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Balistique des élections législatives 2024

Le journal Les Échos du 3 juillet 2024 et le journal Charlie Hebdo du 3 juillet 2024 Ă©galement.

Balistique des élections législatives 2024

Avoir un blog qui s’appelle balistique du quotidien m’oblige un « peu Â» Ă  parler de ces Ă©lections lĂ©gislatives quelques heures avant leur second tour dĂ©cisif.

Cela fait plusieurs jours que je pense à écrire un article. Et, il me reste désormais peu de temps avant mon départ pour mon second séjour au Japon.

En 1999, annĂ©e de mon premier sĂ©jour au Japon, j’étais parti un an aprĂšs la victoire de l’équipe française « Black, Blanc, Beur » de Jaquet, Zidane, Blanc, Deschamps, Thuram, Desailly et d’autres  Ă  la coupe du Monde de Football. Cette annĂ©e, je partirai aprĂšs le rĂ©sultat de ces Ă©lections lĂ©gislatives oĂč le RN, beaucoup plus hĂ©ritier des pointes du FN que de celles de l’équipe de France de  de 1998, joue un autre genre de football.

Dans le journal Le Canard Enchainé du 26 juin 2024.

Dans une histoire de Hugo Pratt que j’ai relue rĂ©cemment, un IndigĂšne, alliĂ© du hĂ©ros Corto Maltese, reçoit trois balles. Lorsque Corto Maltese lui demande :

« Tu ne vas pas mourir, quand mĂȘme ? Â», celui-ci lui rĂ©pond « Peut-ĂȘtre bien que oui, peut-ĂȘtre bien que non Â». L’homme, car il s’agit bien d’un homme, s’en sort finalement. Car, par sa propre volontĂ©, l’IndigĂšne – qui est un puissant sorcier- a pu arrĂȘter son hĂ©morragie interne. Le mĂ©decin qui l’opĂšre ensuite, raconte cela plus tard, mĂ©dusĂ©, Ă  Corto Maltese. Lequel Ă©coute ça sans s’en Ă©tonner. Nous sommes ici dans les reflets d’une bande dessinĂ©e.

Je n’ai pas les pouvoirs anesthĂ©siants et puissants de ce sorcier dans cette nouvelle aventure de Corto Maltese afin d’arrĂȘter cette hĂ©morragie interne que peut ĂȘtre le RN.

Dans le journal Les Échos du jeudi 4 juillet 2024.

Pour moi, les Ă©lections lĂ©gislatives d’aujourd’hui s’apparentent aussi Ă  une sorte de toile d’araignĂ©e ne serait-ce que mentale. Et, je n’aimerais pas rester engluĂ© dans cette toile.

Dans le journal Les Échos du mercredi 26 juin 2024

Je n’ai pas Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par la rĂ©ussite du RN lors des Ă©lections europĂ©ennes le 9 juin dernier. J’avais Ă©tĂ© plus dĂ©concertĂ© il y a  une dizaine d’annĂ©es en apprenant que de plus en plus de soignants votaient pour le FN avant que celui-ci ne devienne le RN :

Parce qu’il y a environ 25 ans, un soignant ou une soignante qui votait FN, c’était plutĂŽt un spĂ©cimen. Je me souviens d’une collĂšgue infirmiĂšre rĂ©putĂ©e voter pour le FN qui travaillait dans le service de psychiatrie du dessus dans l’hĂŽpital de banlieue parisienne, dans le Val d’Oise, oĂč je travaillais alors :

Elle Ă©tait blonde aux yeux bleus et portait sur elle les codes vestimentaires de la catholique traditionnelle un peu ou assez bourgeoise. On Ă©tait dans le clichĂ©. Et dans le paradoxe. InfirmiĂšre, plutĂŽt attachĂ©e Ă  son travail auprĂšs des patients, et capable de partir en sĂ©jour thĂ©rapeutique avec des patients en compagnie d’un de ses collĂšgues infirmiers antillais.

En vitrine d’une librairie parisienne, ce vendredi 5 juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Cela fait maintenant un demi siĂšcle que la dynastie Le Pen poursuit son ascension vers les sommets politiques en voie d’extinction et, qui, comme l’Everest, sont devenus une destination touristique et rentable. En termes de Pouvoir et d’enrichissement Ă©conomique personnel.

En vitrine de la mĂȘme librairie parisienne, ce vendredi 5 juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Les Le Pen ont aussi pour eux l’endurance, la persistance, un besoin de revanche et de jouissance mĂ©diatique et se nourrissent de toutes les crises mais aussi de toutes les audaces.

 

En face, on a eu principalement des hommes politiques- et quelques femmes- qui se sont comportĂ©s comme des rentiers, d’autres qui ont ratĂ© le train ( Rocard, Jospin, JuppĂ©…), quelques uns qui se sont dĂ©sistĂ©s ( Delors),  et d’autres qui n’ont fait que passer :

J’avais dĂ©jĂ  oubliĂ© qu’Elizabeth Borne avait Ă©tĂ© la PremiĂšre Ministre prĂ©cĂ©dant Gabriel Attal pourtant nommĂ© seulement depuis six mois. J’ai du mal Ă  me rappeler de la Ministre socialiste du travail , Myriam El Khomri. Mais aussi de certains ministres du PrĂ©sident Nicolas Sarkozy.

Par contre, les Le Pen, on les « connait Â». Il leur manque juste une Ă©mission de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© pour boucler le Tour de France des mĂ©dia. Les Le Pen sont devenus familiers. Et ce qui devient familier inspire sympathie, accoutumance et confiance.  En plus, Marine Le Pen est une femme. La seule femme, en France, Ă  pouvoir rester au premier plan en politique sans faire partie du gouvernement prĂ©sidentiel. Tout le contraire du PrĂ©sident Macron devenu le pire VRP pour son propre parti aussi « justes Â» ses causes soient-elles lorsqu’elles le sont.

 

J’écris cela de façon humoristique mais je souriais peu il y a encore deux semaines. Et je sourirai sĂ»rement peu ce soir. Ou alors seulement parce-que je saurai que bientĂŽt, je partirai pour quelques semaines au Japon.

Parce-que, pour moi, quel que soit le résultat des élections législatives ce dimanche 7 juillet, le RN a gagné.

Car il a ensorcelĂ© une partie des esprits et des serpents. Ne serait-ce que provisoirement. Pour Ă©viter que Marine Le Pen ne soit Ă  ce point triomphante aujourd’hui, il aurait fallu la nommer Ministre il y a quelques annĂ©es ou mĂ©diatiser son refus. Marine Le Pen est aussi forte aujourd’hui car ses adversaires politiques de gauche et de droite ont Ă©tĂ© plus suffisants et intĂ©ressĂ©s avec elle. Il Ă©tait facile de se montrer trĂšs digne en sa prĂ©sence en s’opposant Ă  elle.

 

Une affaire de dignitĂ© :

 

L’homme politique Eric Ciotti, PrĂ©sident des RĂ©publicains, a Ă©tĂ© critiquĂ© et rejetĂ© par les membres de son parti pour avoir ouvertement donnĂ© sa prĂ©fĂ©rence Ă  Marine Le Pen aprĂšs le rĂ©sultat des Ă©lections europĂ©ennes du 9 juin. Mais le choix de ces mĂȘmes RĂ©publicains de s’abstenir de se dĂ©sister en faveur de la « Gauche » au second tour de ces Ă©lections lĂ©gislatives me confirme qu’il est d’autres femmes et hommes politiques, de droite mais aussi de gauche, qui seront prĂȘts Ă  aller faire la bise Ă  Marine Le Pen si celle-ci devenait PrĂ©sidente de la RĂ©publique ou ne serait-ce que PrĂ©sidentiable.

 

Je reste aussi trĂšs prudent devant les rĂ©serves exprimĂ©es par certains mĂ©dia Ă©conomiques ou autres envers les compĂ©tences du RN. Parce-que si le RN venait Ă  se montrer « compĂ©tent Â» Ă©conomiquement ou si des Ă©minences Ă©conomiques et politiques reconnues venaient Ă  accepter de faire partie d’un gouvernement RN, il nous serait trĂšs certainement expliquĂ© ultĂ©rieurement que c’est avant tout pour le bien de la France.

 

C’est ce qui nous est trĂšs bien rĂ©sumĂ© dans l’article Partir ou rĂ©sister, le dilemme des hauts fonctionnaires de Nicolas SĂšze dans le journal La Croix de ce jeudi 4 juillet 2024, page 4. Extraits:

« (
.) Certains prĂ©fets chargĂ©s de mission, pour qui nous n’y allons pas assez fort, attendent leur heure. Et beaucoup d’ambitieux voient dĂ©jĂ  l’opportunitĂ© de gravir rapidement des Ă©chelons Â».

Monter dans la hiĂ©rarchie sera d’autant plus facile que le RN aura besoin de cadres Â».

« (
.) Chez nous, personne ne pense qu’il se fera mettre Ă  la porte dĂ©but juillet Â» reconnait le fonctionnaire du ministĂšre de la justice pour qui un futur gouvernement RN devra aussi «  se confronter au rĂ©el Â» « Un certain nombre de leurs projets sont irrĂ©alistes et je crois possible de les faire Ă©voluer en les confrontant Ă  la rĂ©alitĂ©. Cela nĂ©cessitera de suivre de trĂšs prĂšs les discours politiques pour identifier les marges de manƓuvre, mais aussi fixer nos lignes rouges, conclut-il. Si celles-ci Ă©taient franchies, Ă©videmment je partirai. Mais je ne pense pas que ce sera le cas Ă  court terme Â».

 

Cette stratĂ©gie de l’évitement ou du dĂ©ni fait la force du RN. Croire ou penser qu’il sera possible de « faire Ă©voluer Â» un reprĂ©sentant du RN revient Ă  dire qu’il a Ă©tĂ© possible de « faire Ă©voluer Â» un Emmanuel Macron, lorsque celui-ci, devenu PrĂ©sident de la RĂ©publique, inflexible, a dĂ©cidĂ© de faire passer en force certaines dĂ©cisions telles que le recul du dĂ©part de l’ñge de la retraite. Si certains fonctionnaires prĂ©fĂšreront partir en cas de gouvernement du RN , ils seront selon moi une minoritĂ© :

A moins de se sentir menacĂ©s directement ou personnellement, ces fonctionnaires feront comme la plupart d’entre nous. Ils resteront Ă  leur poste, Ă©voquant un ensemble de raisons et d’obligations qui les empĂȘchent de partir tout en « condamnant Â» moralement le gouvernement du RN.

Ce qui nous enferme et nous rend aussi dĂ©pendants des alĂ©as d’un emploi, d’un gouvernement, d’un pays, d’une situation, d’un statut ou d’un rĂ©gime c’est peut-ĂȘtre aussi notre attachement forcenĂ© Ă  notre sĂ©dentaritĂ© et aux endroits que nous connaissons, Ă  ce que nous appelons notre enracinement ou notre identitĂ©. Ou, plus simplement, notre sĂ©curitĂ©.

Si nous Ă©tions plus nomades Ă  l’image de Corto Maltese ou de ces migrants regardĂ©s de travers, nous aurions sans doute plus de facilitĂ©s pour relativiser ce qui nous arrive mais aussi pour partir ou changer de vie afin de rester plus libres. Mais pour cela, il faut accepter de s’exiler.

Devant le tribunal de la Cité, à Paris, ce vendredi 5 juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ou rester sur place et rĂ©sister. C’est ce que j’ai vu ce vendredi 5 juillet, sur les marches du tribunal de la CitĂ©, avec ces drapeaux du Syndicat des avocats de France. Deux personnes (une jeune femme noire et un homme se prĂ©sentant comme magistrat) qui ont assistĂ© Ă  cela m’ont expliquĂ© que cela Ă©tait relatif Ă  une remarque rĂ©cente sur les rĂ©seaux sociaux attribuĂ©e au  RN estimant qu’il y avait trop d’avocats en France. 

 

Ce n’est pas contre toi

 

Pour la premiĂšre fois, il y a quelques jours, aprĂšs le rĂ©sultat des Ă©lections europĂ©ennes et, surtout, aprĂšs celui du premier tour des Ă©lections lĂ©gislatives, il m’est arrivĂ© de me dire qu’il se trouvait parmi les personnes que je cĂŽtoie, collĂšgues, connaissances, « amis Â», voisins, des Ă©lectrices et des Ă©lecteurs du RN.

Lorsqu’aprĂšs les prĂ©cĂ©dentes Ă©lections, les scores du FN/RN augmentaient, je ne me disais pas comme certains que tous les Ă©lecteurs du FN/RN sont des racistes et des fascistes. Mais, dĂ©sormais, je me le dis un peu plus. Ou, je commence Ă  le croire un peu plus.

Je me dis en tout cas que je suis devenu ou redevenu une cible potentielle comme n’importe quelle minoritĂ© ostracisĂ©e ou pointĂ©e du doigt :

L’étranger sans papiers, le transgenre, l’homosexuel, la prostituĂ©e, le ou la toxicomane, la femme battue, l’alcoolique, le malade psychiatrique, le pervers, le jeune de banlieue, l’homme noir ou arabe, le Juif, le musulman, l’Asiatique
.

Certaines personnes qui ont votĂ© pour le RN auraient beau essayĂ© de m’expliquer « Ce n’est pas contre toi Â», il n’empĂȘche que, quelque part, quelqu’un, un jour, en France, soudainement, dĂ©cidera ou pourra dĂ©cider que ma tĂȘte est mise Ă  prix ou ne vaut rien simplement parce-que le RN/FN se sera davantage rapprochĂ© des sommets du Pouvoir.

Le RN est l’équivalent d’une Ă©quipe de Foot qui a ses ultras parmi ses supporters. Et, il y a de plus en plus d’Ultras parmi les supporters de l’équipe de Foot que reprĂ©sente le RN. Et, ce que recherchent ces Ultras, c’est une certaine dose d’adrĂ©naline. Quant au RN, il aime faire peur. Il a toujours aimĂ© faire peur. Le climat anxiogĂšne qu’il libĂšre fait partie de son oxygĂšne. Je comprends donc en grande partie les propos tenus dans un entretien par la cinĂ©aste Alice Diop en premiĂšre page du journal LibĂ©ration le mercredi 26 juin 2024 :

Alice Diop Face Au RN « Pour les gens comme moi, C’est la vie ou la mort Â».

Le journal Libération de ce mercredi 26 juin 2024.

La France, pays de la discordance

 

Et, ce qui n’arrange rien avec cette ambiance, c’est cette façon qu’ont certains d’agir comme si de rien n’était. De ne pas en parler. Lorsque j’ai revu rĂ©cemment en consultation le pneumologue qui me suit depuis mon embolie pulmonaire l’annĂ©e derniĂšre, c’était Ă©tonnant de le voir et de l’écouter me parler comme si rien n’avait changĂ© et comme si rien n’allait changer dans ce pays depuis le rĂ©sultat des Ă©lections europĂ©ennes puis ce premier tour des Ă©lections lĂ©gislatives.

Je suis trĂšs peu allĂ© sur les rĂ©seaux sociaux. J’imagine facilement que bien des amis et des personnes que je connais se sont Ă©panchĂ©s sur le sujet dans les rĂ©seaux sociaux. Mais dans la vraie vie, autour de moi, rien. Ou, en tout cas, pas devant moi. Je n’attendais pas que quelqu’un me dise :

« Franck, si , un jour, tu es poursuivi par des Ă©manations du Ku Klux Klan, sache que j’aurais toujours pour toi une place chez moi entre le palier et les toilettes ainsi qu’un emploi d’homme Ă  tout faire (je te paierai au black)
. ».

Mais ce silence est isolant. C’est un peu comme si, en tant qu’homme noir, en France, on Ă©tait plus ou moins parvenu Ă  se fondre dans la masse puis que les rĂ©sultats de ces votes vers le RN agissaient comme du dĂ©tachant et que l’on se retrouvait d’un seul coup clairsemĂ© ou tout nu en pleine lumiĂšre.

Enfant, j’ai assez tĂŽt appris que j’étais Noir. Ne serait-ce que de par mon Ă©ducation afin d’ĂȘtre prĂ©parĂ© un minimum au racisme anti noir. Mais en vivant Ă  mon Ă©poque en rĂ©gion parisienne et en Ă©tant employĂ© dans un milieu professionnel et dans des fonctions oĂč je ne dĂ©tone pas particuliĂšrement, j’ai pu plus ou moins l’oublier. Parce-que vivre en se rĂ©pĂ©tant matin et soir que l’on est un homme noir est un petit peu fatigant. Mais il va peut-ĂȘtre falloir que je rĂ©vise mes classiques.

 

Franck Unimon, ce dimanche 7 juillet 2024, à quelques heures du second tour des élections législatives.

 

 

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En Concert Moon France

Ann O’aro au studio de l’ermitage ce 14 mars 2024

Ann O’aro, au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Paris. Photo©Franck.unimon.                                                                                                  

J’étais au travail ce jeudi 14 mars, lorsque, dans l’aprĂšs-midi, en le lisant quelque part, j’ai appris qu’Ann O’aro passait en concert le soir mĂȘme. A 20h30. Je finissais mon travail Ă  20 heures Ă  Paris prĂšs de la gare Montparnasse.

Si je souhaitais y aller, il me faudrait aller chercher mes appareils (photos) dans ma ville de banlieue, à Argenteuil. Pour mon blog, je ne pouvais pas me contenter de photos prises avec mon smartphone. Et, aprÚs le concert, je me réveillerais, comme ce jeudi, le lendemain matin un peu avant 5h30 afin de retourner au travail pour une journée de 12 heures.

Mais il y avait ce concert d’Ann O’aro dans quelques heures. Je l’avais dĂ©jĂ  « ratĂ©e » comme j’ai aussi ratĂ© les concerts de RenĂ© Lacaille ou de Rocio Marquez lorsqu’ils se sont prĂ©sentĂ©s. Je m’étais un peu rattrapĂ© la semaine prĂ©cĂ©dente avec le concert de Tricky Ă  l’Olympia ( voir Tricky Ă  l’Olympia ce 6 mars 2024). 

Quand une ou un artiste nous « parle » ou nous a parlĂ©, on part souvent du principe qu’autour de nous, tout le monde la connait ou le connait. En Ă©voquant Ann O’aro, je n’écoute pas de la musique secrĂšte ou que je mettrais en cachette.

 

Ann O’aro au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. DerriĂšre elle, Teddy Doris, au trombone et au choeur. Photo©Franck.Unimon

J’ai commencĂ© Ă  la “connaĂźtre” par son premier album Ann O’aro sorti en 2018. J’avais publiĂ© un article dessus dans mon blog il y a environ quatre ans :

Ann O’Aro.

Ensuite, il y a eu l’album Longoz arrivĂ© en 2020 que j’ai moins Ă©coutĂ© pour le moment et avec lequel j’ai eu plus de mal.

Ce jeudi 14 mars, j’ai aussi appris qu’un troisiĂšme album venait de sortir (fin fĂ©vrier 2024). Il s’appelle Bleu. Ann O’Aro continue d’ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e par le label Cobalt dirigĂ© par Philippe Conrath.

Ann O’aro au studio de l’ermitage, ce 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

« Ann O’aro ? Â»

C’est la question qu’a pu me poser, surpris, un de mes collĂšgues, rĂ©unionnais certifiĂ©, porteur de dreadlocks, la quarantaine, chanteur de Gospel et prĂ©cĂ©demment joueur de Reggae proche de la professionnalisation. Ce n’est donc pas un amateur ni un ignorant. Pourtant, il n’avait jamais entendu parler de Ann O’aro. Je lui ai orthographiĂ© son nom tel qu’elle l’a choisi Ă  «la CrĂ©ole ». Un nom que j’ai moi-mĂȘme encore du mal Ă  bien Ă©crire. Et, il m’a dit qu’il allait « regarder ».

La RĂ©union n’est pas mon pays. MĂȘme si, par la suite, j’ai rencontrĂ© ma compagne, rĂ©unionnaise, et que notre fille, nĂ©e en France ( encore trop petite pour certains des thĂšmes des chansons de Ann O’aro) a donc Ă©galement des origines rĂ©unionnaises.

La premiĂšre fois que je me rappelle avoir entendu du Maloya et son rythme ternaire, c’était dans la boite de nuit Le Manapany, dans les annĂ©es 90 oĂč, avec certains collĂšgues, nous Ă©tions plutĂŽt venus nous rapprocher (- je suis un Moon France mais voir aussi Tuer des noix de coco-)  de nos origines antillaises et des femmes au travers du Zouk.

Ensuite, j’ai voulu entendre un peu plus le Maloya dit traditionnel. Et, en particulier, sur ce qu’il peut avoir en commun avec le Gro-Ka et le Lewoz. Car j’essaie de m’inspirer Ă  ma mesure d’un des principes de mon artiste prĂ©fĂ©rĂ©, Miles Davis, qui disait aussi :

« Mon esprit n’est pas fermĂ© Â». ( “My mind is not shut”).

A la mĂ©diathĂšque, j’avais trouvĂ© les Cds d’artistes comme Firmin Viry, Danyel Waro et d’autres de la RĂ©union que j’ai essayĂ© d’écouter et de comprendre. J’ai pu voir Daniel Waro en concert lorsqu’il est passĂ© en concert Ă  Argenteuil il y a prĂšs d’une dizaine d’annĂ©es. Mon blog n’existait pas, alors. Je sais que Daniel Waro passe le 18 Mai au Cabaret Sauvage Ă  Paris. Maya Kamaty le 21 mars Ă  la Bellevilloise et Lindigo le 11 avril au Cabaret Sauvage.

 

«La musique, ça te permet un Ă©quilibre vu le mĂ©tier que tu fais » m’a dit quelqu’un rĂ©cemment. J’ai acquiescĂ© car il y a du vrai dans cette affirmation. Et, cela m’a permis d’Ă©luder.

Car l’équilibre est aussi une limite. Ainsi qu’une souriciĂšre. 

On peut ĂȘtre Ă©quilibrĂ© parce-que l’on est aussi trĂšs bien domestiquĂ©. On ne dĂ©range pas. On reste Ă  sa place. On subit. On accepte. On endure. On s’endurcit. On croupit. On se terre en soi et en silence.

Mais on ne vit pas. On reste derriĂšre des barrages. Ou on passe son temps Ă  attendre, emmitouflĂ©s dans nos mirages et parfois dans nos naufrages. Parfois, on s’auto-dĂ©truit en permanence, discrĂštement. De maniĂšre mĂ©thodique. Cathodique. Et Ă©quilibrĂ©e. Telles ces tours ou ces histoires dont les fondations et les Ă©manations explosent et s’affaissent, Ă©rigĂ©es, droites, et achĂšvent leur parcours pulvĂ©risĂ©es, tĂ©lĂ©visĂ©es, en Ă©tant toujours restĂ©es bien vissĂ©es sur place et fidĂšles au poste, tĂ©tant leur devoir et leur espoir en attendant une mue qui n’est jamais venue. D’elles,  on dira peut-ĂȘtre plus tard :

“C’Ă©tait une belle tour ( ou une belle histoire) Ă  l’origine. Dommage qu’elle soit devenue dĂ©suĂšte. Les temps ont changĂ©. Il a bien fallu s’en sĂ©parer. Qu’est-ce que tu veux ? C’est comme ça….”.

La musique, pour moi, ça reste de la vie. Ça surgit et ça permet d’aller au-delĂ  de nos limites. Les musiciens, les artistes ou les personnes qui nous « parlent », c’est quand mĂȘme assez souvent, celles et ceux qui nous « font » ça. Un des premiers pouvoirs de la musique, comme le feu partagĂ©, c’est de rassembler. Les forces, les volontĂ©s vers l’autre, vers l’ailleurs, vers l’inconnu mĂȘme si ce sont des souvenirs que l’on retrouve aussi.

La musique, pour moi, c’est aussi un bagage et un hĂ©ritage. C’est Ă  la fois les musiques que j’ai Ă©coutĂ©es par les pores de mes parents en France, pays, oĂč, contrairement Ă  moi, ils ne sont pas nĂ©s. Puis, celles de mon adolescence et de certaines amitiĂ©s quasi fraternelles, Ă  cette pĂ©riode de la vie oĂč l’on a plein de notes et plein de projets mais oĂč l’on manque d’audace, de confiance, de persĂ©vĂ©rance et de connaissances pour composer. Et oĂč l’on redoute plus les consĂ©quences de la matraque du jugement qu’on ne prĂ©voit les rĂ©ussites de nos tentatives.

Ann O’aro et Teddy Doris au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

On peut penser que je me contente de parler de moi. Je ne le crois pas. Je n’Ă©cris pas seulement pour moi. Mais aussi parce-qu’il le faut. Parce-que c’est mon tour du sort.

J’Ă©cris d’ailleurs cet article en rĂ©Ă©coutant le dernier album de Fally Ipupa, Formule 7. Et puis, on sait maintenant que, Ă©videmment, je suis allĂ© au concert d’Ann O’aro ce jeudi 14 mars 2024 au studio de l’ermitage, Ă  Paris. Les autres dates et les autres lieux de ses concerts prĂ©vus en 2024 ne m’ont pas laissĂ© d’autre choix.

Hormis ce concert du 14 à l’Ermitage, à Paris. Il restait possible de voir Ann O’aro sur scùne ailleurs en mars 2024 :

Le 17 Ă  Dunkerque. Le 19 Ă  Guyancourt. Le 21 Ă  Tourcoing. Le 23 Ă  Aubusson et le 26 Ă  Ljubliana, en SlovĂ©nie. Je serais bien allĂ© Ă  l’un de ces endroits mais pour des raisons pratiques, le plus simple, restait Paris.

Les dates de ses concerts mais aussi de ceux de DanyĂšl Waro sont aussi affichĂ©es sur le site du label Cobalt qui reprĂ©sente d’autres artistes rĂ©unionnais tels que Christine Salem, Zanmari BarĂ© et d’autres.

Ann O’aro, Teddy Doris, Brice Nauroy et Bino Waro au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

Je suis arrivĂ© au concert avec une bonne demie heure de retard avec ma place achetĂ©e en prĂ©vente sur internet : 15 euros et 50 centimes. Soit prĂšs de quatre fois moins que le concert de Tricky Ă  l’Olympia quelques jours plus tĂŽt. 

En entrant dans la salle de concert du studio de l’ermitage, Ann O’aro Ă©tait en train de chanter, accompagnĂ©e de ses musiciens :

Teddy Doris au trombone ; Bino Waro au roulĂšr, sati, pikĂšr, kayamn et Ă  la batterie et Brice Nauroy aux machines.

Le public Ă©tait posĂ©, majoritairement assis, trĂšs attentif. Il devait y avoir environ 200 personnes Ă  vue d’Ɠil (pour une capacitĂ© d’accueil de 250 personnes contre une capacitĂ© d’accueil de 4000 personnes pour l’Olympia).

L’ambiance et l’acoustique de la salle Ă©taient intimistes et trĂšs confortables. Je me suis tout de suite senti bien. J’ai aussitĂŽt tout effacĂ©. Les doutes. La recherche de la salle. La fatigue. Le trajet. Le retard. La routine. La chevrotine. La journĂ©e de travail le lendemain matin.

 

Voir Ann O’aro au studio de l’ermitage aprùs Tricky à l’Olympia ?

Ann O’aro et Teddy Doris, ce jeudi 14 mars au studio de l’ermitage. Photo©Franck.Unimon

Je me suis dit qu’ils Ă©taient proches tous les deux malgrĂ© ce que l’on pourrait estimer en prime abord. Tricky, “de” Bristol, plutĂŽt contrariĂ© par la notoriĂ©tĂ©, aimerait sans doute pouvoir se produire dans une salle comme le studio de l’ermitage. En Ă©coutant Ann O’aro, j’ai aussi pensĂ© Ă  la musicienne et compositrice bretonne Kristen NoguĂšs. 

Bien-sĂ»r, Ann O’aro existe par elle-mĂȘme et a ses propres inspirations et rĂ©fĂ©rences. Mais lorsque l’on est amateur de musique, on aime certaines fois imaginer que se rencontrent les ombres de certains artistes. Des rencontres entre des artistes qui ne se matĂ©rialisent jamais- ou parfois mal- par manque d’inspiration, d’Ă©poques ( Kristen NoguĂšs est morte depuis 2007) ou du fait d’une mauvaise entente et qu’il faut sans doute apprendre Ă  imaginer ou Ă  crĂ©er soi-mĂȘme.

Devant nous, nous avions peu Ă  imaginer. La voix d’Ann O’aro est trĂšs douce et forte. Elle s’empare de vous et chante comme un boxeur. Son chant part depuis ses pieds. Elle chante en emmenant tout son corps et en nous portant vers une…certaine tension Ă©motionnelle.

C’est ce que l’on appelle avoir une prĂ©sence. La prĂ©sence de celle qui s’approche et aussi de la sentinelle.

Je me suis dit qu’elle avait de quoi jouer dans un film ou au thĂ©Ăątre.

Ann O’aro et Teddy Doris, au studio de l’ermitage, ce 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

Son humour et son aisance, y compris au piano qu’elle a dĂ©sormais ajoutĂ© Ă  son usage des sorts- les sorts de l’enfance- sont aussi dĂ©concertants qu’insaisissables. Je me suis un peu demandĂ© :

« Comment fait-elle ? Â».

On aurait presque dit que c’était nous qui Ă©tions Ă  un enterrement (peut-ĂȘtre le nĂŽtre) tandis que, elle, et ses musiciens s’amusaient bien parce qu’ils le voulaient. Tandis que nous, hĂ© bien, nous restions trĂšs polis et trĂšs guindĂ©s sans faire de bruit de peur de dĂ©ranger ou de tĂącher en sortant de notre rĂ©serve militaire.

Soit parce-que nous n’avions jamais appris Ă  remuer et Ă  tinter au son de la musique ou parce-que nous Ă©tions intimidĂ©s et captivĂ©s par ce que nous voyions et entendions devant nous :

Nous avions un peu « peur Â» d’interrompre la sĂ©ance d’hypnose. Ou nous n’osions pas moufter connaissant les sujets chargĂ©s qu’elle abordait sous les dĂ©guisements aiguisĂ©s de sa voix apaisĂ©e.

Mon excuse Ă©tait que je prenais des photos. Mais j’imagine facilement ce que la mĂȘme musique jouĂ©e ce jeudi soir peut entraĂźner ailleurs ou dans un Kabar ( ou kabarĂ©), lĂ  oĂč l’on s’autorise Ă  danser plus vite que la lumiĂšre ne pense.

Nous avons Ă©tĂ© des privilĂ©giĂ©s d’assister Ă  ce concert. J’ai Ă©tĂ© content, aprĂšs le concert, de pouvoir parler un peu Ă  Ann O’aro et de poser pour la photo avec elle et Philippe Conrath qui dirige le label Cobalt.

Avec Philippe Conrath et Ann O’aro Ă  la fin du concert au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Merci Ă  la personne qui nous a pris en photo avec mon appareil.

Ann O’aro chante aussi dans le groupe Lagon Noir lors du festival Banlieues Bleue au centre culturel Jean à la Courneuve le vendredi 29 mars 2024 à 20h30.

Ce jeudi soir, elle a superbement clos son concert en nous chantant son titre Valval rouz ( si je ne me trompe) un de ses titres acapella, prĂ©sent sur son premier album.  

 

Franck Unimon, ce dimanche 17 mars 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ici s’achĂšve le monde connu un court mĂ©trage de Anne-sophie Nanki

Ici s’achĂšve le monde connu un court mĂ©trage de Anne-Sophie Nanki

Il y a quelques jours, j’ai fait le nĂ©cessaire pour regarder Ici s’achĂšve le monde connu de Anne-Sophie Nanki. Un court mĂ©trage d’une vingtaine de minutes. Les fictions rĂ©alisĂ©es et produites par des artistes de l’Outre-Mer, d’OcĂ©anie et d’Afrique que l’on peut voir assez facilement restent rares. Et ces productions sont trĂšs nettement dĂ©savantagĂ©es en termes de diffusion. Il est beaucoup plus facile et plus simple de trouver des salles de cinĂ©ma pour y voir quantitĂ©s de productions occidentales- pour simplifier– bien plus largement distribuĂ©es et aussi mieux annoncĂ©es.

Je suis amateur de cinĂ©ma mais j’ai beaucoup moins de disponibilitĂ© qu’auparavant pour aller chercher des films qui passent dans deux ou trois salles de cinĂ©ma, pour une durĂ©e trĂšs limitĂ©e,  et seulement Ă  certains horaires. J’opte donc rĂ©guliĂšrement pour la facilitĂ© qui consiste Ă  aller voir dans une salle ce qui est dĂ©jĂ  facilement visible ou plus ou moins visible devant moi. Dans des salles de cinĂ©ma que je connais et oĂč j’ai mes habitudes :

Je cherche moins qu’avant dans les « coins », dans les productions plus ou moins discrĂštes ou les festivals dont on parle beaucoup moins.

Mais pour Ici s’achĂšve le monde connu, je me suis obligĂ© Ă  aller contre certaines de mes habitudes de facilitĂ©s. Le titre et l’affiche du film, ainsi que quelques avis favorables aperçus, m’ont donnĂ© le coup de pouce pour franchir la ligne du regard.  J’ai regardĂ© Ici s’achĂšve le monde connu deux fois de suite. En ligne.  Je le regarderai peut-ĂȘtre encore Ă  nouveau tant qu’il sera disponible en ligne gratuitement. On pourrait penser que mettre un film en ligne le rend plus accessible. Mais c’est sous-estimer Ă  quel point nous pouvons ĂȘtre dispersĂ©s ou captĂ©s par diverses sollicitations visuelles. Comme le fait que nous pouvons aussi prĂ©fĂ©rer une certaine passivitĂ© Ă  l’image de ces personnes affalĂ©es dans un transat, canapĂ© ou  lit bercĂ©es par l’action de prendre aucune dĂ©cision. 

L’histoire de Ici s’achĂšve le monde connu se dĂ©roule en 1645. Nous sommes en 2024. En 2024, en France, de quoi nous parle-t’on le plus en ce moment ? :

Des agriculteurs français qui, Ă  nouveau, bloquent certaines routes et qui pourraient arriver jusqu’à Paris ?  Suspense Ă©crasĂ©. De la guerre en Ukraine qui s’enlise. De la possible rĂ©Ă©lection/rĂ©-Ă©rection assez « crainte » de Donald Trump aux Etats-Unis ?

De l’armĂ©e israĂ©lienne et des milliers de Palestiniens tuĂ©s en reprĂ©sailles Ă  l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023. Des migrants qui se noient en plein mer ou qui se font refouler ou expulser. Des Jeux Olympiques en France de 2024, c’est cette annĂ©e, dans six mois. De la nomination rĂ©cente de Gabriel Attal comme Premier Ministre Ă  la suite d’Elizabeth Borne et des dĂ©fis qui l’attendent en tant que nouveau chef du gouvernement, plus jeune Premier Ministre de France et premier homosexuel Ă  ce poste, qui devrait faire ceci, qui devrait faire cela pour plaire Ă  tout le monde sans trop gĂȘner le jeune PrĂ©sident Emmanuel Macron qui l’a choisi.  De Rachida Dati, figure -et alibi- politique psychopathe, revenue dans le dĂ©filĂ© de mode mĂ©diatique  nommĂ©e pour casser des bras et embarrasser l’adversitĂ© plus que pour la Culture pour laquelle elle  a Ă©tĂ© officiellement nommĂ©e Ministre. Du prix de l’électricitĂ© et de l’essence qui gonfle. De la crise immobiliĂšre.

En ce moment, en France, en 2024, c’est l’hiver. Il arrive qu’il fasse froid. Qu’il y ait de la neige. Certains partent faire du ski ou envisagent de le faire. D’autres ne le peuvent pas.

Il fait assez gris par moments. MĂȘme si les jours se rallongent, mĂȘme s’il y a des trĂšs bonnes sĂ©ries tĂ©lĂ©visĂ©es Ă  regarder et que nous sommes de plus en plus en symbiose avec nos tĂ©lĂ©phones portables et nos Ă©crans garants de notre photosynthĂšse personnelle, mĂȘme s’il y a encore les soldes, nous sommes dans une pĂ©riode de l’annĂ©e, voire de notre vie, passablement dĂ©primante ou tĂątonnante. Une nouvelle fois.

MĂȘme si l’on sourit et que l’on affirme que l’on a plein de projets, autour de nous et prĂšs de nous, il y a toujours beaucoup de personnes isolĂ©es et plus captives de leur destinĂ©e qu’elles n’en sont les grandes dĂ©cisionnaires. Et, l’on peut se dire ou murmurer quelques fois :

« C’était mieux avant
 Â».

La rĂ©alisatrice Anne-Sophie Nanki a dit dans une interview qu’elle aurait aimĂ© qu’on lui raconte des histoires comme celle de son film Ici s’achĂšve le monde connu. Son court mĂ©trage est bien vu par la critique et bĂ©nĂ©ficie de bons Ă©chos. L’acteur et rĂ©alisateur Jean-Pascal Zadi, qui a commencĂ© Ă  ĂȘtre plus connu depuis son  film Tout simplement noir ( Tout simplement Noir), dit beaucoup de bien de son film.

Ici s’achĂšve le monde connu a reçu plusieurs prix et a Ă©tĂ© prĂ©sĂ©lectionnĂ© dans la catĂ©gorie Meilleur court mĂ©trage pour les CĂ©sars 2024.  J’en profite pour saluer Claire Diao, qui, je le sais, Ɠuvre depuis des annĂ©es maintenant, avec les personnes qui travaillent avec elle, Ă  faire en sorte que le cinĂ©ma d’Outremer, d’OcĂ©anie et d’Afrique soit autre chose qu’un cinĂ©ma d’Outre-tombe.

Dans Ici s’achùve le monde connu, nous sommes en 1645. Il fait beau. Nous sommes dans les Antilles françaises, en Guadeloupe.

En Guadeloupe, Ă  Ste Rose, mais fin dĂ©cembre 2023. Je n’avais pas de photo de 1645 Ă  ma disposition. Photo©Franck.Unimon

Pas de Poutine. Pas de Chine. Pas de Donald Trump. Pas de Hamas. Pas d’armĂ©e israĂ©lienne. Pas de risque de guerre mondiale, de catastrophe nuclĂ©aire, de dĂ©clin Ă©cologique. Ibatali, une jeune femme enceinte jusqu’à l’os, une indigĂšne Kalinago, marche pĂ©niblement dans la forĂȘt. Elle s’enfuit.

Elle souffre, oui, mais elle est libre. Elle a Ă©tĂ© vendue Ă  14 ans comme esclave par son pĂšre Ă  des colons blancs. Elle part retrouver sa famille. Courageusement. Sans Mondial Assistance et sans transports en commun. Sans tĂ©lĂ©phone satellite.  

Ibatali doit avoir à peine la vingtaine et a conclu que la vie, pour elle, parmi les blancs, ce n’est pas pour elle. Pour elle, aussi, finalement :

C’Ă©tait mieux, avant…”. Avant la colonisation. Avant d’ĂȘtre vendue. 

Ibatali essaie de franchir une riviĂšre. Dans Le seigneur des anneaux, c’est en franchissant une riviĂšre magique, qu’Aragorn, presque dĂ©funt, rĂ©cupĂ©rĂ© Ă  cheval par celle qu’il va aimer, Ă©chappe aux crĂ©atures de mort qui les poursuivaient sur leurs Ă©talons. Ibatali, elle, glisse sur une roche et se rĂ©tame. Elle arrive sur le dos. Lorsqu’elle parvient Ă  se redresser, difficilement, elle aperçoit un homme noir Ă  moitiĂ© nu qui s’avance lentement dans l’eau vers elle un peu comme un serpent qui la regarde. Rien de comparable avec le portrait de l’ange Gabriel blond aux yeux bleus ou du coup de foudre que l’on peut avoir pour le prince charmant aperçu sur un site de rencontres. Ibatali prend une raclĂ©e mentale.  Autant dire qu’elle a peur. L’homme noir, c’est un film d’horreur aussi vivant qu’il respire. C’est le pire de l’HumanitĂ©.  Pire que l’esclavagiste et ses chiens. L’homme blanc, mĂȘme s’il peut ĂȘtre trĂšs violent, comme un alcoolique lorsqu’il a trop bu, appartient au moins Ă  une espĂšce supĂ©rieure et conquĂ©rante. Alors que l’homme noir…d’ailleurs, l’homme noir n’est mĂȘme pas un ĂȘtre humain. Pourquoi ai-je utilisĂ© le terme de « homme Â» ?

Parce-que j’étais en train de rĂȘver. Ou par conflit d’intĂ©rĂȘt.

Parce-que je suis un complice : Un « homme » noir.  Et parce-que depuis Ibatali et Olaudah (la « chose » noire nous donne son prĂ©nom et sa signification plus tard), beaucoup de femmes et d’hommes noirs ont accĂ©dĂ© Ă  certains enseignements tels que celui qui consiste Ă  se servir d’un clavier d’ordinateur afin de domestiquer et Ă©crire leurs pensĂ©es pour les faire paraĂźtre sur internet ( sur un blog !) dans une langue que le monde occidental blanc peut aussi comprendre et plus ou moins accepter (oui, oui, oui !).  Puisqu’il s’agit de la langue du monde occidental blanc (oui, oui, oui !).

D’esclaves et de migrants forcĂ©s, nous sommes devenus des citoyens intĂ©grĂ©s et plus ou moins acceptĂ©s selon les circonstances. Gabriel Attal, nouveau Premier Ministre en 2024, est peut-ĂȘtre jeune et homosexuel mais il est blanc et a fait les (trĂšs) bonnes Ă©coles qui mĂšnent au Pouvoir. Rachida Dati, notre nouvelle Ministre de la Culture, maire prĂ©cĂ©demment du trĂšs «pauvre » 7Ăšme arrondissement de Paris,  a beau avoir des origines sociales modestes et ĂȘtre Arabe mais c’est pareil. Elle, aussi, a fait les trĂšs bonnes Ă©coles. Et, comme Attal vraisemblablement,  elle se distingue par une aptitude stratĂ©gique hors norme et remarquable en termes de plan de carriĂšre qui ne s’apprend pas dans les Ă©coles. En comparaison, toutes mes annĂ©es de travail et mes Ă©tudes ont la valeur et la force d’un simple aĂ©rosol et, pour eux deux, je suis Ă  peu prĂšs l’équivalent d’une Ibatali ou d’un Olaudah. Bien-sur, si on les interrogeait, les deux affirmeraient le contraire mais ils peuvent mentir.

Ai-je aimĂ© Ici s’achĂšve le monde connu ? J’ai aimĂ© la rencontre entre un esclave d’origine africaine qui s’est enfui (ce que l’on appelle un NĂšgre marron)  et une reprĂ©sentante du peuple «premier », d’avant la colonisation. C’est peut-ĂȘtre ça qu’a voulu dire Anne-Sophie Nanki lorsqu’elle a dĂ©clarĂ© qu’elle aurait voulu qu’on lui raconte des histoires de ce genre :

Que s’est-il passĂ©, au moment de la colonisation,  quand un esclave africain ou une esclave africaine a rencontrĂ© une membre ou un membre du peuple premier ?

Car le peu que nous « savons Â», c’est que les Arawaks, les CaraĂŻbes, les Kalinagos ou d’autres auraient trĂšs vite dĂ©clinĂ© aprĂšs l’arrivĂ©e ( l’intrusion ?) des colons europĂ©ens. Qu’ils auraient succombĂ© aux maladies importĂ©es par les colons et leur « puretĂ© Â» ;  qu’ils n’auraient pas survĂ©cu Ă  l’esclavage ou qu’ils auraient Ă©tĂ© rapidement laminĂ©s par les armes. Ils auraient disparu ou se seraient Ă©vaporĂ©s rapidement comme dans un rĂȘve.

Mais c’est flou.

Des femmes et des hommes indigĂšnes ont continuĂ© d’exister pendant la colonisation des Antilles. Mais on a peu de rĂ©cits de cette pĂ©riode. Comme le dit le jeune enfant Ă  propos de sa mĂšre disparue qu’il n’a jamais connue dans le film Le Cheval venu de la mer rĂ©alisĂ© par Mike Newell en 1992 :

« Je n’ai pas image ».

Enfants des Antilles que nous sommes, nous n’avons pas d’images de cette Ă©poque de la colonisation oĂč, pourtant, pour nous, notre vie a dĂ©butĂ© par nos ancĂȘtres. Comme si nous Ă©tions nĂ©s et que nos parents n’avaient jamais pris et laissĂ© de photos d’eux et de nous, plus jeunes. Et que l’on Ă©tait dĂ©ja passĂ© directement Ă  l’ñge adulte lorsque l’on pu se regarder, pour la premiĂšre fois, dans un miroir.

Beaucoup de nos images et de nos histoires ayant Ă©tĂ© privĂ©es de tirages, on peut parler pour beaucoup de nos ancĂȘtres d’une existence entiĂšre soumise au tirage au sort :

 Â« C’est toi et ta chance
 Â».

 L’Histoire des Antilles a  d’abord Ă©tĂ© (d)Ă©crite par des descendants de blancs qui avaient d’autres prioritĂ©s et d’autres aspirations que les esclaves et les IndigĂšnes prĂ©sents en 1645 puis les annĂ©es suivantes :

 S’il Ă©tait demandĂ© Ă  Emmanuel Macron, Gabriel Attal, Rachida Dati, Poutine, Trump, et d’autres de raconter les Ă©vĂ©nements importants qui les auront marquĂ©s Ă  la fin de cette annĂ©e 2024, il est  certain qu’ils Ă©voqueront des sujets trĂšs diffĂ©rents de ceux auxquels je peux tenir dans ma vie personnelle de simple citoyen. Donc, si eux et moi avions Ă  Ă©crire de notre point de vue l’annĂ©e 2024 actuellement en cours, il est prĂ©visible que les contenus de nos ouvrages seraient trĂšs Ă©loignĂ©s les uns des autres. Mais ils pourraient, aussi, par endroits, se complĂ©ter de maniĂšre Ă©tonnante Ă  condition que ces personnes soient capables de sincĂ©ritĂ© et d’introspection. Ce qui reste Ă  vĂ©rifier. Car la capacitĂ© de sincĂ©ritĂ© et la capacitĂ© d’introspection sont sans doute incompatibles, sur le long terme, avec certaines fonctions de dirigeants mais aussi avec certaines carriĂšres.

Je crois que Anne-Sophie Nanki, elle, a rĂ©alisĂ© une Ɠuvre sincĂšre en se livrant Ă  une certaine introspection. Je prĂ©fĂšre d’ailleurs comprendre son intention Ă  travers ce film  de cette façon plutĂŽt que de le voir comme une Ă©niĂšme crĂ©ation antillaise oĂč on doit nous parler Ă  nouveau de l’esclavage et de ses consĂ©quences- rĂ©elles- sur notre descendance :

Etant donnĂ© que l’on ne nous dit rien Ă  propos de ce qui a pu se passer, humainement, lors de cette rencontre un peu du troisiĂšme type entre une personne africaine et une personne indigĂšne, mais aussi, avec un colon blanc europĂ©en, essayons d’imaginer comment c’était, comme cela a pu ĂȘtre.

Les rĂ©alisatrices et les rĂ©alisateurs de cinĂ©ma (ainsi que les auteurs et les artistes d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale mais aussi des enquĂȘteurs et des journalistes) passent leur temps  Ă  faire ça. A partir d’un fait rĂ©el, essayer de raconter ce qui a bien pu se passer dans l’intimitĂ© – et la tĂȘte- des gens.

Le dernier film de Todd Haynes, sorti rĂ©cemment, dont les critiques sont plutĂŽt bonnes, en est un exemple parmi beaucoup d’autres. Pour son May December, avec les actrices Natalie Portman et Julianne Moore, des actrices blanches et amĂ©ricaines (Natalie Portman est israĂ©lo-amĂ©ricaine) plus que reconnues, Todd Haynes, rĂ©alisateur Ă©galement reconnu (blanc et amĂ©ricain Ă©galement)  est parti d’une histoire rĂ©elle pour raconter « son Â» histoire et faire son film . Avec le concours et la subjectivitĂ© des actrices et des acteurs engagĂ©s dans le projet.

On peut penser ce que l’on veut de ce qui est montrĂ© ou affirmĂ© dans le film de Todd Haynes d’autant que celui-ci s’est inspirĂ© librement de la vie de deux personnes ( et de leurs proches) rĂ©elles qui avaient par ailleurs racontĂ© et fait publier leur histoire par Ă©crit. Mais en voyant ce film (je l’ai vu quelques heures aprĂšs avoir regardĂ© Ici s’achĂšve le monde connu) on peut se dire qu’il y a du « vraisemblable Â» dans May December. MĂȘme si je reproche Ă  Todd Haynes d’avoir fait un film finalement assez convenu oĂč la femme ( jouĂ©e par Julianne Moore), civilement plus mature et coupable d’un point de vue lĂ©gal et moral que son amant qui avait 12 ou 13 ans au dĂ©but de leur relation avant de devenir son mari, est quand mĂȘme pointĂ©e du doigt Ă  la fin du film comme il se doit.

J’ai prĂ©fĂ©rĂ© les autres films de Todd Haynes, perçu comme un rĂ©alisateur assez anticonformiste, et, pour moi, Natalie Portman, malgrĂ© toute son application, et son statut de comĂ©dienne encensĂ©e et oscarisĂ©e, reste une actrice plate, froide, trĂšs propre sur elle, et ennuyante. Soit tout le contraire d’une Julianne Moore, d’une Virginie Efira ou d’une Laure Calamy.

Les deux acteurs de Ici s’achĂšve le monde connu le jouent bien.  

Sauf un peu au dĂ©but oĂč il y a quelques accrocs dans le regard de Ibatali ( la comĂ©dienne Lorianne Alami Jawari). Ma prĂ©fĂ©rence va Ă  Olaudah ( le comĂ©dien Christian Tafanier) :

Le « sauvage ».

J’écris « Le sauvage » car c’est comme ça que Ibatali le voit. Et c’est comme ça que le colon blanc- ou autre- le voyait ou le voit encore.

 Anne-Sophie Nanki a voulu croire possible une telle rencontre plutĂŽt « moderne Â» oĂč un esclave en fuite se prĂ©occupe d’une femme enceinte, donc porteuse d’avenir. Dans Les fils de l’homme trĂšs bon film mal connu de Alfonso Cuaron (2006), la grossesse d’une jeune femme noire migrante reprĂ©sente l’espoir dans un monde moderne oĂč l’humanitĂ© est devenue stĂ©rile. Et le hĂ©ros, jouĂ© par l’acteur Clive Owen la protĂšge.

On pourrait voir le personnage de Olaudah comme une version avant-gardiste de Clive Owen. Sauf que l’on est dans un autre monde que celui de Les fils de l’homme.

Olaudah est clandestin, isolĂ© et menacĂ©. Les colons veulent sa peau. Et il n’y a pas de Garde des Sceaux favorable aux esclaves Ă  cette Ă©poque.

Dans le Django Unchained ( 2012) de Tarantino, Django, interprĂ©tĂ© par Jamie Foxx, est un esclave noir Ă  cheval libĂ©rĂ© et habile de la gĂąchette qui dĂ©sarçonne et dĂ©range le NĂšgre (extraordinairement bien jouĂ© par Samuel Jackson) fondu dans le modĂšle du Maitre  blanc ( trĂšs bien jouĂ© aussi par LĂ©onardo dicaprio ). Le film a un cĂŽtĂ© spectaculaire et excessif afin de conjurer l’accablement de cette Ă©poque ainsi que la honte et la culpabilitĂ© qu’ont  pu engendrer chez certains le rĂ©gime esclavagiste et la traite nĂ©griĂšre. C’est un film de “dĂ©tente” oĂč Django est intrĂ©pide mais aussi alliĂ© Ă  un blanc abolitionniste et aventurier qui sait se servir d’une arme. Soit des anomalies assez peu crĂ©dibles dans l’Ă©poque oĂč se dĂ©roule l’action mĂȘme si la guerre de SĂ©cession ( 1861-1865) couve et avec son issue la fin de l’esclavage.

Dans Ici s’achĂšve le monde connu, l’atmosphĂšre est plus rĂ©aliste et, aussi, plus tentaculaire. Nous sommes dans les dĂ©buts de la colonisation deux cents ans plus tĂŽt dans les Antilles françaises. L’ Etat français fait partie des Etats nĂ©griers et esclavagistes de l’Ă©poque. Une Ă©poque qui va durer deux bons siĂšcles. Soit bien plus longtemps que la durĂ©e de vie moyenne d’un ĂȘtre humain ordinaire. Il n’y a pas de super hĂ©ros. Il n’y a pas d’intervention d’une Force autre que celle dont disposent les protagonistes et qui s’accompagne de leurs Ă©motions, de leur audace et de leurs tĂątonnements.

Nous sommes enracinĂ©s voire enchevĂȘtrĂ©s dans le film. Nous marchons avec eux. Et le fait de laisser enfouis  Â« hors champ » les blancs colons fait partie des aimants du film. Non pour les ignorer et les exclure car ils font partie de l’Histoire de toute façon. Mais parce-que cela permet de plus se concentrer sur l’Histoire des « autres », ces astres que l’on ignore ou que l’on a ignorĂ©s. Parce-que cela permet de donner plus de place Ă  ces personnes qui, autrefois ( ou aujourd’hui ) occupaient et occupent majoritairement l’espace et que, pourtant, on ne voit pas ou que l’on voit trĂšs peu que ce soit dans nos miroirs ou dans nos images.

J’espĂšre que Anne-Sophie Nanki rĂ©ussira Ă  mener Ă  bien son projet de donner une version long mĂ©trage de son Ici s’achĂšve le monde connu

Franck Unimon, ce lundi 29 janvier 2024.

 

 

 

 

 

 

 

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La Pointe des Chùteaux, Guadeloupe, ce 25 décembre 2023.

La Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

La Pointe des Chùteaux, Guadeloupe, ce 24 décembre 2023.

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Enfant, lorsque nous descendions vers la station du bus 304 en passant devant le thĂ©Ăątre des Amandiers, Ă  Nanterre, il me fallait multiplier les pas pour diviser l’allure de ma mĂšre.

Je trottinais Ă  cĂŽtĂ© d’elle sans toujours connaĂźtre la destination.

Un jour, alors que nous chevauchions le macadam depuis plusieurs minutes et que nous nous rapprochions du but, la station de bus, ma mĂšre, aprĂšs m’avoir interrogĂ©, malgrĂ© mes rĂ©ponses et plusieurs hĂ©sitations, avait dĂ©cidĂ© de rebrousser chemin.

Elle n’était pas sĂ»re d’avoir bien fermĂ© le gaz dans la cuisine de notre appartement en partant. Nous avions dĂ» remonter jusqu’au sixiĂšme Ă©tage de l’immeuble.

 

Bien-sĂ»r, elle l’avait fait.

 

Enfants, nos parents sont les archers, mais aussi les cochers ainsi que les sillons de nos horizons. La cible, pour nous, et les moyens de l’atteindre, peuvent ĂȘtre assez flous. Mais nous suivons.

Quelques années et des milliers de kilomÚtres plus tard, je me retrouve ce 25 décembre 2023 avec ma mÚre ( Tuer des noix de coco ) à la Pointe des Chùteaux, en Guadeloupe.

Ma prĂ©cĂ©dente venue en Guadeloupe remontait Ă  2014 avec ma compagne et notre fille alors Ă  peine ĂągĂ©e de un an. Pour ce sĂ©jour, il m’importait de venir seul en tant que fils aĂźnĂ©. Mon pĂšre avait eu des ennuis de santĂ© assez prononcĂ©s quelques semaines plus tĂŽt. Ma mĂšre m’avait exprimĂ© son souhait que je puisse venir avant la fin de l’annĂ©e 2023.

Pour l’annĂ©e 2024, j’ai entre-autres le projet de retourner au Japon  aprĂšs mon premier sĂ©jour lĂ -bas en 1999. Et, cette fois, ce sera en bĂ©nĂ©ficiant du sĂ©jour organisĂ© par LĂ©o Tamaki, expert en AĂŻkido ( Dojo 5 , Les 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2Ăšme Ă©dition ), qui nous a prĂ©parĂ© des rencontres avec des Maitres d’Arts martiaux ainsi que la visite de lieux culturels Ă  forte valeur ajoutĂ©e.

Il m’Ă©tait nĂ©cessaire, mĂȘme si je retournerai bien-sĂ»r en Guadeloupe, d’aller voir mes parents avant ce nouveau voyage au Japon ainsi qu’Ă  toute autre destination oĂč je me rendrai.

Lors de ce court sĂ©jour en Guadeloupe chez mes parents que j’avais dĂ» reporter (Le mystĂšre du Covid : Covid et embolie pulmonaire) , je me suis fixĂ© deux endroits oĂč retourner :

La Pointe des Chùteaux et la plage de Raisins clairs à St François.

A la Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

Pourquoi la Pointe des ChĂąteaux et la plage de Raisins clairs ? C’est arrivĂ© comme ça.

Je dois Ă  J
ancien collĂšgue croisĂ© Ă  l’hĂŽpital de Pontoise dans les annĂ©es 90, un peu plus jeune que moi de deux ou trois ans et qui a grandi en France comme moi, de m’avoir fait dĂ©couvrir une petite partie de cette Guadeloupe touristique que j’ai longtemps mĂ©connue.

Au point de me retrouver en France dans des situations honteuses :

Je n’oublierai pas ce moment oĂč une « connaissance Â» toute contente d’apprendre que j’étais originaire de la Guadeloupe avait commencĂ©, enthousiaste, Ă  Ă©grener devant moi la liste de ces endroits magnifiques qui l’avaient Ă©merveillĂ©e durant ses vacances en Guadeloupe.

Je l’avais regardĂ©e comme un idiot censĂ© s’exprimer Ă  propos d’un tableau extraordinaire que tout le monde admire et qu’il n’a jamais vu. Ou comme un croque-mort en train d’assister Ă  l’expression exagĂ©rĂ©e d’un bon moment.

Si, quelques annĂ©es plus tard, J
m’avait quelque peu dĂ©niaisĂ©, j’avais nĂ©anmoins Ă©tĂ© surpris par la suite, en apostrophant mon pĂšre, de l’entendre se dĂ©fendre en CrĂ©ole de la façon suivante :

« Mais ce sont des endroits oĂč, mĂȘme moi, je ne suis jamais allĂ© !».

Mon pĂšre qui patrouillait sur les routes de la Guadeloupe durant deux mois, nous trimballant de temps Ă  autre sur la plage, pour rencontrer (beaucoup) de personnes dont un certain nombre  faisait mine de s’intĂ©resser Ă  nous quelques secondes ou de m’apprendre « Je t’ai vu quand tu Ă©tais tout petit
 » avant de recommencer Ă  discuter avec mon pĂšre comme si je n’avais jamais existĂ©, n’était jamais allĂ© au Saut de la LĂ©zarde !

Cela se trouve Ă  Petit-Bourg, commune oĂč il Ă©tait nĂ©, oĂč il avait grandi, oĂč il revenait passer une grande partie de ses vacances chez ses propres parents et oĂč j’avais passĂ© mes tous premiers jours de vacances en Guadeloupe en 1975.

A Ste-Rose, Guadeloupe, décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

« La Guadeloupe, c’est ton pays ! » m’avait pourtant plusieurs fois rĂ©pĂ©tĂ© mon pĂšre avant que, enfant, nous n’allions Ă  nouveau prendre l’avion avec la compagnie Air France pour deux mois de vacances estivales lors des congĂ©s bonifiĂ©s.

Entre 1975 et 1986, avec mes parents, aucun de nos sĂ©jours en Guadeloupe ne nous a menĂ© jusqu’à la Pointe des ChĂąteaux. Il est ainsi un certain nombre d’endroits plĂ©biscitĂ©s par les touristes ou les personnes un peu curieuses en Guadeloupe dont j’ai pu, parfois, entendre le nom, sans jamais y mettre les pieds.

Par contre, La plage de Raisins clairs, Ă  St François, est un de mes premiers souvenirs de plage ou peut-ĂȘtre mon premier souvenir de plage en Guadeloupe en 1975. 

Lorsque l’on vient de l’üle de la Basse Terre, comme mes parents, il faut faire un peu de route pour se rendre Ă  St François, commune situĂ©e en Grande Terre. C’est sĂ»rement possible en car mais le plus pratique reste la voiture. Il n’existe pas de ligne de RER,  de mĂ©tro,  de train ou de TGV en Guadeloupe. 

Sur le trajet, en s’approchant de la Pointe des ChĂąteaux, ce 25 dĂ©cembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

 Avec J, sa copine et d’autres 
nous Ă©tions partis de la commune de Morne Ă  L’eau. Ce 25 dĂ©cembre 2023, ma mĂšre et moi sommes partis de la commune de Ste Rose. C’est plus long. Une bonne heure de route. C’est peut-ĂȘtre pour cette raison que mon pĂšre a prĂ©fĂ©rĂ© rester Ă  la maison. On peut en effet avoir l’impression de partir pour le bout du monde.

Mais, cette fois-ci, pas de course-poursuite Ă  cĂŽtĂ© de maman puisque je conduis la voiture de mon pĂšre. D’ailleurs, c’est moi qui ai attendu ma mĂšre dans la voiture tandis qu’elle finissait de se prĂ©parer. Ainsi, elle a sans doute pu prendre le temps de s’assurer que le gaz Ă©tait bien fermĂ©. 

Maman, à la Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, ce 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Son sac Ă  main sous le bras, alors qu’elle regarde la Croix de la Pointe des ChĂąteaux, je n’ai aucune idĂ©e de ce Ă  quoi peut bien penser ma mĂšre. Et, si je sais que l’on peut apercevoir l’üle de la DĂ©sirade, j’ignore toujours la raison de cette Croix. J’ai mĂȘme appris la veille dans un guide touristique qui date de plusieurs annĂ©es- que m’a remis ma mĂšre- que la Pointe des ChĂąteaux serait le site touristique le plus visitĂ© de la Guadeloupe avec environ 500 000 personnes par an.

Cette forte affluence cause d’ailleurs des dĂ©gĂąts Ă©cologiques. S’il y a assez peu de voitures lorsque nous nous garons et que je trouve assez facilement une place de stationnement, je suis aussi Ă©tonnĂ© de voir un ou deux guichets touristiques oĂč l’on propose des promenades en kayak ou des randonnĂ©es. Je ne me rappelle pas de ça.

Etant donnĂ© l’heure de notre arrivĂ©e, prĂšs de 13 heures, et la chaleur, je propose d’abord de nous restaurer au restaurant La Saveur du soleil que je dĂ©couvre.

Mais la cuisiniĂšre n’est pas encore arrivĂ©e ou n’est pas encore revenue. Alors, nous partons pour la Croix, ma mĂšre et moi. Et, chemin faisant, je lui porte son sac et sa bouteille d’eau minĂ©rale.

Nous avançons tranquillement. L’endroit m’attire pour sa symbolique et son point de vue.

La Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Lorsque nous arrivons prĂšs de la Croix, il y a encore Ă  peine dix personnes. A l’aller comme au retour, nous y avons rencontrĂ© principalement des francophones, plutĂŽt adultes, et majoritairement blancs. Lesquels, dans leur ensemble, ont soit devancĂ© nos salutations soit nous les ont « rendues Â».

PrÚs de la Croix de la Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Quelques minutes plus tard, ma mùre et moi avons l’endroit pour nous deux. Si l’on peut sans doute s’y plaire en amoureux ou en famille, ou en tant que photographe ou artiste peintre, je trouve que l’on peut aussi aimer y venir pour se recueillir.

La Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Ce n’est qu’une fois en bas, que ma mĂšre m’apprendra que c’était la premiĂšre fois qu’elle montait jusqu’à la Croix de la Pointe des ChĂąteaux. Quelques annĂ©es plus tĂŽt, avec son club de randonnĂ©e, elle avait marchĂ© vingt kilomĂštres pour s’arrĂȘter au bord de la plage et apercevoir la Croix qui pointait Ă  l’horizon.

Devant moi, ce 25 dĂ©cembre 2023, ma mĂšre ne se rappelle pas la raison pour laquelle elle et son groupe de marche s’en Ă©taient tenus Ă  ce trajet. Peut-ĂȘtre que quelqu’un, dans le groupe, s’était-il soudainement rendu compte qu’il avait oubliĂ© de fermer le gaz chez lui ?

Point de vue depuis la Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

A notre retour de la Croix, entre-temps, la cuisiniĂšre de La Saveur du soleil a pu revenir. Nous commandons notre repas.

Si le service a Ă©tĂ© un petit peu long, j’ai Ă©tĂ© trĂšs agrĂ©ablement surpris par l’originalitĂ©, la quantitĂ© et la qualitĂ© de ce que nous avons mangĂ©. J’avais commandĂ© le dernier bokit Ă  la morue disponible. Ma mĂšre en avait pris un au poulet. Le bokit, servi Ă©galement avec une salade accompagnĂ© d’une trĂšs bonne vinaigrette, est croustillant et n’est pas en “plĂątre” ou gorgĂ© d’huile. Le poulet adressĂ© a Ă©tĂ© grillĂ© sur la braise. 

On nous a aussi servi une purĂ©e d’igname et de giraumon faite sur place. En dessert, nous avons eu une trĂšs bonne salade de fruits locale.

AprĂšs notre repas, je suis allĂ© fĂ©liciter le personnel. J’ai appris que La Saveur du Soleil existait depuis au moins une vingtaine d’annĂ©es, ouvert au dĂ©part par le pĂšre d’une des employĂ©es. Et que la carte visait Ă  essayer de renouveler la cuisine traditionnelle de la Guadeloupe.

Ensuite, nous sommes partis pour la plage de Raisins Clairs oĂč, muni d’un de mes masques d’apnĂ©e,  j’ai pu faire des bulles dans l’eau pour la premiĂšre fois depuis mon embolie pulmonaire, courant novembre.

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Franck Unimon, ce dimanche 21 janvier 2024.

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Tuer des noix de coco

La Guadeloupe, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

                         Tuer des noix de coco

Depuis mon retour de Guadeloupe, j’ai l’impression d’avoir une petite vie. Ainsi qu’une petite bite. Cela a commencĂ© dans l’avion, pendant le vol du retour, alors que je voyais la Guadeloupe parcheminĂ©e et Ă©lectrifiĂ©e de lumiĂšre s’éloigner tout en bas. Je ne crois pas que partir vivre en Guadeloupe me donnerait plus de virilitĂ©.

Et, je crois ĂȘtre suffisamment immunisĂ© contre la croyance qui consisterait Ă  idĂ©aliser tout le bleu que l’on peut y trouver.

Vue depuis la Pointe des Chùteaux, commune de Saint-François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Mais dans l’habitacle de l’avion suspendu dans l’air, alors que je regardais Ă  travers le hublot, je me trouvais Ă©videmment au chevet de mes pensĂ©es et de ma conscience. Dans un de ces moments, oĂč, telles des vagues, certains reflets de notre luciditĂ© nous parviennent puis repartent ou disparaissent si on les laisse faire. Si on l’accepte. Si on les rejette.

J’écris aussi pour essayer d’avoir une (plus) grande vie. Si j’ai eu l’impression d’avoir une petite vie, c’est sĂ»rement parce-que, soudainement, dans l’avion, je me suis aperçu que j’avais trop souvent pris soin de certaines conventions au dĂ©triment de mon inspiration et de mon intuition. Et, chaque fois que j’écris, j’essaie de remĂ©dier Ă  ce dĂ©tournement.

J’étais en train d’écrire, il y a quelques jours, chez mes parents, Ă  Sainte-Rose, lorsque devant le « studio » (plutĂŽt un F2 d’une bonne cinquantaine de mĂštres carrĂ©s), j’ai commencĂ© Ă  entendre un bruit rĂ©pĂ©tĂ© et plutĂŽt sec. MalgrĂ© mes dix sĂ©jours ici depuis mes sept ans, entre 1975 et 2023, je n’ai pas identifiĂ© ce bruit.

Citadin nĂ© et Ă©duquĂ© en rĂ©gion parisienne, je suis ce que mes compatriotes peuvent appeler un Moun Frans’ (  terme plutĂŽt mĂ©prisant au dĂ©part pour dĂ©signer celle ou celui qui est nĂ©(e)ou qui a Ă©tĂ© “fait(e)” en France ). J’avais sept ans la premiĂšre fois qu’en colĂšre, une mĂšre, Ă  Morne-Bourg, m’avait traitĂ© de Moun Frans’ pour une maladresse que j’avais dĂ» faire.

Depuis, j’ai transformĂ© cette expression de Moun Frans’…en Moon France. Cet article est dans la catĂ©gorie Moon France et Voyage de mon blog.  

Mais il y a aussi l’expression ” C’est un bounty ! ” que m’avait apprise un collĂšgue d’origine guyanaise. Aucun rapport avec les rĂ©voltĂ©s du Bounty. Le ou la bounty, c’est celle ou celui qui ne connaĂźt pas son pays ( ici, la Guadeloupe) :

Noir(e) Ă  l’extĂ©rieur et blanc/che Ă  l’intĂ©rieur. Une vraie lessive. Plus blanc/che que blanc/che.

Il y a aussi l’expression NĂ©gropolitain. Celui-ci n’a rien Ă  voir avec le Napolitain.

Il y a quelques jours, donc, alors que j’Ă©tais encore en Guadeloupe chez mes parents, le  Moun Frans’/ bounty/ nĂ©gropolitain que je suis qui Ă©tait occupĂ© Ă  Ă©crire sur son ordinateur portable a voulu, une fois de plus, en savoir plus. 

J’ai ouvert les portes en bois du studio.

C’était ma mĂšre, 75 ans, debout en haut d’un escabeau, son sabre (une machette) Ă  la main. Elle finissait de tuer (cueillir) une grappe de noix de coco. Mais aussi de nettoyer l’arbre.

Chez mes parents, fin dĂ©cembre 2023. On aperçoit sur la gauche l’arme du “crime” qui a servi Ă  tuer les noix de coco. Photo©Franck.Unimon

Je suis allĂ© la rejoindre. A peine trois mĂštres nous sĂ©paraient. J’étais restĂ© sur l’idĂ©e, dont elle m’avait informĂ© la veille, que ce matin, elle partirait faire de la marche Ă  5h30. J’avais oubliĂ© cette histoire de noix de coco dont elle m’avait parlĂ© un ou deux jours plus tĂŽt.

Ma mĂšre n’avait pas encore pris son petit-dĂ©jeuner tout comme moi. Dans la brouette se trouvaient une dizaine de noix de coco et une grappe de bananes poyo.

Les victimes vues de plus prÚs, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Elle est partie chercher des feuilles de patchouli. Et, en se servant d’eau de pluie qu’elle avait versĂ©e dans un seau, elle a lavĂ© les noix de coco « Car les rats montent dans l’arbre Â» m’a-t’elle expliquĂ©.

Alors qu’elle s’activait, debout et courbĂ©e devant moi, je lui ai demandĂ© :

« Tu ne t’assieds pas ?! Â».

Tout en continuant, elle m’a rĂ©pondu :

« Le banc est lĂ  -haut, dans la maison. De toute façon, je n’en n’ai pas pour longtemps
 Â». 

« Moi, aussi, je n’en n’ai pas pour longtemps
 Â». Je suis parti lui chercher le banc. Ma mĂšre s’est assise dessus sans rien dire avec un certain soulagement.

Nous avons continuĂ© de discuter tandis qu’elle s’affairait. L’aider ? Je l’aurais plutĂŽt ralentie.

Ensuite, ma mĂšre m’a montrĂ© des pieds de patchouli, de dafalgan, d’efferalgan. Je les ai sentis pour essayer de les retenir dans ma mĂ©moire.

En 2023, on opposait et on classifiait gĂ©nĂ©ralement les gens selon leur rĂ©ussite sociale et Ă©conomique, leurs caractĂ©ristiques culturelles, physiques et personnelles ou d’aprĂšs la plaque d’immatriculation de leur vĂ©hicule.

En 2024, ce sera identique.

Nous nous imprĂ©gnons tous des conventions que nous apprenons et voyons dans l’environnement dans lequel nous grandissons. Cela nous influence et contribue Ă  faire de nous, quel que soit notre Pouvoir et notre Savoir, des ĂȘtres plus ou moins performants, plus ou moins adĂ©quats, plus ou moins dĂ©sirables et plus ou moins heureux.

Maman, à la Pointe des Chùteaux, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Ma mĂšre, aide-soignante en rĂ©animation pendant des annĂ©es en rĂ©gion parisienne – jusqu’à son dĂ©part en prĂ©-retraite en 1999- a vĂ©cu en France un peu plus de trente ans tout comme mon pĂšre. Tous deux avaient une vingtaine d’annĂ©es lorsqu’ils ont quittĂ© leur Guadeloupe natale Ă  la fin des annĂ©es 60.

Ces gestes qu’elle a accomplis pratiquement devant moi, tuer des noix de cocos, les laver, elle ne les a pas appris à Sciences Po. Elle les avait appris bien avant que je n’entende ces mots de Sciences Po pour la premiùre fois.

Jamais, en France, je n’ai vu ma mĂšre et mon pĂšre tuer des noix de coco. Que ce soit devant notre immeuble HLM ou dans le jardin de ce pavillon de banlieue qu’ils avaient fini par acheter Ă  crĂ©dit Ă  Cergy-Pontoise au milieu des annĂ©es 80 en s’éloignant de trente kilomĂštres de la ville de Nanterre oĂč ils avaient continuĂ© de travailler. Elle, Ă  l’hĂŽpital et lui Ă  la Poste.

J’ai demandĂ© Ă  ma mĂšre :

– Qui t’a appris Ă  faire ça ? ».

– Je ne sais pas. Un frĂšre ou ma mĂšre. J’ai dĂ» voir faire quelqu’un. Quand tu vois faire, ensuite, tu essaies de faire pareil
..

– Tu avais quel Ăąge quand tu as appris ça ? .

– J’étais jeune
je devais avoir 10-12 ans
..

 

Ce que j’ai appris et ce que j’apprends me permet de l’écrire quand j’y pense. Mais pas toujours de l’appliquer ou de le vivre. EduquĂ© ou bien Ă©duquĂ©, je pourrai sans doute parler du livre Une soudaine libertĂ© de Thomas Chatterton Williams ou de Le CƓur sur la table de Victoire Tuaillon, le livre que j’ai le plus offert Ă  la fin de cette annĂ©e 2023. Mais cela ne me permettra pas de connaĂźtre l’usage d’un sabre et de tuer des noix de coco comme ma mĂšre ou mon pĂšre.

Bien-sĂ»r, par chez moi, en rĂ©gion parisienne et lĂ  oĂč je rĂ©side principalement, les cocotiers, s’il y en a, savent se tenir Ă  distance  de la connaissance et de la vue telles ces crĂ©atures fantastiques ou lĂ©gendaires dont on peut entendre parler.

Aussi, je n’ai pas une grande nĂ©cessitĂ© a priori Ă  apprendre Ă  me servir de cette machette fabriquĂ©e au BrĂ©sil (j’ai regardĂ©) utilisĂ©e par ma mĂšre afin de tuer des noix de coco.

On ne brille pas dans les soirĂ©es, sur une piste de danse, sur un plateau tĂ©lĂ© ou lors d’un casting en sachant tuer des noix de coco. On ne serre pas plus de meufs ou de mecs sur Insta, au travail ou Ă  un barbecue en rĂ©gion parisienne ou dans une autre ville de France parce-que l’on sait faire pousser des ignames jaunes, occire un cochon comme un de mes oncles paternels et faire du boudin avec.

Ces Savoirs ont par contre toute leur importance Ă  la campagne, en Guadeloupe et ailleurs, lorsque la recherche de la survie est au menu dans un milieu naturel, lors d’une guerre ou d’une catastrophe ou dans des Ă©missions ou des films grand public tels que Koh-Lantah ou Hunger Games. Ou lorsque des touristes ou des voyageurs sont de passage et viennent dĂ©couvrir « autre chose» qui les dĂ©payse. 

Sauf que chaque Savoir est entouré de ses croyances et de ses valeurs. De ses codes et de sa langue ou de son langage. Mais aussi de ses hameçons.

On peut se marrer devant certaines de ces croyances et de ces valeurs ou avoir du mal Ă  les avaler mais il me semble pourtant que c’est comme ça dans chaque rĂ©gion du monde, dans chaque microcosme, aujourd’hui comme demain.

ImprĂ©gnĂ© des valeurs et des croyances campagnardes et traditionnelles de ma famille aussi bien paternelle que maternelle, mĂȘme sans avoir jamais essayĂ© de faire pousser un igname ou de tuer une noix de coco, j’ai Ă©tĂ© formĂ© puis influencĂ© par elles lors de mes voyages et de mes rencontres depuis des annĂ©es.

Pour le meilleur et aussi pour le pire :

Il m’est arrivĂ© d’ĂȘtre mal inspirĂ© dans mes rencontres personnelles et intimes. Amicales comme amoureuses. Mais aussi pour prendre certaines dĂ©cisions de tout ordre.

Et, en buvant ce matin-lĂ , Ă  jeun, avant mon petit-dĂ©jeuner, l’eau d’une des noix de coco que ma mĂšre m’a ensuite tendu, puis en mangeant ensuite avec plaisir le lait qu’elle avait retirĂ© de plusieurs de ces noix de coco, j’ai, sans mĂȘme y penser, comme des milliards d’ĂȘtres humains en ce dĂ©but d’annĂ©e, renouvelĂ© le pacte qui me liait Ă  mes parents et Ă  mes origines familiales. 

Parce-que c’est d’abord eux qui m’ont appris ou montrĂ© comment vivre.

Ensuite, il faut grandir. Apprendre à lire et à ajuster ce que l’on a reçu.

Savoir transposer lĂ  oĂč l’on est ce que nos parents- et nos maitres comme nos modĂšles- nous ont appris et montrĂ© en se taillant si possible une vie sur mesure qui, d’une part, les rassure, mais aussi, nous permet les meilleures aventures.

Vue depuis la Pointe des Chùteaux, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce lundi 1er janvier 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Marcher pour ne pas mourir

Le journal ” Le monde” de ce lundi 13 septembre 2021.

      Marcher pour ne pas mourir

 

  • ça va ?
  • Non, ça ne va pas.

 

Elles étaient trois jeunes. Je dirais au plus, 25 ans. Accueillantes, volontaires, plutÎt mignonnes. Néanmoins, on peut avoir ces particularités et insuffler la mort dans les corps sans le vouloir.

 

Deux d’entre elles Ă©taient Ă©tudiantes en mĂ©decine. La troisiĂšme, Ă©tudiante en quoi ?

Elles Ă©taient probablement plutĂŽt bonnes Ă©lĂšves et, bien que rĂŽdĂ©es, assez faciles, sĂ»rement, Ă  dĂ©stabiliser. Je n’en n’ai pas profitĂ©.

 

Lorsque celle qui m’a fait m’asseoir m’a appris la « bonne nouvelle Â», Ă  savoir, qu’avant l’injection, elle allait me faire un test antigĂ©nique, j’ai dĂ©ballĂ© mes arguments contre cette mĂ©thode « barbare Â». J’avais dĂ©jĂ  fait deux tests antigĂ©niques en tant que cas contact cette annĂ©e. NĂ©gatif Ă  chaque fois. Une seconde sĂ©rologie Covid- effectuĂ©e il y a environ deux semaines- m’avait redit que si certaines personnes, aprĂšs avoir contractĂ© le Covid, avaient dĂ©veloppĂ© des dĂ©fenses immunitaires aussi fortes qu’une paire de poitrines nĂ©cessitant du 95 D, que les miennes Ă©taient aussi plates qu’une flaque d’eau.

 

Mais elle n’a eu aucune difficultĂ© Ă  me convaincre. Je savais que ces rĂ©sultats Ă©taient trop anciens et inappropriĂ©s. Et, aussi, qu’elle appliquait un protocole qu’elle se devait de suivre d’aprĂšs son instruction. Partir pour refuser un test antigĂ©nique ? Je m’étais fait une raison pour cette premiĂšre injection de Moderna. Alors, je suis restĂ© et elle m’a enfoncĂ© la tige.

 

  • ça va ?
  • Non, ça ne va pas.

 

A quelques mĂštres, ses deux « collĂšgues Â» sont restĂ©es silencieuses. Le rĂ©sultat est arrivĂ© trĂšs vite. Moins de deux minutes. A nouveau nĂ©gatif. Je peux l’écrire : ces derniers temps, il m’est arrivĂ© d’envier celles et ceux qui avaient attrapĂ© le Covid et qui avaient bien rĂ©cupĂ©rĂ© depuis. Car leurs dĂ©fenses immunitaires, si elles ne sont pas Ă©ternelles, sont « naturelles Â».

 

Cependant, on ne sait pas quelle tĂȘte on va faire en attrapant le Covid. Si nous allons connaĂźtre les neiges Ă©ternelles, garder des sĂ©quelles de cette embuscade ou, au contraire, bien nous en remettre.

 

Celle qui m’a fait l’injection avait des jolis yeux bleus AllĂ©luia Ă  la LĂ©onard Cohen. Cependant, aujourd’hui, on est habile pour s’inventer un profil avantageux.  Donc, je ne suis pas sĂ»r qu’elle Ă©tait vraiment ce qu’elle m’a dit ĂȘtre. Etudiante en quatriĂšme annĂ©e de mĂ©decine. AprĂšs m’avoir piquĂ©, elle m’a recommandĂ© de prendre du doliprane en cas de douleur. Je l’ai Ă©coutĂ©e tout en sachant que je n’en prendrais pas. J’ai du doliprane chez moi et j’en donne Ă  ma fille lorsqu’elle a de la fiĂšvre. Mais je prends le moins de mĂ©dicaments possible. C’est peut-ĂȘtre paradoxal pour un infirmier mais je crois que le repos, le calme, les Ă©tirements ou une activitĂ© plaisante et l’alimentation, ça aide vraiment. Et qu’il faut d’abord essayer ça avant de se prĂ©cipiter vers des mĂ©dicaments. Ou essayer d’en prendre le moins possible. Ne pas s’assommer d’avance. Ce soir, j’ai un peu mal au deltoĂŻde, peut-ĂȘtre un petit mal de la tĂȘte. Mais je suis fatiguĂ©. Je me suis couchĂ© un peu tard hier soir et je me suis levĂ© un peu tĂŽt ce matin.

 

AprĂšs l’injection, je suis restĂ© quelques minutes dans la salle d’attente Ă  envoyer des sms pour apprendre Ă  quelques personnes que j’avais reçu ma premiĂšre injection. Pendant que les jeunes femmes s’occupaient des personnes suivantes. J’ai entendu une femme d’une vingtaine d’annĂ©es, assez grande, s’avancer en disant :

 

« J’ai trĂšs trĂšs peur Â». Puis « Je suis en PremiĂšre annĂ©e de mĂ©decine Â». Il semble qu’en face, on se soit montrĂ© attentif et rassurant.

 

MĂȘme si comme l’a trĂšs bien compris une ancienne collĂšgue, et prĂ©sente amie, j’ai lancĂ©  « une bouteille Ă  l’amer Â» en adressant mon article Etre un mauvais exemple Ă  plusieurs personnes, je ne dirais pas avoir eu peur de me faire vacciner. C’est plutĂŽt du doute et de la mĂ©fiance. De la prudence, aussi.

 

Pourquoi cet endroit ?

 

 

J’ai choisi cet endroit Ă  Paris, un espace de santĂ© oĂč l’on trouve entre-autres une consultation en gynĂ©cologie, pour le vaccin Moderna.  Ou vaccin covid-19 ARNm- 1273 ( Spikevax ° de la firme Moderna).

 

 J’en avais assez d’entendre parler du Pfizer qui est le vaccin utilisĂ© par IsraĂ«l que la France copie pour sa politique sanitaire. Copier, cela veut aussi dire que l’on pense et anticipe moins. IsraĂ«l en est, je crois, Ă  une troisiĂšme dose de vaccin Ă  partir de 30 ans car le Pfizer a perdu de ses pouvoirs face au variant Delta.

Le Moderna, beaucoup moins utilisĂ© que le Pfizer, aurait des particularitĂ©s immunogĂšnes un petit peu supĂ©rieures. Je ne m’attends pas Ă  des miracles. Mais j’ai essayĂ© quelque chose.

 

Le Moderna est aussi le vaccin choisi par une de nos voisines, vaccinĂ©e dĂšs qu’elle l’a pu et qui s’en porte bien. Nous nous entendons bien avec cette voisine. Et je n’ai pas oubliĂ© qu’elle Ă©tait partante pour emmener Ă  notre fille Ă  une sortie culturelle nĂ©cessitant le passe sanitaire. Qu’elle avait Ă©tĂ© touchĂ©e qu’on le lui demande car c’était pour elle une grande marque de confiance. Sauf que, finalement, elle n’avait pas pu ĂȘtre disponible.

 

 

J’ai aussi choisi cet endroit parce qu’il ne ressemble pas aux vaccinodromes impersonnels que j’ai vu. Parce qu’il est dans un quartier oĂč j’ai de bons souvenirs. En tant que comĂ©dien sur scĂšne. En tant que spectateur. En tant que client dans un restaurant.

Dans le journal ” Le Figaro” de ce lundi 13 septembre 2021.

 

Pour y arriver, aprĂšs avoir pris le train et le mĂ©tro, j’ai tenu Ă  marcher. Dix Ă  quinze minutes de marche. Alors que j’aurais pu descendre Ă  une station de mĂ©tro plus proche. Avant de prendre le train pour Paris, j’avais achetĂ© trois journaux du jour, Le Figaro, Les Echos, Le Monde. J’avais aussi pris le journal gratuit qui est rĂ©apparu avec la rentrĂ©e. Dedans, j’ai lu ce que je pouvais qui se rapportait Ă  la pandĂ©mie, Ă  la vaccination anti-Covid. Je n’ai rien trouvĂ© qui m’aurait permis de me dĂ©sister. J’avais assez cherchĂ© et assez sollicitĂ© autour de moi pour renoncer une seconde fois Ă  cette vaccination. Pourtant, ce soir, mĂȘme si plusieurs personnes m’ont encouragĂ© vers cette action et m’ont fĂ©licitĂ© depuis, si cela m’a fait du bien, beaucoup de bien, je ne suis pas soulagĂ©.

 

Le sentiment d’avoir trahi

 

J’ai d’abord le sentiment d’avoir trahi. Ma compagne pour commencer, rĂ©solument contre. Pour elle, les vaccins anti-Covid actuels sont des « choses Â» Ă  bannir.

 

Mon meilleur ami, qui a contractĂ© le Covid il y a plusieurs mois et dont les dĂ©fenses immunitaires « poussent Â» le plafond,  qui m’avait conseillĂ© rĂ©cemment d’attendre quelques mois si je le pouvais.

 

Cette personne perdue de vue qui, en lisant mon article Etre un mauvais exemple, l’avait spontanĂ©ment partagĂ© et m’avait Ă©crit : « Je suis aussi un mauvais exemple Â». Son soutien m’a fait dĂ©couvrir le sentiment d’avoir dĂ©sormais une responsabilitĂ©, de par mon article, envers celles et ceux qui pourraient se reconnaĂźtre Ă  travers lui, Ă  travers moi. Et, moi, en partant me vacciner, je leur retirais en quelque sorte un « alliĂ© Â».

 

Et, dans une bien moindre mesure, j’ai un peu l’impression de ne pas avoir tenu compte de l’avis du mĂ©decin que j’avais sollicitĂ©  au sujet de ces vaccins actuels contre le Covid et qui m’avait rĂ©pondu :

 

« Peut-ĂȘtre que, finalement, on ne court pas de risque avec ces vaccins mais on manque de recul. Donc, si vous pouvez, attendez encore quelques mois qu’un vaccin dont on sera plus sĂ»r, arrive Â».

Il m’avait aussi appris avoir attrapĂ© le Covid en avril et m’apparaissait en pleine forme, dĂ©but septembre.

 

Pourquoi, moi « l’anarchiste Â» et le « rĂ©volutionnaire Â», ai-je changĂ© d’avis ?

 

Changer d’avis :

 

Autour de moi, aujourd’hui, je dĂ©nombre Ă©videmment bien plus de personnes  vaccinĂ©es contre le Covid qui se portent bien que de personnes non vaccinĂ©es. Le nombre ne fait pas tout. Et ce n’est pas la peur du mĂ©pris ou de la honte sociale qui m’a dirigĂ©.

 

Ces personnes vaccinĂ©es, que je connais, peuvent avoir des profils opposĂ©s. Mais aussi des personnalitĂ©s tranchĂ©es. Si l’on peut ĂȘtre une personne affirmĂ©e et affutĂ©e en refusant de se faire vacciner et en refusant le passe sanitaire, je peux aussi dire que parmi les personnes vaccinĂ©es contre le Covid que je connais, se trouvent des personnes toutes autant affirmĂ©es et affutĂ©es. Dans une fourchette d’ñge allant de 35-40 ans Ă  70 ans et plus. Je pourrais donc me satisfaire du fait que ces personnes se soient faites vacciner contre le Covid.

 

Sauf qu’il me reste des gros rĂ©sidus de doute. Tomber par hasard tout Ă  l’heure sur le post, sur Facebook, d’un ami qui affirme que la vaccination anti-Covid « aurait Â» causĂ© 40 000 morts en neuf mois d’aprĂšs telle ou telle source m’a bien-sĂ»r contrariĂ©. Et s’il avait raison ?

 

Relire aujourd’hui sur le site Prescrire.org dans l’article (datĂ© de ce 1er septembre 2021) intitulĂ© Effets indĂ©sirables connus mi-2021 des vaccins covid-19 Ă  ARN messager ( Covid-19 Des signaux confirmĂ©s et quelques signaux d’effets indĂ©sirables trĂšs rares ont Ă©mergĂ©, notamment des pĂ©ricardites et des myocardites. La RĂ©daction de Prescrire publie son analyse dĂ©taillĂ©e dans le numĂ©ro de septembre) m’a aussi contrariĂ©.

 

 

Je n’ai pas changĂ© d’avis pour pouvoir bientĂŽt retourner au restaurant, au cinĂ©ma, dans une salle de thĂ©Ăątre, dans la mĂ©diathĂšque de ma ville ou pour voyager. MĂȘme si je le ferai sans doute aprĂšs m’ĂȘtre fait vacciner.

MĂȘme si avec le rĂ©sultat de mon test antigĂ©nique d’aujourd’hui, je compte bien faire le « plein Â» de sorties qui me sont dĂ©sormais interdites sans passe sanitaire et sans test antigĂ©nique et PCR nĂ©gatif rĂ©cent. Je pense en particulier Ă  retourner au cinĂ©ma et dans « ma Â» mĂ©diathĂšque.

 

Le centre commercial CĂŽtĂ© Seine Ă  Argenteuil, grand ouvert ce lundi 13 septembre 2021. Alors qu’il faut continuer de fournir un passe sanitaire ou un test antigĂ©nique et PCR nĂ©gatif pour pouvoir entrer dans la mĂ©diathĂšque de la ville situĂ©e Ă  dix minutes Ă  pied de lĂ .

 

Je reste aussi critique envers le passe sanitaire et le projet de sociĂ©tĂ© qu’il dessine. Je crois qu’au pire, l’ancienne Ministre de la santĂ© AgnĂšs Buzyn, mise en examen pour « mise en danger de la vie d’autrui Â» et une mauvaise gestion de la pandĂ©mie du Covid l’annĂ©e derniĂšre, sera condamnĂ©e Ă  du sursis. Et qu’elle sera la principale part visible et condamnĂ©e des responsables de cette mauvaise gestion parmi les grosses « tĂȘtes de gondoles Â». Et que les autres se feront discrĂštes ou sauront si bien se faire dĂ©fendre que leur condamnation sera  faible ou inoffensive. Contrairement Ă  ce qui va  se produire Ă  partir de ce 15 septembre, dans deux jours, pour celles et ceux, employĂ©s, qui ne seront toujours pas vaccinĂ©s, ne serait-ce qu’une fois, contre le Covid.

 

Pour ces personnes, je m’attends Ă  ce qu’on les brutalise un peu plus que nous ne l’avons dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dans notre grande majoritĂ© depuis le dĂ©but de cette pandĂ©mie. En se cachant derriĂšre la loi :

 

« On vous avait prĂ©venu. Vous avez Ă©tĂ© informĂ©(e). Vous avez eu le temps de la rĂ©flexion. Maintenant, je suis obligĂ©(e )  d’appliquer la Loi. Ce n’est pas moi, c’est la Loi qui m’oblige Ă  vous dire de dĂ©gager et Ă  vous sanctionner !  Â».

 

Je crois qu’il va se produire beaucoup trop de « sale Â» Ă  partir du 15 septembre au prĂ©texte de la Loi. Car sitĂŽt que l’on octroie Ă  plus de personnes  un certain pouvoir rĂ©pressif, le pire, camouflĂ© ou un peu tenu en laisse d’ordinaire, s’exprime davantage. Je ne m’attends pas Ă  des ratonnades. Mais Ă  des dĂ©gradations morales, sociales et Ă©conomiques. A un accroissement de contrariĂ©tĂ©s et d’humiliations quotidiennes les plus diverses au motif que certaines personnes ne fourniront pas, en cas de contrĂŽle- et il y en aura de plus en plus Ă  partir du 15 septembre- le papier qu’il faut ; le QR Code attendu pour effectuer des dĂ©placements ou des actions qui, « autrefois Â», il y a encore deux mois, ne le nĂ©cessitaient pas.

 

C’est plutĂŽt ça qui m’a fait changer d’avis. Je n’ai pas envie de me mettre dans un Ă©tat d’hyper-vigilance pour des gestes quotidiens qui, jusqu’à il y a peu, allaient de soi comme le simple fait d’ouvrir un robinet pour avoir de l’eau.

Paris, lundi 13 septembre 2021.

La possibilitĂ© d’attraper le Covid m’a aussi fait changer d’avis. Car, Ă  partir du 15 septembre, j’ai l’impression que chaque fois qu’une nouvelle personne non vaccinĂ©e attrapera le Covid et sera hospitalisĂ©e que cela permettra de marteler que si elle avait Ă©tĂ© vaccinĂ©e, elle ne l’aurait pas attrapĂ©. Ou alors une forme bĂ©nigne. Il va se passer un peu de temps avant de devoir admettre que le « Tout vaccin Â» ne rĂ©soud pas tout contre le Covid. Au moins jusqu’à ce que les « nouveaux Â» traitements anti-Covid ne soient disponibles pour le plus grand nombre sur le marchĂ©. D’ici un mois ? Deux mois ? Trois mois ?

 

Gagner du temps

 

J’ai donc aussi changĂ© d’avis pour continuer de gagner du temps.  D’accord, pendant que je prends le temps de rĂ©flĂ©chir d’autres ont le temps de faire trois enfants et de les voir commencer Ă  faire des Ă©tudes supĂ©rieures puis de devenir grands-parents. Mais j’ai besoin de temps. Cet article, pour ĂȘtre Ă©crit, a besoin de temps. J’avais Ă©crit une premiĂšre version en rentrant de l’espace de santĂ© en m’abstenant de dĂ©jeuner. Puis, je suis parti chercher ma fille Ă  l’école. J’ai tout rĂ©Ă©crit ce soir depuis le dĂ©but. AprĂšs avoir fait faire ses devoirs Ă  ma fille. AprĂšs avoir dĂźnĂ©. AprĂšs lui avoir lu une histoire, ce qui n’était pas prĂ©vu, au moment du coucher. Yekrik ! Yekrak !

Paris, ce lundi 13 septembre 2021.

 

« Le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui Â». J’aime cette phrase. J’ai oubliĂ© qui en est l’autrice ou l’auteur.

 

Ma seconde injection aura lieu dĂ©but octobre si elle se fait. D’ici lĂ , nous devrions avoir d’autres informations concernant l’évolution de la pandĂ©mie mais aussi Ă  propos des effets des vaccins anti-Covid actuels. A cela s’ajoutent tous ces nouveaux traitements contre le Covid, par voie orale ou intraveineuse, mais aussi par voie intramusculaire, prĂ©vus pour cet « automne Â». Et, pour l’instant, je prĂ©fĂšre le traitement intramusculaire que j’ai reçu Ă  un traitement oral ou par voie intraveineuse.

 

Si je « fais Â» ma deuxiĂšme injection, je n’aurai en principe pas de rappel avant six mois. Ce qui nous amĂšne au mois d’avril 2022 oĂč je veux bien croire que l’on en saura plus sur la « sortie Â» Ă©ventuelle de la pandĂ©mie. Comme sur les traitements contre le Covid.

Argenteuil, ce lundi 13 septembre 2021. J’ai l’impression qu’il y a moins de tests antigĂ©niques et PCR pratiquĂ©s dans ce genre de tente qui fait dĂ©sormais partie du paysage. Ce sera bien lorsque ces tentes disparaitront.

 

Selon certains témoignages et affirmations

 

Bien-sĂ»r, si je suis mort d’ici lĂ  ou complĂštement bousillĂ© par la vaccination anti-Covid, tout cela n’aura plus d’importance pour moi. Je suis bien obligĂ© d’y penser puisque selon certains tĂ©moignages ou affirmations, ou explications, ces vaccins anti-Covid sont toxiques. Et, moi, j’en suis Ă  J+1 en terme d’expĂ©rience avec ce vaccin. Je ne sais pas ce qui va se passer ensuite. Or, selon certaines affirmations, une personne vaccinĂ©e contre le Covid aurait une espĂ©rance de vie de deux Ă  trois ans ensuite. En repartant du centre de santĂ©, je me suis donc imaginĂ© que la plus grande partie de ces personnes que je croisais dans la rue, se dĂ©plaçant, discutant entre elles ou assises Ă  une terrasse d’un cafĂ©, tomberaient toutes d’un seul coup, un beau jour, mortes. Et que ce serait pareil pour moi.

Paris, ce lundi 13 septembre 2021.

 

Je me suis aussi imaginĂ© qu’un jour, alors que j’aurais l’intention de me rendre dans une Ă©picerie, que je me retrouverais finalement dans un pressing puisque la vaccination, avec les nanotechnologies qu’elle comporterait, permettraient de me tĂ©lĂ©guider Ă  distance. Je voudrais voir tel film. HĂ© bien, non, « on Â» me forcerait Ă  aller voir tel film Ă  la place. Je voudrais faire la vaisselle, hĂ© bien non, « on Â» m’obligerait Ă  me rendre sur internet pour faire des achats. Je voudrais m’habiller de telle maniĂšre pour sortir, et, finalement, non, Ă  la place “on” m’imposerait de descendre dans les Ă©gouts.

Paris, lundi 13 septembre 2021.

 

 

Il y a bien-sĂ»r d’autres croyances et d’autres affirmations Ă  propos des vaccins anti-Covid. Je prĂ©fĂšre en rire un peu. Comme le fait que notre tĂ©lĂ©phone puisse ĂȘtre aimantĂ© Ă  l’endroit oĂč le vaccin nous a Ă©tĂ© injectĂ©. Je n’ai mĂȘme pas eu envie de faire le test. C’est plutĂŽt ma compagne qui m’a incitĂ©. Alors, devant elle, j’ai pris mon tĂ©lĂ©phone et l’ai posĂ© contre ma peau. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois. Il est retombĂ© Ă  chaque fois. J’allais continuer lorsqu’elle m’a dit que ce n’était pas la peine. Puis, ma compagne en a dĂ©duit que mon vaccin Ă©tait peut-ĂȘtre « un placebo Â». Je lui ai rĂ©pondu :

 

« Quelle que soit la situation, de toute façon, il y aura toujours une explication Â».

 

Ma compagne m’a “prĂ©dit” une troisiĂšme puis une quatriĂšme injection. Autant prĂ©dire une troisiĂšme et une quatriĂšme guerre mondiale. Je ne peux pas lui donner tort. Le monde va mal.  Je pense aussi que le nombre d’injections de vaccins contre le Covid va augmenter. Et cela ne m’emballe pas du tout.

Lorsque je lui ai dit que j’avais toujours des doutes, elle m’a objectĂ©, presqu’assassine :

 

« En gĂ©nĂ©ral, quand on a des doutes, on s’abstient ! Â».

« C’est ce que je fais, en gĂ©nĂ©ral, oui. Mais j’ai fait ce que j’avais Ă  faire Â». Puis, j’ai ajoutĂ© :

« Vu qu’il me reste maintenant deux Ă  trois ans Ă  vivre, regarde moi bien. Parce-que bientĂŽt, je ne serai plus lĂ  Â». Cela l’a fait un peu rire.

 

S’il me reste effectivement deux Ă  trois ans, au mieux, Ă  vivre avec ce vaccin, je me demande ce que je pourrais bien faire durant ces deux Ă  trois ans. Me faire plaisir sĂ»rement. En attendant, lorsque ma mĂšre a appris que j’avais reçu ma premiĂšre injection, elle m’a Ă©crit par sms qu’elle allait aussi se faire vacciner. Et que mon pĂšre suivrait sĂ»rement ensuite. Sa rĂ©action m’est alors apparue Ă©vidente. Pourtant, je ne l’avais pas du tout prĂ©vue.

 

 

Lorsque j’ai eu quittĂ© le centre de santĂ© ce matin, ça klaxonnait dans la rue. Un camion arrĂȘtĂ© bloquait la rue. A pied, j’ai facilement pu passer. J’ai tenu Ă  retourner Ă  la gare St Lazare en marchant.  J’ai pris quelques photos sur le trajet. Regarder pour vivre. Marcher pour ne pas mourir.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 13 septembre 2021.

 

 

 

 

 

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Qui ĂȘtes vous ?

Piscine de Roubaix, juillet 2019.

Qui ĂȘtes-vous ?

 

La premiĂšre fois, c’était Ă  la mĂ©diathĂšque. Je venais d’arriver dans la ville. M
une bibliothĂ©caire, partie Ă  la retraite il y a quelques annĂ©es, m’avait parlĂ© de lui. De ce professeur de percussions d’origine antillaise, au conservatoire. C’était en Avril ou Mai 2007. La jeune Alisha ( Marche jusqu’au viaduc )Ă©tait alors bĂ©bĂ© ou pas encore nĂ©e. Ses deux futurs camarades et  meurtriers qui , le 8 mars 2021, la piĂ©geraient, la tabasseraient et la jetteraient dans la Seine, Ă  Argenteuil, prĂšs du viaduc sous la A15, Ă  une vingtaine de minutes Ă  pied depuis chez moi, devaient alors Ă  peine marcher. Bien-sĂ»r, en 2007, j’ignorais tout de cette future histoire. J’avais bien d’autres histoires en tĂȘte que j’ai aujourd’hui oubliĂ©es pour la plupart.  

 

En 2007 ou 2008, j’étais allĂ© le rencontrer au conservatoire. Et, nous avions sympathisĂ© et discutĂ©. Il m’avait parlĂ© de son Maitre, Mamady Keita, dĂ©cĂ©dĂ© ce mois de juillet 2021 soit quelques semaines avant Jacob Desvarieux ( J’ai revu quelqu’un…). Par la suite, j’avais bien pris un ou deux cours de djembĂ© avec lui. Mais je suis peu douĂ©. Je rĂȘve bien mieux la musique que je ne la joue. Je n’ai pas de bonnes mains ni les oreilles et le cerveau ou la patience et l’intelligence qu’il faut devant un instrument de musique. Ainsi que la constance et la consistance nĂ©cessaires Ă  l’épuisement de mes dĂ©fauts.

 

Par contre, j’écris comme d’autres jouent de la musique ou pratiquent un art martial ou de combat. A jeun. Au rĂ©veil. A peu prĂšs Ă  n’importe quelle heure. De maniĂšre rĂ©pĂ©titive.

 

MĂȘme si mes articles sont ratĂ©s, mauvais, transportent des idĂ©es claironnĂ©es dans le dĂ©sert ou donnent sur des impasses, cela ne me dĂ©courage pas. Je vais recommencer. Je vais repartir. Je ne peux pas faire autrement. Cela a peut-ĂȘtre Ă  voir avec le fait qu’écrire me vient de ma jeunesse et que j’y ai concentrĂ© ce qu’il m’en reste.

 

Parler, c’est difficile. On peut raconter des histoires Ă  l’oral mais il faut une bonne voix. Ou bien savoir s’en servir. La mienne ne porte pas. Elle endort et se mĂ©lange dans les dĂ©tails, bĂ©tails incontrĂŽlĂ©s rapidement hors de portĂ©e des fusils de l’attention de l’auditoire. Un auditoire a besoin d’ĂȘtre captif. Pas de se dissĂ©miner en partant Ă  la chasse d’un fou qui court partout en mĂȘme temps. 

 

Un fou, contrairement Ă  ce que l’on croit, ça Ă©coute. Ça Ă©coute tout. Trop. Et ça croit beaucoup, aussi. C’est pour cela qu’il est fou. Il y a des gentils fous et des mĂ©chants fous.

 

Lorsque je lui ai envoyĂ© un sms hier soir, cela faisait plusieurs mois que je ne lui avais pas parlĂ©. La derniĂšre fois, c’était quelques jours ou quelques semaines avant qu’il ne prenne sa retraite du conservatoire de musique. Si j’étais plus allĂ© le voir de temps en temps de façon amicale et en amateur de musique, j’avais aussi pris la prĂ©caution d’emmener ma fille le voir deux ou trois fois. Elle devait avoir deux ou trois ans, lorsque, entre deux cours, alors qu’il Ă©tait disponible, pour elle, il avait jouĂ© quelques airs au djembĂ©. Plus tard, toujours entre deux cours, ou entre deux tours, il l’avait faite jouer un peu et lui avait donnĂ© une petite initiation musicale.

 

Mon sms Ă  peine envoyĂ©, hier soir j’ai reçu sa rĂ©ponse par sms :

 

« Qui ĂȘtes vous ? Â». Puis, j’ai vu qu’il avait essayĂ© de me joindre. J’ai dĂ©cidĂ© de le rappeler. AprĂšs que je me sois prĂ©sentĂ©, il m’a presque engueulĂ©.

 

« Pourquoi tu m’envoies un sms au lieu de m’appeler ?! Tu m’envoies un truc, il faut que je clique sur un lien ! Avec toutes les arnaques qu’il y a par tĂ©lĂ©phone ! Â».

 

Je lui ai expliquĂ© que je n’étais pas trĂšs disponible pour discuter. Il m’a rĂ©pondu :

 

« Y’a pas de problĂšme ! Â».

 

Trente minutes plus tard, nous Ă©tions encore au tĂ©lĂ©phone. Il m’a appris qu’il continuait de donner des cours de musique dans une association oĂč il enseignait depuis vingt ans. Il approche des 70 ans.

 

Il m’a appris comment, pendant plus de vingt ans, il avait fait deux heures de route Ă  l’aller, deux fois par semaine, pour se rendre au conservatoire oĂč je l’avais rencontrĂ©. Et comme il arrivait fatiguĂ© avant mĂȘme de commencer Ă  donner ses cours. Mais, aussi, lĂ  oĂč il avait commencĂ© Ă  donner des cours dans la ville avant d’ĂȘtre embauchĂ© au conservatoire.

 

Parce qu’un fou, ça sait interroger et faire parler les gens.  Parce qu’un fou, ça permet Ă  un autre fou de livrer une part de sa folie. Parce qu’entre fous, on se reconnaĂźt, on se comprend et on se fait confiance. On se livre peu face Ă  quelqu’un dont la folie correspond assez peu aux valeurs et aux dĂ©tours de la nĂŽtre.

 

Un professeur de conservatoire, c’est souvent une personne ou un professionnel, dont on imagine trĂšs peu la vie. A moins de le connaĂźtre. Sauf s’il en parle. Parce qu’en gĂ©nĂ©ral, un professeur de conservatoire enseigne une discipline si rigoureuse que l’on a d’autres prioritĂ©s que d’aller renifler son derriĂšre afin de savoir ce qu’il a mangĂ©, quand et avec qui. Mais, lui, m’a toujours parlĂ© de quelques unes de ses expĂ©riences.

 

Hier soir, j’ai donc entendu qu’il avait Ă©tĂ© batteur Ă  Pigalle pendant cinq ans dans un orchestre entre 1979 et 1984. Il m’a dĂ©crit une ambiance de Far west et dit que s’il Ă©crivait un jour un livre, il raconterait ça plutĂŽt que ce qu’il a pu apprendre des gens au travers de ses Ă©lĂšves du conservatoire. Moi, j’aurais bien aimĂ© qu’il raconte aussi ce qu’il avait vu au conservatoire.

 

Far West Ă  Pigalle ou histoires de conservatoire, deux histoires et deux mondes s’opposent. Je n’ai pas pĂ» m’empĂȘcher de penser qu’un Ă©diteur ou un producteur de film opterait pour le Far West Ă  Pigalle. C’est plus vendeur. C’est plus attractif.

 

Mais ça m’a fait rĂ©flĂ©chir.

 

Parfois, nous racontons des histoires parce que ce sont celles qui nous ont le plus marquĂ©es et elles sont marquantes. Ce faisant, nous dĂ©laissons d’autres histoires qui finissent par disparaĂźtre. Alors qu’elles sont peut-ĂȘtre aussi marquantes que les autres que nous retenons ou prĂ©fĂ©rons. Qui suis-je pour croire et dĂ©cider qu’une histoire vaut autant ou plus qu’une autre ?

 

Un fou et un auteur.

 

Franck Unimon, ce samedi 14 aout 2021.

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J’ai revu quelqu’un…

CathĂ©drale d’Amiens, juillet 2021.

                                           J’ai revu quelqu’un
.

 

Il y a quelques jours, j’ai revu quelqu’un. Ce n’était pas dans une Ă©glise. Je l’avais appelĂ© il y a quelques mois. Nous avions discutĂ©.

 

Il ne me connaissait pas.

 

Je lui avais donnĂ© mon nom et le prĂ©nom de ma mĂšre qu’il aurait dĂ» connaĂźtre. Il ne se souvenait pas d’elle.

 

Alors, j’avais sorti d’autres prĂ©noms et d’autres noms du jeu de cartes de ma mĂ©moire. Parmi eux, un certain nombre de carrĂ©s d’as. Il connaissait bien ces cartes. C’était bien lui que j’avais rencontrĂ© il y a plus de trente ans. J’avais croisĂ© sa mĂšre, aussi. Une petite femme pleine d’autoritĂ© qui connaissait ma mĂšre et me saluait.

 

AprĂšs quelques minutes, il s’était excusĂ©. Il avait du travail. Je n’avais pas insistĂ©. Mais j’avais Ă©tĂ© un peu contrariĂ© que ce simple Ă©change lui suffise.

 

Nous nous sommes finalement vus il y a quelques jours. Quand il s’est approchĂ©, Ă  petits pas vers moi, nous nous sommes regardĂ©s. C’est plus par dĂ©duction que nous avons compris qui nous Ă©tions. Lui et moi Ă©tions dĂ©tendus. J’étais assis, lui, debout face Ă  moi. Autour de nous, les personnes prĂ©sentes sont devenues transparentes et silencieuses bien qu’elles aient continuĂ© Ă  parler entre elles Ă  voix haute.

 

Lorsqu’il a enlevĂ© son masque anti-Covid, je ne l’ai pas reconnu. Je suis pourtant assez physionomiste. Mais, Ă  part les yeux et le regard peut-ĂȘtre, dans la rue, je serais passĂ© Ă  cĂŽtĂ© de lui. Il avait le crĂąne rasĂ©. Avait minci. Une petite moustache taillĂ©e. Et portait la marque autour du cou de celles et ceux qui ont Ă©tĂ© gravement malades et pour lesquels une chirurgie lourde avait Ă©tĂ© nĂ©cessaire. Un cancer Ă©tait passĂ© par lĂ . J’avais aussi appris qu’il avait Ă©tĂ© de celles et ceux qui avaient attrapĂ© le Covid cette annĂ©e, en mars-avril. Il avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© plusieurs semaines puis avait repris.

 

De lui, j’avais le souvenir d’un homme trĂšs assurĂ©, trĂšs bon professionnel. Qui savait ce qu’il faisait. C’était ce qui Ă©manait de lui. MĂȘme si nous n’avions pas vraiment passĂ© de temps ensemble, il avait Ă©tĂ© un peu un modĂšle pour cela.

 

Un jour, il y a plus de trente ans, s’adressant Ă  quelqu’un que je devais connaĂźtre il avait dit, trĂšs content :

 

« Tu veux voir ma caisse ?! Â». A cette Ă©poque, tout juste adulte, je n’avais pas le permis. J’étais Ă  cet Ăąge oĂč, avec les premiers salaires, la voiture, les copains et les copines, on sort la nuit et on « profite Â» de la vie. J’avais tout Ă  apprendre pratiquement.

 

Nous avons repris nos marques en reparlant du passĂ©. Nous avons Ă©changĂ© Ă  nouveau des noms et des prĂ©noms inconnus Ă  notre entourage immĂ©diat. Alors que parmi ces collĂšgues immĂ©diats se trouvaient vraisemblablement des personnes qui le connaissaient intimement depuis des annĂ©es, maintenant.  Et, moi, le « nouveau Â», celui qui faisait moins que son Ăąge, j’arrivais avec ça.

 

Lorsque j’ai mentionnĂ© la date de notre derniĂšre rencontre, 1989, le collĂšgue avec lequel je venais de terminer une deuxiĂšme nuit de travail de suite, un « nouveau Â» comme moi, mais un petit peu plus ancien dans le service, s’est exclamĂ© :

 

« En 1989, j’avais deux ans ! Â».

 

Ma fille a dĂ©sormais un peu plus que deux ans. Tout Ă  l’heure, avec elle, j’ai de nouveau regardĂ© quelques vidĂ©os de Jacob Desvarieux, l’un des fondateurs du groupe de Zouk Kassav’, dĂ©cĂ©dĂ© il y a quelques jours.

J’en ai parlĂ© dans un de mes articles rĂ©cents intitulĂ© : Jacob Desvarieux. Dans mon blog, on trouvera d’autres articles relatifs Ă  Kassav’ dans la catĂ©gorie Moon France.

 

Sur Youtube, je suis tombĂ© sur cette vidĂ©o de quelques minutes lors de l’enterrement de Jacob Desvarieux. Quatre hommes en costume portent son cercueil et se mettent Ă  zouker sur un de ses  titres : KavaliĂ© O Dam. ( Pour ĂȘtre plus exact : ces quatre hommes dansent le quadrille dans sa version crĂ©ole)

Ma fille Ă©tait assise sur mes genoux alors que nous regardions ça. J’ai trouvĂ© ça beau ! ça m’a…touchĂ©. Et encore plus parce-que je pouvais regarder ça avec ma fille.  Elle m’a demandĂ© oĂč Ă©tait Jacob Desvarieux, ou, pourquoi il Ă©tait dans le cercueil. Je lui ai alors rĂ©pondu :

« Parce qu’il est mort Â».

En regardant cette vidĂ©o, j’aurais aussi bien aimĂ© ĂȘtre le dĂ©funt qu’ĂȘtre Ă  la place d’un de ces quatre hommes qui portent le cercueil.  

 

Sur une autre vidĂ©o, un homme interrogĂ© a dit ce que la mort de Desvarieux lui faisait. On aurait dit un pĂȘcheur d’une soixantaine d’annĂ©es. Il s’est exprimĂ© en CrĂ©ole. J’ai pris l’initiative de traduire ses propos Ă  ma fille
  jusqu’à ce qu’elle me fasse comprendre que cela l’agaçait. Je lui ai alors demandĂ© en souriant :

« Ah, bon ! Ou KonĂšt PalĂ© KrĂ©yol ?! Â» (« Ah, bon, tu sais parler CrĂ©ole ?! Â»).

 

Je fais attention Ă  l’usage du CrĂ©ole avec ma fille. Afin qu’il ne soit pas un geste de colĂšre. Je le parle mal mais je sais ce qu’une langue peut crĂ©er en soi de sensible. Et je le rĂ©serve Ă  des moments agrĂ©ables avec elle. Lecture de contes. Quelques formulations.

 

Le dĂ©cĂšs de Jacob Desvarieux a Ă©tĂ© une bonne occasion, de plus, de filer la langue crĂ©ole sur le comptoir de ces instants vĂ©cus avec ma fille. Si je le pouvais, je parlerais aussi le CrĂ©ole rĂ©unionnais et haĂŻtien en plus d’autres langues. Dont L’Arabe et le Japonais.

 

J’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ©, en Ă©voquant devant mon collĂšgue masquĂ© certains prĂ©noms et noms d’anciens collĂšgues avec lesquels il avait travaillĂ© directement, qu’il martĂšle plusieurs fois, ce verdict :

 

« Il est mort ! Â».

 

Au point que j’ai fini par lui dire, presque Ă©tonnĂ© :

 

« Mais, on finit par mourir un jour, de toutes façons ?! Â».

 

Il m’a regardĂ© en silence, comme s’il disposait d’un plan secret pour Ă©viter ça. Mais qu’il le gardait pour lui. Ou qu’il Ă©tait encore trop tĂŽt pour en parler. J’ai alors compris la raison pour laquelle il reculait la date de son dĂ©part Ă  la retraite prĂ©vu initialement pour cette annĂ©e.

 

Je ne suis pas fort. Mais je trouve que l’on fait aussi toute une histoire avec la mort. C’est ce que je me suis dit en regardant ces quelques vidĂ©os sur Jacob Desvarieux. J’avais oubliĂ© de parler de ses solos de guitares qui, lors des concerts de Kassav’, Ă©taient un passage obligĂ©. Et, personne ne s’en plaignait.

 

Afin de coller Ă  notre Ă©poque, j’ai aussi pris le temps de regarder avec ma fille quelques vidĂ©os de Billie Eilish. Ce sera peut-ĂȘtre son futur d’adolescente. Billie Eilish doit aujourd’hui avoir Ă  peu prĂšs l’ñge que j’avais lorsque j’avais rencontrĂ© mon aĂźnĂ© Ă  la Maison de Nanterre, vers le milieu ou Ă  la  fin de mes annĂ©es d’études d’infirmier. C’Ă©tait aussi la pĂ©riode oĂč Kassav’ et le Zouk, d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, dĂ©bordaient aux Antilles. 

 

J’ai Ă©tĂ© un peu gĂȘnĂ© par quelques postures et images de la demoiselle Elish. Pour ma fille qui est encore en dessous de l’Ăąge de l’adolescence.

J’ai compris assez facilement ce qui peut expliquer le succĂšs de la jeune femme (Billie Eilish) :

La maitrise de l’image et du son. Certaines provocations et mimiques Ă  connotation sexuelle ou sensuelle ou comment titiller les tĂ©tons et les limites. Le style vestimentaire. La voix Ă©raillĂ©e et supportĂ©e par la technique. L’énergie spĂ©cifique Ă  cet « Ăąge Â» de la vie. Les thĂšmes interprĂ©tĂ©s comme artiste et personne plutĂŽt que comme une victime claustrĂ©e. Le fait aussi qu’elle chante en Anglais. Dans l’article consacrĂ© Ă  Desvarieux et Kassav’, j’ai appris tout Ă  l’heure que des pressions avaient Ă©tĂ© exercĂ©es sur le groupe afin qu’il chante…en Français. Comme La Compagnie CrĂ©ole. Cette volontĂ© comme ce projet sont pour moi inconcevables. MĂȘme si je sais qu’une artiste comme l’Islandaise Björk a aussi dĂ» son succĂšs international Ă  l’usage de l’Anglais ( comparativement Ă  l’artiste Mari Boine); ou que Bob Marley a dĂ» transposer ses idĂ©es depuis son argot jamaĂŻcain Ă  travers le garrot d’une langue anglaise plus accessible au grand public, le rythme d’une musique a aussi ses rĂšgles et ses conditions pour que ses auteurs et ses interprĂštes restent en adĂ©quation avec lui !   

Eilish, “native” de la langue anglaise n’a pas eu Ă  subir ce genre de chantage de l’industrie du disque. 

Sur scĂšne, accompagnĂ©e de deux ou trois musiciens et de machines dĂ©vouĂ©es, Eilish se sert de sa voix et de son corps tels des processeurs qui lui obĂ©issent au doigt et Ă  l’Ɠil.

 

Ensuite, Eilish est dĂ©ja arrivĂ©e Ă  ce stade de la cĂ©lĂ©britĂ© oĂč celle-ci recycle l’enthousiasme du public qui, en grossissant, attire de nouvelles personnes. Comme moi qui, aprĂšs avoir aperçu un ou deux articles rĂ©cemment Ă  son sujet, ai dĂ©cidĂ© de pousser la porte numĂ©rique de Youtube afin de me faire une idĂ©e. Pourquoi ? Parce-que sur le mĂȘme journal oĂč figurait un hommage Ă  Desvarieux se trouvait aussi un article sur Eilish et que c’était la deuxiĂšme fois en moins de dix jours que dans un journal, je la voyais soit en couverture ou dans les colonnes d’un article.

 

De Billie Eilish ( existe-t’il un rapport avec Billie Holiday ?), Ă  Jacob Desvarieux et Kassav’ en passant par cet aĂźnĂ© de dix ans- et collĂšgue- revu trente ans plus tard, il y a de multiples façons de se rencontrer soi-mĂȘme. Et de se voir. Je me suis senti un peu malade Ă  la suite de ma rencontre avec cet aĂźnĂ©. Je me suis mĂȘme demandĂ© si, Ă  son contact chargĂ©, j’avais attrapĂ© le Covid. Non pour son Ă©tat de santĂ©. Mais pour son Ă©tat d’esprit.

 

La mort de Jacob Desvarieux ne m’a pas mis dans cet Ă©tat d’esprit. Pour Billie Eilish, on verra selon la façon dont elle dĂ©cĂšdera. J’espĂšre bien-sĂ»r que ce sera le plus tard possible pour elle et que ce sera une assez belle mort.

Une mort Ă  la Amy Winehouse me catastrophe. J’ai l’impression d’ĂȘtre le tĂ©moin privilĂ©giĂ© et impuissant d’une dĂ©tresse en direct. Et je n’aime pas ça !  

Pour nous avoir aussi Ă©vitĂ© ça, Ă  nouveau un trĂšs grand merci Ă  Jacob Desvarieux. Comme on dit en CrĂ©ole, MĂ©ci On Pil !

 

Franck Unimon, ce vendredi 13 aout 2021

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La pandĂ©mie du Covid dans les rĂ©gions d’Outre-mer

 

 

La pandĂ©mie du Covid dans les rĂ©gions d’Outre-Mer

 

Echanger des points de vue avec des amis comporte des risques. Les disputes et les ruptures font partie des risques. Mais il en est un autre peut-ĂȘtre beaucoup plus grand.

Celui qui consiste Ă  se croire trĂšs intelligent en leur compagnie. Le nombre de fois oĂč l’on se sent autorisĂ© Ă  s’imaginer particuliĂšrement perspicace ne se compte pas avec nos amis. Puisque, gĂ©nĂ©ralement, le plus souvent, ils pensent comme nous. Lorsque cela n’est plus possible, certains quittent ce statut d’amis. Soit de leur propre initiative soit de la nĂŽtre.

 

Je viens de connaĂźtre un de ces moments oĂč, Ă  nouveau, je me suis senti pousser une intelligence particuliĂšre. Je n’avais pas prĂ©vu ça. Comme je n’avais pas prĂ©vu de l’écrire dans un article ce matin. Ce matin, j’avais d’autres ambitions que de « paraĂźtre Â» dans un article. Mais l’échange que je viens d’avoir par sms avec mon ami Raguse en a dĂ©cidĂ© autrement. Pour le pire ou le meilleur. Avec lui ou avec d’autres.

 

Raguse et la pandémie aux Antilles

 

Tout Ă  l’heure, mon ami Raguse m’a sollicitĂ© pour avoir mon avis concernant l’essor de la pandĂ©mie aux Antilles. Depuis quelques jours, dans les mĂ©dias, il se parle de plus en plus du confinement strict et du couvre-feu dĂ©cidĂ©s rĂ©cemment par le gouvernement aux Antilles. Du fait que les touristes qui s’y trouvent sont encouragĂ©s Ă  rentrer en France.

 

On parle aussi du faible taux de vaccination anti-Covid lĂ -bas. De la dĂ©fiance d’une grande partie de la population envers les vaccins anti-Covid. Tandis qu’en France, on doit maintenant approcher les plus de 60 % de personnes vaccinĂ©es contre le Covid, dans les rĂ©gions Outre-mer telles que les Antilles oĂč la RĂ©union, ce taux tombe Ă  environ 20 %.

Alors que le variant Delta du Covid fait de plus en plus parler de lui et couche de plus en plus de monde dans ces rĂ©gions et ailleurs. Aux Antilles, on parle de services hospitaliers surchargĂ©s, de renforts en personnels soignants ( mais aussi de renforts policiers ) venus de mĂ©tropole. Donc, d’une catastrophe sanitaire en cours sous les tropiques. Les « tropiques Â» sont habituellement plutĂŽt synonymes de paradis, d’évasion et de dĂ©tente. LĂ , ils deviendraient plutĂŽt synonymes de mouroirs et de mouchoirs.

 

Je l’ai dĂ©jĂ  Ă©crit : je suis bien-sĂ»r embarrassĂ© devant ces chiffres de « cas de Covid Â» en augmentation. Que ce soit aux Antilles oĂč j’ai de la famille, Ă  la RĂ©union, mais aussi en France. Mon propre frĂšre a prĂ©vu de se rendre en Guadeloupe avec sa compagne et leurs deux enfants. Et, il y a quelques jours, bien que lui et sa compagne soient vaccinĂ©s et aient prĂ©vu de passer deux tests PCR, un quarante huit heures avant leur vol, et un autre le jour-mĂȘme, afin d’augmenter leurs chances, mon frĂšre ne savait pas s’ils pourraient dĂ©coller pour la Guadeloupe la semaine prochaine.

 

Cela, c’était avant que l’on apprenne que les touristes Ă©taient maintenant incitĂ©s Ă  quitter les Antilles. Partir des Antilles serait plus « simple Â» pour certains touristes qui y sont que pour d’autres Ă  ce que j’ai lu. La compagnie Air France serait plus facilement joignable et  accommodante. La compagnie Air CaraĂŻbes, aux billets d’avions moins chers, ne rĂ©pondrait pas.

 

Le journal ” Le Parisien” de ce mercredi 11 aout 2021.

 

Mon ami Raguse m’a posĂ© tout Ă  l’heure en guise de bonjour (il ne m’a mĂȘme pas dit bonjour) la question suivante que beaucoup d’autres personnes se posent peut-ĂȘtre :

 

« Je comprends bien la dĂ©fiance des antillais vis Ă  vis de l’Etat français mais l’hĂ©catombe actuelle en Guadeloupe et Martinique pose la question de la vaccination
et ses consĂ©quences bĂ©nĂ©fiques sur le nombre de victimes
.Qu’en penses-tu ? Bonne journĂ©e ! Bizz Â».

 

Je sortais de ma douche lorsque j’ai lu ça aprĂšs ma deuxiĂšme nuit de travail. Nuit de travail dont je suis revenu assez poussivement tout Ă  l’heure en pĂ©dalant sur mon vĂ©lo. J’ai mĂȘme croisĂ© un « vĂ©lo Brompton Â» tout fringant qui m’a allumĂ© alors que je me rapprochais de la gare de St Lazare.

 

Mais en lisant ce sms de mon ami Raguse, tout Ă  l’heure, mon Q.I n’a fait qu’un tour. D’abord, sa question amenait entre nous une nouvelle discussion parmi d’autres. Ensuite, mes origines antillaises et mon statut de « non vaccinĂ© Â» m’ont attribuĂ© le rĂŽle du candidat idĂ©al pour en dĂ©battre avec lui. Impossible pour moi de me dĂ©filer.

 

J’ai d’abord rĂ©pondu :

 

« Tu as peut-ĂȘtre raison pour la vaccination. Mais nous ne sommes pas Ă  leur place. La Guadeloupe, c’est une Ăźle qui se trouve Ă  des milliers de kilomĂštres de l’hexagone. Et oĂč l’on perçoit donc les Ă©vĂ©nements et la vie depuis un autre point de vue. Et puis, la France a un terrible passif avec, au moins, la Guadeloupe et la Martinique : Le chlordĂ©cone.

Lorsque tu as vĂ©cu ça, cette horreur sanitaire, comment peux-tu faire confiance Ă  la France ? Pareil pour la PolynĂ©sie et les essais nuclĂ©aires aux consĂ©quences sanitaires non vĂ©ritablement reconnues par la France. Comment, aprĂšs ça, rĂ©ussir Ă  faire confiance Ă  la France ? Â».

 

Raguse a alors ajoutĂ© :

 

« Oui, je suis d’accord. C’est pour ça que je parlais de leur lĂ©gitime dĂ©fiance vis-Ă -vis de l’Etat français
. Â».

 

Alors, je ne sais pas ce qui m’a pris. C’est peut-ĂȘtre l’effet de la fatigue ou mon Q.I inversĂ© qui m’ont dĂ©sinhibĂ© peut-ĂȘtre pour le pire. Je me suis alors mis Ă  Ă©crire :

 

« Il est trĂšs facile depuis notre regard ethno-centrĂ© et nombriliste de juger les autres. Que ce soit les autres qui sont aux Antilles ou dans d’autres rĂ©gions du monde. Mais t’écrire ça ne m’empĂȘche pas de « regarder Â» le dĂ©compte et l’essor de la pandĂ©mie aux Antilles et en PolynĂ©sie. Cependant, ce qui me dĂ©range aussi, c’est ce business autour des vaccins :

S’il y a peu de gens vaccinĂ©s aux Antilles, ça veut aussi dire qu’il y a lĂ -bas un marchĂ© Ă  conquĂ©rir. Je n’arrive pas Ă  savoir ce qui est le pire. Et, c’est encore plus inquiĂ©tant d’ĂȘtre aujourd’hui incapable de savoir ce qui est le pire :

 

Penser, comme je le fais, que les vaccins anti-Covid pourraient ĂȘtre une nouvelle espĂšce de produits de consommation envers lesquels nous allons dĂ©velopper une dĂ©pendance. Comme envers nos tĂ©lĂ©phones portables et nos ordinateurs et internet. Ils (les vaccins anti-Covid) seraient donc les produits de consommation parfaits. Indispensables et salvateurs mais Ă  durĂ©e limitĂ©e. On en changerait tous les ans ou tous les six mois en prenant un nouveau forfait. Comme avec un nouveau tĂ©lĂ©phone portable de plus en plus sophistiquĂ© chaque annĂ©e.

 

Ou, le pire est-il que ce projet soit dĂ©jĂ  l’avenir pour au moins une ou plusieurs entreprises?

Ce matin, lorsque je suis optimiste, je me dis que la pandĂ©mie du Covid va durer trois ou quatre ans. Puis, je me dis que je me leurre. Et, qu’elle va plutĂŽt durer une cinquantaine d’annĂ©es ou plus. Comme la grippe.

Lorsque l’on voit tout ce que nous avons perdu en libertĂ©s (ne serait-ce que de dĂ©placement) depuis dix huit mois, cela fait trĂšs peur pour la suite. D’autant que le Covid bouffe d’abord en prioritĂ© les plus ĂągĂ©s, donc les reprĂ©sentants et la mĂ©moire d’un autre monde. D’une autre façon de vivre. Mais dans dix Ă  vingt ans, celles et ceux qui naitront ne connaitront rien de cette vie sans Covid que nous aurons connue. Et, pour le plus grand nombre d’entre eux, ça sera normal de vivre avec ces vaccins peut-ĂȘtre devenus mensuels ou quotidiens contre toute sortes de maladies dangereuses. Peut-ĂȘtre mĂȘme que la durĂ©e de vie moyenne de l’humanitĂ© aura-t’elle diminuĂ© pratiquement de moitiĂ©. Le monde sera alors peuplĂ© de jeunes travailleurs et de jeunes consommateurs dynamiques. Ce qui soutiendra l’économie de marché tu m’as interrogĂ©. Je te rĂ©ponds spontanĂ©ment sans me censurer aprĂšs deux nuits de travail. Je t’embrasse Â».

 

 

Un dĂ©lire de plus de Franck Unimon, ce jeudi 12 aout 2021. Avec le concours involontaire de l’ami Raguse  qui n’est peut-ĂȘtre qu’un prĂ©texte ou mon invention afin de pouvoir Ă©crire n’importe quoi.

 

 

 

 

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Vélo Taffe : Certains vélos sont faits pour rouler

 

Photo prise début aout 2021.

 

                            VĂ©lo Taffe : Certains vĂ©los sont faits pour rouler

 

J’ai travaillĂ© cette nuit. Ce matin, pour retourner Ă  la gare, comme je le fais depuis quelques mois, j’ai pris mon vĂ©lo pliant. Je ne suis toujours pas vaccinĂ©.

 

Je suis bien-sûr embarrassé de savoir que dans des pays pauvres, des gens meurent du Covid faute de ne pas pouvoir bénéficier de vaccins anti-Covid comme nous en avons à disposition en France, pays qui fait encore partie des pays riches.

Journal “L’HumanitĂ©” de ce mercredi 11 aout 2021.

 

Je suis bien-sûr embarrassé par la montée inquiétante du nombre de cas Covid en Guadeloupe, en Martinique ou à la Réunion. Les média, il y a quelques jours, relevaient une réticence ou un refus de la vaccination anti-Covid en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion.

 

J’ai appris le « durcissement Â» des mesures de confinement dans ces rĂ©gions d’Outre-mer dont je suis plusieurs fois originaire. Je me dis qu’une moindre application locale des gestes barriĂšres a sans doute permis cette extension de la pandĂ©mie. Mais le tourisme aussi : il y Ă©tait encore permis assez facilement il y a quelques mois.

 

Je ne conteste pas les chiffres du Covid dans le monde.

 

Ce matin, pour la premiĂšre fois, je me suis demandĂ© si le dĂ©ni de la pandĂ©mie- et de sa gravitĂ©- par certains pouvait avoir une relation avec une mouvance comme celle des « adeptes Â» de Trump, le prĂ©cĂ©dent PrĂ©sident des Etats-Unis. Soit une mouvance Ă©manant d’un homme Puissant de par son ancien poste de PrĂ©sident de la toujours PremiĂšre Puissance Mondiale mais aussi de par sa richesse en tant qu’homme d’affaires.  

 

C’est ce titre dans le New York Times que j’ai achetĂ© tout Ă  l’heure qui m’a donnĂ© cette idĂ©e :

No bottom in sight for Covid denial Ă©crit par Paul Krugman, une personne que je ne connais pas.

“New York Times” de ce mercredi 11 aout 2021.

 

La traduction approximative de ce titre pourrait ĂȘtre : Le dĂ©ni du Covid est un puits sans fond ou sans limites.

 

Une façon de dire que celles et ceux qui sont dans le dĂ©ni du Covid, et de sa gravitĂ©, trouveront toujours des raisons et des façons de s’opposer aux arguments qu’on leur donnera pour les convaincre de la rĂ©alitĂ© et de la gravitĂ© de cette pandĂ©mie. Une sorte d’hĂ©morragie qu’aucun anticoagulant de ce monde ne pourra jamais arrĂȘter. 

Le ” Charlie Hebdo” de ce mercredi 11 aout 2021.

 

J’ai entendu une infectiologue affirmer qu’avec le variant Delta du Coronavirus qui est en train de prendre ses appartements en France que personne, cette fois-ci, ne pourrait Ă©chapper Ă  cette quatriĂšme vague de la pandĂ©mie :

 

Selon les propos de cette experte, soit on attraperait le Covid. Soit on pourrait s’en sortir en Ă©tant vaccinĂ© avec Pfizer, Moderna, Astrazeneca, Johnson & Johnson. Nous dĂ©signons ces vaccins anti-Covid par les noms des laboratoires qui les fabriquent et/ou les commercialisent.

 

Laboratoires et noms qu’elle n’a pas forcĂ©ment citĂ©s dans son intervention mais que, dĂ©sormais, tout le monde « connaĂźt Â» maintenant en France, je pense. Une pandĂ©mie, la maladie et la mort font partie des meilleures publicitĂ©s qui soient. Et, cela, bien avant cette pandĂ©mie du Covid.

 

Avant de passer Ă  la suite : Je ne me sens aucune affinitĂ© ou proximitĂ© avec une personnalitĂ© ou un personnage comme Trump, le prĂ©cĂ©dent PrĂ©sident des Etats-Unis. 

Maintenant que c’est Ă©crit

Hier, j’ai effectuĂ© ma premiĂšre sortie sans passe sanitaire. J’en parle dans un autre article.( Paris sans passe : Atterrissage ethnique)

 

AprĂšs avoir Ă©crit ça, on pourrait se demander pourquoi je persiste Ă  ne pas me faire vacciner contre le Covid. Cette nuit, ma collĂšgue, vaccinĂ©e avec Pfizer, m’a rappelĂ© les embolies constatĂ©es lors des premiĂšres vaccinations avec l’Astrazeneca au dĂ©but de cette annĂ©e 2021.

 

Bien-sĂ»r, il y a pour moi, une inquiĂ©tude concernant certains effets indĂ©sirables assez immĂ©diats et plutĂŽt graves. Mais, aussi, envers des effets indĂ©sirables aussi graves, et encore inconnus- et peut-ĂȘtre uniquement imaginaires– Ă  ce jour, plus tard.

 

FonciĂšrement, je ne fais que deux choses, me semble-t’il :

 

Douter et essayer de gagner du temps.

 

Faire la Roue

 

Peut-ĂȘtre que faire la roue me permet de continuer de douter en gagnant du temps.

 

Pourtant, je ne doute pas de la pandémie du Covid. Ni de sa gravité possible.

 

Par contre, je doute des vaccins anti-Covid actuels. Pour moi, actuellement, le risque (leurs effets secondaires) Ă  accepter avec ces vaccins que l’on nous propose- et que l’on nous impose- m’apparaĂźt Ă  tort ou Ă  raison plus grand que leur fameux « bĂ©nĂ©fice Â» que l’on nous assure.

 

En Anglais, je pourrais dire : « I Don’t buy it ! Â». En CrĂ©ole : «  An Pa Ka Pran Sa ! Â». Dans ces conditions de doute, aujourd’hui, je ne suis pas preneur du risque que l’on me « demande Â» ou que l’on veut « m’imposer Â» de prendre avec les vaccins anti-Covid actuels.

 

On dira d’une personne comme moi qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut. Qu’elle est illogique, conne ou irresponsable. Ou irrationnelle. Je ne peux pas contester totalement cette perception. C’est celle des autres. Elle ne m’appartient pas.

” Le Canard EnchainĂ©” de ce mercredi 11 aout 2021.

 

 

La roue a sa propre volontĂ©. Une fois lancĂ©e, elle nous entraĂźne avec le moindre effort. Une fois portĂ©e par elle, on pourrait mourir, ĂȘtre blessĂ©, ĂȘtre pris d’un malaise, ou sain et sauf  et continuer d’avancer encore sur plusieurs mĂštres avant de commencer Ă  le rĂ©aliser. Sauf, bien-sĂ»r, si l’on est mort ou que l’on perd conscience.  

 

Il n’y a rien Ă  comprendre dans ce qui fait le mouvement d’une roue, d’une pensĂ©e ou d’une intuition. Soit on l’admet, soit on fait corps avec elle, soit on la rejette ou l’on se heurte Ă  elle. La roue a ses rythmes, ses cycles. On peut la trouver suicidaire. On peut comparer la roue Ă  la roulette russe. ça peut ĂȘtre vrai. Ça peut aussi ĂȘtre faux.  C’est aussi par elle que l’on arrive Ă  certains endroits et Ă  certaines dĂ©cisions qui nous sauvent et que la science n’a pas prĂ©vu et ne peut pas prĂ©voir. La science, si elle aide, sauve, soigne et peut aiguiller, n’est pas la propriĂ©taire et la maitresse exclusive de toutes les trajectoires. Un ĂȘtre humain, sur un vĂ©lo, n’ira jamais aussi droit que n’a pas pu le calculer la science afin de parvenir Ă  une certaine destination.

 

Cependant, faire corps avec la roue ne signifie pas se perdre en elle ou s’y enfermer dĂ©finitivement. En faisant corps avec la roue, on peut vivre et rĂ©aliser des actes extraordinaires et inconcevables pour qui pense et marche au pas. Mais se confondre avec la roue, au point de ne plus ĂȘtre capable de faire la diffĂ©rence entre elle et soi, c’est se consigner dans la folie, le suicide ou de la maladie.

 

Avec le rĂ©chauffement climatique, l’invasion de l’Afghanistan par les Talibans, les troubles en Ethiopie, la pandĂ©mie du Covid, le durcissement du confinement en Martinique et en Guadeloupe, le couvre-feu en PolynĂ©sie française, et le meurtre du pĂšre Olivier Maire, l’arrivĂ©e du Footballeur Lionel Messi dans l’Ă©quipe du Paris St Germain comptent parmi les principales Unes de ce mercredi 11 aout 2021.

 

Pas de logique forcément

 

Il n’y a pas de logique, forcĂ©ment, dans le fait que, ce matin, j’ai dĂ©cidĂ© d’attendre ce cycliste que j’avais d’abord trĂšs facilement dĂ©passĂ©. Pour lui parler et l’interroger. Et, bien-sĂ»r, rien ne me prĂ©disposait en particulier Ă  cette rencontre. Rien non plus ne garantissait qu’il accepte de prendre le temps de discuter avec moi. Certains cyclistes sont trĂšs fermĂ©s, assez condescendants ou, plus simplement, pressĂ©s.

 

En partant de mon travail ce matin, j’ignorais que j’allais le rencontrer. Et, si j’avais pĂ©dalĂ© Ă  une certaine allure ou dĂ©cidĂ© de prendre un autre parcours pour me rendre Ă  la gare, nous ne nous serions pas croisĂ©s.

 

Il avançait sur un de ces vĂ©los mĂ©caniques et pliants de la marque Brompton que j’ai dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©s :

 

« Certains vĂ©los sont faits pour rouler. Le mien est fait pour pĂ©daler Â».

 

MĂȘme s’il avançait vraiment doucement, ou peut-ĂȘtre parce qu’il avançait vraiment plus doucement que tous les autres usagers de cette marque de vĂ©lo que j’ai pu croiser, il m’a pris l’envie de lui parler.

 

Contrairement Ă  la plupart des cyclistes que je rencontre, quelle que soit leur marque et leur type de vĂ©lo, il portait un masque noir anti-pollution. Et peut-ĂȘtre anti-Covid. Et, son vĂ©lo, Ă  l’inverse de la majoritĂ© des vĂ©los Brompton que j’ai pu croiser, avait un guidon en T.

 

Il m’a trĂšs vite appris qu’il avait la version sportive. A la fois la plus lĂ©gĂšre et la plus chĂšre. Il se sentait bien avec ce type de guidon et avait dĂ©jĂ  parcouru cinquante kilomĂštres avec. Il se sentait tellement bien dessus que, pour tous ses dĂ©placements, il avait dĂ©sormais dĂ©laissĂ© son VTC classique  Ă  sept vitesses.

Il a reconnu qu’il fallait mettre le prix pour l’acheter. Mais que l’effort financier se justifiait. Il a acquiescĂ© lorsque je lui ai sorti ma formule :

 

« Certains vĂ©los sont faits pour pĂ©daler. Celui-ci est fait pour rouler Â».

 

Il avait fait le choix de n’avoir que deux vitesses. Au lieu des six recommandĂ©es. Pour allĂ©ger davantage son vĂ©lo qui devait pourtant ĂȘtre bien plus lĂ©ger que le mien au poids dĂ©jĂ  confortable (12 kilos).

 

Puis, il m’a dit qu’il Ă©tait Ă©tonnĂ© par la trĂšs grande rĂ©activitĂ© de ces vĂ©los. J’ai pu en tĂ©moigner pour en avoir fait plusieurs fois l’expĂ©rience.

 

AprĂšs un Ă  deux kilomĂštres de discussion et de promenade tranquille ensemble, il m’a prĂ©venu qu’il allait tourner Ă  droite aprĂšs l’hĂŽtel Le LutĂ©tia. Je l’ai saluĂ© et l’ai remerciĂ©. Nous nous sommes souhaitĂ©s une bonne journĂ©e.

 

Certains vĂ©los sont faits pour rouler. Sans se poser de questions. Un de mes anciens cousins, du cĂŽtĂ© de ma mĂšre, Marcel Lollia, Ă©tait surnommĂ© VĂ©lo. Je ne l’ai jamais rencontrĂ©. J’étais ado lorsqu’il est dĂ©cĂ©dĂ©.

 

VĂ©lo n’était pas un cycliste. C’était un joueur de Gwo-Ka. Une rĂ©fĂ©rence. Son nom ne dira rien Ă  beaucoup de personnes en France et dans le monde. Y compris parmi beaucoup de mes amis et de mes connaissances, passĂ©es, prĂ©sentes et futures.

 

Sa vie n’a pas du tout Ă©tĂ© linĂ©aire. Elle n’a rien Ă  voir avec ma propre vie. La campagne, la musique apprise sĂ»rement en autodidacte, peu lettrĂ©, la rue, l’alcool, les nuits blanches, d’abord la mauvaise rĂ©putation, puis la reconnaissance, la maladie,  la mort dans la pauvretĂ© avant la soixantaine. Tout ce que je fuis comme beaucoup de personnes.

 

Mais son nom et son histoire sont restĂ©s. Et, plusieurs annĂ©es aprĂšs sa mort, il continue d’inspirer. Au contraire de la majoritĂ© d’entre nous qui, devant la roue, estiment qu’elle est juste lĂ  pour avancer. Et, rien d’autre. Une roue, c’est fait pour rouler.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 11 aout 2021.