Cergy, Soit ! Une expérience paranormale
La manifestation Cergy, Soit !
On a parfois lâimpression que certaines musiques nâagissent plus sur nous. Et que câest pareil pour certains lieux. Du temps est passĂ© et on peut en changer comme on change de souliers.
La manifestation Cergy, Soit ! ne dira presque rien Ă celles et ceux pour qui la ville de Cergy-Pontoise, en tant que ville de banlieue, câest trĂšs loin de Paris. Mais jâai vĂ©cu Ă Cergy Pontoise pendant quelques annĂ©es. Lâune des premiĂšres Ă©ditions de Cergy, Soit ! Ă laquelle jâĂ©tais allĂ©, sâĂ©tait passĂ©e il y a une vingtaine dâannĂ©es. Dans le parc derriĂšre la prĂ©fecture, Ă Cergy PrĂ©fecture. CâĂ©taient beaucoup de spectacles gratuits. Du thĂ©Ăątre de rue mais aussi des acrobaties. Il y avait beaucoup de monde. Ma prof de thĂ©Ăątre, dâalors, VĂ©ronique, avait jouĂ© une femme enceinte avec « sa » compagnie, ThĂ©Ăątre en stock. Je me souviens encore de sa prestation. Ailleurs, un acrobate sâĂ©tait laissĂ© glisser tĂȘte en bas depuis le haut dâune barre Ă toute vitesse pour sâarrĂȘter Ă ras du sol.
Cergy, Soit ! Ă©tait une nouvelle trĂšs belle initiative. Mais jâĂ©tais lâun des moins bons candidats pour mâen apercevoir. Son nom, pour commencer, mâapparaissait un peu alambiquĂ©.
Ensuite, frĂ©quemment aimantĂ© tel le junkie par Paris, ahuri, je ne voyais pas quâil se trouvait Ă Cergy-Pontoise des aventures Ă ma portĂ©e. ( voir mon article sur le film J’ai aimĂ© vivre lĂ - un film de RĂ©gis Sauder). Je trouvais cette ville plutĂŽt vide. FabriquĂ©e pour dormir. Mais aussi pour Ă©loigner des meilleures opportunitĂ©s qui ne pouvaient se trouver qu’Ă Paris. Jâavais quelques petites circonstances attĂ©nuantes pour croire que le meilleur se trouvait en dehors de Cergy-Pontoise :
Plusieurs de mes collĂšgues nâallaient jamais ou trĂšs peu Ă Paris.
Mes amis habitaient Ă Paris. MĂȘme si quelques uns, par la suite, partirent vivre en province.
Les trains et les RER de banlieue que je prenais avaient tous Paris pour terminus ou l’avaient pour destination. Ainsi que tous les trains et RER de banlieue que je prenais et qui me permettaient de rentrer chez moi.
Il Ă©tait plus facile, mĂȘme si câĂ©tait un peu long, de se rendre en transports en commun Ă Paris depuis Cergy que pour aller dans certaines villes de banlieue avoisinantes. Pour aller Ă Pontoise, Auvers sur Oise, l’Isle Adam, Taverny, Herblay….
A moins dâavoir le permis et de conduire. Or, je nâĂ©tais pas pressĂ© de passer le permis et « dâavoir » une voiture.
La facultĂ© de Cergy-Pontoise, rĂ©cente, dĂ©pendait encore de lâuniversitĂ© de Paris X, Ă Nanterre. Pour mon premier cours de DEUG dâAnglais LCE aprĂšs mes Ă©tudes dâinfirmier, je mâĂ©tais prĂ©sentĂ© Ă la face (mais aussi Ă la fac ) de Cergy-Pontoise, Ă Cergy PrĂ©fecture. A une station de RER de chez mes parents chez qui jâhabitais encore, Ă Cergy St Christophe.
Devant la fac de Cergy-Pontoise, jâavais compris que les cours se dĂ©roulaient Ă la Fac de Nanterre et jâavais ensuite pris le train pour Nanterre UniversitĂ©.
Prédation ?
La premiĂšre fois que jâĂ©tais allĂ© Ă Cergy, soit ! Je nâavais pas pris de photos. Je nây avais mĂȘme pas pensĂ©. MĂȘme avec le meilleur appareil photo dans les mains, je nâaurais pas su voir quoi photographier. Je ne voyais pas. Je ne voyais pas parce-que mon imaginaire Ă©tait bridĂ© par un ailleurs que jâinventais et voulais voirâŠailleurs et avant celui qui se trouvait devant moi.
Dans cet ailleurs, il y avait eu une ou deux histoires d’amour impossibles. Dont une Ă Marseille. Puis, une autre en Australie. Ensuite, sur Cergy-Pontoise, j’avais aussi trĂšs bien poursuivi ma carriĂšre de spĂ©cialiste d’histoires d’amour Ă la « mords-moi-le-noeud » : collectionneur de rendez-vous manquĂ©s avec une championne toute catĂ©gories de l’ambiguĂŻtĂ©, amant finalement dĂ©laissĂ© de femme mariĂ©e et de jeune maman, courtisan Ă©mĂ©rite prĂ©cisĂ©ment de celle qui ne pouvait pas me correspondre….
Pendant plusieurs annĂ©es, j’ai su me confectionner des trajets sentimentaux encore plus venimeux que certains trajets en transports en communs inter-banlieues qui peuvent cumuler les correspondances tirĂ©es par les cheveux. Au lieu de faire simple. Un ami, qui habitait alors Ă Sarcelles, m’avait un jour appris cette expression qu’il avait reçue de sa mĂšre :
« Toi, tu n’as pas besoin d’aide pour te foutre dans la merde !« .
On se fout assez rĂ©guliĂšrement dans la merde tout seul parce-que l’on croit surtout, que, plus ce sera difficile et compliquĂ©, mieux ce sera. Que la souffrance et la difficultĂ© sont nos principaux atouts pour nous confirmer que ce que l’on « vit » ou « obtient » est « bien », valable et durable. Comme dans les contes de fĂ©e. Mais ce qui est surtout durable ensuite, c’est les embrouilles, les malentendus, la solitude.
Parce-que, finalement, dans ces conditions, on invente assez peu lâailleurs.
Dans la vraie vie, on voit l’ailleurs ou on ne le voit pas. On lâentend ou on ne lâentend pas. On le prend ou on ne le prend pas. C’est comme sur un quai, faire en sorte rĂ©guliĂšrement de pouvoir seulement prendre le train d’aprĂšs ou celui d’aprĂšs pour ensuite se mettre en retard. Alors que l’on pourrait assez facilement prendre le bon train et ĂȘtre Ă l’heure ou en avance.
Train et appareil photo
Jâai eu plusieurs appareils photos compacts « grand public ». Et, aujourdâhui, nous avons des tĂ©lĂ©phones portables qui « font » de trĂšs bonnes photos et avec lesquels nous pouvons mĂȘme filmer et enregistrer. CâĂ©tait un peu moins le cas en 2007 quand jâai quittĂ© Cergy-Pontoise. Mais les appareils photos et les camĂ©ras existaient dĂ©jĂ depuis longtemps.
On dit quâil faut faire pour apprendre. Mais on peut faire pendant des annĂ©es sans rien apprendre. Entre 2007 et aujourdâhui, ma technique photographique a peu Ă©voluĂ©. Si lâon me prĂȘtait un appareil photo un peu sophistiquĂ© nĂ©cessitant des rĂ©glages, jâaurais beaucoup de mal pour apprendre Ă mâen servir correctement. Cependant, ma façon de faire des photos a changĂ©. Jâaime le fait que la photo nous permette dâavoir un rapport particulier ou privilĂ©giĂ© avec lâinstant, le silence, la lumiĂšre, le cadre. En prenant une photo, on « sait » que ce que lâon prend ne reviendra plus.
PrĂ©dation ? Si lâintention est seulement de se servir de lâautre ou de lui nuire, alors quâil est vulnĂ©rable et innocent, on pourrait parler de prĂ©dation.
Mais si lâintention est de prĂ©server et de rĂ©vĂ©ler ce qui est nĂ©gligĂ© et banalisĂ© alors que câest « beau », « drĂŽle », « insolite », « touchant », « Ă©phĂ©mĂšre », « vivant » ou « contrariant Ă propos de notre Ă©poque », la photo peut se justifier pour des raisons morales, de mĂ©moire ou esthĂ©tiques.
Sur lâautoroute A15
Jâavais prĂ©vu de retourner Ă Cergy, Soit ! Cette annĂ©e. Puis, je lâavais oubliĂ©. JusquâĂ ce que ma sĆur me propose dây aller avec nos enfants. Ce samedi 26 septembre 2021, tous les cinq, nous avons pris lâautoroute A15 dans ma voiture. Celle que jâavais dĂ©jĂ en partant de Cergy-Pontoise. Et, nous sommes allĂ©s nous garer, prĂšs de lâEsplanade de Paris, des « douze colonnes » Ă quelques minutes Ă pied de lâĂ©cole de la Lanterne oĂč se passaient plusieurs des Ă©vĂ©nements de cette aprĂšs-midi.
LâĂ©cole de la Lanterne, fermĂ©e maintenant depuis une dizaine dâannĂ©es Ă ce que jâai ensuite appris par une bĂ©nĂ©vole, est maintenant le « bureau » de lâassociation de la Lanterne. Une association plus portĂ©e, je crois, sur des Ă©vĂ©nements artistiques, culturels et Ă©cologiques.
Cependant, lâautre particularitĂ© de lâĂ©cole de la Lanterne, câest quâelle avait Ă©tĂ© lâĂ©cole primaire de ma sĆur et de mon frĂšre. Et quâelle se trouve Ă deux ou trois minutes Ă pied du pavillon pour lequel nous avions quittĂ© notre appartement HLM de Nanterre.
Ce samedi 26 septembre 2021 sâest donc transformĂ© pour moi en une machine Ă remonter le temps. Ma voiture. Lâautoroute A15. Ma sĆur et nos enfants. Le pavillon oĂč nous avions vĂ©cu plusieurs annĂ©es avec nos parents quâils ne le revendent pour partir retourner vivre en Guadeloupe au dĂ©but des annĂ©es 2000. Les 12 colonnes de l’Esplanade de Paris depuis lesquelles on peut apercevoir Le quartier de La DĂ©fense et, derriĂšre, l’Arc de Triomphe.
L’Ă©cole de la Lanterne. Une lanterne, ça Ă©claire. Le titre The Payback de James Brown. La musique de James Brown fait partie de ces musiques que mon pĂšre m’a transmises par ses disques vinyles. Dont le titre Sex Machine dont il avait le 45 tours ou le 33 tours. Mon pĂšre dont l’anniversaire se rĂ©pĂšte tous les 3 octobre. Un jour aprĂšs moi. Lui, en Guadeloupe, Ă Petit-Bourg. Moi, en France, Ă Nanterre. 1944. 1968.
Nostalgie ?
Jâaurais pu le penser si certains sentiments nâavaient Ă©tĂ© que les miens. Seulement, aprĂšs avoir prĂ©sentĂ© nos passes sanitaires ou test antigĂ©nique nĂ©gatif rĂ©cent, nous Ă©tions Ă peine entrĂ©s dans lâĂ©cole de la lanterne, que nous sommes allĂ©s assister Ă la fin dâun concours de tags. Jâai alors demandĂ© confirmation Ă ma sĆur. La musique que nous entendions Ă©tait bien du Rap amĂ©ricain des annĂ©es 90-2000. Sur notre droite, Ă quelques mĂštres, un homme dâune quarantaine dâannĂ©es dansait en Ă©coutant les sons. Lesquels sons lui rappelaient vraisemblablement toute une Ă©poque. Il faisait beau. Lâambiance gĂ©nĂ©rale Ă©tait parfaitement dĂ©tendue. Il nây avait pas trop de monde.
Des Ćuvres remarquables
AprĂšs quelques minutes, nous avons dĂ©cidĂ© de poursuivre notre « visite ». Je suis alors tombĂ© sur quelques Ćuvres remarquables. Dont celle du collectif « TSF ». ( je ne suis pas sĂ»r de l’orthographe »)
Un petit peu plus loin, un artiste ( Sitou) terminait sa fresque. Sa particularitĂ© Ă©tait quâil Ă©coutait le titre Payback de James Brown ! Difficile de faire plus « ancien » aujourdâhui ou, en France, on Ă©coute « beaucoup », parmi les artistes français des personnes comme Jul, Booba, Niska, Orelsan, Soolking, Damso, Soprano, Aya Nakamura, PNL, Slimane, et dâautresâŠ.
Je connais plus le nom de la plupart de ces artistes que leur discographie, et mĂȘme si je me dĂ©sole de ne plus vraiment danser depuis quinze ou vingt ans, je peux aimer des morceaux de ces artistes sans pour autant avoir envie de bouger en les entendant.
Ce titre de James Brown, Payback, je le « connais ». Je lâavais rangĂ© derriĂšre moi comme on peut regarder une ville ou un paysage sâĂ©loigner dans le rĂ©troviseur de notre voiture alors que lâon roule. Et, quelques annĂ©es me sĂ©paraient dĂ©ja de Payback ce samedi 26 septembre 2021. Mais, lĂ , parce-que mis Ă un volume suffisamment Ă©levĂ©, Payback mâa rappelĂ© Ă lâordre.
Parce-que dans la voix de « James », il y a un appel :
« Tu vas te lever. Tu vas te bouger. Tu existes. Tu vas danser. Tu vas vivre. Tu nâas pas le choix».
Câest un appel pĂ©remptoire. Câest peut-ĂȘtre aussi dans cette chanson quâil constatait que plusieurs artistes dâalors lâimitaient sans pour autant lui verser les royalties quâils lui devaient. Et quâil leur intimait : « Virez ma voix de vos disques ! ». Jâavais lu un article Ă ce sujet il y a plusieurs annĂ©es. Je vivais peut-ĂȘtre encore Ă Cergy-Pontoise lors de la lecture de cet article.
Sur son Ă©chafaudage, Ă deux ou trois mĂštres au dessus de nous, tout en terminant sa fresque, lâartiste Sitou, lui, par moments, dansait en Ă©coutant The Payback. Et, de mon cĂŽtĂ©, jâai senti quâĂ ce moment-lĂ , seule la musique comptait.
Pour voir d’autres photos relatives Ă cette manifestation : Photos Cergy, Soit ! Samedi 26 septembre 2021
Franck Unimon, dimanche 3 octobre 2021.