Au spot 13, en mars 2022. Oeuvre de l’artiste ClĂ©ment Herrmann. Photo©ïžFranck.Unimon
Jâai lu RĂ©inventer lâAmour ( Comment le Patriarcat sabote les relations hĂ©tĂ©rosexuelles) de Mona Chollet
« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus avoir dâenfants » auraient dit des militaires russes Ă des femmes ukrainiennes. Depuis le 24 fĂ©vrier 2022, lâarmĂ©e militaire russe a commencĂ© Ă envahir lâUkraine. Et la guerre, qui Ă©tait « prĂ©vue » pour ĂȘtre courte, continue entre les deux pays.
Il y a quelques annĂ©es, jâai envisagĂ© d’aller travailler dans un CMP ( Centre MĂ©dico- psychologique) pour adultes en banlieue parisienne, dans une ville assez proche dâArgenteuil, ville oĂč jâhabite.
Lors du trajet en voiture depuis Gennevilliers vers ce CMP , situĂ© Ă Villeneuve la Garenne, la cadre infirmiĂšre mâavait un peu racontĂ© quelques unes de ses missions humanitaires passĂ©es. Dont une durant la guerre en ex-Yougoslavie. Dans la voiture de service, tout en me conduisant, cette infirmiĂšre expĂ©rimentĂ©e, Ă quelques annĂ©es de la retraite, mâavait parlĂ© de sa peur. De sa peur du viol. Et de deux sĆurs bosniaques quâelle avait alors connues. LâaĂźnĂ©e des soeurs lui avait servi dâinterprĂšte.
AprĂšs la guerre, lâaĂźnĂ©e, avec laquelle elle Ă©tait restĂ©e en contact, Ă©tait demeurĂ©e cĂ©libataire et avait dĂ©veloppĂ© un cancer. La plus jeune, femme trĂšs coquette Ă lâorigine, sâĂ©tait mariĂ©e et radicalisĂ©e religieusement.
Chaque fois quâil y a des guerres, des femmes mais aussi des enfants se font violer. Si, en temps de « paix », certains viols peuvent ĂȘtre- difficilement- condamnĂ©s, en temps de guerre, il peut ĂȘtre encore plus difficile de les faire condamner comme de faire condamner leurs auteurs.
Dâautant plus que la « Paix », comme la SantĂ©, ont des dĂ©finitions trĂšs variables. Puisque lâon peut, aussi, ĂȘtre victime dâun viol dans un pays en « Paix » et riche comme la France.
Paris, mars 2022.
Les multiples guerres du quotidien
Car, si certaines guerres militaires sont plus mĂ©diatisĂ©es que dâautres, il existe bien dâautres dĂ©clinaisons de la guerre :
Des guerres domestiques, sociales, Ă©conomiques, relationnelles, professionnelles, culturelles. Et, ces multiples guerres du quotidien, directes ou indirectes, propulsent plus facilement certaines et certains aux avants postes tandis que dâautres, «progressivement », et malgrĂ© leurs efforts, rĂ©gressent, stagnent ou piĂ©tinent dans leur Ă©volution personnelle.
RĂ©cemment, Ă la gare de Paris St Lazare, jâai aperçu un patient que jâavais dâabord « croisé » une premiĂšre fois deux ou trois ans plus tĂŽt dans un service dâaddictologie oĂč j’avais effectuĂ© quelques remplacements. Puis, au dĂ©but de la pandĂ©mie du Covid, je l’avais reconnu aux abords de la gare St Lazare.
Au dĂ©but de la pandĂ©mie du Covid, il prĂ©sentait bien, avait mĂȘme une perception assez critique concernant la pandĂ©mie . Quand je lâai revu Ă la gare St Lazare, la semaine derniĂšre, il Ă©tait en train de fumer, sans masque, et ressemblait Ă un clochard. La premiĂšre fois que je lâavais recroisĂ© prĂšs de la gare de Paris St Lazare, il faisait la manche. Il y a quelques jours, jâimagine quâil Ă©tait encore dans la gare de Paris St Lazare pour continuer de faire la manche. Sauf que son Ă©tat personnel sâĂ©tait aggravĂ©. Pourtant, depuis des annĂ©es, cet homme qui a connu lâemploi, comme dâautres femmes et d’autres hommes, a essayĂ© et aura essayĂ© de sâen sortir.
Je ne peux pas affirmer que, par son livre, Mona Chollet , vise aussi ces sujets puisque le titre de son ouvrage est : RĂ©inventer lâAmour . Mais voilĂ ce quâil commence par mâinspirer, ce matin, alors que jâai terminĂ© sa lecture dans un jardin des Tuileries ensoleillĂ© il y a plus dâune semaine dĂ©sormais.
Au jardin des Tuileries, Paris, avril 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Mona Chollet parle dâAmour et avec son titre rajoute :
Comment le Patriarcat sabote les relations sexuelles. Et, moi, je commence par parler de viols de femmes par temps de guerre et de paix. Puis dâun homme en voie de clochardisation.
« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus faire dâenfants⊠».
« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus vous exprimer ».
RĂ©inventer lâAmour : un livre de « fille » et dâintello favorisĂ©e
Je nâaurais pas lu ce livre de Mona Chollet , si, une de mes jeunes collĂšgues internes, Chamallow , en stage dans mon service, ne mâen avait parlĂ© il y a plusieurs semaines. AprĂšs que jâaie eu la curiositĂ© de lui demander ce quâelle lisait ou avait lu rĂ©cemment.
( voir : Le petit fantĂŽme bleu, Mona Chollet-RĂ©inventer l’Amour ).
Jâavais entendu parler de ce livre. Mais je lâavais pris pour un sujet ou un livre de « fille ».
Moi, qui, depuis des annĂ©es, Ă©volue dans un milieu professionnel qui a souvent Ă©tĂ© majoritairement fĂ©minin ; moi qui exerce un mĂ©tier de soignant (infirmier en soins psychiatriques et pĂ©dopsychiatriques ou en SantĂ© Mentale ), mĂ©tier auquel on attribue plutĂŽt des « qualitĂ©s » ou des vertus fĂ©minines ; moi, qui, en tant quâaĂźnĂ©, a, Ă partir de mon adolescence jusquâĂ mes trente ans, jouĂ© un rĂŽle de substitut parental jusquâau sacrifice de mon intimitĂ© et de mon cĂ©libat, jâai dâabord pensĂ©, en entendant parler de ce livre de Mona Chollet : « Câest un truc de fille ! » ou « Encore une intello favorisĂ©e qui a les moyens de vivre de ses concepts ».
Mona Chollet est en effet une femme, aprĂšs avoir Ă©tĂ© une fille. Et, elle vient bien dâun milieu social et intellectuel favorisĂ©, voire privilĂ©giĂ©, en tant que femme blanche, mĂȘme si ses parents se sont sĂ©parĂ©s alors quâelle Ă©tait enfant, comme elle le mentionne. NĂ©anmoins, son livre mâa rapidement plu.
Depuis, jâai dĂ©jĂ remerciĂ© plusieurs fois Chamallow de mâavoir prĂȘtĂ© ce livre. A la fois pour le plaisir que jâai eu Ă le lire. Mais, aussi, Ă le lire certaines fois dans mon service actuel : avant de lire RĂ©inventer lâAmour de Mona Chollet , jâignorais que lâon pouvait prendre dâautant plus de plaisir Ă lire un livre que son contenu contraste avec lâĂ©tat dâesprit ou la culture plutĂŽt gĂ©nĂ©rale dans le service oĂč l’on travaille.
Le plaisir de lire RĂ©inventer lâAmour, la nuit, dans mon service actuel oĂč, pour certains collĂšgues, un homme, et un bon infirmier, câest dâabord quelquâun qui sâimpose.
Mon service actuel nâest pas un service de collĂšgues violeurs et de collĂšgues femmes violĂ©es. Peut-ĂȘtre, quâun jour, lorsque je me dĂ©ciderai vraiment Ă prendre le temps dâĂ©crire que jâinventerai des histoires de ce genre. Mais, pour lâinstant, jâen suis encore Ă dĂ©crire le fait que dans mon service actuel, certaines valeurs « viriles » font office de table de Loi. Dans mon service actuel, plus que dans les services et les Ă©tablissements prĂ©cĂ©dents oĂč jâai travaillĂ©, pour certains de mes collĂšgues , un homme (et je suis un homme, c’est certain) et un bon infirmier (et je suis infirmier), câest dâabord quelquâun qui sâimpose .
En particulier, physiquement . Pour faire des injections à un patient agité ou opposant à la prise de son traitement par voie orale (sous forme de gouttes le plus souvent).
Dans mon service actuel, pour certains de mes collĂšgues, ĂȘtre un homme et un bon infirmier, câest pratiquer la contention physique. Et, aussi, sans doute, parler fort ou plus ou moins fort, faire connaĂźtre ses exploits physiques, les raconter, parler de certains sujets dâune certaine façon ( le Foot, les femmes, parler de sa vie etcâŠ.).
Paris, mars-avril 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Peu importe que, lorsque je lâestime justifiĂ© et inĂ©vitable, je puisse, aussi, faire des injections, de la contention physique, ou y participer avec dâautres collĂšgues lorsque nous devons le faire. Mon personnage, ma personnalitĂ©, ne cadre pas avec la conception que se font certains de mes collĂšgues actuels de ce quâest ou doit ĂȘtre un homme mais, aussi, un bon infirmier. Ou, tout simplement, un ĂȘtre humain dit « normal ». Alors que moi, sans m’en apercevoir, car c’est ma normalitĂ© , sans doute que je me comporte « bizarrement ». C’est Ă dire pas comme tout le monde.
Sans doute aussi, parais-je un petit peu trop « intello » pour ĂȘtre honnĂȘte.
Et, vu que, paradoxalement, je parle peu de ma vie conjugale et de ma fille au travail, cela doit vraisemblablement signifier que je dissimule des projets, des pensĂ©es et des moeurs fort peu recommandables : jâattends presque ce moment ( ce suspense devient un peu insoutenable) oĂč certains de mes collĂšgues dĂ©cideront ( c’est peut-ĂȘtre dĂ©ja fait) que je suis probablement pĂ©dĂ© ou homosexuel.
Pour moi, ce nâest pas une insulte dâĂȘtre confondu avec un homosexuel. Je trouve ça plutĂŽt drĂŽle. Mais je sais, aussi, que dans certains milieux et dans certains groupes, ĂȘtre perçu comme un homosexuel peut revenir Ă ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un sous-homme ou comme une sorte de perversion. Ce qui peut susciter, de la part de certaines personnes, une agressivitĂ© et une violence particuliĂšres, redoublĂ©es, ou un rejet, Ă lâencontre de celle ou de celui qui est suspectĂ©(e) dâhomosexualitĂ©.
Jâai donc compris, que, pour certains de mes collĂšgues actuels, je suis un baltringue; un con; quelquâun Ă qui « on ne fait pas confiance » ; quelquâun qui se « dĂ©bine » ou se « dĂ©binerait » lorsque cela se tend avec un patient ou lorsque cela est susceptible de se tendre. Et que je suis quelquâun, câest une certitude pour certains de ces collĂšgues, ou cela lâa Ă©tĂ© !, que je nâai rien Ă faire dans mon service actuel oĂč je travaille, maintenant depuis un peu plus dâun an. Et, cela, malgrĂ© plus de vingt ans dâexpĂ©riences en soins psychiatriques et pĂ©dopsychiatriques, de jour, comme de nuit, dans des services intra comme extra hospitaliers oĂč jâai eu, aussi, Ă vivre des situations de tension avec des patients et des patientes. Ainsi que certaines confrontations physiques.
Je manquerais de « couilles ». Si on ne l’a pas bien compris. Et si j’ai bien dĂ©codĂ© certains messages que m’ont adressĂ© certains de mes collĂšgues assez peu courageux, qui marchent et pensent souvent par deux au minimum.
Je ne compte dĂ©ja plus le nombre de fois oĂč en me disant bonjour certains de ces collĂšgues virils , et trĂšs assurĂ©s, ont rapidement Ă©vitĂ© ou Ă©vitent mon regard alors que nous nous retrouvons face Ă face. Le dĂ©gout de ma personne sans doute ou un sentiment proche de la pitiĂ© pour l’irrĂ©mĂ©diable merde que je suis.
Paris, avril 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Je serais « trop gentil ». Je « discuterais trop ». Peu importe que, plusieurs fois, cette « gentillesse », cette « discussion » de quelques minutes mais aussi cette « patience » de quelques minutes, aussi, ont dĂ©jĂ permis de dĂ©samorcer certaines situations. Dans mon service actuel, avoir certaines aptitudes pour la modĂ©ration serait plutĂŽt un aveu de faiblesse d’aprĂšs le point de vue de certains de mes collĂšgues.
Le parallĂšle avec le livre de Mona Chollet , RĂ©inventer lâAmour ?
Si lâon parle de lâAmour, dâune façon ou dâune autre, on en arrive Ă parler du Pouvoir sur le corps dâautrui.
Si lâon parle dâAmour, dâune façon ou dâune autre, on en arrive Ă parler du Pouvoir. Du Pouvoir dont on dispose mais aussi du Pouvoir que lâon peut, ou pourrait, en certaines circonstances, pour certaines raisons, bonnes ou mauvaises, choisies ou involontaires, exercer sur quelquâun dâautre.
Et si lâon parle dâAmour, mĂȘme si lâAmour spirituel, parental, filial, cĂ©rĂ©bral ou platonique existe, on parle aussi, du corps. De ce Pouvoir quâune personne peut exercer, Ă qui lâon donne cette autorisation ou cette possibilitĂ©, sur notre corps.
Paris, mars 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Lorsque lâon aime quelquâun ou lorsque lâon est malade (dâAmour ou dâautre chose), il arrive un moment oĂč lâon se confond avec lâautre. Avec son dĂ©sir, sa volontĂ©.
OĂč lâon sâabandonne Ă lui. OĂč lâon se confie Ă elle ou Ă lui.
OĂč il arrive un moment, aussi, oĂč, malgrĂ© lâintimitĂ© ou la proximitĂ©, on rĂ©siste ou sâoppose. Soit parce-que lâon a peur. Soit parce-que lâon perçoit lâautre comme un agresseur dont on veut se dĂ©faire ou se dĂ©fendre.
Parfois, nous avons encore la possibilitĂ© de nous dĂ©faire ou de nous dĂ©fendre de lâautre. Parfois, il est trop tard ou un peu trop tard lorsque nous rĂ©agissons :
Les victimes dâun viol, dâune agression, Ă moins dâavoir Ă©tĂ© surprises dĂšs le dĂ©but par leur agresseur (e) ont souvent, au dĂ©but, laissĂ©es celle-ci ou celui-ci s’approcher de leur espace personnel. Elles (les victimes) ont souvent « cohabitĂ© » ou « coexistĂ© » un temps avec leur futur(e) agresseur ( e). Que cette agression se rĂ©pĂšte ou quâelle soit unique.
Mona Chollet parle-tâelle de cela dans son livre ? Pas de cette façon.
Paris, 2 Mai 2022. Gare St Lazare, prĂšs de la ligne 14. Photo©ïžFranck.Unimon
Prédation et sexualité
RĂ©cemment, jâai Ă©coutĂ© un podcast dans lequel Ă©tait interviewĂ©e lâhumoriste Caroline Vigneaux . En lâĂ©coutant, jâai appris que ses spectacles Ă©taient trĂšs documentĂ©s (comme pour beaucoup dâhumoristes) mais, aussi, quâelle visait Ă faire passer des messages.
Parmi ces messages, bien quâouvertement fĂ©ministe, lors de cette interview, Caroline Vigneaux confirmait aussi sâĂȘtre accrochĂ©e violemment- et verbalement- avec des femmes, sĂ»rement des victimes dâagressions, pour lesquelles « Tous les hommes sont des prĂ©dateurs ».
Sâil est un fait que, le plus souvent, les victimes de viols sont des femmes ( et des enfants filles ou garçons), fermer la boucle par un « Tous les hommes sont des prĂ©dateurs » ne permettra pas deâŠ.rĂ©inventer lâAmour.
Jâai parlĂ© du corps, tout Ă lâheure. Parler du corps, câest aussi, bien-sĂ»r, parler de la sexualitĂ©. Nous nâavons pas tous le mĂȘme rapport Ă la sexualitĂ©. Notre rapport Ă la sexualitĂ© peut ĂȘtre diffĂ©rent selon lâĂąge que lâon a. Selon nos croyances. Selon notre Ă©ducation.
Dans mon Ă©ducation de petit antillais nĂ© en France, la musique et la danse, qui sont des dogmes sociaux et culturels aux Antilles, mâont indiscutablement prĂ©parĂ© ou initiĂ©, sans pour autant faire de moi, un Rocco Siffredi antillais, Ă un certain Ă©veil corporel et sexuel. Danser le Compas et le Zouk dĂšs lâenfance, que ce soit en France et en Guadeloupe, mais aussi voir toutes les gĂ©nĂ©rations, des enfants aux grands parents, danser de cette maniĂšre lors de festivitĂ©s (baptĂȘmes, mariages, communionsâŠ) permet sans aucun doute une approche assez prĂ©coce et concrĂšte de son propre corps comme du corps de lâautre, qui plus est en rythme ( un rythme binaire pour comparer avec le rythme ternaire du Maloya par exemple qui me semble moins dansable Ă deux) comparativement Ă une Ă©ducation oĂč, Ă la maison ou en famille, on va Ă©couter de la variĂ©tĂ© française, du Rock ou de la musique classique.
On a bien sĂ»r une sexualitĂ© et un Ă©veil Ă la sexualitĂ© et au corps mĂȘme lorsque lâon Ă©coute de la variĂ©tĂ© française, du Rock, de la musique classique, de la techno ou du Rap ou un tout autre genre musical. Autrement, un certain nombre de lectrices et de lecteurs de cet article ne pourraient pas le lire aujourd’hui et demain.
Mais on comprendra facilement, je crois, que lorsque lâon danse « collĂ©s-serrĂ©s » sur du Zouk ou du Compas, que la composante sexuelle de la musique et de la danse, est facile Ă dĂ©tecter de façon implicite ou explicite. Et si, malgrĂ© cela, on danse en toute « innocence », certaines paroles en CrĂ©ole ( pas uniquement du bien connu Francky Vincent ) de certaines chansons nous signalent assez « bien » que la sexualitĂ© et le coĂŻt sont envisagĂ©s. Ou suggĂ©rĂ©s.
Il y a quelques annĂ©es, maintenant, un copain enseignant avait voulu traduire en Français, Ă sa classe, les paroles du tube Angela du groupe SaĂŻan Supa Crew mais dans des termes chĂątiĂ©s. Il mâavait donc sollicitĂ©. Jâaurais tellement voulu lui rendre ce service mais mĂȘme en faisant tourner dans ma tĂȘte diverses correspondances, jâavais Ă©tĂ© obligĂ© de lui dire quâil nây avait rien Ă faire :
Si je traduisais, honnĂȘtement, une des phrases phares de la chanson, cela donnait quelque chose comme, sur un air enjouĂ©, « Angela, je vais te dĂ©foncer (sexuellement, sâentend) pendant lâabsence de ton pĂšre ». Ce qui est quand mĂȘme plus « rentre-dedans » que les sous-entendus de La Sucette Ă lâAnis composĂ©e par Gainsbourg pour la naĂŻve France Gall et que, plus tard (car je suis plus jeune que Gainsbourg et France Gall , aujourdâhui disparus) des mĂŽmes de 12 Ă 13 ans, chantaient avec amusement, et en toute luciditĂ© concernant ces sous-entendus sexuels, dans une des colonies de vacances oĂč je fus assistant sanitaire.
Depuis mon enfance, que je mâen souvienne ou non, jâai entendu des chansons Ă caractĂšre sexuel Ă peine camouflĂ© dans des festivitĂ©s antillaises. Et jâai dansĂ© dessus, en toute simplicitĂ©, comme la majoritĂ© des personnes prĂ©sentes. Sans y penser plus que ça.
Le corps, ça commence par la peau .
Paris, avril 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Mais, avant la sexualitĂ©, le corps, cela commence par la peau. La peau du nouveau nĂ© que lâon a Ă©tĂ©. Et que lâon est restĂ© dâune certaine façon quel que soit notre Ăąge. Comme une part de notre enfance et de notre adolescence reste en nous, mĂȘme Ă lâĂąge adulte.
La peau, aussi, a une mémoire . Une mémoire surpuissante qui dépasse, je crois, notre intellect et notre raisonnement.
Alice Miller , psychanalyste bien connue, a Ă©crit un livre que jâai empruntĂ© mais que je nâai pas encore lu et dont le titre est :
Notre corps ne ment jamais .
MalgrĂ© toutes nos expĂ©riences, toutes nos prĂ©tentions et nos certitudes, toutes nos applications high tech, toutes nos « victoires », tous nos titres et toutes nos conquĂȘtes, je crois quâil est des vĂ©ritĂ©s incontestables ou assez incontestables comme le titre de ce livre dâAlice Miller .
Que lâon parle de la torture, dâun viol, dâune blessure, dâun traumatisme, dâun harcĂšlement, dâun burn out, dâun dĂ©sespoir ou dâun plaisir consenti, il mâapparaĂźt trĂšs difficile d’Ă©chapper Ă la vĂ©ritĂ© de ce titre dâAlice Miller . Câest pourtant une vĂ©ritĂ© Ă laquelle, quotidiennement, nous tournons le dos ou que nous ignorons.
Des expĂ©riences de massage bien-ĂȘtre
Osny, dans le parc du chĂąteau de Grouchy, avril 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Et, sans ĂȘtre psychanalyste, je suis restĂ© marquĂ© par cette dĂ©couverte que jâai faite lors de ma formation en massage bien-ĂȘtre il y a quelques annĂ©es :
Pour asseoir cette formation en massage bien-ĂȘtre, trĂšs concrĂšte, je me suis fait masser par diffĂ©rents stagiaires, femmes et hommes de diffĂ©rentes histoires et horizons. Y compris par un homosexuel, Ă son domicile.
Et jâai aussi massĂ© des stagiaires en formation massage bien-ĂȘtre comme moi, femmes et hommes. Jâai aussi massĂ© certains de mes proches et moins proches (famille, amis, connaissances).
Jâai appris que quelques personnes, une minoritĂ©, en se faisant masser au cours de cette formation en massage bien-ĂȘtre, dans un climat de rĂ©elle bienveillance , sâĂ©tait effondrĂ©e en larmes. Des Ă©motions douloureuses, anciennes et ancrĂ©es en elles (jâai plutĂŽt entendu parler de femmes Ă qui cette expĂ©rience est arrivĂ©e), aspirĂ©es par les mains qui les massaient, avaient en quelque sorte « fracassĂ© » ces barrages mentaux quâelles soutenaient de toutes leurs forces pour juguler une certaine souffrance intĂ©rieure et trĂšs forte. Cela pouvait ĂȘtre parce-que, jamais, dans leur enfance, on ne les avait touchĂ©es avec une telle « bienveillance ». Ou pour toute autre raisonâŠ
De mon cĂŽtĂ©, je me rappelle de mon effarement en massant deux amis de longue date. Deux amis que je connais depuis le collĂšge. Bien qu’officiellement volontaires tous les deux pour que je les masse, ces deux amis (masculins, donc) se sont rĂ©vĂ©lĂ©s particuliĂšrement indisponibles pour profiter du massage.
Lâun expliquant Ă sa compagne (jâĂ©tais venu le masser chez eux) un peu comme s’il s’agissait d’aborder un problĂšme de mathĂ©matiques, que, pour se faire masser, il « faut se laisser aller ». Pour me montrer, ensuite…comme il avait particuliĂšrement du mal Ă se laisser aller.
Lorsque lâon se laisse aller lors dâun massage, on peut soit se mettre Ă pleurer si certaines Ă©motions douloureuses font surface ou, au contraire, se dĂ©tendre jusquâĂ lâendormissement. Et il sâagit dâun endormissement rĂ©parateur et trĂšs agrĂ©able. MĂȘme si cet endormissement ne dure que quelques minutes.
Je me demande si jâai le droit de faire un parallĂšle pour cet ami, qui est quand mĂȘme mon meilleur ami, entre le fait quâil ait eu autant de mal Ă recevoir mon massage et le fait que lorsquâil a tentĂ© de faire une thĂ©rapie, il a pu dire quâil ne sây passait « rien », car ne parvenant pas, j’imagine, à « sâouvrir » suffisamment ou Ă se « laisser » aller ou porterâŠ..
J’ignore si le fait que mes deux amis se connaissent a jouĂ©. NĂ©anmoins, Ă plusieurs jours ou plusieurs semaines d’intervalle, le second ami a fait encore « mieux » que le prĂ©cĂ©dent :
Alors que je le massais, chez moi, subitement, cet ami s’est avisĂ© quâil lui fallait absolument consulter son tĂ©lĂ©phone portable. Je l’ai donc vu Ă©tendre son bras pour attraper son tĂ©lĂ©phone portable….
Mon propre pĂšre a refusĂ© ma proposition de se faire masser. Tandis que ma mĂšre, ma jeune sĆur et mon jeune frĂšre se sont faits masser avec plaisir. Mon frĂšre allant jusquâĂ rester endormi dix bonnes minutes aprĂšs la fin du massage.
Lors d’une autre expĂ©rience, alors que, dans un centre de plongĂ©e et d’apnĂ©e en banlieue parisienne, je le massais Ă mĂȘme la peau, un moniteur de plongĂ©e ( Ă©galement motard ) celui-ci, plutĂŽt sympathique, et volontaire Ă©galement, parlait sans discontinuer. Me racontant qu’il avait « dĂ©ja fait » des massages. S’amusant aussi quant au fait que j’avais peut-ĂȘtre prĂ©vu de  » la musique indienne » etc….
Il faut savoir que je fais plutĂŽt partie des personnes, qui, lorsqu’elles sont « dans » le massage, en tant que masseur ou massĂ©, entrent dans une sorte de mĂ©ditation :
Un peu sans doute comme dans la lecture d’un livre ou lorsque j’Ă©cris. Il m’est arrivĂ© d’ĂȘtre appelĂ© alors que j’Ă©tais en pleine Ă©criture. Et, souvent, la personne que j’ai eue au tĂ©lĂ©phone a eu l’impression de me rĂ©veiller. J’Ă©tais tout simplement encore  » en moi-mĂȘme » en rĂ©pondant au tĂ©lĂ©phone.
Lorsque je masse, si la personne massĂ©e peut « entrer en elle », j’entre aussi en moi-mĂȘme, tout en Ă©tant attentif Ă la personne que je masse comme au temps que je mets. C’est un voyage Ă la fois commun mais aussi individuel . Le corps de l’autre et le contact de nos mains reliĂ©es bien sĂ»r Ă notre ĂȘtre, donc, Ă©galement Ă notre corps et Ă notre propre vie intĂ©rieure permettent ce voyage.
Dans ces circonstances, ĂȘtre en prĂ©sence de quelqu’un qui se met Ă parler pour « meubler » ou sans doute parce-qu’il est finalement mal Ă l’aise, casse en quelque sorte l’ambiance. Un massage, de mon point de vue, est pour beaucoup un voyage intĂ©rieur mĂȘme si l’on part de « l’extĂ©rieur » ( le corps, des mains, de l’huile, un environnement et un moment particulier….).
NĂ©anmoins, ce jour-lĂ , s’il Ă©tait particuliĂšrement bavard lors du massage Ă l’huile de son dos, ce « cobaye » moniteur de plongĂ©e, qui Ă©tait dĂ©ja descendu Ă soixante mĂštres et plus profond en plongĂ©e bouteille, s’Ă©tait soudainement tu. Lorsque j’Ă©tais ensuite passĂ© Ă une forme d’Ă©tirements et de balancements plus fermes mais aussi plus toniques qui dĂ©tendent Ă©galement. J’en avais dĂ©duit que c’Ă©tait cela qui convenait le mieux Ă cet homme. Un homme que je n’ai jamais revu par la suite car en revenant plus tard, en accord avec le directeur de ce centre aquatique, pour masser et relaxer des plongeuses et des plongeurs volontaires avant leur sĂ©ance ( et il y’en eut), j’appris que ce moniteur de plongĂ©e s’Ă©tait tuĂ© quelques semaines plus tard Ă moto.
Un autre ami, toujours vivant, lui, que j’ai massĂ© deux ou trois fois, m’avait aussi surpris Ă chaque fois. PlutĂŽt rĂ©servĂ© quant Ă ses Ă©motions et assez dur au mal, trĂšs travailleur, perfectionniste, et plus que reconnu dans sa profession, chaque fois que j’avais commencĂ© Ă le masser, cet ami s’Ă©tait mis subitement Ă me parler – lui qui est plutĂŽt du genre Ă voir toute forme de thĂ©rapie comme une absurditĂ©- et Ă se confier Ă moi sans que je ne m’y attende.
Je me rappelle aussi d’une fois, en particulier, oĂč, aprĂšs l’avoir massĂ©, j’avais « ramassé » beaucoup de ses tensions intĂ©rieures.
Enfin, bien-sĂ»r, plus d’une fois, des personnes m’ont dit ouvertement qu’elles voyaient le massage comme un prĂ©liminaire Ă l’acte sexuel. Et que, de ce fait, il Ă©tait pour elles hors de question que je les masse. Cela a pu prendre des proportions trĂšs comiques avec mon beau-frĂšre. Ainsi qu’avec un ami, Raguse .
Alice Miller a donc raison : Notre corps ne ment jamais. Et, selon lâĂ©tat de confiance et de mĂ©fiance, d’attirance ou de rĂ©pulsion dans lequel on se trouve, on accepte, Ă tort ou Ă raison, de sâen remettre Ă lâautre. Et, il me semble que lâAmour, câest, Ă un moment ou Ă un autre, sâen remettre Ă lâautre dans une certaine intimitĂ©.
Il est courant de considĂ©rer quâune personne nous inspire de la mĂ©fiance parce-que son attitude nous apparaĂźt « louche » ou « suspecte ». Et cela peut ĂȘtre vrai. Sauf que lâon parle moins souvent de ces fois oĂč lâon attribue Ă quelquâun des dĂ©fauts ou des vices, mais aussi des qualitĂ©s extraordinaires, qui existent principalement dans le dĂ©cor de notre imaginaire.
Couple se parlant, dans le mĂ©tro. Paris, avril 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Le DĂ©cor de notre imaginaire
Jâai plusieurs fois Ă©tĂ© marquĂ© dâentendre des femmes se plaindre dâhistoires malheureuses quâelles avaient pu connaĂźtre avec des hommes. Alors que, parallĂšlement Ă cela, ces mĂȘmes femmes avaient pu se dĂ©tourner ou se montrer impitoyables avec dâautres hommes sincĂšrement attentionnĂ©s Ă leur Ă©gard.
Pas plus tard quâil y a quelques jours, une interne qui faisait sa derniĂšre garde dans mon service, en tant que stagiaire, me parlait dâune confĂ©rence ou dâun colloque oĂč elle sâĂ©tait rendue et oĂč elle avait eu lâimpression de se trouver « dans une secte » :
Un mĂ©decin chef (psychiatre, je crois) y Ă©tait admirĂ© par plusieurs de ses autres collĂšgues mĂ©decins. Des femmes, exclusivement. Et, Ă un moment donnĂ©, lâune dâelle, a pris la parole pour sâexprimer sur un sujet donnĂ©. Sauf que son point de vue nâa pas Ă©tĂ© partagĂ© par le mĂ©decin chef qui, devant tout le monde (environ une cinquantaine de personnes) lui a dit : « Tu dis nâimporte quoi ! ».
La jeune interne qui me racontait ça mâa ensuite appris, mĂ©dusĂ©e, que la femme mĂ©decin humiliĂ©e en public avait trouvĂ© des circonstances Ă ce mĂ©decin chef quâelle estimait si « gĂ©nial ! ».
Jâen ai rajoutĂ© une couche en disant Ă cette jeune interne :
Peut-ĂȘtre ou sans doute que toutes ces femmes qui admirent ce mĂ©decin chef aimeraient sâautoriser Ă ĂȘtre comme lui. Et jâai en quelque sorte conclu en disant que, sans aucun doute, dâici quelques annĂ©es, plusieurs de ces femmes mĂ©decins diront que travailler avec ce mĂ©decin chef a constituĂ© ou aura constituĂ© lâune des meilleures pĂ©riodes de leur vie professionnelle mais aussi personnelle.
Mona Chollet , dans son livre, RĂ©inventer lâAmour , parle de ces sujets autrement. Avec dâautres exemples. En citant Marlon Brando et Serge Gainsbourg , deux hommes, deux PersonnalitĂ©s et deux artistes, encore adulĂ©s. Des modĂšles pour bien des femmes et des hommes encore aujourdâhui.
Lorsque lâon lit lâouvrage de Mona Chollet , on rit jaune en dĂ©couvrant lâenvers du dĂ©cor conjugal de Marlon Brando et Serge Gainsbourg . Pareil pour Miles Davis , mon musicien prĂ©fĂ©rĂ© malgrĂ© ce que je savais dĂ©ja de lui en tant que pĂšre plus quâabsent et dĂ©plorable.
Dans le livre de Mona Chollet , cela mâa fait rire de lire ce passage oĂč Miles , jaloux et paranoĂŻaque, persuadĂ© quâun rival amoureux se cachait Ă la maison, s’est mis Ă dĂ©valer les escaliers, un couteau de cuisine Ă la main.
Je peux me permettre de rire, dâune part, parce que Cicely Tyson , je crois, sa compagne de lâĂ©poque, est toujours en vie. Mais, aussi, parce-que, plusieurs annĂ©es aprĂšs la mort de Miles (en 1991, la mĂȘme annĂ©e que Serge Gainsbourg ) Mona Chollet nous apprend dans son livre que Cicely Tyson affirme encore que Miles est « son homme ».
La grande chanteuse de Blues, Billie Holliday , finalement, ne chantait pas autre chose. Et Edith Piaf ?
Je peux rire jaune concernant Miles et son couteau de cuisine. Pourtant, concrĂštement, il y a Ă peine deux semaines, avec deux de mes collĂšgues, nous avons transfĂ©rĂ© un homme, dans un service dâhospitalisation en psychiatrie, parce-que, Monsieur, aprĂšs avoir pris de la cocaĂŻne avec sa compagne, et chez elle, a commencĂ© Ă ĂȘtre persuadĂ© que quelquâun se cachait dans lâappartement. Et que celle-ci lui mentait. Alors, Monsieur a violentĂ© sa compagne, a confisquĂ© ses deux tĂ©lĂ©phones portables. Il a fallu lâintervention de la police, appelĂ©e par des voisins, pour sortir la compagne de cet embarras. Lors du transfert, que nous avons effectuĂ© de nuit, aprĂšs une nuit passĂ©e par ce patient dans notre service, ce Monsieur ne mâa pas semblĂ© plus culpabilisĂ© que cela concernant son comportement. Il ne mâa pas non plus donnĂ© lâimpression de douter plus que cela de pouvoir renouer avec sa compagne. Laquelle, si elle avait confirmĂ© les faits devant la police, avait refusĂ© de porter plainte contre lui.
Cette ambivalence toute autant fĂ©minine que masculine vis Ă vis de lâAmour permet de sâapercevoir que le livre de Mona Chollet traite dâun sujet bien plus sĂ©rieux et difficile quâil nây paraĂźt. Et Mona Chollet a fourni un gros travail de recherche. Son livre est facile et agrĂ©able Ă lire. Jâai aimĂ© la façon, dont, par moments, elle entremĂȘle, sans trop en rajouter, des bouts de ses expĂ©riences personnelles qui complĂštent son livre et en font un objet Ă cĆur ouvert qui tranche avec ces livres pleins de dialectiques alambiquĂ©es et thĂ©oriques.
Jâai aussi aimĂ© toutes ces rĂ©fĂ©rences quâelle nous donne en termes dâouvrages ou de personnalitĂ©s portĂ©es sur ce sujet des relations entre les femmes et les hommes. Câest en lisant ce livre que jâai ainsi dĂ©couvert Victoire Tuaillon dont jâai empruntĂ© le livre Les Couilles sur la Table que je nâai pas encore lu. PrĂ©fĂ©rant dâabord lire Retour de flammes ( les pompiers, des hĂ©ros fatiguĂ©s ?) de Romain Pudal dont le titre peut faire penser que jâai eu besoin de me rassurer en me rĂ©fugiant dans un sujet « bien viril » alors que, finalement, je trouve que plusieurs caractĂ©ristiques des valeurs que lâon trouve chez les pompiers convergent trĂšs bien avec ce que je vis- en partie- dans mon service actuel. Et, donc, avec le sujet du livre de Chollet .
Mona Chollet , dans ce livre-ci, parle aussi de l’image de la femme. Des contraintes vestimentaires que la femme peut s’infliger pour plaire. Dans cet article, j’ai insĂ©rĂ© des photos- trĂšs courantes- de publicitĂ©s montrant des femmes dĂ©nudĂ©es. Ces photos ont plu Ă mon regard tant d’un point de vue esthĂ©tique qu’Ă©rotique. Mais il m’a semblĂ© que parler du livre de Mona Chollet en l’illustrant, aussi, avec ces photos, peut aussi permettre de se rappeler du monde dans lequel nous vivons comme de la façon dont, souvent, des jeunes femmes, nous sont prĂ©sentĂ©es. MĂȘme si, par ailleurs, pour ma part, je sais trĂšs bien que je ne rencontrerai jamais, dans la vraie vie, des femmes aussi avantagĂ©es physiquement. Et mĂȘme si cela arrivait, cela ne suffira pas forcĂ©ment pour devenir intime avec elles ou « amis ».
On dira donc que je regarde ces photos pour « l’art », car ce sont souvent de belles photos ainsi que pour le plaisir des yeux. Et qu’en lisant un ouvrage comme celui de Chollet , je m’aperçois un peu plus de ce que ces mĂȘmes photos peuvent avoir de brutal et d’oppressant pour l’identitĂ© de certaines femmes. Et, Ă©videmment, en tant que pĂšre d’une fille, je m’inquiĂšte sans doute aussi un peu plus de la portĂ©e de ce genre de clichĂ©s photographiques, quasi-pornographiques, sur certains enfants mais aussi sur d’autres personnes plus ĂągĂ©es.
A propos de la pornographie, on peut peut-ĂȘtre lire cet article que je dĂ©couvre de plus en plus lu sur mon blog : Brigitte Lahaie en podcast . Un article que j’avais Ă©crit au mois de Mai de l’annĂ©e derniĂšre.
Mais jâai nĂ©anmoins bien parlĂ© de lâambivalence « autant fĂ©minine que masculine » vis Ă vis Ă de lâAmour.
Photo©ïžFranck.Unimon
Lâambivalence « autant fĂ©minine que masculine » vis Ă vis de lâAmour :
Certaines Ćuvres, comme certaines rencontres ou expĂ©riences, nous marquent encore plusieurs annĂ©es plus tard.
Le film Mystic River de Clint Eastwood fait partie de ces Ćuvres et expĂ©riences pour moi. A la fin du film, nous savons que Sean Penn, a Ă©tĂ© persuadĂ© que son ami dâenfance, interprĂ©tĂ© par lâacteur Tim Robbins , est celui qui avait assassinĂ© sa fille.
Alors, Sean Penn, devenu, adulte, plus ou moins un caĂŻd dans son quartier, a fait « avouer » Ă son ancien ami dâenfance que câest bien lui qui avait assassinĂ© sa fille ( la fille de Sean Penn ). Une fois que lâami dâenfance ( Tim Robbins ), brutalisĂ© et intimidĂ© par Sean Penn et ses hommes, a « avouĂ© », Sean ( qui porte bien-sĂ»r un autre prĂ©nom dans le film) applique ce quâil considĂšre ĂȘtre la justice dâun pĂšre vengeant lâassassinat immonde de sa fille . Et il exĂ©cute son ami dâenfance. Car les « aveux » de celui-ci ont balayĂ© ses derniers doutes.
Pourquoi Sean Penn croit-il plausible que son ami dâenfance ait pu assassiner sa fille ? Parce-que, plus jeunes, alors que Sean Penn , Tim Robbins et Kevin Beacon , jouaient ensemble dans leur quartier, le jeune Tim , perçu, en le regardant, comme le plus fragile psychologiquement du trio, avait Ă©tĂ© kidnappĂ© par deux adultes se dĂ©plaçant en voiture. Puis violĂ©.
Ce qui veut dire quâun prĂ©dateur ne choisit pas nâimporte quelle proie. Et quâune fois que lâon a Ă©tĂ© la proie ou la victime de quelquâun, quâil peut rester en nous, la trace de ce passĂ© qui peut ĂȘtre retrouvĂ©e- et utilisĂ©e- par quelquâun dâautre. Si, entre-temps, on nâa pas appris Ă se dĂ©fendre en cas dâagression ou Ă mieux reconnaĂźtre, et plus vite, de vĂ©ritables agresseurs et prĂ©dateurs, lorsquâil sâen prĂ©sente.
On peut ĂȘtre un homme et avoir Ă©tĂ©, plus jeune, le souffre-douleur attitrĂ© de certaines personnes parce-que lâon a Ă©tĂ© identifiĂ© comme celui qui est « faible » ou quâil est facile de malmener pour sâamuser. Câest ce que jâai compris lorsque le combattant français Patrice Quarteron , nĂ© en 1979, dont je dĂ©couvre le surnom « Le RĂŽnin sombre », pratiquant du Muay ThaĂŻ, a pu dire dans une interview que, plus jeune, malgrĂ© ou Ă cause de sa grande taille, qu’il Ă©tait souvent celui que lâon venait frapper. Quarteron allant, alors, jusquâĂ ironiser en se remĂ©morant ce passĂ© en disant quelque chose comme :
« CâĂ©tait drĂŽle, câĂ©tait toujours Patrice Quarteron que lâon venait frapperâŠ. ». On revenait « toujours » le frapper, comme on revenait souvent frapper Ă une mĂȘme porte, parce quâĂ cette Ă©poque, rĂ©volue, Quarteron Ă©tait « connu » comme celui sur lequel on pouvait facilement venir se dĂ©fouler. Pour faire passer le temps.
Comme on peut le faire pour certaines femmes sexuellement ou physiquement. Ou, sur certains enfants.
Dans Mystic River , face aux trois jeunes garçons dont les personnages sont jouĂ©s, adultes, par Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Beacon , les deux hommes prĂ©dateurs, ĂągĂ©s dâune quarantaine dâannĂ©es, Ă©tablissent que le « jeune » Sean Penn est un dur Ă cuire qui va leur donner du mal. Et que le « jeune » Kevin Beacon est trop malin. Cela semble se « voir » ou se deviner en regardant ces trois jeunes garçons qui doivent avoir alors 12 ans tout au plus.
Alors, les deux prédateurs se rabattent sur le « jeune » Tim Robbins. Le plus docile, le plus vulnérable et sans doute aussi le plus poli et le plus gentil. Celui qui est, ici, trop pétri de bonnes maniÚres. Celui, qui, plus tard, sans doute aurait été un homme galant, attentionné etc est celui qui est sacrifié.
Etant donnĂ© que les apparences peuvent ĂȘtre trompeuses, les deux prĂ©dateurs auraient pu tomber sur un jeune « Tim », finalement bien plus combattif qu’ils ne l’avaient cru. Mais il se trouve que le jeune « Tim » s’est rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre la victime « idĂ©ale » pour ces deux hommes. Peut-ĂȘtre du fait de leur dĂ©ja grande « expĂ©rience » mais aussi de leur instinct de « chasseurs ».
A la fin du film Mystic River , Sean Penn apprend quâil sâest trompĂ© sur son ancien ami dâenfance. Et que celui-ci nâĂ©tait pas lâassassin de sa fille. Sean Penn a alors un moment dâeffondrement face Ă sa femme. Et, lĂ , celle-ci, le « remonte » et lui dit, ou plutĂŽt lui assĂšne, quâil a fait ce quâil fallait faire ! Quâil sâest comportĂ© comme un chef de tribu doit le faire ! Nous avons donc, lĂ , une mĂšre, et une femme, qui considĂšre quâun homme, en tant que chef de famille, mĂȘme sâil se trompe, doit ĂȘtre capable de sâimposer physiquement et de tuer pour protĂ©ger ou dĂ©fendre sa famille . Nous sommes donc ici trĂšs loin du discours selon lequel il est attendu dâun homme quâil soit aux petits soins avec sa femme et sa progĂ©niture ; quâil fasse des bons petits plats ; quâil invite sa femme au restaurant, lui dĂ©clame des poĂšmes, change les couches des enfants, aille faire les courses et participe aux tĂąches mĂ©nagĂšres comme aux devoirs scolaires des enfants etcâŠ.
Parce-que, mĂȘme si un homme peut cumuler certaines aptitudes domestiques avec celles dâun Sean Penn dans Mystic River , il mâapparaĂźt peu plausible quâun mĂȘme homme puisse et Ă la fois ĂȘtre lâĂ©quivalent dâun Sean Penn dans Mystic River mais, aussi, ĂȘtre un compagnon doux et attentionnĂ© selon certains critĂšres dâĂ©galitĂ© officiels entre les femmes et les hommes, et quâil soit recherchĂ© pour cela par la majoritĂ© des femmes.
Il me semble que tout en recherchant plus d’Ă©galitĂ© avec les hommes, que bien des femmes vont prĂ©fĂ©rer avoir un Sean Penn tel qu’il est dans Mystic River soit comme amant, soit pour mari et pĂšre de leurs enfants. Tandis que d’autres femmes ne pourront pas accepter de vivre avec un homme pareil car elles se sentiront incapables de « rivaliser » ou avec lui ou ne pourront pas le « maitriser » ( le dominer)….
Je me rappelle quâil y a plusieurs annĂ©es, un ami guadeloupĂ©en, nĂ© en Guadeloupe et y rĂ©sidant toujours, mâavait dit quâil Ă©tait du genre romantique. Et quâil sâĂ©tait vite aperçu quâil ne correspondait pas du tout au type dâhomme recherchĂ© par les femmes du pays.
Il sâest ensuite mariĂ© avec une Polonaise avec laquelle il vit en Guadeloupe depuis des annĂ©es avec leurs enfants.
Dans un podcast Ă©coutĂ© rĂ©cemment, dans lâĂ©mission Les pieds sur terre , une jeune femme raconte comment elle aime soumettre les hommes. Peu mâimporte quâelle soit adepte de relations BDSM dĂšs lâinstant oĂč celles ci sont consenties entre adultes. Ce qui mâa dĂ©rangĂ©, câest que cette femme a ouvertement dit ĂȘtre attirĂ©e par des femmes plutĂŽt que par des hommes. Et, je nâai pu mâempĂȘcher de voir de la perversion et une trĂšs grande satisfaction personnelle de sa part dans ce qui, pour moi, Ă©tait le contraire absolu dâune relation . MĂȘme si les hommes quâelle soumettait Ă©taient et sont consentants. Car pour quâil y ait Amour, il faut dĂ©jĂ quâil y ait un minimum de relation entre deux personnes. Ce qui implique, Ă mon avis, une certaine Ă©galitĂ©, Ă un moment donnĂ©. Si lâon parle dâune relation. Alors que dans le tĂ©moignage de cette jeune femme, assez contente dâelle, je ne voyais pas oĂč Ă©tait cette Ă©galitĂ© et cette rĂ©ciprocitĂ©. Cette jeune femme racontait simplement comment elle prenait son pied Ă humilier et Ă soumettre avec le consentement de « ses » hommes.
Enfin, dans un autre podcast, une femme raconte quâĂ un moment de sa vie, elle avait besoin de faire lâAmour tous les jours. En changeant de partenaire rĂ©guliĂšrement. Pourquoi pas ? Sauf que sa libido nâĂ©tait pas au rendez-vous et elle sâest demandĂ©e comment elle pouvait y remĂ©dier. DâoĂč son podcast dans lequel elle raconte comment elle sây est prise pour accroĂźtre sa libido. Ce faisant, elle a entendu parler de la poudre de Maca qui, sur elle, a eu peu dâeffets. Alors que, toujours dans ce podcast, elle interviewe une femme pour qui la poudre de Maca a eu lâeffet aphrodisiaque recherchĂ©.
Jâen profite pour dire que, depuis, je suis allĂ© acheter de la poudre de Maca. Non pour gonfler ma libido. Mais parce-que je me sens fatiguĂ© en ce moment et que jâai dĂ©couvert, grace Ă ce podcast, que la poudre de Maca pouvait faire du bien lorsque lâon est fatiguĂ©. Jâen suis Ă trois jours de prise quotidienne Ă raison dâune cuillĂšre Ă cafĂ© le matin et jâai tendance Ă confirmer pour lâinstant les propriĂ©tĂ©s requinquantes de la poudre de Maca. Et tant mieux, car ces 200 grammes de poudre de Maca mâont quand mĂȘme coĂ»tĂ© prĂšs de 30 euros !
Par contre, alors que jâĂ©coutais ce podcast centrĂ© sur la recherche de moyens pour maintenir ou remettre une libido Ă flot, jâai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© que la personne autrice de ce podcast oublie, selon moi, lâessentiel :
Le but est d’avoir une remontĂ©e de libido ? Alors, peut-ĂȘtre faut-il dâabord commencer par avoir une relation sincĂšre avec quelquâun et sâattacher Ă cette personne. Cela me semble aussi simple que cela. Et je crois â ou espĂšre- que le livre de Mona Chollet va aussi dans ce sens-lĂ . MĂȘme si, comme on sâen doute, le sujet de lâAmour peut durer une vie entiĂšre.
Franck Unimon, ce lundi 2 Mai 2022.