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Echos Statiques

L’Ă©cole Robespierre

L’école Robespierre 1Ăšre Partie

 

DĂšs qu’une personnalitĂ© ou un sportif aimĂ© du public et des mĂ©dia accomplit une performance ou bat un record, on lui donne du Madame ou du Monsieur. Ce qui finit par sous-entendre que tous les autres (la grande majoritĂ©) sont des rebuts de l’humanitĂ©.

A l’école Robespierre, dans mon ancienne citĂ© HLM, en CE2, je crois, Monsieur Pambrun, petit homme brun moustachu typĂ© Les Brigades du Tigre, et grand fumeur, nous avait emmenĂ©, seul, Ă  la bibliothĂšque municipale de Nanterre. Nous avions fait le trajet Ă  pied. Nous devions ĂȘtre une bonne vingtaine serpentant un moment le long de la piscine Maurice Thorez, alpinistes banlieusards horizontaux continuant d’effectuer malgrĂ© nous notre chemin de Compostelle. Pour le plus grand nombre, dont j’étais, nous rendre dans une bibliothĂšque Ă©tait une PremiĂšre.

En classe, Monsieur Pambrun Ă©tait un instituteur qui tirait parfois les oreilles et donnait quelques claques Ă  certains d’entre nous – dont j’étais- pour indiscipline. Ce jour-lĂ , pourtant, comme bien d’autres fois, et nous Ă©tions sĂ»rement plusieurs Ă  l’ignorer – en tout cas, moi, je l’ignorais- Monsieur Pambrun s’appliquait, Ă  la suite de toutes ses collĂšgues et collĂšgues prĂ©cĂ©dents, Ă  continuer d’esquisser un certain trajet vers la Culture et la Connaissance. Et Ă  nous le faire emprunter, ce trajet, en fendant les eaux et le sceau de notre ignorance. Le bĂ©nĂ©fice possible, pour nous tous, filles et garçons, Ă©tait d’ajouter d’autres Savoirs Ă  ceux de nos histoires et consciences personnelles. Pour cela, depuis l’école, nous avions probablement dĂ» marcher entre 20 et 30 minutes ce jour-lĂ  pour atteindre les lieux.

Depuis, et par la suite, je fis partie des petites tortues qui refirent le trajet rĂ©guliĂšrement jusqu’à la bibliothĂšque. Seul ou accompagnĂ© d’un camarade ou d’un copain. Aujourd’hui, rĂ©guliĂšrement, je continue de refaire ce trajet.

Chaque fois que je change de domicile, en plus des commerces et des lieux de soins, j’ai besoin de savoir oĂč se trouvent la gare, la piscine et la bibliothĂšque.

Enfants, aucun de nous n’avait choisi de venir dans cette Ă©cole publique et encore moins dans cette ville communiste. La majoritĂ© d’entre nous habitait soit dans la citĂ© ou Ă  ses cĂŽtĂ©s. L’usine CitroĂ«n, proche, Ă©tait encore en activitĂ©.

Sophie D, Sandrine El, Malika M, FrĂ©dĂ©ric B, Jacky W, Didier P, Myriam M, Corinne C, Laurent S, Jean-Christophe P, Sandrine et Karine R, Dany A, SaĂŻd, SmaĂŻl M, Florence T, William P, Isabelle R, Gilles O, Jocelyne B, Jean-Christophe B (qui au CP confondait le son « Vr » et le son « Fr »), Eric C, Anna-Paula M, Christophe B et Laurence A sont quelques uns de mes camarades de classe de l’école primaire du CP au CM2. Certains sont partis en province avec leurs parents avant le CM2. D’autres ont fait un passage d’un ou deux ans dans l’école. J’ai Ă©tĂ© dans la classe de la plupart d’entre eux mais il m’est arrivĂ© d’en croiser d’autres dans la cour. Plus ĂągĂ©s comme plus jeunes. Bien-sĂ»r, il y’avait aussi les bagarreurs qui faisaient peur ou qui inspiraient l’admiration.

Je me rappelle trĂšs peu du mĂ©tier qu’exerçaient les parents de celles et ceux que je cĂŽtoyais. Je me rappelle que le pĂšre de Sandrine El, un de mes premiers amours avec Malika M, Ă©tait supposĂ© ĂȘtre inspecteur de police. Et qu’elle et ses parents sont ensuite partis pour Toulouse.

Nous Ă©tions des Arabes- le premier mot arabe que j’ai retenu et appris signifie : “NĂ©gro!”-, des Juifs (mĂȘme si, pendant longtemps, je ne savais pas vraiment ce que signifiait ĂȘtre Juif)) des Blancs de France ou venant d’ailleurs (Pologne, Espagne, Portugal, Italie
.) une toute petite minoritĂ© de noirs antillais nĂ©s en France.

Quelques uns d’entre nous Ă©taient des enfants de parents divorcĂ©s ou d’une famille monoparentale. Nos parents Ă©taient majoritairement locataires de leur appartement. Seul, peut-ĂȘtre, parmi celles et ceux dont je me rappelle, Gilles O et son accent du sud, dĂ©rogeait Ă  la rĂšgle :

Dans leur maison de ville, il prenait des cours de piano Ă  domicile. De la musique « classique ». Et lorsque nous nous rendions ensemble lui et moi Ă  la bibliothĂšque, aprĂšs que je sois allĂ© le chercher, il me parlait souvent, intarissable, de sujets que je ne comprenais pas. Il me parlait Ă©conomie, politique. Du pĂ©trole. Je l’écoutais poliment et essayais de me mettre Ă  son niveau. Mais je n’ai aucun souvenir d’avoir amenĂ© ne serait-ce qu’une seule fois un argument ou un avis sensĂ© ou valable. Je me souviens de lui comme d’un garçon plutĂŽt isolĂ©, par moments chahutĂ©, trĂšs bon Ă©lĂšve et peu douĂ© pour le sport.

 

Au CP, nous avions eu Mme Chaponet, institutrice douce et grande fumeuse. Puis Mme Benyamin, bonne institutrice, grosse femme au physique de Bud Spencer qui dĂ©crochait quelques claques mĂȘme Ă  certaines filles de la classe. Un jour, le pĂšre de Malika Ă©tait venu l’engueuler pour cela. Et il avait fait pleurer Mme Benyamin. Puis il y’avait eu Mr Pambrun en CE2. Je ne l’ai jamais vu pleurer. Pas plus que Mr Lucas en CM1, le directeur de l’école, lequel nous parlait souvent du MusĂ©e du Louvre. Et Ă  nouveau Mr Pambrun. En CM2, Ă©galement skieur, Monsieur Pambrun nous emmena en classe de neige Ă  La Bourboule Ă  Clermont-Ferrand. Je me rappelle d’une partie de dames avec lui.

Je me rappelle aussi de Monsieur Lambert, instituteur auquel j’avais Ă©chappĂ© alors qu’il aurait dĂ» ĂȘtre notre Maitre en CM2. Il avait quittĂ© l’école, je crois. Mr Lambert Ă©tait un grand homme effrayant au physique de bĂ»cheron. Sa voix portait dans toute la cour lorsqu’il apostrophait un Ă©lĂšve. Et son grand pied vĂ©loce corrigeait par moments le postĂ©rieur d’un ou deux Ă©coliers turbulents. Pourtant, une de ses filles Ă©tait Ă©galement dans l’école et Ă  la voir avec lui, il apparaissait fort gentil. Et calme.

Je n’ai revu aucune de ces personnes depuis au moins vingt, trente ou quarante ans. Et, je me mĂ©fie beaucoup des retrouvailles. Aussi bien intentionnĂ©es soient-elles au dĂ©part, ce genre de retrouvailles peuvent trĂšs vite qualifier un certain malaise. Selon ce que nous sommes devenus et selon nos rapports au passĂ© et au prĂ©sent. A l’époque, nous coexistions ensemble au moins Ă  l’école. Nous n’avions pas le choix. Depuis, nous avons tous connu des bonheurs et des malheurs divers. Nos personnalitĂ©s et nos histoires se sont affirmĂ©es. Nous avons fait des choix et continuerons d’en faire en nous persuadant que ce sont les bons ou les moins mauvais. Mais nous n’avons plus cette obligation de coexister ensemble comme Ă  l’école primaire.

Dans son trĂšs bon documentaire, Exit- La Vie aprĂšs la haine, encore disponible sur Arte jusqu’au 27 fĂ©vrier 2019 (aujourd’hui !) Karen Winther se demande comment, de par le passĂ©, elle a pu devenir une activiste d’extrĂȘme droite. Pour essayer de le comprendre, elle est allĂ©e Ă  la rencontre d’autres personnes qui sont passĂ©es comme elle par certains extrĂȘmes. Mais aussi Ă  la rencontre d’une de ses anciennes amies, activiste de gauche Ă  l’époque, qui avait acceptĂ© de l’aider Ă  s’éloigner de son milieu fasciste.

Ingo Hasselbach ( qui a écrit un livre sur cette période, disponible en Allemand et en Anglais), le premier interviewé, a été décrit à une époque comme le « nouvel Hitler ». Dans le documentaire, il dit par exemple :

« Je voulais blesser les autres ».

Un journaliste, pour les besoins d’un reportage, l’avait rencontrĂ© pendant un an. Ce journaliste le contredisait point par point sur un certain nombre de sujets. Cela a commencĂ© Ă  faire douter Ingo Hasselbach. Ce journaliste est un Monsieur. J’ignore si j’aurais eu sa persĂ©vĂ©rance et son intelligence.

Manuel Bauer explique que ses amis Ă©tant d’extrĂȘme droite, il Ă©tait donc devenu comme eux. Lors d’une dĂ©tention en prison, alors qu’il Ă©tait en train de se faire agresser, ce sont deux codĂ©tenus turcs qui sont venus le sauver. Ce qui aurait provoquĂ© sa prise de conscience. Ces deux codĂ©tenus turcs, lorsqu’ils l’ont sauvĂ©, ont Ă©tĂ© des Messieurs. J’ignore si je serais venu au secours d’un Manuel Bauer, qui, lors de sa « splendeur » fasciste, avait pu flanquer un coup de pied dans le ventre d’une femme enceinte au prĂ©texte qu’elle Ă©tait Ă©trangĂšre. Et, ce, juste aprĂšs avoir agressĂ©- parce-qu’il Ă©tait Ă©tranger- le compagnon de cette femme.

Angela King, Tee-shirt de Bob Marley, ancienne suprématiste blanche, raconte :

« A l’époque, j’étais invisible. HarcelĂ©e » ; « J’ai pensĂ© que personne ne m’aimait ». Angela King explique qu’elle croyait vraiment Ă  l’existence d’un complot ainsi qu’à la supĂ©rioritĂ© de la race blanche. C’est un attentat meurtrier en 1995, commis dans l’Okhlahoma, par un homme qui pensait comme elle qui l’aurait fait se reprendre. En prison, ce sont des dĂ©tenues noires qui ont eu de la compassion pour elle et l’ont protĂ©gĂ©e, allant jusqu’à cacher son passĂ© de suprĂ©matiste blanche Ă  d’autres dĂ©tenues. Angela King dit : « Ces femmes m’ont rendu mon humanitĂ© ».

Ces dĂ©tenues noires, qui avaient peut-ĂȘtre tuĂ© auparavant, ont Ă©tĂ© des Mesdames en choisissant de protĂ©ger Angela King. J’aurais aimĂ© entendre ces dĂ©tenues noires expliquer, raconter, ce qui, en Angela King, leur avait donnĂ© envie de la protĂ©ger. Pourtant, Angela King l’affirme :

« Si les conditions sont rĂ©unies, tout le monde peut devenir extrĂ©miste ». Cette phrase peut ressembler Ă  une lapalissade. En regardant le dĂ©but d’une fiction telle que la sĂ©rie Walking Dead, on comprend pourtant que- si les conditions sont rĂ©unies- tout le monde peut devenir zombie.

Franck Unimon, ce mercredi 27 fĂ©vrier 2019. Fin de la PremiĂšre partie de L’école Robespierre.

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Cinéma

Under The Skin

 

                         Under The Skin un film de Jonathan Glazer

 

Lors de la réalisation de ce film en 2013, Scarlett Johansson était une actrice plus que retenue. Elle avait déjà tourné avec Sofia Coppola, les FrÚres Coen, Woody Allen. Elle avait aussi déja joué dans The Avengers.

Avec Charlize Theron, Jennifer Lawrence, Maggie Cheung Ă  une certaine Ă©poque, Halle Berry et Ellen Page dans une moindre mesure, Cate Blanchett, peut-ĂȘtre Amy Adams, Scarlett Johansson est l’une des rares actrices-vedettes actuelles que l’on nous montre aptes Ă  jouer autant dans des films d’action grand public que dans des films d’auteurs exigeants voire expĂ©rimentaux. Under The Skin en est une dĂ©monstration.

Il y’avait vraiment peu de monde dans la salle de cinĂ©ma lorsque je l’avais dĂ©couvert la premiĂšre fois. Il est du reste possible que j’aie Ă©tĂ© le seul spectateur Ă  la sĂ©ance oĂč je m’étais rendu. J’ai oubliĂ©.

Les premiĂšres minutes du film m’avaient rapidement renseignĂ© sur les raisons de cette salle dĂ©serte, sorte de Sahel pour cinĂ©phile. A la fin du film, j’étais sorti interloquĂ©. Evidemment, je ne m’attendais pas Ă  ça. Mais Under The Skin m’avait suffisamment intriguĂ© pour me donner envie de le revoir. Je viens de le revoir. Et cela doit maintenant faire quatre Ă  cinq fois que je le revois. Avec plaisir.

Si l’actrice Scarlett Johansson est l’appĂąt de cette affiche pour attirer le spectateur, elle l’est Ă©galement dans le film. Under The Skin est un film que l’on aimera voir si l’on l’accepte d’aller sous la surface voire sous la glace de ce personnage qu’elle interprĂšte. Elle est au dĂ©part une espĂšce de Terminator au fĂ©minin. Mais une Terminator dont les motivations sont floues, alternant entre un rĂŽle d’entomologiste et celui de prĂ©datrice ou de tueuse en sĂ©rie. Mais elle pourrait Ă©galement ĂȘtre une rabatteuse pour une secte, un groupe terroriste ou tout autre groupe extrĂ©miste. Et, ici, La comparaison avec Terminator s’effiloche car le rythme et la dramaturgie entre les deux Ɠuvres sont trĂšs diffĂ©rents.

Dans Terminator, on est trĂšs vite dans un film d’action fantastique. Dans Under The Skin, on est davantage dans une prospection, une introspection et une contemplation. En allant dans les clichĂ©s, on pourrait dire :

Dans Terminator, Schwarzenegger arrive sur Terre avec l’objectif bourrin de rentrer dans le tas pour remplir sa mission. Ce qui serait une composante trĂšs masculine. Ici, Scarlett Johansson, elle, fait plutĂŽt des cercles pour accomplir sa mission. Elle enveloppe et engloutit son sujet. C’est aussi une prĂ©datrice/ prospectrice assez conventionnelle : elle se sert de la palette d’atouts du sexe dit faible (la femme) pour approcher ses proies toutes masculines. Et elle a aussi besoin d’une escorte toute masculine que l’on voit rĂŽder par moments prĂšs d’elle sous la forme d’un motard tout en cuir et protections et quelque peu sĂ©vĂšre. Nous sommes ici dans un univers trĂšs hĂ©tĂ©ro-normĂ©. Et sĂ©duire un mĂąle hĂ©tĂ©ro occidental y est trĂšs facile pour Scarlett. Sourire.

Film sur l’identitĂ©, la naissance et l’humanisation d’une conscience, la solitude existentielle, le dĂ©sir comme pĂ©ril mais aussi comme tentative de remĂ©dier Ă  la solitude, voire sur l’immigration en ce sens que Scarlett Johansson y est aussi une immigrĂ©e sur Terre, Under The Skin nous observe et nous fait de l’Ɠil. Et ce qu’il voit peut ĂȘtre angoissant, dĂ©sespĂ©rant ou captivant. Tant Scarlett Johansson peut par moments nous aveugler au point de nous Ă©carter de toute raison et de toute prudence. C’est peut-ĂȘtre l’une des grandes particularitĂ©s du film : on y Ă©volue comme dans un rĂȘve pour peu que l’on accepte de se laisser faire. Et Scarlett Johansson semble elle-mĂȘme Ă©voluer dans le mĂȘme Ă©tat.

Le corps musical du film, l’accent Ă©cossais Ă©pais de plusieurs des protagonistes, les paysages de l’Ecosse contribuent tout autant Ă  nous faire quitter notre quotidien.

Sauf que le rĂȘve est Ă©troit. Le feu sera notre derniĂšre fuite.

Franck Unimon, ce lundi 25 février 2019.

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Cinéma

Sergio et Sergei

       Sergio et Sergei un film d’Ernesto Daranas ( Sortie Nationale le 27 mars 2019)

 

L’acteur Ron Perlman, l’AmĂ©ricain, dans un film cubain version socialiste du film Gravity du Mexicain Alfonso Cuaron.

 

 

 

Cela pourrait ĂȘtre une accroche pour prĂ©senter Sergio et Sergei. Ça serait peut-ĂȘtre aussi vendeur qu’une confĂ©rence sur le Marxisme. N’en dĂ©plaise Ă  Sergio ( l’acteur TomĂ s Cao), professeur Ă©mĂ©rite, contraint Ă  donner des cours de philosophie marxiste pour – pĂ©niblement- subvenir aux besoins de sa mĂšre et de sa fille dans le Cuba de la fin des annĂ©es 80 et du dĂ©but des annĂ©es 90. N’en dĂ©plaise Ă  Sergei (l’acteur HĂ©ctor Noas) , cosmonaute soviĂ©tique, qui apprend lors de sa mission que l’URSS qui l’a propulsĂ© dans l’espace a cessĂ© d’exister.

 

Sergio et Sergei sont deux idĂ©alistes inconnus l’un de l’autre. Des « purs » qui croient encore en l’avenir de l’idĂ©ologie de leur patrie et dans la valeur des efforts pour des jours meilleurs. Comme en occident oĂč il est encore des « purs » ou des idĂ©alistes inconnus l’un de l’autre qui continuent de croire que notre idĂ©ologie libĂ©rale dĂ©sormais souveraine et de plus en plus dĂ©pĂ©nalisĂ©e est la seule Ă  mĂȘme de nous sauver. Amen !

Sergio et Sergei -ainsi que Peter, le personnage jouĂ© par l’acteur Ron Perlman Ă©galement impliquĂ© dans la production du film- sont des « purs » pacifistes, dĂ©sintĂ©ressĂ©s, plutĂŽt altruistes. Certains diraient d’ailleurs que Sergio et Sergei sont deux grands balais adoptifs et dĂ©passĂ©s sur le marchĂ© des aspirateurs Dyson : voire deux idiots dĂ©cotĂ©s ou deux robots de la pensĂ©e qui persistent Ă  se croire branchĂ©s. Et le film nous montre qu’ils sont loin d’ĂȘtre des exceptions.

 

 

 

 

Disons que Sergio et Sergei nous parle du revers de cette crue libĂ©ratrice survenue en occident en 1989 avec la chute du mur de Berlin. L’effondrement de l’URSS s’en Ă©tait ensuivi deux ans plus tard. Une histoire pas si lointaine, aux multiples incidences sur notre quotidien, et pourtant dĂ©jĂ  d’une Ă©vidence incertaine mĂȘme pour celles et ceux qui y avaient assistĂ©. Car nous sommes dĂ©sormais plus familiers avec les prĂ©sences immĂ©diates et intĂ©rieures d’une aviditĂ© financiĂšre gĂ©nĂ©ralisĂ©e ; avec l’extension de la carte mĂ©moire du jihadisme, du terrorisme islamiste et des extrĂ©mismes politiques et racistes ; avec la poussĂ©e du dĂ©labrement climatique et Ă©cologique ; avec la montĂ©e des eaux de quelques dĂ©rĂšglements numĂ©riques- harcĂšlement, hacking et autres cybercriminalitĂ©s ; avec la colonisation de nos vies par la tĂ©lĂ©phonie mobile, les casques et Ă©couteurs audios ( murs et remparts sonores) ainsi que par des lois, des rĂšgles et des frontiĂšres de plus en plus liberticides. Et facturĂ©es. Peu Ă  peu, nous  entrons dans un monde monobloc fait de labyrinthes armĂ©s. Pour l’instant, il existe encore un certain nombre d’annĂ©es avant que nous soyons vĂ©ritablement Ă©tablis dans un monde refermĂ© sur lui-mĂȘme.

 

 

 

Pourtant, en occident, avec la chute du mur de Berlin et le dĂ©membrement de l’URSS, nous avions Ă©tĂ© nombreux Ă  assister Ă  la tĂ©lĂ© Ă  ce dĂ©barquement- Ă  notre DĂ©barquement- de jours meilleurs. Sans avoir vĂ©ritablement Ă  faire la guerre. Du moins, pas frontalement et massivement comme en 1939-1945 ou en 1914-1918. Sergio et Sergei nous raconte un peu ce qui s’est passĂ© de l’autre cĂŽtĂ© du mur lorsque les retransmissions tĂ©lĂ© s’étaient ensuite tournĂ©es vers d’autres programmes.

 

En 2019,  on pourra trouver dĂ©suets les habitats et les façons de vivre et de penser de Sergio, de Sergei et de celles et ceux qui les entourent. Et ils le sont. Pourtant, il est parfois  difficile de savoir si nos progrĂšs ( numĂ©riques et autres) et notre puissante – et « superbe »- Ă©conomie (et pensĂ©e) moderne actuelle nous ont- en tous points- assurĂ©ment un peu plus Ă©loignĂ© de l’ñge du silex comparativement aux annĂ©es 80-90.

 

Sergio et Sergei est inspirĂ© d’une histoire rĂ©elle survenue entre un Cubain et un cosmonaute soviĂ©tique devenu russe dans l’espace. Alors que la CB (bande de frĂ©quences utilisĂ©e par les radioamateurs cibistes Ă  ne pas confondre avec la carte bancaire) Ă©tait plus utilisĂ©e qu’aujourd’hui par quelques cibistes et conducteurs automobiles. La tĂ©lĂ©phonie mobile Ă©tant Ă  l’époque moins « dĂ©mocratisĂ©e » qu’aujourd’hui. Nous ne sommes pas ici dans un film d’espionnage ou un mĂ©chant testostĂ©ronĂ© est trop content de vous malaxer en Ă©coutant du mbalax alors que vous connaissez vos derniĂšres pensĂ©es Ă  travers le filtre de sa cigarette. Mais on nous parle tout de mĂȘme, sur le ton de la comĂ©die, des derniers rĂ©flexes de la guerre froide et de ses effets sur le quotidien de trois hommes reliĂ©s entre eux par un fil et qui sont comme des vases communicants.

Plus joyeux que le Solaris de Tarkovski ( oui, c’est assez facile ), beaucoup moins spectaculaire et moins grand public que le Alita : Battle Angel de Robert Rodriguez, Sergio et Sergei est un film  sur la solitude, la dĂ©crĂ©pitude, la loyautĂ© et l’amitiĂ©. Mais c’ est aussi un film sur la difficultĂ© Ă  se comprendre les uns, les autres, selon l’histoire qui nous encombre et nous poursuit ou depuis le tamis de l’idĂ©ologie Ă  laquelle on reste asservi. Sur notre capacitĂ© au changement. Certains diraient mĂȘme :

« Sur notre capacitĂ© Ă  ĂȘtre proactif et Ă  ne pas nous laisser impacter ».

Cependant, on peut aussi dire que Sergio et Sergei est un film sur les limites d’un engagement comme sur les raisons qui peuvent pousser Ă  rester honnĂȘte, fidĂšle Ă  sa patrie, ou, au contraire, sur les raisons qui peuvent inciter Ă  quitter sa patrie, sa rĂ©gion ou un ĂȘtre cher.

 

Sergio et Sergei nous raconte d’autant plus un monde « disparu » ou en voie de disparition que Cuba, depuis peu (au moins depuis le dĂ©cĂšs de Fidel Castro en 2016) se libĂ©ralise de plus en plus. Certains diraient sans doute que Cuba leur devient de plus en plus un pays Ă©tranger. A l’image de Sergei lors de sa mission spatiale, sans doute que beaucoup de Cubains et beaucoup d’exilĂ©s de par le monde, aujourd’hui, ont quittĂ© un pays (ou un ĂȘtre) qui – transformĂ©- a, Ă  leurs yeux, depuis cessĂ© d’exister. Et, Ă  l’image de Sergio, peut-ĂȘtre que beaucoup d’ĂȘtres humains rĂȘvent encore d’un monde qui peine Ă  exister.

 

 

 

Ce film plutĂŽt sentimental et ensoleillĂ© plaira sans doute aux personnes capables de s’adresser Ă  leurs rĂȘves- marxistes ou tout autres- afin de leur demander de leurs nouvelles pour mieux leur envoyer de nouveaux gestes et mots d’encouragements.

Franck Unimon, ce dimanche 24 février 2019.

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Musique

Peu de Gens Le Savent

Peu de Gens le Savent interlude d’Oxmo Puccino (Album OpĂ©ra Puccino)

Physique de Dr Dre, crùne rasé, visage de profil luisant, le menton imberbe. DerriÚre lui se tiennent deux masques de la Comedia Del Arte qui nous fixent tandis que son regard semble nous voir ou servir de repoussoir à un monde qui nous échappe.

Est-ce un vigile des grands magasins qui Ă  l’image d’un Gauz Ă©crira bien plus tard (en 2014) Debout- PayĂ© ? Nous sommes en 1998 lorsque sort son album OpĂ©ra Puccino. En France, les artistes M et Matmatah connaissent leurs premiers succĂšs. MĂ©nĂ©lik marque avec Bye-Bye. Manau se fait connaĂźtre avec La Tribu de Dana. Louise Attaque fonce avec Ton Invitation. Axelle Red dĂ©cide de Rester Femme. Florent Pagny chante Savoir Aimer. Le Supreme NTM (et Lord Kossity) dĂ©cline Ma Benz. Stomy Bugsy dĂ©clare Mon Papa Ă  moi est un Gangster. Passi affirme Je Zappe et je mate. Lara Fabian projette Je t’aime.

 

Faites l’expĂ©rience en 2019. Et c’est comme cela depuis plusieurs annĂ©es maintenant alors que le RAP- syncope un peu zombie- nous rattrape un peu plus chaque jour : Parlez de RAP avec des connaisseurs. Ils vous citeront pĂȘle-mĂȘle leurs artistes prĂ©fĂ©rĂ©s passĂ©s ou prĂ©sents comme d’autres vous parleront de leur cru prĂ©fĂ©rĂ© en matiĂšre de vin. Les dĂ©bats peuvent ĂȘtre tranchĂ©s tandis que chacun affichera ses arguments : Assassin, NTM, IAM, Kery James, Disiz, Damso, Youssoupha, MC Jean Gab1, Mc Solaar, Sinik, Soprano, Booba, Kaaris, La Fouine, Soprano, Abdel Malik, Orelsan, Rohff,, Jul, Nekfeu, Bigflo& Oli, Eddy de Pretto, Diam’s,
 D’autres noms dĂ©fileront. Des tĂȘtes tomberont. D’autres seront enterrĂ©s vivants.

 

Personne ne le citera.

 

Puis, soyez la premiĂšre ou le premier Ă  prononcer ces simples lettres : Oxmo Puccino.

Il y’a alors de grandes chances pour que l’accalmie et l’unanimitĂ© se fassent en quelques secondes. Oxmo Puccino semble contenir en lui cette alchimie : accalmie et unanimitĂ©.

Dans le milieu du RAP oĂč les « vedettes » sont aussi des habituĂ©es des « clashes », des « buzz » et des faits divers ( le rĂšglement de comptes entre Kaaris, Booba et leurs potes dans un aĂ©roport/ « Le combat du siĂšcle » prĂ©vu en Tunisie entre Booba et Kaaris prochainement etc… ) et oĂč les amateurs aiment dĂ©livrer des sentences dĂ©finitives comme n’importe quel spectateur excitĂ© devant un combat de rue, cela dĂ©tone lorsqu’un rappeur comme Oxmo Puccino semble plĂ©biscitĂ© par Ă  peu prĂšs tout le monde. D’autant que ce plĂ©biscite ne tient pas Ă  la peur qu’il suscite Ă  l’instar du personnage le CaĂŻd ( trĂšs bien interprĂ©tĂ© par Michael Clark Duncan dans le Daredevil rĂ©alisĂ© en 2003 par Mark Steven Johnson) ennemi hĂ©rĂ©ditaire de Daredevil, hĂ©ros de Comics.

MĂȘme si, dĂšs le dĂ©but de son interlude Peu de Gens le Savent, Oxmo Puccino s’enfuit tout de suite de l’illusion selon laquelle il serait « cool » parce qu’on l’a vu
sourire.

Oxmo Puccino est sans doute respectĂ© parce qu’il sait de quoi il parle. Parce qu’il a connu ce que beaucoup de parias des citĂ©s ou des banlieues ont vĂ©cu et vivent. Et qu’il le raconte. PosĂ©ment. Dans son style. Depuis son enfance, comme un certain nombre, ses poumons et sa voix ont stockĂ© tant de goudron qu’ils sont devenus le bitume du monde sur lequel Oxmo Puccino marche avec ses mots prĂšs du micro. D’ailleurs, malgrĂ© ses travers, en prenant la parole et grĂące Ă  sa rĂ©ussite Ă©conomique et sociale, le RAP reste un modĂšle pour les minoritĂ©s invisibles lassĂ©es d’ĂȘtre Ă©vincĂ©es des productions cinĂ©matographiques, tĂ©lĂ©visĂ©es et thĂ©Ăątrales voire littĂ©raires….

 

Peu de gens le savent est peut-ĂȘtre un titre mineur pour celles et ceux qui avaient entendu cet album Ă  sa sortie ou qui le connaissent jusque dans ses moindres intonations. Puisqu’il s’agit officiellement d’un interlude. Mais c’est celui qui m’a le plus parlĂ© en dĂ©couvrant rĂ©cemment OpĂ©ra Puccino.

Ma toute premiĂšre expĂ©rience du RAP date de 1979 avec le tube Rapper’s Delight de Sugarhill Gang dans une soirĂ©e antillaise Ă  Colombes. Au milieu de la musique Kompa haĂŻtienne, de titres antillais et sans doute de musique salsa, le tube m’avait fait l’effet d’un Concorde me faisant dĂ©coller vers New-York. Ce sera un peu pareil quelques annĂ©es plus tard avec le titre Rock it d’Herbie Hancock en pleine soirĂ©e antillaise.

J’étais trop vieux ou trop orientĂ© vers d’autres genres musicaux lorsque vers les annĂ©es 80-90, le RAP est « revenu » en France. J’avais aussi quittĂ© “ma” citĂ© HLM de Nanterre depuis quelques annĂ©es. D’oĂč, aujourd’hui, ma culture RAP  de pois chiche et ma dĂ©couverte rĂ©cente d’OpĂ©ra Puccino.

OpĂ©ra Puccino s’écoule en trois temps. Durant les 45 premiĂšres secondes, Puccino rappe tranquillement. Si l’on peut se demander s’il caricature un peu le fait de rapper, il n’y’a d’abord rien de particulier lorsqu’il bande ses muscles : « J’ai entendu dire que j’étais cool car on m’aurait vu sourire. Reste ici et rectifions le tir
 ».

L’importance de l’image que l’on donne de soi. De la rĂ©putation. La nĂ©cessitĂ© d’avoir une image de dur- de pur ?- pour se faire respecter d’autrui et ne pas se faire marcher dessus :

Ce sont des standards dans le monde de la citĂ©, de la rue et du RAP. Mais, aussi, dans le monde de celles et ceux qui ont « rĂ©ussi ». Sauf que dans le monde de celles et ceux qui ont « rĂ©ussi » ou qui font partie des « bourgeois », cela se fait avec des codes que d’aucuns qualifieraient de plus sournois ou plus hypocrites.

AprĂšs le mot « honnĂȘtement », cela fait environ quarante cinq secondes qu’Oxmo Puccino Rappe. Il transforme alors son titre selon moi en classique. C’est une sorte de confession dont on a du mal Ă  dire si elle a d’abord Ă©tĂ© trĂšs bien Ă©crite puis trĂšs bien reprise, en insĂ©rant par moments des touches d’improvisations. Ou s’il s’agit d’une libre improvisation dĂ©cidĂ©e Ă  un moment donnĂ©. La rythmique, basse-batterie, sobre, est pratiquement la mĂȘme depuis le dĂ©but. Elle s’arrĂȘtera quelques secondes avant qu’Oxmo Puccino couse le point final de son titre et alors que sa voix se rapprochera de l’état de celle d’un LKJ (Linton Kwesi Johnson ) dans son titre Sonny’s Lettah ou Reality.

Peu de gens le savent dure quatre minutes. Lors de ces quatre minutes, on passe par le « hall », gare de stationnement et de procrastination des jeunes sans (prĂ©)destination qui, enfants, ne dĂ©rangeaient pas, et qui, devenus plus grands et plus affirmĂ©s, font dĂ©sormais peur. Et se comportent « mal ». Le monde des adultes- dĂ©passĂ©s et usĂ©s- qu’ils connaissent n’exerce sur eux aucune fascination. Et, ce, depuis des annĂ©es dĂ©ja. Oxmo Puccino parle du « hall » encombrĂ© de jeunes mais la cave, monde et mode souterrain, est aussi un terrain pratiquĂ©.

Sa façon un peu comique de dire le mot « hall », fait penser Ă  l’accent wolof mais aussi au mot anglais « All ». Il parle du « Tout » pour parler du vide et de la grande solitude avec lesquels correspondent ces jeunes qui boivent et qui fument en groupe. Qui font (et qui sont) les durs. Mais qui dĂ©priment en sourdine et ont peur de l’avenir.

Puccino est Ă  la fois le confident, le tĂ©moin, de la citĂ© et d’une certaine banlieue, comme pourrait l’ĂȘtre le pilier de bar dans Ces Gens-lĂ  (1966) de Jacques Brel. Oui, son surnom de « Black Jacques Brel » est ici pleinement comprĂ©hensible. Mais c’est ici un pilier de bar qui a un certain humour. L’humour de l’aĂźnĂ© voire du pĂšre (Puccino a « seulement » 23 ans alors) qui gronderait gentiment ses cadets ou ses fils. Ses « Hein ?! » (plus d’une dizaine) quelques fois couplĂ©s Ă  des bĂ©gaiements et Ă  des « enfoirĂ© ! » sont Ă  double sens : ils simulent celui qui feint d’ĂȘtre malentendant ou qui, alcoolisĂ©, aurait perdu toute ou partie de son discernement. Pourtant, ils ponctuent et affirment surtout, dans une grande familiaritĂ©/connivence ce que, dans les faits, lui et ses interlocuteurs, ont trĂšs bien compris : les formations et les diplĂŽmes qu’ils ont acquis avec fiertĂ© font partie de lots en tocs rĂ©servĂ©s Ă  tous ces jeunes sacrifiĂ©s/avariĂ©s depuis leur enfance.

A propos de la violence armĂ©e et aveugle ou aveugle et armĂ©e qui fait peur aux honnĂȘtes gens et aux mĂ©dia, Puccino rappelle que les jeunes des citĂ©s et de certaines banlieues commencent d’abord par la subir trĂšs tĂŽt avant (« ça fait beaucoup quand mĂȘme ») d’en devenir les Ă©missaires forcĂ©s ou volontaires.

L’humour de Puccino, Ă  la fois noir mais aussi calĂ© sur une certaine autodĂ©rision, Ă©vite Ă  son titre d’ĂȘtre dĂ©primant. Dans une version plus sombre, si j’avais Ă©tĂ© Ă  mĂȘme de savoir mixer, Ă  la fin de ses quatre minutes, j’aurais relancĂ© son texte Ă  l’identique, accentuĂ© ses bĂ©gaiements, en redoublant d’échos certaines de ses phrases et de ses « Hein ?! » en faisant porter Ă  son texte la chemise de cendres d’une dĂ©mence Ă  la fois contestataire et sans rĂ©mission.

Franck Unimon, ce lundi 18 février 2019.

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Cinéma

Peu M’importe si L’Histoire Nous ConsidĂšre Comme des Barbares

Peu M’importe si l’Histoire nous considùre comme des Barbares

Un film de Radu Jude en salles le 20 février 2019.

Ioana/Mariana, Roumaine plutĂŽt coquette d’une trentaine d’annĂ©es, est un « monstre d’érudition ». C’est aussi une forte personnalitĂ©. Elle pourrait ĂȘtre navigatrice, chef d’entreprise, espionne, chercheuse. Elle est metteure en scĂšne. A la faveur d’une commĂ©moration, sa gageure est de reconstituer Ă  notre Ă©poque un pan de l’Histoire de la Roumanie lors de la Seconde Guerre Mondiale. Et, Ioana a Ă  cƓur de rappeler Ă  ses contemporains la participation zĂ©lĂ©e de la Roumanie dans l’application de la Shoah.

Lorsque l’on Ă©voque la solution finale et l’antisĂ©mitisme, il est plutĂŽt assez rare, en France, d’y associer la Roumanie. On pense plutĂŽt Ă  l’Allemagne nazie bien-sĂ»r, Ă  la France, la Pologne, l’Autriche, la Russie et l’ex-URSS


En effet.

A titre d’exemple : il y’a deux ou trois ans, la lecture de Les Cavaliers de l’Apocalypse, trĂšs bien Ă©crit par Jean Marcilly en 1974 d’aprĂšs le rĂ©cit de Ion. V Emilian, ex officier du 2Ăšme rĂ©giment de Calarashis pendant la Seconde Guerre Mondiale, avait Ă©tonnĂ© par son grand mutisme sur le sujet de l’antisĂ©mitisme et de la Shoah. A la fin du rĂ©cit qui coĂŻncidait avec la fin de l’épopĂ©e des Calarashis et la dĂ©faite militaire de la Roumanie, seuls le prĂ©nom et le nom de Simon Wiesenthal Ă©taient prononcĂ©s du bout des lĂšvres. La « rencontre » de Simon Wiesenthal semblait fortuite et anecdotique. Presque « people » : Les motifs de sa « cĂ©lĂ©britĂ© » Ă©taient Ă  peine Ă©clairĂ©s et on aurait tout aussi bien pu nous parler d’une rencontre avec Paris Hilton Ă  la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Cela aurait Ă©tĂ© pareil.

En revanche Ă  la fin de Les Cavaliers de l’Apocalypse, l’admiration pour le GĂ©nĂ©ral amĂ©ricain Patton, bĂ©nĂ©ficiait de bien plus de lumiĂšre : Peut-ĂȘtre parce que l’on apprĂ©cie mieux un hĂ©ros militaire que l’on estime pourvu du mĂȘme sens de l’honneur que soi mĂȘme si, comme Ion. V Emilian, on faisait alors partie du camp des vaincus. Peut-ĂȘtre aussi parce-que le GĂ©nĂ©ral Patton incarnait l’éclat de la virilitĂ© victorieuse lĂ  oĂč Wiesenthal, lui, reprĂ©sentait celui qui, une fois la guerre et la peur « finies », s’était donnĂ© pour mission d’aller ausculter les dĂ©combres.

Par ailleurs, un peu de recherche nous permet d’apprendre que Jean Marcilly, l’auteur du livre Les Cavaliers de l’Apocalypse paru en 1974, donc, deviendra plus tard ( dans les annĂ©es 80) durant un temps le compagnon de la premiĂšre Ă©pouse de Jean-Marie Lepen et mĂšre de Marine Lepen.

En 1974, Jean-Marie Lepen est depuis deux ans le PrĂ©sident du Front National, parti d’extrĂȘme droite français d’ascendance fasciste. Jean-Marie Lepen dirigera le FN jusqu’en 2011. Depuis ce 1er juin 2018, le Front National a Ă©tĂ© rebaptisĂ© Rassemblement National par Marine Lepen, et, cela, aprĂšs sa propre dĂ©faite aux Ă©lections prĂ©sidentielles de 2017 face Ă  Emmanuel Macron.

Cette « parenthĂšse » permet de faire un raccordement avec Antonescu, chef – d’extrĂȘme droite- du gouvernement roumain lors de la Seconde guerre Mondiale et Ă  qui l’on doit cette dĂ©claration- avant son exĂ©cution en 1946 pour crimes de guerre- qui donne le titre du film :

Peu M’importe si l’Histoire nous considĂšre comme des Barbares. Le film sortira le 20 fĂ©vrier soit dans une semaine et un peu plus de soixante dix ans aprĂšs la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Ioana/Mariana, du fait de son Ăąge, n’a pas connu cette pĂ©riode. Mais ses grands-parents, voire ses parents, sans aucun doute.

Pour aborder ce sujet, Radu Jude (Ours d’Argent de la meilleure mise en scĂšne au festival du film de Berlin pour son film Aferim en 2015) fait un film dans le film : l’interprĂšte principale se prĂ©sente comme Iona Iacob, soit son vĂ©ritable prĂ©nom et son vĂ©ritable nom, et non comme le personnage de Mariana. Et nous assistons aux premiĂšres rĂ©pĂ©titions de comĂ©diens amateurs dont certains pourraient ĂȘtre les grands-parents de Iona/Mariana. On peut un moment espĂ©rer trouver un cousinage avec le Looking for Richard mis en scĂšne et interprĂ©tĂ© par Al Pacino. Mais Peu M’importe si l’Histoire nous considĂšre comme des barbares est plus sec et plus rĂ©aliste.

Le cĂŽtĂ© bon enfant et Ă  la bonne « franquette » du dĂ©but du film qui nous rapprochent un moment d’un certain ennui laissent peu Ă  peu la place Ă  un film trĂšs moral et, Ă  l’image d’Ioana/Mariana, plein d’érudition. On y cĂŽtoie la mĂ©moire des armes et des musĂ©es, mais aussi celle de figures littĂ©raires ou d’historiens qui ont soit Ă©tĂ© victimes de l’antisĂ©mitisme soit des personnalitĂ©s qui ont effectuĂ© des recherches sur le rĂŽle pris par la Roumanie dans la Shoah. Citons Isaac Babel, Raoul Hilberg, Dennis Deletant


Les Cavaliers de l’Apocalypse s’attardait sur la menace communiste expansionniste comme raison principale de l’alliance de la Roumanie avec l’Allemagne nazie. Peu M’importe si l’Histoire nous considĂšre comme des Barbares nous apprend que les « BolchĂ©viques et les youpins » Ă©taient perçus depuis des annĂ©es comme « les ennemis » endĂ©miques dĂ©clarĂ©s des Roumains. Et peu importait qu’au pays des « BolchĂ©viques », des juifs soient victimes de pogroms ou des purges staliniennes
.

Le film de Radu Jude nous pousse Ă  nous interroger sur ce qui installe au sein d’une population, d’une communautĂ© ou d’une sociĂ©tĂ© la permanence d’une pensĂ©e hostile Ă  l’encontre d’un certain groupe de personnes au point de finir par trouver « normal » et justifiĂ© de l’exterminer ou de le stigmatiser. A voir Peu M’importe si l’Histoire nous considĂšre comme des Barbares, on comprend que cette pensĂ©e hostile provient d’assez « loin » dans le temps :

Elle s’impose aprĂšs des dĂ©cennies, des gĂ©nĂ©rations, sans doute des siĂšcles ou peut-ĂȘtre aprĂšs des millĂ©naires de croissance et d’expansion. ConvoyĂ©s au moins par la force de certaines superstitions et de certaines traditions, l’antisĂ©mitisme, toutes les haines en « isme » ainsi que toutes leurs mutations, peuvent alors sembler plus rĂ©sistants Ă  l’érudition, Ă  la morale et au Temps, que notre environnement au glyphosate et Ă  la pollution atmosphĂ©rique. Ioana/Mariana, tĂ©moin de notre Ă©poque, en fait la difficile expĂ©rience. Elle, qui, pourtant, accepte de ne pas ĂȘtre aimĂ©e et dĂ©fend son projet avec ruse et tĂ©nacitĂ© a par ailleurs du mal Ă  se composer un avenir affectif. Mais elle a rĂ©sistĂ© et va continuer de le faire. Ainsi que quelques uns autour d’elle, dans la foule comme dans l’anonymat.

Franck Unimon, ce mercredi 13 février 2019.

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Puissants Fonds/ Livres

L’instinct de vie

 

                                     

« Les souvenirs deviennent-ils les dĂ©mons du sujet qui les garde ? » se demande Patrick Pelloux dans son livre L’instinct de vie ?

 

Si le « diable » – ou ce qui en est pour nous l’agent permanent- avait souhaitĂ© faire de la tĂȘte de Patrick Pelloux un passage cloutĂ© de tourments, il ne s’y serait pas pris autrement :

 

MĂ©decin urgentiste engagĂ© et « connu » au moins depuis 2003 pour avoir alertĂ© les mĂ©dias des consĂ©quences sanitaires de la canicule, auteur de plusieurs ouvrages relatifs au monde de la SantĂ©, Patrick Pelloux Ă©tait aussi un chroniqueur attitrĂ© de Charlie Hebdo depuis plusieurs annĂ©es lorsqu’eut lieu « l’attentat de Charlie Hebdo » ce 7 janvier 2015. Puis celui de l’hyper cacher de Vincennes aprĂšs l’assassinat la veille de la policiĂšre Clarissa Jean-Philippe.

Dans ce livre de 174 pages dĂ©coupĂ© en quatorze chapitres- publiĂ© en 2017 soit environ deux ans aprĂšs l’attentat- Patrick Pelloux prend le parti de s’inspirer de sa dĂ©marche personnelle de reconstruction aprĂšs l’attentat du 7 janvier :

Rappelons qu’il Ă©tait ce jour-lĂ  en pleine rĂ©union professionnelle non loin du journal Charlie Hebdo. Sans cette rĂ©union, il se serait trouvĂ© au journal parmi ses collĂšgues et amis lorsque les terroristes sont arrivĂ©s, ont assassinĂ© et meurtri.

Charlie Hebdo Ă©tait Ă  la fois un peu sa maison et son territoire. Son « chez nous » comme dans tout service ou toute entreprise oĂč des employĂ©s se sentent « bien » comme en couple ou en famille. Soit une expĂ©rience encore plutĂŽt courante dans le monde du travail oĂč se crĂ©ent pour le meilleur et pour le pire bien des histoires affectives et amicales entre collĂšgues.

Ce 7 janvier 2015, sa trĂšs grande proximitĂ© affective avec les personnes du journal, sa grande proximitĂ© gĂ©ographique et son sens de l’engagement professionnel plus que prononcĂ© (ce qui lui vaut et lui a aussi valu certaines inimitiĂ©s professionnelles et politiques) sont sans doute ce qui l’a incitĂ©- il lui Ă©tait impossible de rĂ©agir autrement- Ă  intervenir avec d’autres professionnels urgentistes sur les lieux. Avant que les lieux soient sĂ©curisĂ©s nous apprend t’il dans son livre :

Lorsque d’autres professionnels urgentistes et lui sont entrĂ©s dans le journal ce jour-lĂ , ils ignoraient si les terroristes y Ă©taient encore prĂ©sents. Attitude hĂ©roĂŻque, suicidaire ou tĂ©mĂ©raire ? Cet article a d’autres volontĂ©s que ce « dĂ©bat » qui, mĂȘme avec de grandes prĂ©cautions, se rapprocherait du jugement moral et facile que dĂ©tiennent gĂ©nĂ©ralement les personnes bien planquĂ©es Ă  distance des frontiĂšres de l’horreur. Dans les faits, dans la mĂȘme situation, si l’accĂšs au journal avait Ă©tĂ© «libre», d’autres personnes trĂšs impliquĂ©es affectivement avec les victimes, mĂȘme non qualifiĂ©es mĂ©dicalement, auraient eu la mĂȘme rĂ©action que Patrick Pelloux et ces urgentistes professionnels. C’est lĂ  oĂč, pour Pelloux, le « diable » a pu largement faire son trou dans sa tĂȘte :

Le soignant, pour ĂȘtre Ă  mĂȘme d’ĂȘtre aussi « opĂ©rationnel » que possible, mais aussi pour pouvoir quitter la scĂšne clinique et retourner Ă  la vie civile – et chez lui- Ă  peu prĂšs indemne et frĂ©quentable- « sans » usure de l’ñme- doit pouvoir avoir une certaine distance affective avec ce qu’il voit et vit au travail. On peut d’ailleurs reprocher Ă  certains professionnels de la SantĂ© plutĂŽt aguerris et/ou performants une sorte « d’anesthĂ©sie » profonde voire une certaine indiffĂ©rence Ă©motionnelle et affective apparente ou patente. Le Monde de la SantĂ© tangue en permanence entre ces trois ou quatre modĂšles « parfaits » et extrĂȘmes du soignant :

L’un capable d’empathie et l’autre Ă  la technique administrative, diagnostique et gestuelle irrĂ©prochable mais au « cƓur », au regard et au rĂ©confort absents ou froids. Ces trois ou quatre modĂšles ( et d’autres) peuvent bien-sĂ»r coexister dans la moelle Ă©piniĂšre d’un mĂȘme soignant en une alchimie respirable mais cela est loin d’ĂȘtre une Ă©vidence et une science exacte et dĂ©finitive.

Pour Patrick Pelloux – dont au moins les Ă©crits et les chroniques attestent aussi de rĂ©elles prĂ©occupations humanistes- aprĂšs ce 7 janvier 2015 (et pour bien d’autres que lui) il Ă©tait impossible d’ĂȘtre Ă©motionnellement et affectivement absent. Pourtant, s’il avait la possibilitĂ© de retourner dans le passĂ© et de revivre cet Ă©vĂ©nement et le stress post-traumatique qui en a dĂ©coulĂ© depuis, on devine qu’il s’immergerait Ă  nouveau dans le Charlie Hebdo de ce 7 janvier 2015.

Ce dĂ©but d’article pourrait peut-ĂȘtre donner l’impression que L’Instinct de vie relate l’attentat de Charlie Hebdo de bout en bout ce jour-lĂ . Ce serait un malentendu:

L’instinct de vie est un kit destinĂ© Ă  aider Ă  la reconstruction morale, sociale, affective, psychologique et Ă©motionnelle. Il a Ă©tĂ© conçuavec des mots trĂšs simples– au moins pour aider celles et ceux qui ont Ă©tĂ© victimes d’attentats ou d’évĂ©nements traumatiques ainsi que leurs proches ou celles et ceux qui essaient d’apporter une aide en des circonstances similaires.

Pelloux le prĂ©cise : ce qui a Ă©tĂ© trĂšs difficile y compris pour des professionnels de la SantĂ© intervenant par exemple lors de l’attentat du Bataclan du 13 novembre 2015 ( ce jour-lĂ  ont aussi eu lieu des attentats au Stade de France ainsi que dans des rues du 1OĂšme et du 11 Ăšme arrondissement de Paris : 130 personnes – dont 7 des terroristes- ont Ă©tĂ© tuĂ©es et plus de trois cents blessĂ©s ont Ă©tĂ© hospitalisĂ©s ), c’est de devoir faire face- dans le monde civil- Ă  des scĂšnes cliniques et des situations habituellement « rĂ©servĂ©es » Ă  des zones de guerre. Le personnel de santĂ© civil dĂ©pĂȘchĂ© sur les lieux n’était pas prĂ©parĂ© Ă  faire face Ă  des blessures de guerre et Ă  une telle Ă©chelle. Et, les victimes ainsi que leur entourage ont dĂ» dĂ©couvrir Ă©galement Ă  une plus grande Ă©chelle le quotidien des personnes dĂ©veloppant un stress post-traumatique voire une nĂ©vrose traumatique.

Le livre de Pelloux « bĂ©nĂ©ficie » de son expĂ©rience de professionnel de la SantĂ©. Et de victime. Il donne donc un certain nombre de conseils. Ainsi que des repĂšres permettant Ă  d’éventuelles victimes, professionnels de la SantĂ©, proches et entourages de mieux comprendre ce qui peut se passer pour une victime. Quelques extraits en vrac :

« Les mots étaient doux avant. Soudain, tous les mots du monde ont été assassinés ».

« Tout a explosĂ©. Durant les premiers temps, on reste dans la sidĂ©ration. Impensable. L’entourage ne peut pas comprendre ou pas forcĂ©ment. (
). Ce n’est mĂȘme pas de la peur, c’est au delĂ . Un besoin de sĂ©curitĂ© extrĂȘme ».

« J’ai vu des choses que je n’aurais pas dĂ» voir. C’est cela qui fait le traumatisme. (
.) Analyser qu’il faudra vivre avec un drame, savoir qu’il est impossible d’oublier et que tout son ĂȘtre, toute sa psychĂ© devra apprendre Ă  vivre avec cette souffrance ».

« Il faut vivre les trois premiĂšres heures pour arriver Ă  respirer normalement, puis les trois premiers jours, puis les trois premiers mois. Pourquoi trois mois ? Parce que c’est sans doute la durĂ©e qu’il m’a fallu pour rĂ©ussir Ă  dormir deux heures de suite ».

« (
.) Ce dont j’ai besoin, c’est de lĂ©gĂšretĂ© et de douceur. Or, c’est peut-ĂȘtre la chose la plus compliquĂ©e Ă  offrir Ă  quelqu’un de traumatisĂ© ».

« (
) Ne dites jamais Ă  une victime : « ça va passer » ; « ça va aller mieux » ; « Tu vas oublier » ; « C’est la vie » ; « Y’a plus grave ».

« Ce stress dure plus longtemps qu’il n’est Ă©crit dans les articles scientifiques. Il dure des mois (
.). Cela fait deux ans que les flashs me reviennent, par moments. Il suffit d’un petit dĂ©tail. Qui les rĂ©active. Clac ! ».

« Qu’il est difficile d’aider une victime ! Il faudrait ĂȘtre lĂ  et ne pas ĂȘtre lĂ . A l’écoute. Sans poser de questions. Le mieux est de consulter un psychiatre ou un psychologue des cellules d’urgence mĂ©dico-psychologique (CUMP) des SAMU (
) ».

« (
..) Rien ne calme cette culpabilitĂ©, ni l’alcool, ni le cannabis, ni la cocaĂŻne, ni les amphĂ©tamines. C’est un leurre (
). Une chose est certaine : l’illusion de l’ivresse passĂ©e, tout s’aggrave, les troubles du sommeil, les cauchemars, les angoisses, les flashs, les peurs et la culpabilitĂ© ».

« Pour se reconstruire, il faut accepter de rire et de sourire ».

LivrĂ©s de cette façon, ces extraits peuvent peut-ĂȘtre donner l’illusion que Patrick Pelloux s’est reconstruit facilement. Si son livre est optimiste et volontariste, il indique nĂ©anmoins ça et lĂ  qu’il a pleurĂ© tous les jours pendant trois semaines aprĂšs l’attentat du 7 janvier 2015. Qu’il a penchĂ© durant quelques mois vers l’alcool. Sans trop s’étendre sur le sujet, Ă  travers ses chats, il nous renseigne sur ce qu’une personne traumatisĂ©e peut aussi « dĂ©gager » de mortifĂšre pour un entourage proche et intime qui absorberait tout sans aucune limite, distance ou filtre. MĂȘme s’il a depuis repris ses fonctions de mĂ©decin urgentiste, il a conscience d’ĂȘtre restĂ© vulnĂ©rable. Et le 13 novembre 2015, c’est en tant que rĂ©gulateur et non en tant qu’intervenant de terrain qu’il a- avec ses divers collĂšgues- participĂ© aux sauvetages des victimes des attentats au Bataclan et dans les rues de Paris.

On peut ĂȘtre en dĂ©saccord avec certains de ses avis par exemple quant Ă  la prescription de mĂ©dicaments ou non ou sur la façon d’assurer leur rĂ©Ă©valuation. Car cela semble plus facile Ă  dire qu’à faire. On peut par moments lui reprocher d’ĂȘtre un peu trop sĂ»r de lui mĂȘme s’il se dĂ©fend de tout savoir.

Mais on doit avant tout voir ce livre– qui peut ĂȘtre une initiation Ă  la Victimologie– comme un        ( Grand) Acte civique de trĂšs grande utilitĂ© publique pour ce qu’il apprend ou incite Ă  apprendre que l’on soit soignant ou non, victime ou non, proche d’une victime ou non. Car comme le dit son ouvrage, celui-ci  et celui d’autres auteurs -tel le mĂ©decin-gĂ©nĂ©ral Louis Crocq- sont au service de la vie. Les terroristes et les intĂ©gristes, eux, desservent la vie et contrairement au reste du monde se coupent de tout attachement affectif pour pouvoir mieux justifier et rĂ©aliser leurs assassinats physiques et symboliques. Pour les “sceptiques”, il est encore assez facile de retrouver sur le net des photos de certaines victimes des attentats du 13 novembre 2015 pour voir Ă  nouveau qu’elles Ă©taient de tous horizons.

Cet article se veut un complĂ©ment, pour le meilleur espĂ©rons-le, de celui (assez mal Ă©crit) sur le livre Sans blessures apparentes de Jean-Paul Mari. Et de l’article sur le film Utoya. Il a Ă©tĂ© Ă©crit en bĂ©nĂ©ficiant du dĂ©ferlement proche et protecteur de musiques Reggae et Dub Ă  un volume moyennement Ă©levĂ©. Celui en particulier des artistes et groupes Manutension, Steel Pulse et Rod Anton.

 

Peinture : Patrick MarquĂšs.

 

 

 

Franck, ce mardi 5 février 2019.