que m’a tendu par ma compagne Ă©tait bon.

 

 

 

 

 

 

Hier en arrivant Ă  Lille, nous avons optĂ© pour la simplicitĂ© en allant acheter du pain Ă  la boulangerie la plus proche de notre « logement ». En apercevant les baguettes de pain, j’ai dĂ» me rendre Ă  l’Ă©vidence : dĂšs le lendemain, nous achĂšterions du pain ailleurs. « Ailleurs », c’Ă©tait aujourd’hui et c’est dans la boulangerie d’Alex Croquet pas trĂšs loin de l’enseigne MĂ©ert. Il y’a d’autres bonnes boulangeries mais c’est la premiĂšre sur laquelle nous sommes tombĂ©s ce matin en arrivant dans le centre-ville.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A Lille, je m’attendais Ă  uniquement du bĂ©ton. Et nous arrivons lĂ  Ă  environ dix-quinze minutes Ă  pied du centre-ville.

 

 

Je me sens obligĂ© de rappeler que nous sommes venus lĂ  un jour de semaine Ă  une heure oĂč la majoritĂ© des gens est encore au travail. MĂȘme si nous avons croisĂ© quelques coureuses et coureurs ainsi que quelques promeneurs.

 

 

 

 

 

De retour dans le centre-ville, notre déjeuner fut moins vertueux que sur cette photo.

 

 

 

 

 

Une installation faite de « soleils » se tient à la vieille bourse de Lille.

 

 

Un endroit agrĂ©able et Ă©tonnant oĂč tous les jours, de 13h Ă  19h, sauf les lundis, se tiennent des puces ( affiches de films, dvds, livres, bandes dessinĂ©es, magazines, vinyles…).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Franck Unimon, ce mardi 16 juillet 2019.

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Voyage

Lille-Jour 1

Lille-Jour 1

 

« Vous avez Google Maps sur votre téléphone ? ».

 

J’aimerais un jour retourner au Japon. Un collĂšgue m’a ramenĂ© ce thĂ© vert du Japon rĂ©cemment.

 

Nous sommes arrivĂ©s Ă  Lille depuis une quinzaine de minutes et prĂšs de l’OpĂ©ra de Lille, je viens d’accoster deux jeunes en pleine croissance. C’est tout un Ă©tat d’esprit que d’aborder quelqu’un dans la rue afin de lui demander un renseignement. Je le fais encore souvent. Peu importe « l’aide » que nous apportent les nouvelles technologies. Si en voiture, je me laisser volontiers tĂ©lĂ©guider par une boite vocale, piĂ©ton, je recommence Ă  m’adresser aux inconnus que je croise. C’est peut-ĂȘtre une maladie qui sera un jour diagnostiquĂ©e. Car, bien-sĂ»r, Ă  chaque fois, au prĂ©alable, je m’improvise directeur de casting et effectue une « sĂ©lection » avant d’entrer en contact avec l’atmosphĂšre de l’autre : Car Il s’agit d’essayer de deviner Ă  la fois celle ou celui, ou ceux, qui seront susceptibles de se rendre disponibles. Et « compĂ©tents ».

 

Evidemment, en pratique, le taux de rĂ©ussite du premier coup varie beaucoup. Car on « trouve » de tout. Celle ou celui qui n’est pas du coin. Celle ou celui qui est malvoyant et sourd. Celle ou celui qui vous ignore. Celle ou celui qui est du coin mais qui ne connaĂźt pas la rue ou le lieu que vous recherchez. Ce qui est, je crois, de plus en plus frĂ©quent Ă  mesure que l’on se fie aux nouvelles technologies et sans doute au fait, aussi, que l’on s’enferme vite dans les mĂȘmes itinĂ©raires. Nos dĂ©placements sont aussi nos tours d’ivoire. Et, peu Ă  peu, nous regardons peu ou de moins en moins ce qui nous entoure. Finalement. Ne serait-ce que dans un magasin et dans bon nombre d’autres espaces que nous empruntons (les gares par exemple) oĂč notre regard est souvent horizontal et paramĂ©trĂ© par notre but Ă  atteindre et notre obsession de « l’efficacitĂ© ». Tels des joueurs de foot ou de tennis obnubilĂ©s par le camp adverse et le fait de trouver les moyens les plus habiles pour y accĂ©der.

 

Avant de m’adresser Ă  ces deux jeunes, j’ai dĂ©jĂ  questionnĂ© une personne et un couple. Le couple m’a rĂ©pondu ne pas ĂȘtre de la rĂ©gion. Une jeune femme au profil d’étudiante portant des lunettes et un sac de soldes a fait de son mieux pour me rĂ©pondre. Son manque d’assurance m’a Ă©tonnĂ©. M’indiquant un point gĂ©ographique au loin, elle m’a dit que j’aurais peut-ĂȘtre plus de chance en allant par lĂ . C’est en allant « par lĂ  », Ă  une centaine de mĂštres, suivi de ma compagne et de notre fille, que nous sommes arrivĂ©s sur la Grande Place dont, pour l’heure, je n’ai pas encore pris le temps de retenir le nom( la place De-Gaulle). Mais je me souviens de « la Voix du Nord ». Du restaurant Alcide, je crois. De noms de magasins dĂ©sormais rĂ©pandus partout. Et de quelques terrasses oĂč des personnes dĂ©jeunaient. Et d’autres commerces plus loin.

DĂ©jĂ , je crois, j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de voir aussi facilement des agences de la Banque Postale. Mais ce n’est pas de ça dont j’ai conversĂ© avec les deux jeunes.

 

Les deux jeunes devaient avoir dans la quinzaine et me dĂ©passaient de deux bonnes tĂȘtes. Longilignes, bien Ă©duquĂ©s, ils ont eu l’air de se demander ce qui leur arrivait lorsque je les ai sollicitĂ©s. Il doit ĂȘtre rare qu’un adulte leur demande ce genre d’information. Ils semblaient Ă  la fois un peu pressĂ©s mais aussi dĂ©sireux de rendre service tout en Ă©tant dĂ©sarmĂ©s. J’ai rajoutĂ© un peu de pression en prĂ©cisant : « Surtout pas un Mac Donald ! ». Devant la tĂȘte un peu surprise d’un des deux jeunes, j’ai alors ajoutĂ© : « Vous voyez, les clichĂ©s
 ».

Non, non, m’ont-ils assurĂ©, ils n’étaient pas si pressĂ©s que ça. Et puis, un des deux a pensĂ© Ă  ce restaurant-pizzeria :

Les 3 Brigands di Napoli. Mais comment me dire oĂč ça se trouvait ? Cela semblait assez loin. A une bonne dizaine de minutes. L’autre jeune m’a demandĂ© :

« Vous n’avez pas Google Maps sur votre tĂ©lĂ©phone ? ». J’ai rĂ©pondu : « Si, mais mon tĂ©lĂ©phone est Ă©teint ». Puis, celui qui avait suggĂ©rĂ© l’idĂ©e a localisĂ© le restaurant sur son tĂ©lĂ©phone portable. Le restaurant se trouvait
.Ă  une minute. Mais il ne pouvait pas bien le situer. A part le fait qu’il fallait tourner Ă  droite sur la place et qu’il se trouvait dans une « petite rue ».

 

J’ai ensuite demandĂ© Ă  deux ou trois personnes oĂč se trouvait le restaurant Les 3 Brigands di Napoli. Une dame d’une soixantaine d’annĂ©es s’est mise Ă  rire lorsqu’elle a entendu le nom du restaurant. Comme si c’était une blague et aussi parce qu’il n’y’avait aucune chance pour qu’elle connaisse ce genre d’endroit. Un jeune couple Ă©tait volontaire pour me rĂ©pondre. Mais il s’est trĂšs vite dĂ©couragĂ©. Alors, j’ai continuĂ© Ă  marcher dans la direction supposĂ©e. J’étais Ă  la fois concernĂ© par ma compagne et ma fille qui suivaient quelques mĂštres derriĂšre moi car il Ă©tait un peu plus de 13h30 et nous avions encore nos bagages. Nous marchions depuis prĂšs d’une vingtaine de minutes. D’un autre cĂŽtĂ©, et mon meilleur ami Driss pourrait en tĂ©moigner en souvenir de notre sĂ©jour en Yougoslavie en 1989, je puis par moments marcher sans que le temps pĂ©nĂštre mes pensĂ©es. Comme un fou.

Mais j’ai trouvĂ© la petite rue assez vite. En moins de cinq minutes. J’ai aperçu l’enseigne dans la rue St-Etienne, je crois. L’endroit nous a tout de suite convenus.

 

 

C’Ă©tait trĂšs bien car  je voulais Ă©viter la nasse Ă  touristes ainsi que le rĂ©servoir de Junk food.

Par ailleurs, nous sommes arrivĂ©s Ă  la bonne heure car j’ai peu de mal Ă  croire que Les 3 Brigands di Napoli marche bien question affluence.

 

 

 

Nous avons Ă©tĂ© trĂšs bien reçus dans un restaurant calme comportant quelques clients. Un musicien ( peut-ĂȘtre un saxophoniste) est venu dĂ©jeuner Ă  cĂŽtĂ© de nous quelques plus tard. Il a dĂ©posĂ© l’étui rigide de son instrument prĂšs de lui et a souri en voyant notre fille s’amuser sous la table Ă  la fin du repas.

 

Merci Ă  ces deux jeunes de nous avoir conseillĂ© cet endroit. Et merci Ă  ma compagne et Ă  ma fille de m’avoir suivi.

 

Franck Unimon, ce lundi 15 juillet 2019

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Cinéma Moon France

Kassav’

 

 

Kassav’ un documentaire de Benjamin Marquet

En replay sur FR3 jusqu’au 29 juillet 2019.

 

« L’histoire de Kassav’, c’est l’histoire du groupe français le plus connu au monde » commente le narrateur Thierry Desroses. Le documentaire a alors dĂ©butĂ© depuis une minute et trois secondes. Il dure un peu moins d’une heure vingt pour dĂ©crire plus de quarante ans de musique et de conscience.

Car la musique de Kassav’, le Zouk, est une musique dansante et consciente. Moins frontale politiquement que le Reggae qui est au dĂ©part une musique militante ( comme rappelĂ© dans le bon « documentaire » Inna de Yard de Peter Webber en salles depuis ce 10 juillet 2019) , le Zouk de Kassav’ comporte aussi des chroniques du quotidien des Antilles françaises. A l’opposĂ© d’un groupe comme La Compagnie crĂ©ole un tout petit peu critiquĂ© dans le documentaire Kassav’ de Benjamin Marquet. L’artiste Francky Vincent aussi (trĂšs) connu en France pour ses chansons « lĂ©gĂšres » n’est pas mentionnĂ© dans le documentaire. Cependant, aux cĂŽtĂ©s de certains des titres « charnels » de Francky Vincent, je me souviens d’un de ses titres oĂč il dĂ©nonçait le droit de cuissage au travail dans les annĂ©es 80. Je ne me rappelle pas que La Compagnie CrĂ©ole ait abordĂ© ces thĂšmes dans ses tubes :

 

« Le droit de cuissage au travail, c’est bon, bon ! Bon, bon ! C’est bon, pour le moral ! ».

 

Je ne crois pas un instant que La Compagnie CrĂ©ole ait interprĂ©tĂ© ce genre de chanson. Le documentaire de Benjamin Marquet, lui, rappelle, qu’au dĂ©part, le groupe Kassav’ vient de la volontĂ© d’un homme, Pierre-Edouard DĂ©cimus
et des « Vikings ».

Pierre-Edouard DĂ©cimus, c’est le frĂšre aĂźnĂ© de Georges DĂ©cimus. Georges DĂ©cimus, c’est le bassiste d’origine de Kassav’ qui s’est Ă©clipsĂ© pendant quelques annĂ©es pour crĂ©er le groupe trĂšs populaire Volt-Face (aucun lien parental avec le film de John Woo ) puis qui est revenu Ă  Kassav’. Avant Kassav’, Pierre-Edouard DĂ©cimus jouait dans le groupe Les Vikings. Le nom de ce groupe de musique antillaise peut faire sourire :

Les Vikings annoncent des grands blonds aux cheveux lunatiques ou la figure divine de Thor pour les adeptes des comics et des mythologies scandinaves. Ce nom de groupe de musique antillaise oblige Ă  voir une certaine contradiction chez l’Antillais :

L’Antillais « susceptible » est ce personnage dĂ©plaisant qui, sans prĂ©venir, entre Ti-Punch et accra, peut vous rappeler l’humiliation d’avoir Ă©tĂ© obligĂ© d’apprendre l’Histoire « de nos ancĂȘtres, les Gaulois » comme de subir couramment dĂ©tournement ou dĂ©lit de faciĂšs et bavure policiĂšre. Ainsi, lors du documentaire, Elie Domota de l’UGTG, prĂ©sentĂ© comme « syndicaliste » (et non comme indĂ©pendantiste), se rappelle, enfant, avoir entendu quotidiennement la Marseillaise sur Radio Guadeloupe alors que son pĂšre allait partir au travail. Et, ce, dĂšs quatre heures cinquante du matin. Tandis qu’en France, le chant de la Marseillaise s’était depuis longtemps Ă©teint sur les ondes radiophoniques Ă  la mĂȘme Ă©poque nous apprend-il :

Elie Domota a pris soin de le vĂ©rifier plus tard auprĂšs de ses camarades croisĂ©s lors de ses Ă©tudes dans l’Hexagone. En Ă©coutant Elie Domota se remĂ©morer cette expĂ©rience, on comprend que celle-ci, cumulĂ©e Ă  d’autres pendant des annĂ©es, a beaucoup contribuĂ© Ă  (re)gĂ©nĂ©rer son instinct militant.

Mais le groupe Les Vikings, dont Pierre-Edouard DĂ©cimus est issu, et envers lequel il exprime toujours sa pleine reconnaissance dans ce documentaire, Ă©tait un groupe musicalement novateur aux Antilles. Jacques-Marie Basses, compositeur, fait partie de la vingtaine d’intervenants de ce documentaire. DerriĂšre lui, on peut voir une affiche montrant Miles Davis sur ses derniĂšres annĂ©es quand qu’il dĂ©clare :

« Les Vikings, ça n’avait dĂ©jĂ  rien Ă  voir avec ce qu’on pouvait appeler les orchestres de bal ».

 

Le groupe Les Vikings s’est reformĂ© il y’ a un ou deux ans et j’ai lu de trĂšs bonnes critiques sur lui. J’en parlerai peut-ĂȘtre un peu plus dans un autre article. Le batteur Christian PazĂ©, aujourd’hui dĂ©cĂ©dĂ©, un ami rencontrĂ© dans sa boutique consacrĂ©e Ă  la musique dans la commune de Ste-Rose, m’avait donnĂ© l’occasion de rencontrer au moins deux des musiciens du groupe Les Vikings :

Camille Sopran’n et Guy Jacquet.

C’était il y’a une bonne dizaine d’annĂ©es lors d’un de mes sĂ©jours en Guadeloupe. Je me doute que pour eux, j’ai Ă©tĂ© une rencontre parallĂšle-et oubliĂ©e- parmi tant d’autres d’autant que je ne suis pas musicien. Mais pour les avoir approchĂ©s et avoir un peu discutĂ© avec eux, je peux affirmer qu’ils avaient bien conscience de leur histoire comme de leurs origines.

Si la musique, c’est allier les morts et les vivants, parmi les morts se trouve VĂ©lo – Marcel Lollia dit VĂ©lo– MaĂźtre Ka. Un de mes cousins Ă©loignĂ©s, dĂ©cĂ©dĂ© dans le district des annĂ©es 80 ( le 5 juin 1984 Ă  52 ans), jamais rencontrĂ©, dont mon pĂšre m’avait un peu parlĂ©, et dont l’influence sur Kassav’ est signalĂ©e dans le documentaire. Ce documentaire sur la carriĂšre de Kassav’ est bien sĂ»r le fait de personnes encore bien vivantes. A moins que ces personnes ne fassent partie de ces Ă©toiles aujourd’hui disparues alors que leurs Ă©clats et leurs dĂ©cibels nous arrivent et nous sauvent. Parmi les tĂ©moins, vivants ou semblant l’ĂȘtre, de ce documentaire, donc, des musiciens reconnus et d’autres qui le sont moins :

Nile Rodgers est le premier tĂ©moin. Nile Rodgers, pour les plus jeunes, fera penser au groupe Daft Punk. Leur collaboration avait fait beaucoup parler il y’a deux ou trois ans. Mais Nile Rodgers, c’est d’abord le groupe Chic. Suivent Eric Virgal ( grand artiste antillais), Youssou N’Dour, Eduardo Paim, Wyclef Jean, Peter Gabriel, Rudy Benjamin, Manu Dibango, Pierre-Edouard DĂ©cimus, Philippe Conrath ( fondateur du festival Africolor mais aussi directeur du label Cobalt qui produit entre-autres les artistes de maloya Ann O’Aro et Danyel Waro), Danielle RenĂ© Corail, Manu KatchĂ©, Michel Fayad ( conservateur du musĂ©e Martinique), Jacques-Marie Basses ( artiste), Marcus Miller, Miles Davis ( archives), Aldo Middleton ( Maitre Ka), Erick Cosaque ( Maitre Ka), Elie Domota ( « Syndicaliste » UGTG), Fanfan du groupe Tabou Combo, Alpha Blondy, OphĂ©lia ( chanteuse de la Dominique et, entre-autres, du titre AĂŻe Dominique que j’ai pu Ă©couter Ă  la maison, Ă  Nanterre, quand j’étais prĂ©-adolescent), Bob Sinclar, Henri de Bodinat ( directeur de Sony France de 1985 Ă  1994), les Soroptimists d’Abidjan, Daniel Bamba Cheick ( Haut fonctionnaire ivoirien)
.

Pour Miles Davis (dĂ©cĂ©dĂ© en 1991), le Zouk de Kassav’ :

«(….) ça sonne Afro-Cubain mais ils ( Kassav’) mettent de la Samba et de la Rumba ensemble et des Beat africains et du Rock contemporain. Ça sonne bien ». Et Miles de dire dans ces archives qu’il a parlĂ© de leur musique Ă  Marcus Miller (compositeur, entre-autres, de ses derniers albums) afin que celui-ci s’en inspire ( pour l’album Amandla, dernier album studio enregistrĂ© par Miles de son vivant en 1989 ).

Eric Cosaque, Maitre Ka, parle CrĂ©ole lorsqu’il explique :

« La base de Kassav’, c’est le Gro-Ka et le gros Tambour qui Ă©tait la musique du peuple. Il faut aussi reconnaĂźtre la modernitĂ© des instruments. Ça permet aussi de ne pas rester figĂ©s ».

Devant un tel intĂ©rĂȘt manifestĂ© envers la musique de Kassav’, on pourrait se dire que le succĂšs de Kassav’ Ă©tait Ă©vident dans les annĂ©es 80. Pierre-Edouard DĂ©cimus rappelle tranquillement qu’avant le premier concert de Kassav’ au ZĂ©nith en 1985 :

« (
.) Les professionnels du show business français ( comprendre : « Blancs ») nous disaient :

« Mais ça ne peut pas marcher
.il n’y’a personne ( traduction : « Pas d’Antillais et pas de public- noir et autre- dĂ©sireux de se rendre au premier concert de Kassav’ au ZĂ©nith Ă  Paris) Ă  Paris. Nous, on avait la conviction que le public de Kassav’ Ă©tait Ă  Paris ».

 

En 2019, trente quatre ans plus tard, il est bien-sĂ»r trĂšs facile a posteriori de s’étonner de la cĂ©citĂ© de certains des dĂ©cideurs et professionnels culturels de 1985. Car quelques indices auraient pu ou auraient dĂ» leur faire pressentir le succĂšs possible d’un groupe comme Kassav’:

Si le film Black Mic-Mac de Thomas Gilou sortira un an plus tard ( en 1986) en 1983, soit deux ans plus tĂŽt, Euzhan Palcy rĂ©alisait le film Rue Cases-NĂšgres d’aprĂšs le roman de Joseph Zobel. Le film Rue Cases-NĂšgres, dont l’histoire dĂ©bute dans les annĂ©e 1930 ne parle pas de Zouk directement ou explicitement. Mais le film Rue Cases-NĂšgres aborde ouvertement devant la France nouvellement socialiste ( depuis 1981) du prĂ©sident François Mitterrand  les thĂšmes de l’esclavage, de l’identitĂ© antillaise et d’un fort dĂ©sir d’ascension sociale et culturelle.

AurĂ©olĂ© du soutien de François Truffaut ( dĂ©cĂ©dĂ© en octobre 1984) et de l’obtention de divers prix (CĂ©sar en 1984 de la Meilleure premiĂšre Ɠuvre, Lion D’Argent pour la meilleure premiĂšre Ɠuvre Ă  la 40 Ăšme Mostra de Venise
), le film Rue Cases-NĂšgres connaĂźt alors un succĂšs critique ainsi qu’un certain succĂšs public au moins auprĂšs du public antillais. Et des dĂ©cideurs et professionnels culturels un petit peu curieux de ce succĂšs ou « avant-gardistes », auraient pu ou auraient dĂ» prendre le temps de dĂ©couvrir et de prendre le pouls de cette Ɠuvre ainsi que de ce public et « voir » en un groupe comme Kassav’ un groupe prometteur ou digne d’intĂ©rĂȘt. Car, finalement, Kassav’ s’est rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre la jonction entre Rue Cases-NĂšgres, l’Histoire qui la prĂ©cĂšde (donc l’Histoire de l’Afrique et de l’esclavage) et le quotidien des Antillais et des Africains que ce soit au pays, exilĂ©s en mĂ©tropole ou de par le monde.

Concernant l’histoire de Kassav’, malgrĂ© ces ratĂ©s de dĂ©part en termes de promotion, la consolation est double car elle impose Ă  nouveau des faits vĂ©rifiĂ©s ailleurs :

1) Certains groupes, artistes ou Ɠuvres, surgissent au moment adĂ©quat lorsque la maturitĂ© de leur art concorde avec celle de leur Ă©poque et de leur public. La rencontre entre les diffĂ©rentes parties est alors aussi inĂ©luctable qu’un coup de foudre entre diffĂ©rentes piĂšces du mĂȘme puzzle.

2 ) Si l’on peut suspecter un mĂ©pris Ă  caractĂšre raciste de certains promoteurs Ă  l’époque du premier ZĂ©nith de Kassav’, il est nĂ©anmoins beaucoup d’autres histoires de carriĂšres d’artistes et d’entreprises bloquĂ©es, sous-estimĂ©es ou freinĂ©es du fait de l’incurie ou de mauvais choix de spĂ©cialistes dĂ©signĂ©s dans une industrie donnĂ©e. Une carriĂšre artistique tient aussi Ă  une certaine vision stratĂ©gique quant Ă  ce qui est considĂ©rĂ© comme pouvant tenir dans la durĂ©e ou susceptible d’ĂȘtre rentable Ă©conomiquement y compris Ă  court terme.

Personnellement, lorsque je repense Ă  des artistes français comme MylĂšne Farmer ou Indochine apparus dans les annĂ©es 80 avec leurs premiers tubes Maman a tort (1984) ou L’Aventurier (1982) -soit avant le premier ZĂ©nith de Kassav’ en 1985- je sais avoir Ă©tĂ© incapable en les Ă©coutant alors de m’imaginer que ce seraient aujourd’hui des icones et qu’ils toucheraient plusieurs gĂ©nĂ©rations de spectateurs. Et je serais curieux de savoir combien de « spĂ©cialistes » de l’époque avaient rĂ©ellement prĂ©vu une telle carriĂšre pour MylĂšne Farmer ou le groupe Indochine. Je crois prendre peu de risques en affirmant que trĂšs peu de « spĂ©cialistes » de l’époque, parmi celles et ceux qui sont encore vivants, avaient envisagĂ© qu’en 2019 l’artiste MylĂšne Farmer et le groupe Indochine pourraient remplir facilement des salles de concert telles que celles du Stade de France (qui n’existait pas Ă  l’époque), AccorHotelsArena ou ex Paris-Bercy ( idem ) ou de la salle de Concert Paris La DĂ©fense-Arena encore plus rĂ©cente que les deux prĂ©cĂ©dentes.

Il en est de mĂȘme de la carriĂšre rĂ©ussie d’un acteur ou, plus simplement, de la longĂ©vitĂ© d’un couple ou de celle, accomplie, d’une existence.

Dans les annĂ©es 90, parmi les principaux noms du Rap en France des groupes et des artistes tels que IAM, MC Solaar et NTM se distinguaient. Aujourd’hui si on devait comparer l’engouement que suscite l’annonce d’un concert de NTM ou de MC Solaar, on s’apercevrait que l’ordre de prĂ©fĂ©rence s’est nettement inversĂ© par rapport Ă  cette Ă©poque oĂč MC Solaar Ă©tait ce premier rappeur français (en 1993) interprĂ©tant un titre avec un Rappeur amĂ©ricain (Le Bien, le Mal avec Guru). Pourtant, dans les annĂ©es 90, on avait l’impression que le Rap et la voix de Mc Solaar pouvaient tout transformer en or. Et c’était peut-ĂȘtre presque vrai.

Lorsque j’ai Ă©coutĂ© et rĂ©Ă©coutĂ© il y’a plusieurs semaines maintenant le second album (Souldier, sorti en 2018) de l’artiste Jain trĂšs cotĂ©e depuis son premier album, j’ai entendu dans sa musique des airs et des histoires de ruptures amoureuses entrainĂ©s en Anglais et cru comprendre que son sens du « visuel » et de la com’ font d’elle une artiste originale et qui marche trĂšs bien. Pourtant, mĂȘme si plusieurs de ses titres me plaisent assez Ă  l’écoute, je suis sceptique en apprenant qu’elle fait aujourd’hui partie des « poids lourds » de la musique. Il est nĂ©anmoins vrai que je ne l’ai pas encore vue sur scĂšne qui est pour moi le sĂ©rum de vĂ©ritĂ© absolu de tout artiste. Et que personne ne peut dĂ©cider ou prĂ©voir avec certitude ce qui fait qu’un artiste plutĂŽt qu’un autre va trouver son public. Et durer. le rĂ©alisateur Pascal Tessaud ( mon article https://balistiqueduquotidien.com/digressions-a-pa
e-pascal-tessaud/), dans sa trĂšs bonne sĂ©rie documentaire Paris 8- La Fac Hip-Hop ( en replay jusqu’au 7 avril 2022 sur Arte TV)  en donne un aperçu dans le portrait Le Prince du Rap qu’il fait du rappeur Mwidi au coude-Ă -coude dans les annĂ©es 90 avec MC Solaar pour sortir un premier album.

 

Philippe Conrath dans le documentaire de Benjamin Marquet Ă  propos du premier concert de Kassav’ au ZĂ©nith en 1985 :

« Jamais on n’aurait pu penser faire le ZĂ©nith. Et, il ( le groupe Kassav’) le remplit un peu tout seul d’une certaine façon. Y’a pas de promo, y’a rien et tout et comment il va y’avoir quatre mille personnes qui vont remplir le ZĂ©nith ? A l’époque, c’est une prise de risque. Il y’a que Kassav’ qui sait (
.). A ce moment-lĂ , si quelqu’un a la curiositĂ© de venir, il voit un ZĂ©nith bondĂ© et un groupe qui s’appelle Kassav’. Et tout le monde qui est en train de hurler et de danser ».

 

En dĂ©couvrant ce documentaire, on prendra trĂšs peu de risque : On apprendra beaucoup sur Kassav’, premier groupe français Ă  remplir le Stade de France en 2009 bien qu’étrangement classĂ© dans la World Music aprĂšs avoir Ă©tĂ© Ă©lu « meilleur groupe français » en 1989. Je me demande dans quelle catĂ©gorie les artistes Jain et Christine &The Queen sont-elles classĂ©es. Je n’ai pas vĂ©rifiĂ©. Et, je tiens Ă  ajouter que, quelles que puissent ĂȘtre mes Ă©ventuelles rĂ©serves, je ressens pour ces deux artistes plutĂŽt de la curiositĂ© et de la sympathie.

Kassav’, c’est le groupe qui dĂ©tient le record de reprĂ©sentations au ZĂ©nith de Paris (plus d’une soixantaine) et qui a un statut de Rock stars en Afrique. Dans ce documentaire, on apprendra sur les Antilles et sur la musique d’une façon gĂ©nĂ©rale. Marcus Miller explique par exemple que partir en tournĂ©e, cela signifie vivre 18 heures ensemble tous les jours et que Kassav’ le fait depuis quarante ans ! Au vu de cet Ă©noncĂ©, certaines personnes prĂ©fĂšreront peut-ĂȘtre regarder Fort Boyard ou une Ă©mission de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©.

Vous avez jusqu’au 29 juillet pour regarder ça en replay sur FR3. Cet article complĂšte mes deux articles prĂ©cĂ©dents, Moon France ( Moon France) ainsi que Un Moon France en concert ( Un Moon France en Concert). Attention, mon article Moon France est trĂšs trĂšs long mais vous pourrez encore prendre le temps de le lire aprĂšs le 29 juillet de cette annĂ©e.

Franck Unimon, ce jeudi 11 juillet 2019.

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Echos Statiques

Cette Histoire

 

 

 

                                                           Cette Histoire

 

Cette histoire, nous la connaissons : il faut parfois un acte hĂ©roĂŻque ou dĂ©goĂ»tant pour crĂ©er l’étincelle Ă  mĂȘme de nous faire pousser dans le regard admiratif ou horrifiĂ© des autres. Auparavant, nous existions peut-ĂȘtre Ă  l’état de bulle plate ou de banale silhouette. Parce qu’à peine la rupture des premiers attraits et de la dĂ©couverte est-elle prononcĂ©e que l’habitude scĂ©lĂ©rate s’installe. Et il faut faire certains efforts pour rester attentif aux autres comme pour maintenir en eux un certain « intĂ©rĂȘt ». Nous avons tellement Ă  faire. La vie est si courte. Et nous n’avons pas de temps Ă  perdre.

Pire que l’exposition au temps qui passe, le risque d’ĂȘtre exposĂ© trop longtemps Ă  un sentiment de solitude et d’échec nous incite Ă  nous dĂ©mettre de celles et ceux qui nous semblent peu
 pour nous en dĂ©livrer.

Cet homme-lĂ , je l’ai longtemps dĂ©laissĂ©. Je le voyais Ă  peine. Pour mieux dire les choses : j’ai oubliĂ© comment je le voyais lorsque je le croisais. C’était une silhouette d’homme de mĂ©nage employĂ© par une sociĂ©tĂ© dont je connais Ă  peine le nom. Je le savais prĂ©sent sur le plateau de tournage de mon travail, certains matins. DĂšs 6 heures. Je faisais sĂ»rement attention Ă  son travail :

Autant que possible, j’évitais de marcher lĂ  oĂč il venait de passer le balai ou la serpillĂšre. MĂȘme s’il est trĂšs courant que celles et ceux qui font le mĂ©nage vous disent gĂ©nĂ©ralement avec politesse et gentillesse : « Si ! Si ! Vous passez passer ! ». Alors que vous, vous savez qu’en passant, vous allez saloper la surface qu’ils viennent de laver. Et qu’à leur place, vous prendriez trĂšs mal que quelqu’un salisse le rĂ©sultat tout frais de votre oeuvre de mĂ©nage.

Au cinĂ©ma, une fois, on m’avait proposĂ© un rĂŽle de silhouette d’homme de mĂ©nage. J’avais refusĂ©. Et ma prof de thĂ©Ăątre au conservatoire, en colĂšre, avait approuvĂ© mon choix de refuser ce « rĂŽle » en me confirmant mes impressions :

« On te propose ça parce-que tu es Noir ! Tu refuses ! ». Au cinĂ©ma, on s’exclue du regard et de la carriĂšre d’acteur en acceptant de « jouer » la silhouette. Et encore plus en y faisant l’homme de mĂ©nage qui efface en lui-mĂȘme les traces de sa propre prĂ©sence Ă  mesure des scĂšnes. Etre payĂ©, modestement, pour effacer soi-mĂȘme ses propres traces jusqu’à la disparition complĂšte, c’est tout un concept. Mais certainement pas un plan de carriĂšre Ă  conseiller Ă  celle ou celui qui veut rĂ©ussir en tant qu’acteur.

Aussi Ă©tonnante que cette proposition soudaine de m’engager en tant que silhouette d’homme de mĂ©nage avait Ă©tĂ© la croyance de certaines personnes de mon entourage :

Quand je les avais interrogĂ©es, certaines d’entre elles, pragmatiques, avaient estimĂ© que c’était toujours bon Ă  prendre, une place de silhouette d’homme de mĂ©nage au cinĂ©ma. Tant que c’était payĂ©.

 

Dans la vie, et gratuitement, j’avais dĂ©ja croisĂ© cet homme de mĂ©nage un certain nombre de fois lorsqu’un matin, une de nos collĂšgues a Ă©tĂ© suivie par un violeur. Les cris de notre collĂšgue ont alertĂ© notre « silhouette » d’homme de mĂ©nage. Celui-ci a accouru et s’est interposĂ©. Seul lui, « l’homme de mĂ©nage », en raison de sa prĂ©sence Ă  cette heure, pouvait Ă  ce moment-lĂ  entendre, voir et intervenir. Le violeur a trĂšs vite pris la fuite.

Cette tentative de viol a été un choc. Pour cette collÚgue. Pour nous.

Notre collĂšgue s’en est apparemment remise : je ne suis pas assez proche pour aborder ce sujet avec elle et j’ai prĂ©fĂ©rĂ© Ă©viter toute question dĂ©placĂ©e ou qui aurait pu passer pour telle. A la place, il a pu m’arriver, comme d’autres collĂšgues, de veiller un peu plus sur elle comme cette fois oĂč venant au travail, elle nous avait appelĂ© pour nous informer
qu’elle avait l’impression d’ĂȘtre suivie par un mec bizarre. J’étais prĂȘt Ă  partir la rejoindre. Finalement, elle s’était refugiĂ©e dans un cafĂ© quelques minutes puis Ă©tait arrivĂ©e.

 

Je me demande combien de personnes parmi toutes celles et ceux, qui, quotidiennement, se font faire et servir un cafĂ© et marchent en toute dĂ©contraction dans le travail des autres auraient Ă©tĂ© capables d’agir comme cet homme de mĂ©nage. Depuis quelques mois maintenant, une de mes collĂšgues, rĂ©incarnation d’un chien St-Bernard, en cela qu’elle est particuliĂšrement attentive aux autres, lui apporte un cafĂ© les matins. Ce matin, ma collĂšgue m’a Ă  nouveau dit que cela lui avait pris du temps pour « apprivoiser » cet homme.

Depuis cette tentative de viol, je perçois cet homme de mĂ©nage comme un hĂ©ros et un modĂšle. Je le salue autant que possible. Je me suis obligĂ© Ă  apprendre et Ă  retenir son prĂ©nom. Quelques fois, je prends le temps de discuter avec lui. Je n’ai jamais osĂ© lui parler de ce qui Ă©tait arrivĂ©. C’est un hĂ©ros mĂ©connu et je crois que cela lui convient trĂšs bien :

La majoritĂ© des hĂ©ros sont des gens mĂ©connus et oubliĂ©s. Seule une minoritĂ© de hĂ©ros, je crois, « bĂ©nĂ©ficie » d’une histoire officielle et d’une certaine publicitĂ© qui peut d’ailleurs ĂȘtre une malĂ©diction.

Quelques fois, je repense avec un peu d’inquiĂ©tude Ă  ce « Jeune Malien sans papiers » :

Mamadou Gassama.

Le 27 Mai 2018, Ă  Paris, Mamadou Gassama Ă©tait devenu « un hĂ©ros » en sauvant un enfant accrochĂ© Ă  un balcon, les pieds suspendus dans le vide. Mamadou Gassama, dont j’avais dĂ©jĂ  oubliĂ© le prĂ©nom et le nom avant d’écrire cet article, a reçu la nationalitĂ© française et Ă©tĂ© embauchĂ© en tant que pompier suite Ă  son acte hĂ©roĂŻque. C’est ce que j’ai cru comprendre. Ce dĂ©nouement ressemble Ă  un happy end commun Ă  certains romans et certains films. Tout va bien et tout se termine pour le mieux. Mais :

Entre l’exigence de devoir toujours, dĂ©sormais, ĂȘtre un hĂ©ros (donc un ĂȘtre parfait) et le fait, quand mĂȘme, de susciter certaines jalousies, je me dis que la vie de Mamadou Gassama doit ĂȘtre loin d’ĂȘtre simple. Je me dis que pour lui le plus simple a peut-ĂȘtre Ă©tĂ©, finalement, de risquer sa vie pour cet enfant. Ensuite, soit pour lui soit pour son entourage, je doute que la vie se soit simplifiĂ©e. Trop de cĂ©lĂ©britĂ© tue l’hĂ©roĂŻsme, la tranquillitĂ© et la simplicitĂ©. Bien des hĂ©ros et des super-hĂ©ros ont bien raison de porter un masque assurant leur anonymat dans la vie de tous les jours. Qu’un masque cache leur visage ou que ce masque soit un rĂŽle ou une attitude qu’ils (se) jouent tous les jours et par lesquels ils se font passer pour plus idiots, plus vulnĂ©rables et plus lĂąches qu’ils ne le sont rĂ©ellement.

Dusko Popov, qui a inspirĂ© Ă  Ian Fleming un certain personnage cĂ©lĂšbre, l’a dit :

« Dans la vraie vie, James Bond ne tiendrait pas six mois ».

Je « soupçonne » Dusko Popov d’avoir Ă©tĂ© indulgent en parlant de « six mois » car en lisant sa trĂšs bonne biographie Tricycle qu’il a Ă©crite lui-mĂȘme, on comprend que son intelligence et son art de la dissimulation lui ont permis de jouer les agents double voire triple et de bien tenir sa couverture durant la Seconde Guerre Mondiale face aux nazis qu’il frĂ©quentait.

On m’objectera qu’il en est de mĂȘme, malheureusement, pour de grands criminels et de grands meurtriers qui savent passer inaperçus en tout normalitĂ© et mĂȘme en toute lĂ©galitĂ© jusqu’à ce moment oĂč ils entrent en scĂšne. C’est vrai. Mais je prĂ©fĂšre penser ce matin Ă  cette histoire oĂč parmi toutes ces femmes et ces hommes de mĂ©nage, parmi toutes ces silhouettes confondues dont la prĂ©sence est souvent floue, se cachent des hĂ©roĂŻnes et des hĂ©ros que nous croisons ou que nous sommes tous les jours.

Franck Unimon, ce jeudi 4 juillet 2019.