Des articles sur des films vus en projection de presse, au cinéma ou en dvd. Les interviews de réalisateurs et d’acteurs se trouveront dans la rubrique
” Croisements/ interviews”.
La beauté du geste est un titre déjà utilisé pour un certain nombre d’ouvrages et d’œuvres. On peut même trouver un album du chanteur français Gérald de Palmas, sorti en 2016, qui porte ce titre. Le film de Sho Miyake passe par un de ces principes assez radical, voire dogmatique, énoncé par le réalisateur ukrainien Myroslav Slaboshpytskyi lorsqu’il a présenté, son film The Tribe, récompensé à Cannes en 2014 :
Le fait d’employer des mots pour parler nous sert souvent à mentir ou à dissimuler nos pensées. De ce fait, dans The Tribe ( 132 minutes), tous les protagonistes (en majorité sourds et muets) s’expriment dans la langue des signes sans le moindre sous-titre pour les spectateurs.
Keiko Ogawa ( l’actrice Yukino Kishii)
Keiko Ogawa, l’héroïne de La beauté du geste, malentendante (pour éviter de dire sourde) utilise principalement la langue des signes pour s’exprimer. Et la boxe. Elle écrit aussi dans son journal intime.
Il faut avoir pratiqué un Art martial durant dix mille heures en moyenne afin de pouvoir peut-être « obtenir » le premier niveau de la ceinture noire ou son équivalent.
C’est une règle- ou une vérité- qui varie selon les individus, selon le degré d’intimité qu’ils développent avec leur intériorité mais aussi avec celle de leurs enseignants ou leurs Maitres, des compétences de ces derniers, de leur sincérité, mais aussi selon les époques et les contextes.
Il est très difficile de savoir à l’avance à combien de rencontres, de gestes et d’expériences correspondent ces dix mille heures. Il s’agit juste d’un chiffre, d’une indication, pour donner un repère comme on pourrait signaler une étoile, une métaphore ou un indice afin de montrer vers où continuer de se diriger. Il ne s’agit pas d’une vérité rigide et comptable.
La ceinture noire ou tout autre « grade », quelle que soit la discipline concernée,
est aussi une culture du coeur.
Et du gong.
On peut aussi comparer ça à une histoire d’Amour. Ou à toute rencontre qui, pour nous, dispose d’un décompte particulier.
Keiko Ogawa est sans doute en dessous des 10 000 heures de pratique quand « Monsieur le directeur » ( l’acteur Tomokazu Miura) de son petit club de boxe la remarque.
Le gong est une frontière. Ce n’est pas un mur.
Une des erreurs possibles, à parler de La Beauté du geste, film franco-japonais ( par la production) qui sortira dans les salles ce mercredi 30 aout 2023, serait de seulement l’enfermer dans le ring pour toute comparaison avec le film Million Dollar Baby réalisé en 2004 par l’Américain Clint Eastwood. Un film adapté par l’acteur et réalisateur Clint Eastwood d’après une des œuvres de l’auteur FX Tool, très grand connaisseur- et amateur sur le tard- de boxe anglaise.
Le directeur et entraîneur du club de boxe ( l’acteur Tomokazu Miura ) et Keiko Ogawa ( l’actrice Yukino Kishii).
Certes, l’héroïne de La Beauté du geste, Keiko Ogawa -interprétée par l’actrice Yukino Kishii- peut rappeler celle de Million Dollar Baby jouée par l’actrice Hillary Swank. Deux femmes venues sur le tard à la boxe anglaise et dont l’engagement va saisir les regards de deux entraîneurs vétérans de la boxe. D’un côté, Monsieur le directeur d’un petit club de boxe japonais (l’acteur Tomokazu Miura), de l’autre, l’ancien cow-boy et inspecteur Dirty Harry, Clint Eastwood, devenu réalisateur après avoir d’abord été un acteur mondialement connu.
19 années séparent ces deux films et le Japon est différent des Etats-Unis. Même si au décours de Hiroshima, Nagasaki et d’abord de Pearl Harbour leurs histoires se sont confrontées mais aussi rapprochées.
Pour moi, en 1h39, La Beauté du geste émeut plus loin que Million Dollar Baby.
Sans vedettes mondialement connues. Avec un budget moindre. Sans musique insidieuse.
Le film défie aussi – et fait oublier- la pandémie du Covid dont on aperçoit les masques et qui avait fait de nous des sacs (ou des visages) de peur et d’angoisse.
Keiko Ogawa n’a pas peur. Elle n’aime pas avoir mal. Célibataire, femme de ménage plutôt modeste dans un hôtel et dans le pays des mangas qui reste un pays riche et machiste corseté et entraîné par la recherche perpétuelle de la victoire économique, elle prend des coups et donne du courage. Celles et ceux qu’elle croise sont à son image.
La beauté du geste de Sho Miyake est un très bon film à voir avant le gong de la rentrée mais aussi après.
Limbo de Soi-Cheang avec les flics Will Ren ( l’acteur Mason Lee) et Cham Lau ( l’acteur Ka Tung Lam).
Au cinéma : Limbo de Soi Cheang ou Mission : Impossible Dead Reckoning partie 1 de Christopher McQuarrie ?
Hier, après plusieurs semaines ou plusieurs mois d’absence, je suis retourné au cinéma. J’ai d’abord vu le film Limbo du réalisateur Hong-Kongais Soi Cheang. Un film très plébiscité par la critique. Je viens par exemple de lire sur le net, pour le qualifier, la phrase « un bijou de noirceur ». Mais, aussi : “Le polar de l’année”.
A Paris, j’avais interviewé Soi Cheang, je crois, lorsque j’étais journaliste cinéma bénévole pour le magazine Brazil. Sans doute pour le film Accident réalisé…en 2009. Il y a 14 ans, donc. Comme nous vivons avec notre temps, je vais plutôt parler d’hier.
Hier, après Limbo, au lieu de rentrer chez moi, je suis allé voir à la suite le premier volet du dernier Mission : Impossible Dead Reckoning partie 1 « avec » l’acteur Tom Cruise en Star du film.
Tom Cruise ( ou sa doublure) sur sa monture au dessus du vide dans Mission : Impossible Dead Reckoning partie 1.
Ce sont deux films sortis récemment ( ce 12 juillet 2023 pour l’un et l’autre) que j’avais très envie d’aller voir. Et ce sont deux films qui m’ont « déçu ».
J’ai tout de même une nette préférence pour Limbo.
“Limbo” de Soi Cheang avec Ka Tung Lam dans le rôle de Cham Lau.
J’ai d’abord aimé la photo, le noir et blanc. L’ambiance polar. Les nervures colorées des installations électriques de la ville où se tient l’enquête. Ou, plutôt, la tempête.
J’ai aimé le côté « confucéen » de Limbo, je dirais, où plusieurs des protagonistes portent un fardeau ou sont dans une impasse tel un destin et essaient ou de se racheter ou de l’accepter. J’ai aimé le personnage féminin de Wong To, plusieurs fois maltraitée, et qui est une description assez complète des multiples violences infligées aux femmes dans notre société masculine, urbaine, jeune, riche et moderne.
Wong To ( l’actrice Yase Liu) dans “Limbo”.
J’ai aimé la combattivité de Wong To, sa débrouillardise supérieure, bien supérieure finalement, à celle des femmes des deux flics qui sont les autres héros du film.
Cham Lau et Wong To.
Je me suis dit que ce film ne pouvait être qu’asiatique pour avoir pu s’autoriser à montrer un personnage féminin sur grand écran se faire malmener de cette façon. En France, on estimera peut-être que ces violences répétées sur le personnage de Wong To font de nous des voyeurs et des complices. Pour ma part, je considère ces parties du films plutôt comme les documents testamentaires des victimes de violences morales et physiques qui disparaissent généralement dans l’indifférence générale.
J’ai moins aimé le côté Seven du film, pour faire un rapprochement avec le film américain avec Brad Pitt et Morgan Freeman, pour l’ambiance.
J’ai moins aimé l’antagonisme, car il fallait bien en créer un, assez toc entre, d’un côté le flic expérimenté de terrain, instinctif, roublard, assez expéditif, adepte de la justice personnelle et le jeune flic intello, premier de la classe, bon élève, bien sous tous rapports, d’une intelligence très supérieure, binoclard et bien-sûr marié à une épouse toute docile, patiente, compréhensive et bien-sûr enceinte de lui.
D’un côté, le bourrin au grand cœur, de l’autre, la classe politique de celui qui a fait de très bonnes études et qui pourrait prétendre plus tard à une carrière exceptionnelle.Pourtant, au départ, cela me plaisait beaucoup que l’un des deux héros porte des lunettes. Car on voit encore très rarement des héros de films d’action ou de polars qui portent des lunettes. Mais dans Limbo, cette caractéristique est un peu trop téléphonée, un peu trop scolaire. Le réalisateur ne fait pas grand chose, je trouve, pour développer davantage le personnage de Will Ren à partir de ses lunettes. C’est juste un “truc” qui va permettre, à un moment donné du film, d’avoir son importance. Même si, bien-sûr, on peut très bien avoir une très bonne vue organique et être frappé de cécité morale ou de coeur….
On remarquera aussi que les deux femmes des flics qui sont bien-sûr des épouses « modèles » et des Pénélope n’ont pas d’autre possibilité que de vivre dans un écrin ou dans un cocon en demeurant dans l’enceinte d’une ignorance complète- ou virginale- du monde et de sa violence. Pour l’avoir peut-être ignorée, une des deux est durement exposée à la violence du monde extérieur qui éclate bien-sûr par surprise.
Comme un viol.
Comme on le voit, il y a des très bonnes choses dans Limbo. Ces deux héros, flics, ainsi que Wong To, qui vont jusqu’au bout d’eux-mêmes et au delà. Pour résoudre des mutilations et des assassinats de femmes marginales, tout en bas de l’échelle sociale (immigrées, camées, prostituées mais aussi mutilées autant socialement que physiquement…) dont, finalement, la société hong-kongaise, comme toute « bonne » société bien propre sur elle aurait plutôt tendance à se foutre. Sauf, bien-sûr, pour satisfaire en express et en liquide certains besoins honteux ou difficilement assumés.
Tom Cruise, Ving Rhames et Simon Pegg.
Ensuite, il y a Mission : Impossible – Dead Reckoning partie 1 avec Tom Cruise, Simon Pegg, Ving Rhames et sa voix caverneuse.
Quel que soit ce que l’on peut penser de Tom Cruise « le scientologue », je considère maintenant depuis des années que c’est un très bon acteur. Et qu’il aurait pu ou aurait dû, depuis longtemps, recevoir un Oscar. Je le pense d’autant plus que durant des années, Tom Cruise l’acteur-vedette m’a beaucoup exaspéré. Jusqu’à ce que je le voie dans Né un 4 juillet qui n’est pas mon film préféré. Ou dans Magnolia qui m’a davantage conquis.
Mais je ne vais pas plaindre Tom Cruise. D’autant qu’il s’en sort très bien tout seul avec ou sans cascade. Que ce soit dans des films d’action qui marchent tels que Mission : Impossible ou Jack reacher. Ou dans des films d’auteur.
Tom Cruise peut et réaliser des prouesses physiques et des cascades étonnantes. Comme il peut aussi être très drôle. Je me souviens encore de son rôle secondaire dans Tonnerre sous les Tropiques de Ben Stiller où il apparaît déguisé et se montre particulièrement drôle en producteur de cinéma et aussi très porté sur l’autodérision. Pourtant, le film date de….2008.
Si je me permettais une comparaison, je dirais que Tom Cruise est peut-être au cinéma ce que Novak Djokovic est au tennis. On peut ne pas les aimer pour leurs positions, leurs attitudes ou leurs propos. Des positions, des attitudes et des propos, d’ailleurs, que je désapprouve (concernant la scientologie, le nationalisme serbe, à propos du Covid…).
Par contre, il est impossible de leur dénier leur professionnalisme dans leur domaine ainsi que le niveau exceptionnel ou hors-norme de leurs performances mais aussi de leur longévité comme de leur carrière.
Dans Mission : Impossible – Dead Reckoning partie 1, on retrouve bien-sûr tout le côté « James Bond » de Tom Cruise. Car, pour moi, dès que Tom Cruise a commencé à mettre la main sur le personnage de Ethan Hunt dans Mission : Impossible, ça a toujours été pour se tailler sur mesure son costard de « James Bond ». Ce qui est bien sûr très loin de la série télévisée que nous avons pu voir dans les années 70-80. Mais, ça, c’est le cinéma.
Bon, dans Mission : Impossible- Dead Reckoning, il y a du spectaculaire, des grandes cascades, des courses poursuites, de l’humour.
Mais c’est très bourrin. J’ai très envie d’écrire :
“C’est très Américain-bourrin”. C’est “Nous sommes les Américains et on va tout défoncer !”. Soit version militaire, soit version parc d’attractions gigantesque à l’Américaine.
Je sais bien que l’on va voir ce film pour se distraire. Et, je suis d’ailleurs allé le voir pour cela. Autrement, je serais allé voir L’Amour des forêts de Valérie Donzelli avec l’actrice Virginie Efira qui continue de beaucoup me plaire et m’étonner et l’acteur Melvil Poupaud, qui nous raconte apparemment de façon réaliste une histoire d’emprise psychologique au sein d’un couple.
Sauf que je trouve à Mission : impossible-Dead Reckoning partie 1 des allures de fête foraine des années 70. On a des très gros moyens pour faire boum-boum alors on fait boum-boum et vroum-vroum. Je ne vois pas ce qu’il y a des très novateur dans ce film. En termes de cascades il y a néanmoins sans aucun doute du très bon travail de réalisé.
Mais en termes d’intrigue. De personnages….on est très très loin de la subtilité de Casino Royale avec Daniel Craig ( ou les Jason Bourne auquels les Mission : Impossible “de” Tom sont aussi comparés) qui cumulait action musclée et surprenante et, tout de même, un peu de mystère. Plus d’épaisseur quant aux personnages joués. Alors que là, tout est souvent caricatural. Rentre-dedans. Presque vulgaire. Beaucoup trop pop-corn pour moi.
Il faut nous le dire si ce film est plus une comédie qu’un film d’action. Les femmes dans Mission-impossible : Dead Reckoning partie 1 ? Il y en a quatre qui ont un rôle a priori conséquent et qu’il vaut mieux éviter de prendre à la légère. Ce serait donc un film féministe ?
Sans surprise, Ethan Hunt les retourne toutes ou devient d’une façon ou d’une autre leur protecteur imminent. Car il les lui faut toutes bien-sûr tandis que ses deux acolytes, Simon Pegg, Ving Rhames mais aussi tous les autres mâles de la bande ont bien d’autres préoccupations.
Et Ethan Hunt réalise cela sans coucher car ce n’est pas un proxénète. Comment fait-il ? La scientologie peut-être.
Néanmoins, j’ai bien aimé la définition de Ethan Hunt :
« Un caméléon télépathe ». C’est bien trouvé.
Tom Cruise à Venise ( ou sa doublure) dans Mission : Impossible Dead Reckoning- partie 1.
Si dans Limbo, on ressent les coups portés mais aussi de l’empathie pour les personnages, devant Mission-impossible : Dead Reckoning partie 1, tout le décor fait toc. On a beau faire défiler les endroits et flirter avec bien des références cinématographiques ou autres ( Venise…) on se rappelle tout le temps ou souvent que l’on est au cinéma. Alors que dans Limbo, le film nous enserre quand même dans sa toile.
Il est bien sûr préférable d’être déprimé plutôt que dépressif.
Mais on ne choisit pas.
En surface, et en société, lorsque l’on nous demande:
« Tu vas bien ? », il « vaut » mieux bien sûr répondre – et dans un grand et magnifique sourire- (un peu comme si on venait de se désaltérer en buvant un grand verre d’eau bien fraîche ou de sortir d’une très bonne séance de massage non érotique ) :
« Oui, ça va ! ».
Notre sourire doit être un tourbillon de bien-être. Une mini-réplique de Autant en emporte le bonheur.
Peu importe que l’on ait surtout envie d’immoler par le feu ou de démolir à peu près tout ce que l’on approche à commencer par soi-même.
Et, il vaut mieux y croire soi-même un petit peu lorsque l’on affirme que tout va bien.
Tout va hyper-bien. Nous ne nous sommes jamais sentis aussi bien. C’était ce que nous avions déja affirmé toutes les autres fois. Mais, cette fois-ci, c’est encore plus vrai que d’habitude.
Il s’agit d’être crédible dans son rôle. Et tout de suite.
Si on peut, on peut même en rajouter en disant :
« Bien-sur que ça va ?! Toujours ! Pourquoi ?! Y a un problème ?! Quel problème ?! Et toi, ça va ?! ».
Il faut bien montrer qu’il faudra s’y mettre au moins à quatre pour essayer de nous abattre.
Cette réponse, c’est un peu notre carte de visite.
Notre coefficient de fréquentabilité voire de respectabilité.
Cette réponse nous rend « bankable », désirable ou non. Allez voir votre conseillère bancaire pour obtenir un prêt en lui laissant imaginer que votre véritable projet est surtout de vous suicider sitôt que vous l’aurez quittée….
Personne ne désire un bout de bois tout vermoulu plein de champignons dont même les vers se séparent.
Personne.
Si l’on répond ou décide de répondre :
« ça ne va pas… », les réactions et les divers algorithmes autour de soi se mettent à varier selon les interlocuteurs.
Cela peut aller de la fuite à la curiosité voyeuriste et quasi-extatique ( « Enfin… »).
En passant par la pitié ou le dédain.
Et, tout de même, aussi, on peut rencontrer de l’attention bienveillante proche du partage. C’est le côté jardinier chez certains. Ou le côté mitoyen. Car quelqu’un peut ainsi vous souffler dans l’oreille : « Moi, aussi…tu sais ».
Etre déprimé, c’est la honte. C’est comme ne pas savoir danser lors d’une soirée zouk ou salsa alors que tout le monde danse et a l’air de très bien s’amuser. Il n’y a plus qu’à attendre qu’un peu plus de monde soit alcoolisé ou défoncé pour que cela perde de son importance. Ou, peut-être vaut-il mieux envisager de partir pendant que personne ne semble nous remarquer. Même si l’on sait qu’une fois que l’on sera parti (e) que tout le monde parlera de nous ensuite comme de la personne pathétique et seule dans son coin qui ne parlait à personne. Et à qui personne n’avait envie d’aller parler.
Etre déprimé est plutôt l’exemple à ne pas suivre. L’image à ne pas donner de soi. La déprime est au moral ce que la vergeture ou l’embonpoint est au corps. Ça dispose d’une volonté propre aspirée par la pesanteur et le fond de l’abysse. Non seulement ça vous entraîne mais, en plus, ça vous suit partout à un moment donné. ça vous attire même de nouveaux amis tout autant déprimés.
A moins d’être habile pour savoir à qui s’adresser en de pareilles circonstances sans que cela n’ait de graves conséquences.
Car, le déprimé ou la déprimée, c’est « le » loser. Celle ou celui que l’on va épier dans Closer.
C’est celle ou celui qui attire la malchance ou le mauvais sort sur elle ou sur lui et qui pourrait le transmettre à toute personne proche de son corps.
Cette personne est rarement photogénique ou ciné-génique. On n’a pas très envie de se faire prendre en selfie avec. A moins de s’appeler Tiger Woods, Serge Gainsbourg, Amy Winehouse, Céline Dion ou Stromae.
Bien des productions du spectacle « vivant » l’ont bien compris.
Il y a quelques jours, je suis allé voir le film Les Trois Mousquetaires. D’Artagnan de Martin Bourbolon. Un film français sorti ce 5 avril 2023 et qui marche très bien.
Je n’ai pas écrit : « Un film français qui déprime ». Mais un film français qui « marche très bien ». Afin, aussi, de faire savoir que les réalisateurs français savent ou ont appris à faire des films qui marchent plutôt que des réclames publicitaires pour le prozac et le lexomil.
Hé bien, dans Les Trois Mousquetaires. D’Artagnan, aucun des protagonistes principaux ne déprime.
Sauf Athos, très bien joué par Vincent Cassel. On peut même déclarer que Athos/ Vincent Cassel est dépressif.
Athos joué par Vincent Cassel.
Mais « sans pathos ».
Dans le film, Athos le dépressif dont les « remords » ou les « tourments » ont appris à nager reste un modèle auquel on aimerait beaucoup ressembler. Et ça, c’est un grand tour de force.
La force, qu’elle soit mentale, morale, intellectuelle, affective, viscérale ou physique, c’est ce qui manque au déprimé et encore plus au dépressif. Et, c’est, aussi, ce qu’on lui reproche.
Ou, ce dont on peut abuser.
Athos/ Vincent Cassel entre Aramis/ Romain Duris et D’Artagnan/ François Civil.
Cependant, Athos, lui, ne manque pas de force. Son caractère subversif ou « disruptif », sa liberté, son sens de l’honneur, son humour, son courage, sa vitalité érectile et, bien-sûr, son expertise dans les armes et l’art du combat font d’Athos un homme fort. Sa dépression est un peu son auréole d’être humain. Sans elle, Athos serait un demi Dieu ou un Dieu.
Un surhomme.
On ne le dirait pas comme ça parce-que nous sommes beaucoup influencés par la « modernité » de ce que nous voyons, mais les trois Mousquetaires sont bien l’équivalent des ninjas ou des super-héros que nous pouvons voir dans des productions asiatiques et américaines :
La scène de combat, nocturne, en pleine forêt, et à l’épée, entre D’Artagnan (joué par François Civil) et Athos/ Vincent Cassel « le dépressif » vaut bien une scène de combat de « type » ninja. Ou une tentative de sodomie dans une back room.
Mais cette scène d’escrime peut nous séduire au point de nous faire oublier le sujet de la déprime. Alors, redevenons terre à terre. Retournons aux « bouseux ».
Cait/ l’actrice Catherine Clinch dans The Quiet Girl
Dans le film The Quiet girl (« film en langue irlandaise le plus rentable de tous les temps ») on retrouve aussi la même idée vis à vis de la déprime.
The Quiet Girl est un film réalisé par Colm Bairéad et sorti en salles ce 12 avril 2023.
Je suis allé le voir cette semaine, ce lundi 17 avril 2023 très précisément. Puisque les critiques étaient très élogieuses :
« La pépite irlandaise » ; « un film irlandais tout en sensibilité » ; « la belle histoire d’un petit film qui devient grand…. ».
Le film a été retenu pour les Oscars. C’est un grand succès en devenir tant commercial que critique.
Dès le générique du film, j’ai appris que The Quiet Girl était inspiré de la nouvelle, Les Trois lumières, écrite par Claire Keegan. Il se trouve que j’avais lu et beaucoup aimé cette nouvelle de Claire Keegan il y a environ cinq ans. Grâce à l’action de la médiathèque de ma ville, à Argenteuil, qui nous sollicitait pour lire plusieurs ouvrages venant de paraître afin d’en discuter entre nous mais, aussi, pour élire celui que nous avions préférés.
Mais dans The Quiet Girl, nous ne sommes pas à Argenteuil, ville de banlieue parisienne, très bétonnée, mal réputée. Et beaucoup moins exotique que l’Irlande.
Car cela se passe en Irlande. La jeune héroïne, Cait, peut faire penser à Cosette ou à une héroïne de Rue, cases nègres.
Je croyais au départ qu’il s’agissait d’une histoire d’inceste. J’ai dû confondre avec un autre film, également plébiscité par la critique, et sorti récemment, où une jeune fille subit un inceste.
Non. Pas de ça dans The Quiet girl.
Cependant, la petite Cait en prend néanmoins plein la tête dans sa famille.
Sa mère est une femme volontaire, travailleuse, croyante mais ignorante- ou rejetante- de tout moyen de contraception comme d’avortement. Nous sommes en Irlande.
ET dans les années 1970-1980.
Question mariage, la « pauvre » mère de Cait, comme beaucoup de femmes dirons-nous, a tiré le mauvais numéro à la loterie. Pour effectuer ce portrait du père, Picasso aurait sans doute accompli un nouveau chef d’œuvre.
Le père de Cait est en effet fumeur, fumiste, buveur de bière, joueur, queutard, reproducteur de viande – ou d’enfants- à la chaine mais aussi débiteur de défaites en tout genre.
Et c’est un violent moral.
Le père de Cait est le portrait du bon beauf ou du mec « normal » diraient certaines personnes. Ce qui n’empêchera pas certaines de ces mêmes personnes de finir leur nuit ou leur vie avec ce même genre de mec par ailleurs. Car chacun sa vie, chacun ses choix et tout le monde est libre de faire à peu près ce qu’il ou elle veut comme tout le monde le sait.
Etant donné les dispositions de ses parents, on se dit que la jeune Cait pourrait peut-être trouver refuge dans cette solidarité qui se trouve parfois entre frères et sœurs ou chez quelque enfant de son âge.
Mais c’est chacun pour soi. La jeune Cait passe plutôt pour être « weird » ( « bizarre ») auprès des autres. Et le Professeur Xavier, mentor des X-Men, ne lui trouve pas de super-pouvoir de mutante pour avoir envie de venir la sauver en Irlande ou lui parler dans sa tête afin de lui recommander de continuer de croire en elle. Quant à Dieu, ou un autre, il ne se manifeste pas particulièrement sous la forme de visions pouvant au moins faire d’elle l’équivalent d’une Jeanne d’Arc ou d’une quelconque aventurière.
Moralité : Cait n’est pas du tout faite pour cette guerre totale qu’est sa vie sur terre depuis son plus jeune âge. Et, elle est vraiment très seule sur terre. Il n’y a même pas un réseau social de disponible sur lequel elle pourrait se trouver deux-trois amis. Et même si ça avait déja existé à cette époque, il est certain que dans son coin, il n’y aurait pas eu de réseau ou que son père aurait gardé en permanence la main dessus afin de se trouver ses plans cul comme on peut se trouver des plans came.
Aujourd’hui, en 2023, où l’on a « beaucoup » de recul et accompli diverses études sociologiques, psychologiques et bien-sûr scientifiques sur ce type de conditions de vie précoces ou « inaugurales », mais aussi beaucoup lu, on dirait que Cait a le profil type, voire le morphotype, de la jeune souffre-douleur destinée à être sacrifiée sur l’autel de la collectivité.
En se faisant harceler, tabasser ou, pourquoi pas, violer, engrosser, psychiatriser, clochardiser ou prostituer avant même sa majorité. En passant, bien sûr, par la consommation concentrée et répétée de diverses substances telles que tabac, stupéfiants ou autres.
Qu’est-ce que l’on croit ? Fille-mère toxicomane ou prostituée, c’est un projet de vie parfaitement normal pour une fille comme Cait vue de là d’où elle vient.
Chacun son karma.
En plus, Cait, contrairement à Billy Elliot ne sait même pas danser et ne montre même pas de disposition particulière pour cela. Elle pourrait au moins essayer d’esquisser quelques petits pas de danse.
Même pas.
Alors que contrairement à Billy Elliot mais aussi à l’adolescent du film Girl de Luke Dhont, Cait a pour elle d’appartenir dès sa naissance au genre sexué consacré pour la danse, la petite « idiote » délaisse complètement cet avantage et n’offre aucune volonté pour s’en sortir.
Sans prendre trop de risques, on peut se hasarder à conclure que Cait n’a aucune –bonne- carte en main. Et, alors qu’elle touche à peine ses dix ans, qu’elle a largement de quoi être dépressive, suicidaire ou très agressive.
Hé bien, pas de ça entre nous dans The Quiet Girl …
Tout le film durant, la petite Cait reste aussi douce, mignonne, gentille, sensible et jolie que le bon lait.
Cait sait se tenir.
Jamais, Cait ne se montre en colère. Une véritable petite sainte sur terre.
Une future femme soumise, peut-être. Ou une âme « pure » et sans défauts comme on dit. Et qui a pour elle, non seulement, d’avoir gardé, malgré elle, sa virginité mais aussi… son insouciance. Les deux vont peut-être ensemble. Cela n’est pas tout à fait souligné dans le film. J’ai pourtant fait attention de bien lire les sous-titres en Français.
Cait est l’enfant parfaite qui peut donner très facilement bonne conscience- et gratification- aux adultes qui savent prendre soin d’elle.
Ce qui n’est pas très difficile pour les adultes « éclairés » que nous sommes devant ce film.
Alors que dans la vraie vie, c’est étonnant comme notre aveuglement nous guide très facilement.
Résilience et rebondissements
Il y a à peine deux mois maintenant, au salon du livre d’Argenteuil, lors d’une discussion avec une adulte, peut-être grand-mère aujourd’hui, celle-ci a loué, voire presque revendiqué, la très forte capacité de « résilience » des enfants.
A écouter cette personne sincère et convaincue, on aurait presque pu conclure que tout enfant qui rencontre et vit des expériences difficiles ou très difficiles se « doit » d’être « résilient ». En caricaturant un peu sa logique, cela aurait pu donner à peu près ceci :
« Les enfants qui vivent la guerre en Ukraine ? Résilients ! Les enfants des gilets jaunes ? Résilients ! Les enfants de celles et ceux dont la récente réforme des retraites imposée à coup de 49.3 a un peu plus détruit celles et ceux, pour qui, deux années de travail supplémentaire, en raison de leurs conditions pénibles de travail, c’est beaucoup ? Résilients !
Les enfants des migrants morts en pleine mer après s’être faits arnaquer par des passeurs ? Résilients ! ».
J’en arrive à me dire que ce genre de raisonnement émis par des adultes, qu’ils soient des « spécialistes » de la petite enfance, de l’éducation ou d’anciens parents a pour but principal de rassurer ces adultes.
Et de leur donner bonne conscience en toute circonstance.
Il doit bien se trouver quelques unes et quelques uns de ces adultes parmi ces critiques et journalistes qui ont encensé The Quiet girl. Toujours prompts pour applaudir. Souvent absents lorsqu’il s’agit de véritablement tendre la main.
Pour ces quelques raisons, j’ai beaucoup de mal avec certains de ces termes avec lesquels nous sommes régulièrement badigeonnés comme on peut le faire sur la plage avec de la crème de bronzage avant une exposition prolongée au soleil :
« Résilience », « rebondir »…
Pour moi, la petite Cait attendrit parce qu’il est possible, sans trop de difficultés, de s’identifier à elle ou aux parents de substitution qui, dans le film, peuvent la sauver.
La « petite » est touchante. Les adultes qui la recueillent le sont tout autant. Et, entre les deux, il y a des méchants et des ignorants qui n’en valent vraiment pas la peine ainsi qu’une petite musique qui fait le service comme il se doit.
Tout ça, dans une période post-covid et de pénurie où l’on est devenu d’autant plus sensible au fait d’avoir une maison, son espace de liberté et d’autonomie à soi. Ce qui est le cas des parents de substitution qui ont également une souffrance intime et secrète. Ainsi qu’une grande maison bien chauffée à la campagne où l’on ne manque pas d’amour et de confort matériel.
Dans le film As Bestas de Rodrigo Sorogoyen, sorti en juillet 2022, les héros (adultes) paient par la mort et le harcèlement leur droit de passage définitif dans ce paradis étranger pour lequel ils avaient quitté un monde parisien et urbain fait d’artificialité.
Dans The Quiet Girl, nous sommes de plain pied dans la ruralité sauf que nous débutons par le plus mauvais et le plus misérable de ses extrêmes. Et, il s’agit de nous montrer que, malgré cela, il reste possible de sauver la petite Cait, et, à travers, elle, de sauver notre âme. Même si ses sœurs et son petit frère sont aussi mal partis qu’elle mais de cela on s’en contrefiche puisque l’on se focalise sur Cait.
Et puis, ce sera bientôt les vacances d’été et l’Irlande, c’est vraiment une très chouette destination pour le tourisme.
A la fin du film, à Paris, dans cette salle de cinéma près d’Odéon, j’ai aperçu deux personnes dont l’émotion était très visible. L’une d’elle essuyait ses larmes délicatement.
Je me suis quand même laissé prendre par l’émotion. Mais quelque chose m’a gêné dans le film :
On nous montre la petite Cait aux « meilleurs » moments de sa vie. Là où il est encore, de manière visible, possible de la sauver. Et lorsqu’elle est encore très « présentable ». Mignonne, polie, naïve, sans rancœur, vulnérable….
Cait est à peu près tout ce que l’on veut pouvoir attribuer à l’enfance et que nous avons plus ou moins perdu en devenant adultes ou que, une fois devenus adultes, nous avons pour devoir, en principe, de préserver chez les autres.
Chez celles et ceux qui nous entourent, petits ou grands, ou que nous aimons.
Ou sur ceux envers lesquels nous avons certaines responsabilités et sur qui nous pouvons exercer une certaine autorité.
Sauf que, sauvée ou non, pour moi, il est impossible que la jeune Cait reste aussi douce et aussi parfaite qu’on nous la montre.
Et, c’est pareil pour ses parents de substitution.
Pour moi, l’avenir de Cait pourrait ressembler à quelque héroïne du film Moi, Christiane F, 13 ans, droguée, prostituée ( 1981) ou du film Requiem for a dream ( 2000).
Mais cela, je l’écris seulement parce-que je suis déprimé, aigri, ou démesurément pessimiste et défaitiste. Parce-que j’ai des idées trop noires.
Ou parce-que je n’ai absolument rien compris au film.
Ce qui est le propre de la mentalité de tout cynique et de tout perdant.
Seuls celles et ceux qui sont combattifs, méritants – et résilients– peuvent véritablement apprécier le film à sa juste valeur.
The Quiet Girl est le film-filtre qui départagera les résilients de tous les autres. Après la séance, les « autres » seront priés de retourner au néant préalable de leur existence sans déranger. Puisqu’ils ne sont même pas capables de saisir la chance qui leur a été proposée, au travers de ce film, de croire en leur avenir et de se battre pour lui.
Parce-que, dans la vraie vie, on aime celles et ceux qui en prennent plein la gueule et qui résistent avec le sourire. Parce-que c’est cela, être sain d’esprit.
Pourtant, quoi de plus « normal » que la déprime ?
Il y a du faux et du suspect, voire de l’inquiétant, chez celle ou celui qui, en toutes circonstances, en dépit de ses ratés, de ses doutes, de ses inquiétudes ou de ses deuils affirme que tout va très bien ou que tout se déroule « absolument comme prévu ».
Le dirigeant actuel de la Chine, future Première Puissance Mondiale hypothétique, a raté neuf fois son admission au parti communiste chinois. On peut louer sa persévérance ou parler de « résilience » à son sujet et chercher à s’inspirer de son exemple. Pourtant, on peut aussi se dire que les refus qu’il avait rencontrés ou sa persévérance, finalement couronnée de succès, avaient leurs raisons d’être. Pour notre avenir.
Si déprimer est un état désagréable dont on aimerait souvent se dispenser, on peut aussi se dire que cela aurait été mieux si certaines personnes pouvaient simplement accepter de déprimer.
Mais nous sortons de l’hiver. Et même si je ne parle pas de celui évoqué dans la série Game of thrones, succès déjà daté, quoi de plus normal que de déprimer un peu ou beaucoup en ce moment?
Alors que nous avons changé d’année et sommes repassés à l’heure d’été. Alors que nous avons été plus ou moins éprouvés par le changement des saisons comme par certains événements divers personnels ou autres : guerre en Ukraine, pénuries diverses, augmentation du prix des denrées alimentaires, du prix de l’essence, réforme des retraites, conflits sociaux qui en découlent, réchauffement climatique, crise des migrants…
Quoi de plus normal que de déprimer devant certains de ces événements extérieurs mais aussi intimes et personnels ? Et d’avoir besoin de rester quelque peu en jachère, ou en retrait, durant quelques temps ?
Le temps de récupérer. Un temps parfois ou souvent difficile à évaluer.
Il faudrait ou nous devrions être capables de prédire combien de temps nous sera nécessaire afin de pouvoir véritablement récupérer des efforts et des événements passés. Et, autant que possible, nous devrions raccourcir au plus vite cette période de récupération, pouvoir annoncer son terme afin de pouvoir être à nouveau opérationnels et disponibles et en première ligne sur tous les fronts du monde pour le confort et la satisfaction de quelques autres.
Comme s’il ne s’était jamais rien passé de marquant dans notre vie. Comme si le deuil et sa nécessité n’existaient pas dans notre vie. Comme si nous étions des êtres éternels et inchangés malgré le temps qui passe. Comme si nous étions indifférents à notre usure ou à notre sentiment d’usure ou de blessure intérieur et personnel.
Comme si nous étions, aussi, des pièces mais aussi des expériences interchangeables.
Chaque fois que l’on refuse l’idée d’être déprimé, on refuse aussi l’idée de faire partie de l’humanité et de notre particularité. Et, on devient, alors, autre chose ou quelqu’un d’autre. Un personnage de film ou de bande dessinée. Un dictateur ou une petite sainte.
Malgré nos « victoires » et nos « succès » publics ou d’estime.
Notre sourire intérieur importe plus que celui qui se voit, se récompense et s’entend. Lui seul peut véritablement nous tenir à distance de la déprime et de la dépression. Et, il est plus difficile à obtenir et à préserver.
Sorti en janvier 2023, auréolé d’assez bonnes critiques, Les Rascals est passé assez inaperçu devant le public derrière les « colosses » Black Panther 2 et Avatar 2 présents également en salles en ce début d’année. Cependant, comme dans certaines oeuvres cinématographiques où l’on a pu voir “débuter”, certaines actrices et acteurs, amusons-nous à mémoriser aujourd’hui le visage et les noms des acteurs principaux de cette pièce visuelle. Nous aurons plaisir à nous en rappeler plus tard lorsque certains membres du casting deviendront des artistes “reconnus”.
En effet, parmi les assez innombrables sorties de films, de séries, et leurs copies, peut-on dire que Les Rascals est un petit film d’auteur de plus ?
Côté filiation, l’œuvre de Jimmy Laporal-Trésor, dont l’histoire se déroule à Paris ainsi qu’en banlieue parisienne dans les années 70-80 d’avant l’explosion de l’épidémie du Sida, m’a tout de suite fait penser à Un Français réalisé par Diasteme en 2014 et à The Club (Neil Thompson, 2008). Mais, bien-sûr, il peut être relié à d’autres oeuvres antérieures en particulier anglo-saxonnes.
Adam ( l’acteur Victor Meutelet) convaincant dans son rôle.
Croquis social, Les Rascals se situe à l’époque où le groupe de rockabilly les Stray Cats avait la côte tandis que refluait en France hors des cendres du temps un racisme anti arabe et anti noir de plus en plus pressé sur la scène politique française par le Front National du papa de Marine Le Pen. Laquelle était alors étrangère à toute ambition politique comme à toute exposition médiatique. Sa nièce était alors à peine issue de la conception. Et Eric Zemmour était peut-être encore étudiant, jeune journaliste ou devait faire du porte à porte quelque part en essayant de vendre des tapis de sol pour la pratique du yoga.
Comme dans Un Français de Diasteme, le film réussit bien le portrait féminin fascisant de la jeune Frédérique (l’actrice Angelina Woreth). Il m’est difficile de savoir si cela a été voulu par Jimmy Laporal-Trésor mais le personnage de la jeune Frédérique peut, à un moment donné, évoquer celui de la jeune femme qui avait appâté Ilan Halimi en 2006.
Néanmoins, il est peut-être encore un peu tôt pour que le cinéma français s’empare d’un rôle féminin comme celui de la jeune Frédérique et le regarde dans les yeux de bout en bout. A l’image de ce que Diasteme avait pu faire avec le personnage interprété par Alban Lenoir dans Un Français.
Mais l’un des autres personnages très importants du film, c’est la musique.
Musicalement, à l’époque que nous raconte Les Rascals, le Rap démarrait pour de bon mais on ne le savait pas encore. Ses danses attiraient davantage l’attention en particulier au Trocadéro. Dans Les Rascals, on aperçoit Sidney, l’ancien animateur radio, « héros » d’une époque avec son émission télévisée consacrée au Hip Hop.
Bob Marley, lui, était mort depuis peu. Serge Gainsbourg était encore vivant. La New Wave avait déjà ses standards. Le Hard Rock était entré par effraction dans les collèges avec AC/DC et était à certains ados ce que le Rap allait devenir ensuite d’abord pour des ados de cités et de banlieue. Le Zouk arrivait mais le monde ne connaissait pas encore le groupe Kassav’. Le Rock semblait encore être le plus grand armateur musical du monde.
Les Rascals, film sonorisé par le groupe Delgrès, prend particulièrement soin d’ancrer son histoire aussi avec quelques pochettes de disques telles celle de l’album vinyle Thriller de Michaël Jackson ou celle du groupe antillais Lazair.
Culturellement, Jimmy Laporal-Trésor a d’ailleurs axé son film selon un point de vue antillais. Et, j’ai beaucoup aimé sa description de certains des codes de la culture antillaise. Qu’il s’agisse du recours au Créole lors de certains passages ou des relations du héros Rudy (l’acteur Jonathan Feltre) avec sa mère. Depuis au moins Rue Cases-Nègres adapté par Euzhan Palcy en 1983, en passant par les films de Jean-Claude Flamand-Barny plus tard, Les Rascals contribue à l’édification d’une mémoire cinématographique qui inclut les Antilles françaises…dans l’Histoire de France. Car le film montre au grand jour que les Antillaises et Antillais, en France, à l’image de bien des immigrés, ont pu être considérés comme les restes d’un univers souterrain, ignoré, vitrifié, sacrifié.
De gauche à droite, Mandal ( l’acteur Marvin Dubart), Boboche ( l’acteur Taddeus Kufus), Rudy ( l’acteur Jonathan Feltre) Rico ( l’acteur Missoum Slimani) Sovann ( l’acteur Jonathan Eap).
Mais Les Rascals est aussi de ces films à classer dans la catégorie des Stand By me : des copains qui se connaissent depuis l’enfance et meurtris par un environnement et un trauma communs se soudent jusqu’à espérer franchir ensemble le mur du son du monde adulte.
Rewind and play un film documentaire d’Alain Gomis
Au cinéma le 11 janvier 2023.
On l’oublie à voir la mine éblouie de Thélonius Monk alors qu’il descend sur le tarmac de l’aéroport de Paris en 1969 à l’âge de 52 ans et qu’il est déjà un artiste reconnu. Mais lorsque l’on arrive dans un nouveau pays on s’attend à ce que la vie y soit différente.
Le nouveau film du réalisateur Alain Gomis est constitué du montage d’archives qu’il a retrouvé du passage de Thélonius Monk, et de sa femme Nellie, à Paris.
Le pianiste de jazz Thélonius Monk ( 1917-1982) ne dira pas grand chose à celles et ceux qui sont nés à partir des années 1980 ou qui ne voient par exemple que par Mylène Farmer, Angèle, Soprano, Damso, Jul, PNL, Goldman et Jones, les Stones, Beyoncé, Booba ou Billie Eilish. Pour les autres, historiens, amateurs de Thélonius Monk ou de jazz, ce « documentaire » intrigue.
Gomis laisse parler les images ainsi que le puzzle Monk. Ce sont des mystères visuels. Ceux-ci nous paient en musique. Souvent mutique, probablement psychotique, la dysarthrie de Monk, ses absences et son incapacité à s’avancer jusqu’à une élocution simple, malgré les efforts du journaliste français qui l’entoure, nous font d’abord regretter son naufrage parmi les hommes.
Monk ressemble alors au Lenny des Souris et des hommes de Steinbeck. Pour sa grande taille massive, et sa façon d’être à côté dès lors qu’il cesse d’arpenter le clavier d’un piano.
Et sa femme Nellie, avec ses lunettes fantaisistes à la Bootsy Collins, bien que mieux parée pour correspondre, semble aussi s’être téléportée depuis un autre monde que celui que nous appréhendons.
A priori, pourtant, nous sommes entre de bonnes mains. Monk, à Paris, donc en Europe, est reçu comme une personnalité du Jazz qui, aux Etats-Unis, parce-que noir, parce-que Jazz man, passe inaperçu. Et, l’accueil du journaliste qui reçoit Monk peut d’abord faire penser à l’hommage que rendra plus tard au Jazz le réalisateur Bertrand Tavernier avec son film Autour de Minuit (1986).
Puis, le malaise grandit. Il est difficile de savoir si, dès son arrivée en France, ou même avant, ce malaise était déja présent. Car le journaliste français (blanc) semble être un véritable amateur de Jazz et on l’envie alors qu’il raconte sa « proximité » avec Thélonius Monk, ses séjours aux Etats-Unis et quelques moments historiques du Jazz avec Dizzy Gillespie, Sonny Rollins ou John Coltrane. On envie aussi ce journaliste quand il évoque quelques clubs de Jazz qui ont fait l’Histoire. Au départ, on a donc une certaine sympathie pour ce journaliste qui tente, de différentes façons, d’entrer en relation avec Thélonius Monk et de faire en sorte que celui-ci participe davantage au tournage de l’émission télévisée.
Sauf que Monk lui échappe en permanence.
« Fais comme tu veux » ou « Fais comme bon te semble » articule Monk difficilement. On comprend que tout ce que Monk veut, c’est être devant son piano et en jouer. No Bullshits. On est très très loin de la Star Académie ou de toutes sortes de minauderies pour faire joli. Seule compte la musique. Et, c’est d’ailleurs elle seule qui le dompte. Les prises pour l’émission s’accumulent telles des secondes gâchées dans un cendrier. Difficile de trouver la bonne prise entre les ratés du journaliste et Monk qui se dessaisit de l’étreinte de ce que l’on veut lui faire dire. Ou jouer.
Nous avons droit à quelques très beaux solos de Monk au piano dans Rewind and play. Mais plus le temps passe et plus la relation entre lui et le journaliste blanc, amateur de Jazz, devient la taule dont Monk, l’esclave noir ou le hamster, doit se contenter selon le souhait du Maitre. Pas bouger. Toi, obéir et faire comme on te dit.
En regardant Monk et ses sourires de politesse, on croit alors voir plusieurs fois un esclave du sud des Etats-Unis tels qu’on a pu nous les décrire du temps de l’esclavage.
Le journaliste, qui se veut sans doute ouvert d’esprit n’a de cesse de rappeler que lors son premier passage en France 15 ans plus tôt, en 1954 ( année du début de la guerre d’Algérie, laquelle n’est pas mentionnée), sa musique était sans doute « encore trop avant gardiste » et le public français ne l’avait alors pas « comprise ». Sauf qu’ensuite, l’esprit rétrograde de ce même journaliste- qui n’a pas compris- produit des étincelles. Et ce n’est pas du Be Bop.
Lorsque Monk s’exprime enfin librement et suggère le racisme qu’il a subi car, malgré son statut de musicien célèbre, il avait été moins bien payé que les musiciens ( blancs) qui l’accompagnaient, le journaliste décide de couper ce passage, le jugeant « désobligeant ». On découvre alors que même en Europe où il est donc désormais adulé, Monk n’est qu’un Noir qui doit rester à sa place dans son rôle de sous-homme seulement compétent pour divertir des blancs condescendants et ignorants comme ont pu les décrire certains héros de la Négritude tels Césaire ou Senghor.
Malgré la barrière de la langue (Monk ne parle pas Français) Monk déchiffre parfaitement son interlocuteur. Peut-être parce-que, où qu’ils soient dans le Monde, tous les racistes composent le même fond de notes. Et, Monk, en a assez de ces singeries.
Rewind and Play sortira au cinéma le 11 janvier 2023.
Saint Omer, un film d’Alice Diop sorti au cinéma ce mercredi 23 novembre 2022.
Chaque crime nous rappelle que nous restons au bord de l’abîme. Nous avons beau courir.
On comprend donc, facilement, que pour écrire le scénario de Saint Omer, sa première œuvre de fiction, la réalisatrice Alice Diop ( La Mort de Danton, La Permanence,Nous ) se soit entourée de sa monteuse Amrita David et de l’écrivaine Marie Ndiaye.
Puisque Saint Omer relate le procès d’un fait divers où, en 2015, une mère avait « déposé » en pleine nuit sa fille de 15 mois au bord de la mer à Berck sur Mer, provoquant ainsi sa mort par noyade.
Saint Omer est d’abord un film de femmes. Un film où tous les premiers postes sont occupés par des femmes :
La réalisatrice, les scénaristes, la mère infanticide Laurence Coly, le personnage principal et double de la réalisatrice, les mères de Laurence Coly comme du personnage principal (Rama), la juge, l’avocate de l’accusée…
A cette sorte de solidarité féminine ou de sororité, Alice Diop a ajouté les renforts de la littérature (dont Marguerite Duras et Marie Ndiaye), un travail d’archives (les femmes tondues à la fin de la Seconde Guerre mondiale, des images de la vie familiale passée du personnage principal) ainsi que son intimité et son expérience de ce procès auquel elle avait assisté alors qu’elle était enceinte.
L’héroïne, Rama ( l’actrice Kayije Kagame) est ainsi romancière en plus d’être enseignante, mais a aussi du mal à accepter sa première grossesse lorsqu’elle part assister au procès de Laurence Coly, la mère infanticide.
Rama ( l’actrice Kayije Kagame)
Lorsque le réalisateur Jeff Nichols avait fait Take Shelter, la menace qu’il redoutait pour son enfant à venir était extérieure. En cela, Nichols avait peut-être mis en scène une expérience et une peur plutôt masculines face à une naissance à venir. Par ailleurs, Jeff Nichols, sans que cela soit un reproche de le souligner, est un homme blanc dans un monde de blancs.
Alice Diop, elle, nous parle en peurs intérieures. Elle a réalisé Saint Omer en devenant ou après être devenue mère pour la première fois, d’un enfant métis, en étant une femme noire dans un monde de blancs, à commencer par la France.
Je me rappelle que dans Nous, si je ne me trompe, elle nous avait appris que son père, parti du Sénégal pour venir travailler et résider en France et qui y avait vu naître ses enfants, avait accusé le coup en silence lorsqu’elle l’avait informé qu’elle avait l’intention de faire sa vie en France.
Il y avait donc pour Alice Diop au moins deux contraintes personnelles de taille à devenir mère en France. D’une part, l’incertitude concernant l’avenir lorsque l’on est une femme noire en France. Déjà, être une femme, en soi, reste une situation ou un état qui expose à certaines violences ne serait-ce que dans le monde du travail. D’autre part, être noire, rajoute à cette incertitude.
Ensuite, il y avait le fait, pour elle, de contredire le souhait de son père.
Et, sans doute devrais-je aussi rajouter (j’ai tendance à l’oublier du fait de sa réussite en tant que réalisatrice) qu’Alice Diop a eu aussi à faire ou a sans doute à faire avec la contrainte initiale d’avoir grandi dans un milieu de classe moyenne en banlieue parisienne, à Aulnay Sous Bois. Par là, je fais allusion aux codes sociaux à intégrer qui ont sans doute été différents de ceux qu’elle connaissait (et qu’elle connaît) lorsqu’elle s’est lancée dans une carrière dans le cinéma qui compte parmi beaucoup de ses intervenants des personnes d’un milieu socio-économique et ou culturel plutôt élevé ou favorisé.
Le Fait divers
Lorsqu’arrive ce fait divers d’une mère infanticide, très vite, qu’Alice Diop devine être d’origine sénégalaise, tout comme elle, elle est enceinte pour la première fois de sa vie. La réalisatrice l’explique au moins dans cette interview que l’on peut lire dans le journal Libération sorti ce mercredi 23 novembre.
Toujours dans cette interview, Alice Diop explique aussi avoir été particulièrement attirée par ce fait divers. Ce qui est contraire à ses habitudes, elle qui prise assez peu ce genre d’événements.
Ce fait divers la décide à se rendre au procès contre l’avis de son compagnon et sans rien en dire à quiconque par ailleurs. Elle est alors sans projet de film sur le sujet à cette époque.
Une expérience hors normes
Pour le peu que j’arrive à en connaître, la grossesse est une expérience hors normes mais aussi hors morale. Il existe bien des injonctions morales ou sociales qui dictent ce qu’une femme et un homme devraient faire ou ressentir lors de ces expériences et de ces étapes de la vie. Mais, dans les faits, cela peut se passer autrement. Une femme alors qu’elle est enceinte, peut être ambivalente et avoir des idées de mort. Certaines psychoses se déclarent aussi lors de la grossesse. On parle alors de psychose puerpérale.
Saint Omer raconte aussi ça. Comment une femme, éduquée, brillante intellectuellement, très câline avec des enfants qu’elle avait pu garder pendant deux à trois ans, peut, « in fine », dissimuler autant que possible sa grossesse, accoucher seule, prendre un train, réserver une chambre d’hôtel, puis, en pleine nuit, équipée d’une lampe frontale, partir déposer son enfant au bord de la plage alors que la marée monte.
Dans son interview, toujours dans le journal Libération de ce 23 novembre 2022, Alice Diop dit que la journaliste du journal Le Monde qui avait écrit sur ce fait divers s’est reprochée a postériori d’avoir écrit que cette mère avait « déposé » son enfant. Et qu’elle aurait dû écrire « Noyé ». Alice Diop précise dans l’interview que si cette journaliste avait écrit « Noyé son enfant », qu’il n’y aurait pas eu de film.
Un procès est aussi une expérience qui peut s’avérer être hors normes. Mais Saint Omer n’est pas le procès d’une grossesse.
Film de femmes et ouvertement en faveur d’une meilleure représentation des Noirs dans le cinéma français (Rama, le personnage principal, est enseignante et plutôt taciturne, ce qui nous change de la femme de ménage ou de la doudou rigolote), Saint Omer laisse également place à certaines réminiscences traumatiques.
Laurence Coly ( l’actrice Guslagie Malanda)
La première fois que Laurence Coly ( l’actrice Guslagie Malanda), l’accusée, est emmenée à la cour, et attachée dans le dos, pour le début de son procès, il m’a été impossible de ne pas penser à l’esclavage. Pendant quelques secondes, avant que la juge ne prenne la parole, Laurence Coly fait alors penser soit à la femme esclave que l’on va vendre ou à celle que l’on va livrer à la vindicte publique.
Mais Alice Diop avait prévenu dès le début de son film, avec ces images des femmes tondues à la libération et ce commentaire qui dit que « Les héros (donc des hommes) » qui tondent ces femmes sont des « héros sans imagination ». Diop nous dit que si ces femmes ont commis l’irréparable, qu’il y a une autre façon de s’y prendre avec elles qu’en procédant à cette humiliation publique qui laissera en elles une « flétrissure ».
Saint Omer cherche donc à comprendre cette mère infanticide plus qu’à la bannir.
La Puissance féminine
Pour cela, j’avais déjà commencé à en parler, je comprends qu’Alice Diop ait eu besoin de deux autres personnes avec elle pour le scénario et le portrait de cette femme. D’un côté, Amrita David, sa monteuse depuis plusieurs films. Et Marie Ndiaye, l’écrivaine, mais aussi mère, je crois, de deux enfants également métis et l’aînée (12 ans les séparent) de quelques années d’Alice Diop.
Selon moi, cette mère infanticide, d’après ce que j’en vois dans Saint Omer ,est psychotique. Pour sa froideur, pour sa façon de parler de sa fille comme d’un objet fonctionnel ou une mécanique. Pour sa manière de faire plus que d’être ou de vivre.
Je remarque aussi que cette mère se sépare de sa fille lorsqu’elle a quinze mois, soit, lorsque celle-ci commençait peut-être à marcher et, donc, à devenir autonome et à pouvoir commencer à se séparer d’elle.
Avec Marie Ndiaye, cette femme devient quelque peu une femme puissante. Je me trompe peut-être en écrivant ça. Peut-être ou sans doute que cette idée de puissance provient-elle des trois femmes scénaristes. Mais, avant même de savoir que Marie Ndiaye avait participé à l’écriture du scénario, j’ai trop senti cette empreinte ou ce « label » de la puissance de Marie Ndiaye sans avoir pour autant lu un seul de ses livres.
Sûrement parce-que s’il peut y avoir une certaine forme de puissance, dans le fait, pour cette femme, d’aller à l’encontre de l’entendement : exposer ou offrir son enfant à la mort.
Pour moi, la puissance est avant tout ou doit être avant tout destinée à la vie. Je sais bien que c’est faux : il est bien des puissances qui s’exercent sur autrui et plutôt au bénéfice de la destruction et de la mort. Et pas seulement dans Harry Potter et Black Panther….
Alors, je dirais que j’ai du mal avec cette « puissance » attribuée à cette mère et à cette femme car, contrairement à Duras, citée dans le film, je ne la trouve pas sublime.
Les mères dans Saint Omer
Pour reprendre des propos du compagnon de Rama, Adrien ( l’acteur Thomas de Porquery), les mères dans le film sont plutôt “cassées”. Adrien parle alors de la mère de Rama quand il lui explique:
“Ta mère est cassée”.
Mais la mère de Laurence Coly, même si elle essaie de faire bonne figure, l’est également. Mais pas de la même façon que la mère de Rama. Si la mère de Laurence Coly reste sûre de son fait comme de la bonne éducation qu’elle a pu lui donner, la mère de Rama est plutôt une mère défaite. On a plutôt envie de ramener la première à la raison mais on “devine” que celle-ci se montrera si combattive qu’il sera sûrement impossible d’y parvenir. Alors que l’on a assez envie de prendre la seconde dans nos bras afin de tenter de la consoler. Sauf que cela est aussi impossible car cette mère reste suffisamment forte pour résister à ce réconfort et s’éloigner.
Dans Saint Omer , Laurence Coly, qui a été une enfant parfaite et une élève brillante, parle peut-être telle que ces deux mères auraient certaines fois voulu le faire si cela avait été possible pour elles dans un monde d’hommes. Saint Omer nous suggère peut-être que pour que la parole soit donnée aux femmes, dans notre monde d’hommes, qu’il leur faut d’abord passer par le crime.
Personne ne cherche à entendre ou à savoir ce que pense ou ressent une élève brillante et sans histoire. Comme personne ne cherche à savoir ce que pense ou ressent la mère de Rama, lorsque dans le film, parée de ses bijoux et de sa belle robe et apparaissant comme une femme brillante et parfaite, grosse de sa tristesse que seule l’enfant Rama vit et perçoit, elle apporte un repas de réjouissance pour les convives attablés.
Le seul trait d’humour, involontaire et “forcément” très noir, du film intervient lorsque Laurence Coly raconte qu’une fois arrivée à Saint Omer, c’est une femme, “guide touristique”, qui lui a appris où se trouvait la mer. J’essaie d’imaginer un peu, sans y arriver, l’effroi de cette guide après la nouvelle de l’infanticide. Cette guide était peut-être une mère ou envisageait peut-être de le devenir un jour.
Paroles d’homme
J’ai écrit au début de cet article que Saint Omer est un film de femmes. Cela est nécessaire pour tenter de rétablir certaines injustices. Mais c’est aussi le travers du film.
D’abord, j’ai du mal avec cette citation de Duras à propos de l’affaire Grégory car, pour le peu que je sais, rien ne prouve comme l’avait affirmé Duras que la mère du petit Grégory ait véritablement été l’auteure du crime.
Ensuite, en tant qu’homme, pour ma part, j’aurais plutôt tendance à fuir une femme qui ressemble à Laurence Coly. Je ne parle même pas de la mère qui a tué ou « offert » son enfant à la mer. Je parle de la psychose, de sa froideur, de sa psychorigidité…
Lorsque Luc Dumontet, son ex compagnon, parle des « jalousies » de Laurence Coly, capable d’être en colère «pendant plusieurs jours », j’imagine des scènes de jalousie aussi obstinées que brusques et incompréhensibles. Ce genre d’attitude ne me donne pas vraiment envie d’avoir une relation avec une personne pareille. Mais pour qui l’a, ce genre de relation est particulièrement difficile.
Dans le film, j’ai donc trouvé particulièrement violente cette scène où l’avocate ( Maitre Vaudenay jouée par Aurélia Petit) de Laurence Coly balance en public à l’ancien compagnon de celle-ci ( Luc Dumontet, joué par l’acteur Xavier Maly) qu’il a été d’une « grande lâcheté » !
Cette avocate, Maitre Vaudenay, commence par prévenir cet homme qu’elle n’est pas là pour le juger car la couleur de sa robe est noire et non rouge, comme celle de la juge. Puis, finalement, brusquement, Maitre Vaudenay juge Luc Dumontet ( l’ancien compagnon de Laurence Coly) en public. Pour moi, cette femme avocate tond en public l’ancien compagnon de l’accusée.
Que cet homme ait été lâche, qu’il ait préféré cacher sa relation ou disposer de cette femme et future mère infanticide, soit. Par contre, tout lui reprocher comme s’il avait eu, lui, la capacité de tenir tête à cette femme qui (là, je rejoins l’idée de sa puissance) est le contraire d’une femme docile et qui, qui plus est, est psychotique….
Cet ex compagnon que j’ai vu dans Saint Omer, lorsqu’il raconte cette période heureuse avec Laurence Coly ( l’actrice Guslagie Malanda) et leur enfant m’a beaucoup donné l’impression d’un homme qui ne savait vraiment pas avec quelle genre de personnalité il se trouvait. Et qu’il était, au fond, complètement dépassé alors qu’il vivait, lui, le grand bonheur passé qu’il raconte à la cour.
En cela, cet homme est semblable à beaucoup de personnes, femmes comme hommes, qui, peuvent connaître des moments importants avec une personne, qui, malgré ou du fait de l’intimité partagée avec elle, ignorent beaucoup d’elle. Pas une seule fois, lorsque Luc Dumontet, l’ancien compagnon de Laurence Coly témoigne, il ne prononce le mot “Psychose” ou ne semble se dire, ou comprendre, que celle-ci puisse avoir eue une personnalité “un peu” pathologique.
Et, un homme qui raconte, comme cet ex compagnon le fait, qu’un homme de son époque ne s’occupe pas des enfants ou ne sait pas s’en occuper, va spontanément s’en remettre à la femme et à la mère pour cela, ne me paraît pas être un homme lâche. C’est un homme limité, archaïque ou dépassé, si l’on veut. Mais pas plus lâche que bien d’autres.
Je le pense d’autant plus qu’assez régulièrement, je m’interroge à propos de certaines personnalités ( masculines) en essayant de les imaginer en train de s’occuper de leurs enfants, bébés. Et, j’ai quelques fois bien des doutes- fondés ou infondés- concernant leurs capacités de «nursing » : se lever en pleine nuit lorsque bébé pleure, changer sa couche, préparer son biberon, lui donner son biberon, prendre bébé dans ses bras, être avec lui à la maison ou sortir avec lui, lui parler….
Si je vois Laurence Coly, l’accusée, comme psychotique, paradoxalement, je ne la vois pas « folle » comme son avocate la voit. Je crois que l’avocate de Laurence Coly se rassure beaucoup en voyant sa cliente, Laurence Coly, “seulement” comme folle. Parce-que si elle est folle, cela veut dire qu’elle est vulnérable, à soigner et à protéger. Moi, je ne crois pas que Laurence Coly soit aussi vulnérable que son avocate la voit. On a une petite idée de l’aplomb- mais aussi de la maitrise- dont elle peut être capable lorsqu’elle répond à l’avocat général ( l’acteur Robert Cantarella) qui fait beaucoup plus le poids que son ancien compagnon n’était sans doute capable de le faire dans leur intimité.
Je ne suis pas persuadé que dans le “couple” que Laurence Coly a formé avec Luc Dumontet, que celle-ci ait toujours été la personnedominée. Malgré la différence du nombre d’années, malgré la différence de statut social et de couleur de peau.
Laurence Coly (l’actrice Guslagie Malanda)
Mais il est plus facile à Maitre Vaudenay de voir l’ex compagnon de sa cliente comme un « lâche » qui a failli à ses responsabilités et, disons le une bonne fois pour toutes, comme un homme à qui il a manqué une bonne paire de couilles. Car c’est ça- en d’autres termes- que l’avocate de Laurence Coly dit à l’ancien compagnon de celle-ci.
Par ailleurs, je suis étonné que l’ex compagnon de Laurence Coly ne soit, lui, défendu par personne dans la cour.
Mais il n’y a pas que ce portrait de cet homme « lâche » et sans couilles qui m’a dérangé dans Saint Omer.
Le compagnon ( Adrien, joué par l’acteur Thomas de Pourquery) de l’héroïne est plutôt sympathique. Il a une bonne tête, c’est un zicos ( musicien) il est ouvert, poli, sociable, solide, patient, compréhensif. Mais c’est un faire valoir. Il est juste là pour arrondir les angles, pour servir de confident et de doudou rassurant lorsque Rama, l’héroïne, craque et à juste titre. A force de rester à proximité de l’abime, celui-ci finit par prendre la forme de notre visage et de notre regard.
Rama ( Kayije Kagame) avec son compagnon Adrien (Thomas de Pourquery)
Le compagnon de Rama serait l’homme parfait mais aussi un père attentif et présent. Mais cet homme parfait, tel qu’il est, me dérange beaucoup. Je ne vois pas très bien où se trouve l’Amour dans ce couple mixte et « moderne ». Je ne vois pas très bien ce qui donne envie à cet homme d’être avec cette femme si taciturne. Je ne vois pas très bien ce qui donne de la vie à leur relation de couple.
L’autre homme que l’on voit dans le film, c’est l’avocat général. Bon. Il fait son travail. On a donc, d’un côté, un homme lâche qui est pire qu’un pauvre type et qui n’a plus qu’à aller se suicider après s’être fait exécuter publiquement – et froidement- par l’avocate de son ex compagne. On a un homme parfait qui fait office de faire valoir. Et un homme qui fait son travail de procureur. Au suivant.
On pourrait ajouter le juge d’instruction plus ou moins raciste que l’on voit un peu témoigner et qui a ou aurait livré, clés en mains, à l’accusée sa méthode de défense. Juge d’instruction remis en cause par l’avocat général qui fait plutôt bien son travail de procureur, il me semble.
Et puis, surtout peut-être, il y a le père de l’accusée, absent au procès, au contraire de la mère. Le père qui s’est fâché avec elle lorsque celle-ci a pris la décision d’arrêter des études de droit pour faire de la philo. Le père qui a, dès lors, arrêté de la soutenir financièrement et moralement. Poussant ainsi sa fille à trouver des solutions pour s’en sortir économiquement.
Il y a aussi le père disparu de Rama.
Enfin, il y a les femmes, les enfants et les hommes migrants qui se noient en mer en essayant de la traverser. Des personnes que l’on ne voit pas, que l’on ne rencontrera pas, et qui, pour certains, tombent dans les filets des nombres dont on déverse de temps à autre le contenu en nous apprenant que tant de personnes sont mortes en mer, après que les flotteurs de leur embarcation se soient dégonflés comme, récemment, avec le Viking Océan, entre l’Angleterre et la France. Si l’on peut faire à peu près tout dire au “personnage” incarné par Laurence Coly ou lui prêter une bonne partie de nos projections, de notre attraction comme de notre répulsion, selon ce qu’elle nous inspire, les circonstances de la découverte du cadavre de la petite Lily sont néanmoins relatées dans Saint Omer par la juge et Présidente ( l’actrice Valérie Dreville). C’est un pêcheur qui découvre le cadavre et qui croit, au départ, qu’il s’agit du corps d’un enfant migrant.
On peut penser que Laurence Coly avait tout pour réussir. Qu’elle était du bon côté de la mer comme on peut être dans le bon quartier d’une ville, à la bonne époque, dans la bonne école, et réunir les meilleures conditions qui soient pour réussir en étant la même personne. Le film Atlantique de Mati Diop peut aussi, un moment, se profiler dans l’horizon de notre mémoire.
Car on peut considérer que réussir à bien accoucher revient à bien traverser la mer pour se retrouver du bon côté de la vie- et, qu’alors que le plus dur a été accompli, que Laurence Coly, elle, en quelques minutes, détruit ce pour quoi d’autres vont prendre tous les risques, voire mourir, sans l’obtenir. Traverser la mer, obtenir une meilleure vie. Donner la vie. Laurence Coly s’en détourne car, pour elle, la Sénégalaise partie en France poursuivre des études supérieures, cela lui rendra la vie plus facile…
L’accusée est décrite à la fin du film, par son avocate, comme une « femme fantôme ». Mais, pour moi, les hommes aussi sont des fantômes dans cette histoire. Mais aussi dans ce film.
J’ai aussi été perplexe devant les pleurs de l’accusée à la fin du film. Les pleurs.
Les pleurs et les femmes
J’espère que l’on ne va pas essayer de se convaincre que parce-que cette accusée pleure à la fin du film, qu’elle en est plus humaine. Ou qu’elle rejoint enfin, le cercle des êtres humains. Et qu’il y a donc de l’espoir pour la personne qu’elle est en tant qu’être humain. Laurence Coly n’a jamais cessé d’être humaine. Mais son humanité menace la nôtre.
Je me demande la raison pour laquelle l’accusée pleure à la fin du film. Elle peut avoir été réellement émue. Elle peut, aussi, pleurer parce-que son avocate, par sa plaidoirie, plus brillante que les suggestions faites par l’instruction plus ou moins raciste, lui indique ainsi comment se comporter. L’accusée pleure au bon moment. Ce qui pourrait inciter à penser qu’elle véritablement des «nôtres». Sauf que même sans pleurs, elle était déjà des “nôtres”.
Dans Saint Omer , Alice Diop nous montre une femme qui a déposé son enfant devant la mer. Devant cette femme, je dépose mes doutes. Devant le film, je suis partagé mais je suis content qu’il existe et qu’il ait eu des prix. Les acteurs jouent bien. L’actrice Guslagie Malanda ( Laurence Coly) se détache. Mais j’ai aussi beaucoup aimé le jeu de l’acteur Xavier Maly ( Luc Dumontel) car bien jouer «un lâche » est un exercice plutôt difficile.
Retour à Séoul un film de Davy Chou au cinéma le 25 janvier 2023.
Retour à Séoul aurait pu avoir pour sous-titre : Le Prix du Matin calme.
Alors qu’il est en quête d’harmonie, le loup occidental croit l’apercevoir dans certains pays d’Asie. Si l’on fait partie de ces personnes attirées par l’Asie au moins pour cette « raison » ou cette croyance, on envie la jeune Freddie lorsqu’elle arrive en Corée du sud au début du film. Freddie est alors notre alibi et notre double. Bien que d’origine et d’apparence coréenne, elle a toujours vécu en France et parle à peine Coréen. C’est une jeune femme dans la vingtaine très à l’aise pour les relations sociales. Au lieu de se regarder dans un miroir en attendant que quelqu’un vienne à elle, c’est elle qui s’avance vers les autres.
L’actrice Park Ji-Min II dans le rôle de Freddie.
Sa facilité pour entrer en contact, en abattant les distances, avec les jeunes Coréens surprend (et cela nous surprend tout autant). Mais cela les fascine aussi et semble leur simplifier la vie. Tels les timides invités d’une soirée ou d’une société, ces jeunes Coréens semblent avoir toujours attendu que quelqu’un comme Freddie les rejoigne et fasse pour eux le premier pas, les autorisant en cela à s’avancer ensuite.
Le pays du Matin Calme serait donc un de ces endroits où l’harmonie est obtenue en maintenant, dès son plus jeune âge, chaque individu à l’envers de soi sur un socle.
Freddie, « la jeune étrangère », est celle qui provient du hors champ de cette éducation à la Coréenne. Laquelle éducation, pour garantir l’harmonie sociale d’un pays, n’en n’enferme pas moins ses citoyens. Le pays tout entier est leur prison et s’étend jusqu’à leur espace social, émotionnel, corporel et mental.
« Tu es une personne très triste » lui dira pourtant plus tard en Français Tena ( l’actrice Guka Han, également auteure du livre Le jour où le désert est entré dans la ville ) une de ses amies coréennes pourtant peu portée sur l’extravagance. Comme si le fait d’avoir laissé filer cette tristesse hors de son bol intérieur était une grande tare sociale en Corée du sud. Ou que le secret de cette trop grande liberté de Freddie, d’abord entraînante et extraordinaire, avait pour elle le tort d’avoir été révélé.
L’armature des convenances est telle qu’il convient de toujours aller bien et de savoir garder pour soi certaines émotions afin de ne pas incommoder les autres avec celles-ci. Rien ne doit dépasser ou déborder.
Le pays du Matin Calme est peut-être le pays où l’on aspire parfois à extraire de soi ce que l’on ressent afin de l’exprimer mais où le risque reste trop grand de se retrouver dévalué, aux yeux des autres ou à nos propres yeux, si l’on se confie tel que l’on est. Car nos secrets nous protègent.
Or, Freddie, elle, déborde et se livre allégrement comme une enfant tandis que les jeunes Coréens alentour se tiennent bien et à l’abri du jugement des autres.
La récréation, pour Freddie, dès lors, se fait courte. Après les premiers temps de l’exaltation de la découverte de la Corée du Sud, il lui faut aussi passer aux choses sérieuses.
Freddie ( l’actrice Park Jin-Min II) alors qu’elle cherche le Centre Hammond.
De d’abord libérée par rapport à ses rencontres coréennes, car Française, Freddie trouve ensuite sa propre prison. Celle de l’histoire de son adoption. Car elle est née Coréenne. Ses amis coréens lui parlent du centre Hammond qui aide les enfants coréens adoptés à retrouver leurs parents biologiques.
A partir de là, Retour à Séoul cesse d’être la comparaison amusante mais aussi embarrassante – Freddie se montre par moments assez rude ( tant en Français qu’en Anglais ) envers certaines mœurs coréennes- entre deux cultures, Coréenne et Française, pour devenir le récit de la fabrication “en accéléré” d’une nouvelle identité.
Freddie est spécifiquement Française au début du film. A la fin du film, sa part coréenne sera établie.
Le processus, sur plusieurs années, sera plusieurs fois déconcertant et difficile.
L’acteur OH Kwang-ROK qui incarne le père biologique de Freddie suivi par celle-ci ( l’actrice Park Ji-Min II) et son amie coréenne Tena ( l’actrice Guka Han)
Il contiendra aussi son lot de dérives. Car tant que l’on fait semblant et que l’on raffole de l’instant et sans attente particulière, ce que l’on vit est sans conséquences. Par contre, lorsque l’on s’expose au Temps des autres et que l’on en attend des réponses….
Freddie ne peut pas se soustraire à cet autre voyage. Celui de son histoire personnelle et de son identité pour lequel ses parents adoptifs français, malgré tout leur Amour et tous leurs efforts, restent et redeviennent deux étrangers.
Après plusieurs voyages au Japon, pays proche, celui de Freddie en Corée du Sud, plus personnel et moins exotique, est le voyage de la maturité.
Presque paradoxalement, l’inconnu de ses origines qui construit sa quête, le handicap d’être Française comme celui de peu parler la langue coréenne vont aussi lui permettre de prendre des décisions, comme de mener une vie, dont elle aurait sûrement été incapable si elle avait toujours vécu en Corée et toujours été « seulement » Coréenne.
Pour réaliser ce film, Davy Chou s’est inspiré librement de la vie de Laure Badufle qui a participé à la conception du scénario. Aujourd’hui, Laure Badufle est devenue Coach professionnelle de l’Ecole Française de Coaching, enseignante de Yoga Kundalini et co-présidente de la Fédération Française FFKY. Elle a aussi « créé le programme Adoption Mastermind pour accompagner adopté.e.s et adoptants à travers les défis de l’adoption et travaille avec des associations en France et à l’étranger ( Racines Coréennes, La Voix des Adoptés, G.O.A’ L (….) ».
Dans le film Retour à Séoul, L’actrice (Park Ji-Min II) qui incarne Freddie passe par un spectre de regards et d’émotions qui la rendent tantôt attachante, tantôt agaçante mais aussi cruelle, froide ou effrayante. Parfois, elle scrute voire sectionne du regard ses interlocuteurs comme des insectes de passage ou de transition mais aussi comme si elle voulait se réincarner dans leur histoire personnelle. On ne la quitte pas des yeux tant son jeu est convaincant.
Freddie, en plein repas avec sa famille biologique du côté de son père qu’elle a retrouvé. Face à elle, son amie Coréenne, Tena ( l’actrice Guka Han) qui lui sert d’interprète.
A la fin du film, Freddie demeure une personne assez insaisissable. Peut-être parce qu’elle est devenue un être humain plus libre et plus heureux en achevant bien sa mue en tant que Coréenne.
Retour à Séoul sortira au cinéma le 25 janvier 2023.
La Cour des Miracles un film de Carine May et Hakim Zouhani
Au travers de certains films, on peut quelques fois voir dans le cinéma comme dans le ciel ou la terre, ce qui pousse tous les jours autour de nous.
J’ai vu trois films au cinéma hier et aujourd’hui. Cela ne m’est pas beaucoup arrivé depuis que je suis devenu père de voir trois films en un jour et demi. Le premier film a été La Cour des Miracles de Carine May et Hakim Zouhani. Je me devais d’aller le voir.
Le premier miracle de Carine May et de Hakim Zouhani, derrière celui de leur premier passage au long métrage après plusieurs courts et moyens métrages, tels que La Rue des Cités, La Virée A Paname et Molii , est d’avoir pu faire une réserve de leur comédie.
L’acteur Gilbert Melki.
La banlieue parisienne, en Seine Saint Denis, l’inégalité des expériences et des chances malgré les atouts dont on dispose et la vitrine de la réussite parisienne géographiquement proche mais historiquement et économiquement éloignée sont quelques uns des thèmes abordés dans les films de Carine May et de Hakim Zouhani. Devant leur film, on peut -aussi- penser au documentaire La Cour de Babel réalisé en 2013 par Julie Bertuccelli.
Quand Kielowski, dans les années 90, avait réalisé sa trilogie Trois couleurs Bleu, Blanc et Rouge, il ne nous parlait ni de banlieue ni d’école publique mais de certaines épreuves morales. Après avoir vécu ces épreuves morales, et en avoir fait le deuil, on pouvait encore rêver. Devant La Cour des Miracles, c’est beaucoup plus difficile. Je me dis que la Man Tine du début du 20ème siècle de Rue Cases Nègres (l’œuvre de Joseph Zobel adaptée en 1983 par Euzhan Palcy) avait plus d’espoir pour son petit José que nous ne pouvons en avoir pour l’avenir des enfants de l’école Prévert de La Cour des Miracles.
Les actrices Anaïde Rozam ( Marion, l’idéaliste) et Rachida Brakni ( Zahia, la directrice de l’école Jacques Prévert).
A ces sujets, proches de la chanson It noh funny de LKJ dans les années 80, on pourrait préférer regarder un nouveau combat de MMA, une nouvelle dystopie ou écouter un titre de Dua Lipa. Cependant, Carine May et Hakim Zouhani parviennent à nous tirer vers leur optimisme.
« Ce n’est pas contre vous. Vous, vous défendez votre école et, moi, je défends mon enfant ! » dira Mme Nedjar, un des principaux personnages antagonistes du film ( interprété avec délice par l’écrivaine Faïza Guène ) la mère d’un des enfants scolarisés à l’école Prévert à sa directrice, Zahia, interprétée par Rachida Brakni.
Carine May et Hakim Zouhani, eux, défendent leur vision- féministe et égalitaire- du monde comme leur usage du cinéma. Ils nous montrent des visages et un univers que nous voyons encore assez peu sur grand écran. La banlieue qu’ils filment (Paris, pour changer, n’y est jamais montrée) n’est ni une expo de racailles ni une fontaine de crackeux. Leur casting est aussi à l’image de la mixité sociale à laquelle ils aspirent. Puisqu’il est composé de Rachida Brakni et de Gilbert Melki, des acteurs rapidement identifiables, pour leur carrière ou pour certains de leurs rôles « sociétaux » (Brakni dans Neuilly, sa mère) et d’acteurs et de personnalités vus et entendus ailleurs tels que Faïza Guène, donc, mais aussi Disiz, Steve Tientcheu ou Mourad Boudaoud. La photo de l’affiche de leur film ressemble à ces photos de classe d’il y a « longtemps » dans les écoles publiques, d’il y a trente ou quarante ans.
Les acteurs Anaïs Rozam, Disiz et Mourad Boudaoud.
La Nuit du 12, un film de Dominik Moll inspiré du livre 18.3 Une année à la PJ de Pauline Guena.
Les rencontres peuvent transformer une vie. Elles peuvent tuer, aussi.
L’héroïne de La Nuit du 12 est une victime. Elle meurt d’asphyxie, enfermée dans les gaz relâchés par ces flammes qui l’ont brûlée vive. Telles beaucoup de victimes, elle a la surprise de recevoir sa mort dans un endroit familier. A un moment où cette idée est pour elle complètement incongrue. Elle revient d’une fête. Elle est heureuse, seule, se sent libre, légère et en sécurité. Comme d’autres femmes avant et après elles et tant d’autres victimes (enfants, personnes vulnérables ou en état de vulnérabilité).
Entretemps, son meurtrier a pu l’attendre et su s’approcher d’elle avec d’autres projets.
La Nuit du 12 aurait pu s’appeler La Femme du 12 ou L’innocence du 12.
L’innocence, l’insouciance, la féminité, la joie et l’optimisme, même lorsqu’ils relèvent de l’évidence pour celle ou celui qui les incarnent, restent inflammables. Ils ne sont jamais définitivement acquis. Il faut apprendre à les protéger. Ce n’est pas donné à tout le monde de le savoir. La Nuit du 12 apporte une nouvelle fois la preuve que celles et ceux qui l’ignorent peuvent les perdre et en mourir.
Pour enquêter sur le meurtre de Clara (interprétée par Lula Cotton-Frapier), la police judiciaire, plutôt que la gendarmerie, est désignée. Elle est faite de professionnels. Le terme « professionnels » se conclut par « elles » mais ce sont tous des hommes. Blancs. L’enquête se féminisera et se métissera un peu vers les trois quarts du film avec l’ajout/l’atout d’une juge d’instruction (l’actrice Anouk Grinberg) et d’une jeune flic, Nadia (l’actrice Mouna Soualem).
A droite, Nadia ( l’actrice Mouna Soualem).
Mais au départ, l’enquête policière est exclusivement et activement masculine. Les femmes seront soit victimes, soit proches de la victime (la meilleure amie, la mère) soit éventuellement complices d’un des suspects.
Si les femmes servent souvent de sacrifice permettant aux hommes de s’élever, il y a toutefois des bonshommes dans La Nuit du 12 :
Les flics du départ du film comme du départ d’un feu.
Ces hommes sont des êtres étranges. La plupart de leurs rencontres et de leurs actions sont d’abord vouées au désastre. Il leur faudra pourtant les répéter des milliers de fois durant des années afin d’obtenir des résultats. Un crime, un délit, équivaut pour eux, non à la multiplication des pains mais à la multiplication de ces rencontres et de ces actions qu’ils vont devoir répéter. En renouvelant l’expérience du pire de l’humanité qui se révèle devant eux souvent avec désinvolture. Leur profession ressemble à une crucifixion avancée.
A un moment donné, ils ont appris leur leçon et le savent. Et deviennent presque aussi inquiétants et froids que les faits sur lesquels ils enquêtent et qu’ils annoncent aux proches des victimes.
Yohan ( l’acteur Bastien Bouillon)
Il y a pourtant de la prêtrise dans le personnage de Yohan (l’acteur Bastien Bouillon) le « chef » de la PJ qui a pris la relève du précédent chef parti à la retraite. Car on se demande comment lui et les membres de son équipe peuvent continuer d’ « aimer » ce genre de métier et continuer d’y croire, comme ils le font, avec rigueur et dévouement. Le film dure moins de deux heures. Mais une enquête pareille prend plusieurs années de leurs vies personnelles, lesquelles reçoivent bien des équivoques et des souffrances intimes qu’ils doivent également encaisser en parallèle.
Pourtant, ils s’accrochent. Ils continuent de récolter les effets de ces graines qu’ils n’ont ni semées ni demandées. Ils auraient de quoi se sentir persécutés ou damnés. Ils n’en n’ont pas l’air. Alors que le film donne à voir comme ils sont régulièrement immergés dans une vie fantomatique. Ainsi que dans une solitude froide et mathématique qui est tout ce qu’ils partagent – voire imposent- avec les proches de la victime ou avec leurs proches.
Nanie, ( l’actrice Pauline Serieys) la meilleure amie de la victime, Clara, face au flic de la PJ, Yohan ( l’acteur Bastien Bouillon) On a là un aperçu du très bon travail de photo et de cadrage effectué dans le film afin de restituer toute une ambiance de solitude, de distance entre les êtres, d’impuissance et de profonde souffrance tant de Nanie que de Yohan.
Tandis que les principaux suspects interrogés pètent le feu devant eux et continuent d’avoir une existence plutôt légère.
A voir le travail réalisé par ces femmes et ces hommes flics, mais aussi cette façon avec laquelle les proches de Clara essaient de continuer de vivre ensuite malgré tout, on se dit que La Nuit du 12 aurait également très bien pu s’appeler Ce qui reste de L’Humanité du 12.
La Nuit du 12 m’a au moins fait penser à des films comme : Elle est des nôtres( 2002) de Siegrid Alnoy; L’Humanité( 1999 ) de Bruno Dumont; Scènes de crime( 2000 ) de Frédéric Schoendoerffer; Memories of Murder ( 2004) de Bong Joon Ho ; The Pledge( 2001) de SeanPenn ; L.627 ( 1992) de Bertrand Tavernier.
L’un des personnages de La Nuit du 12 , Tourancheau ( joué par l’acteur Nicolas Jouhet), est sans doute un clin d’oeil à Patricia Tourancheau, journaliste et écrivaine spécialiste des affaires criminelles.
Cet article est un clin d’œil à Chamallow et à Raguse, lesquels ne sont pas spécialistes des affaires criminelles, si ce n’est qu’ils m’ont l’un et l’autre en quelque sorte rappelé d’aller voir ce film sorti ce 13 juillet 2022. Ils sauront se reconnaître sans qu’une enquête très poussée ne soit nécessaire s’ils lisent cet article.
As Bestas un film de Rodrigo Sorogoyen sorti en salles ce 20 juillet 2022.
Cet été, je ne partirai pas en vacances.
Notre vie est plus importante que les films que l’on voit. Mais il est plus facile de parler d’un film. Car il est plus facile d’intéresser quelqu’un avec un film s’il l’a vu ou compte aller le voir. Pourtant, notre vie autour du film compte. Un énième soupçon de dopage dans le dernier tour de France cycliste après la victoire du Danois Jonas Vingegaard devant le Slovène Tadej Pogacar (vainqueur des deux Tours précédents). On parle un peu moins de la guerre en Ukraine. Comme de l’augmentation du prix de l’essence (1,84 euro le litre tout à l’heure dans une station essence affichant des « prix bas »). On s’éloigne aussi de cette supercherie qui a consisté à vouloir nous faire croire que les soignants non vaccinés contre le Covid pourraient être réintégrés dans les effectifs pour essayer d’atténuer la pénurie de personnel soignant encore plus critique que d’habitude cet été. Alors que l’obligation d’une quatrième dose de vaccin contre le Covid se profile sûrement pour la rentrée ou la fin de cette année.
Tout cela et d’autres nouvelles donnent envie de partir en vacances. De penser à d’autres univers. Mais, comme beaucoup d’autres, je ne le pourrai pas cette fois-ci.
Je ne me plains pas :
J’ai aperçu tout à l’heure des personnes ( sûrement étrangères) faisant la queue, sans se décourager, en plein soleil, devant la sous-préfecture de ma ville, sans doute pour régulariser leur situation administrative. Et je ne les envie pas.
J’ai aperçu, en revenant de Paris par le train, deux vendeurs de cigarettes à sauvette interpellés par la police à la gare d’Argenteuil. Même si l’un des deux vendeurs exhibait un sourire assez moqueur, je ne les envie pas. Cela fait plusieurs mois, maintenant, que ces vendeurs de cigarettes à la sauvette sont apparus devant la gare d’Argenteuil. Et que, régulièrement, s’engagent des courses-poursuites afin d’en attraper un ou deux. Quand ce ne sont pas des rondes policières pédestres qui sont organisées pour les chasser ou pour débusquer leur éventuel butin.
Par moments, et c’est un peu le cas ces derniers jours, la ville où j’habite me sort par les yeux.
Olga et Antoine (l’actrice Marina Foïs et l’acteur Denis Ménochet) du film As Bestas font partie de ces personnes qui, un jour, sûrement, en ont eu assez de l’endroit où ils vivaient. Mais aussi de la vie qui… les menait. Et, ils ont décidé de s’en aller vraiment. De quitter la France pour partir vivre quelque part en Espagne. En Galicie. Dans une région dont ils parlaient plutôt mal la langue au départ.
Pour faire la vie telle qu’elle leur convient. Au lieu de se plaindre ou de refaire le monde avec des paroles et des hypothèses.
Pourquoi, mercredi dernier, suis-je allé voir, à sa sortie, à la première séance, As Bestas ?
Au lieu du dernier film Marvel Thor : Love and Thunder de Taika Watiti dont le Thor : Ragnarok ( 2017) m’avait particulièrement plu ?
Pourquoi ne suis-je pas allé voir Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux sorti déjà depuis le 15 juin de cette année ? Quentin Dupieux dont j’ai vu un certain nombre de films.
Ou La nuit du 12 de Dominik Moll sorti le 13 juillet ? Alors que le sujet me « plait ». J’avais beaucoup aimé le précédent film ( Seules les bêtes ) de Dominik Moll.
Sur l’affiche de As Bestas, on parle d’un « thriller ». Mais ce n’est pas ça qui me l’a fait choisir. D’abord, il y a Denis Ménochet qui m’avait marqué en particulier dans les films Jusqu’à la garde (2017) (mon article Jusqu’à la garde )de Xavier Legrand (développement de son court métrage Avant que de tout perdre – 2013- que j’avais aussi vu) et…. Seules les bêtes (2019) de Dominik Moll.
La langue espagnole. L’ambiance du film dans l’extrait que j’en avais vu. Marina Foïs. Et l’horaire de la séance. C’est ce qui m’a poussé à aller voir As Bestas. J’avais oublié que j’avais déja vu un film réalisé par Rodrigo Sorogoyen qui m’avait plutôt plu : El Reino ( 2019).
Ce mercredi 20 juillet, la séance de As Bestas était à 9h ou 9h10 et, réveillé depuis 4 heures du matin afin d’accompagner ma fille, ma sœur, son compagnon et leurs enfants à l’aéroport pour qu’ils y prennent leur avion pour la Guadeloupe, je n’avais pas envie d’attendre la séance de 9h30.
Comme souvent lorsque je vais voir un film au cinéma, je ne connaissais pratiquement rien de l’histoire.
Xan et Antoine. De dos, à droite, Lorenzo.
Très vite, pour moi, le sujet du film est le harcèlement. Lorsque l’on nous parle de harcèlement, c’est souvent pour aborder celui des jeunes ou des réseaux sociaux. Ou, un peu, au travail. Dans As Bestas, le harcèlement est le fait des voisins d’Olga et Antoine.
Marina Foïs et Denis Ménochet jouent très bien et cela a déjà été mentionné. Mais il faut aussi souligner qu’en face, Xan (l’acteur Luis Zahera) et son frère Lorenzo (l’acteur Diego Anido) ainsi que, dans une moindre mesure, l’actrice Marie Colomb qui joue le rôle de la fille d’Olga et Antoine, jouent particulièrement bien.
Que jouent Xan (l’acteur Luis Zahera) et son frère Lorenzo (l’acteur Diego Anido) ?
Xan et Lorenzo.
Ils jouent des hommes d’âge mur, qui ont toujours vécu dans cette région montagnarde isolée, qui ne peuvent plus la voir en peinture, qui n’ont jamais pu la quitter et qui croient que leur salut peut venir des éoliennes. En vendant leurs terres pour permettre leur installation. Or, Olga et Antoine, eux, sont contre ainsi que quelques voisins minoritaires. Puisqu’ils préfèrent continuer à vivre là.
As Bestas peut se traduire par « Comme des bêtes » mais une amie d’origine portugaise m’a appris que cela pouvait aussi signifier « Les pestes ».
Plus que du thriller, je trouve qu’il y a du tragique dans As Bestas. Car le mot « thriller » se rapproche trop du spectaculaire.
Lorenzo, Xan et leur mère.
Dans As Bestas, deux forces vives s’opposent. Celles incarnées par Xan et son frère Lorenzo qui tournent en rond dans ce pays tout en y faisant la pluie et le beau temps (on le voit bien dans le bar du village où ce sont eux qui font la loi). Et celles apportées par Olga et Antoine qui, non seulement, développent un commerce bio moralement vertueux couronné par un succès économique, et qui, en plus, donnent l’image d’un couple heureux. Un peu comme si des figures (Xan, Lorenzo mais aussi leur mère de 73 ans) que le désamour laboure se trouvaient un beau jour de manière répétée face à des tourtereaux du bonheur ( Olga et Antoine) arrivés d’on ne sait où ( Ah, oui, de la France !).
Ces tourtereaux que sont Olga et Antoine sont pour Xan et Lorenzo les miroirs de leurs barreaux.
Xan.
Si, moralement, devant les agressions répétées de Xan et de Lorenzo, on est plus tenté de prendre la défense d’Olga et d’Antoine, As Bestas nous demande aussi quelle est notre légitimité à aller imposer à d’autres notre « réussite » et notre idéal lorsque l’on décide d’aller s’établir près de chez eux.
Olga ( l’actrice Marina Foïs).
Tout bonheur nécessite un grand sacrifice semble nous dire le réalisateur. Et le sourire d’Olga à la fin du film est sans doute le fruit de ce sacrifice. Mais pour qu’il y ait bonheur, après un sacrifice, il faut qu’il y ait eu beaucoup d’Amour vécu auparavant semble aussi nous dire le réalisateur Rodrigo Sorogoyen.