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Japon juillet 2024 : Les Maitres du Masters Tour

Le Butokuden, Kyoto. Masters Tour, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Japon Juillet 2024 : Les Maitres du Masters Tour

 

« Les Maitres sont les Maitres. Au mieux, je suis un centimĂštre Â».

 

Le terme « Maitre Â» est un des reflets de notre ambivalence.

PrÚs du Butokuden, Kyoto, lors du Masters Tour, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Il peut rappeler des mauvais souvenirs. Il semble sĂ©parer les mondes d’hier dont nous somme les fruits que l’on fuit et ceux d’aujourd’hui que l’on prĂ©fĂšre. Comme s’il Ă©tait possible de creuser une tranchĂ©e entre les deux et d’y entrer.

Le « Maitre Â» peut rappeler l’instituteur de l’école primaire ou celui dont dĂ©pend l’esclave.

Personne n’aime vĂ©ritablement se rappeler certains moments humiliants et publics de son histoire.

Mais le « Maitre Â» est aussi celle ou celui qui peut et sait guider et rĂ©parer. En particulier vers la vie et l’optimisme. Y compris dans le secret.

Il existe des Maitres dans beaucoup de domaines dans toutes les cultures Ă  tous les Ăąges de l’évolution et dans toutes les classes sociales. Mais, la plupart du temps, nous ne le percevons pas.

Par ailleurs, le terme de « Maitre Â» est anachronique tout autant que futuriste.

Et les Arts Martiaux véhiculent cette outrance ou cette ambivalence.

Avec LĂ©o Tamaki, au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024.

Car on peut trouver anachronique voire stupide que des gens, en 2024 et plus tard, puissent encore continuer de choisir de porter kimono, hakama, d’autres Ă©lĂ©ments vestimentaires mais aussi adopter certaines attitudes. Et, tout cela, afin de transpirer et suivre des rituels et des traditions d’un ancien temps mais aussi d’une culture qui n’est pas forcĂ©ment la leur. Alors qu’il suffit de faire un rĂ©gime alimentaire, de subir une intervention chirurgicale, de prendre un coach ou de faire du fitness ou du cross-fit pour perdre du poids et pouvoir se mettre en maillot de bain en Ă©tĂ© au bord de la plage en Ă©tant fier de son allure.

Toute Ă©poque a ses intĂ©grismes et ses artifices aussi sĂ©duisants soient-ils. Et, si mon attachement Ă  certaines valeurs dites traditionnelles me rapproche des Arts Martiaux, j’ai aussi appris que les traditions, Ă  elles seules, ne sont pas des sanctuaires idylliques. Il faut des personnes, des femmes, des hommes et aussi des enfants qui sachent les interprĂ©ter et les perpĂ©tuer de maniĂšre vivante et optimiste.

Au Masters Tour de juillet 2024, nous avons eu le privilĂšge de rencontrer plusieurs Maitres d’Arts Martiaux. Mon prĂ©cĂ©dent article, Japon Juillet 2024 : Le Retour , fut long Ă  Ă©crire et Ă  lire. Celui-ci est entre trois Ă  six fois plus court. 

Au centre, Hino Akira Sensei au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Hormis Hino Akira Sensei approchĂ© lors d’un stage organisĂ© par LĂ©o Tamaki au cercle Tissier Ă  Vincennes fin 2022, je dĂ©couvrais les autres Sensei. Des Maitres et des personnes que LĂ©o Tamaki, et quelques autres, avaient rĂ©guliĂšrement rencontrĂ© depuis au moins une quinzaine d’annĂ©es !

 

Ces hommes, ces Maitres, ont consacrĂ© leurs vies aux Arts Martiaux Ă  un point difficilement concevable. Comme l’on porterait des mĂ©taux Ă  une tempĂ©rature particuliĂšrement Ă©levĂ©e, ils se sont forgĂ©s. Sans se rompre. Il faut le rappeler car nous sommes nombreux Ă  avoir eu des projets ou des aspirations auxquelles nous avons dĂ» partiellement ou totalement renoncer.

 

La premiĂšre leçon du Maitre, c’est peut-ĂȘtre d’ĂȘtre une incarnation, devant nous, de cette forme d’accomplissement- et d’engagement- que trĂšs peu d’entre nous atteindrons. Parce que notre histoire est diffĂ©rente. Et aussi parce qu’avant lui, nous avons eu d’autres Maitres et retenu d’eux certains enseignements plutĂŽt que d’autres.

 

Je ne pourrai pas parler d’une technique exposĂ©e et dĂ©montrĂ©e par un de ces Maitres. J’en suis incapable.

 

« Les Maitres sont les Maitres. Au mieux, je suis un centimĂštre » est une rĂ©flexion que j’ai Ă©crite lors de ce Masters Tour de juillet 2024 alors que nous nous trouvions au Japon.

 

Cette diffĂ©rence lexicale est l’équivalent d’une dĂ©cimale pour dĂ©crire Ă  quel point, mĂȘme si je parle d’ĂȘtres humains comme moi, il y a quand mĂȘme une brĂšche saisissante entre eux et moi. Et que mes propos sont condamnĂ©s Ă  rester rudimentaires pour les Ă©voquer.

 

Pourquoi le faire, alors ?

 

Pour tĂ©moigner et pour contribuer Ă  rajouter un peu de mĂ©moire. Parce-que les ĂȘtres humains ont besoin d’histoires et de mĂ©moire mĂȘme s’il leur arrive aussi de les craindre et de les rejeter.

 

Je vais parler ici des Maitres qui m’ont le plus
 Â« parlĂ© Â».

Avec Hatsuo Royama Sensei, Kyoto, Masters Tour, juillet 2024. Celui-ci vient de m’administrer une bonne claque sur le ventre par surprise.

Hatsuo Royama Sensei, 76 ans, Karate Kyokushinkan, est le premier Maitre que nous ayons rencontrĂ©. MalgrĂ© sa bonne humeur et son enthousiasme, notre premiĂšre rencontre avec lui et ses disciples m’avait laissĂ© insatisfait. Nous Ă©tions une bonne centaine (ou davantage) sur le tatami. Au lieu de nous dire comme il l’a fait Ă  la fin « Vous ĂȘtes nombreux Ă  avoir une mauvaise garde Â», j’aurais prĂ©fĂ©rĂ© que lui ou un de ses disciples passe et nous le dĂ©montre en nous « corrigeant Â».

 

J’ai Ă©tĂ© bien plus favorablement marquĂ© quelques jours plus tard par le kata qu’il nous a dĂ©livrĂ© au butokuden lors de la cĂ©lĂ©bration des dix ans de l’école Kishinkai AĂŻkido.

Hatsuo Royama Sensei, seul, face Ă  notre assistance, a plongĂ© dans un kata respiratoire oĂč chacun de ses mouvements Ă©tait soutenu par le marteau de son diaphragme. C’était la premiĂšre fois que j’assistais Ă  une telle expressivitĂ© martiale. Et sa dĂ©monstration attestait aussi de sa santĂ© vigoureuse.

Une santĂ© avec laquelle j’allais faire un peu plus connaissance ensuite ou, aprĂšs qu’il ait acceptĂ© de prendre la pose avec moi pour la photo, il allait me surprendre en m’administrant une magistrale tape sur l’abdomen soit un peu l’équivalent d’une leçon particuliĂšre qui allait m’influencer, jusqu’à me mettre sur la dĂ©fensive, lorsque j’allais me trouver lors d’une autre sĂ©ance face Ă  Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, pour une dĂ©monstration.

 

Avec Takeshi Kawabe Sensei, Kyoto, prÚs du Butokuden, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Takeshi Kawabe Sensei, 80 ans, Daitoryu Aikijujutsu.

Commençons par dire que Takeshi Kawabe Sensei ne fait pas son Ăąge. Si Hatsuo Royama Sensei mesure prĂšs d’1m80, Takeshi Kawabe Sensei doit Ă  peine dĂ©passer 1m60. Avec son air de petit gars tranquille joueur de pĂ©tanque, il peut au mieux faire penser Ă  l’inspecteur Columbo ou Ă  un personnage d’un film de Johnnie To  dont les mĂ©ninges sont bien plus affĂ»tĂ©s que les gestes.

Takeshi Kawabe Sensei est sans doute un homme trĂšs intelligent et aussi farceur (lors du repas collectif que nous avons fait, je crois qu’il s’est bien amusĂ© de moi en me disant – en Japonais- que j’avais un trĂšs bon Japonais).

Mais c’est Ă©videmment un redoutable pratiquant.

Ses saisies et ses clĂ©s sont promptes et donnent l’impression d’ĂȘtre la destinĂ©e de celui qui l’attaque. Il me reste des souvenirs de ce moment oĂč Issei Tamaki a jouĂ© le rĂŽle de Uke :

Issei y a mis tout son entrain pour, Ă  chaque fois, le mĂȘme rĂ©sultat. Se faire retourner.

Takeshi Kawabe Sensei a rĂ©agi comme s’il l’attendait. Comme si tous les modes d’attaques humainement possibles Ă©taient connus de son registre. On aurait dit l’agent Smith face Ă  NĂ©o Ă  la fin du premier Matrix des ex frĂšres Wachowski.

Le rĂ©sultat Ă©tait tellement Ă©vident que la conclusion aurait Ă©tĂ© vraisemblablement la mĂȘme avec un autre Uke. En outre, Takeshi Kawabe Sensei prenait tout cela de maniĂšre ludique. Si on peut voir Hatsuo Royama Sensei comme une force de la nature, Takeshi Kawabe Sensei Ă©voque plutĂŽt celui qui a su transcender sa nature.

Hino Akira Sensei, 76 ans, Hino Budo, est Ă©galement un petit gabarit. Sans forcer, il vous fait tomber. Vous vous croyiez enracinĂ©s et bien ancrĂ©s dans le sol ? Vous vous mentez Ă  vous-mĂȘmes. Vous ne l’ĂȘtes pas. Ou jamais suffisamment face Ă  lui.

Plus il vous montre le mouvement, plus il vous convainc que c’est facile et plus vous avez du mal Ă  le reproduire. Par moments, j’ai du mal Ă  savoir si sa science tient de l’hypnose, du conditionnement ou de ces quelques degrĂ©s ou centimĂštres (millimĂštres ?) que l’on nĂ©glige d’ordinaire et qui font toute la diffĂ©rence entre le dĂ©sĂ©quilibre et la chute.

Sa pratique peut ĂȘtre trĂšs difficile pour celle ou celui qui s’est toujours reposĂ© sur l’explosivitĂ© musculaire, l’excitation et l’agitation. Avec lui, on transpire de la tĂȘte Ă  essayer de comprendre un concept qui n’existe pas. Il faut ressentir et c’est difficile.

En revoyant a posteriori quelques images que j’avais pu filmer lors de l’intervention de Hino Akira Sensei, j’ai pu m’apercevoir que d’autres participants du Masters Tour connaissaient aussi quelques difficultĂ©s pour mettre en pratique ce qu’il nous avait montrĂ©. Cela m’a un peu dĂ©culpabilisĂ©.

Minoru Akuzawa Sensei, à la gare de Kyoto, avant le départ pour Kinosaki. Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, est Ă  Ă  l’image de Takeshi Kawabe Sensei et de Hino Akira Sensei. Avec son 1m65, il a la silhouette passe partout de celui que l’on oublie. Pourtant, en tant que Maitre d’Arts Martiaux, l’Aunkai qu’il a crĂ©Ă© et qu’il enseigne peut ĂȘtre vu comme un croisement entre les enseignements de Hatsuo Royama Sensei et ceux de Hino Akira Sensei.

Minoru Akuzawa Sensei est capable des explosions et des percussions du premier et de la dĂ©licatesse du second tout en n’étant ni l’un ni l’autre.

Mon premier camarade de chambre lors de ce Masters Tour avait « goĂ»tĂ© Â» Ă  trois low kick de Minoru Akuzawa Sensei. Il les ressentait encore plusieurs jours plus tard.

Ma premiĂšre « confrontation Â» physique avec Minoru Akuzawa Sensei avait eu lieu un peu plus tĂŽt dans le car qui nous avait transportĂ© de Kyoto Ă  Kinosaki.

Cette « confrontation Â» fut principalement une bousculade. J’avais sans doute pris un peu trop de temps pour avancer dans le car et Minoru Akuzawa Sensei m’était rentrĂ© dedans en montant derriĂšre moi. Impatience ? Distraction ? Je n’ai pas su.

Par contre, moi qui suis plus grand que lui dix bons centimĂštres et sans doute plus lourd que lui de dix kilos, j’avais Ă©tĂ© surpris de me sentir si facilement dĂ©placĂ© physiquement par un si « petit Â» homme.

Si tous les autres Maitres que nous avons rencontrĂ©s avaient des disciples ou des assistants japonais, Minoru Akuzawa Sensei s’est un peu distinguĂ© en laissant un de ses Ă©lĂšves occidentaux (un homme robuste d’un bon mĂštre quatre vingt dix  vraisemblablement d’origine amĂ©ricaine )  diriger l’échauffement.

A la fin de la sĂ©ance qu’il a dirigĂ© dans un gymnase, Minoru Akuzawa Sensei nous a dit qu’il apprenait Ă  connaitre les gens au travers du contact physique qu’il avait en pratiquant avec eux. Et qu’il avait senti chez ceux d’entre nous qu’il avait eus comme partenaires une « vĂ©ritable ouverture pour les Arts Martiaux ».

 

 

Avec Minoru Akuzawa Sensei, Masters Tour, Japon, Juillet 2024.

Il a ensuite acceptĂ© d’ĂȘtre pris en photo avec celles et ceux qui le souhaitaient. En voyant plus tard les photos oĂč nous sommes assis cĂŽte Ă  cĂŽte, lui et moi, j’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ© de dĂ©couvrir que Minoru Akuzawa Sensei avait posĂ© son bras autour de mon Ă©paule. Je n’avais absolument rien senti au moment de la photo. Au contraire de ce que j’avais ressenti au moment de la photo avec Royama Hatsuo Sensei avant que celui-ci ne me fasse la farce qui consiste Ă  me « claquer » l’abdomen.

Takahiro Yamamato Sensei, au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Takahiro Yamamoto Sensei, Taisha ryu.

En dĂ©pit de ses airs de Johnny Depp, Takahiro Yamamoto Sensei n’est pas acteur de cinĂ©ma. C’est un homme rĂ©solument dĂ©vouĂ© Ă  sa pratique martiale. Et, si j’ai eu beaucoup de mal Ă  me faire Ă  ses enseignements, trĂšs proches par moments de ceux de Hino Akira Sensei,  pour moi Ă  la limite de l’ésotĂ©risme, j’ai Ă©tĂ© touchĂ© par son engagement, sa simplicitĂ©, sa prĂ©venance envers ses assistants et son message de paix rĂ©sumĂ© par sa phrase :

« There is no ennemy Â».

 

Takahiro Yamamoto Sensei avec ses assistants lors de la séance dirigée par Hino Akira Sensei, au Butokuden, Kyoto. Masters Tour, Juillet 2024. Tout au fond, assise, on peut apercevoir Shizuka Tamaki. Photo©Franck.Unimon

Son humilitĂ© mais aussi sa candeur et son enthousiasme se sont encore plus Ă©panouis lorsqu’aprĂšs son intervention, il est devenu un Ă©lĂšve parmi nous, lors du cours dirigĂ© par Hino Akira Sensei. J’ai trouvĂ© son attitude remarquable.

 

Yoshinori Kono Sensei, 75 ans, Shoseikan.

Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Je sais que l’intervention de Yoshinori Kono Sensei  au Butokuden a beaucoup dĂ©concertĂ©. On pourrait la comparer Ă  du Free Jazz, Ă  la musique de Weather Report, Ă  de l’association d’idĂ©es ou Ă  de l’improvisation ininterrompue.

Il est libre, Yoshinori Kono Sensei, il y en a mĂȘme qui disent qu’ils l’ont vu voler
.

Il fallait voir la plupart des participants qui suivaient Yoshinori Kono Sensei dans ses dĂ©ambulations tant mentales que physiques au sein du Butokuden. Tels des Sancho Panza suivant leur Don Quichotte. Par moments, je me suis demandĂ© si Yoshinori Kono Sensei s’en amusait.

Avant notre dĂ©part pour le Japon, LĂ©o Tamaki nous avait prĂ©sentĂ© les Maitres que nous allions rencontrer. Concernant Yoshinori Kono Sensei, il nous avait Ă©crit qu’il Ă©tait un peu le « chercheur fou Â» des Arts Martiaux.

Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Le jour de son intervention, j’étais trop Ă©puisĂ© physiquement pour participer. Mais en temps ordinaire, je sais que  je ne m’en serais pas mieux sorti que les autres participantes et participants du Masters Tour.

Lors du dĂźner que nous avons ensuite pris tous ensemble dans un restaurant Ă  quelques minutes du Butokuden, il s’est trouvĂ© que la table oĂč j’ai Ă©tĂ© placĂ© Ă©tait voisine de celle de Yoshinori Kono Sensei. Celui-ci Ă©tait derriĂšre moi.

Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

TrĂšs vite, j’ai Ă©tĂ© fascinĂ© et happĂ© par cet homme. VĂȘtu d’une tenue traditionnelle, Ă  moitiĂ© assis sur sa chaise, une sorte de cartable en cuir souple posĂ© derriĂšre lui entre la chaise et son dos, Yoshinori Kono Sensei Ă©tait en permanence occupĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir et Ă   polir « ses Â»  Arts Martiaux.

A telle maniĂšre de tenir un couteau. A telle façon de placer ses doigts. Et, il le partageait avec celui qui se trouvait Ă  cĂŽtĂ© de lui. Et Ă  toute personne volontaire et disponible dans les alentours immĂ©diats. Il a ainsi entrepris Julien Coup, assis Ă  sa droite. Puis, d’autres participants du Masters Tour.

Je le regardais, captivé.

 

Yoshinori Kono Sensei nous a fait l’extrĂȘme politesse d’ĂȘtre avec nous corporellement pour ce dĂźner. Il s’est pliĂ© Ă  cette fonction sociale par amabilitĂ©. Mais il avait d’autres prioritĂ©s. Le dĂźner, le spectacle, ĂȘtre filmĂ© ou pris en photo, tout cela Ă©tait pour lui secondaire depuis fort longtemps. Sans doute depuis des annĂ©es.

Avec Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Kyoto. Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La seule vĂ©ritĂ© comptable pour lui, c’était celle des Arts Martiaux. Yoshinori Kono Sensei est celui qui m’a le plus donnĂ© envie d’apprendre le Japonais. Je me suis dit que j’aurais aimĂ© connaĂźtre suffisamment le Japonais pour l’écouter, pour l’interroger.

 

Et lorsque le dĂźner et tout le cĂ©rĂ©monial social furent terminĂ©s, Yoshinori Kono Sensei est spontanĂ©ment retournĂ© au lieu et Ă  la pratique auxquels il appartient :

 

Les Arts Martiaux.

Yoshinori Kono Sensei, aprÚs le dßner au restaurant, prÚs du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je trouve cette photo de lui, aprĂšs notre dĂźner, extraordinaire. Pendant cette heure et demi environ oĂč Yoshinori Kono Sensei Ă©tait « avec nous », il n’a attendu que ça, ce moment oĂč il pourrait retourner pratiquer. Seul. Tout le monde aurait tout aussi bien pu rouler sous la table, oĂč la soirĂ©e se transformer en orgie gigantesque, je crois qu’il aurait adoptĂ© exactement la mĂȘme attitude.

 

Autant de Maitres, autant d’attitudes et je « parle Â» uniquement de cinq ou six d’entre eux que j’ai Ă  peine aperçus.

 

Franck Unimon, ce jeudi 5 septembre 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Japon Juillet 2024 : Le Retour

 

A Shinjuku, Tokyo, fin juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Japon Juillet 2024 : Le Retour

« BientĂŽt, ce qui s’est passĂ© trois semaines durant au Japon se diluera :

Les effets de l’ensorcĂšlement de ces petits abrutissements quotidiens rĂ©pĂ©tĂ©s.

 Ma compagne et ma fille dorment encore. C’est un moment fait pour commencer Ă  Ă©crire.

 J’ai passĂ© rĂ©cemment trois semaines au Japon. Mon prĂ©cĂ©dent voyage au Japon en 1999 avait Ă©tĂ© principalement touristique. Celui-ci, le second, 25 ans plus tard, a Ă©tĂ© opĂ©rĂ© lors du Masters Tour 2024 Â».

Ces lignes datent de ce 30 juillet 2024. Depuis, ma compagne et notre fille sont parties pour trois semaines Ă  la RĂ©union.

Certains des participants de ce Masters Tour de Juillet 2024 Ă©taient Ă©galement originaires de la RĂ©union. D’autres venaient de Suisse,  de Belgique, du Vietnam, et de diverses rĂ©gions de France ( Bretagne, Limousin, L’Est de la France, Champagne-Ardenne, Sud-Ouest, Ăźle de France….).

 

Bien-sĂ»r, depuis mon retour du Japon le 29 juillet, j’ai repris le «travail ».

Le temps de faire un certain tri dans les photos et les vidĂ©os que j’ai « faites » et de me mixer les neurones afin de dĂ©cider quelle photo choisir pour dĂ©buter et comment m’y prendre au mieux pour constituer ce premier article, onze jours supplĂ©mentaires sont passĂ©s. Nous sommes dĂ©sormais le samedi 10 aout 2024 et mon article n’est pas terminĂ©. Il faut relire, rectifier, rajouter des photos et des vidĂ©os. Se demander si tel passage est justifiĂ©. Si on a envie de le lire. Et, finalement, douter que cet article ait une raison d’exister, entre mĂ©galomanie et folie.

J’avais 31 ans et Ă©tais cĂ©libataire sans enfant lors de mon premier voyage au Japon en 1999. L’annĂ©e de la sortie du premier film Matrix que j’avais vu trois ou quatre fois dont une fois lors de ce voyage au Japon.

Je dois ce premier voyage Ă  une amie qui rĂ©sidait alors Ă  Tsukuba, dans la banlieue de Tokyo, Ă  une heure en train du centre de Tokyo. GrĂące Ă  elle et Ă  son frĂšre qui m’avait donnĂ© des conseils et m’avait appris ces quelques mots japonais qui m’ont Ă  nouveau servi en 2024, j’avais vĂ©cu ce voyage extraordinaire.

Et cette semaine oĂč je m’étais rendu seul Ă  Kyoto – en prenant le shinkansen- ainsi qu’à Hiroshima et sur l’üle de Miyajima.

A Hiroshima, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Le numĂ©rique et internet, les rĂ©seaux sociaux, n’en n’étaient pas au stade oĂč ils en sont aujourd’hui pour le pire et le meilleur. Et, je n’avais pas de blog. En plus de divers souvenirs, j’ai conservĂ© les photos papier et peut-ĂȘtre leurs nĂ©gatifs de ce sĂ©jour.

 

Je confirme que pour moi, comme pour d’autres, il y eut un « avant » et un « aprĂšs » ce premier voyage au Japon. A mon retour du Japon, je dirais que j’avais gagnĂ© en luciditĂ© sur moi-mĂȘme. Et sur ce que je pouvais accepter ou refuser.  

Photo©Franck.Unimon il s’agit du Maccha-Ohagi. En Anglais, cela donne ( Powdered Green Tea & Rice Ball Coated With Sweetened Red Beans). Prix : 800 Yens. Un peu moins de cinq euros. Pourquoi se priver ? J’espĂšre, un jour, pouvoir goĂ»ter le Maccha-Zenzai ( Sweet Red Bean Porridge & Green Tea) servi uniquement en hiver pour 1050 yens.

Cependant, mĂȘme si je pratiquais encore le judo lors de ce premier voyage au Japon, j’y Ă©tais allĂ© en touriste. Et en idĂ©aliste du Japon, de l’Asie en gĂ©nĂ©ral ou des Arts Martiaux. C’est peut-ĂȘtre en raison de cette attitude de touriste que j’ai pris autant d’annĂ©es pour retourner au Japon alors que j’avais prĂ©vu d’y revenir.

Entre-temps, le Japon Ă©tait devenu un peu plus touristique.

Au cinĂ©ma, le film L’étĂ© de Kikujiro (1999), puis Dolls ( 2002) et Zatoichi ( 2003) avaient renouvelĂ© voire fĂ©minisĂ© le public de Takeshi Kitano dont le film Sonatine ( 1993) avait Ă©tĂ© pour moi une marque cinĂ©matographique et personnelle lorsque je l’avais vu vers 1997 Ă  Paris lors d’un festival consacrĂ© Ă  un certain cinĂ©ma asiatique en direct de Hong Kong. J’y avais alors vu des films de « genre » de rĂ©alisateurs tels que Johnnie To, Kirk Wong et  John Woo…

Kitano, de par ses « polars » faits de violence, d’humour noir et de poĂ©sie avait Ă©tĂ© le Japonais « infiltrĂ© » du groupe de rĂ©alisateurs prĂ©sentĂ©s.

Vraisemblablement à Kyoto. Photo©Franck.Unimon

La France était devenue un pays de lecteurs de mangas. La Japan Expo ( à laquelle je ne suis jamais allé) avait été crééé ( en 1999-2000) et avait rapidement connu beaucoup de succÚs.

Le succĂšs connu par le Japon s’étend peu Ă  peu, depuis Ă  peu prĂšs une dizaine d’annĂ©es, Ă  la CorĂ©e du Sud.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

En 1999, le Japon Ă©tait peut-ĂȘtre encore la Seconde ou la TroisiĂšme Puissance Mondiale. Peu avant notre sĂ©jour , en juillet 2024, le Japon est devenu la QuatriĂšme Puissance Mondiale Ă©conomique, dĂ©passĂ© par l’Allemagne et devancĂ© par les Etats-Unis et la Chine. Le Yen avait perdu de la valeur et cela nous Ă©tait favorable. 1 euro valait environ 171 yens en juillet 2024 durant ce Masters Tour.

 

Photo©Franck.Unimon Japon, Juillet 2024.

Le voyageur que je suis

Je voyage souvent sans schéma. La plus grande partie de mon organisation consiste généralement à me décider pour une destination et à composer comme je peux le budget qui lui correspond.

D’emblĂ©e, dans un pays ou une rĂ©gion oĂč je voyage, je pense assez peu Ă  des endroits que je tiens particuliĂšrement Ă  « voir » ou Ă  « visiter ». Ou alors trĂšs grossiĂšrement. Ainsi, j’aimerais aller visiter l’AlgĂ©rie ou un pays d’Afrique noire. Mais l’AlgĂ©rie est un grand pays et l’Afrique noire est vaste.

C’est dĂ©jĂ  bien que je puisse me dire que, en AlgĂ©rie, j’aimerais bien voir « Alger la blanche Â», Tlemcen et d’autres villes. Car, ordinairement, j’en suis incapable.

A Harajuku, Tokyo, fin juillet 2024.

Il m’est arrivĂ© d’acheter des guides touristiques (sur le Japon ou ailleurs) ou d’en emprunter avant un voyage mais je ne les lis pas. Je le regrette car je me dis qu’ils sont trĂšs bien Ă©crits et qu’ils fournissent des informations culturelles trĂšs importantes et trĂšs divertissantes. Mais je ne parviens pas Ă  les ouvrir suffisamment.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je suis plus rĂ©ceptif Ă  des suggestions que l’on peut me faire. J’écoute aussi et je marche facilement et beaucoup.

Comme un fou. Sans nĂ©cessairement savoir oĂč je me rends.

En Yougoslavie, en 1989, alors que nous nous dĂ©placions Ă  pied et sans but, mon meilleur ami, qui me suivait, m’avait un moment dit :

« J’ai l’impression d’ĂȘtre avec un fou ! Â».

Pas de plan, pas de boussole. Je suis en fait un peu comme un enfant qui apprendrait Ă  marcher et qui dĂ©couvrirait son environnement. Et qui croit Ă  l’intemporalitĂ©.

Le Masters Tour crĂ©Ă© et proposĂ© par LĂ©o Tamaki, Ă  premiĂšre vue, c’était plutĂŽt l’opposĂ© de tout cela. Mais avant de prĂ©senter un peu LĂ©o Tamaki, je crois important de rappeler comment j’en suis arrivĂ© Ă  le « connaĂźtre Â».

A Hiroshima, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Une atmosphÚre de pandémie

J’ai eu tendance Ă  raconter que j’avais dĂ©couvert LĂ©o Tamaki la premiĂšre fois en regardant sa rencontre avec Greg MMA sur Youtube.

Mais Ă  la rĂ©flexion, tout est parti, je crois, de la pandĂ©mie du Covid et de son atmosphĂšre exceptionnellement anxiogĂšne il y a quatre ans. En plein confinement. Aujourd’hui, nous sommes en plein dans l’ambiance estivale et festive des Jeux Olympiques en France. Et la France a remportĂ© un certain nombre de mĂ©dailles. Officiellement, tout le monde est content. C’est une ambiance dĂ©tendue ou trĂšs dĂ©tendue qui contraste avec celle des Ă©lections lĂ©gislatives anticipĂ©es qui se sont terminĂ©es la veille de notre dĂ©part le 8 juillet pour ce Masters Tour au Japon ainsi qu’avec celle connue dĂšs le premier confinement lors de la pandĂ©mie du Covid en mars 2020. MĂȘme si elle camoufle bien des aspects prĂ©occupants de l’actualitĂ©, je prĂ©fĂšre Ă©videmment l’ambiance de ces olympiades sportives Ă  nos olympiades sanitaires durant la pandĂ©mie du Covid.

Durant la pandémie du Covid, à la télé, et sur les réseaux sociaux, au moins, nous nous faisions quotidiennement matraquer par les informations et les chiffres relatifs au Covid.

Tant de personnes hospitalisées aprÚs avoir attrapé le Covid, tant de personnes décédées.

C’étaient en permanence des auberges de Babel qui s’accordaient suffisamment afin de nous hĂ©berger dans une atmosphĂšre de fin du Monde au travers de cet acharnement mĂ©diatique. Nous vivions sans la perspective annoncĂ©e de pouvoir reprendre un jour pied dans un horizon sanitaire et mental normal.

Photo prise lors du Survival Expo en juin 2023, au parc floral de Vincennes. Photo©Franck.Unimon

Alors infirmier dans un service de pĂ©dopsychiatrie, j’avais fait partie des professionnels et des personnes qui avaient continuĂ© de circuler, d’avoir donc le droit de prendre l’air lors de certains horaires et dans un certain pĂ©rimĂštre. Et d’exercer.

Si le Covid m’avait physiquement Ă©pargnĂ©, j’étais nĂ©anmoins plus ou moins atteint psychologiquement et moralement, comme beaucoup, par cette angoisse collective, morbide. Et persistante.

Je n’ai pas de tĂ©lĂ©. Mais j’aime lire. Et prĂšs de mon service d’alors, dans le 13Ăšme arrondissement, mĂ©tro Gobelins, il y avait une centrale de presse demeurĂ©e ouverte.

Une oasis.

 Je m’étais dit que lire et pouvoir choisir de lire Ă©tait plus bĂ©nĂ©fique que subir en continu les mĂȘmes images.

Dans cette centrale de presse, j’avais commencĂ© Ă  regarder (et Ă  acheter) des magazines consacrĂ©s aux Arts Martiaux. Sans doute AĂŻkido et Self & Dragon pour commencer.

Cette anecdote a son importance pour rappeler que les Arts Martiaux proposent des issues  mentales, psychologiques,  Ă©motionnelles, intellectuelles et culturelles. Et qu’ils peuvent ĂȘtre des alliĂ©s dans une pĂ©riode de trouble Ă  condition qu’ils permettent ou entretiennent une certaine capacitĂ© d’introspection, d’empathie et de rĂ©flexion. Ainsi qu’un certain optimisme.

En Psychiatrie adulte, je me rappelle encore d’un patient rencontrĂ© dans le service oĂč je travaillais alors, dans les annĂ©es 90. Ce patient, ancien champion de France de Taekwondo, avait une certaine capacitĂ© Ă  reprendre le contrĂŽle de lui-mĂȘme lorsqu’il sentait qu’il commençait Ă  s’agiter psychiquement. Et, il n’avait jamais fait partie de ces patients violents, irrespectueux, dangereux ou menaçants- malgrĂ© le dĂ©clin de son destin Ă  son jeune Ăąge ( moins de 30 ans)- que, de temps Ă  autre, certains Ă©vĂ©nements douloureux et tragiques poussent certains Ă  associer Ă  la psychiatrie.

Je sais aussi que, durant la pandĂ©mie du Covid, un Maitre de Kung Fu que j’avais rencontrĂ© Ă  Paris une ou deux fois auparavant a gardĂ© rĂ©guliĂšrement le contact avec ses Ă©lĂšves via Facebook.

Et, je sais aussi que durant la pandĂ©mie du Covid, dĂšs que cela avait Ă©tĂ© possible, un entraĂźneur de boxe française, dans ma ville de banlieue, Ă  Argenteuil, a proposĂ© rĂ©guliĂšrement des sĂ©ances d’entraĂźnement en plein air sur un terrain de basket disponible voire sur un parking.  Aux enfants comme aux adultes.

Ce sont des initiatives qui dĂ©montrent Ă  la fois l’engagement de ces personnes mais aussi que la combattivitĂ© consiste aussi Ă  savoir se maitriser comme Ă  continuer de proposer autre chose que du pessimisme.

Je crois que beaucoup de personnes mĂ©connaissent le fait que les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat peuvent ĂȘtre des mĂ©dia d’optimisme voire d’une certaine libertĂ© individuelle.

Du cĂŽtĂ© d’Asakusa, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 Au point que, de plus en plus, maintenant, je me sens embarrassĂ© Ă  dire que je suis parti au Japon « avec Â» un expert en AĂŻkido ou que je pratique un peu le karatĂ©.

Parce-que je perçois plus rapidement le malentendu. 

Parce-que, pour beaucoup de personnes, les Arts Martiaux se rĂ©sument Ă  du spectacle et Ă  du combat. Cela revient Ă  faire le grand Ă©cart et/ou le moonwalk comme MichaĂ«l Jackson  ou Ă  possĂ©der des pouvoirs ou des « trucs Â» magiques et acrobatiques devant un public Ă©baubi. Ou Ă  faire de l’EPS comme au collĂšge lorsque certaines et certains dĂ©ployaient tout leur gĂ©nie afin d’en ĂȘtre dispensĂ©s.

Enfin, certaines personnes, pour des raisons, des croyances et des interdits qui leur sont propres, rĂ©pugnent Ă  passer par leur corps pour apprendre Ă  s’extraire de leur condition. Cela demanderait trop d’efforts. Cela ferait mal ou l’on pourrait se faire mal. Et puis, cela stimule les glandes sudoripares et ça fait transpirer.

Pour ces personnes, les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat doivent rester Ă  distance Ă  l’état de vitrine ou d’éclats ultimes sur un Ă©cran. Comme si les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat, ou n’importe quelle activitĂ© physique et sportive, pour ces personnes, Ă©taient le danger ou un dĂ©chet radioactif mortel implacable et irrĂ©versible qui pouvait les dĂ©figurer ou les anĂ©antir.

A l’inverse, d’autres se saisissent des Arts Martiaux et sports de combat comme d’un Ă©lixir censĂ© leur procurer tout ce qui a pu leur manquer Ă  un moment de leur vie. C’est leur Durandal ou leur Excalibur.

Japon, Juillet 2024. Vers l’aĂ©roport Narita pour notre retour en France. Photo©Franck.Unimon

La Pandémie du Covid a été un terrible révélateur.

Elle a d’abord eu pour effet de beaucoup nous contraindre physiquement, affectivement et mentalement (mais aussi Ă©conomiquement) que l’on soit porteur ou non du virus. Mais aussi de nous rĂ©vĂ©ler Ă  quel point il Ă©tait facile de nous Ă©carteler (diviser) et de nous affoler.

A Harajuku, fin juillet 2024, Oeuvres de l’artiste Hyakkimaru ” maitre incontestable du Kiri-Ă© au Japon, l’art du papier dĂ©coupĂ©” ( blog Sakura Bento). Photo©Franck.Unimon

Et, ces magazines consacrĂ©s aux Arts Martiaux que j’ai trouvĂ©s ont fait partie de ma petite panoplie de self dĂ©fense mentale afin d’essayer de continuer Ă  vivre au mieux. 

Je crois que c’est de cette façon et dans ce contexte que j’ai entendu parler pour la premiĂšre fois de LĂ©o Tamaki. Et, je crois que ce contexte et ces raisons m’ont guidĂ© vers lui et d’autres avant lui mais aussi aprĂšs lui.

LĂ©o l’a peut-ĂȘtre oubliĂ© aujourd’hui mais un ou deux ans aprĂšs le dĂ©but de la pandĂ©mie du Covid, un jour, je lui avais exprimĂ© mes doutes quant au fait que celle-ci allait s’arrĂȘter et qu’il serait possible de pratiquer Ă  nouveau. C’était peut-ĂȘtre avant mon passage au Dojo 5 en Ă©tĂ© 2021 ( Dojo 5).  

Trùs simplement, il m’avait alors fait part de sa certitude et de son optimisme. Je n’avais pas eu besoin de plus.

Masters Tour et LĂ©o Tamaki

A notre arrivée à la gare de Kyoto, juillet 2024. La silhouette représente bien sûr Léo Tamaki. Photo©Franck.Unimon

Le Masters Tour est un événement martial, touristique, culturel et personnel proposé depuis plusieurs années par Léo Tamaki, son frÚre Issei et celles et ceux qui les entourent et qui partagent avec eux un certain nombre de moments et de valeurs depuis des années (prÚs de vingt années ou davantage). Parmi eux, on peut citer Tanguy Le Vourch et Julien Coup.

Il faut aussi citer Shizuka, la femme de Léo, trÚs impliquée.

Et d’autres.

LĂ©o Tamaki -qui est Ă  l’initiative du projet et qui est en le chef d’orchestre- est un expert en AĂŻkido. Son CV martial est Ă©loquent. Sa pratique martiale l’est tout autant. Quelques quarante annĂ©es d’expĂ©riences ou davantage.

Bien avant l’AĂŻkido qu’il pratique et enseigne depuis plusieurs annĂ©es maintenant, comme beaucoup de Maitres, LĂ©o Tamaki s’était auparavant « configurĂ© Â» dans d’autres disciplines martiales ou de combat. Je ne les ai pas toutes retenues. Mais je crois qu’il y a eu du judo, de la boxe thaĂŻ, du karaté 

LĂ©o a du charisme et une autoritĂ© que peu de personnes, parmi celles et ceux qui ont pu l’approcher et le voir enseigner ou pratiquer, pourront contester.

On pourra juger que je fais ici dans la flatterie en vue de pouvoir gratter une rĂ©duction sur les tarifs du prochain Masters Tour ou en vue d’obtenir un abonnement gratuit Ă  vie Ă  la revue Yashima.

Pourtant, chaque fois que l’on parle d’un Maitre, d’un expert, d’un prof, d’un collĂšgue, d’une histoire d’Amour ou d’une personne qui nous a laissĂ© une impulsion salvatrice ou libĂ©ratrice, celle-ci a toujours eue, de notre point de vue, un charisme, une connaissance et un savoir-faire qui Ă©taient absents chez d’autres.  

Et cela y compris sous d’autres latitudes que celles de la pratique martiale.

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je peux donc trĂšs facilement citer d’autres personnes qui, pour moi, ont ou ont eu un certain charisme bien qu’inconnus au plus grand nombre :

Stephan, Le prof de plongĂ©e qui, en Guadeloupe, m’avait fait passer mon baptĂȘme puis mes deux premiers niveaux de plongĂ©e ; Yves, le responsable de la section apnĂ©e du club dont je fais partie;  Jean-Pierre Vignau, mon « prof de karatĂ© prĂ©fĂ©rĂ© » comme celui-ci aime le dire en plaisantant dans les messages tĂ©lĂ©phoniques qu’il a pu me laisser. Mais aussi certains collĂšgues dans mon travail Ă  mes dĂ©buts ( ou Ă  leurs dĂ©buts) et plus tard, en psychiatrie, et en pĂ©dopsychiatrie, dans les services oĂč j’ai travaillĂ©, lors de certaines situations. Des infirmiers psychiatriques, Bertrand, Bernard, Patrice, Daniel, Hugues, un interne en psychiatrie, MichaĂ«l, une infirmiĂšre, Katia, le premier pĂ©dopsychiatre avec lequel j’ai travaillĂ©, le Dr Bruno Rist


Du cĂŽtĂ© artistique et musical, je pourrais citer beaucoup d’artistes, de Miles Davis, Ă  Cheikha Rimitti, en passant par Jacob Desvarieux. Albert Griffiths, Burning Spear jusqu’à Lana Del Rey bientĂŽt au festival Rock en Seine


Au mieux, l’émulation voire la compĂ©tition qui dĂ©coulent de notre attirance pour le charisme d’une personnalitĂ© nous inspirent et amĂšnent des grandes Ɠuvres et des beaux projets. 

Au pire, on se contente de singer le modĂšle, de quiproquos, de rapports de domination ou d’une admiration trop grande qui inhibe ou rend stupide.  

A cĂŽtĂ© de ce charisme et de cette autoritĂ©, LĂ©o  a quelques particularitĂ©s.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Il est par exemple trĂšs Ă  l’aise avec les rĂ©seaux sociaux. Il tient un blog, poste rĂ©guliĂšrement des vidĂ©os ou des informations sur sa page Facebook. Il est plutĂŽt Ă  l’aise avec les interactions sociales ainsi qu’en interview : il ne passe pas son temps Ă  regarder ses pieds ou Ă  tchiper lorsqu’on lui adresse la parole.

En bon manager, il sait aussi trĂšs bien choisir ses associĂ©es, associĂ©s et partenaires directs. Et, rĂ©guliĂšrement, il crĂ©e et propose des Ă©vĂ©nements au grand public qui sont des projets stimulants sans aucun doute pour « ses Â» troupes mais aussi trĂšs exigeants en implication personnelle et en travail d’organisation
 et d’improvisation.

Pour ma part, je ne sais pas faire “tout” ça ou je ne le souhaite pas. 

Megumi, une de nos guides, avant de monter dans le Shinkansen, quelque part au Japon, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ce Masters Tour au Japon, comme les prĂ©cĂ©dents et comme ces stages d’AĂŻkido KishinTaĂŻkaĂŻ proposĂ©s par LĂ©o et par les enseignants de son Ă©cole, est ouvert aux pratiquants d’autres disciplines, qu’ils soient experts ou dĂ©butants.

Il est d’autres Ă©vĂ©nements proposĂ©s ailleurs, par d’autres experts ou Maitres d’Arts Martiaux, mais ce sĂ©jour au Japon a fait partie des bonus pour moi.

J’ai oubliĂ© le prĂ©nom de celui qui m’avait “promenĂ©” le lendemain de notre arrivĂ©e au Japon. Mais il Ă©tait Ă©tudiant en Japonais et se destinait Ă  l’enseignement. En temps ordinaire, je ne l’aurais pas sollicitĂ© pour dĂ©couvrir le coin. D’autant que si, sportivement, son travail peut ĂȘtre un trĂšs bon entraĂźnement en tant qu’athlĂšte, cela reste tout de mĂȘme trĂšs Ă©prouvant. Mais ce jour-lĂ , j’avais la nausĂ©e, j’Ă©tais fatiguĂ©, j’avais mal Ă  la tĂȘte et la tempĂ©rature dĂ©passait trente degrĂ©s comme durant le reste de notre sĂ©jour. Alors, j’ai rusĂ© afin de pouvoir visiter le “quartier” en essayant de rĂ©cupĂ©rer pendant nos prĂšs de deux heures de temps libre. Cela a Ă©tĂ© une bonne stratĂ©gie. Photo©Franck.Unimon

Motivations et conditions pour participer au Masters Tour : 

 Â« Surtout, ne regarde pas Ă  la dĂ©pense ! Â»

C’est ce que m’a recommandĂ© avant ce Masters Tour, cette mĂȘme amie qui, vingt cinq ans plus tĂŽt, m’avait encouragĂ© Ă  faire un prĂȘt avant mon premier voyage au Japon.

Lorsque j’ai revu cette amie Ă  Paris deux ou trois semaines avant mon dĂ©part, je me souviens avoir Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par son regard au moment de nous dire au revoir prĂšs de la gare de l’Est.

J’étais dans la mesure pratique de mon quotidien. J’allais retourner au Japon et je me focalisais sur des dĂ©marches Ă  faire dans tel ou tel domaine comme, par exemple, bien m’assurer de l’inscription administrative de ma fille au collĂšge ou, simplement, recevoir l’officialisation de son passage en sixiĂšme. Le regard de mon amie, lui, dardait de joie pour moi. Elle, elle Ă©tait dĂ©jĂ  dans l’avion pour moi.

Je suis venu en amateur Ă  ce Masters Tour. En amateur du Japon. En amateur des Arts martiaux. En Amateur de la vie.

En curieux.

Shinjuku, Tokyo, fin juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Sans trop d’attentes dĂ©mesurĂ©es, je crois.

Si je peux donner beaucoup de ma personne dans divers domaines, j’ai du mal Ă  me percevoir comme un passionnĂ© des Arts Martiaux ou de quoique ce soit. MĂȘme si cela peut me flatter- et m’étonner- que l’on me puisse me dĂ©crire de cette maniĂšre.

Budget pour le Japon

Les premiĂšres fois que j’ai vu les tarifs du Masters Tour, le prix de ce voyage m’est apparu exorbitant voire mĂ©galo :

5000 euros pour trois semaines.

C’était Ă  peu prĂšs il y a deux ans. Avant de participer pour la premiĂšre fois aux 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay en 2023, un Ă©vĂ©nement Ă©galement proposĂ© par LĂ©o et les enseignants et pratiquants de l’école d’AĂŻkido Kishin TaĂŻkaĂŻ. ( voir Les 24 heures du SamouraĂŻ 2024 ). 

Puis, je me suis rappelĂ© que le Japon est une destination chĂšre. Je vois le sĂ©jour au Japon comme un sĂ©jour rĂ©servĂ© Ă  des privilĂ©giĂ©s ne serait-ce que d’un point de vue Ă©conomique.

En 1999, j’avais d’abord payĂ© environ 7800 francs mon billet d’avion puis 1200 francs un pass hebdomadaire pour prendre le shinkansen. J’avais alors cru avoir fait le principal en termes d’effort financier.

Puis, quelques jours avant mon dĂ©part, j’avais lu qu’il fallait un budget compris entre 500 et 1000 francs par jour pour passer des vacances au Japon. J’allais y passer trente jours contre 21 lors de ce Masters Tour.

Japon, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

En 1999, peu avant mon dĂ©part pour le Japon, je ne disposais pas de ces 500 Ă  1000 francs par jour.  

Sur les conseils d’une amie, j’avais alors demandĂ© et obtenu un prĂȘt revolving de 20 000 francs que j’avais ensuite remboursĂ© en deux ans.

Un prĂȘt que je n’ai jamais regrettĂ© d’avoir demandĂ© et obtenu. J’avais alors Ă©tĂ© trĂšs Ă  l’aise financiĂšrement durant mon sĂ©jour  d’un mois au Japon.

Les 30 000 francs de l’époque Ă©quivalent sans aucun doute Ă  peu prĂšs aux 5000 euros nĂ©cessaires cette annĂ©e afin de pouvoir participer Ă  ce Masters Tour et ĂȘtre logĂ©s. Et, en plus, lors de ce Masters Tour, nous allions rencontrer des Maitres d’Arts martiaux, pratiquer, visiter diffĂ©rents endroits auxquels spontanĂ©ment, je n’aurais pas pensĂ©, avec quelqu’un qui connaissait le pays bien mieux que moi et qui en parlait la langue.

Bien-sûr, il fallait prévoir aussi les frais annexes :

repas, restaurants, dĂ©penses diverses et personnelles ( vĂȘtements, Ă©lectronique, mantras, baleines, autres…).

Mon voyage de 1999 avait été extraordinaire. Celui de ce Masters Tour le serait vraisemblablement aussi.

J’ai Ă  nouveau fait le nĂ©cessaire afin d’ĂȘtre dĂ©tachĂ© le plus possible des Ă©ventuelles contraintes financiĂšres de l’expĂ©rience. En partant pour ce Masters Tour, j’avais prĂ©vu un budget dĂ©penses situĂ© entre 4000 et 5000 euros.

J’avais aussi payĂ© deux cartes e-sim ( Holafly et Provider. Ma prĂ©fĂ©rence va Ă  Holafly) avec un forfait illimitĂ© durant trente jours. J’avais aussi pris chez mon opĂ©rateur, Orange, un forfait pour une heure d’appels depuis le Japon.

Et, je m’Ă©tais achetĂ© auparavant deux smartphones reconditionnĂ©s, donc Ă  prix rĂ©duit, qui acceptaient la carte e-sim. Un smartphone pour la messagerie WhatsApp, internet, les rĂ©seaux sociaux, les Ă©ventuels appels, les photos et les vidĂ©os.

Et un autre smartphone, plus performant, pour les photos et les vidĂ©os. 

LĂ©o nous avait recommandĂ© de nous encombrer le moins possible pour faciliter nos dĂ©placements et, donc, d’opter pour une valise d’une certaine contenance. Ni trop grande, ni petite. Je n’en n’avais pas. J’Ă©tais donc parti en acheter une et elle m’a donnĂ© satisfaction durant le sĂ©jour. C’est dĂ©sormais ma compagne et ma fille qui en profitent Ă  la RĂ©union.

On peut me trouver trĂšs Ă  l’aise financiĂšrement. Alors, je rappelle mon Ăąge :

56 ans, cette annĂ©e. Cela fait plus de trente ans que je travaille et mon prĂ©cĂ©dent  voyage au Japon datait de 1999.  J’ai donc particuliĂšrement tenu Ă  refuser que l’aspect financier vienne me gĂącher ce voyage peu ordinaire. 

Le prix des billets pour certaines Ă©preuves olympiques ( j’ai entendu parler de 7000 euros pour une place de spectateur en finale d’athlĂ©tisme du 100 mĂštres aux JO de cette annĂ©e en France) m’a d’autant plus confortĂ© dans l’idĂ©e que mon argent Ă©tait « mieux Â» employĂ© en partant pour le Japon. MĂȘme si, plus tard, j’ai profitĂ© d’une opportunitĂ© pour racheter deux places afin d’emmener ma fille assister Ă  des Ă©preuves de Judo aux Jeux Olympiques.

Et, aujourd’hui, en voyant ce que nous avons ” connu” durant ces trois semaines, je considĂšre que notre argent a Ă©tĂ© trĂšs bien utilisĂ©. A mon avis, nous avons plus fait en trois semaines que d’autres vacanciers en un mois ou davantage :

Jusqu’Ă  trois Ă  quatre visites de temples, parcs ou de musĂ©es  ( ou plus) certains jours. Les entraĂźnements. Les Maitres. Nous avons pris le Shinkansen quatre ou cinq fois ( ou plus). Nous avons changĂ© d’hĂŽtel cinq ou six fois ( ou plus). Dans des hĂŽtels plutĂŽt haut de gamme, trĂšs Ă©loignĂ©s des standards du formule 1, et proches des gares.

Tokyo, Kyoto, Inosaki, Kurashiki, Hiroshima, Himeji, sont les villes oĂč nous avons sĂ©journĂ©. Et, j’en oublie peut-ĂȘtre une ou deux. 

Nous avons rĂ©guliĂšrement reçu des suggestions de lieux Ă  visiter lĂ  oĂč nous nous trouvions. 

Nous avons aussi eu deux repas au restaurant tous ensemble.

A notre arrivée au Japon, le 9 juillet 2024. Nous faisions partie du second groupe. Le premier était arrivé la veille. Ma valise est au premier plan. Orange. Photo©Franck.Unimon

Les 140 du Masters Tour :

Je n’ai rien d’original.

Sans doute que beaucoup d’autres sont venus Ă  ce Masters Tour en ayant Ă  peu prĂšs les mĂȘmes prĂ©occupations tant financiĂšres que personnelles.

Cette annĂ©e, nous Ă©tions un peu plus de 140 Ă  venir probablement pour des raisons identiques au dĂ©part ( 142 exactement). Et aussi pour avoir « suivi » LĂ©o Tamaki sur les rĂ©seaux sociaux ou pour l’avoir rencontrĂ© lors d’un stage d’AĂŻkido KishinTaĂŻkaĂŻ ou aux 24 heures du SamouraĂŻ.

Puisque LĂ©o Tamaki passe environ 200 jours par an Ă  animer des stages d’AĂŻkido un peu partout dans le monde. Et qu’il publie rĂ©guliĂšrement au moins sur Facebook.

142, c’était plus que les autres fois oĂč, au plus haut, il y avait eu jusqu’à 90 participants. Ce qui Ă©tait dĂ©jĂ  beaucoup comparativement Ă  la trentaine de participants prĂ©sents lors d’éditions prĂ©cĂ©dentes. J’ai eu connaissance de ce chiffre de 142 participants vraisemblablement quelques jours avant notre dĂ©part.

Certains participants sont restĂ©s deux semaines au Masters Tour. D’autres, trois. Certains participants Ă©taient dĂ©jĂ  venus au Japon lors d’un Masters Tour. Un des Ă©lĂšves de LĂ©o revenait pour la quatriĂšme ou cinquiĂšme fois au Japon dans ces circonstances. Je lui envie cette expĂ©rience.

De par ma participation aux 24 heures du SamouraĂŻ de 2023 et de 2024 au dojo d’Herblay, je connaissais de vue plusieurs participantes et participants. Le fait aussi de prendre des photos et de filmer lors de ces deux Ă©ditions des 24 heures du SamouraĂŻ m’avait permis de mĂ©moriser certains visages. Autrement, j’ai dĂ©couvert sur place tous les autres lors du sĂ©jour.

Ainsi que “mes” co-locataires.

Puisque j’ai partagĂ© ma chambre d’hĂŽtel avec un inconnu. D’abord L…, pratiquant de karatĂ© shotokan. Puis, G, pratiquant d’AĂŻkido aprĂšs que sa femme et leurs deux enfants soient retournĂ©s en France aprĂšs la deuxiĂšme semaine. 

J’ai aussi appris sur place que cette annĂ©e correspondait Ă  la dixiĂšme annĂ©e de la crĂ©ation de l’Ă©cole d’AĂŻkido Kishin TaĂŻkaĂŻ crĂ©Ă©Ă© par LĂ©o, Issei, Tanguy et Julien. 

J’avais bien sĂ»r imaginĂ© que nous serions nettement moins nombreux que 142. Mais ce chiffre ne m’a pas rebutĂ©.

Ce « succÚs » vient sûrement de la médiatisation de Léo via ses stages, les événements tels que Les 24 heures du Samouraï et sa présence sur les réseaux sociaux.

J’insiste sur ce point de la mĂ©diatisation et des rĂ©seaux sociaux car bien des experts et Maitres d’Arts Martiaux toujours en activitĂ© passent inaperçus ou sont oubliĂ©s en raison d’une certaine invisibilitĂ© mĂ©diatique, voulue ou subie, faisant d’eux peut-ĂȘtre ce que l’on appelle des Kage Shihan. Si je ne me trompe pas, ce terme qui signifie « Maitre de l’ombre Â» m’a trĂšs vite intriguĂ© lorsque je l’ai dĂ©couvert et me rappelle aujourd’hui, aussi, ces thĂ©s d’ombre qui peuvent ĂȘtre produits au Japon Ă©galement.

 

Si la mĂ©diatisation peut apporter son cortĂšge d’embarras et nĂ©cessiter un investissement personnel particulier, elle peut aussi, si elle est bien maitrisĂ©e et bien tolĂ©rĂ©e, avoir un certain nombre d’avantages pratiques. Mais nous ne sommes pas tous Ă  l’aise de la mĂȘme façon avec la mĂ©diatisation ou avec le fait d’ĂȘtre en interaction constante ou rĂ©pĂ©tĂ©e avec nos semblables.

DĂ©sillusions

 

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ce sont des dĂ©sillusions que j’ai dĂ©jĂ  pu connaĂźtre ailleurs et que je pourrais Ă  nouveau vivre comme chaque fois que je me fais une certaine idĂ©e prĂ©conçue de ce que je veux trouver ou des personnes que je veux rencontrer. Et que j’anticipe trop le dĂ©roulement d’un Ă©vĂ©nement car je suis plus dans l’attente d’un signe, d’un geste, d’un Ă©vĂ©nement ou d’une ouverture que je souhaite.

J’ai sĂ»rement trop idĂ©alisĂ© les interactions sociales et humaines que j’attendais lors de ce Masters Tour 2024.

Je les voulais selon mes souhaits. 

Je m’imaginais que des pratiquants d’Arts martiaux auraient les mĂȘmes perceptions que moi.  Qu’ils seraient « ouverts Â» et plutĂŽt zen.

J’ai dĂ©chantĂ©. Et c’est normal.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je me croyais sans doute parti en colonie de vacances oĂč je me ferais beaucoup -et facilement- des nouveaux amis. Mais du temps est passĂ© depuis l’enfance et l’adolescence. Et, la vie, voire le combat, c’est assez souvent le contraire de ce que l’on prĂ©voit :

Les gens rĂ©agissent diffĂ©remment de ce Ă  quoi l’on s’attend.

Je me ferai peut-ĂȘtre des amis Ă  la suite de ce Masters Tour 2024 -ou mĂȘme des ennemis Ă  la suite de la lecture de ce passage dans cet article- mais cela prendra un peu plus de temps que prĂ©vu.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je me rappelle que les premiĂšres fois que j’avais rencontrĂ© mon meilleur ami au collĂšge, il m’était insupportable. Et, il avait fallu plusieurs annĂ©es pour que nous devenions amis.

Toutefois, il importe rapidement d’apporter de la nuance et des prĂ©cautions Ă  mes propos :

J’ai  bien sĂ»r connu des moments rĂ©pĂ©tĂ©s de dĂ©tente et de visites, improvisĂ©s et dĂ©cidĂ©s avec d’autres participants du Masters Tour 2024.

 

J’ai mĂȘme pris la libertĂ© certaines fois de rester dans mon coin.

Mais, visiblement, en d’autres circonstances, mes prioritĂ©s sociales diffĂ©raient de celles d’autres participantes et participants.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Contrairement à la majorité des pratiquantes et des pratiquants du Masters Tour, En Aïkido, je ne connais pas grand-chose. En karaté shotokan, à peine beaucoup plus.

Mais, Ă  mon avis, le Masters Tour concerne autant le comportement sur le tatami et en tenue que seul, face Ă  soi-mĂȘme, et en dehors du tatami.

Et, dans certains compartiments de la vie sociale, lĂ , j’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ©.

Pendant ces trois semaines, j’ai pris soin, un certain nombre de fois, d’essayer d’aller vers les autres. De discuter avec eux. D’apprendre leurs prĂ©noms.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Vers autant de personnes que je le pouvais. Je n’y suis pas toujours parvenu. Mais je sais avoir essayĂ©. Et je crois avoir retenu plus de prĂ©noms que de participants n’ont retenu le mien. J’ai aussi bien vu que d’autres participants Ă©taient assez isolĂ©s par intermittences en dehors du tatami.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

ParallĂšlement Ă  cela, un certain nombre de participantes et de participants ne s’embarrassaient pas avec ce genre d’applications sociales superflues. Elles et Ils ont nĂ©anmoins peut-ĂȘtre essayĂ© au dĂ©but du Masters Tour d’aller vers les autres.

Ce sont peut-ĂȘtre aussi des rĂ©actions dues au fait de se retrouver soudainement dans un grand groupe avec des personnes (ou un voisin de chambre) que l’on n’a pas choisies. Et de se voir et de se revoir frĂ©quemment en grand nombre plusieurs jours durant. Alors que cela n’est pas dans nos habitudes.

Kyoto, Juillet 2024, lors du festival Matsuri Gion. Photo©Franck.Unimon

On reste entre soi. Avec des personnes que l’on connaĂźt dĂ©jĂ  (souvent depuis des annĂ©es) ou avec lesquelles on est (dĂ©jĂ ) venu Ă  des Masters Tour prĂ©cĂ©dents. On passe sans dire bonjour.  Celle ou celui que je ne connais pas ou qui n’est pas de ma discipline martiale ou de mon niveau n’existe pas. Ou trĂšs peu.

On se prĂ©cipite pour rester avec celles et ceux que l’on connaĂźt dĂ©jĂ  et avec lesquels on rigole devant les autres qui sont lĂ  mais qui n’existent pas. A l’hĂŽtel, on sort de l’ascenseur que l’on a pris avec un des participants du Masters Tour sans lui dire au revoir une fois arrivĂ© Ă  notre Ă©tage. Voire, on lui passe devant pour rentrer dans l’ascenseur alors qu’il attendait avant nous.

Il m’est arrivĂ© de penser que cela faisait partie des Ă©preuves informelles et implicites du Masters Tour. Qu’il s’agissait que le nouveau ou l’inconnu se fasse connaĂźtre et accepter ou endure l’épreuve de l’anonymat. AprĂšs tout, dans certaines traditions d’apprentissage, le petit nouveau ou la petite nouvelle n’a pas de visage, de nom ou mĂȘme de matiĂšre. Elle ou il est lĂ  pour apprendre, pour servir, pour se taire. Et, avec du travail et de la patience, petit Ă  petit, son statut Ă©voluera. Si elle ou il persĂ©vĂšre.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

On Ă©tait bien entre guerriĂšres et guerriers ?! Donc, pourquoi se prĂ©occuper des autres et de ces facilitĂ©s- des hypocrisies ! – sociales qui nous font croire que tout nous arrive toujours tout cuit dans la bouche, sans se battre et sans persĂ©vĂ©rer et que tout le monde nous aime toujours ?

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Cependant, ces attitudes d’évitement Ă©taient par moments tellement caricaturales – voire comiques- qu’elles relevaient davantage, de mon point de vue, d’une difficultĂ© Ă  entrer simplement en relation avec celle ou celui que l’on ne connait pas. Qui est peut-ĂȘtre un ennemi dĂ©guisĂ© sous les traits d’un participant ou d’une participante au Masters Tour…

Dire bonjour Ă  quelqu’un Ă©tait peut-ĂȘtre plus difficile Ă  prononcer pour certaines et certains que d’avaler du cyanure. Pareil pour le simple fait de dire au revoir. 

Il a pu arriver qu’à la fin d’une sĂ©ance d’entraĂźnements avec un Maitre, comme je prends beaucoup de photos, que certains se rappellent subitement de mon prĂ©nom et de mon existence afin de me demander si je les avais pris en photo. J’ai alors toujours donnĂ© la mĂȘme rĂ©ponse :

Non.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais je suis sĂ»rement beaucoup trop photosensible. Et j’exagĂšre sans doute. Je me la pĂšte aussi trĂšs certainement beaucoup.

 

Il y a eu nĂ©anmoins des Ă©claircies, je le rĂ©pĂšte. Des pĂ©riodes oĂč j’ai connu des moments agrĂ©ables avec d’autres. Il y a aussi eu ces moments ou ces rencontres et discussions imprĂ©vues devant la laverie automatique.

Et, je le prĂ©cise : j’ai vu d’autres participants ĂȘtre par moments isolĂ©s, sans doute par choix, mais aussi, Ă  mon avis, parce qu’ils avaient commis l’erreur ou la faute de venir seuls au Masters Tour ou de ne pas faire partie d’un groupe, duo ou trio.

Kyoto, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Une certaine logique aurait aussi voulu que je rejoigne et que je me « colle » Ă  d’autres adeptes du karatĂ© shotokan parce-que je pratique un peu le karatĂ© shotokan. Sauf que mon identitĂ© et ma valeur, c’est d’abord mon prĂ©nom, mon nom de famille ainsi que mon histoire personnelle. Et non le fait de porter une ceinture de telle ou telle couleur dans une discipline donnĂ©e qu’elle soit martiale ou autre :

Je suis une personne avant d’ĂȘtre un pratiquant que ce soit de karatĂ© ou d’une autre pratique. Et, mĂȘme si la pratique martiale- ou une autre pratique- rĂ©vĂšle toute ou partie de la personne que l’on est, on dira que je mets ma personne- donc sans doute mon ego- avant le pratiquant que je suis ou peux ĂȘtre.

Et, pour moi, ça commence souvent par « Bonjour Â» voire, plus difficile, de connaĂźtre mon prĂ©nom. ça donne peut-ĂȘtre une idĂ©e de la trĂšs haute opinion que j’ai de moi-mĂȘme et aussi de mon ego surdimensionnĂ©.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais, visiblement, d’autres participantes et participants ont eu le rĂ©flexe inverse.  Et, j’aurais eu plus « d’attraits Â» y compris d’un point de vue sociĂ©tal si j’avais eu tel niveau et tel parcours plus ou moins accompli et reconnu dans telle pratique martiale.  

Je crois que c’est une erreur de la part de ces pratiquantes et pratiquants d’avoir eu ce comportement quel que soit leur niveau avancĂ© dans leur pratique martiale qu’il s’agisse d’AĂŻkido ou de karatĂ©.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je rĂ©pĂšte aussi que j’ai dĂ©jĂ  assistĂ© peu ou prou Ă  ce type de comportement dans d’autres domaines :

Lorsqu’il m’est arrivĂ© de faire du journalisme cinĂ©ma en tant que bĂ©nĂ©vole, j’ai pu croiser des journalistes cinĂ©ma professionnels, certes rĂ©putĂ©s et rĂ©munĂ©rĂ©s, mais que j’ai perçus comme des handicapĂ©s de la relation sociale.  Je me rappelle de mon enthousiasme Ă  m’adresser pour la premiĂšre fois, lors d’une projection de presse, Ă  un journaliste cinĂ©ma de TĂ©lĂ©rama dont j’avais lu des critiques. Le ton sur lequel celui-ci m’avait rĂ©pondu ne disait rien de ses jours de fĂȘte. J’avais rencontrĂ© des personnes beaucoup plus joyeuses Ă  un enterrement.

J’ai aussi pu trouver excessif et ridicule de voir certaines attachĂ©es de presse mettre sur un piĂ©destal certains journalistes employĂ©s par des mĂ©dia renommĂ©s tel TĂ©lĂ©rama. Qu’est-ce qui m’avait fondamentalement sĂ©parĂ© de ces journalistes cinĂ©ma mis sur un piĂ©destal ?

Le fait que j’écrivais pour un mĂ©dia moins diffusĂ© en tant que bĂ©nĂ©vole. Il aurait suffi oĂč il suffirait que demain, j’écrive ou travaille pour un mĂ©dia reconnu et important et, lĂ , on me donnerait du « Monsieur » mĂȘme si mes articles sont Ă©crits par une banane en dĂ©composition.

Dans « mon » club de karatĂ©, il a pu arriver qu’un pratiquant nĂ©cessairement bien plus ancien que moi et plus gradĂ© se contente de m’appeler « Ceinture jaune ! ». J’ai alors expliquĂ© calmement que mon prĂ©nom Ă©tait trĂšs diffĂ©rent. Et, intĂ©rieurement, il m’est arrivĂ© de m’amuser en considĂ©rant que ces anciens (qui peuvent ĂȘtre nettement plus jeunes que moi) ont connu principalement un seul club de karatĂ© ou deux, situĂ© Ă  quelques minutes de leur domicile alors qu’il me faut une heure de transport, et que je n’ai jamais vu aucun d’eux aux 24 heures du SamouraĂŻ.

Dans un service de psychiatrie adulte oĂč il m’arrivait de faire des remplacements, une infirmiĂšre du service dont je connaissais le prĂ©nom m’avait interpellĂ© un jour, comme je revenais, de la maniĂšre suivante :

« PĂ©dopsy ? Â». Elle avait eu une soudaine rĂ©miniscence. Je lui avais confirmĂ© puis rĂ©pondu :

« Mais, tu sais, mon prĂ©nom, ce n’est pas pĂ©dopsy
 Â».

Ces exemples pour montrer que ce qui s’est passĂ© avec certaines participantes et certains participants du Masters Tour est assez courant ailleurs. Ces personnes ne sont pas forcĂ©ment des mauvaises personnes y compris celles qui se sont estimĂ©es supĂ©rieures en raison de leur niveau de pratique martiale nettement plus avancĂ© que le mien. Parmi elles, des rencontres humaines et des interactions sociales viables, prospĂšres et profondes sont possibles. Mais cela passe par diffĂ©rentes Ă©tapes proches de l’orpaillage. Il faut prendre le temps de se trouver et de se connaĂźtre. Et, Ă  la fin de ce Masters Tour, j’ai aussi remarquĂ© que certains, plus distants ou indiffĂ©rents en apparence Ă  premiĂšre vue m’avaient identifiĂ© et commençaient Ă  s’autoriser Ă  me parler un peu.

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

J’avais simplement idĂ©alisĂ©- et cru- de maniĂšre enfantine qu’au travers des Arts Martiaux, il Ă©tait plus simple de rencontrer d’autres ĂȘtres humains.

Si les Arts Martiaux peuvent ĂȘtre des mĂ©dia, ils peuvent aussi servir de masques ou d’armures. C’est peut-ĂȘtre d’ailleurs l’un des messages du dernier film de Bruce Lee, de son vivant, OpĂ©ration Dragon.

Lors du Masters Tour, Ă  notre arrivĂ©e Ă  la gare de Kurashiki, nous avons eu la surprise de devoir porter nos bagages dans les escaliers pour nous rendre jusqu’à l’hĂŽtel situĂ© Ă  Ă  peine dix minutes Ă  pied.  Je n’en veux pas Ă  LĂ©o et Ă  Issei malgrĂ© la cadence imprimĂ©e au groupe afin d’arriver Ă  une certaine heure Ă  l’hĂŽtel. Par contre, embarrassĂ© par mes bagages, je ne pouvais pas aller aussi vite que le reste du groupe. Quelques minutes plus tĂŽt, en descendant les marches d’escaliers, quelques participants avaient failli ĂȘtre les tĂ©moins d’une superbe cascade que j’avais failli rĂ©aliser malgrĂ© moi avec ma valise. Je dois Ă  des rĂ©flexes et au fait d’avoir portĂ© mes Doc Martens d’avoir pu rĂ©tablir la situation. Autrement, je me serais quelque peu fait mal en tombant avec ma valise de vingt kilos. Ce petit incident m’a stupidement incitĂ© Ă  la prudence par la suite.

Or, l’état d’esprit « Sauve qui peut ! Â» et « Chacun pour soi ! Â» l’a emportĂ© chez beaucoup. Et, arrivĂ©s Ă  la gare de Kurashiki, seul comptait le fait de suivre le rythme pour arriver Ă  l’hĂŽtel.

Un seul participant du groupe a eu la prĂ©sence d’esprit de se retourner et de voir que j’étais Ă  la traĂźne. Et de m’attendre. ChargĂ© comme je l’étais, je ne pouvais pas faire plus et plus rapidement que je ne le faisais.

Sans ce participant, j’aurais trouvĂ© l’hĂŽtel puisqu’il n’était pas loin de la gare et que nous avions reçu les informations le concernant sur la messagerie whatsApp.

Par ailleurs, au Japon, on se sent en sécurité et, à aucun moment, je ne me serais senti sur un champ de bataille ou en pleine guerre de gangs.

Mais j’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ© par cette absence d’attention du groupe pour quelqu’un d’autre. Et cette façon de foncer tĂȘte la premiĂšre vers la destination qui Ă©tait l’hĂŽtel dans cette ville que nous dĂ©couvrions tous, pour la plupart. Et, je suis persuadĂ© que j’aurais eu cette attention pour quelqu’un d’autre Ă  l’image de celle qu’a pu avoir ce participant et pratiquant expĂ©rimentĂ© pour moi.

Une attention qui, mĂȘme si elle lui a semblĂ© tout Ă  fait normale, et qu’il a sans doute aujourd’hui oubliĂ©e, est pour moi devenue quasiment indĂ©lĂ©bile dans ma mĂ©moire.

J’exprime ici quelles ont pu ĂȘtre mes dĂ©sillusions, et mes incomprĂ©hensions, par moments, lors de ce Masters Tour.

Mais il Ă©tait sĂ»rement impossible pour quiconque d’échapper Ă  une quelconque dĂ©sillusion ou incomprĂ©hension, Ă  un moment ou Ă  un autre, lors de ce Masters Tour. Un Masters Tour dont la plus grande partie du tracĂ© Ă©tait dirigĂ©e.  Et oĂč il a Ă©tĂ© nĂ©cessaire, rĂ©guliĂšrement, de toutes façons, de s’adapter Ă  diverses Ă©chĂ©ances et circonstances. Au point, qu’il m’est arrivĂ© de me dire qu’en participant Ă  ce Masters Tour, on faisait partie intĂ©grante- jusqu’à un certain point- du systĂšme Tamaki.

Mais il y a le « systĂšme Â» Tamaki et la façon dont on reste soi-mĂȘme. Etre perçu Ă  ce point par moments comme un corps Ă©tranger, par certaines et certains, m’a dĂ©rangĂ©.

 

Corps Ă©tranger

J’estime avoir autant voire plus appris durant ce sĂ©jour de mes interactions avec les autres participants et de mes quelques dĂ©ambulations et observations au Japon que de mes pratiques sur les tatamis ou lors des sĂ©ances d’entraĂźnement :

Quand, lors de la deuxiĂšme semaine de ce Masters Tour, j’ai « oubliĂ© Â» mes armes dans le bus Ă  Kyoto, j’étais certes fatiguĂ© et distrait, mais j’avais aussi manquĂ© de prĂ©sence et ne faisais pas suffisamment corps avec elles :

MĂȘme fatiguĂ© et distrait, je n’aurais pas oubliĂ© ma fille dans un bus que ce soit Ă  Kyoto ou ailleurs. J’ai oubliĂ© ces armes dans le bus (finalement retrouvĂ©es grĂące au concours de Megumi et Maki, deux de nos guides japonaises) car elles Ă©taient alors pour moi des corps Ă©trangers.

AprĂšs avoir oubliĂ© ces armes, et en avoir Ă©tĂ© privĂ© durant deux jours, j’ai perçu leur importance et leur singularitĂ© lorsque j’ai compris qu’il Ă©tait difficile d’en retrouver des semblables vu qu’elles avaient Ă©tĂ© constituĂ©es dans ce bois rare et lĂ©ger dont LĂ©o nous avait parlĂ© avant notre dĂ©part.

Deux leçons fondamentales

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Les deux leçons martiales fondamentales (ou autres) que je retiens, pour l’instant, sont  d’abord ces deux commentaires que m’ont faits tour Ă  tour LĂ©o puis Issei en pleine sĂ©ance :

 

« Tu es trop bienveillant Â». « Tu rĂ©flĂ©chis ? Â» (synonyme de « Tu rĂ©flĂ©chis trop Â»).

Je trouve que cela me concerne beaucoup tant dans la vie que sur un tatami.

Pas tout le temps.

Mais suffisamment pour m’empĂȘcher d’évoluer certaines fois. Depuis plusieurs annĂ©es, j’ai plus (tenu) Ă  dĂ©velopper mon cĂŽtĂ© bienveillant qu’à dĂ©velopper mon cĂŽtĂ© tranchant. Mon cĂŽtĂ© tranchant me fait peur. Alors, je le retiens comme je le peux par un excĂšs de bienveillance.

Il arrive que de temps Ă  autre, on me dise :

 Â« C’est parce-que tu es infirmier en pĂ©dopsychiatrie et en psychiatrie..tu as la vocation etc
. Â».

De la mĂȘme maniĂšre que j’ai dĂ©menti ĂȘtre une personne passionnĂ©e, je vais ici dĂ©mentir le fait d’avoir une quelconque vocation pour le mĂ©tier d’infirmier comme le fait d’ĂȘtre « bienveillant » par effet de ruissĂšlement parce-que je suis infirmier en pĂ©dopsychiatrie et en psychiatrie.

Certains tortionnaires ont pu ĂȘtre et sont des mĂ©decins ou des soignants. Je pourrais trĂšs bien faire partie de ces tortionnaires. 

Pour simplifier, « L’ùre » nazie a donnĂ© de « bons » exemples de mĂ©decins tortionnaires. Et, malheureusement, je n’ai aucune difficultĂ© Ă  concevoir que lors du gĂ©nocide des Tutsi au Rwanda, en 1994, des soignants hutus aient participĂ© au massacre. DĂšs lors qu’une forme de folie meurtriĂšre devient « normale », « fĂ©conde » et « collective », toutes les catĂ©gories sociales et professionnelles peuvent se rĂ©vĂ©ler zĂ©lĂ©es et entreprenantes pour participer au “grand projet” qu’est un gĂ©nocide. C’est un vĂ©ritable film d’horreur mais pour de vrai.

Il ne suffit pas de porter une blouse blanche pour devenir bienveillant. On a une certaine bienveillance et attention en soi, de maniĂšre spontanĂ©e et stimulĂ©e, qui, ensuite, selon le domaine professionnel et Ă©conomique oĂč l’on exerce, et selon la conscience que l’on a de soi et des autres,  va et peut se dĂ©velopper ou non en fonction des conditions de travail qui sont les nĂŽtres que l’on accepte ou que l’on refuse.

J’aurais pu ĂȘtre tout autant quelqu’un de bienveillant et exercer en tant que journaliste ou avocat.

Une journaliste comme Laurence Lacour ( autrice de Le bĂ»cher des innocents)  un journaliste comme Ted Conover ( auteur de LĂ  oĂč la terre ne vaut rien)  ou Joseph Kessel lorsqu’il a Ă©critAvec les Alcooliques anonymes  ont Ă  mon avis une bienveillance supĂ©rieure Ă  bien des personnes.

La bienveillance part d’eux. Ensuite, ils sont parvenus Ă  la monnayer ou Ă  en faire un mĂ©tier mais aussi un moteur de leur carriĂšre.

Moi, j’en suis au stade oĂč je pense que ma bienveillance voire ma « sur Â» bienveillance est un moyen, aussi, pour moi, de distraire ma violence. Ou de l’utiliser Ă  des fins que j’estime plus utiles et rĂ©paratrices. C’est une façon de la maintenir Ă  distance. Par devoir et aussi par choix. Parce-que savoir ordonner sa propre violence au point de savoir l’utiliser afin d’en faire une Ɠuvre d’art ou une Ɠuvre socialement responsable et collective, c’est donnĂ© Ă  peu de personnes :

Le plus souvent, lorsque l’on est coutumier de l’usage de la violence, soit on dĂ©truit son entourage, ses relations et son environnement et/ou soit on se dĂ©truit soi-mĂȘme.

Picasso et Miles Davis Ă©taient des personnes violentes et destructrices. Mais malgrĂ© tout, ils ont pu crĂ©er et c’est ce que beaucoup prĂ©fĂšrent retenir et admirer. A mon sens, Amy Winehouse s’est autodĂ©truite quasiment en direct live et c’est la raison pour laquelle j’ai beaucoup de mal Ă  comprendre comment des gens ont pu avoir du plaisir Ă  assister Ă  certains de ses concerts. Et, j’ai du mal Ă  aimer sa musique pour les mĂȘmes raisons. Une musique que je trouve en plus excessivement rĂ©tro comme corsetĂ©e dans une Ă©poque qui ne pouvait pas la retenir.

Par extension, je ne crois donc pas que les soignants en blouse blanche soient des ĂȘtres totalement pacifiĂ©s et expurgĂ©s de tout conflit intĂ©rieur et intrapsychique. Leur blouse blanche leur sert de digue ou de barrage, comme le kimono ou le hakama pour d’autres, et la profession que servent ces blouses blanches a des codes, des interdits, dont on peut retrouver des Ă©quivalents dans la Loi ou dans une religion qui donnent un cadre, des repĂšres et des guides.

Le but de ce cadre, de ces repĂšres et de ces guides, c’est d’éviter que la sauvagerie ne prenne le dessus sur l’HumanitĂ© et de permettre Ă  cette derniĂšre de subsister, de s’exprimer et de se consolider le plus possible. 

Mais tout excĂšs, mĂȘme lorsqu’il s’agit de bienveillance, est Ă  attĂ©nuer.

C’est peut-ĂȘtre pour cela que, instinctivement, de plus en plus, je me rapproche des Arts Martiaux bien-sĂ»r mais aussi
.des armes blanches.

 

Acheter un iaitƍ :

Devant la boutique de Sakuraya, Tokyo, aprĂšs mon achat d’un iaitƍ. Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je n’étais pas du tout venu au Japon avec l’intention d’acheter un iaitƍ.

Lorsque LĂ©o en parlait dans ses mails plusieurs mois avant ce Masters Tour 2024, je ne me sentais pas du tout concernĂ©. Je voyais cela comme une espĂšce d’excentricitĂ© coĂ»teuse et dĂ©corative.  Ou comme une recherche du spectaculaire. Je pensais aussi au katana posĂ© sur un mur pour faire joli ou pour intimer :

«Mon secret, c’est que  je suis un samouraĂŻ, une personne trĂšs redoutable, car j’ai un katana commandĂ© sur internet accrochĂ© au mur dans mon salon Â».

J’ai quelques fois la naĂŻvetĂ© de croire que les personnes les plus redoutables sont aussi celles qui savent se rendre parfaitement indĂ©tectables et se fondre dans la masse. On l’a trĂšs bien « vu Â»  (malheureusement) avec les terroristes islamistes ces derniĂšres annĂ©es.

 

Et puis, un des participants du Masters Tour a choisi un iaitƍ devant moi dans la boutique Sakuraya.

 

Curieux, je l’ai regardĂ© faire. Il a Ă©tĂ© conseillĂ© par Issei.

Ensuite, puisque j’étais lĂ , autant en profiter pour toucher. J’en ai sorti un ou deux de leur fourreau avec autant de prĂ©caution que mes mains mal habitĂ©es le pouvaient.

J’ai ressenti quelque chose. J’ai ressenti de la vie. Ce n’était pas un objet ni un geste inerte. C’était une action qui, le fait de sortir et de manier cette arme, de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e, apprise, maitrisĂ©e, pouvait faire grandir en moi un certain apaisement.

Je peux vraiment dire que c’est ce que j’ai ressenti plus que ce que j’ai vu ou l’envie de possĂ©der une « arme Â» qui m’a incitĂ© Ă  faire cette acquisition mais aussi Ă  m’embarrasser ensuite Ă  la porter d’hĂŽtel en hĂŽtel, de shinkansen en shinkansen jusqu’à l’aĂ©roport.

Alors que voyager lĂ©ger et le moins encombrĂ© possible facilitait beaucoup nos dĂ©placements avec nos bagages. 

Lorsque je suis reparti de la boutique Sakuraya, tout, dans l’attitude solennelle du vendeur expĂ©rimentĂ© m’indiquait que j’avais achetĂ© un objet important. Ou qu’il me confiait un objet important. 

Avec le vendeur de la boutique Sakuraya, aprĂšs l’acquisition de “mon” iaitƍ. Juillet 2024.

A mon retour en France, j’ai commencĂ© Ă  chercher des cours de iaido. Et, quotidiennement, je sors mon iaitƍ. Miles Davis disait qu’un musicien a besoin de toucher son instrument tous les jours. Je me dis que ce iaitƍ n’est pas un objet de dĂ©coration et doit (me) devenir un corps familier. Je fais sĂ»rement des erreurs grossiĂšres et ridicules lorsque je l’emploie en attendant de prendre des cours. Mais je le prĂ©serve de la poussiĂšre.

Quelques jours aprĂšs avoir achetĂ© “ce” iaitƍ, j’aurais aimĂ© m’ĂȘtre aussi fiĂ© Ă  ce que je ressentais en touchant un Jeans Ă  Kurashiki.  J’ y ai dĂ©laissĂ© un Jeans auquel je continue de penser depuis.  

Car j’ai voulu me raisonner.  Je porte trĂšs occasionnellement des  Jeans. Et je n’avais aucune intention d’acheter une paire de Jeans en venant au Japon. Or, j’en avais dĂ©jĂ  achetĂ© deux. 

 J’ai un moment envisagĂ© de faire le trajet Tokyo-Kurashiki pour aller le chercher. Ce qui aurait ramenĂ© ce Jeans quasiment au prix d’un diamant !

J’ai quand mĂȘme vĂ©cu beaucoup de bons moments lĂ -bas.  Alors, pourquoi, Ă  certains moments ai-je disparu du groupe ?

 

Mon deuxiĂšme voisin de chambre, G, Ă  Kurashiki, en train de m’attendre. Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La vie en groupe, premiĂšre semaine :

J’ai Ă©crit qu’un certain nombre de participantes et participants sont restĂ©s entre eux. J’ai nĂ©anmoins bĂ©nĂ©ficiĂ© aussi des avantages du groupe ou des petits groupes en diverses circonstances.

Durant la premiĂšre semaine, je me suis abreuvĂ© principalement aux groupes. Je suivais le groupe dans lequel je me trouvais. Que ce soit pour prendre le shinkansen, le train, le bus, les visites. Prendre un verre. 

 

C’était trĂšs agrĂ©able. Je faisais le touriste. Cela me permettait de socialiser. Cela Ă©tait trĂšs confortable et je n’avais pas beaucoup Ă  rĂ©flĂ©chir sur ce qui m’environnait. Tout ce que j’avais Ă  faire, c’était ĂȘtre Ă  l’heure et faire avec les autres ou comme tous les autres.

 

Au prĂ©alable, j’avais toutefois effectuĂ© le minimum. J’avais pensĂ© Ă  retirer des yens en espĂšces dĂšs le dĂ©but de mon sĂ©jour par 50 000 yens (environ 260 euros au cours actuel de 1 euro = 171 yens, un taux trĂšs avantageux pour l’euro). J’avais achetĂ© un tĂ©lĂ©phone portable reconditionnĂ© qui acceptait la carte e-sim et j’étais reliĂ© en permanence (et trĂšs facilement) aux divers groupes whatsApp du Masters Tour 2024.

 

Nos journĂ©es Ă©taient quotidiennement rythmĂ©es par l’engrais des informations qui venaient rĂ©guliĂšrement fertiliser nos messageries whatsApp.

 

 

La vie en groupe, deuxiÚme semaine : Ne Pas déranger

 

En dĂ©but de deuxiĂšme semaine, j’avais digĂ©rĂ© le dĂ©calage horaire et avais commencĂ© Ă  comprendre dans quel pays je me trouvais. Dont certaines de ses rĂšgles liĂ©es Ă  la ponctualitĂ© qui consiste Ă  ĂȘtre en avance de dix Ă  quinze bonnes minutes. Ainsi que le principe « Ne pas dĂ©ranger Â» rappelĂ© rĂ©guliĂšrement par LĂ©o et Issei.

Mais, surtout, j’ai alors fait une grande dĂ©couverte :

J’étais devenu un bovidĂ©.

Je me contentais de suivre et de boire Ă  grands traits quand on me le disait et lĂ  oĂč l’on me disait quand le faire. Moi, qui, en 1999, sans internet et la tĂ©lĂ©phonie mobile actuelle, avais pu circuler seul, une semaine durant au Japon, prendre le shinkansen, aller Ă  Kyoto, Hiroshima. Dans le Japon de 1999 qui Ă©tait bien moins touristique que celui  « retrouvĂ© Â» cette annĂ©e oĂč on a pu facilement entendre parler Français, Anglais ou AmĂ©ricain. Mais oĂč j’ai aussi pu croiser un Ukrainien qui y vit depuis une dizaine d’annĂ©es ainsi que des NigĂ©rians.

C’est probablement au dĂ©but de cette deuxiĂšme semaine que j’ai vraiment vu que certaines et certains prĂ©fĂ©raient rester entre eux pratiquant d’une certaine façon le « chacun pour soi Â».

 A cela s’est additionnĂ© un certain Ă©tat d’esprit « sauve qui peut Â». L’esprit « sauve qui peut Â», c’est cette tension ou cette anxiĂ©tĂ©, voire cette quasi-Ă©pouvante perçue dans le regard de certains au moment de prendre le shinkansen ou lorsqu’il s’agissait de se dĂ©placer avec nos bagages dans les correspondances des gares. La peur ou l’inquiĂ©tude de se perdre. De rester Ă  quai. Ou dans le shinkansen.

Sans le groupe.

Ces observations m’ont amenĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  celui que j’Ă©tais et que j’avais oubliĂ© : j’aime ĂȘtre en relation avec les gens mais pas Ă  n’importe quelle condition. Et je n’aime pas me sentir enfermĂ© dans  un groupe. 

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La vie en groupe, troisiĂšme semaine : «  On dirait qu’il fait tout le temps, la gueule ! Â».

 Lors de la premiĂšre semaine du Masters Tour environ, j’avais Ă©tĂ© surpris d’apprendre par un participant que certaines personnes avaient l’impression que je faisais « tout le temps, la gueule ! Â».

J’avais rĂ©pondu Ă  ce participant qu’en une semaine de Masters Tour, j’avais appris ça :

« Si les gens Ă©taient (plus) sereins, ils ne pratiqueraient pas des Arts Martiaux Â».

Une remarque que j’avais Ă©tendue aussi aux pratiquantes et pratiquants d’apnĂ©e.

J’avais ensuite ajoutĂ© que ces personnes qui s’étaient formalisĂ©es Ă  mon sujet Ă©taient trĂšs peu venues me parler.

Mais, rĂ©trospectivement, ces personnes avaient peut-ĂȘtre un peu raison en ce sens que je ne me suis pas forcĂ© Ă  sourire. Et qu’il est d’autres moments oĂč j’ai pu rester trĂšs sĂ©rieux ou concentrĂ©.

D’un autre cĂŽtĂ©, je comprends que des participants et des participantes soient venus en couple, en famille, entre potes ou partenaires du mĂȘme club ou aient optĂ© pour se rĂ©unir en personnes de la mĂȘme discipline. Ce voyage sera pour eux mĂ©morable et leur a sans aucun doute- je le crois et je l’espĂšre- rĂ©servĂ© des moments trĂšs privilĂ©giĂ©s.

Pour ma part, mĂȘme si, dans l’idĂ©al, j’aurais aimĂ© faire autrement, je continue de croire que j’ai pris la meilleure dĂ©cision en venant seul au Japon pour ce Masters Tour 2024. Au vu du rythme et du nombre de nos visites, de nos marches, de nos changements d’hĂŽtel, de la chaleur humide (plus de trente degrĂ©s tous les jours en moyenne), de la variabilitĂ© de nos horaires selon les circonstances, de la nĂ©cessitĂ© de s’adapter, de suivre les messages sur les boucles WhatsApp, des entraĂźnements, je trouve qu’il est difficile de pouvoir s’y ajuster au mieux tout en conservant, par ailleurs, une vie de famille ou de couple harmonieuse, douillette et paisible.

On pourra me dire qu’une vie de couple et de famille est rarement harmonieuse, douillette et paisible et que le Masters Tour peut aussi permettre d’apprendre à se concentrer sur l’essentiel.

Je rĂ©pondrais qu’il m’a manquĂ© le courage, l’optimisme, la force, la folie mais aussi la gĂ©nĂ©rositĂ© pour venir avec ma compagne et ma fille Ă  ce Masters Tour 2024.

Je me souviens aussi m’ĂȘtre senti devenir assez irritable ou susceptible en dĂ©but de troisiĂšme semaine. Et de moins bien supporter d’éventuelles contraintes relatives au groupe. Qu’il s’agisse de faire en groupe ou de « tĂ©ter Â» l’anxiĂ©tĂ© ou la fĂ©brilitĂ© de quelqu’un dans le groupe.

Donc, tout ce qui, en troisiĂšme semaine, m’a semblĂ© facultatif concernant le groupe est assez facilement passĂ© davantage au second plan. J’en aussi eu assez d’ĂȘtre celui qui va vers les autres participantes et participants du Masters Tour.

Je suis sĂ»rement devenu nettement plus solo, plus Ă©gocentrique, donc peut-ĂȘtre encore plus bizarre et plus incomprĂ©hensible pour quelques unes ou quelques uns lors de cette troisiĂšme et derniĂšre semaine. 

ParallĂšlement Ă  cela, je me suis davantage ouvert au pays, Ă  mon rythme ainsi qu’à mes inspirations pour continuer Ă  le dĂ©couvrir.

J’ai un temps voulu aller Ă  Yokohama. Mais durant les deux derniers jours de notre pĂ©riple, je me suis avisĂ© que j’avais Ă  peine vu Shinjuku. Et en me rendant Ă  Harajuku (oĂč j’étais aussi passĂ© en principe en 1999), je me suis aperçu que j’avais tout Ă  dĂ©couvrir.

Du Japon que j’avais aperçu en 1999, exceptĂ© Hiroshima et l’Ăźle de Miyajima, je n’ai rien reconnu. 

Cette premiĂšre partie s’arrĂȘte lĂ . La seconde partie parlera des Maitres que nous avons rencontrĂ©s. Des impressions qu’il me reste ou que je me suis fait d’eux.

Il me semble que cette premiĂšre partie est la plus difficile Ă  lire et Ă  avaler. Mais je crois que sans cette premiĂšre partie, mon « rĂ©cit Â» aurait Ă©tĂ© incomplet et artificiel.

Franck Unimon, dimanche 11 aout 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

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Le journal Les Échos du 3 juillet 2024 et le journal Charlie Hebdo du 3 juillet 2024 Ă©galement.

Balistique des élections législatives 2024

Avoir un blog qui s’appelle balistique du quotidien m’oblige un « peu Â» Ă  parler de ces Ă©lections lĂ©gislatives quelques heures avant leur second tour dĂ©cisif.

Cela fait plusieurs jours que je pense à écrire un article. Et, il me reste désormais peu de temps avant mon départ pour mon second séjour au Japon.

En 1999, annĂ©e de mon premier sĂ©jour au Japon, j’étais parti un an aprĂšs la victoire de l’équipe française « Black, Blanc, Beur » de Jaquet, Zidane, Blanc, Deschamps, Thuram, Desailly et d’autres  Ă  la coupe du Monde de Football. Cette annĂ©e, je partirai aprĂšs le rĂ©sultat de ces Ă©lections lĂ©gislatives oĂč le RN, beaucoup plus hĂ©ritier des pointes du FN que de celles de l’équipe de France de  de 1998, joue un autre genre de football.

Dans le journal Le Canard Enchainé du 26 juin 2024.

Dans une histoire de Hugo Pratt que j’ai relue rĂ©cemment, un IndigĂšne, alliĂ© du hĂ©ros Corto Maltese, reçoit trois balles. Lorsque Corto Maltese lui demande :

« Tu ne vas pas mourir, quand mĂȘme ? Â», celui-ci lui rĂ©pond « Peut-ĂȘtre bien que oui, peut-ĂȘtre bien que non Â». L’homme, car il s’agit bien d’un homme, s’en sort finalement. Car, par sa propre volontĂ©, l’IndigĂšne – qui est un puissant sorcier- a pu arrĂȘter son hĂ©morragie interne. Le mĂ©decin qui l’opĂšre ensuite, raconte cela plus tard, mĂ©dusĂ©, Ă  Corto Maltese. Lequel Ă©coute ça sans s’en Ă©tonner. Nous sommes ici dans les reflets d’une bande dessinĂ©e.

Je n’ai pas les pouvoirs anesthĂ©siants et puissants de ce sorcier dans cette nouvelle aventure de Corto Maltese afin d’arrĂȘter cette hĂ©morragie interne que peut ĂȘtre le RN.

Dans le journal Les Échos du jeudi 4 juillet 2024.

Pour moi, les Ă©lections lĂ©gislatives d’aujourd’hui s’apparentent aussi Ă  une sorte de toile d’araignĂ©e ne serait-ce que mentale. Et, je n’aimerais pas rester engluĂ© dans cette toile.

Dans le journal Les Échos du mercredi 26 juin 2024

Je n’ai pas Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par la rĂ©ussite du RN lors des Ă©lections europĂ©ennes le 9 juin dernier. J’avais Ă©tĂ© plus dĂ©concertĂ© il y a  une dizaine d’annĂ©es en apprenant que de plus en plus de soignants votaient pour le FN avant que celui-ci ne devienne le RN :

Parce qu’il y a environ 25 ans, un soignant ou une soignante qui votait FN, c’était plutĂŽt un spĂ©cimen. Je me souviens d’une collĂšgue infirmiĂšre rĂ©putĂ©e voter pour le FN qui travaillait dans le service de psychiatrie du dessus dans l’hĂŽpital de banlieue parisienne, dans le Val d’Oise, oĂč je travaillais alors :

Elle Ă©tait blonde aux yeux bleus et portait sur elle les codes vestimentaires de la catholique traditionnelle un peu ou assez bourgeoise. On Ă©tait dans le clichĂ©. Et dans le paradoxe. InfirmiĂšre, plutĂŽt attachĂ©e Ă  son travail auprĂšs des patients, et capable de partir en sĂ©jour thĂ©rapeutique avec des patients en compagnie d’un de ses collĂšgues infirmiers antillais.

En vitrine d’une librairie parisienne, ce vendredi 5 juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Cela fait maintenant un demi siĂšcle que la dynastie Le Pen poursuit son ascension vers les sommets politiques en voie d’extinction et, qui, comme l’Everest, sont devenus une destination touristique et rentable. En termes de Pouvoir et d’enrichissement Ă©conomique personnel.

En vitrine de la mĂȘme librairie parisienne, ce vendredi 5 juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Les Le Pen ont aussi pour eux l’endurance, la persistance, un besoin de revanche et de jouissance mĂ©diatique et se nourrissent de toutes les crises mais aussi de toutes les audaces.

 

En face, on a eu principalement des hommes politiques- et quelques femmes- qui se sont comportĂ©s comme des rentiers, d’autres qui ont ratĂ© le train ( Rocard, Jospin, JuppĂ©…), quelques uns qui se sont dĂ©sistĂ©s ( Delors),  et d’autres qui n’ont fait que passer :

J’avais dĂ©jĂ  oubliĂ© qu’Elizabeth Borne avait Ă©tĂ© la PremiĂšre Ministre prĂ©cĂ©dant Gabriel Attal pourtant nommĂ© seulement depuis six mois. J’ai du mal Ă  me rappeler de la Ministre socialiste du travail , Myriam El Khomri. Mais aussi de certains ministres du PrĂ©sident Nicolas Sarkozy.

Par contre, les Le Pen, on les « connait Â». Il leur manque juste une Ă©mission de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© pour boucler le Tour de France des mĂ©dia. Les Le Pen sont devenus familiers. Et ce qui devient familier inspire sympathie, accoutumance et confiance.  En plus, Marine Le Pen est une femme. La seule femme, en France, Ă  pouvoir rester au premier plan en politique sans faire partie du gouvernement prĂ©sidentiel. Tout le contraire du PrĂ©sident Macron devenu le pire VRP pour son propre parti aussi « justes Â» ses causes soient-elles lorsqu’elles le sont.

 

J’écris cela de façon humoristique mais je souriais peu il y a encore deux semaines. Et je sourirai sĂ»rement peu ce soir. Ou alors seulement parce-que je saurai que bientĂŽt, je partirai pour quelques semaines au Japon.

Parce-que, pour moi, quel que soit le résultat des élections législatives ce dimanche 7 juillet, le RN a gagné.

Car il a ensorcelĂ© une partie des esprits et des serpents. Ne serait-ce que provisoirement. Pour Ă©viter que Marine Le Pen ne soit Ă  ce point triomphante aujourd’hui, il aurait fallu la nommer Ministre il y a quelques annĂ©es ou mĂ©diatiser son refus. Marine Le Pen est aussi forte aujourd’hui car ses adversaires politiques de gauche et de droite ont Ă©tĂ© plus suffisants et intĂ©ressĂ©s avec elle. Il Ă©tait facile de se montrer trĂšs digne en sa prĂ©sence en s’opposant Ă  elle.

 

Une affaire de dignitĂ© :

 

L’homme politique Eric Ciotti, PrĂ©sident des RĂ©publicains, a Ă©tĂ© critiquĂ© et rejetĂ© par les membres de son parti pour avoir ouvertement donnĂ© sa prĂ©fĂ©rence Ă  Marine Le Pen aprĂšs le rĂ©sultat des Ă©lections europĂ©ennes du 9 juin. Mais le choix de ces mĂȘmes RĂ©publicains de s’abstenir de se dĂ©sister en faveur de la « Gauche » au second tour de ces Ă©lections lĂ©gislatives me confirme qu’il est d’autres femmes et hommes politiques, de droite mais aussi de gauche, qui seront prĂȘts Ă  aller faire la bise Ă  Marine Le Pen si celle-ci devenait PrĂ©sidente de la RĂ©publique ou ne serait-ce que PrĂ©sidentiable.

 

Je reste aussi trĂšs prudent devant les rĂ©serves exprimĂ©es par certains mĂ©dia Ă©conomiques ou autres envers les compĂ©tences du RN. Parce-que si le RN venait Ă  se montrer « compĂ©tent Â» Ă©conomiquement ou si des Ă©minences Ă©conomiques et politiques reconnues venaient Ă  accepter de faire partie d’un gouvernement RN, il nous serait trĂšs certainement expliquĂ© ultĂ©rieurement que c’est avant tout pour le bien de la France.

 

C’est ce qui nous est trĂšs bien rĂ©sumĂ© dans l’article Partir ou rĂ©sister, le dilemme des hauts fonctionnaires de Nicolas SĂšze dans le journal La Croix de ce jeudi 4 juillet 2024, page 4. Extraits:

« (
.) Certains prĂ©fets chargĂ©s de mission, pour qui nous n’y allons pas assez fort, attendent leur heure. Et beaucoup d’ambitieux voient dĂ©jĂ  l’opportunitĂ© de gravir rapidement des Ă©chelons Â».

Monter dans la hiĂ©rarchie sera d’autant plus facile que le RN aura besoin de cadres Â».

« (
.) Chez nous, personne ne pense qu’il se fera mettre Ă  la porte dĂ©but juillet Â» reconnait le fonctionnaire du ministĂšre de la justice pour qui un futur gouvernement RN devra aussi «  se confronter au rĂ©el Â» « Un certain nombre de leurs projets sont irrĂ©alistes et je crois possible de les faire Ă©voluer en les confrontant Ă  la rĂ©alitĂ©. Cela nĂ©cessitera de suivre de trĂšs prĂšs les discours politiques pour identifier les marges de manƓuvre, mais aussi fixer nos lignes rouges, conclut-il. Si celles-ci Ă©taient franchies, Ă©videmment je partirai. Mais je ne pense pas que ce sera le cas Ă  court terme Â».

 

Cette stratĂ©gie de l’évitement ou du dĂ©ni fait la force du RN. Croire ou penser qu’il sera possible de « faire Ă©voluer Â» un reprĂ©sentant du RN revient Ă  dire qu’il a Ă©tĂ© possible de « faire Ă©voluer Â» un Emmanuel Macron, lorsque celui-ci, devenu PrĂ©sident de la RĂ©publique, inflexible, a dĂ©cidĂ© de faire passer en force certaines dĂ©cisions telles que le recul du dĂ©part de l’ñge de la retraite. Si certains fonctionnaires prĂ©fĂšreront partir en cas de gouvernement du RN , ils seront selon moi une minoritĂ© :

A moins de se sentir menacĂ©s directement ou personnellement, ces fonctionnaires feront comme la plupart d’entre nous. Ils resteront Ă  leur poste, Ă©voquant un ensemble de raisons et d’obligations qui les empĂȘchent de partir tout en « condamnant Â» moralement le gouvernement du RN.

Ce qui nous enferme et nous rend aussi dĂ©pendants des alĂ©as d’un emploi, d’un gouvernement, d’un pays, d’une situation, d’un statut ou d’un rĂ©gime c’est peut-ĂȘtre aussi notre attachement forcenĂ© Ă  notre sĂ©dentaritĂ© et aux endroits que nous connaissons, Ă  ce que nous appelons notre enracinement ou notre identitĂ©. Ou, plus simplement, notre sĂ©curitĂ©.

Si nous Ă©tions plus nomades Ă  l’image de Corto Maltese ou de ces migrants regardĂ©s de travers, nous aurions sans doute plus de facilitĂ©s pour relativiser ce qui nous arrive mais aussi pour partir ou changer de vie afin de rester plus libres. Mais pour cela, il faut accepter de s’exiler.

Devant le tribunal de la Cité, à Paris, ce vendredi 5 juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ou rester sur place et rĂ©sister. C’est ce que j’ai vu ce vendredi 5 juillet, sur les marches du tribunal de la CitĂ©, avec ces drapeaux du Syndicat des avocats de France. Deux personnes (une jeune femme noire et un homme se prĂ©sentant comme magistrat) qui ont assistĂ© Ă  cela m’ont expliquĂ© que cela Ă©tait relatif Ă  une remarque rĂ©cente sur les rĂ©seaux sociaux attribuĂ©e au  RN estimant qu’il y avait trop d’avocats en France. 

 

Ce n’est pas contre toi

 

Pour la premiĂšre fois, il y a quelques jours, aprĂšs le rĂ©sultat des Ă©lections europĂ©ennes et, surtout, aprĂšs celui du premier tour des Ă©lections lĂ©gislatives, il m’est arrivĂ© de me dire qu’il se trouvait parmi les personnes que je cĂŽtoie, collĂšgues, connaissances, « amis Â», voisins, des Ă©lectrices et des Ă©lecteurs du RN.

Lorsqu’aprĂšs les prĂ©cĂ©dentes Ă©lections, les scores du FN/RN augmentaient, je ne me disais pas comme certains que tous les Ă©lecteurs du FN/RN sont des racistes et des fascistes. Mais, dĂ©sormais, je me le dis un peu plus. Ou, je commence Ă  le croire un peu plus.

Je me dis en tout cas que je suis devenu ou redevenu une cible potentielle comme n’importe quelle minoritĂ© ostracisĂ©e ou pointĂ©e du doigt :

L’étranger sans papiers, le transgenre, l’homosexuel, la prostituĂ©e, le ou la toxicomane, la femme battue, l’alcoolique, le malade psychiatrique, le pervers, le jeune de banlieue, l’homme noir ou arabe, le Juif, le musulman, l’Asiatique
.

Certaines personnes qui ont votĂ© pour le RN auraient beau essayĂ© de m’expliquer « Ce n’est pas contre toi Â», il n’empĂȘche que, quelque part, quelqu’un, un jour, en France, soudainement, dĂ©cidera ou pourra dĂ©cider que ma tĂȘte est mise Ă  prix ou ne vaut rien simplement parce-que le RN/FN se sera davantage rapprochĂ© des sommets du Pouvoir.

Le RN est l’équivalent d’une Ă©quipe de Foot qui a ses ultras parmi ses supporters. Et, il y a de plus en plus d’Ultras parmi les supporters de l’équipe de Foot que reprĂ©sente le RN. Et, ce que recherchent ces Ultras, c’est une certaine dose d’adrĂ©naline. Quant au RN, il aime faire peur. Il a toujours aimĂ© faire peur. Le climat anxiogĂšne qu’il libĂšre fait partie de son oxygĂšne. Je comprends donc en grande partie les propos tenus dans un entretien par la cinĂ©aste Alice Diop en premiĂšre page du journal LibĂ©ration le mercredi 26 juin 2024 :

Alice Diop Face Au RN « Pour les gens comme moi, C’est la vie ou la mort Â».

Le journal Libération de ce mercredi 26 juin 2024.

La France, pays de la discordance

 

Et, ce qui n’arrange rien avec cette ambiance, c’est cette façon qu’ont certains d’agir comme si de rien n’était. De ne pas en parler. Lorsque j’ai revu rĂ©cemment en consultation le pneumologue qui me suit depuis mon embolie pulmonaire l’annĂ©e derniĂšre, c’était Ă©tonnant de le voir et de l’écouter me parler comme si rien n’avait changĂ© et comme si rien n’allait changer dans ce pays depuis le rĂ©sultat des Ă©lections europĂ©ennes puis ce premier tour des Ă©lections lĂ©gislatives.

Je suis trĂšs peu allĂ© sur les rĂ©seaux sociaux. J’imagine facilement que bien des amis et des personnes que je connais se sont Ă©panchĂ©s sur le sujet dans les rĂ©seaux sociaux. Mais dans la vraie vie, autour de moi, rien. Ou, en tout cas, pas devant moi. Je n’attendais pas que quelqu’un me dise :

« Franck, si , un jour, tu es poursuivi par des Ă©manations du Ku Klux Klan, sache que j’aurais toujours pour toi une place chez moi entre le palier et les toilettes ainsi qu’un emploi d’homme Ă  tout faire (je te paierai au black)
. ».

Mais ce silence est isolant. C’est un peu comme si, en tant qu’homme noir, en France, on Ă©tait plus ou moins parvenu Ă  se fondre dans la masse puis que les rĂ©sultats de ces votes vers le RN agissaient comme du dĂ©tachant et que l’on se retrouvait d’un seul coup clairsemĂ© ou tout nu en pleine lumiĂšre.

Enfant, j’ai assez tĂŽt appris que j’étais Noir. Ne serait-ce que de par mon Ă©ducation afin d’ĂȘtre prĂ©parĂ© un minimum au racisme anti noir. Mais en vivant Ă  mon Ă©poque en rĂ©gion parisienne et en Ă©tant employĂ© dans un milieu professionnel et dans des fonctions oĂč je ne dĂ©tone pas particuliĂšrement, j’ai pu plus ou moins l’oublier. Parce-que vivre en se rĂ©pĂ©tant matin et soir que l’on est un homme noir est un petit peu fatigant. Mais il va peut-ĂȘtre falloir que je rĂ©vise mes classiques.

 

Franck Unimon, ce dimanche 7 juillet 2024, à quelques heures du second tour des élections législatives.

 

 

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L’AnnĂ©e du Japon

Rue de Rivoli, Paris, 9 Juin 2024. Photo©Franck.Unimon

L’annĂ©e du Japon

Parler du Japon aujourd’hui depuis la rĂ©gion parisienne peut apparaĂźtre irresponsable et dĂ©placĂ©. Pourtant, nous sommes au mois de juin et cela fait plusieurs jours que je vois et revois que le Japon, lorsque l’Ă©tĂ© s’approche, redevient subitement une destination touristique attrayante. Ça et lĂ , le Japon apparait dans les vitrines.

 Je sais aussi qu’il existe un petit plus qu’un effet de mode avec le Japon et que depuis au moins une dizaine d’annĂ©es, la culture nipponne, voire sud corĂ©enne,  a ses spĂ©cialistes et ses amateurs au moins parmi les adolescents et les jeunes adultes.

Sur les Champs Elysées, Paris, 16 juin 2024, le matin. Photo©Franck.Unimon

 

Cependant, en France, il pleut et il fait gris. Certaines personnes diraient mĂȘme que, dĂ©sormais, en France, il fait presque brun.

Car l’AssemblĂ©e nationale, en France, a Ă©tĂ© dissoute par le PrĂ©sident Emmanuel Macron il y a quelques jours aprĂšs la victoire du RN aux Ă©lections europĂ©ennes. Un PrĂ©sident de la RĂ©publique rĂ©Ă©lu, aussi jeune qu’il est devenu impopulaire.

Paris, 16 juin 2024, le soir. Photo©Franck.Unimon

Cinquante pour cent d’électeurs se seraient abstenus d’aller voter lors de ces Ă©lections europĂ©ennes. Des Ă©lections lĂ©gislatives vont avoir lieu de maniĂšre anticipĂ©e le 30 juin et le 7 juillet. On ignore encore si, pour la premiĂšre fois, en France, le Rassemblement National (RN), parti d’extrĂȘme droite hĂ©ritier du Front National (FN) co-crĂ©Ă© il y a un demi-siĂšcle par le pionnier de la dynastie Le Pen va parvenir au Pouvoir Politique par la Grande Porte en obtenant le poste de Premier Ministre. Ou si, une fois de plus, le RN va se heurter Ă  la muraille de Chine faite de ce refus des Français revenus une nouvelle fois voter par dĂ©faut pour  un parti politique de Droite ou de Gauche perçu comme rĂ©publicain, antiraciste et dĂ©mocratique. 

A quelques jours du dĂ©but des Jeux Olympiques organisĂ©s en France, on pourrait se croire dans un Ă©pisode de Games of Throne avec les adeptes du RN dans le rĂŽle des revenants d’autant plus inquiĂ©tants qu’ils ressemblent Ă  ces mutants imperturbables vus dans bien des films et dont la volontĂ© de fer se concentre dans l’action de se multiplier mais aussi de se diversifier. Tandis que les plus irrĂ©ductibles des membres du RN, eux, verraient leurs opposants et leurs contraires comme autant de redoutables envahisseurs dont la principale source de volontĂ© serait de coloniser et d’anĂ©antir la grandeur de l’identitĂ© nationale française.

Je crois m’ĂȘtre fait servir par l’un d’entre eux il y a quelques heures.

Un Yakuza cachĂ©  ?

Dans ma ville, je passe quelques fois dans une boucherie dans laquelle l’atmosphĂšre et la clientĂšle dĂ©tonnent. J’y entre en Ă©tant assez fascinĂ© mais aussi parce-que je suis un client satisfait.

Dans cette boucherie, on se croirait dans la France des annĂ©es 70 et 80. On semble y rester confinĂ© entre soi mais on y achĂšte de la trĂšs bonne viande plus chĂšre qu’ailleurs dans la ville.

A tort ou Ă  raison, cet endroit m’évoque facilement les trĂšs bons films  Dupont Lajoie ou Seul contre tous. Cependant, il faut rester prudent et se mĂ©fier des apparences. MĂȘme si son propriĂ©taire et boucher, tout Ă  l’heure, m’a un peu troublĂ©.

Ou provoqué.

Nous Ă©tions seuls dans la boucherie lorsque je me suis laissĂ© aller Ă  la familiaritĂ© de lui demander oĂč il avait prĂ©vu de partir en vacances cet Ă©tĂ©. Peut-ĂȘtre parce-que ma tĂȘte lui Ă©tait suffisamment familiĂšre, il m’a rĂ©pondu spontanĂ©ment :

« En Dordogne Â».

La Dordogne est une jolie rĂ©gion et la France, un trĂšs beau pays Ă  visiter. Cela fait des annĂ©es que la France est un des pays les plus visitĂ©s dans le monde qu’il s’agisse de l’Hexagone ou de « ses » Ăźles si l’on excepte peut-ĂȘtre la Nouvelle CalĂ©donie depuis plusieurs semaines compte-tenu du climat de guerre civile et de rejet de la politique française qui y a Ă©clos abruptement.

Sur les Champs Elysées, Paris, 5 juin 2024. Photo©Franck.Unimon
Le Jardin des Tuileries, 15 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Sauf que le boucher, Maitre en sa boucherie depuis une bonne vingtaine d’annĂ©es, a eu besoin de rajouter :

«  Pour faire travailler les Français
. Â».

Je me suis contentĂ© de lui rĂ©pondre, le plus lĂ©gĂšrement possible :

« Si vous pouvez
. Â».

Fort heureusement, sa politesse ou son absence de curiositĂ© m’ont sauvĂ©. Je n’ai pas eu Ă  lui annoncer oĂč j’avais prĂ©vu de passer mes vacances, cet Ă©tĂ©.

En effet, ce 8 juillet, soit le lendemain des rĂ©sultats du deuxiĂšme tour de ces Ă©lections lĂ©gislatives provoquĂ©es par le PrĂ©sident Macron suite Ă  sa dĂ©cision de dissoudre l’AssemblĂ©e Nationale, je prendrai l’avion pour trois semaines au Japon afin de participer au Masters Tour 2024 crĂ©Ă© et co-organisĂ© une nouvelle fois par LĂ©o Tamaki, expert en AĂŻkido.

Le Japon, c’est assez Ă©loignĂ© de la Dordogne.

Librairie, dans la Rue de Rivoli, 9 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais peut-ĂȘtre que le boucher regarde-t’il  tous les soirs des manga Ă  son domicile ? Peut-ĂȘtre aussi parle-t’il Japonais couramment dans ses rĂȘves et se rend-t’il tous les ans Ă  la Japan Expo ? Peut-ĂȘtre aussi, dans ses hobbies, compte-t’il un Savoir faire de Maitre Pottier japonais ? Ou de Maitre Sushi ? Ou de chanteur KaraokĂ© ?

Rien ne (me) permet, Ă  ce jour, de le contester. Peut-ĂȘtre mĂȘme, tous les soirs, se transforme-t’il aussi en Yakuza Ă  la façon dont Takeshi Kitano a pu nous les dĂ©crire dans ses films Sonatine ou Hana-Bi pour parler de quelques uns de ses films ?

Peut-ĂȘtre n’est-il qu’un samouraĂŻ infiltrĂ© dans une ville de banlieue parisienne, plutĂŽt mal rĂ©putĂ©e, qui a choisi d’endosser l’habit, la profession et des propos qui peuvent s’apparenter Ă  ceux de l’ExtrĂȘme Droite pour mieux la combattre Ă  la façon d’une taupe tel Tony Leung Chiu-Wai qui, lui, avait infiltrĂ© une triade chinoise dans le film A Toute Epreuve du rĂ©alisateur Hong-Kongais John Woo, son dernier film Ă  Hong-Kong avant la rĂ©trocession de celui-ci Ă  la Chine et avant son exil pour les Etats-Unis et son film Volte-face avec Nicolas Cage et John Travolta ?

Manifestation pro-palestinienne à Paris, 27 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Ces films noirs ou ces polars asiatiques de ces rĂ©alisateurs, et d’autres que je ne cite pas tels Kirk Wong, Johnnie To ou les frĂšres Mak etc
, font partie des classiques pour celles et ceux qui les connaissent ou les ont vus, comme moi, au cinĂ©ma, Ă  leur sortie ou en dĂ©calĂ©.

Ces films font aussi partie du passĂ©. MĂȘme si ce passĂ© est prĂ©sent et futur. Et moi, ce que je suis en train de vous Ă©crire ce mardi 18 juin 2024 appartient aussi au passĂ©. Car si mon dĂ©part pour le Japon, cette annĂ©e, est prĂ©vu pour le 8 juillet, soit dans trois semaines, il s’agira aussi de mon « retour » au Japon aprĂšs mon premier voyage, lĂ -bas, en 1999. Un retour souhaitĂ© dĂšs cette annĂ©e-lĂ .

En 1999, lors de mon premier sĂ©jour au Japon, j’étais imprĂ©gnĂ© de cinĂ©ma en version originale sous-titrĂ©e et de cinĂ©ma asiatique. Au point de beaucoup m’identifier aux Japonais.

Nous ne sommes pas des japonais

« Vous n’ĂȘtes pas des Japonais ! » nous avait nĂ©anmoins assĂ©nĂ© Vanessa, – tel un ippon- une de nos camarades- et Française- de notre cours de Judo, au gymnase, rue Michel Lecomte, tant nous singions certaines caractĂ©ristiques japonaises.

Nous, c’était Manu, un de mes amis Français, rencontrĂ© sur le tatamis du club, et moi, Français d’origine antillaise.

Elle avait raison.

Depuis notre naissance en rĂ©gion parisienne jusqu’à cette dĂ©claration, Manu et moi n’avions jamais rien eu de bridĂ©. Nous avions achetĂ© nos kimonos de judo en France. Nous pratiquions le Judo en France. Notre professeur de Judo, Pascal Fleury, grand frĂšre de la championne olympique Cathy Fleury, Ă©tait d’origine italienne.

Lorsque Manu et moi, nous allions- quelques fois- dans des restaurants asiatiques, c’était Ă  Paris ou en banlieue parisienne. Et, lorsque nous voyions ou rencontrions beaucoup d’Asiatiques, c’était surtout projetĂ©s sur un grand Ă©cran de cinĂ©ma, sur l’écran d’un tĂ©lĂ©viseur ou dans les ouvrages d’une librairie.

Rue de Rivoli, 9 juin 2024. Paris. Photo©Franck.Unimon

Pour moi, en devenant adulte, je crois que le Japon avait pris la place que les Etats-Unis, enfant puis adolescent, avaient pu avoir. Celle d’un pays dont l’Histoire et les ĂȘtres avaient des destinĂ©es fantastiques. Lorsque l’on est nĂ© en banlieue parisienne, dans un milieu social moyen, que l’on a d’abord grandi dans une citĂ©, et que nos parents, bien que « Français », sont des Antillais qui ont dĂ» venir vivre en mĂ©tropole tels des immigrĂ©s Ă  l’ñge oĂč, en principe, tout est possible puisque l’on est jeune et que ce possible se rĂ©sume Ă  un logement HLM avec d’autres personnes qui, comme eux, font de leur mieux pour s’en sortir, hĂ© bien, soit on se contente de ce que l’on a. Soit on rĂȘve ou on imagine un ailleurs.

Et puis, petit Ă  petit, soit on essaie d’aller vers cet ailleurs, soit on reste enfermĂ© dans sa citĂ© et dans tout ce que l’on connait par coeur par peur et par prĂ©caution.

Pourquoi le Japon plus que le Vietnam, le Cambodge, l’IndonĂ©sie, la CorĂ©e du Sud, la ThaĂŻlande, la Birmanie, le Laos ou ne serait-ce que la Chine qui sont aussi des pays Ă  connaĂźtre comme tant d’autres en Asie, en Afrique, en OcĂ©anie, en Europe ou ailleurs ?

 

 

Rue de Rivoli, Paris, 9 Juin 2024. Photo©Franck.Unimon

TrĂšs certainement pour cet attrait pour les SamouraĂŻ  qui avaient remplacĂ© les cow-boys des western de mon enfance. J’Ă©tais devenu adulte. C’Ă©tait exotique.  Je ne pouvais pas continuer Ă  garder les mĂȘmes modĂšles, me promener avec un chapeau de cow-boy, un ceinturon en plastique comportant un Ă©tui occupĂ© par un colt noir Ă©galement en plastique et une Ă©toile de shĂ©rif. 

Il y avait peut-ĂȘtre aussi une forme de refus du statut de victime permanente et suppliciĂ©e. La victime potentielle du racisme parce-que Noir dans un pays de Blancs, la France.

Et une espĂšce de recherche de mon salut intĂ©rieur un peu plus en accord avec moi-mĂȘme dans les Arts Martiaux que dans les comportements des hĂ©ros de western qui buvaient de l’alcool et qui fumaient, aussi, qui jouaient de l’argent. Qui roulaient un peu plus des mĂ©caniques et qui parlaient fort. Il y ‘avait peut-ĂȘtre Ă©galement une envie de ma part de m’affirmer en Ă©tant un homme antillais “diffĂ©rent”, moins bruyant, moins thĂ©Ăątral et moins prĂ©visible. Plus original. Plus complexe. Peut-ĂȘtre plus libre.

Le Japon faisait aussi davantage penser Ă  cette vitrine oĂč y Ă©tait exposĂ©e en permanence cette sorte de Maitrise en toute circonstance que je cherchais Ă  obtenir en moi. Pour cette assurance et ce calme constants en apparence. Pour les sons gutturaux, rauques, brefs et dĂ©finitifs de la langue japonaise telle que je l’entendais. Pour cette dĂ©licatesse supposĂ©e de la femme japonaise qui contrastait avec la femme imprĂ©visible, exigeante, pleine d’assurance ou hystĂ©rique de la vie urbaine ou parisienne.

Pour caricaturer, d’un cĂŽtĂ©, on pouvait avoir la « Française » qui fume, qui boit de l’Alcool, qui peut vous quitter ou qui dit zut. De l’autre cĂŽtĂ©, on avait une femme polie, pas un mot plus haut que l’autre, que l’on voulait voir comme charnellement sensuelle, jamais contrariante et fidĂšle Ă  jamais.

Il est beaucoup plus facile de fantasmer sur une personne à laquelle on ne se confronte jamais et dont on méconnait la langue, la culture, les volontés et la pensée et qui reste pour nous une apparition encadrée telle une poupée gonflable et domesticable. Mais aussi, jetable.

J’ignorais alors tout ce que le Japon pouvait avoir de traditionnaliste, de conservateur voire de raciste. Ou de sexiste. Et, je mĂ©connaissais totalement le fait, aussi, que ce mode de vie que je prĂ©fĂ©rais voir comme du raffinement esthĂ©tique digne de la trĂšs haute couture reposait aussi sur une certaine psychorigiditĂ© sociale qui flattait d’abord ma propre psychorigiditĂ©.

J’ignorais aussi que certains aspects de la vie traditionnelle Ă  la Japonaise Ă©quivalaient, aussi, par ses principes, Ă  certains aspects de la vie traditionnelle que m’ont transmis mes parents et auxquels je suis attachĂ© : Un campagnard, qu’il soit japonais ou d’origine antillaise, aura une façon de regarder la vie assez similaire.

L’importance de la parole donnĂ©e m’apparait par exemple ĂȘtre une valeur qui Ă©mane plus de l’hĂ©ritage de la tradition et du mode de vie campagnard que du mode de vie dit urbain et moderne, pour ne pas dire mondain.

« Le Japon a mis mes valeurs Ă  plat » m’avait dit lors d’une soirĂ©e parisienne une Française qui y avait vĂ©cu quatre annĂ©es.

Quatre annĂ©es, pour moi qui n’étais jamais allĂ© au Japon, c’était au-delĂ  du rĂ©el.

Ce devait ĂȘtre deux ou trois ans avant que je n’envisage mon propre sĂ©jour au Japon.  Cette femme qui avait Ă  peu prĂšs mon Ăąge avait acceptĂ© le principe de me revoir pour me parler davantage du Japon. Mais ce qu’elle m’avait laissĂ©, ce sont ses quelques remarques sur le Japon, son prĂ©nom et son nom lors de cette soirĂ©e passĂ©e dans un lieu dont je serais incapable de me rappeler avec certitude.

Mais si cette connaissance croisĂ©e dans une soirĂ©e, n’avait pas tenu parole, l’amie que je connaissais, alors, elle, l’avait tenue en m’accueillant chez elle au Japon deux ans aprĂšs m’avoir dĂ©jĂ  reçu chez elle une premiĂšre fois en Australie, Ă  Melbourne, en 1997.

 

En 1999 : Le Japon, une Ă©claircie profonde

En 1999, l’annĂ©e du film Matrix, pour moi, il y eut un avant et un aprĂšs le Japon.

A mon retour de mon séjour grùce à Raspoutine, mon amie franco-australienne qui y habitait alors, et son frÚre Le Croque-mort alors mon ami, qui me fit profiter de son expérience là-bas avant de rentrer en France, je déclarai que ce voyage fut extraordinaire.

Et, je le pense toujours aujourd’hui.

Humainement, ce sĂ©jour fut pour moi une frontiĂšre entre celui que j’étais auparavant qui en faisais des tonnes dans la provocation mais aussi dans l’humour pour se faire aimer. Mais aussi pour se desservir lui-mĂȘme.

Ce voyage au Japon et son contexte dans ma vie personnelle et professionnelle m’aidĂšrent et me poussĂšrent Ă  aller davantage dans l’introspection. Pour paraphraser un peu le livre Avec les Alcooliques Anonymes de Joseph Kessel, paru en 1960 et que j’ai bientĂŽt terminĂ©, je dirais que ce sĂ©jour au Japon en 1999 m’a permis d’ĂȘtre plus honnĂȘte et plus sincĂšre avec moi-mĂȘme.

Je n’étais pas alcoolique et je ne suis pas alcoolique. Si je l’avais Ă©tĂ©, j’aurais pu ĂȘtre Ă©tĂ© poussĂ© Ă   croire que l’alcool, sous toutes ses formes et latitudes, aurait pu me guider.

Cependant, avant mon sĂ©jour au Japon, j’étais probablement ivre et imbibĂ© de mes propres peurs. J’avais trĂšs peur de celui que j’étais, de celui que je pouvais devenir et j’avais aussi trĂšs peur
.d’ĂȘtre aimĂ©.

D’oĂč les provocations et l’humour rĂ©pĂ©tĂ©s jusqu’à en ĂȘtre inappropriĂ©s. Les dĂ©cisions trĂšs mal inspirĂ©es. Le propre de l’alcoolique, c’est, Ă  dĂ©faut de pouvoir s’étreindre et se rassurer lui-mĂȘme, de se dĂ©truire et de chercher Ă  s’assommer et Ă  s’éteindre jusqu’au black- out par l’alcool. Pour s’évader de lui-mĂȘme. Je faisais pareil mais avec l’humour, mes provocations, mes excĂšs, mes gesticulations, des mauvaises dĂ©cisions, une certaine nĂ©gligence de moi-mĂȘme


Lorsque l’on a peur de soi-mĂȘme, que l’on a peur d’ĂȘtre aimĂ© ou que l’on estime ĂȘtre indigne d’ĂȘtre aimĂ©, on sait devenir tranchant, blessant ou dĂ©sarmant pour celles et ceux qui nous entourent ou qui prennent le risque ou ont l’audace de nous approcher. On devient ivre au point de s’aveugler, de manquer de luciditĂ©, et d’ĂȘtre incapable de faire la distinction qui convient entre celles et ceux que l’on peut laisser s’approcher et les autres qu’il faut savoir repousser ou, plus simplement, Ă©viter. Puis, notre orgueil parachĂšve de maniĂšre incontestable notre entreprise (ou notre chef-d’Ɠuvre) de dĂ©molition et d’autodestruction :

S’il y a un problĂšme, c’est Ă  cause des autres. Ou, on ne savait pas que l’autre ne nous voulait-finalement- aucun mal…..

Le contexte dans lequel j’étais parti au Japon en 1999 cumulĂ© au fait de m’ĂȘtre rendu dans un pays comme le Japon m’avaient aidĂ© Ă  commencer Ă  me sevrer de certaines de mes mauvaises habitudes relationnelles et Ă©motionnelles. Mais, comme on le sait, se sevrer prend du temps. Ce qui n’empĂȘche pas de vivre des Ă©claircies profondes. Et, le Japon en fut une pour moi.

Si bien qu’à mon retour, je m’étais dit que je reviendrais un jour au Japon. Il aura fallu attendre
25 ans.

Il y a 25 ans, du Japon, j’avais ramenĂ© des photos papier, un bermuda qui ne me va plus car j’ai pris du poids et du ventre depuis, une camĂ©ra analogique et de la cĂ©ramique.

Electronique et CĂ©ramique

l’Electronique et la cĂ©ramique me semblent assez bien reprĂ©senter les deux versants du Japon. Le moderne et le traditionnel. Le quasi-virtuel et le spirituel. L’industriel et l’artisanal. Le logique et l’organique. L’efficace et le sensuel. Mais l’un comme l’autre concourt pour la perfection. 

Des deux, Ă©lectronique et cĂ©ramique, c’est la cĂ©ramique que j’utilise encore. Toutes mes tasses de thĂ© ramenĂ©es du Japon en 1999 sont demeurĂ©es intactes. Et, au travers de leur utilitĂ© et de leur durabilitĂ©, je vois une sorte de confirmation dans le fait que, utilisĂ©e pour l’usage qui lui correspond, la tradition conserve sa supĂ©rioritĂ© en acquĂ©rant plus de profondeur que la nouveautĂ© qui, elle, plus superficielle, est condamnĂ©e Ă  se reproduire pour pouvoir espĂ©rer prĂ©server ses attraits et convaincre quant Ă  ses promesses et ses effets. 

 

Mais on peut le voir autrement et se dire que mon versant ou mon tempĂ©rament traditionaliste l’a emportĂ© pour le moment sur mon tempĂ©rament moderne ou moderniste. Car aprĂšs tout, d’aprĂšs un podcast que j’ai dĂ©jĂ  Ă©coutĂ© deux fois, les blogs appartiendraient au passĂ©. Aujourd’hui, ce qui est moderne, ce qui suscite et maintient l’intĂ©rĂȘt quotidiennement et qui apporte un succĂšs immĂ©diat et continu, c’est de diffuser souvent et rĂ©guliĂšrement des images et de produire le moins de texte possible. Et, moi, comme un vieux schnock conservateur encore accrochĂ© au monde des relations Ă©pistolaires, et donc complĂštement dĂ©modĂ©, je fais l’exact contraire. Peut-ĂȘtre s’agit-t’il d’une stratĂ©gie et d’une dĂ©cision que je regretterai dans Ă  peu prĂšs une dizaine d’annĂ©es. Lorsque je me dĂ©ciderai Ă  changer de point de vue contraint ou forcĂ©. Ou Ă  changer le thĂšme de mes articles.

Toutefois, il existe un bĂ©mol Ă  cette autocritique : mes articles les plus lus sont relatifs aux Arts Martiaux ainsi qu’un article consacrĂ© Ă  Brigitte Lahaie, une ex star française de films pornos qui n’a jamais portĂ© de kimono. 

Et, il y a aussi un autre bĂ©mol Ă  apporter Ă  cet Ă©loge dithyrambique que j’ai fait concernant la supposĂ©e supĂ©rioritĂ© de la tradition sur la modernitĂ©, un prĂ©jugĂ© de plus dans lequel je me suis trĂšs confortablement installĂ© : 

Pendant une vingtaine d’annĂ©es, j’ai roulĂ©  dans une voiture Toyota achetĂ©e deux ans aprĂšs mon premier voyage au Japon. Et le nouveau modĂšle d’occasion, plus rĂ©cent, que j’ai achetĂ© Ă©galement Ă  crĂ©dit l’annĂ©e derniĂšre n’est pas en cĂ©ramique. 

Il me reste aussi quelques souvenirs durables du Japon de 1999.

 

Des souvenirs durables de mon voyage au Japon en 1999

 

De Tsukuba, cette ville de banlieue qui Ă©voquait la campagne, situĂ©e Ă  une heure de Tokyo oĂč habitait mon amie Ă  l’époque. D’une course improvisĂ©e Ă  vĂ©lo en revenant de la gare de Tsukuba avec une collĂ©gienne ou une lycĂ©enne dans sa tenue ( jupe, baskets, dĂ©bardeur et chemise blanche).

De Pierre, lycéen français au Japon grùce au Rotary Club de sa ville.

De cette secousse sismique alors que je discutais avec mon amie dans son appartement. De ce tournoi de Sumo oĂč nous nous Ă©tions rendus.

Je me rappelle de cette prĂ©venance des Japonais et des Japonais faisant ( tout) leur possible pour me renseigner dans la rue dĂšs lors que je m’étais adressĂ© Ă  eux avec les quelques mots d’usage et de politesse consacrĂ©s que je connaissais en Japonais. Des mots agissant Ă  la fois comme des sĂ©sames ou des talismans poussant mon interlocuteur et mon interlocutrice Ă  s’assurer que je prenais bien ensuite la bonne direction comme si son destin ou son karma en dĂ©pendait. Des mots que je n’ai pas oubliĂ©s et qui signifient « Bonjour », « Bonsoir », «  Je voudrais, s’il vous plait », « Merci beaucoup », « ĂȘtes-vous d’accord ? », «  Faites attention Ă   vous » .

Il y avait ces rues envahies par ces foules, plus imposantes qu’ailleurs, au moment de les traverser ou marchant sur les trottoirs. Ce cycliste se frayant patiemment l’usage d’un passage Ă  travers la multitude de piĂ©tons sur le trottoir sans que personne ne lui fasse le moindre reproche.

Kyoto, le Shinkansen. La ponctualité millimétrée des trains. La propreté immaculée des gares.

Ce sentiment de sĂ©curitĂ© dans les rues ignorĂ© du banlieusard que j’étais et confirmĂ© par mon amie.

Il y a aussi ce Salary man qui, Ă  Tokyo, vers 22 heures, habillĂ© en pantalon et chemise, son attachĂ© case Ă  la main, s’était subitement mis Ă  dĂ©gueuler sur le quai de cette gare oĂč, comme lui, j’attendais le train pour rentrer. Puis, il s’était Ă©loignĂ© de ses vomissements sans rien dire.

Dans quelques rues d’Hiroshima, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de voir ces jeunes femmes ou ces adolescentes au profil d’écoliĂšres de type lolita, vĂ©ritables clignotants vestimentaires, qui attendaient le client Ă©garĂ© ou habituĂ©. A Hiroshima, toujours, j’avais aperçu ce bĂątiment dont le toit avait reçu la bombe atomique. Et, au musĂ©e tout proche, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de constater que les Japonais Ă©taient prĂ©sentĂ©s comme les victimes de la bombe atomique sans souligner la responsabilitĂ© de l’armĂ©e japonaise plutĂŽt jusque-boutiste. Je n’avais pas encore lu que les opĂ©rations Kamikaze des aviateurs japonais avaient, dans les faits, donnĂ© peu d’avantages en terme de rĂ©ussite militaire mais, aussi, que la participation du Japon au conflit de la Seconde Guerre Mondiale Ă©tait prĂ©visible et devenu inĂ©vitable dĂšs lors qu’il lui restait six mois de rĂ©serve de pĂ©trole.

En 1999, j’avais aimĂ© me rendre dans les quartiers de Shibuya et de Harajuku rĂ©putĂ©s pour ĂȘtre des coins branchĂ©s de Tokyo. J’avais dĂ©plorĂ© ĂȘtre passĂ© Ă  cĂŽtĂ© de la vie nocturne du Japon. Cela aurait pu arriver si j’avais pu rencontrer Yuji et sa compagne plus tĂŽt dans une des rues de Tokyo. Anglophones tous les deux, ce qui Ă©tait rare, ils m’avaient fait dĂ©couvrir un bar-cinĂ©ma possĂ©dant une petite scĂšne dont mes yeux d’occidentaux n’auraient jamais  pu concevoir l’existence dans ce bĂątiment ou cet immeuble tout proche de nous. Ensuite, toujours le mĂȘme jour, le colocataire de Yuji, musicien et originaire de Nara, m’avait invitĂ© Ă  venir m’y rendre un jour. Sauf que je repartais pour la France
le lendemain.

J’étais rentrĂ© du Japon le lendemain comme lorsque l’on sort d’un rĂȘve.

Le Japon et moi, aujourd’hui :

Les quelques personnes Ă  qui j’ai parlĂ© de mon sĂ©jour au Japon, cette annĂ©e, se sont montrĂ©es enthousiastes. J’ai Ă©tĂ© marquĂ© par le sourire XXL de mon amie PĂ©pita, qui, Ă  l’époque, m’avait encouragĂ© Ă  faire un crĂ©dit que je n’ai jamais regrettĂ© mĂȘme s’il m’avait fallu ensuite deux annĂ©es pour le rembourser.

Le Japon reste une destination touristique peu courante comme en atteste encore la rĂ©ponse que m’a faite le boucher lorsque je l’ai interrogĂ© Ă  propos de ses vacances. MĂȘme si l’écoute d’un podcast cette semaine m’a appris que de plus en plus de vacanciers s’y rendaient et que quelques uns d’entre eux se comportaient de façon outranciĂšre.

En 1999, je buvais sĂ»rement encore du thĂ© en sachet ou du thĂ© aromatisĂ© avec beaucoup de sucre. Soit l’exact contraire d’aujourd’hui oĂč je bois du thĂ© vert japonais que j’achĂšte en vrac et que je bois sans sucre. Du Sencha ou du Gyokuro que je peux boire froid. L’un des gĂ©rants de la boutique de thĂ© oĂč j’ai des habitudes et oĂč j’ai commencĂ© Ă  acheter du thĂ© en vrac un jour, m’a dit que mon palais avait Ă©tĂ© Ă©duquĂ© mais, aussi, que notre palais a une mĂ©moire. Du goĂ»t et des tempĂ©ratures qui nous conviennent lorsque nous buvons du thĂ©.

J’ai l’impression d’ĂȘtre moins en pamoison devant la culture japonaise qu’en 1999. DĂ©libĂ©rĂ©ment et aussi parce-que je suis dans les dĂ©marches du quotidien, j’ai, pour l’instant, survolĂ© le programme que nous a adressĂ© LĂ©o concernant notre sĂ©jour lĂ -bas.

Mais si je me fie Ă  mon rapport au thĂ©, au salĂ©, et au maintien de mon intĂ©rĂȘt pour les Arts martiaux japonais ou autres, il semblerait que je sois bien plus rĂ©ceptif Ă  la culture japonaise que je ne le crois. De maniĂšre pragmatique, je crois que j’attends de me trouver dans l’avion pour Tokyo en bonne condition avec toutes les formalitĂ©s en rĂšgle pour pouvoir commencer Ă  pleinement vivre l’évĂ©nement. Avant cela, je me dis sĂ»rement que trop d’extrapolation et trop d’imagination tue l’expĂ©rience.

Cet article qui est une forme de prĂ©-bilan avant le voyage fait partie pour moi des « formalitĂ©s Â». Autant d’un point de vue instrospectif qu’à visĂ©e d’interaction avec d’autres. Car je crois que d’autres personnes qui seront au Japon ou non en juillet peuvent ressentir ou s’identifier Ă  ce que je raconte Ă  un moment ou Ă  un autre dans cet article.

Il y a quelques mois, je me suis dit que retourner au Japon lors du Masters Tour 2024 Ă©tait vraisemblablement une des meilleures façons pour moi de le faire. LĂ©o Tamaki nous a appris il y a quelques jours que nous serions 143 Ă  participer Ă  ce Masters Tour en juillet et que nous ferions des sessions avec des Maitres d’Arts Martiaux en Ă©tant 23 par groupes. Ce qui est un bon chiffre. 

En apercevant quelques offres commerciales que j’ai pu voir en faveur de voyages au Japon ces derniers jours, tant pour leur tarif que pour leur contenu, je me suis dĂ©jĂ  senti soulagĂ© d’avoir optĂ© pour le choix du Masters Tour 2024.

J’espĂšre et je compte ramener du Japon 2024, en mĂȘme temps que des impressions et des rencontres mĂ©morables, quelques images et un article pour ce blog qui essaieront de restituer cela au mieux. Pour les esprits jeunes et les esprits vieux, pour les esprits traditionalistes et les esprits modernes qui pourront y trouver plaisir et rĂ©confort. 

Rue de Rivoli, Paris, 9 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Nota Bene, ce mercedi 19 juin 2024 :

En repensant ce matin Ă  cet article aprĂšs l’avoir Ă©crit en grande partie hier, je me suis aperçu que j’avais complĂštement oubliĂ© de parler du risque de l’accident nuclĂ©aire au Japon. Un risque difficile Ă  totalement occulter pourtant aprĂšs ce qui s’Ă©tait passĂ© Ă  Fukushima en 2011. 

MalgrĂ© la probabilitĂ© du risque nuclĂ©aire, ou de celui d’un sĂ©isme, je reste sur l’impression que ce nouveau sĂ©jour au Japon m’extraira durant quelques temps des sortilĂšges d’un certain cirque quotidien. 

Franck Unimon.

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self-défense/ Arts Martiaux

Les 24 heures du SamouraĂŻ 2024

Au dojo d’Herblay, ce dimanche 19 Mai 2024, quelques minutes aprĂšs la fin des 24 heures du SamouraĂŻ. Photo©Franck.Unimon

 

Les 24 heures du SamouraĂŻ 2024

Il pleuvait ce dimanche 19 mai 2024 autour de midi alors que nos colonnes peuplaient le dojo d’Herblay. Sur les tatamis, nous Ă©tions plus de deux cents Ă  continuer de nous orienter sur la pirogue de la fatigue. Des hommes mais aussi des femmes, nous Ă©tions majoritairement en kimono.

Romain Anselmo, KaratĂ© Kyokushinkai, au dojo d’Herblay ce dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

GuidĂ©s par l’expert en karatĂ© Kyokushinkai, Romain Anselmo, et aiguisĂ©s par le couteau de nos kiaĂŻ, nous nous enfoncions encore un peu plus dans ce qui restait de ces quelques minutes oĂč tout allait bientĂŽt s’arrĂȘter. Avec une ou un partenaire, nous avons effectuĂ© des sĂ©ances de low kick. Mais nous nous sommes aussi donnĂ©s des coups de poing rĂ©ciproquement dans le gong de notre ceinture abdominale. Nous avons aussi fait des pompes. L’expert donnait le rythme. AmusĂ©, il nous a informĂ© qu’il lui avait Ă©tĂ© demandĂ© de mettre de l’intensitĂ©. LĂ©o Tamaki, sur le tatamis avec nous, a ajoutĂ© dans le mĂȘme humour qu’il lui avait Ă©tĂ© demandĂ© de nous «achever».

Au dojo d’Herblay, ce dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Pour quelqu’un d’extĂ©rieur, nous aurions pu passer pour des fanatiques ou des fantassins du passĂ©. Mais si une DivinitĂ© attentive aux Arts Martiaux s’était trouvĂ©e dans les parages ou quelque part dans le Val d’Oise, elle serait peut-ĂȘtre venue nous apporter les croissants.

L’édition 2024 des 24 heures du SamouraĂŻ allait bientĂŽt se terminer, notre vie recommencer et je retournerais bientĂŽt Ă  mes chansons de Lana Del Rey dont je suis devenu toquĂ© depuis Ă  peu prĂšs deux mois. Mais, entretemps, comme l’annĂ©e derniĂšre ( Les 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2Ăšme Ă©dition ) avec beaucoup d’autres revenus cette annĂ©e, j’aurais participĂ© Ă  cette manifestation.

Sensei Seisuke Adanyia, au dojo d’Herblay, ce samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Pourtant, quelques jours plus tĂŽt, je m’étais interrogĂ© sur les raisons qui me poussaient Ă  y participer Ă  nouveau. Je me sentais physiquement fatiguĂ© et je l’étais. L’épreuve d’effort que j’avais faite le lundi avait Ă©tĂ© estimĂ©e modĂ©rĂ©ment convaincante «pour un sportif Â» par le pneumologue qui me l’avait prescrite. Je me savais entraĂźnĂ© sportivement a minima. J’avais trĂšs peu et irrĂ©guliĂšrement pratiquĂ© tant en karatĂ© avec Maitre Jean-Pierre Vignau qu’avec mon club d’apnĂ©e.

Ma seule constance sportive Ă©tait faite de ces quelques kilomĂštres Ă  vĂ©lo que je faisais depuis trois ou quatre mois pour me rendre au travail et de mon penchant spontanĂ© pour la marche. Pour marcher, il est plus simple d’avoir des pieds et l’arthrose de mes deux gros orteils avait Ă©tĂ© Ă  nouveau confirmĂ©e par un clichĂ© radio. Mais, aujourd’hui, il n’existe pas de rĂ©paration de l’arthrose. Les principales solutions- temporaires- consistent en des infiltrations, des soins locaux de confort (froid, antalgiques divers), le repos, la diminution ou l’absence de toute pratique qui privilĂ©gie les impacts pour les pieds. Du cĂŽtĂ© de la chirurgie, il y a bien l’arthrodĂšse mais je m’y oppose. Et, je n’ai plus envie de m’entourer les pieds avec de l’élastoplaste afin de protĂ©ger mes gros orteils par syndactylie.

Je pouvais donc ĂȘtre exposĂ© par moments Ă  une certaine douleur et je devais faire attention en revenant aux 24 heures du SamouraĂŻ.  Pourquoi m’imposer ça ?

J’ai commencĂ© Ă  m’inspecter. Et Ă  m’injecter des pensĂ©es dans lesquelles je me disais que les Arts Martiaux sont pour moi un essai de virilitĂ©, pour me la raconter ou me rassurer en tant qu’homme. Mais aussi que mon attrait pour les Arts Martiaux reposait sur une admiration puĂ©rile que j’avais conservĂ©e depuis les films de Bruce Lee. Et que, dans les faits, c’était plus le spectacle des Arts Martiaux et les films rĂ©alisĂ©s Ă  leur sujet (de Bruce Lee Ă  Jackie Chan en passant par The Blade et tous les films asiatiques ou non s’y rapportant) qui m’avaient fait entrer dans une fantasmagorie fantastique, divertissante et captivante qui m’avaient donnĂ© envie de croire que je voulais en faire partie. Alors que, « pour de vrai Â», ce que je voulais vraiment, c’était rester tranquillement Ă  la maison pour regarder des films, des combats ou des spectacles d’Arts martiaux et en parler ensuite, fascinĂ©.

On s’aime comme on peut. Et, sans me haĂŻr forcĂ©ment, je peux ĂȘtre assez exigeant envers moi-mĂȘme. Mais peut-ĂȘtre moins que le pneumologue qui m’avait bien fait sourire trois jours avant les 24 heures du SamouraĂŻ.

L’annĂ©e derniĂšre, j’avais participĂ© aux 24 heures du SamouraĂŻ avec une contracture musculaire Ă  la cuisse. Mon kinĂ© m’avait dĂ©conseillĂ© d’y participer :

« C’est comme jeter une piĂšce en l’air
 Â».

Ce mercredi, trois jours avant Les 24 heures du SamouraĂŻ Ă©dition 2024, je revoyais le pneumologue car, en novembre 2023, j’ai fait une embolie pulmonaire assez grave. Grave aussi parce-qu’il s’était passĂ© deux semaines entre le moment oĂč j’avais consultĂ© la premiĂšre fois (parce-que je me sentais anormalement essouflĂ© avec une douleur costale persistante cĂŽtĂ© droit) et le moment oĂč le (bon) diagnostic a Ă©tĂ© fait.

Mais grave, aussi, parce-que le pneumologue n’arrive pas Ă  comprendre comment, moi, qui « n’ai pas le profil », j’ai pu faire une embolie pulmonaire :

Je ne fume pas. Je bois trĂšs peu d’alcool. Je suis plutĂŽt sportif. Je n’ai pas de cancer. Je n’ai pas eu d’affection grave ou rĂ©cente. En rĂ©sumĂ©, je suis ce que l’on appelle une personne en bonne voire en trĂšs bonne santĂ©.

Mercredi, je faisais donc de mon mieux pour rassurer le pneumologue. On appelle ça, la transparence. Il se demandait s’il arrĂȘtait de me prescrire les anticoagulants. Il n’avait pas d’argument pour les maintenir au vu de mes rĂ©sultats. Mais il hĂ©sitait. Ça se voyait.

Alors, je l’ai aidĂ©. Je lui ai parlĂ© de mon projet de prendre l’avion au mois de juillet pour partir au Japon. AussitĂŽt, le pneumologue m’a rĂ©pondu :

« Ă§a n’est pas logique d’arrĂȘter un traitement anti-coagulant quelques jours avant un vol long courrier ..».

Je comprenais sa logique mĂȘme s’il est Ă  mon avis beaucoup trop anxieux. Mais si je suis optimiste, je ne suis pas pneumologue.

Aussi, je lui ai donné un petit coup de pouce supplémentaire :

Je lui ai parlĂ© des 24 heures du SamouraĂŻ auxquels j’allais participer trois jours plus tard.

Sensei Seisuke Adanyia, au dojo d’Herblay, ce samedi 18 mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Le pneumologue ne savait pas ce que c’était. Je lui en ai expliquĂ© le principe :

Pendant vingt quatre heures, des experts en Arts Martiaux interviennent et on peut participer au nombre de sĂ©ances que l’on veut. Ce n’est pas une compĂ©tition.

 Il m’a demandĂ© oĂč ça se passait. J’ai cru qu’il allait ĂȘtre nĂ©cessaire que je lui situe la ville d’Herblay sur une carte. Ce n’était pas par envie de sa part d’y participer. J’ai plutĂŽt eu l’impression de lui parler d’un Ă©vĂ©nement d’un autre monde.

MĂȘme s’il portait un masque anti-Covid (il consulte dans un hĂŽpital parisien de l’AP-HP), j’ai bien vu dans les yeux du pneumologue qu’il aurait presque pu se cogner le front contre son bureau devant ce que je lui disais. Moi, je lui parlais projets et perspectives. Lui, il Ă©tait conditionnĂ© pour penser en termes de risques pour ma santĂ©.

Parfaitement synchrone avec sa mĂ©canique mentale inquiĂšte, le pneumologue m’a parlĂ© des risques d’hĂ©morragie en cas de coups ou de blessure lors de la pratique durant ces 24 heures du SamouraĂŻ. Puisque je suis sous anti-coagulants depuis six mois.

Une hĂ©morragie Ă  la suite d’un coup ou d’une blessure est bien-sĂ»r une possibilitĂ©. Mais, pour moi, ce n’est pas une fatalitĂ©.

Sans que le pneumologue s’en aperçoive, et bien qu’il me soit plutĂŽt sympathique, son anxiĂ©tĂ© excessive lui donnait un caractĂšre implacable. L’inquisition n’était pas trĂšs loin.

Puisque nous Ă©tions lĂ  « pour parler Â» et que le pneumologue s’appliquait Ă  me dĂ©montrer et Ă  m’expliquer, de maniĂšre Ă©ducative, les risques hypothĂ©tiques ou probables que j’encourais, j’ai fini par lui dire en toute dĂ©contraction :

« Mais lorsque je me rends rĂ©guliĂšrement Ă  mon travail Ă  vĂ©lo, j’ai bien plus de risques de me faire percuter par une voiture -ou un (e) autre cycliste-. Je ne vais pourtant pas arrĂȘter de faire du vĂ©lo pour cette raison ».

Le pneumologue s’est alors dĂ©pĂȘchĂ© de modĂ©rer ses ardeurs anxieuses. Il m’a nĂ©anmoins laissĂ© sous anti-coagulants en diminuant la dose. Il m’a prescrit un scanner et une scintigraphie. Il m’a dit que si ces examens Ă©taient normaux, qu’il envisagerait d’arrĂȘter les anti-coagulants. Autrement
.

Alors que j’écris cet article quelques jours aprĂšs les 24 heures du SamouraĂŻ, tout va bien. Le partenaire, lors des 24 heures du SamouraĂŻ, qui m’a donnĂ© un mauvais coup malencontreusement a d’abord Ă©tĂ© embarrassĂ© bien qu’ignorant de l’épouvante magnitude 6 qu’il aurait pu provoquer chez le pneumologue. Mais je peux dire que je suis reparti des 24 heures du SamouraĂŻ avec uniquement une certaine fatigue, comprĂ©hensive, pour principal « dĂ©sagrĂ©ment Â».

Et puis, un mauvais coup ou deux en s’entraĂźnant, cela peut arriver. Afin de se prĂ©server, il faut d’abord s’assurer que l’on se rend sur un tatami avec l’état d’esprit adĂ©quat et que les autres en face sont dans le mĂȘme Ă©tat d’esprit.

Sensei Seisuke Adanyia, face Ă  lui, sur la droite, LĂ©o Tamaki, ce samedi 18 Mai 2024, au dojo d’Herblay. Photo©Franck.Unimon

Je ne suis pas venu aux 24 heures du SamouraĂŻ en me disant que j’allais tout (me) casser et devenir champion du monde. Les experts invitĂ©s et, d’abord, les organisateurs de cet Ă©vĂ©nement, sont aussi sur cette ligne. A partir de lĂ , organisateurs et experts attirent Ă  eux un public qui, Ă  plus de 90 %, leur ressemblent. Je me rappelle encore de celui avec lequel j’avais pratiquĂ© un peu de Ju-Jitsu brĂ©silien au dĂ©but des annĂ©es 2000. Je venais alors d’un autre club oĂč j’avais fait l’expĂ©rience du judo pendant une dizaine d’annĂ©es avec Pascal Fleury comme prof.

Mon prof de Ju jitsu-brĂ©silien Ă©tait un trĂšs bon prof, un trĂšs bon pratiquant. J’ai de trĂšs bons souvenirs des quelques combats d’entraĂźnement que j’ai pu faire avec lui au sol.

Mais mon prof de Ju-jitsu brĂ©silien- qui s’entraĂźnait tous les jours- aimait trop la baston. Il Ă©tait chaud pour se battre n’importe quand. Il y prenait son pied. Cela transparaissait dans ses propos. Et, nous Ă©tions aux dĂ©buts de la mĂ©diatisation du MMA, de l’enthousiasme qu’il y avait Ă  propos des combats Ultimate et des frĂšres Gracie. C’était dĂ©sormais « Ă§a Â» qui faisait fantasmer ou une personnalitĂ© comme celle du boxeur Mike Tyson qui dĂ©truisait ses adversaires.

Celle ou celui qui aime la baston ou qui a absolument besoin de se prouver quelque chose au travers de la baston finit plus ou moins par se trouver directement ou indirectement enfermĂ© dedans comme dans une prison. Et, mon prof de Ju-Jitsu brĂ©silien avait dans son cours au moins un ou deux mecs (de moins de trente ans) qui s’y croyaient parce-qu’ils ne croyaient en rien d’autre en dehors du Ju-Jitsu brĂ©silien. Et, d’abord, parce-qu’ils croyaient trĂšs peu en eux-mĂȘmes. Et puis, j’arrivais aussi avec ma ceinture marron de Judoka et sans doute aussi que je transportais avec moi une certaine assurance. J’étais plus jeune. Plus physique. Plus explosif. En meilleure condition.  Je me souviens m’ĂȘtre plus blessĂ© durant cette annĂ©e oĂč j’avais pratiquĂ© le Ju-jitsu brĂ©silien qu’en dix ans de Judo oĂč il m’était pourtant arrivĂ© de me blesser.

On peut avoir besoin de rehausser son estime de soi au travers d’un sport ou d’un Art martial. Beaucoup d’expĂ©riences, de rencontres ou de dĂ©couvertes faites lors de la pratique d’un Art martial, d’un sport de combat (ou autres) sont susceptibles de nous aider Ă  nous rĂ©vĂ©ler Ă  nous-mĂȘmes certaines de nos compĂ©tences en termes de combat. 

Mais lorsque l’on en arrive Ă  toujours avoir besoin de se dĂ©marquer ou d’écraser toutes celles et tous ceux que l’on trouve devant soi sur un tatami ou dans un ring, c’est problĂ©matique. Ou cela le deviendra. En MMA, on le voit avec les excĂšs d’un Conor McGregor. Et, dans une autre discipline, j’ai l’impression que l’ancien champion du monde automobile Michael Schumacher doit son tragique accident de ski au mĂȘme genre d’excĂšs. Dans ce besoin constant, nĂ©vrotique ou suicidaire, de prouver ou de se prouver que l’on peut ĂȘtre meilleur ou plus fort que les autres ou que l’on peut toujours franchir et dĂ©passer les limites qui effraient ou font fuir le reste du monde. Alors que ce qui nous pousse Ă  agir de la sorte, c’est souvent notre terreur de la mort ou de notre anĂ©antissement.

J’ai de l’admiration pour Georges St Pierre, dont j’ai aimĂ© le livre Le Sens du combat car c’est non seulement un trĂšs grand champion (et reconnu comme tel de maniĂšre assez unanime) mais aussi un combattant plutĂŽt qu’un bastonneur :

Il n’a pas besoin de parader ou de rappeler tout le temps son palmarùs.

Mais cette introduction a beaucoup empiĂ©tĂ© sur le rĂ©cit des 24 heures du SamouraĂŻ, Ă©dition 2024. Je la crois nĂ©cessaire afin de donner une « conscience » Ă  cette expĂ©rience des 24 heures du SamouraĂŻ. Afin de ne pas rĂ©sumer cette expĂ©rience Ă  de la prouesse martiale ou physique. Mais je comprendrais que cette introduction soit vue comme la partie la plus ennuyante de l’article.

Je n’ai pas fait beaucoup de recherches mais j’ai l’impression que les 24 heures du SamouraĂŻ sont actuellement un Ă©vĂ©nement unique en France. S’il existe des stages ou des rencontres d’experts ou de Maitres d’Arts Martiaux en France et dans le monde, je crois que, seul, en France, l’évĂ©nement les 24 heures du SamouraĂŻ permet de rencontrer autant d’experts et de Maitres d’Arts martiaux et de pratiquer sous leur conduite dans ces conditions. Il s’agit donc d’une expĂ©rience unique et qui, pour, l’instant, reste annuelle. Peut-ĂȘtre qu’un jour, l’évĂ©nement deviendra-t’il semestriel. Car si les Arts martiaux dits traditionnels connaissent une dĂ©saffection grandissante, ils persistent et ont leur public. Et les 24 heures du SamouraĂŻ, dans la continuitĂ© du magazine Yashima, Ă  nouveau proposĂ© Ă  la vente lors de l’évĂ©nement, accueillent aussi d’autres pratiques martiales connotĂ©es comme « moins traditionnelles Â».

C’est ainsi que, par exemple, cette annĂ©e comme l’annĂ©e derniĂšre, est intervenu un expert en Penchak Silat ( Alvin Guinanao cette annĂ©e, Ronan Datausse l’annĂ©e derniĂšre) . Ou qu’un autre, David Pierre-Louis, expert en grappling et en Ju-jitsu brĂ©silien, assez proche de la sphĂšre MMA, Ă©tait intervenu l’annĂ©e derniĂšre.

Je ne serais pas du tout Ă©tonnĂ© si l’annĂ©e prochaine, intervenait (ce serait « bien Â») Richard Douieb, rĂ©fĂ©rence du Krav Maga ou un reprĂ©sentant de cette discipline.

Tanguy Le Vourc’h, un des organisateurs des 24 heures du SamouraĂŻ, ce samedi 18 Mai 2024 au dojo d’Herblay. Photo©Franck.Unimon

J’aimerais aussi, que les 24 heures du SamouraĂŻ propose une ou deux expertes. Mais je me doute que les organisateurs de l’évĂ©nement sont bien plus au fait que moi de la difficultĂ© qu’il y a Ă  trouver une experte (ou deux) qui rĂ©ponde Ă  leurs critĂšres dans un univers oĂč la plupart des experts sont encore plus souvent des hommes que des amazones. 

Cette annĂ©e, chaque sĂ©ance a durĂ© deux heures au lieu d’une heure quinze l’annĂ©e derniĂšre.

Au « menu », nous avions Sensei Seisuke Adanyia, pratiquant du karatĂ© Shorinryu ; Sifu Didier Beddar pour le Kung Fu Wing Chun ; Alvin Guinanao pour le Penchak Silat, Raphael Couet pour le Hapkido ; Ludovic Rallo pour la Luta Livre ; Ben Boehli pour le Taekwondo ; Erwan Cloarec pour le Xingyiquan ; Nicolas Lorber pour le Shinjukai Karatedo ; LĂ©o Tamaki pour l’AĂŻkido et pour finir Romain Anselmo pour le karatĂ© Kyokushinkai.

 

Sensei Seisuke Adanyia et LĂ©o Tamaki, dojo d’Herblay, ce samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
Sensei Seisuke Adanyia au dojo d’Herblay, samedi 18 mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Les 24 heures du SamouraĂŻ permettent de dĂ©couvrir des Maitres et des experts dont je n’avais jamais entendu parler. Sensei Seisuke Adanyia fait partie, pour moi, de ces « inconnus Â». ArrivĂ© en retard, j’ai assistĂ© Ă  une partie de sa sĂ©ance et j’y suis restĂ© Ă©tranger.

Mais j’ai Ă©tĂ© marquĂ© par sa façon de souligner l’importance de marcher d’une certaine façon dans la vie de tous les jours afin de pouvoir ĂȘtre prĂȘt en cas d’attaque.

Virginie, l’assistante de Sifu Didier Beddar, ce samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Aprùs avoir reconnu Virginie, l’assistante de Sifu Didier Beddar, cela m’a fait de l’effet de voir celui-ci quelques mùtres plus loin en train de faire des abdominaux, derriùre le grand rideau, quelques minutes avant son intervention. C’est ce que l’on appelle donner l’exemple.

Sifu Didier Beddar, ce samedi 18 Mai 2024, dojo d’Herblay, quelques minutes avant son intervention. Photo©Franck.Unimon

Sifu Didier Beddar nous a donnĂ© une sĂ©ance oĂč j’ai eu l’illusion, comparativement Ă  l’annĂ©e derniĂšre, d’ĂȘtre plus Ă  l’aise.

J’ai eu l’impression que le Kung Fu Wing Chun, c’est d’abord une trĂšs bonne garde qui limite beaucoup la possibilitĂ© des coups de poing. Et, lĂ , on entre dans le sujet des systĂšmes. Chaque Art martial et chaque type de combat est un systĂšme. Un systĂšme de gestes, un systĂšme de pensĂ©es. Et le combattant, c’est celui qui apprend Ă  maitriser et Ă  dĂ©velopper le mieux possible son propre systĂšme de combat afin de piĂ©ger dedans son adversaire. On le comprend facilement en regardant Sifu Didier Beddar nous faire ses dĂ©monstrations. Il fait penser Ă  un marionnettiste. Et, Ă©videmment, la marionnette, c’est la personne qui lui fait face.

Sifu Didier Beddar, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
Sifu Didier Beddar et Virginie, dojo d’Herblay, ce samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
Sifu Didier Beddar et Virginie, dojo d’Herblay, ce samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

J’aimerais aussi voir comment ça se passe avec des attaques de jambe en Wing Chun. Je sais que Sifu Didier Beddar est aussi trùs fort en jambes.

Sifu Didier Beddar et LĂ©o Tamaki, Ă©coutant le Paris Taiko Ensemble, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

S’exprimant en Anglais, Alvin Guinanao a peut-ĂȘtre beaucoup parlĂ© et beaucoup fait d’humour mais on a bien vu qu’il avait son Penchak Silat chevillĂ© au corps.

Alvin Guinanao au centre, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
Alvin Guinanao, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
Alvin Guinanao, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

J’ai aimĂ© chez lui, comme chez d’autres, le fait qu’il ait sa perception personnelle de son systĂšme de combat. Il ne se contente pas de le rĂ©pliquer. J’ai aussi aimĂ© le fait qu’il souligne que certaines postures de combat du Penchak Silat proviennent de certains modes de vie spĂ©cifiques Ă  la culture du pays d’origine du Penchak Silat : on peut adopter un style de combat particulier mais il faudra aussi assimiler qu’il peut nous ĂȘtre impossible de bouger exactement comme certains de nos modĂšles. Notre corps et l’histoire que nous avons avec lui nous offre certaines possibilitĂ©s que la pratique d’un Art martial (ou une autre discipline) peut nous permettre de dĂ©couvrir et de dĂ©velopper. Mais notre corps a aussi ses limites culturelles comme physiques.

Raphael Couet, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Raphael Couet m’a fait un peu peur. Lorsqu’il a nous dit, avec le sourire, de «taper dans la rotule Â».

Raphael Couet, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
Raphael Couet, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Bien qu’il soit sympathique, ces deux heures avec lui ont Ă©tĂ© magistrales pour comprendre que le hapkido, ce n’est pas pour les rigolos. Je l’avais dĂ©jĂ  saisi l’annĂ©e derniĂšre oĂč la sĂ©ance m’avait dĂ©jĂ  beaucoup plu. Mais on Ă©tait ouvertement, comme dĂ©jĂ  avec le Penchak Silat, dans un Art martial de destruction.

Ludovic Rallo, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Si le Penchak Silat et le Hapkido me sont apparus comme des axes de destruction, la Luta Livre, avec Ludovic Rallo, elle, Ă©tait , finalement, assez proche du Kung Fu Wing Chun, pour cette façon de coller Ă  l’adversaire, de le suivre et de le retourner. Alors qu’au travers du Penchak Silat et du Hapkido, on cisaille, on casse, on fracasse et on percute, en luta Livre, on danse, on projette, on anesthĂ©sie et on finit par Ă©trangler, par immobiliser ou par casser une corde ou une articulation chez l’adversaire. FatiguĂ© bien qu’il ne soit que 21H30, j’ai assistĂ© Ă  toute la sĂ©ance. La Luta Livre m’a fait penser Ă  un mĂ©lange de Lutte de sumo, de judo, de ju-jitsu brĂ©silien. Ludovic Rallo m’a semblĂ© particuliĂšrement affĂ»tĂ© d’un point de vue gymnique.

Ludovic Rallo, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
Ludovic Rallo et LĂ©o Tamaki, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
Lors de la sĂ©ance de Luta Livre avec Ludovic Rallo, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

DĂ©cidĂ©ment trop fatiguĂ©, j’ai optĂ© pour aller me reposer une heure trente aprĂšs le dĂ©but -Ă  minuit- de la sĂ©ance de Taekwondo de Ben Boehli. Mais j’ai aimĂ© que celui-ci insiste pour que le travail se fasse en qualitĂ© sans recherche de la vitesse.

Ben Boehli, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Ben Boehli, dojo d’Herblay, samedi 18 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

J’étais de retour pour l’intervention d’Erwan Cloarec. Et trĂšs intriguĂ©. Auparavant, je m’étais douchĂ© et j’avais bĂ©nĂ©ficiĂ© de vingt minutes de shiatsu.

Le stand Shiatsu au dojo d’Herblay durant les 24 heures du SamouraĂŻ. Photo©Franck.Unimon
Erwan Cloarec, dojo d’Herblay, dimanche 19 mai 2024. Photo©Franck.Unimon
Erwan Cloarec, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
Erwan Cloarec, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
Erwan Cloarec, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

A 2h30 du matin, j’ai beaucoup aimĂ© la simplicitĂ© d’Erwan Cloarec, sa modestie, son humour et son autodĂ©rision. Alors que ce qu’il nous a montrĂ© et fait pratiquer Ă©tait aussi ardu que le Tai Chi Chuan dĂ©montrĂ© l’annĂ©e derniĂšre par Sifu Didier Beddar.

Nicolas Lorber lors des 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay. Photo©Franck.Unimon

A 5h du matin, je n’ai pas Ă©tĂ© rĂ©ceptif au dĂ©but de la sĂ©ance de Nicolas Lorber. Et, comme je me sentais Ă  nouveau fatiguĂ©, je suis reparti faire un tour dans mon sac de couchage pendant 1H30 Ă  nouveau.

La salle de repos lors des 24 heures du Samouraï. Photo©Franck.Unimon
Un participant endormi lors des 24 heures du Samouraï. Photo©Franck.Unimon

Je voulais ĂȘtre prĂ©sent pour l’intervention de LĂ©o Tamaki  et je l’ai Ă©tĂ©.

LĂ©o Tamaki, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

« La puissance vient de l’intĂ©rieur, l’imperceptible, vient des extrĂ©mitĂ©s Â».

Il Ă©tait entre 7h30 et 9h30 quand j’ai entendu cette phrase et l’on se serait presque cru dans un dĂ©bat tĂ©lĂ©visĂ© de l’émission Droit de rĂ©ponse avec Michel Polac. Je restitue ça avec humour mais cette remarque m’a beaucoup plu.

LĂ©o Tamaki, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
LĂ©o Tamaki, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
LĂ©o Tamaki, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
LĂ©o Tamaki, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2924. Photo©Franck.Unimon

J’ai beaucoup aimĂ©, aussi, le fait que LĂ©o parle de « l’autre » ou de l’adversaire, comme d’une personne qu’il ne faut pas dĂ©ranger et laisser dans son Ă©lan tout en s’effaçant, pour, bien-sĂ»r, ensuite, le maitriser.

LĂ©o Tamaki, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
LĂ©o Tamaki, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
LĂ©o Tamaki, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

C’est encore LĂ©o, je crois, qui a parlĂ© de l’agresseur comme Ă©tant une proie. Cette inversion de pensĂ©e m’a aussi plu. De voir celle ou celui qui agresse comme Ă©tant la proie que l’on attend, finalement.

J’étais peu attirĂ© par le karatĂ© Kyokushinkai que je voyais surtout comme un karatĂ© trĂšs dur et j’y suis vraiment allĂ© pour voir. Lors de l’évĂ©nement, j’avais discutĂ© avec un adepte de cette forme de karatĂ© qui ne croyait pas au combat au sol. J’ai compris que, pour lui, ĂȘtre au sol, signifiait ĂȘtre mort ou vaincu. Je n’ai pas pensĂ© Ă  lui parler des frĂšres Gracie.

Ce jeune pratiquant ( ceinture noire) s’est aussi montrĂ© Ă©tonnĂ© et admiratif devant le fait qu’à mon Ăąge, bientĂŽt 56 ans, je me sois dĂ©cidĂ© Ă  commencer le karatĂ© ( le karatĂ© Shotokan oĂč je suis ceinture jaune). Sa remarque m’a Ă©tonnĂ©. Un quart de siĂšcle nous sĂ©parait.

Je crois attacher moins d’importance Ă  ma ceinture jaune que certaines personnes qui la voient. Parce-que je ne cours pas aprĂšs la ceinture noire mais plutĂŽt aprĂšs l’expĂ©rience. Ou, plutĂŽt, aprĂšs la conscience. Mais c’est peut-ĂȘtre une excuse de vieux pour masquer sa diminution et sa faiblesse physique.

Il y avait d’autres quinquagĂ©naires dans le dojo. MĂȘme si la moyenne d’ñge des pratiquantes et pratiquants devait se situer dans les 35-40 ans. Il y avait mĂȘme deux ou trois jeunes prĂ©-adolescents parmi nous.

Romain Anselmo, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon
Romain Anselmo, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

J’ai Ă©tĂ© agrĂ©ablement surpris par la sĂ©ance de karatĂ© Kyokushinkai. Crier des KiaĂŻ et apprendre Ă  donner des Low Kick un dimanche matin aprĂšs plusieurs heures de pratique martiale, je suis volontaire.

Les sĂ©ances de deux heures, entrecoupĂ©es de pauses de 15 Ă  30 minutes, ont rendu plus faciles, je crois, le fait de se reposer entre deux sĂ©ances, si on le souhaitait. Cependant, cela imposait aux intervenants de savoir maintenir l’intĂ©rĂȘt des participants. Pour cela, certains horaires Ă©taient plus dĂ©licats que d’autres. Mais j’ai l’impression que, dans l’ensemble, les experts sont parvenus Ă  faire oublier ces deux heures.

Pour le mental et pour ma santĂ© physique, les 24 heures du SamouraĂŻ m’ont Ă©tĂ© bĂ©nĂ©fiques. Ils m’ont permis de me faire une idĂ©e plus prĂ©cise de mon Ă©tat de santĂ© gĂ©nĂ©ral. Je n’ai pas eu de problĂšme particulier. J’ai participĂ© Ă  six interventions sur dix.  Ce qui me convient. Je trouve que cela m’a bien prĂ©parĂ© pour le Masters Tour en Juillet.  J’ai eu quelques discussions. J’ai Ă  nouveau fait des photos.

J’ai aussi Ă  nouveau beaucoup apprĂ©ciĂ© que l’on nous remette en arrivant ce sac qui contient une bouteille d’eau minĂ©rale de 1,5 litre, une pomme, une banane et une orange ainsi que le service restauration qui nous propose Ă  un tarif trĂšs frĂ©quentable de quoi trĂšs bien manger.

Lors des 24 heures du SamouraĂŻ, au dojo d’herblay, samedi 18 Mai 2024. J’ai tout mangĂ©. Photo©Franck.Unimon
Eux aussi, ont tout mangĂ©. Au centre, Ludovic Rallo, quelques heures avant sa sĂ©ance de Luta Livre, samedi 18 Mai 2024, dojo d’Herblay. Photo©Franck.Unimon

Comme il est aussi trĂšs agrĂ©able de pouvoir rester dormir Ă  l’intĂ©rieur du dojo, dans une partie dĂ©diĂ©e. Ou d’entendre le Paris Taiko Ensemble.

Le Paris Taiko Ensemble, dojo d’Herblay, lors des 24 heures du SamouraĂŻ. Photo©Franck.Unimon

A l’image de l’annĂ©e derniĂšre, durant ces 24 heures, j’ai choisi de rester dans le dojo pendant toute la durĂ©e de l’évĂ©nement et mon tĂ©lĂ©phone portable Ă©tait Ă©teint la plupart du temps.

La suite de cet article se fera en principe avec le Masters Tour de cet été et quelques uns des organisateurs et participants présents lors de ces 24 heures.

Avec Issei et LĂ©o Tamaki, dojo d’Herblay, dimanche 19 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Dans ce diaporama, vous pourrez retrouver la plupart de ces photos avec d’autres ( bonus) que je n’ai pas pu insĂ©rer dans cet article.

Franck Unimon, vendredi 24 Mai 2024.

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Musique

Je suis devenu un toqué de Lana Del Rey quelques jours avant les 24 heures du Samouraï

Pochette de l’album NFR! de Lana Del Rey.

Je suis devenu un toqué de Lana Del Rey quelques jours avant les 24 heures du Samouraï

 

Bonjour ou bonsoir, ma situation est presque dĂ©sespĂ©rĂ©e. Et, j’envisage, bientĂŽt,  peut-ĂȘtre, de devoir composer le 15 afin de demander des secours au Samu. Sauvez-moi.

Voici mon problĂšme. J’aime, entre-autres, Ă©couter de la musique. Je pratique trĂšs irrĂ©guliĂšrement les Arts martiaux. C’est peut-ĂȘtre d’ailleurs pour cela que je me suis mis dans cette situation apparemment inextricable.

Je suis un ĂȘtre de bientĂŽt 56 ans, du genre masculin, hĂ©tĂ©ro-normĂ©, conformĂ©, chloroformĂ©, noir, d’origine antillaise, sobre de l’usage comme de la frĂ©quentation de toutes substances stupĂ©fiantes et illĂ©gales, Ă©duquĂ© dans le zouk, le Kompa, le Reggae et la Soul par mes parents.

Cependant, depuis quelques semaines maintenant, j’écoute et fais Ă©couter Ă  mon domicile une artiste blanche, amĂ©ricaine, de plus de vingt ans ma cadette que je n’ai jamais rencontrĂ©e, qui n’est ni de mon Ăąge ni de mes coutumes et dont les admirateurs se cachent.

Ce n’est pas la premiĂšre fois que je parle d’elle ( Quand j’Ă©coute de la musique : Lana Del Rey). Et,  je suis en train d’Ă©couter un de ses albums ( Chemtrails Over The Country Club ) alors que je publie cet article.

Cette artiste a un public. Puisque les places pour son premier concert Ă  l’Olympia se seraient vendues en une minute et trente secondes et que toutes les places pour son unique concert en France, cet Ă©tĂ©, au mois d’Aout, en Ăźle de France, se sont rapidement vendues et que certaines rĂ©apparaĂźtront vraisemblablement sur le marchĂ© noir avec le bon tempo. Il m’arrive, de temps Ă  autre, de maniĂšre impulsive et puĂ©rile de « chercher Â» une place pour ce concert prĂ©vu cet Ă©tĂ©.

Je n’ai pas de problĂšme d’appĂ©tit ou de sommeil. Je continue d’effectuer mon travail dans des conditions satisfaisantes. Personne, pour l’instant, dans mon entourage proche et limitrophe n’a remarquĂ© de changement notable ou prĂ©occupant dans mon comportement.

J’ai toujours prĂ©vu de participer Ă  la troisiĂšme Ă©dition des 24 heures du SamouraĂŻ dans quelques jours, le 17 et le 18 Mai au dojo d’Herblay, comme de me rendre durant trois semaines au Japon cet Ă©tĂ© au Masters Tour organisĂ© et proposĂ© par LĂ©o Tamaki Ă©galement Ă  l’Ɠuvre- avec d’autres- dans la prĂ©paration des 24 heures du SamouraĂŻ ( Les 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2Ăšme Ă©dition).

 

Sauf que, chaque fois que je parle de cette artiste, autour de moi, et, peu importe l’ñge de la personne Ă  qui je m’adresse, les rĂ©ponses que j’obtiens sont dĂ©courageantes malgrĂ© les millions d’album vendus. Peut-ĂȘtre qu’il se trouvera, aux 24 heures du SamouraĂŻ les 17 et 18 Mai, mais aussi lors du Masters Tour cet Ă©tĂ©, parmi les participantes et les participants, ainsi que parmi les intervenants, des admiratrices et admirateurs de Lana Del Rey.

Je ferai mon enquĂȘte.

Mais, pour l’instant, lorsque, subitement, plein d’espoir, je demande Ă  mon interlocuteur ou Ă  mon interlocutrice :

 Â« Tu connais Lana Del Rey ? » ou sa variante «  Tu aimes la musique de Lana Del Rey ? », j’hĂ©rite Ă  chaque fois de la mĂȘme rĂ©ponse polie mais aussi imperturbable qu’une esquive ou un ippon :

« Je dois connaĂźtre ses deux ou trois tubes
 Â».

Ses deux ou trois tubes ? Ce ne sont pas eux qui m’importent. Depuis que je me suis mis Ă  Ă©couter Lana Del Rey par hasard, je n’ai pas encore rĂ©Ă©coutĂ© ses deux ou trois tubes (Video Games et Born to die).

Pour l’instant, seul le bibliothĂ©caire de mon travail oĂč j’ai empruntĂ© par curiositĂ©, parce-qu’il Ă©tait devant moi, le dernier album de Lana Del Rey , a comprimĂ© un air de contentement lorsque je lui ai parlĂ© de mon plaisir Ă  l’écouter. Le contentement de celles et ceux qui, rigoureusement et constamment, font de leur mieux pour combattre la routine et l’enfermement sans ĂȘtre pour autant les personnes les plus Ă  l’aise pour converser et pour expliciter une Ɠuvre ou un kata. 

Le bibliothĂ©caire ne sera pas prĂ©sent aux 24 heures du SamouraĂŻ 2024 oĂč je serais bien Ă©tonnĂ©. En tout cas, il ne m’en a pas parlĂ©. Et, moi, non plus.

Alors, je suis, lĂ , comme un mendiant esseulĂ© en train de quĂȘter un quignon de discussion Ă  propos de Lana Del Rey. Je n’ai pas encore optĂ© pour me rapprocher de groupes d’admirateurs de Lana Del Rey. Je reste trĂšs conservateur en termes de relations sociales ainsi que trĂšs mĂ©fiant envers les excĂšs rĂ©alisĂ©s  grĂące aux rĂ©seaux sociaux.

Il m’arrive nĂ©anmoins, sur le net, d’essayer de dĂ©nicher des informations supplĂ©mentaires sur ses textes. Bien-sĂ»r, j’ai dĂ©jĂ  lu et relu la page wikipĂ©dia qui est consacrĂ©e Ă  sa biographie. Je ne l’ai pas encore imprimĂ©e. Je n’en suis pas Ă  acheter des posters, des mugs ou des tee-shirts Ă  son image ou des Ă©ditions spĂ©ciales de ses albums (j’ai vu que cela Ă©tait possible)  car cela ne fait pas partie de mon carburant. Par contre, quand je le peux, au travail ou dans le train, je sors mon baladeur, et, je me mets un petit coup de Lana Del Rey dans les oreilles et dans la tĂȘte.

 

Mais peut-ĂȘtre suis-je en train d’endurer un juste chĂątiment que j’ai mĂ©ritĂ© car, en me mettant Ă  Ă©couter Lana Del Rey, je suis tombĂ© bien bas alors que j’avais «  tout Â» pour rĂ©ussir


C’était mieux avant ?

Hier soir, en effet, un Ă©vĂ©nement vraiment trĂšs grave s’est produit.

Plein d’enthousiasme, j’avais commencĂ© Ă  Ă©couter l’un des derniers albums de Marcus Miller, Laid Black (2018). Un album parmi la quarantaine ou cinquantaine (centaine ?) de Cds que j’ai amassĂ©s grĂące Ă  des emprunts- pour certains prolongĂ©s- dans plusieurs mĂ©diathĂšques ces trois derniĂšres semaines ou ces deux derniers mois.

La pochette de l’album Laid Black de Marcus Miller.

Marcus Miller que j’ai vu deux fois en concert. Marcus Miller qui a jouĂ© en concert avec Miles Davis Ă  partir de 1981 et qui a composĂ© la plupart de ses derniers titres.

Marcus Miller ! L’un des derniers protĂ©gĂ©s de Miles !

 Cela se passe bien avec le premier morceau, Trip Trap.

Puis, Que Sera Sera deuxiĂšme titre de l’album Laid Black de Marcus Miller, sur lequel chante Selah Sue ( Selah Sue !), a commencĂ© depuis Ă  peine deux minutes que j’en ai assez.

Marcus Miller est devenu depuis des annĂ©es (peut-ĂȘtre depuis la mort de Miles en 1991) une MajestĂ© musicale illustre et incontournable.

Mais, hier soir, j’ai plaquĂ© Marcus Miller, pour, Ă  la place, remettre dans mon lecteur Cd un ” vulgaire” album de Lana Del Rey :

Norman Fucking Rockwell ! ou NFR ! 

Si j’avais une platine disque, j’aurais effectuĂ© exactement les mĂȘmes gestes avec les disques vinyles. Je le sais.

Pourtant, tout, sur la pochette de l’album de Marcus Miller est prĂ©sent pour me retenir. Le beau visage et le regard direct, conquĂ©rant, assurĂ© ou sĂ©ducteur du « Grand » Marcus Miller avec son beau chapeau et que l’on devine torse nu/Le terme « Black » et le jeu de mot Laid Back-Laid Black et le tampon Blue Note, rĂ©fĂ©rence musicale absolue du Jazz.

La pochette de l’album NFR ! ou Norman Fucking Rockwell ! de Lana Del Rey empruntĂ© Ă  la mĂ©diathĂšque de mon travail.

En face, la couverture de l’album de Lana Del Rey, Ă©nigmatique, spontanĂ©ment, me parle et m’attire moins. Cette main tendue de Lana Del Rey vers nous avec ses ongles vernis en jaune. Ce drapeau amĂ©ricain derriĂšre elle. Ce voilier sur la mer et ce jeune homme qui n’est pas Norman Rockwell mais que l’on est poussĂ© Ă  prendre comme tel. Ce ciel au dessus d’eux qui s’avĂšre avoir Ă©tĂ© peint, dĂ©tail dont je me suis aperçu seulement lorsque j’ai voulu faire une photo de cette pochette pour cet article.

Si j’avais dĂ» choisir entre les deux albums en me fiant Ă  leurs couvertures, j’aurais optĂ© pour Laid Black de Marcus Miller. Mais mĂȘme si le visuel d’un artiste est capital, on Ă©coute encore la musique ou, du moins, peut-ĂȘtre que pour moi, ce que j’entends peut encore l’emporter sur ce que je vois d’un artiste musical dans certaines conditions.

Je vais Ă©galement ajouter que j’ai dĂ©jĂ  Ă©tĂ© « déçu » plusieurs fois par Marcus Miller depuis la mort de Miles Davis. Tant en concert que dans ses albums. J’ai l’impression qu’il jouait mieux lorsqu’il composait pour Miles ou lorsqu’il se mettait Ă  son service. Je trouve que sa maitrise technique mĂ©galomaniaque prend trop de place et que, faute d’alter-ego sur scĂšne et en studio, que sa musique est devenue acadĂ©mique, ennuyante, mĂȘme si imposante, et qu’elle fait surtout plaisir Ă  celles et ceux qui pensent et intellectualisent la musique beaucoup plus qu’ils ne la ressentent.

Je crois que beaucoup de celles et ceux qui aiment aujourd’hui la musique de Marcus Miller sont aussi identiques Ă  celles et ceux qui se rendent Ă  un OpĂ©ra pour s’y montrer et faire Ɠuvre de mondanitĂ©s. Hyper-intellectualisme et mondanitĂ© sont ce que je reproche Ă  Marcus Miller et ce dont, pour l’instant, la musique de Lana Del Rey, me semble encore prĂ©servĂ©e.

Aujourd’hui, et depuis des annĂ©es, plus personne, parmi les musiciens expĂ©rimentĂ©s de poids, aujourd’hui, n’est prĂ©sent pour exiger de Marcus Miller qu’il fasse montre de crĂ©ativitĂ©. Alors que Lana Del Rey, elle, est encore inspirĂ©e. Il est vrai aussi qu’elle est bien plus jeune et que Marcus Miller a mangĂ© tellement de musique et composĂ© pour tellement d’artistes. Je manque peut-ĂȘtre tout simplement de gratitude pour Marcus. Mais je doute que lui soit en attente d’une quelconque gratitude de quiconque. Ou cela signifierait qu’il a pris sa retraite or il ne l’a pas prise. Ou peut-ĂȘtre que je ne comprends plus ou ne suis plus de ses “combats”. L’un de nous deux a vieilli plus que l’autre. Au point qu’aujourd’hui, j’en suis Ă  Ă©couter Lana Del Rey.

J’avais dĂ©jĂ   Ă©coutĂ© l’album Norman Fucking Rockwell ! deux ou trois fois. Et, de façon impĂ©rieuse, hier soir, j’ai voulu connaĂźtre la raison pour laquelle on parlait de cet album comme d’un des chefs-d’Ɠuvre de Lana Del Rey.  Alors que je lui prĂ©fĂšre pour l’instant trĂšs largement son dernier album Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd ou son album Lust for Life. Deux albums que j’ai Ă©coutĂ©s pour la premiĂšre fois il y a Ă  peu prĂšs un mois maintenant.

 Hier soir, j’ai Ă©teint la lumiĂšre, et, dans l’obscuritĂ©, assis dans mon fauteuil avec la musique qui sortait des enceintes derriĂšre moi, j’ai rĂ©Ă©coutĂ© plusieurs des titres de Norman Fucking Rockwell. L’Anglais chantĂ©, je le comprends assez peu alors je n’ai pas tout avalĂ©. MĂȘme si Lana Del Rey a un Ă©lan vocal, qui, sans ĂȘtre monacal, est beaucoup plus facile Ă  suivre que celui d’un chanteur de Heavy Metal ou d’une rappeuse type Nicki Minaj. Les termes « Bitch Â» et « Fuck Â», lorsqu’ils sont arrivent, sont trĂšs faciles Ă  comprendre. Ce n’est pas d’eux dont je parle.

Alors que les plages de Norman Fucking Rockwell  s’étendaient, j’ai repensĂ© au dernier album de l’artiste Adele que j’avais empruntĂ© en mĂȘme temps que le dernier de Lana Del Rey ainsi qu’à l’album Sorore du trio français Vitaa/Amel Bent/CamĂ©lia Jordana. Comparer des artistes et Ă©tablir entre eux des hiĂ©rarchies est trompeur tant leurs univers et leurs intentions peuvent ĂȘtre diffĂ©rentes mais aussi parce-que des artistes qui nous semblent dissemblables peuvent trĂšs bien s’entendre :

Bob Marley Ă©coutait James Brown. Miles Davis Ă©coutait Bob Marley, Chopin autant que le zouk de Kassav’. Et Jacques Brel et Johnny Halliday Ă©taient potes. 

Par ailleurs, j’ai appris que bien des chanteuses et des chanteurs de « variĂ©tĂ©s Â» dont on peut trouver les titres ou les Ɠuvres ringards sont souvent beaucoup plus au fait de la musique qu’on ne peut le croire et ont des textes bien plus recherchĂ©s que l’idĂ©e que l’on s’en fait a priori.  Il se trouve « simplement Â», que, eux, c’est dans le domaine de la variĂ©tĂ© qu’ils ont pu percer comme d’autres, au cinĂ©ma, parviennent Ă  faire une carriĂšre en restant dans le registre ( comique, Ă©rotique, spectaculaire ou patibulaire) pour lequel on leur propose invariablement des rĂŽles.

Mais en rĂ©entendant le titre Venice Bitch, j’ai eu une idĂ©e de ce qui m’entraĂźne chez Lana Del Rey.

La musicalité, le format.

Lana Del Rey n’a pas peur de la musique. Elle ne fait pas que chanter et jouer avec sa voix en se cramponnant Ă  « son Â» territoire. Sur un de ses titres, elle est capable de citer John Denver et sur un autre  les Kings of Leon mais aussi
Sun Ra. Sur un autre, elle fait un duo avec l’artiste The Weeknd. J’ai aussi « vu Â» (sur internet) qu’elle a chantĂ© en duo avec Billie Eilish mais aussi avec Chris Isaak.

Sur son album Norman Fucking Rockwell (oui, j’ai fait des recherches pour connaütre le sens du nom de cet album) le titre Venice Bitch, lui, dure plus de 9 minutes.

Lorsque l’on dĂ©cide, en tant que chanteuse considĂ©rĂ©e plus ou moins comme « pop Â» de faire un morceau d’une telle longueur, cela signifie que l’on ne va pas chercher Ă  le calibrer pour en faire un tube destinĂ© aux fuseaux horaires de la radio et des boites de nuit (ou dance floor).

Sur ce titre, Lana Del Rey fait beaucoup mieux que de se contenter de lĂ©cher le mot « Bitch Â» pendant neuf minutes. La musique est, lĂ  aussi, une particule sonore entiĂšre et tentaculaire. Ce n’est pas un bruit de fond ou un prĂ©texte pour « sortir Â» Lana Del Rey de son silence et nous faire entendre la cour de sa jolie voix.

Je ne dirais pas que Venice Bitch va suffire Ă  me faire revoir l’album Norman Fucking Rockwell Ă  la hausse. Par contre, il me confirme que l’artiste Lana Del Rey (qui semble sortir un album tous les deux ans voire presque tous les ans) est tout sauf un artifice. Et, je comprends, lorsqu’on a pris la peine de vraiment l’écouter, que l’on ait plaisir Ă  continuer de le faire.

 

Je crois que Miles serait tout Ă  fait d’accord avec ça. Et, peut-ĂȘtre  Marcus Miller aussi. Lana Del Rey, elle, serait peut-ĂȘtre embarrassĂ©e. Ce qui me rendrait sa musique encore plus attachante.

 

Franck Unimon, ce jeudi 9 Mai 2024.

 

 

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En Concert

MĂ©lissa Laveaux en concert Ă  l’Espace 1789 ce 6 octobre 2023

 

MĂ©lissa Laveaux, Ă  l’Espace 1789, le 6 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

MĂ©lissa Laveaux en concert Ă  l’espace 1789 ce 6 octobre 2023

La premiĂšre fois, sa voix aurait pu sortir d’un coquillage ou d’un nombril postĂ© prĂšs du cartilage de mes oreilles. Elle contenait la gnole de l’enfance et ce CrĂ©ole d’HaĂŻti sur lequel j’avais pu voir danser et dansĂ© dans les soirĂ©es antillaises de mĂ©tropole mais aussi pendant les vacances estivales en Guadeloupe. Comme elle semblait presque miauler et que le CrĂ©ole HaĂŻtien reste pour moi une langue Ă  ellipses, les paroles de MĂ©lissa Laveaux me paraissaient trĂšs Ă©loignĂ©es des sujets des Ɠuvres du rĂ©alisateur Raoul Peck lorsqu’il parle de leur pays.

L’entrĂ©e de l’Espace 1789, ce 6 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Lorsque, quelques annĂ©es plus tard, je me suis rendu Ă  ce concert en octobre 2023, Ă  l’Espace 1789 de St Ouen en Seine St Denis, j’avais appris entre-temps que MĂ©lissa Laveaux Ă©tait largement majeure et plus offensive  que les mĂ©lodies de comptines auxquelles certains de ses titres peuvent faire penser. Aussi n’ai-je pas Ă©tĂ© surpris, Ă  la fois par sa rĂ©activitĂ© devant les tentations transphobes d’un des spectateurs comme par la dĂ©couverte, par celui-ci, que MĂ©lissa Laveaux Ă©tait autre qu’une artiste « du soleil » venue chauffer l’ambiance de notre dĂ©but de soirĂ©e.

MĂ©lissa Laveaux, Ă  l’Espace 1789, ce 6 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

Entre plusieurs chansons, MĂ©lissa Laveaux s’est montrĂ©e cultivĂ©e, attachĂ©e Ă  l’Histoire, presque pĂ©dagogique et aussi ironique- ou humoristique- se moquant de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e de cette anxiĂ©tĂ© assez gĂ©nĂ©ralisĂ©e qui se dorait, alors, concernant l’invasion des punaises de lit dans la ville de Paris, quelques mois avant l’organisation des Jeux Olympiques de 2024.

 

MĂ©lissa Laveaux et Elise Blanchard ( basse, choeurs), le 6 octobre Ă  l’Espace 1789. Photo©Franck.Unimon
Julien Cavard ( guitare, claviers, flĂ»te, saxophone, choeurs) Ă  l’Espace 1789, ce 6 octobre avec MĂ©lissa Laveaux. Photo©Franck.Unimon
MĂ©lissa Laveaux, ce 6 octobre 2023 Ă  l’Espace 1789. Photo©Franck.Unimon
MĂ©lissa Laveaux Ă  l’Espace 1789, ce 6 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon
Martin WangermĂ©e ( batterie), MĂ©lissa Laveaux ( chant, guitare), Julien Cavard ( guitare, clavier, flĂ»te, saxophone, choeurs) et Elise Blanchard ( basse, choeurs) aprĂšs le concert ce 6 octobre Ă  l’Espace 1789. Photo©Franck.Unimon
Avec Martin WangermĂ©e, batteur, aprĂšs le concert, ce 6 octobre 2023 Ă  l’Espace 1789. Photo©Franck.Unimon
Avec Elise Blanchard ( basse et choeurs) aprĂšs le concert Ă  l’Espace 1789, ce 6 octobre. Je sais que j’ai un air peu recommandable mais Elise Blanchard est trĂšs bien et je n’ai pas d’autre photo Ă  disposition. Photo©Franck.Unimon
MĂ©lissa Laveaux, aprĂšs le concert, ce 6 octobre, Ă  l’Espace 1789. Photo©Franck.Unimon

AprĂšs le concert, patiemment, MĂ©lissa Laveaux a pris le temps de dĂ©dicacer et de vendre ses albums Ă  son public. Ce qui m’a donnĂ© la possibilitĂ© de trouver un air de ressemblance Ă  une des spectatrices avec l’humoriste Fanny Ruwet. Mais ce n’était pas elle.

 

MĂ©lissa Laveaux a hĂ©sitĂ© avant de me donner son accord  pour que je sois pris en photo avec elle. Elle a finalement acceptĂ© en m’en donnant la raison, personnelle. Et, moi, j’ai alors hĂ©sitĂ© pour montrer ces quelques photos et pour m’occuper de cet article avant de le lui envoyer comme nous en avions convenu ensemble. Plusieurs mois sont passĂ©s depuis et je me suis dit que cet article Ă  propos du concert de MĂ©lissa Laveaux devait ĂȘtre publiĂ© sur mon blog comme ceux que j’ai Ă©crits sur d’autres artistes en concert ( Tricky Ă  l’Olympia ce 6 mars 2024, Rhizomes : Quartier GĂ©nĂ©ral en concert Ă  la Cave DimiĂšre d’Argenteuil…). Ne serait-ce que pour une question d’égalitĂ©.

Avec MĂ©lissa Laveaux, ce 6 octobre 2023 Ă  l’Espace 1789, aprĂšs le concert. Photo©Franck.Unimon

 

Franck Unimon, ce jeudi 9 Mai 2024.

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Argenteuil En Concert

Rhizomes : Quartier GĂ©nĂ©ral en concert Ă  la Cave DimiĂšre d’Argenteuil

A gauche, Thomas Caillou, guitare Ă©lectrique. Au centre, LeĂŻla Mendez. DerriĂšre elle, Hatice Özer. Roland Merlinc, batterie. Yael Miller et ClĂ©mence Gabrielidis. Photo©Franck.Unimon

 

Rhizomes : Quartier GĂ©nĂ©ral en concert Ă  la cave DimiĂšre d’Argenteuil

Un mois plus tĂŽt, le 29 mars, le groupe Rhizomes est passĂ© en concert Ă  la cave DimiĂšre d’Argenteuil. Il s’était associĂ© Ă  cinq chanteuses originaires de GrĂšce, d’Italie, d’Espagne, de Kabylie, de Turquie et du Maroc. Le groupe Rhizomes Ă©tant dĂ©ja pourvu de deux chanteuses (et musiciennes) originaires d’IsraĂ«l et de Tunisie, cela a dĂ©bouchĂ© sur sept chanteuses.

L’ensemble s’est appelĂ© Quartier GĂ©nĂ©ral. Deux termes masculins qui portaient en leur sein des histoires fĂ©ministes et des souhaits d’un prĂ©sent plus apaisant. Il m’a fallu du temps pour choisir ces photos et les publier. Pour que, dĂ©sormais, Ă  leur tour,  elles puissent prendre le temps de vous  parler de ce concert.

Clémence Gabrielidis et Yael Miller, assises. Debout, Baptiste Germser, basse et bugle. Photo©Franck.Unimon
Clémence Gabrielidis et Yael Miller, assises. Roland Merlinc, batterie. Baptiste Germser, basse et bugle. Photo©Franck.Unimon

 

Clémence Gabrielidis et Leïla Mendez, assises. Roland Merlinc, batterie. Baptiste Germser, basse et bugle. Yael Miller aux claviers. Photo©Franck.Unimon

 

Oum, chant, et Thomas Caillou, guitare. Photo©Franck.Unimon

 

Oum et Leïla Mendez avec Thomas Caillou, guitare, et Roland Merlinc, batterie. Photo©Franck.Unimon

 

Bianca Iannuzi, Oum, Hatice Özer et Donia Berriri. Photo©Franck.Unimon

 

Oum et Donia Berriri. Photo©Franck.Unimon

 

Leïla Mendez, Donia Berriri, Clémence Gabrielidis et Roland Merlinc, batterie. Photo©Franck.Unimon

 

Donia Berriri et Clémence Gabrielidis. Photo©Franck.Unimon

 

Donia Berriri et Clémence Gabrielidis. Photo©Franck.Unimon

 

Bianca Iannuzi, Hatice Özer, Yael Miller, LeĂŻla Mendez, Donia Berriri, ClĂ©mence Gabrielidis. Photo©Franck.Unimon

 

Donia Berriri et Clémence Gabrielidis. Photo©Franck.Unimon

 

Donia Berriri. Photo©Franck.Unimon

 

Donia Berriri. Photo©Franck.Unimon

 

Hatice Özer. Photo©Franck.Unimon

 

Bianca Iannuzi et Hatice Özer. Photo©Franck.Unimon

 

Oum, Bianca Iannuzi, Hatice Özer. Photo©Franck.Unimon

 

Oum et Bianca Iannuzi. Photo©Franck.Unimon

 

Bianca Iannuzi et Hatice Özer. Photo©Franck.Unimon

 

Thomas Caillou, Donia Berriri, Hatice Özer, Roland Merlinc et ClĂ©mence Gabrielidis. Photo©Franck.Unimon

 

Hatice Özer et Roland Merlinc. Photo©Franck.Unimon

 

Hatice Özer et Roland Merlinc. Photo©Franck.Unimon

 

Hatice Özer. Photo©Franck.Unimon

 

Hatice özer. Photo©Franck.Unimon

 

Leïla Mendez et Roland Merlinc. Photo©Franck.Unimon

 

Yael Miller. Photo©Franck.Unimon

 

Bianca Iannuzi, Hatice Özer et Thomas Caillou. Photo©Franck.Unimon

 

Bianca Iannuzi et Hatice Özer. Photo©Franck.Unimon

 

Bianca Iannuzi, Thomas Caillou, Donia Berriri, Hatice Özer et LeĂŻla Mendez. Photo©Franck.Unimon

 

Bianca Iannuzi. Photo©Franck.Unimon

 

Thomas Caillou, Donia Berriri et Bianca Iannuzi. Photo©Franck.Unimon

 

Hatice Özer, ClĂ©mence Gabrielidis, Baptiste Germser et Yael Miller. Photo©Franck.Unimon

 

Thomas Caillou et Bianca Iannuzi. Photo©Franck.Unimon

 

Bianca Iannuzi. Photo©Franck.Unimon

 

Thomas Caillou et Bianca Iannuzi. Photo©Franck.Unimon

 

Oum. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, lundi 29 avril 2024. 

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Musique

Quand j’Ă©coute de la musique : Lana Del Rey

Zentone, octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

Quand j’écoute de la musique

 

Quand j’écoute de la musique, je dois avoir Ă  peine 16 ou 17 ans tout au plus. MĂȘme si la musique (avec ou sans paroles) nous permet d’arriver Ă  divers Ăąges et Ă©poques de la vie.

Quelques fois, je repense Ă  ces moments avec des copains, voire des copines ou quel que soit notre « genre Â», nos origines culturelles, Ă©conomiques et raciales, l’Ɠuvre ou l’album de l’artiste Ă©tait un mĂ©dium qui nous permettait d’ĂȘtre ensemble, de discuter comme de nous provoquer. De nous rejeter aussi. Mais chacun existait de par son diaphragme et son domaine.

Feu Fred Rister, DJ reconnu, compositeur de plusieurs des tubes de David Guetta, coiffeur Ă  l’origine, « Ă©crit Â» dans son livre Faire danser les gens ( Paru en 2018), qu’il en Ă©tait arrivĂ© Ă  dĂ©tester tout ce qui empĂȘchait ou interdisait de danser.

Sans alerter jusqu’à la haine, je ne comprends pas que l’on puisse se passer de musique. De toutes sortes de musiques. Or, en « arrivant Ă  l’ñge adulte Â» comme l’on entrerait dans une religion ou dans une caserne stricte, en devenant des personnes « responsables Â», je constate que, peu Ă  peu, la musique a perdu de son pouvoir de rassemblement et de mouvement et que nous sommes devenus amnĂ©siques de cette expĂ©rience. Je me rappelle d’une jeune mĂšre un peu embarrassĂ©e de rĂ©pondre Ă  son fils de quatre ou cinq ans qui venait de l’interroger en public :

 Â« Non, on n’a pas dansĂ© Ă  notre mariage… ».

En « prenant » de l’ñge, la musique devient superflue car elle ne peut rĂ©soudre « nos problĂšmes ».

La musique qui se produit aujourd’hui – aprĂšs les annĂ©es de notre jeunesse – est obligatoirement de la « merde ». Ou la musique se fait territoire de retranchement ou bunker de nos souvenirs Ă  l’intĂ©rieur desquels on rĂ©siste Ă  notre dĂ©pression et nos dĂ©sillusions, seuls dans notre coin ou avec quelques « fidĂšles » qui ne nous ont pas ( encore ?) « trahis ».

Pire : La musique devient un bruit de fond comme n’importe quelle source d’images qui nous aspire et nous « aide » Ă  oublier et Ă  maquiller un peu nos fissures ainsi que toutes les menaces qui nous parviennent du monde et nous tĂ©lescopent lorsque nous  sommes chez nous.

Autrement, ĂȘtre devenus des hyperactifs ou des ĂȘtres qui accumulent jusqu’à l’excĂšs des objets qui nous survivront largement nous permet aussi de nous croire Ă  peu prĂšs Ă  l’abri et de moins ĂȘtre les cibles d’un quelconque tourment. Trois tonnes d’excrĂ©ments en haut de l’Everest, rĂ©sultat de l’alpinisme touristique depuis plusieurs annĂ©es.

Chez moi, j’ai plus de Cds, de livres et de dvds que je ne pourrai en profiter avant ma mort. Et, en ce qui concerne la musique, je continue d’aller en chercher. De façon physique et individualiste. Je me refuse Ă  me dĂ©matĂ©rialiser. Enfant, en CE2, un de mes maitres de l’école publique, nous avait fait dĂ©couvrir la mĂ©diathĂšque de notre ville. On peut emprunter beaucoup de Cds, de livres et de dvds dans les mĂ©diathĂšques. On n’est pas obligĂ© de toujours tout acheter. Et on peut mĂȘme prolonger les prĂȘts.

Je n’ai plus de contacts avec mes camarades de CE2 depuis longtemps. Je ne sais donc pas qui, dans notre classe, depuis, a continuĂ© de vivre, et comment, et de se rendre dans une mĂ©diathĂšque. Mais j’espĂšre que la musique que j’écoute inspire et inspirera ma fille.

Dans l’hĂŽpital oĂč je travaille depuis le dĂ©but de cette annĂ©e, il y a une trĂšs bonne mĂ©diathĂšque que j’ai repĂ©rĂ©e assez vite. Certains repĂšrent rapidement les points de deal de stupĂ©fiants, moi, je repĂšre les mĂ©diathĂšques.

Pochette de l’album ” Sorore” de Vitaa, Amel Bent et CamĂ©lia Jordana.

Cette semaine, j’ai rajoutĂ© huit emprunts Ă  ceux que je venais de faire prolonger Ă  la mĂ©diathĂšque de mon travail. Parmi ces emprunts, l’album Sorore ( sorti en 2021) de Vitaa, Amel Bent et CamĂ©lia Jordana ; 30 ( sorti en 2021) d’AdĂšle et Did You Know There’s a tunnel under Ocean Blvd ( sorti en 2023) de Lana Del Rey ( Parental Advisory Explicit Content).

Dans mes derniers articles, j’ai parlĂ© des concerts de PJ Harvey ( PJ Harvey Ă  l’Olympia, octobre 2023), Tricky Tricky Ă  l’Olympia ce 6 mars 2024)  et Ann ‘O’aro ( Ann O’aro au studio de l’ermitage ce 14 mars 2024). La semaine prochaine, j’ai prĂ©vu de me rendre au concert du groupe Lindigo au Cabaret Sauvage et, cet Ă©tĂ©, je me suis dĂ©cidĂ© Ă  retourner voir Massive Attack au festival Rock en Seine. Je parlerai bientĂŽt du concert du groupe Quartier Lointain que j’ai vu la semaine derniĂšre Ă  la cave DimiĂšre d’Argenteuil.

Je rĂ©pĂšte que je regrette d’avoir ratĂ© au dĂ©but de l’annĂ©e le concert de Rocio Marquez et de Bronquio.

Vitaa, Amel Bent, CamĂ©lia Jordana, Adele et Lana Del Rey ne figurent pas parmi les artistes que je citerais spontanĂ©ment si l’on me demandait ce que j’écoute comme musique ou comme artiste. Mais ces artistes ont des voix, des personnalitĂ©s, des histoires. J’ai dĂ©jĂ  entendu parler d’elles. J’ai vu quelques images de certaines d’entre elles ou ai pu Ă©couter quelques uns de leurs titres.

Hier, lors de mon premier jour de repos,  j’ai Ă©coutĂ© ces trois albums dans l’ordre comme je les ai citĂ©s. D’abord l’album Sorore de Vitaa, Amel Bent et CamĂ©lia Jordana ; puis 30 d’Adele et Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd de Lana Del Rey.

Trois Françaises, une Anglaise, une Américaine.

Avant de les Ă©couter, j’avais encore tendance Ă  confondre Adele et Lana Del Rey.

Et je confondais Amel Bent avec ChimĂšne Badi.

Amel Bent, Vitaa et CamĂ©lia Jordana sur leur album ” Sorore”.

Le premier titre de Sorore ( Marine) m’a surpris et touchĂ© pour son texte sincĂšre adressĂ© Ă  la femme politique Marine Le Pen. Mais surtout pour l’hommage Ă  l’artiste Diam’s, auteure du texte, numĂ©ro 1 en France dans les annĂ©es 2000, aujourd’hui retirĂ©e du monde du spectacle. Diam’s Ă©tait une artiste que je savais trĂšs populaire lorsqu’elle chantait mais qui, pour moi, faisait partie du dĂ©cor. Je n’ai jamais pris le temps d’Ă©couter vĂ©ritablement ce qu’elle disait dans ses chansons mĂȘme s’il m’est arrivĂ©, ici ou lĂ , de glaner quelques informations.

 Je savais qu’au moins Vitaa Ă©tait une amie proche de Diam’s mais aussi que cette chanson qui doit avoir une bonne dizaine d’annĂ©es ( ou davantage) avait toute sa justification en 2021 et encore plus en 2024 :

Lorsque l’on lit que la prestigieuse famille Klarsfeld (parents et fils), aurĂ©olĂ©e de sa vie consacrĂ©e Ă  chasser des anciens nazis, affirme que, aujourd’hui, en avril 2024, « Le Rassemblement National ( de Marine Le Pen) est devenu frĂ©quentable…. ».

Dans l’album Sorore, j’ai aussi aimĂ© l’alliage rĂ©ussi des trois voix. Je connais trop peu leur signature vocale pour toujours savoir qui chante et j’imagine que c’était le but, de toute façon. J’ai aussi aimĂ© que ces trois chanteuses, qui ont du coffre, s’abstiennent des tours de chauffe et de toute compĂ©tition dans les aigus. L’écoute m’a Ă©tĂ© agrĂ©able. J’ai Ă©coutĂ© l’album deux ou trois fois de suite sans me demander des comptes.

L’album ” 30″ d’Adele.

Puis, j’ai Ă©coutĂ© 30 d’Adele et cela m’a tout de suite plu. J’en ai profitĂ© pour commencer Ă  regarder sur le net un peu plus qui Ă©tait Adele. J’ai appris que ses parents s’étaient sĂ©parĂ©s lorsqu’elle avait trois ans. Que son pĂšre, d’origine galloise, Ă©tait retournĂ© au pays. Et que sa mĂšre, entre-autre masseuse indĂ©pendante, mais aussi fabricante de meubles, avait dĂ©mĂ©nagĂ© plusieurs fois. J’ai lu que, plus tard, dans une interview, alors qu’Adele Ă©tait devenue cĂ©lĂšbre, que son pĂšre avait confiĂ© ĂȘtre « un pĂšre pourri », qu’il Ă©tait mort d’un cancer ( ou d’alcoolisme) avant ses 60 ans mais aussi qu’Adele et lui s’étaient rĂ©conciliĂ©s auparavant.

Concernant Adele, je ne sais plus si je me trompe ou si c’est pareil pour la chanteuse Taylor Swift, mais elle avait une grand-mĂšre qui chantait trĂšs bien Ă  l’église. Adele est nĂ©anmoins plutĂŽt une autodidacte avec des capacitĂ©s vocales extraordinaires. Cependant, je reste fascinĂ© par ces personnes qui se dĂ©couvrent dans leur enfance des aptitudes vocales hors normes alors que chanter, parait-il, comme le fait de rire peut-ĂȘtre ou apprendre Ă  jouer de la musique, est supposĂ© ĂȘtre un acte assez instinctif et ordinaire chez l’ĂȘtre humain. Mais il se trouve qu’il est des ĂȘtres humains qui savent chanter, faire de la musique et rire ou ont des “facilitĂ©s” pour y parvenir. Et d’autres qui savent faire ni l’un, ni l’autre ou pour lesquels tout est plus “difficile”.

A lire ou Ă©couter les histoires de ces artistes qui se rĂ©vĂšlent, on dirait grossiĂšrement qu’il suffirait Ă  certaines et certains d’avoir seulement la volontĂ©, Ă  un moment de leur vie, gĂ©nĂ©ralement dans l’enfance, voire au dĂ©but des mutations de l’adolescence, de se lancer dans la chanson ou dans la musique pour apprendre qu’ils en sont capables. Alors que d’autres, tous les autres, pour des raisons multiples et contradictoires, plus douĂ©s ou non, bien que travailleurs, se rĂ©solvent ou se rĂ©sument Ă  se taire, Ă  ĂȘtre des tĂ©moins ou des assistants, Ă  disparaĂźtre ou Ă  se perdre.

Peut-ĂȘtre que le dĂ©sespoir ressenti dans les dĂ©buts de leur carriĂšre par ces artistes qui « rĂ©ussissent » et la nĂ©cessitĂ©, pour eux, de s’en  sortir seulement au travers de leur art explique en partie cette rĂ©ussite. On chante et on fait peut-ĂȘtre d’autant « mieux » de la musique que l’on a d’autant plus peur d’ĂȘtre enfermĂ© Ă  jamais dans une boite ou une prison avant d’avoir commencĂ© Ă  vĂ©ritablement exister. Lorsque nos rĂȘves et nos idĂ©aux parviennent Ă  se hisser au dessus de l’adversitĂ© et des frontiĂšres sans que l’on se fasse briser. 

Si la peur paralyse et rend docile beaucoup d’entre nous, il en est qu’elle transforme en crĂ©atures possĂ©dĂ©es ou en volontaires tranchĂ©s dĂ©cidĂ©s Ă  tenir jusqu’Ă  ce qu’ils aient atteint leur but. Et, c’est gĂ©nĂ©ralement cette expĂ©rience que la majoritĂ© des spectateurs ou des admirateurs part chercher ou retrouver chez les artistes. Car la docilitĂ© et le dĂ©couragement, nous en avons une expĂ©rience quotidienne et sommes, pour la plupart d’entre nous, plutĂŽt des experts dans ces domaines. C’est aussi pour cela qu’on nous recrute, qu’on nous administre, qu’on nous protĂšge, qu’on nous police et qu’on nous garde.

Mais ce que je raconte Ă  propos du « dĂ©sespoir » comme l’aiguillon possible d’une carriĂšre n’est pas une science exacte. Car beaucoup ont essayĂ© et essaient de toutes leurs forces sans parvenir jusqu’à se faire connaĂźtre de nous comme il se devrait ou se pourrait. Beaucoup essaient ou ont essayĂ© et, parmi elles et eux, il y a aussi toutes celles et tous ceux qui « finissent mal » ou dissĂ©quĂ©s. Or, assez peu de monde n’a vĂ©ritablement envie de « finir mal » ou de se retrouver dissĂ©quĂ© vivant.

C’est peut-ĂȘtre pour cela, qu’en lisant la page wikipĂ©dia consacrĂ©e Ă  Adele, j’ai assez mal supportĂ© que soit plusieurs fois soulignĂ© le fait que celle-ci avait fait gagner beaucoup d’argent Ă  l’industrie musicale. C’est mon cĂŽtĂ© idĂ©aliste et adolescent qui avait repris le dessus : Pour moi, la musique a plutĂŽt Ă  voir, d’abord, avec ce que l’on a besoin d’exprimer, Ă  crĂ©er, et comment on touche le public. J’ai du mal Ă  croire qu’Adele et beaucoup d’artistes musicaux, lorsqu’ils se lancent dans la musique, aient comme but prioritaire « d’injecter », comme je l’ai lu, des millions ou des milliards de bĂ©nĂ©fices sur les comptes en banque des diffĂ©rents « acteurs » ou agents de l’industrie du disque. Ce qui impliquait que le public qui avait achetĂ© les albums d’Adele mais aussi assistĂ© Ă  ses reprĂ©sentations publiques Ă©tait avant tout considĂ©rĂ© comme un troupeau de consommateurs. Le ruminant, en moi, n’a pas aimĂ© ĂȘtre ainsi quadrillĂ© et Ă©clairĂ©.

MĂȘme si le consommateur ruminant que je suis sait aussi que -dĂšs le dĂ©part- certains artistes peuvent avoir un plan de carriĂšre, je crois encore que c’est d’abord leur particularitĂ©, leur sincĂ©ritĂ© comme le fait que le public s’identifie Ă  ce qu’ils « montrent » ou ressentent qui fait le succĂšs des artistes mais aussi leur « rencontre » avec leur public.

Car, pour moi, un artiste public est un ĂȘtre qui aspire Ă  crĂ©er et Ă  rencontrer quelqu’un d’autre ou un public, tout en cherchant Ă  gagner sa vie de cette façon me semble-t’il. MĂȘme si les rencontres que cet artiste peut faire ensuite alterne avec les extrĂȘmes. De l’exceptionnel au plus que dĂ©sobligeant.

L’album ” 30″ d’Adele.

Sur l’album d’Adele, j’ai aimĂ© My Little Love, All Night Parking ( avec Errol Garner). J’avais aimĂ© d’autres titres. J’avais Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ© d’aimer aussi facilement autant de titres.

Mais j’ai Ă©coutĂ© l’album de Lana Del Rey, Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd.

Je pourrais presque Ă©crire que j’ai fait l’erreur, ensuite, d’écouter le dernier album de Lana Del Rey. Car, Ă  partir de lĂ , j’ai eu autant de reconnaissance pour les deux prĂ©cĂ©dents albums qu’une momie peut en avoir pour l’existence.

 

L’album ” Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd” de Lana Del Rey.

Le processus d’emprise ou d’hypnose sur moi par Lana Del Rey a probablement dĂ» commencer dĂšs le premier titre de son album :

The Grants.

Un titre tout simple en apparence, mĂȘme pas criard. Plaisant Ă  Ă©couter. Je n’ai pas fait attention. J’ai continuĂ©.

Qu’est-ce que je « savais Â» sur Lana Del Rey avant d’écouter cet album, son dernier Ă  ce jour ?

J’avais dĂ©jĂ  Ă©coutĂ© deux ou trois de ses titres dont Blue Jeans qui doit ĂȘtre l’un des deux seuls titres ( si je ne me trompe pas) que j’ai d’elle sur un de mes baladeurs numĂ©riques. J’avais un peu entendu parler de polĂ©miques Ă  son sujet qui devaient tourner autour de sa rĂ©elle lĂ©gitimitĂ© en tant qu’artiste, je crois. Mais je n’en n’avais jamais fait une artiste Ă  Ă©couter en particulier. Lorsque la programmation du festival Rock en Seine cet Ă©tĂ© a Ă©tĂ© annoncĂ©e et que j’ai su que Lana Del Rey y serait le premier jour, Ă  aucun moment je n’ai envisagĂ© d’aller la voir sur scĂšne alors que j’aurais pu, alors, acheter une place pour ce jour-lĂ . Je ne partageais pas l’engouement qui accompagnait cette annonce :

Lana Del Rey au festival Rock En Seine !

Aujourd’hui, il est trop tard pour acheter une place pour aller voir Lana Del Rey cet Ă©tĂ©.  Il n’y a plus de places disponibles, officiellement, pour la seule date parisienne, au festival Rock en Seine, de Lana Del Rey, quatre mois avant le dĂ©but du « festival Â».

Rock en Seine Ă©tait peut-ĂȘtre un festival lorsqu’il a Ă©tĂ© crĂ©Ă© au dĂ©but des annĂ©es 2000. Mais, aujourd’hui, c’est une usine Ă  cash. Ses tarifs sont dotĂ©s du turbo. Et il existe aussi une certaine tendance Ă  la spĂ©culation. Il est probable que quelques jours avant le concert de Lana Del Rey, des places soient proposĂ©es Ă  la revente par des particuliers opportunistes deux ou trois fois la valeur initiale du prix du billet.

J’ai acceptĂ© de payer 81 euros pour aller revoir Massive Attack au festival Rock en Seine le samedi 24 aout. MĂȘme si d’autres groupes joueront aussi ce jour-lĂ . Mais si j’avais voulu « prendre » un forfait deux jours et  voir PJ Harvey le lendemain, par exemple, j’aurais dĂ» payer 135 euros. Ça paraĂźt une bonne rĂ©duction mais le tarif devient lourd d’autant que, sur place, il s’agira de consommer, d’acheter Ă  boire ou Ă  manger. Tout sera fait en consĂ©quence pour que cela arrive. Puisque, pour des « raisons de sĂ©curitĂ© », on nous interdira de nous rendre sur le site avec ceci ou cela. Lorsque l’on est jeune et ” sans charges”, on regarde peut-ĂȘtre moins Ă  la dĂ©pense. Surtout s’il est question de se rendre Ă  un festival ou Ă  un concert avec des copains et des copines et d’ĂȘtre ” avec tout le monde”. Mais lorsqu’on l’est un peu plus “vieux”, plus critique et aussi plus individualiste, on aime moins se dĂ©placer pour se faire feinter par ce genre d’entourloupe. 

NĂ©anmoins, aprĂšs ce que j’ai entendu hier, et malgrĂ© ce que je dis de l’industrie musicale, j’aurais acceptĂ© de payer 81 euros ou un peu moins de 100 euros pour aller voir Lana Del Rey (et d’autres artistes) Ă  un festival. D’autant que je sais que certaines personnes ont bien acceptĂ© de payer 3000 euros pour pouvoir assister Ă  la finale du cent mĂštres en athlĂ©tisme aux Jeux Olympiques Ă  Paris cet Ă©tĂ©. Et d’autres ont dĂ©boursĂ© 7000 euros pour pouvoir assister Ă  certaines Ă©preuves olympiques cet Ă©tĂ© en France.

L’album ” Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd” de Lana Del Rey.

De telles dĂ©penses ont de quoi couper la voix. Celle de Lana Del Rey est peut-ĂȘtre plus limitĂ©e que celle qu’Adele et du trio forgĂ© par Vitaa, Amel Bent et CamĂ©lia Jordana. Mais cela ne l’empĂȘche pas de titiller nos humeurs et nos Ă©motions. Des trois albums, son album est sans doute le plus variĂ© en termes d’atmosphĂšres et de musique.

Le titre A&W en est une trĂšs bonne dĂ©monstration. Entendre ce titre en concert doit ĂȘtre assez inoubliable. Lorsque je l’ai entendu la premiĂšre fois, je l’ai d’abord pris pour une gentille ballade Ă  la guitare/piano/voix oĂč Lana Del Rey s’emploie Ă  baisser le son de sa voix le plus possible, de celle qui a vĂ©cu. MalgrĂ© les effets qu’elle met dans sa voix, j’ai eu l’impression d’avoir dĂ©jĂ  entendu ça ailleurs. Je me suis Ă©loignĂ© de quelques mĂštres. Puis, il y a eu un changement ( le titre dure 7 minutes et 14 secondes) et je me suis dit qu’il fallait que je rĂ©Ă©coute tout le dĂ©but. Oui, c’Ă©tait bien le mĂȘme morceau que j’avais commencĂ© Ă  entendre. A&W “explique” que c’est une erreur de sous-estimer Lana Del Rey.

Lana Del Rey peut autant livrer des chansons de peines de cƓur ( ou « Torch songs ») comme le font Adele, Vitaa, Amel Bent et CamĂ©lia Jordana de maniĂšre « pop » ou “sage”, dirons-nous, que dĂ©river vers le Gospel, le Blues ou le Hip Hop. Elle a certes l’avantage de la langue.

Je me suis demandĂ© si j’étais victime de cette Ă©ducation qui, en occident, nous soumet au conditionnement de la langue Anglaise. Sauf qu’Adele chante en Anglais.

C’est peut-ĂȘtre mon conditionnement Ă  la culture amĂ©ricaine, alors ?

Je crois aussi que Vitaa, Amel Bent, CamĂ©lia Jordana et Adele font « trop propres Â» sur elles. Pourtant, Adele parle de son alcoolisme par exemple et sa carriĂšre initiĂ©e avant sa majoritĂ© fait d’elle un poids lourd en matiĂšre de vĂ©cu. Et, Vitaa, Amel Bent et CamĂ©lia Jordana, sĂ©parĂ©es ou en trio ne manquent pas de vĂ©cu non plus.

Mais il y a dans la musique de Lana Del Rey un refus de la sĂ©curitĂ© qui s’infiltre et qui s’attarde. Elle m’a rappelĂ© l’actrice Nicole Kidman dans le film Paper Boy rĂ©alisĂ© par Lee Daniels en 2012. J’ai parlĂ© « d’emprise et d’hypnose Â» pour Lana Del Rey. Mais on pourrait aussi bien parler d’elle comme d’une femme des marĂ©cages qui vous retient. On ne peut pas dire d’elle :

« L’essayer, c’est l’adopter Â». Car Lana Del Rey, c’est une toile d’araignĂ©e. Et une Alien. On avance a priori facilement dans son album comme dans son antre pour ne plus avoir trĂšs envie d’en sortir.  

Si l’on compare les trois couvertures d’album, il y a aussi, chez Lana Del Rey, une trĂšs nette maitrise de l’image. J’ai lu qu’elle avait pu rĂ©aliser certains de ses clips et que certains de ses amis avaient comparĂ© son univers Ă  celui du rĂ©alisateur David Lynch. Je comprends cette comparaison. A ceci prĂšs que Lana Del Rey ne viendrait pas des films de Lynch mais attesterait par elle-mĂȘme du fait que le rĂ©alisateur, pour ses films, s’était inspirĂ© de personnes qu’il avait vĂ©ritablement rencontrĂ©es mais jamais employĂ©es comme comĂ©diens.

Sur la couverture de son album, en noir et blanc, alors que celle des albums de Vitaa, Amel Bent, CamĂ©lia Jordana et Adele est en couleur, le regard de Lana Del Rey interroge autant qu’il suggĂšre qu’elle s’ennuie. Celui d’AdĂšle semble regarder un horizon encore lointain ou qui se dĂ©robe. Dans le regard de CamĂ©lia Jordana, Vitaa et Amel Bent, je trouve de la fiertĂ© ou de la dignitĂ©, de la solidaritĂ© et de l’optimisme. On peut tout supposer d’un regard. Mais l’album de Lana Del Rey a pour titre une question contrairement aux deux autres.

Lorsque j’ai un peu essayĂ© de savoir Ă  quoi OcĂ©an Blvd faisait rĂ©fĂ©rence, en m’attendant Ă  ce qu’il me confirme qu’il s’agissait d’Hollywood, j’ai trouvĂ© que c’était le titre du deuxiĂšme album d’Eric Clapton. Il y a trĂšs vraisemblablement des explications plus Ă©videntes Ă  ce titre. Mais le peu que j’ai compris du personnage de Lana Del Rey m’indique que l’allusion au deuxiĂšme album d’Eric Clapton est aussi possible.

On a de quoi se creuser la tĂȘte avec Lana Del Rey. Mais il y a aussi son langage.

Autant, elle peut ĂȘtre assez sobre, ou d’allure enfantine, autant elle nous susurre son sexe et nous le suture dans la tĂȘte avec douceur Ă  la façon de l’épouse attentive, presque plaintive et soumise, qui nous accueillerait en nous disant :

« Je t’ai laissĂ© tranquille toute la journĂ©e, j’ai tout fait Ă  la maison. Maintenant, fais-moi jouir et rĂȘver autant que je t’ai attendu et espĂ©rĂ©. Fais en sorte que plus rien d’autre ne compte vraiment Â». 

Son “Fuck me to death and love me until I love myself” rĂ©pĂ©tĂ© au moins trois fois dans son titre Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd en est un des exemples. Sauf que c’est plutĂŽt, elle, Lana Del Rey, qui nous baise jusqu’à la mort.

Quant Ă  savoir, si nous nous aimons vĂ©ritablement, personnellement, il ne nous reste, qu’à la rĂ©Ă©couter Ă  nouveau pour tenter de nous en assurer tant, avec elle, les illusions sont presque parfaites.

Franck Unimon, ce dimanche 7 avril 2024.

 

 

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En Concert Moon France

Ann O’aro au studio de l’ermitage ce 14 mars 2024

Ann O’aro, au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Paris. Photo©Franck.unimon.                                                                                                  

J’étais au travail ce jeudi 14 mars, lorsque, dans l’aprĂšs-midi, en le lisant quelque part, j’ai appris qu’Ann O’aro passait en concert le soir mĂȘme. A 20h30. Je finissais mon travail Ă  20 heures Ă  Paris prĂšs de la gare Montparnasse.

Si je souhaitais y aller, il me faudrait aller chercher mes appareils (photos) dans ma ville de banlieue, à Argenteuil. Pour mon blog, je ne pouvais pas me contenter de photos prises avec mon smartphone. Et, aprÚs le concert, je me réveillerais, comme ce jeudi, le lendemain matin un peu avant 5h30 afin de retourner au travail pour une journée de 12 heures.

Mais il y avait ce concert d’Ann O’aro dans quelques heures. Je l’avais dĂ©jĂ  « ratĂ©e » comme j’ai aussi ratĂ© les concerts de RenĂ© Lacaille ou de Rocio Marquez lorsqu’ils se sont prĂ©sentĂ©s. Je m’étais un peu rattrapĂ© la semaine prĂ©cĂ©dente avec le concert de Tricky Ă  l’Olympia ( voir Tricky Ă  l’Olympia ce 6 mars 2024). 

Quand une ou un artiste nous « parle » ou nous a parlĂ©, on part souvent du principe qu’autour de nous, tout le monde la connait ou le connait. En Ă©voquant Ann O’aro, je n’écoute pas de la musique secrĂšte ou que je mettrais en cachette.

 

Ann O’aro au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. DerriĂšre elle, Teddy Doris, au trombone et au choeur. Photo©Franck.Unimon

J’ai commencĂ© Ă  la “connaĂźtre” par son premier album Ann O’aro sorti en 2018. J’avais publiĂ© un article dessus dans mon blog il y a environ quatre ans :

Ann O’Aro.

Ensuite, il y a eu l’album Longoz arrivĂ© en 2020 que j’ai moins Ă©coutĂ© pour le moment et avec lequel j’ai eu plus de mal.

Ce jeudi 14 mars, j’ai aussi appris qu’un troisiĂšme album venait de sortir (fin fĂ©vrier 2024). Il s’appelle Bleu. Ann O’Aro continue d’ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e par le label Cobalt dirigĂ© par Philippe Conrath.

Ann O’aro au studio de l’ermitage, ce 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

« Ann O’aro ? Â»

C’est la question qu’a pu me poser, surpris, un de mes collĂšgues, rĂ©unionnais certifiĂ©, porteur de dreadlocks, la quarantaine, chanteur de Gospel et prĂ©cĂ©demment joueur de Reggae proche de la professionnalisation. Ce n’est donc pas un amateur ni un ignorant. Pourtant, il n’avait jamais entendu parler de Ann O’aro. Je lui ai orthographiĂ© son nom tel qu’elle l’a choisi Ă  «la CrĂ©ole ». Un nom que j’ai moi-mĂȘme encore du mal Ă  bien Ă©crire. Et, il m’a dit qu’il allait « regarder ».

La RĂ©union n’est pas mon pays. MĂȘme si, par la suite, j’ai rencontrĂ© ma compagne, rĂ©unionnaise, et que notre fille, nĂ©e en France ( encore trop petite pour certains des thĂšmes des chansons de Ann O’aro) a donc Ă©galement des origines rĂ©unionnaises.

La premiĂšre fois que je me rappelle avoir entendu du Maloya et son rythme ternaire, c’était dans la boite de nuit Le Manapany, dans les annĂ©es 90 oĂč, avec certains collĂšgues, nous Ă©tions plutĂŽt venus nous rapprocher (- je suis un Moon France mais voir aussi Tuer des noix de coco-)  de nos origines antillaises et des femmes au travers du Zouk.

Ensuite, j’ai voulu entendre un peu plus le Maloya dit traditionnel. Et, en particulier, sur ce qu’il peut avoir en commun avec le Gro-Ka et le Lewoz. Car j’essaie de m’inspirer Ă  ma mesure d’un des principes de mon artiste prĂ©fĂ©rĂ©, Miles Davis, qui disait aussi :

« Mon esprit n’est pas fermĂ© Â». ( “My mind is not shut”).

A la mĂ©diathĂšque, j’avais trouvĂ© les Cds d’artistes comme Firmin Viry, Danyel Waro et d’autres de la RĂ©union que j’ai essayĂ© d’écouter et de comprendre. J’ai pu voir Daniel Waro en concert lorsqu’il est passĂ© en concert Ă  Argenteuil il y a prĂšs d’une dizaine d’annĂ©es. Mon blog n’existait pas, alors. Je sais que Daniel Waro passe le 18 Mai au Cabaret Sauvage Ă  Paris. Maya Kamaty le 21 mars Ă  la Bellevilloise et Lindigo le 11 avril au Cabaret Sauvage.

 

«La musique, ça te permet un Ă©quilibre vu le mĂ©tier que tu fais » m’a dit quelqu’un rĂ©cemment. J’ai acquiescĂ© car il y a du vrai dans cette affirmation. Et, cela m’a permis d’Ă©luder.

Car l’équilibre est aussi une limite. Ainsi qu’une souriciĂšre. 

On peut ĂȘtre Ă©quilibrĂ© parce-que l’on est aussi trĂšs bien domestiquĂ©. On ne dĂ©range pas. On reste Ă  sa place. On subit. On accepte. On endure. On s’endurcit. On croupit. On se terre en soi et en silence.

Mais on ne vit pas. On reste derriĂšre des barrages. Ou on passe son temps Ă  attendre, emmitouflĂ©s dans nos mirages et parfois dans nos naufrages. Parfois, on s’auto-dĂ©truit en permanence, discrĂštement. De maniĂšre mĂ©thodique. Cathodique. Et Ă©quilibrĂ©e. Telles ces tours ou ces histoires dont les fondations et les Ă©manations explosent et s’affaissent, Ă©rigĂ©es, droites, et achĂšvent leur parcours pulvĂ©risĂ©es, tĂ©lĂ©visĂ©es, en Ă©tant toujours restĂ©es bien vissĂ©es sur place et fidĂšles au poste, tĂ©tant leur devoir et leur espoir en attendant une mue qui n’est jamais venue. D’elles,  on dira peut-ĂȘtre plus tard :

“C’Ă©tait une belle tour ( ou une belle histoire) Ă  l’origine. Dommage qu’elle soit devenue dĂ©suĂšte. Les temps ont changĂ©. Il a bien fallu s’en sĂ©parer. Qu’est-ce que tu veux ? C’est comme ça….”.

La musique, pour moi, ça reste de la vie. Ça surgit et ça permet d’aller au-delĂ  de nos limites. Les musiciens, les artistes ou les personnes qui nous « parlent », c’est quand mĂȘme assez souvent, celles et ceux qui nous « font » ça. Un des premiers pouvoirs de la musique, comme le feu partagĂ©, c’est de rassembler. Les forces, les volontĂ©s vers l’autre, vers l’ailleurs, vers l’inconnu mĂȘme si ce sont des souvenirs que l’on retrouve aussi.

La musique, pour moi, c’est aussi un bagage et un hĂ©ritage. C’est Ă  la fois les musiques que j’ai Ă©coutĂ©es par les pores de mes parents en France, pays, oĂč, contrairement Ă  moi, ils ne sont pas nĂ©s. Puis, celles de mon adolescence et de certaines amitiĂ©s quasi fraternelles, Ă  cette pĂ©riode de la vie oĂč l’on a plein de notes et plein de projets mais oĂč l’on manque d’audace, de confiance, de persĂ©vĂ©rance et de connaissances pour composer. Et oĂč l’on redoute plus les consĂ©quences de la matraque du jugement qu’on ne prĂ©voit les rĂ©ussites de nos tentatives.

Ann O’aro et Teddy Doris au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

On peut penser que je me contente de parler de moi. Je ne le crois pas. Je n’Ă©cris pas seulement pour moi. Mais aussi parce-qu’il le faut. Parce-que c’est mon tour du sort.

J’Ă©cris d’ailleurs cet article en rĂ©Ă©coutant le dernier album de Fally Ipupa, Formule 7. Et puis, on sait maintenant que, Ă©videmment, je suis allĂ© au concert d’Ann O’aro ce jeudi 14 mars 2024 au studio de l’ermitage, Ă  Paris. Les autres dates et les autres lieux de ses concerts prĂ©vus en 2024 ne m’ont pas laissĂ© d’autre choix.

Hormis ce concert du 14 à l’Ermitage, à Paris. Il restait possible de voir Ann O’aro sur scùne ailleurs en mars 2024 :

Le 17 Ă  Dunkerque. Le 19 Ă  Guyancourt. Le 21 Ă  Tourcoing. Le 23 Ă  Aubusson et le 26 Ă  Ljubliana, en SlovĂ©nie. Je serais bien allĂ© Ă  l’un de ces endroits mais pour des raisons pratiques, le plus simple, restait Paris.

Les dates de ses concerts mais aussi de ceux de DanyĂšl Waro sont aussi affichĂ©es sur le site du label Cobalt qui reprĂ©sente d’autres artistes rĂ©unionnais tels que Christine Salem, Zanmari BarĂ© et d’autres.

Ann O’aro, Teddy Doris, Brice Nauroy et Bino Waro au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

Je suis arrivĂ© au concert avec une bonne demie heure de retard avec ma place achetĂ©e en prĂ©vente sur internet : 15 euros et 50 centimes. Soit prĂšs de quatre fois moins que le concert de Tricky Ă  l’Olympia quelques jours plus tĂŽt. 

En entrant dans la salle de concert du studio de l’ermitage, Ann O’aro Ă©tait en train de chanter, accompagnĂ©e de ses musiciens :

Teddy Doris au trombone ; Bino Waro au roulĂšr, sati, pikĂšr, kayamn et Ă  la batterie et Brice Nauroy aux machines.

Le public Ă©tait posĂ©, majoritairement assis, trĂšs attentif. Il devait y avoir environ 200 personnes Ă  vue d’Ɠil (pour une capacitĂ© d’accueil de 250 personnes contre une capacitĂ© d’accueil de 4000 personnes pour l’Olympia).

L’ambiance et l’acoustique de la salle Ă©taient intimistes et trĂšs confortables. Je me suis tout de suite senti bien. J’ai aussitĂŽt tout effacĂ©. Les doutes. La recherche de la salle. La fatigue. Le trajet. Le retard. La routine. La chevrotine. La journĂ©e de travail le lendemain matin.

 

Voir Ann O’aro au studio de l’ermitage aprùs Tricky à l’Olympia ?

Ann O’aro et Teddy Doris, ce jeudi 14 mars au studio de l’ermitage. Photo©Franck.Unimon

Je me suis dit qu’ils Ă©taient proches tous les deux malgrĂ© ce que l’on pourrait estimer en prime abord. Tricky, “de” Bristol, plutĂŽt contrariĂ© par la notoriĂ©tĂ©, aimerait sans doute pouvoir se produire dans une salle comme le studio de l’ermitage. En Ă©coutant Ann O’aro, j’ai aussi pensĂ© Ă  la musicienne et compositrice bretonne Kristen NoguĂšs. 

Bien-sĂ»r, Ann O’aro existe par elle-mĂȘme et a ses propres inspirations et rĂ©fĂ©rences. Mais lorsque l’on est amateur de musique, on aime certaines fois imaginer que se rencontrent les ombres de certains artistes. Des rencontres entre des artistes qui ne se matĂ©rialisent jamais- ou parfois mal- par manque d’inspiration, d’Ă©poques ( Kristen NoguĂšs est morte depuis 2007) ou du fait d’une mauvaise entente et qu’il faut sans doute apprendre Ă  imaginer ou Ă  crĂ©er soi-mĂȘme.

Devant nous, nous avions peu Ă  imaginer. La voix d’Ann O’aro est trĂšs douce et forte. Elle s’empare de vous et chante comme un boxeur. Son chant part depuis ses pieds. Elle chante en emmenant tout son corps et en nous portant vers une…certaine tension Ă©motionnelle.

C’est ce que l’on appelle avoir une prĂ©sence. La prĂ©sence de celle qui s’approche et aussi de la sentinelle.

Je me suis dit qu’elle avait de quoi jouer dans un film ou au thĂ©Ăątre.

Ann O’aro et Teddy Doris, au studio de l’ermitage, ce 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

Son humour et son aisance, y compris au piano qu’elle a dĂ©sormais ajoutĂ© Ă  son usage des sorts- les sorts de l’enfance- sont aussi dĂ©concertants qu’insaisissables. Je me suis un peu demandĂ© :

« Comment fait-elle ? Â».

On aurait presque dit que c’était nous qui Ă©tions Ă  un enterrement (peut-ĂȘtre le nĂŽtre) tandis que, elle, et ses musiciens s’amusaient bien parce qu’ils le voulaient. Tandis que nous, hĂ© bien, nous restions trĂšs polis et trĂšs guindĂ©s sans faire de bruit de peur de dĂ©ranger ou de tĂącher en sortant de notre rĂ©serve militaire.

Soit parce-que nous n’avions jamais appris Ă  remuer et Ă  tinter au son de la musique ou parce-que nous Ă©tions intimidĂ©s et captivĂ©s par ce que nous voyions et entendions devant nous :

Nous avions un peu « peur Â» d’interrompre la sĂ©ance d’hypnose. Ou nous n’osions pas moufter connaissant les sujets chargĂ©s qu’elle abordait sous les dĂ©guisements aiguisĂ©s de sa voix apaisĂ©e.

Mon excuse Ă©tait que je prenais des photos. Mais j’imagine facilement ce que la mĂȘme musique jouĂ©e ce jeudi soir peut entraĂźner ailleurs ou dans un Kabar ( ou kabarĂ©), lĂ  oĂč l’on s’autorise Ă  danser plus vite que la lumiĂšre ne pense.

Nous avons Ă©tĂ© des privilĂ©giĂ©s d’assister Ă  ce concert. J’ai Ă©tĂ© content, aprĂšs le concert, de pouvoir parler un peu Ă  Ann O’aro et de poser pour la photo avec elle et Philippe Conrath qui dirige le label Cobalt.

Avec Philippe Conrath et Ann O’aro Ă  la fin du concert au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Merci Ă  la personne qui nous a pris en photo avec mon appareil.

Ann O’aro chante aussi dans le groupe Lagon Noir lors du festival Banlieues Bleue au centre culturel Jean à la Courneuve le vendredi 29 mars 2024 à 20h30.

Ce jeudi soir, elle a superbement clos son concert en nous chantant son titre Valval rouz ( si je ne me trompe) un de ses titres acapella, prĂ©sent sur son premier album.  

 

Franck Unimon, ce dimanche 17 mars 2024.