Catégories
Cinéma Pour les coquines et les coquins

Brigitte Lahaie en podcast

                                             

                                                   Brigitte Lahaie en podcast

 

 

Tout Ă  l’heure, aprĂšs avoir arrĂȘtĂ© d’écrire, j’ai continuĂ© d’écouter un podcast consacrĂ© Ă  l’ancienne actrice porno, Brigitte Lahaie.

Au tout dĂ©but, dans les annĂ©es 90 peut-ĂȘtre, pour moi, Brigitte Lahaie Ă©tait « juste Â» une actrice française de film X entrevue aprĂšs d’autres actrices ou d’autres femmes dĂ©nudĂ©es. Elle n’Ă©tait pas nĂ©cessairement celle qui me faisait le plus fantasmer.  

Et puis, plus tard, j’avais compris en lisant une interview, peut-ĂȘtre, que c’était une femme intelligente. Bien consciente de ce qu’elle pouvait susciter chez un homme comme fantasme et
dotĂ©e d’humour. J’étais tombĂ© sur une de ses rĂ©parties :

« Et, je saute Lahaie ?! Â».

Depuis la lecture de cette rĂ©partie, pour moi, Lahaie, c’est ça : une femme qui a fait du X mais qui est intelligente. Et drĂŽle.

Mais peut-ĂȘtre, aussi, que depuis que j’avais entendu parler d’elle la premiĂšre fois dans les annĂ©es 90 (ou 80 ?) que ma sexualitĂ© avait un petit peu Ă©voluĂ©. Et que c’Ă©tait aussi moi qui Ă©tais devenu un tout petit peu plus intelligent et drĂŽle. 

D’autres annĂ©es sont encore passĂ©es depuis les annĂ©es 90 ou 80. Et puis,  je suis tombĂ© sur ce podcast, il  y a quelques jours. Je l’ai donc tĂ©lĂ©chargĂ© avec bien d’autres podcast sur bien d’autres sujets.

Je n’avais pas envie de mater Brigitte Lahaie :

 C’était la femme intelligente que je voulais entendre. 

Ce fut assez drĂŽle d’écouter ce podcast. Sauf que le comique de situation n’est pas venu de Brigitte Lahaie.

 

Dans cette Ă©mission appelĂ©e Mauvais Genres passĂ©e sur la radio France Culture le 2 Mai 2020, Lahaie Ă©tait entourĂ©e de spĂ©cialistes du X qui Ă©taient majoritairement des hommes apparemment sexagĂ©naires. ( Lahaie, nĂ©e en 1955, si je ne me trompe, a, elle…65 ans au moment de l’Ă©mission).

Il y avait aussi une femme qui, elle,  peut-ĂȘtre plus jeune ( environ la quarantaine ?) Ă©tait sĂ»rement plus concernĂ©e par l’image de la femme, la place de la femme mais aussi, bien-sĂ»r, la libĂ©ration de la femme. Et par la façon dont la carriĂšre de Lahaie au cinĂ©ma mais aussi dont les engagements ensuite avaient pu contribuer Ă  la libĂ©ration de la femme. En Occident, et, en particulier, en France

Depuis une vingtaine d’annĂ©es, Brigitte Lahaie est animatrice radio. Elle a Ă©crit deux livres. Elle est considĂ©rĂ©e comme l’une des rares anciennes actrices pornos Ă  avoir pu jouer dans des films de la filiĂšre dite classique ou traditionnelle. Mais aussi Ă  avoir rĂ©ussi sa reconversion professionnelle aprĂšs la fin de sa carriĂšre d’actrice. Ce que ne sont pas parvenues Ă  faire par exemple feu Karen Bach/Lancaume et RaffaĂ«la Anderson, hĂ©roĂŻnes de l’adaptation cinĂ©matographique du livre Baise-Moi de Virginie Despentes. Un livre que j’avais lu. Et un film que j’avais vu au cinĂ©ma Ă  sa sortie et qui m’avait “plu”. 

 

Dans le podcast, Lahaie dit par exemple ĂȘtre inquiĂšte d’assister Ă  une certaine rĂ©gression concernant les mƓurs sexuelles. Et du fait que l’on puisse dire aujourd’hui que prendre la pilule, pour une femme, n’est pas un acte « naturel Â». Lahaie de demander, alors :

« Parce-que faire douze enfants et mourir en couches, c’est naturel pour une femme ?! Â».

 

Les hommes prĂ©sents avec elle pour la radio France Culture, spĂ©cialistes de sa filmographie, et sans doute de bien d’autres films pornos, eux, Ă©taient trĂšs polis, et trĂšs Ă©rudits.

Pourtant, ils faisaient penser Ă  des hommes qui s’étaient sĂ»rement masturbĂ©s aprĂšs avoir regardĂ© Lahaie- ou d’autres actrices du X- sur grand Ă©cran ou devant la tĂ©lĂ© bien des annĂ©es auparavant. Sans rien en dire :

J’ai eu beaucoup de mal Ă  croire que ces hommes soient des hommes ayant eu ou ayant encore une sexualitĂ© Ă©panouie. Et, ils Ă©taient lĂ , Ă  parler de tel film porno rĂ©alisĂ© par tel rĂ©alisateur, avec tel acteur et Brigitte Lahaie. S’empressant de citer leurs connaissances. Sauf que, mĂȘme cultivĂ©s, trĂšs cultivĂ©s, ils Ă©taient restĂ©s les spectateurs et les admirateurs d’une carriĂšre cinĂ©matographique pornographique.

Celle de Brigitte Lahaie. Alors qu’elle, cette carriĂšre, elle l’avait vĂ©cue. Les pĂ©nĂ©trations avaient bien eu lieu. Ainsi que les jouissances. Et, ils Ă©taient lĂ  Ă  en parler comme si de rien n’Ă©tait. J’avais donc l’impression d’entendre des adorateurs qui, Ă  tour de rĂŽle, se pressaient follement pour placer leur  piĂšce, ou leur feulement, dans l’horodateur du regard de Brigitte Lahaie. Pour se faire connaĂźtre -et voir- par une femme qui avait disparu depuis «longtemps Â» des Ă©crans qui les avaient marquĂ©s et qui, pourtant, se trouvait devant eux : Brigitte Lahaie.

 

Brigitte Lahaie a bien expliquĂ© que sa carriĂšre dans le X devait beaucoup au fait qu’elle avait en elle une blessure. Elle recherchait de l’amour dans le regard de son pĂšre. Elle rejetait aussi le fait d’avoir une vie bien rangĂ©e….

 

Dans cette Ă©mission, comme ailleurs sans doute, Lahaie expliquait que tourner des films de X, Ă  l’époque oĂč elle en avait tournĂ©, jusqu’ aux annĂ©es 80, lui avait permis d’apprendre Ă  s’aimer. Et qu’elle avait eu du plaisir Ă  s’exhiber devant la camĂ©ra. Elle voyait d’ailleurs un certain gĂąchis lorsque, plus tard, certaines actrices françaises, telles Clara Morgane et Laure Sainclair, dĂ©clareraient avoir fait du X pendant un temps « juste pour le travail Â». En affirmant ne pas avoir eu de plaisir particulier.  Devant la camĂ©ra, elle, Lahaie avait du plaisir mĂȘme si elle dĂ©ment avoir Ă©tĂ© amoureuse de ses partenaires. Et, Lahaie d’ajouter dans l’émission que «  toute femme peut arriver Ă  jouir si elle trouve (ou rencontre) une bonne langue Â». Il n y avait pas de prĂ©tention ni de provocation de sa part. Mais elle explicitait l’idĂ©e que l’on fait mieux son travail lorsque l’on a du plaisir Ă  le faire. 

 

A la limite, je l’ai trouvĂ©e assez sĂšche par moments avec ces messieurs. Mais c’était peut-ĂȘtre parce qu’elle avait dĂ©jĂ  beaucoup rencontrĂ© de ces hommes qu’elle « passionne Â». Et qu’il lui importait de les raisonner ou de les aider Ă  raisonner plutĂŽt que d’avoir Ă  les aider Ă  dĂ©bander.

Mais c’était drĂŽle d’imaginer non Brigitte Lahaie dans ses tenues intimes ou ses postures d’écran – mĂȘme si, ensuite, j’ai regardĂ© un peu quels films d’elle je pourrais Ă©ventuellement trouver ou acheter d’elle- mais ces spĂ©cialistes qui semblaient retenir leur envie derriĂšre leurs propos qui se voulaient domestiquĂ©s. Comme si parler de X en face d’une ancienne vedette du porno pouvait se faire comme on peut discuter du solfĂšge dans un conservatoire. Mais je dois le reconnaĂźtre :

Je n’aimerais pas avoir Ă  me confesser devant une ancienne professionnelle du porno cousine de Brigitte de Lahaie. Une telle personne sait mieux que quiconque saisir l’octave du dĂ©sir qui nous attire comme de celui que l’on enclave.

 

 

 

Chez moi, depuis des annĂ©es, j’ai le film La Nuit des TraquĂ©es de Jean Rollin. Un film que j’ai dĂ©jĂ  regardĂ© un peu. Ou entiĂšrement. J’ai oubliĂ©. Mais dont j’ai un bon souvenir esthĂ©tique. Et qui fait partie des films que Lahaie continue de prĂ©fĂ©rer.

 

 

Ce podcast m’a mis de bonne humeur.

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 30 avril 2021. 

Catégories
Pour les coquines et les coquins Pour les Poissons Rouges

Le défaut à la bouche

 

                                                 Le dĂ©faut Ă  la bouche

 

Nous mourrons demain, c’est certain. Et, comme rien ne se meurt dans le bon pain, aujourd’hui, je suis parti assez loin piocher dans deux nouvelles boulangeries.

 

C’est mon beau-frĂšre qui, un jour, a mis le doigt sur ma folie prĂ©levĂ©e dans le pain. 

 

Pour du bon pain, moi qui en ai pourtant mangĂ© de l’industriel pendant des annĂ©es, je ferais des kilomĂštres. C’est comme avec le thĂ© que j’avais pu boire longtemps au moyen de  sachets achetĂ©s en supermarchĂ©, aromatisĂ©s et trĂšs sucrĂ©s. Comme ces musiques aussi piquantes que ces moustiques que j’avais pu Ă©couter en boucle. Ou tels ces films mal doublĂ©s en version française et ces Ă©missions de mauvaise qualitĂ© qui avaient pu me fixer pendant des heures, m’insufflant leur testostĂ©rone histrionique, me laissant bouche bĂ©e,  la pensĂ©e dessĂ©chĂ©e et avec pour seule activitĂ© potentielle celle du chromosome prĂ©parant son naufrage.

 

EnfermĂ©, mon monde s’ouvre par paliers.

 

Je trouve dans le pain, qu’il soit au levain ou non, une nouvelle forme de vie qui m’éloigne du gravier. Tout peut ĂȘtre prĂ©texte pour en dĂ©couvrir un nouveau et me faire l’atelier de sa dĂ©couverte. Ce matin, aprĂšs deux nuits de travail, c’était pour donner suite Ă  un rendez-vous qu’on m’avait fixĂ© Ă  Nation.

 

AprĂšs ça, je suis parti Ă  la recherche des deux inconnues. L’une, rue de la Chine, l’autre, avenue Gambetta. Le dĂ©faut Ă  la bouche, viens,  que je te touche.

 

 

 

Il Ă©tait plus de midi lorsque je me suis rapprochĂ© de la premiĂšre, la boulangerie Pan Vivo. Trois auxiliaires fliquettes m’avaient devancĂ©. Il ne restait plus beaucoup de pain. Une belle rangĂ©e, sur l’étage supĂ©rieur d’un chariot, Ă©tait devancĂ©e du panneau «  rĂ©servĂ© Â». J’ai appris qu’il se prĂ©parait la fournĂ©e du lendemain.

 

Une des fliquettes a sursautĂ©. Elle ne s’attendait pas Ă  me trouver derriĂšre elle. Elle ne m’avait pas entendu venir. Cela faisait une bonne minute que j’étais lĂ . Qu’est-ce que cela aurait Ă©tĂ© si nous nous Ă©tions trouvĂ©s, seuls, elle et moi, dans une  partielle obscuritĂ© ?

 

Pour continuer de dĂ©dramatiser, je lui ai demandĂ© quelle Ă©tait la station de mĂ©tro la plus proche. En regardant sur son smartphone, elle et ses collĂšgues m’ont rĂ©pondu qu’elles n’étaient pas du coin. Qu’elles Ă©taient du 12 Ăšme arrondissement. Elle est partie comme ça, captivĂ©e par son smartphone. Je croyais qu’elle se renseignait pour mon mĂ©tro. Elle m’a quittĂ© comme une miche.

 

Elle devait lire un sms ou avait peut-ĂȘtre reçu un Like sur un site de rencontres.

RĂ©gime pain sec.

 

Pour me consoler, j’ai pris une bonne livrĂ©e de pain de la veille vendue avec une rĂ©duction de 30 pour cent. Il y en avait pour deux kilos d’armature.

 

 

Le jeune vendeur Ă  l’accent italien m’a dit que, de toute façon, enroulĂ© dans des sacs en coton, il pouvait se garder cinq jours.

 

A l’autre boulangerie, La Gambette Ă  pain, il y avait plus de choix. Mais il y avait aussi la queue. J’ai attendu mon tour dehors avant de pouvoir entrer. Il faisait froid aujourd’hui.

 

 

Une fois Ă  l’intĂ©rieur, j’ai fait un festival. Je n’étais pas du coin. Je venais pour la premiĂšre fois. Je venais de loin. Je n’allais pas me contenter d’une demie baguette de pain ou d’un croissant au beurre et repartir.

 

J’ai dĂ» faire comprendre Ă  l’employĂ©e que, non, je n’avais pas fini. J’avais encore d’autres articles Ă  prendre.

 

 

Au final, je suis reparti avec deux sacs de pain et de viennoiserie.

 

 

 

 

 

Etoiles et toiles.

 

En descendant les marches. Tout en bas, le sandwich Kebab, dernier exemplaire, qui a Ă©tĂ© mon copieux dĂ©jeuner. AprĂšs ça, on reste sage et boire un verre d’eau suffit.

 

 

Puis, je me suis rabattu sur la station de mĂ©tro Gambetta. Je me suis mĂȘme permis de faire un passage dans un magasin de dvds et de blu-ray oĂč j’étais passĂ© il y a quelques annĂ©es.

 

 

Mais je n’y ai pas trouvĂ© le film que je cherchais. Le blu-ray du film MUD de Jeff Nichols.

 

Cette photo est ratée. On ne voit rien.

 

J’étais bien chargĂ© dans le mĂ©tro, avec mes deux sacs de pain, ma boite de pĂątisseries. Mais j’étais assis. Le trajet a Ă©tĂ© assez rapide.

 

 

A la station Quatre-Septembre, Ă  trois ou quatre stations de la gare St Lazare,  extinction des feux et petite voix :

 

« En raison de la prĂ©sence d’une personne sur la voie ferrĂ©e, le trafic est momentanĂ©ment interrompu sur la ligne 3 du mĂ©tro
.. Â». Je me suis Ă  nouveau fait confirmer que depuis bientĂŽt deux mois, les incidents de toutes sortes se cumulent dans les transports en commun. J’ai vraiment bien fait d’opter pour un vĂ©lo pliant quand je me rends au travail. Mais j’en parlerai mieux dans ma rubrique VĂ©lo Taffe.

 

Dans le mĂ©tro, station Quatre-Septembre, s’ensuivent quelques minutes d’attente et de rĂ©flexion et la fin du suspense :

 

« Le trafic reprendra Ă  15h15 Â». Il Ă©tait 14h50. Je n’avais pas dĂ©jeunĂ© ni fait ma sieste.

 

Sortir de la station, marcher jusqu’à une station de bus. Le prendre jusqu’à la gare St Lazare. Rien ne m’a dĂ©tournĂ© de l’arĂŽme du bon pain. Car c’est une valeur refuge.

 

Nous sommes arrivés sains et saufs à domicile.

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 5 mars 2021.

 

 

Catégories
Pour les coquines et les coquins

Le thĂ© dans l’Ăątre

 

                                              Le ThĂ© dans l’ñtre

 

« Nous irons boire du thĂ© dans l’ñtre Â» me dit cette ballerine.  « Vous me direz vos lettres. Nous parlerons de l’ErythrĂ©e et irons dire bonjour Ă  Gagarine. OĂč commence l’Homme et oĂč finit-il ? Â» continue t’elle.

 

Sa voix soulĂšve cette question plus qu’elle ne la pose. Son souffle a aussi cet effet sur ses seins-filtres. On dirait du papier. Je suis fait de ce papier qu’elle dĂ©chire un peu plus Ă  chacune de ses respirations.

 

L’Ɠil Ă©clairĂ© par l’ampoule rectale de JosĂ©phine – c’est le prĂ©nom de cette spĂ©cialiste en saut poudrĂ©- je dĂ©couvre ma longue vue alors que ses expirations Ă©toffent la peau de mon cou.  Lui croquer le cul, en prendre la mesure pour l’enterrer vivant dans un beau cercueil de mains et de pain. En faire du boudin. Eclabousser la figure et le cul-de-cette-fĂ©e-des-plaisirs. Devenir le multiple de sa chair et de sa bouche. Nous serons dix dans son Addis Abeba – Moi et mes neuf vits- Ă  clamer la vie, quitte Ă  en clamser, et Ă  commĂ©morer le retour du NĂ©gus.

 

« Le frigo, c’est toujours alors que je me couche qu’il fait des siennes. Avec ces hommes qui circulent dehors bruyamment dans leurs voitures et les enfants qui crient, j’ai du mal Ă  me concentrer. Et toutes ces femmes qui me regardent au point que cela me met Ă  l’aise. C’est Ă  croire que je suis lesbienne Â».

 

Laisser mon sexe prendre toute sa forme dans la glaise de sa bouche, fumer sa bouche d’ozone. La grimper, la camper, tente Ă  cul. Et la regarder s’accrocher aux branches comme Ă  ses branchies. En me disant que je tiens mon ange. Mais oĂč se trouve son aurĂ©ole ? Il faut que je me tĂ©lĂ©porte.

 

« Je suis passĂ©e Maitresse dans la rĂ©solution des Ă©nigmes de l’absence. Marcher, c’est souvent aller vers soi. Se faire mettre, c’est souvent prendre. L’Amour, c’est peut-ĂȘtre cette mĂ©moire que l’autre est lĂ . Que ce n’est pas juste un miroir mais aussi des larmes que l’on brise. Je n’ai pas de mĂ©moire. Je suis juste au corps. Pour avoir de la mĂ©moire, il faut perdre son corps. Le mien s’infiltre partout Â».

 

Je suis chargĂ© en accrĂ©ditations testiculaires. Si je suis un homme de couleurs, ce n’est pas pour voir la vie en noir. Mais pour avoir la vie sauve alors que JosĂ©phine fait danser mon regard sur ses lĂšvres. Lesquelles portent cet accent qui me la rendent plus dĂ©tectable-dĂ©lectable que n’importe quel maquillage.

 

« Mon visage est sans tain mais le Ska et le Gro-Ka y font naĂźtre des Ă©toiles. J’aime les hommes au bord de l’explosion telles des locomotives qu’auditionne l’enfer. Et pour lesquels les sĂ©quelles du verre sur la tĂȘte n’est mĂȘme pas un frein. Mais plutĂŽt un refrain vers un lien. Leurs cicatrices sont ces alliances de chair qu’ils se sont faites pour s’unir Ă  la vie. Elles ont pour moi bien plus de valeur que ces bagues de sympathie que l’on achĂšte dĂ©sormais Ă  crĂ©dit dans des bijouteries. Mais de tels hommes n’existent plus. Soit ils ont le Sida. Soit ils s’affairent sur internet. Soit ils sont devenus fonctionnaires ou mariĂ©s – c’est pareil- soit ils prĂ©fĂšrent rester cĂ©libataires. Les hommes, maintenant, sont devenus des femmes Â». JosĂ©phine se met  Ă  pleurer puis crie sur un ton implorant :

« Les hommes, aujourd’hui, ne veulent plus jouir ! Â».

 

Elle reprend son souffle puis dit :

 

« Vous, par exemple, vous n’ĂȘtes pas mon genre. Baisez-moi si vous voulez. Bien et fort. Vous m’ĂȘtes de bonne compagnie. Comme le vent dans la voile, notre intimitĂ© dĂ©rapera et nous donnera l’occasion de croire en une sorte d’aventure. Mais cela restera pĂ©riphĂ©rique. Nous n’irons nulle part ensemble. Comme pour la majoritĂ© des hommes, dĂ©sormais, baiser une femme ne signifie pas qu’on lui prĂȘte plus d’importance qu’à une autre. Mais juste que, celle-lĂ , on a pu la regarder d’un peu plus prĂšs. Baisez-moi, pesez-moi, dĂ©branchez-moi puis allez dormir ! Partez ensuite prendre votre train-train, votre navette ou votre omnibus nocturne de banlieue. Vous, les hommes, vous ĂȘtes douĂ©s pour le sommeil dĂšs qu’on vous adore. C’est ce que l’on appelle le sommeil rĂ©parateur. Il faut vous donner des cauchemars pour vous maintenir attentifs et en Ă©veil. Bien des femmes sont pauvres de ce cĂŽtĂ©-lĂ  Â».

 

Quelques secondes passent. Puis JosĂ©phine repart :

 

« Nous parlerons de l’ErythrĂ©e et de Gagarine une autre fois. C’est Ă  dire, autrefois. Ne revenez-pas. DĂ©jĂ , on prĂ©pare les vitrines pour les fĂȘtes de fin d’annĂ©e. Et il y aura de plus en plus de monde. Il y aura beaucoup de travail. Je n’aurai pas le temps de vous laisser me parler. Ensuite ? AprĂšs les fĂȘtes, je serai importĂ©e en Chine. Vous ne ferez tout de mĂȘme pas le voyage jusque là
.. Â».

 

 

Franck Unimon, Ă  une date disparue.  ( bientĂŽt dans sa version audio).