La Clinique de lâAmour, dâaprĂšs un podcast de France Inter
Câest devenu une obsession. AprĂšs quelques autres obsessions. Car je fais partie des obsessionnels anonymes. Nous sommes des millions et peut-ĂȘtre des milliards Ă porter ce type de tablier :
La personne « obsessionnelle » à laquelle je pense est souvent appelée « maniaque » dans le langage quotidien. Dans le langage quotidien, la personne « obsessionnelle » ou « maniaque » à laquelle je fais allusion est celle ou celui dont la vie semble souvent dépendre de deux ou trois détails qui (le) tuent presque :
Madame ou Monsieur a trĂšs bien prĂ©parĂ© son repas. Les invitĂ©s vont arriver. Tout est parfait. La table est mise. Tous les couverts assortis sont disposĂ©s Ă angle droit avec des variations chromatiques Ă©tudiĂ©es selon le thĂšme astral ou le chakra de chaque convive. Un petit cadeau personnalisĂ© attend chacun. La musique frĂŽle lâintime et le sublime au vu de la crĂ©ativitĂ© des enchaĂźnements. Mais aussi du fait de lâonctuositĂ© de la restitution sonore. Le mobilier a Ă©tĂ© cirĂ©. Le mĂ©nage a Ă©tĂ© bien fait. Les meubles sont disposĂ©s selon des prĂ©ceptes bouddhistes qui invitent Ă la dĂ©tente et Ă la mĂ©ditation. Dâailleurs, un bĂąton dâencens se consume Ă la façon dâun phare qui assurerait la sĂ©rĂ©nitĂ© ainsi que lâimpossibilitĂ© du naufrage formel comme spirituel. Tout va bien. Madame ou Monsieur est exactement zen. Et puis, arrive le court-circuit.
En passant la porte de la salle de bain pour aller ouvrir aux invitĂ©s qui viennent de sonner Ă lâinterphone, Madame ou Monsieur sâaperçoit de la prĂ©sence dâune boursouflure sur le mur adjacent. Câest trois fois rien. Un demi-centimĂštre de boursouflure que personne ne remarquera. Mais, Ă partir de ce moment, une bombe Ă retardement sâenclenche. Bombe que Madame ou Monsieur ne parviendra pas Ă dĂ©samorcer. Car, Madame ou Monsieur ne pensera plus quâĂ cette boursouflure. Et non plus Ă cette invitĂ©e ou cet invitĂ© qui lui a tant plu lors dâune prĂ©cĂ©dente soirĂ©e et quâelle ou quâil espĂšre sĂ©duire en sortant le grand jeu.
Avant que le premier invitĂ© ou la premiĂšre invitĂ©e nâarrive, Madame ou Monsieur aura peut-ĂȘtre dĂ©foncĂ© le mur Ă la masse et recevra alors dans la poussiĂšre et les gravatsâŠ..
Je caricature bien-sĂ»r lorsque je donne cet exemple « dâobsession ». Dans cette anecdote que je viens dâinventer ce matin, il sâagit bien-sĂ»r dâune « obsession » grave. Dâordre psychiatrique. Mais jâai illustrĂ© ça de cette façon, en grossissant le trait, pour mieux me faire comprendre lorsque je parle dâobsession. Mes obsessions sont bien-sĂ»r plus lĂ©gĂšres que celle que je viens de raconter. On peut reprendre son souffle ou se mettre Ă rire.
Les Maitres, les Experts, les amisâŠ.et les faussaires :
DĂ©sormais, pratiquement chaque fois que je lis les propos dâun grand Maitre dâArts Martiaux, dâune PersonnalitĂ© ou de tout autre individu dont lâitinĂ©raire me « plait », je me soumets Ă cette question :
Quel genre de personne est-ce lorsque son enfant, comme tous les enfants, le prend au dĂ©pourvu et dĂ©range son superbe agencement mental et moral ? La nuit ? Le jour ? Pendant quâil est au volant ? Alors quâil est occupĂ© ? Tandis quâil lui parle et essaie de le convaincre ou de lui transmettre quelque chose ?
Lorsque lâon lit les interviews ou que lâon assiste Ă des dĂ©monstrations de Maitres, dâexperts ou autres, on a souvent lâimpression que tout coule de source pour eux, sur le tatamis comme dans la ratatouille du quotidien. On dirait que leurs Ă©motions sont toujours leurs alliĂ©es ou leurs domestiques. Ou, quâau pire, elles se prennent une bonne branlĂ©e lorsquâelles tentent de les entraĂźner dans un mauvais kata ou dans un mauvais plan. Mais je sais que câest impossible. Je sais que câest faux. Sauf que je nâai pas de preuves.
Je pourrais me rabattre sur les amis. Mais jâai compris que parmi mes amis, connaissances, collĂšgues et autres, passĂ©s, prĂ©sents et futurs se cachent beaucoup de faussaires :
Du cĂŽtĂ© des mecs ou des hommes, si lâon prĂ©fĂšre, cette faussetĂ© est un composĂ© dâignorance, de prudence et de conformisme. Je nâai pas oubliĂ©, et sans doute ne lâai-je toujours pas digĂ©rĂ©e, cette sorte dâhypocrisie sociale et faciale, Ă laquelle jâai participĂ©, de bien des hommes qui, plus jeunes, savaient me parler de cul, de leurs coups, de nanasâŠ.alors que, secrĂštement, ils aspiraient Ă se marier et Ă faire des enfants.
Un article lu par quelles femmes et quels hommes ? :
Bien-sĂ»r, cette caricature sociale peut faire rire. Et, elle doit faire rire. Ce qui me fait faire la grimace, câest que cette caricature et ce conformisme social nous font souvent, hommes comme femmes, passer Ă cĂŽtĂ© du principal concernant notre vie personnelle. Voire concernant notre vie tout court. Un exemple :
Cet article long (comme beaucoup de mes articles) sera, Ă mon avis, plus lu â et apprĂ©ciĂ©- par des femmes que par des hommes. Alors que les hommes ou les mecs (hĂ©tĂ©ros comme homos) sont Ă mon avis autant concernĂ©s que les femmes par les sujets de cet article. Puisque, tous, Ă un moment ou Ă un autre, nous nous postons devant le sujet de lâAmour et essayons dây rĂ©pondre avec nos moyens.
Et si des hommes lisent cet article, je mâattends Ă ce quâils soient en majoritĂ© ĂągĂ©s de plus de trente ans. Parce quâen dessous de 30 ans- câest trĂšs schĂ©matique- mĂȘme si les hommes peuvent ĂȘtre des sentimentaux ( je suis un sentimental), nous sommes nombreux, je crois, Ă ĂȘtre obsĂ©dĂ©s par le fait dâĂȘtre performants sexuellement. Que ce soit en termes de nombre de conquĂȘtes ou en termes dâaptitudes particuliĂšres (longueur du pĂ©nis, durĂ©e de lâĂ©rection, capacitĂ© Ă sâaccoupler dans telle position et dans tel type dâenvironnement etcâŠ.), on dirait que notre valeur personnelle est indexĂ©e ( vraiment) sur notre valeur boursiĂšre. Et, ce qui est troublant, câest que plus un homme est « connu » pour ĂȘtre un tombeur, plus sa cĂŽte augmente auprĂšs dâune certaine gente fĂ©minine. Gente fĂ©minine qui peut ĂȘtre tout Ă fait Ă©duquĂ©e, cultivĂ©e et aisĂ©e socialement et matĂ©riellement. Dans le film Extension du domaine de la lutte adaptĂ© par Philippe Harel (avec lui-mĂȘme et JosĂ© Garcia dâaprĂšs le livre de Michel Houellebecq) il est clairement dĂ©montrĂ© que lâhomme sans conquĂȘte fĂ©minine, dĂ©primĂ©, laborieux et terne est souvent cĂ©libataire contrairement Ă celui qui « besogne » les femmes pour ĂȘtre direct.
Sâil existe des couples de dĂ©primĂ©s, il est aussi assez courant que lâun des deux aille chercher de la lĂ©gĂšretĂ© et du rĂ©confort ailleurs. MĂȘme si câest pour, ensuite, revenir au domicile par sĂ©curitĂ©, par espoir ou par devoir.
Mieux se comprendre, mieux se choisir et mieux sâaimer :
Je crois nĂ©anmoins que certaines femmes nâont pas besoin quâon leur promette des Ă©toiles (comme mâavait dit un jour un de mes cousins Don Juan il y a plusieurs annĂ©es) pour « faire le grand soleil » comme dirait le romancier RenĂ© Depestre.
Ou pour se mettre en couple.
Pourtant, Ă propos du sujet de lâAmour, je crois les femmes plus sincĂšres entre elles. Pour lâaborder. Mais je ne vais pas non plus en faire des anges de clairvoyance et de droiture. Car, comme je lâai dit ce matin avec humour et provocation devant plusieurs de mes collĂšgues femmes :
« Cela peut ĂȘtre difficile dâĂȘtre dâun homme devant une femme ». Et je ne parlais pas de compĂ©tences sexuelles en particulier. Pour ĂȘtre un homme devant une femme, il faut dĂ©jĂ savoir ce que cette femme attend dâun homme. Mais aussi ce quâĂȘtre femme signifie pour elle. Et quels sont leurs vĂ©ritables projets Ă tous les deux dans la vie. Et si ça concorde suffisamment pour tous les deux.
Ăa paraĂźt simple Ă©crit comme ça. Mais si câĂ©tait si simple que cela, les gens se choisiraient mieux, se comprendraient mieux et sâaimeraient mieux.
Je crois que, gĂ©nĂ©ralement, on continue de croire quâil « suffit » de sâaimer et de se dĂ©sirer pour quâune histoire dure.
Il existe, aussi, une sorte de mĂ©fiance instinctive, donc animale, entre lâhomme et la femme, mais aussi entre deux personnes, dĂšs quâelles se rencontrent, qui fait, bien des fois, que certaines personnes qui pourraient sâallier se rejettent. Pendant que dâautres qui auraient mieux fait de sâignorer dĂ©cident de sâamalgamer.
Les Hommes, tous des salauds ?! Et les Femmes, toutes des salopes ?!
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Comme tout le monde, jâai entendu certaines femmes dire des hommes quâils sont « tous des salauds!». Et certains hommes dire que les femmes « sont toutes des salopes ! ».
Ce qui mâĂ©tonne, de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e, mĂȘme sâil y a bien-sĂ»r des « salauds » parmi les hommes et des « salopes » parmi les femmes, câest que ces mĂȘmes personnes (femmes et hommes), lorsquâelles croisent des gens « bien », les zappent ou les ignorent. Câest une constante. Je nâĂ©cris rien dâextraordinaire, ici.
Des couples volontaires : Se dire ouiâŠet non.
Et puis, il y a cette ambivalence ou cette particularité, propre, je crois, à tous les couples :
Lorsque lâon dĂ©cide de se mettre ensemble, on est souvent lâun et lâautre trĂšs volontaire. Car on est au moins soutenu par lâAmour, le dĂ©sir ainsi que par le souhait de rompre notre solitude.
Cependant, dans chaque couple, je crois, mĂȘme si lâon se dit « oui » (que lâon se marie ou non), il est des domaines sensibles oĂč lâon se dit non.
Mais on le banalise ou on lâignore parce-que le regard et le corps de lâautre produisent alors des atomes qui propulsent notre univers personnel dans un espace-temps qui sâouvre seulement pour nous. Et cela nous rend extraordinairement optimistes. Ou exaltĂ©s.
Et, nous aussi, nous produisons des atomes auxquels lâautre est alors particuliĂšrement sensible. Cela la rend ou le rend aussi extraordinairement optimiste ou exaltĂ©( Ă©).
Alors, nous dĂ©collons ensemble vers un ailleurs sans toujours bien prendre le temps de bien vĂ©rifier la validitĂ© de tout lâĂ©quipement affectif que nous emportons. Mais aussi ses rĂ©elles compatibilitĂ©s avec lâĂ©quipement affectif, moral et psychologique de lâautre. Car notre vie est ainsi faite :
De vĂ©rifications mais aussi dâĂ©lans et de spontanĂ©itĂ©s. Certains de nos Ă©lans et de nos spontanĂ©itĂ©s sont inspirĂ©s par des reflets de nous-mĂȘmesâŠ.sauf quâun reflet, câest le contraire de lâautre. Câest notre regard sur lui.
SĂ©rie ” La Flamme” sur la chaine Canal + que je n’ai malheureusement pas encore pu voir.
Moi, thérapeute de couple ?!
A ce stade de cet article, on peut peut-ĂȘtre croire que je ma la pĂšte :
Que jâai tout vu et tout entendu. Et que je sais tout concernant le couple. Que je maitrise mon sujet. Ce serait plutĂŽt, un peu le contraire. Je mâapplique seulement Ă ĂȘtre aussi sincĂšre que possible. Aux potins, ragots et autres articles de psychologie « de cuisine » oĂč lâon donne des « trucs », je prĂ©fĂšre donner la prioritĂ© Ă un certain vĂ©cu, Ă certaines rĂ©flexions. Et Ă les transmettre. Parce-que jâai aussi eu la chance, quand mĂȘme, dâavoir des discussions ouvertes, ou dâĂȘtre le tĂ©moin direct de certaines situations affectives sensibles.
NĂ©anmoins, jâai aussi lu des articles de psychologie « facile ». Et, jâen lirai sans doute d’autres. Jâai aussi Ă©coutĂ© des potins et des ragots mĂȘme si ce nâest pas mon point fort.
Car, évidemment, comme pour tout le monde, tout a commencé dans mon enfance.
Le modĂšle de mes parents :
Je suis largement lâaĂźnĂ© des enfants de mes parents. A voir mes relations passionnelles et rapidement explosives avec mon pĂšre, je reste devant un mystĂšre. Je me demande encore quel genre de pĂšre il Ă©tait lorsque je ne mâen souviens pas :
Lors de mes quatre premiĂšres annĂ©es de vie. Lorsque jâĂ©coute ma mĂšre, que jâai dĂ©jĂ questionnĂ©e et re-questionnĂ©e, mon pĂšre aurait Ă©tĂ© un pĂšre tout ce quâil y a de plus « ordinaire » Ă mon Ă©gard. Mais je ne le crois pas. Je crois que ma mĂšre, pour dĂ©fendre lâimage de mon pĂšre et aussi parce quâelle sây retrouvait en tant que femme et en tant que mĂšre, avec moi, nâattendait pas trop de « choses » de mon pĂšre, lorsque jâĂ©tais petit.
Si bien des femmes se sentent peu maternelles, il existe aussi nĂ©anmoins beaucoup de femmes, sans doute selon un certain modĂšle traditionnel, qui se sentent dâautant plus femmes quâelles deviennent mĂšres. Et quâelles sâoccupent de la petite ou du petit. Ce modĂšle de mĂšre ou de maman nâattendra pas de lâhomme ou du pĂšre quâil se lĂšve la nuit lorsque le bĂ©bĂ© ou lâenfant se rĂ©veille. Ni que lâhomme ou le pĂšre change les couches, prĂ©pare les biberons ou garde lâenfant Ă la maison. Pour ce « genre » de maman, si le pĂšre ou le papa est important, en pratique, celui-ci est un personnage assez secondaire lors des premiĂšres annĂ©es de vie. Or, les relations que lâon a dĂšs les premiĂšres annĂ©es de vie avec notre enfant mais aussi avec nos frĂšres et nos sĆurs engagent nos relations futures.
Lorsque je vois Ă quel point et avec quelle rapiditĂ©, quelques Ă©changes avec mon pĂšre suffisent Ă ce que nous soyons chien et chat, ou, plutĂŽt, deux coqs face Ă face, jâai beaucoup de mal Ă croire quâil ait pu ĂȘtre si « affectueux » Ă mon Ă©gard lors de mes premiĂšres annĂ©es de vie. MĂȘme si je ne doute pas de son amour comme de son implication- musclĂ©e et obsessionnelle- ensuite dans mon Ă©ducation.
Lâenfance est une carrosserie : diffĂ©rences entre la chirurgie et la psychiatrie
AĂźnĂ© de mes parents, par contre, je me rappelle bien avoir Ă©tĂ© le tĂ©moin direct et contraint de leurs diffĂ©rends. Et ce nâĂ©tait pas toujours trĂšs beau. Des propos tenus en ma prĂ©sence.
Des confidences que ma mĂšre a pu me faire. Confidences qui mâont appris le sens et lâimportance de la discrĂ©tion et des mots. Ainsi que la solidaritĂ©. Sauf que jâĂ©tais trop jeune lorsque cet apprentissage a dĂ©butĂ©. Jâavais moins de dix ans.
Lâenfance, câest une carrosserie. Pendant des annĂ©es, lâenfance permet dâabsorber un certain nombre de chocs et dâaccidents. Les parents parfaits nâexistent pas. MĂȘme si chaque parent, je crois, essaie de rĂ©parer et de faire mieux ou un peu mieux que ses propres parents.
Mais la vie parfaite nâexiste pas. Et nous sommes faits et constituĂ©s de maniĂšre Ă pouvoir encaisser un certain nombre dâaccrochages. Sauf que les coups que nous prenons sont invisibles et laissent des traces invisibles. Câest une des grosses diffĂ©rences entre la chirurgie et la psychiatrie et la psychologie.
Lorsque lâon se fracture une jambe en faisant du ski, de la danse, de la Gym ou du Foot, on a des signes physiques visibles. Cela se voit Ă la radio. On peut rĂ©parer. Je crois de plus en plus que beaucoup de nos blessures sportives arrivent souvent , aussi, dans un certain contexte affectif et psychologique mĂȘme si la fatigue physique et le surentraĂźnement ou la mĂ©forme peuvent augmenter les risques de blessures. Mais, retenons dans notre exemple ce que je veux surtout dĂ©montrer. La chirurgie permet de rĂ©parer et de rĂ©duire des dommages physiques et physiologiques « visibles », dĂ©tectables. Incontestables. Le terme « incontestables » a une grande importance.
Le terme « DĂ©montrables », aussi. On se fracture une jambe, il est trĂšs facile de le dĂ©montrer. Il suffit de toucher. De regarder Ă lâĆil nu. Câest souvent gonflĂ©, chaud, froid, etcâŠ.
En psychiatrie et en psychologie, il y a aussi des signes cliniques variés :
Perte dâappĂ©tit, perte de sommeil, boulimie, anorexie, conduites Ă risques, pensĂ©es particuliĂšres, idĂ©es de mort, dĂ©lires etcâŠ.
Sauf quâentre le moment oĂč un Ă©vĂ©nement traumatique a lieu et « dĂ©clenche » lâĂ©tat psychiatrique ou psychologique- physique et social- visible et dĂ©tectable, il peut se passer plusieurs annĂ©es. En pĂ©dopsychiatrie, on a des mĂŽmes de dix, onze ans voire moins. Ăa fait trĂšs « petit » pour ĂȘtre hospitalisĂ© dans des services de pĂ©dopsychiatrie ou pour consulter dans un centre mĂ©dico-psychologique ou dans un CMPP. Ou pour rencontrer un psychologue. Mais ça fait combien dâannĂ©es que la « carrosserie » de ces mĂŽmes se mange des chocs et des accrochages ? Depuis leur naissance ? Avant leur naissance ?
Dans un garage, on peut vous dire : ça fera tant et tel nombre dâheures pour rĂ©parer la carrosserie. La voiture est un objet inerte. LâĂȘtre humain est le contraire dâun objet. Et lâĂȘtre humain est tout sauf inerte. LâĂȘtre humain, câest de la matiĂšre vivante. RĂ©ceptive Ă ce qui lâenvironne, quâelle sâen rende compte ou non. Partout, tout le temps. Lorsquâelle dort. Lorsquâelle Ă©coute de la musique. Lorsquâelle passe devant une rĂ©clame publicitaire. Lorsquâon la touche. Ăa nâa rien Ă voir avec une carrosserie de voiture ou avec une fracture que lâon va rĂ©duire au bout de quelques semaines ou quelques mois.
Le couple, continuité de notre enfance :
Le couple, câest la continuitĂ© de notre enfance. MĂȘme adultes, nous restons des enfants.
Beaucoup de personnes croient quâune fois adultes, elles se sont complĂštement sĂ©parĂ©es de leur enfance. Elles ont Ă©voluĂ©, oui. Si on leur propose une tĂ©tine ou un biberon pour bĂ©bĂ©, câest Ă©vident, quâelles nâen voudront pas. Mais les tĂ©tines et les biberons ont aussi Ă©voluĂ©. Eux aussi sont devenus grands. Mais avant de devenir adultes, on passe par lâadolescence. Une pĂ©riode assez critique. On critique le monde, les autres, soi. On fait les comptes de ce que lâon a compris et assimilĂ© de la vie, les bons aspects comme les mauvais.
Il existe un Ăąge thĂ©orique pour lâadolescence, grossiĂšrement entre 12 et 20 ans, selon les personnes, les sexes et les cultures. Mais câest trĂšs thĂ©orique. Cela varie selon les expĂ©riences de vie, les tempĂ©raments et les personnes.
Lâadolescence est la pĂ©riode des virages sensibles. On nâest plus un enfant physiquement, mentalement, intellectuellement au sens oĂč les adultes nâont plus le mĂȘme pouvoir dâautoritĂ© ou de dissuasion sur nous. Ils nâont plus le monopole de lâexpĂ©rience et du Savoir aussi, et câest encore plus vrai avec lâinformatique et les nouvelles technologies qui ringardisent de plus en plus rapidement les plus « vieux ».
MĂȘme si, en tant quâados, on craint certains ” vieux”. MĂȘme si on en admire dâautres. MĂȘme si on recherche dâautres. Ouvertement ou secrĂštement.
Le couple, qui, en principe, est lâun des « trophĂ©es » ou lâapanage de lâadulte, permet Ă lâadolescente et Ă lâadolescent de passer Ă lâaction. De mettre en pratique sa vision du monde. Ses convictions. Lâadolescente ou lâadolescent se croit souvent plus libre que lâadulte qui peut ĂȘtre criblĂ© de dĂ©fauts. Du cĂŽtĂ© des adultes, on peut aussi trĂšs mal vivre ou trĂšs mal supporter ces « jeunes » qui nous dĂ©rangent, qui nous cherchent ou nous provoquent. Mais il y a de lâadolescent en chaque adulte et de lâadulte en chaque adolescent. Et, bien-sĂ»r, il y a de lâenfance dans les deux. Sauf que cette enfance nâest pas vĂ©cue, protĂ©gĂ©e ou sacrifiĂ©e de la mĂȘme maniĂšre selon les circonstances et les choix des uns et des autres. Il est ados qui font des choix de vie dont bien des adultes seront incapables. Il est aussi des ados qui font des choix de vie qui feront dâeux des adultes suppliciĂ©s et dĂ©primĂ©s alors quâils avaient pour eux certains atouts. Dâautres, ados ou adultes, deviendront des criminels, des SDFâŠje ne vais pas rĂ©inventer la vie. Elle est devant nous, tous les jours.
Un Adolescent :
Adolescent, je voulais devenir pĂšre Ă vingt ans. Comme ma « mĂšre ». Tout est parti de la naissance de ma sĆur, neuf ans aprĂšs moi. Puis de celle de notre frĂšre, cinq ans plus tard.
Au dĂ©part, jâavais trĂšs mal supportĂ© la prĂ©sence de ma petite sĆur ainsi que ses diverses sollicitations. Puis, je mâĂ©tais « acclimatĂ© ». De toute façon, je nâavais pas le choix :
Lorsque ma mĂšre partait Ă lâhĂŽpital pendant douze heures dans le service de rĂ©animation oĂč elle Ă©tait aide-soignante, et que câĂ©tait le week-end, notre pĂšre considĂ©rait quâil avait mieux Ă faire. Et, il me laissait mâoccuper de ma sĆur et de mon frĂšre Ă la « place » de maman.
Jây ai pris goĂ»t. MĂȘme si, certaines fois, jâaurais bien aimĂ© pouvoir sortir pour mâamuser avec les copains ou pour aller Ă mon club dâathlĂ©tisme. Un de mes cousins mâavait surnommĂ©, en se marrant : « La nounou ! ».
La Nounou
A vingt ans, Ă©tudiant infirmier, comme ma mĂšre aurait souhaitĂ© le devenir, jâai croisĂ© une femme dans un mes stages Ă lâhĂŽpital. Elle Ă©tait aide-soignante, Ă©tait plus ĂągĂ©e que moi de six ans et avait un enfant. Simplement, sincĂšrement, elle mâa fait comprendre quâelle aimerait bien avoir une histoire avec moi. Elle Ă©tait plutĂŽt jolie. Elle mâĂ©tait sympathique et rassurante. Jâavais Ă©tĂ© touchĂ© par sa dĂ©claration. Elle mâavait expliquĂ© que le pĂšre de son enfant, dont elle Ă©tait sĂ©parĂ©e, Ă©tait quelquâun de gentil mais de pas trĂšs adulte.
Son offre Ă©tait tentante. Jeune adulte assez rĂ©cemment dĂ©niaisĂ© sexuellement et bien Ă©videmment tournĂ© vers les prodigieux gisements de lâorgasme, jâai probablement entrevu le trĂšs grand potentiel sexuel dâune union avec elle. Mais je savais aussi ce que celle-ci impliquait :
Avec elle, je nâavais aucun doute quant au fait que je serais rapidement devenu pĂšre. Et, elle, Ă nouveau, une mĂšre.
Enfant, puis ado, jâavais pu voir et revoir ce schĂ©ma trĂšs courant parmi bien des couples de ma famille antillaise, Ă commencer par mes propres parents :
Des jeunes adultes, qui, trĂšs vite, dĂšs quâils commencent Ă travailler, font des enfants. Des femmes qui, jeunes, Ă©taient belles et sveltes, et qui, en devenant mĂšres, sâalourdissaient de kilos en kilos avec les annĂ©es. Des hommes qui, gĂ©nĂ©ralement, Ă©taient plutĂŽt machos et se prĂ©occupaient assez peu de psychologie. Contrairement Ă moi, on lâaura compris.
Je tiens Ă prĂ©ciser que lorsque cette femme, plus mĂ»re que moi, mâavait abordĂ©, je nâavais pas dâintention particuliĂšre Ă son sujet. Si je regardais les femmes au point dâĂȘtre amoureux de certaines, jâĂ©tais beaucoup dans lâidĂ©alisation de la femme. Jâavais aussi un sacrĂ© handicap, voire plusieurs, pour rencontrer des femmes et avoir des relations intimes avec elles.
Mes handicaps au sortir de lâadolescence :
Au dessus de ma tĂȘte et dans ma tĂȘte, Ă©tait plantĂ©e lâinterdiction paternelle de la Femme blanche . Dans un pays oĂč les gens sont majoritairement blancs, ça compliquait un peu la donne.
Ma mĂšre, aide-soignante dans un service de rĂ©animation, mâavait plantĂ© dans la tĂȘte lâinterdiction de la mobylette et de la moto . Interdiction dont je ne me suis toujours pas relevĂ© mĂȘme si jâai pu ĂȘtre passager plutĂŽt facilement et avec plaisir derriĂšre des conducteurs de deux roues. Mais, mon pĂšre, lui, câĂ©tait lâinterdiction de la Femme blanche.
Si jâavais Ă©tĂ© un « queutard », jâaurai pu contourner lâinterdit. Parce-que Monsieur Papa, lui-mĂȘme, a bien aimĂ© “rencontrer” quelques femmes blanches. Mais, peut-ĂȘtre du fait de ma solidaritĂ© enfantine avec ma mĂšre, je ne suis pas un queutard. Or, un queutard sâintĂ©resse avant tout Ă son propre plaisir. Et, nâimporte qui, nâimporte quand, voire, dans nâimporte quelles circonstances peut-ĂȘtre, lui « va ».
Jâavais peur de mettre une femme enceinte. MĂȘme si la contraception (pilule et prĂ©servatif) existait bien-sĂ»r et Ă©tait dĂ©jĂ normalisĂ©e. Sauf que jâavais sans doute une mentalitĂ© de campagnard traditionnel Ă lâimage de mes propres parents. Et, je savais dĂ©jĂ assez concrĂštement quâavoir un enfant ou faire un enfant Ă©tait une responsabilitĂ©. On comprend assez facilement vu ce que jâai pu raconter de mon adolescence. Si plusieurs de mes amis (femmes et hommes) ont dĂ©couvert vers 25 ou 26 ans, ou plus tard, ont dĂ©couvert, en devant mĂšres ou pĂšres, ce que ça faisait de sâoccuper dâun bĂ©bĂ©, moi, je lâavais dĂ©couvert environ dix ans plus tĂŽt. Et quelque peu par la contrainte. Jâen ai eu des bĂ©nĂ©fices. Si, aujourdâhui, jâai plutĂŽt de bonnes relations avec ma sĆur et mon frĂšre, aujourdâhui adultes et mĂšres et pĂšres de famille, cela vient sans aucun doute de mes « aptitudes » Ă©galement maternelles lorsque je me suis occupĂ© dâeux. NĂ©anmoins, une partie de mon adolescence a Ă©tĂ© un peu malmenĂ©e, en particulier lorsque notre pĂšre mâimposait de tenir son rĂŽle lorsque notre mĂšre Ă©tait au travail et quâil partait vadrouiller pour son bon plaisir pendant lâintĂ©gralitĂ© du week-end. Soit un homme et un adulte trĂšs exigeant mais pas trĂšs juste avec moi. Ce qui explique ma colĂšre assez facilement « Ă©rectile » envers lui encore aujourdâhui.
« Enfin », et c’est Ă peu prĂšs tout, jâavais aussi peur du Sida. Car la fin des annĂ©es 80, câĂ©tait lâĂ©pidĂ©mie du Sida. EpidĂ©mie qui existe toujours mais face Ă laquelle, aujourdâhui, nous disposons de plus dâarmes. Aujourdâhui, ce serait plutĂŽt la pandĂ©mie du Coronavirus et celle du terrorisme jihadiste vis-Ă -vis desquels nous manquons dâarmes. Ainsi que face au rĂ©chauffement climatique et Ă la montĂ©e des extrĂ©mismes du maniĂšre gĂ©nĂ©rale, politiques comme religieux. Cela fait aujourdâhui partie de notre routine de la peur.
Une femme et un homme : routine ou normalité sociale et conjugale
AprĂšs avoir croisĂ© cette femme plus ĂągĂ©e que moi, jâai bien-sĂ»r appris que la « routine » ou normalitĂ© conjugale et sociale quâelle mâavait proposĂ©e se retrouve dans bien dâautres cultures.
Mais cette femme Ă©tait dâorigine antillaise comme moi. Sans doute que cela mâa dâautant plus alertĂ© et poussĂ© Ă dĂ©serter. Jâavais donc dĂ©clinĂ© poliment ses propositions malgrĂ© lâinsistance, aussi, de sa jeune sĆur, laquelle me plaisait encore plus mais avait dĂ©jĂ un compagnon.
Jâavais dĂ©clinĂ© sa proposition car, depuis mon adolescence, je savais que je ne voulais pas faire partie de ces hommes qui font des mĂŽmes sans penser Ă lâavenir. Et, je savais aussi, sans doute, que je refusais une relation de mensonge :
Jâaurais pu faire mine dâaccepter le projet conjugal de cette femme, coucher avec elle pendant un certain temps, me faire dorloter par elle. Puis mâenfuir. Câest un classique. Sâil est assez classique que des hommes quittent une femme aprĂšs lui avoir fait un ou plusieurs enfants, il est aussi certaines femmes dont la prioritĂ© est dâ « avoir » un ou plusieurs enfants. Comme si lâenfant prĂ©sent permettait de remplacer un ou plusieurs membres qui manquent Ă la mĂšre.
La psychiatrie adulte Ă vingt cinq ans :
AprĂšs mon diplĂŽme dâinfirmier, ma mĂšre a essayĂ© un temps de me dissuader dâaller travailler en psychiatrie. Elle avait peur que je devienne fou. Cette fois-ci, sa peur de la psychiatrie mâa moins parlĂ© que sa peur de la moto.
A vingt cinq ans, aprĂšs mon service militaire que jâavais rĂ©ussi effectuer en tant quâinfirmier dans un service de psychiatrie adulte, jâai commencĂ© Ă travailler dans un service de psychiatrie adulte.
Depuis lâobtention de mon diplĂŽme dâEtat dâinfirmier, quatre ans plus tĂŽt, je mâĂ©tais aperçu que cela ne me correspondait pas dâaligner des tĂąches Ă la chaĂźne dans un hĂŽpital dans un service de soins gĂ©nĂ©raux. Comme si je travaillais sur une chaĂźne de montage dans une usine. CâĂ©tait au dĂ©but des annĂ©es 1990.
Si l’on Ă©tait en pleine Ă©pidĂ©mie du Sida, on ne parlait pas, alors, de la pandĂ©mie du Covid qui a atterri dans notre systĂšme solaire et mental en mars 2020. Mais on parlait dĂ©jĂ de pĂ©nurie infirmiĂšre. Avant de devenir infirmier titulaire Ă vingt cinq ans dans ce service de psychiatrie adulte, jâavais aussi Ă©tĂ© vacataire et infirmier intĂ©rimaire dans des cliniques mais aussi dans des hĂŽpitaux publics en Ăźle de France. De jour comme de nuit.
Dans mon « nouveau » service, en psychiatrie adulte, jâai Ă©tĂ© le plus jeune infirmier pendant deux ou trois ans. Plusieurs de mes collĂšgues Ă©taient mariĂ©s avec enfants ou vivaient en couple. JâĂ©tais tout le contraire mais jâavais des principes et des certitudes concernant lâamour et le couple.
Jâavais donc Ă©tĂ© trĂšs choquĂ© en apprenant que tel collĂšgue, mariĂ©, avait trompĂ© sa femme avec telle autre collĂšgue, mariĂ©e Ă©galement mais aussi mĂšre de famille. Jâavais Ă©tĂ© si choquĂ© moralement que jâavais envisagĂ© de quitter le service devant cette dĂ©bauche morale, pour moi, Ă©vidente.
Puis, jâĂ©tais restĂ©. Je me sentais trĂšs bien professionnellement et humainement dans ce service. Je mây sentais si bien que jâai dâailleurs fini par mây sentir comme chez moi. Au point de devenir incapable de le quitter mĂȘme si je sentais que câĂ©tait pourtant ce quâil fallait faire. Cela a eu plus tard des incidences personnelles et professionnelles qui mâont obligĂ© et poussĂ© plus tard- enfin- Ă partir. Et Ă comprendre que lâaffectif, mĂȘme sâil est important avec nos collĂšgues, doit rester secondaire sur notre lieu de travail.
Mais, dans ce service, en apprenant Ă connaĂźtre ces collĂšgues, je compris un peu plus que la vie adulte et la vie de couple avaient leurs impasses.
Couper le cordon avec nos parents :
Le modĂšle du couple de mes parents et de membres de ma famille mâavait bien-sĂ»r dĂ©jĂ donnĂ© des indices. Mais on ne fait pas toujours le rapprochement entre le modĂšle de nos parents et de notre famille et celui que lâon va suivre pour notre propre vie affective. Assez souvent, on suit Ă peu prĂšs le mĂȘme modĂšle que nos parents. MĂȘme si, en apparence, on a lâimpression dâĂȘtre diffĂ©rent. Dâavoir coupĂ© le cordon avec nos parents. Et cela se comprend facilement :
MĂȘme si nous pouvons nous montrer aussi critiques que des ados envers nos parents, ceux-ci n’ont pas tout ratĂ© dans leur vie. Il est mĂȘme des aspects de leur vie que nous serions incapables de supporter ou de rĂ©aliser. Je me suis dĂ©ja demandĂ© par exemple, si, Ă la place de mes parents, j’aurais eu la capacitĂ©, comme eux, de quitter mon pays natal pour la France. A la fin des annĂ©es 60, mon pĂšre et ma mĂšre ont quittĂ© la Guadeloupe. Ils ont ainsi rompu avec une certaine tradition ainsi qu’une partie du cordon qui les reliait Ă leurs aĂźnĂ©s depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations depuis l’arrivĂ©e de leurs ancĂȘtres, du fait de l’esclavage, en Guadeloupe. Esclavage qui a Ă©tĂ© aboli en Guadeloupe en 1848. Je le rappelle. Car il est encore des personnes instruites et de bonne foi en France qui ignorent que la prĂ©sence de la majoritĂ© des Antillais par exemple en Guadeloupe ou en Martinique rĂ©sulte de la traite nĂ©griĂšre occidentale qui a durĂ© environ deux cents ans.
En 1966 et 1967, mon pĂšre avait 22 ans et ma mĂšre, 19 ans. MĂȘme s’ils sont arrivĂ©s en “MĂ©tropole” avec la nationalitĂ© française, il existait alors un tel dĂ©calage culturel- qui subsiste- entre la Guadeloupe et la France, ainsi qu’un certain handicap de couleur de peau, que, pour moi, leur venue “en” France a bien des points communs avec celle de beaucoup d’immigrĂ©s. C’est comme cela que je m’explique ma comprĂ©hension assez “intuitive” de certaines difficultĂ©s d’intĂ©grations de jeunes français d’origine arabe ou maghrĂ©bine par exemple. Et, je ne vois aucun hasard dans le fait que mon meilleur ami soit d’origine algĂ©rienne. MĂȘme si j’ai appris depuis que dans certains quartiers, il arrive qu’Arabes et noirs ( africains ou antillais) soient les pires ennemis les uns pour les autres.
Et puis, il y a une frontiĂšre que lâon ne franchit pas vis Ă vis de ses parents lorsque lâon est mature :
Leur sexualitĂ© nous est interdite. Ce nâest pas Auchan ou une salle de cinĂ©ma. Nous nâavons pas de droit de regard dessus. Alors que lâon peut plus facilement sâautoriser Ă franchir cette frontiĂšre en « regardant » ou en imaginant la sexualitĂ© de tels collĂšgues ensemble. Jâai dĂ©jĂ entendu parler de ragots Ă propos des coucheries ou de la relation sentimentale entre deux collĂšgues. Je nâai jamais entendu parler de ragots Ă propos de la sexualitĂ© de mes parents lorsquâils sâaccouplaient :
Il doit ĂȘtre trĂšs rare que des enfants, entre eux, se racontent les derniers potins concernant les derniers vibratos Ă©jaculatoires et clitoridiens de leurs parents.
En quittant ce premier service de psychiatrie, quelques annĂ©es plus tard, pour un autre service, mon regard sur le couple, lâamour et certaines normes conjugales avait changĂ©. Jâavais par exemple compris, je crois, que dĂ©sirer et aimer quelquâun ne suffit pas pour ĂȘtre heureux ensemble. MĂȘme si ce dĂ©sir et cet amour sont partagĂ©s. Et quâils comptent bien-sĂ»r dans la construction dâun couple ou dâune relation. Du moins, Ă mon avis.
Un quasi-expert dans les relations sentimentales Ă la mords-moi-le-nĆud :
Pour apprendre ça, jâavais payĂ© de ma personne :
JâĂ©tais devenu un quasi-expert dans les relations sentimentales Ă la « mords-moi-le-nĆud ».
Si jâai connu des histoires dâamour avant de travailler dans ce service puis ensuite, jâai aussi vĂ©cu lâĂ©chec final : ce que lâon appelle la rupture sentimentale . Jâai connu la rupture sentimentale, les ruptures sentimentales. Mais je nâavais toujours pas coupĂ© le cordon avec mes parents. Donc, jâĂ©tais dans ce que lâon appelleâŠla rĂ©pĂ©tition.
Jâai Ă©tĂ© quittĂ©. Jâai aussi quittĂ©. Peu importe la sincĂ©ritĂ© de dĂ©part de lâun ou de lâautre.
A celles et ceux qui ont pu me dire, Ă un moment donnĂ© que je manquais de chance, jâai fini par rĂ©pondre :
« Non ! Je ne suis pas doué pour le bonheur ».
A une collĂšgue, en couple, qui avait pu me dire que cela lâangoissait dâĂȘtre seule, jâavais rĂ©pondu :
« Moi, câest dâĂȘtre en couple qui mâangoisse ».
Et, câest vrai que, cĂ©libataire, jâai connu un certain nombre de moments oĂč jâĂ©tais vraiment trĂšs content dâĂȘtre tout seul chez moi.
Mais il y a eu aussi dâautres moments moins drĂŽles. OĂč je devais partir Ă la chasse dâaffection. Au point quâun certain nombre de fois, jâai pu ĂȘtre trop prĂ©sent auprĂšs de certaines personnes. Aux mauvais moments. De la mauvaise façon. Avec les « mauvaises » personnes : celles qui Ă©taient indisponibles.
Une certaine addiction :
A la RĂ©pĂ©tition dâhistoires sentimentales Ă la mords-moi le nĆud, sâest ajoutĂ©e sa cousine ou sa jumelle : Une certaine Addiction aux histoires Ă la mords-moi-le-nĆud.
Aujourdâhui, je peux parler « dâaddiction » parce-que depuis que je mâintĂ©resse dâun peu plus prĂšs au sujet des addictions depuis environ quatre ans, jâai compris que lâon peut ĂȘtre aussi « addict » Ă un certain type de comportements qui nous sont nĂ©fastes. Parce-que ces comportements nous dirigent et nous transportent vers des situations que lâon connaĂźt bien. MĂȘme si ces situations nous dĂ©posent toujours, Ă un moment ou Ă un autre, sur un matelas hĂ©rissĂ© de tessons ou de clous dans lequel on sâenroule, seul.
Entre lâobsession et lâaddiction, il y a aussi des points communs . Nous sommes nombreux Ă avoir des obsessions. Nous sommes aussi nombreux Ă avoir certaines addictions. Mais nous nous en sortons diffĂ©remment selon les lieux, selon notre entourage et aussi selon notre capacitĂ© Ă le voir ou Ă le nier.
Je me maintenais dans des histoires Ă la mords-moi-le-nĆud parce-que lâinconnu me faisait peur. Lâinconnu dâĂȘtre dans une histoire sentimentale stable et simple. La peur de me conformer Ă une histoire conjugale « normale » et routiniĂšre comme mes parents oĂč le Devoir et le sacrifice semblent lâemporter, lâont emportĂ©, avant tout.
Avant que les gens ne prennent de lâĂąge, de lâarthrose, ne sâavachissent sous les kilos, le poids de leurs artĂšres et de leurs colĂšres contre lâautre, ils ont Ă©tĂ© beaux. Ils ont Ă©tĂ© souriants en rencontrant lâautre. Et, ils ont cru Ă leur histoire mĂȘme si celle-ci a peu durĂ© et que lâartifice a trĂšs vite disparu. Dans le monde animal, il nây a aucun drame car câest comme ça que cela doit se passer. Il nây a pas de rancune particuliĂšre, je crois. Mais dans le monde des ĂȘtres humains, cela se passe diffĂ©remment. Il y a de la mĂ©moire, des rancunes, des espoirs et des comptes Ă rendre Ă lâautre :
A soi-mĂȘme, Ă notre entourage ainsi quâĂ nos aĂźnĂ©s mais aussi Ă notre descendance.
Ăa fait beaucoup. Et cette histoire se perpĂ©tue.
Le mensonge et les normes sociales :
Je suis devenu pĂšre et me suis mariĂ© tard. Jâavais quarante cinq ans. Je connaissais dĂ©jĂ la sĂ©curitĂ© sociale et Ă©conomique. En me mariant avec ma compagne mais aussi en devenant pĂšre, jâai dĂ©couvert la sĂ©curitĂ© affective :
Cette prĂ©sence quotidienne et aimante qui vous attend et vous reçoit quelle que soit la journĂ©e que vous avez passĂ©e. Quels que soient vos travers et vos humeurs. Tout ce que vous avez Ă faire pour cela, câest rentrer chez vous, passer un coup de tĂ©lĂ©phone ou envoyer un sms et quelquâun, votre compagnon ou votre compagne, voire votre enfant, gĂ©nĂ©ralement, vous rĂ©pond plutĂŽt favorablement. Vous ĂȘtes souvent le bienvenu ou la bienvenue. Vous bĂ©nĂ©ficiez assez souvent dâune attention particuliĂšre.
En dĂ©couvrant cette expĂ©rience, jâai aussi eu la confirmation que certains de mes proches et de mes connaissances qui mâaffirmaient avoir moins de temps pour me voir ou me rappeler, mâavaient menti. Le mensonge fait aussi partie des normes sociales . Le mensonge envers les autres. Mais aussi vis Ă vis de soi-mĂȘme :
Si lâon a moins de temps lorsque lâon se met en couple et que lâon dĂ©cide ensuite de « faire » un enfant, on peut, si on le veut vĂ©ritablement, joindre untel ou untel. Ou prendre le temps de le rencontrer. Cela nĂ©cessite plus de prĂ©paration pour une durĂ©e plus courte. Mais câest possible.
Cet article est imparfait et biaisé bien-sûr mais je le crois sincÚre. Je le vois comme le contraire de certains mensonges sociaux.
Mais il y a dâautres mensonges qui subsistent. Lorsque lâon se met en couple, que lâon se marie ou non, on se dit oui. Sauf que, mĂȘme en se disant ouvertement oui, il y a dâautres points sur lesquels on se dit non. Mais comme on est plein dâamour et de dĂ©sir lâun pour lâautre, on nây fait pas attention. On banalise ces quelques points qui peuvent ou vont devenir beaucoup plus sensibles Ă mesure que lâon va se rapprocher lâun de lâautre dans le quotidien mais aussi dans la vie intime.
La Clinique de lâAmour : une Ă©mission de France Inter
Cette trĂšs longue introduction pour expliquer ce qui a pu me donner envie de dĂ©couvrir et dâĂ©couter cette Ă©mission de France Inter appelĂ©e La Clinique de lâAmour . Une Ă©mission qui raconte en plusieurs Ă©pisodes (cinq ou six) dâune vingtaine de minutes lâĂ©volution de plusieurs couples qui font une thĂ©rapie.
LâĂ©mission mâa « plu ». MĂȘme si je lui reprocherais le fait que, par moments, pour moi, les thĂ©rapeutes sont trop intervenus. Cela peut faire sourire aprĂšs tout ce que jâai Ă©crit avant de vous parler, finalement, de ce podcast de France Inter qui date de fĂ©vrier 2020.
Le thĂ©rapeute masculin par exemple. Il est certaines fois oĂč, Ă mon avis, les deux thĂ©rapeutes auraient dĂ» davantage « protĂ©ger » la parole de celle ou de celui qui sâexprime et le laisser parler. Au lieu de le laisser ou de la laisser se faire « pilonner » verbalement par lâautre.
Je crois que ça aurait Ă©tĂ© « bien » dâexpliciter :
De dire par exemple Ă telle personne quâelle semble trĂšs déçue ; quâelle avait apparemment une trĂšs haute vision ou une vision diffĂ©rente de ce que son mari ou sa compagne allait ĂȘtre dans la vie de couple ou de famille.
Un des couples a trois enfants. Je crois que cela aurait été bien de demander pourquoi trois enfants ? Pourquoi pas deux ? Pourquoi pas un seul ?
Vu que jâai compris que bien des couples font des enfants en pensant que faire des enfants rapproche et va aider le couple Ă se « soigner ».
Alors que je crois que cela peut ĂȘtre le contraire : lorsque lâon fait un enfant, nos tripes prennent facilement ou peuvent facilement prendre le dessus sur tout ce que lâon essaie dâĂȘtre ou de faire de maniĂšre rationnelle. Et lâon peut alors sâapercevoir Ă quel point on est trĂšs diffĂ©rent de sa « moitiĂ© » voire opposĂ© Ă elle. MĂȘme si on peut aussi devenir complĂ©mentaire.
Jâai aussi Ă©tĂ© Ă nouveau assez agacĂ© par certaines phrases typiques du vocabulaire professionnel de mes « collĂšgues »:
Ma remarque est sĂ»rement trĂšs dĂ©placĂ©e. Car le principal est bien-sĂ»r que ces thĂ©rapeutes aient fourni leur prĂ©sence, leur constance et leur empathie Ă ces couples. Mais je vois Ă nouveau dans ces tics de vocabulaire et de langage de mes « collĂšgues » thĂ©rapeutes un certain manque de spontanĂ©itĂ© : un trop haut degrĂ© dâintellectualisation ; une certaine carence affective. Comme sâils sâen tenaient Ă un texte ou Ă un protocole appris par cĆur qui les empĂȘche dâimproviser. Comme sâils sâexprimaient de maniĂšre scolaire.
Hormis ces quelques remarques, jâai bien aimĂ© cette Ă©mission.
Jâaimerais pouvoir ensuite traduire cet article en Anglais voire peut-ĂȘtre en Espagnol quand je le pourrai.
Apparemment, pour lâinstant, je nâarrive pas Ă intĂ©grer le lien vers ce podcast dans cet article. Mais on le trouve facilement. DĂšs que je le pourrai, je lâintĂ©grerai Ă lâarticle.
https://podcasts.apple.com/fr/podcast/1-partir-ou-rester/id1498194259?i=1000465403252
Je le précise assez peu dans mes articles mais la plupart des photos prises dans la rue ou dans le métro sont de moi.
Franck Unimon, ce jeudi 29 octobre 2020. Puis, ce lundi 2 novembre 2020 oĂč jâai ajoutĂ© un certain nombre de propos et de pages depuis lâarticle initial.