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Voyage – Balistique du quotidien
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Soixante photos du Japon juillet 2024/ Sixty shots of Japan July 2024

 

 

Soixante photos du Japon Juillet 2024/ Sixty shots of Japan July 2024

Inosaki, Himeji, Tokyo, Kyoto, Hiroshima, Kurashiki
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Quelques mois aprĂšs mon second sĂ©jour au Japon, je retourne sur les talons de ces photos que j’y ai prises durant ces trois semaines. Ni dĂ©tresse ni nostalgie dans ces instants qui m’inspirent ce « retour Â».

Il faut bien quelques semaines, quelques mois voire quelques annĂ©es pour pouvoir mieux regarder certains moments. Et celles et ceux qui savent prendre leur temps comme leur pouls le comprendront certainement. Pour les autres, cela viendra peut-ĂȘtre plus tard. J’ai dĂ©jĂ  publiĂ© au moins deux articles sur mon blog sur ce sĂ©jour que je dois cette fois-ci au Masters Tour proposĂ© et organisĂ© depuis plusieurs annĂ©es par LĂ©o Tamaki. Mais cette fois, c’est peut-ĂȘtre le moment de faire autrement la synthĂšse de ce que j’ai vĂ©cu lors de ce sĂ©jour au Japon.

 

En 1999, lors de mon premier voyage au Japon, les rĂ©seaux sociaux n’existaient pas et les tĂ©lĂ©phones portables que nous avions ne permettaient pas de naviguer sur internet, de filmer ou de prendre des photos. Et je n’avais pas de blog. Il me reste les photos papier de ce sĂ©jour ainsi que divers objets, impressions et souvenirs que j’en avais rapportĂ©s. Mais je n’avais rien Ă©crit ni publiĂ©.

Aujourd’hui, c’est diffĂ©rent. Nous pouvons presque quotidiennement faire savoir Ă  d’autres personnes quel grand gĂ©nie nous sommes et la chance qu’elles ont toutes de nous connaĂźtre, jour aprĂšs jour. MĂȘme s’il est parfois nĂ©cessaire de savoir le leur rappeler rĂ©guliĂšrement :

Les meilleures rĂ©ussites comme les pires initiatives peuvent dĂ©sormais se diffuser vingt quatre heures sur vingt quatre sur les rĂ©seaux sociaux et sur le net en un tour de piste. Certaines de ces derniĂšres sont tenaces et rĂ©pĂ©titives tandis que les premiĂšres peuvent rapidement se faire avaler par cette obligation et cette obsession de la nouveautĂ© et d’originalitĂ© censĂ©es dĂ©finir la valeur de notre personnalitĂ© et de notre vie.

Il n’existe pas de sĂ©rum dĂ©finitif Ă  ce sĂ©bum narcissique. On peut s’assagir et ĂȘtre lucide quelques temps puis recommencer Ă  gesticuler dans le courant environnant. Car cela signifie aussi que l’on est une personne « normale Â» jusqu’à un certain point : que l’on ressemble Ă  une majoritĂ©.

Lorsque l’on dĂ©cide de se rendre au Japon pour quelques semaines en partant de la France, on « sait Â» que l’on multiplie les probabilitĂ©s pour s’extraire de ce que l’on connaĂźt et peut-ĂȘtre de ce que l’on est habituellement en France ou en occident.

La langue et les codes sociaux sont différents, les croyances aussi sans doute.

L’Anglais d’Oxford ou d’ailleurs y reste assez peu parlĂ© et l’Espagnol ou le CrĂ©ole n’y seront d’aucune aide. On y est quelque peu dĂ©pouillĂ©. Mais pas toujours de ce que l’on croit. Car il se peut que l’on se fasse dĂ©pouiller, comme lors de tout vĂ©ritable voyage et de toute vĂ©ritable rencontre, d’une partie de nos insuffisantes connaissances sur le monde sur celles et ceux qui nous entourent et, bien-sĂ»r, sur nous-mĂȘmes.

J’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© aprĂšs mon retour du Japon qu’il me soit demandĂ© par plusieurs personnes si j’y avais bien mangĂ©. J’ai eu l’impression que c’était la premiĂšre fois, aprĂšs un de mes voyages, que l’on avait autant besoin de s’assurer que l’on y mangeait bien.

Je peux rĂ©pondre Ă  nouveau que j’ai trĂšs facilement trouvĂ© de quoi me satisfaire d’un point de vue alimentaire sur le territoire nippon. Et que je n’ai pas eu Ă  errer dans des bas fonds interlopes afin de trouver des dealers mafieux Ă  mĂȘme de me revendre au marchĂ© noir des denrĂ©es alimentaires typiquement françaises que je puisse serrer dans mes bras avant de les confier Ă  mon estomac.  

Cet Ă©tĂ©, j’ai bien remarquĂ© sur place que le Japon Ă©tait en effet devenu une destination plus touristique qu’en 1999. Lors de mon premier voyage, les touristes Ă©taient « clairsemĂ©s Â» et j’en avais peu rencontrĂ©. Cette annĂ©e, il Ă©tait plus frĂ©quent d’en croiser. Et Ă  la gare de Kyoto, j’ai mĂȘme eu la surprise de tomber sur une famille de compatriotes guadeloupĂ©ens qui se promenait dans les galeries commerçantes.

Il faut nĂ©anmoins prĂ©ciser que cette annĂ©e, notre sĂ©jour s’est dĂ©roulĂ© en pleine pĂ©riode touristique, lors du mois de juillet alors qu’en 1999, j’étais venu en septembre.

J’ai aussi trouvĂ© qu’il y avait nettement plus de ressortissants chinois, qu’ils soient simples touristes ou habitants. Cela m’a marquĂ© compte-tenu des diffĂ©rends culturels et politiques qui peuvent exister ou ont pu exister entre la Chine et le Japon.

Le Japon est un pays riche et ambitieux tant historiquement, culturellement qu’économiquement. AppelĂ© «  Le pays du Soleil Levant Â», il est peut-ĂȘtre aussi le pays des contraires ordonnĂ©s. 

Aussi, soixante photos dans un diaporama afin de laisser le meilleur aperçu possible de ce sĂ©jour au Japon, c’est assez peu. Mais je crois que l’on dit qu’une image vaut autant que dix mille mots. Il est possible que je me sois trompĂ© sur le chiffre exact. Je sais par contre qu’au dĂ©part, ce diaporama devait contenir cent photos. J’aimais bien le chiffre cent. Peut-ĂȘtre parce-qu’il est proche en sonoritĂ© du mot « sang Â».

Sauf que, sur les plus de 8000 photos prises lĂ -bas, je me suis retrouvĂ© avec 176 photos. Cela faisait beaucoup trop. Trop de sang. J’ai donc coupĂ©. Surtout qu’aujourd’hui, il faut savoir livrer du concentrĂ©. Je ferai peut-ĂȘtre un autre diaporama aprĂšs celui-lĂ .

Comme musique, je voulais d’abord mettre du Dub. Pendant environ deux jours, j’ai Ă©coutĂ© plusieurs titres de Brain Damage et de Manutention. J’ai Ă©tĂ© beaucoup tentĂ© de rĂ©utiliser un des titres de Brain Damage dont je ne me lasse pas.

Finalement, ce matin, je me suis rappelĂ© de Rosalia que j’étais allĂ© voir en concert en Ă©tĂ© 2023 Ă  l’hippodrome de Longchamp avant de partir ensuite travailler de nuit.

Le titre La Combi Versace m’a rapidement convaincu. On s’attend peu, je crois, Ă  retrouver apposĂ©e une telle musique et la langue espagnole « sur Â» des photos relatives au Japon. On est le plus souvent tentĂ©, en tant qu’occidental admiratif, de l’accoler Ă  une musique solennelle ou qui inspire certaines attitudes de respect ou supposĂ©es zen.

J’ai bien Ă©videmment du respect pour le Japon et je suis sensible Ă  la recherche du zen. Mais je crois que ce titre de Rosalia sert trĂšs bien ce diaporama car il a parmi ses avantages le fait, je crois, de reprĂ©senter l’avenir, d’ĂȘtre entraĂźnant et plein de vie. Il est aussi composĂ© et interprĂ©tĂ© par une femme qui a ses idĂ©es et qui s’exprime dans une autre langue que l’incontournable langue anglaise de beaucoup de nos titres prĂ©fĂ©rĂ©s. Et le dĂ©cĂšs rĂ©cent de Quincy Jones est lĂ  pour nous le remĂ©morer.

Je cite feu Quincy Jones. Mais il ne manquera pas de personnes pour se rappeler de lui ou pour Ă©couter sa musique qui, d’une façon ou d’une autre, est une mĂ©moire, sa mĂ©moire. Par contre, en Ă©coutant de la musique ce matin afin d’en choisir une pour ce diaporama, j’ai pensĂ© Ă  toutes ces personnes qui n’ont plus ou qui n’ont pas la possibilitĂ© de connaĂźtre ce plaisir qui est simplement d’écouter de la musique qu’elles aiment et de se laisser entraĂźner par elle et qui partiront sans laisser de mĂ©moire. Car elles vivent dans une trop grande pauvretĂ© ou dans une trop grande violence.

C’est une trĂšs grande libertĂ© et un grand privilĂšge que de pouvoir Ă©couter de la musique, « sa Â» musique, lorsqu’on le souhaite comme de pouvoir l’emporter avec soi dans son tĂ©lĂ©phone portable, sur son ordinateur ou dans un baladeur numĂ©rique. De se mettre oĂč l’on veut et de l’écouter voire de la faire Ă©couter et de la vivre avec d’autres.

Je ne suis pas certain que l’on s’en rappelle toujours. Ce diaporama est aussi là pour m’aider à m’en rappeler. Car j’ai besoin de m’en rappeler.

Franck Unimon, ce mercredi 13 novembre 2024.

 

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Japon juillet 2024 : Les Maitres du Masters Tour

Le Butokuden, Kyoto. Masters Tour, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Japon Juillet 2024 : Les Maitres du Masters Tour

 

« Les Maitres sont les Maitres. Au mieux, je suis un centimĂštre Â».

 

Le terme « Maitre Â» est un des reflets de notre ambivalence.

PrÚs du Butokuden, Kyoto, lors du Masters Tour, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Il peut rappeler des mauvais souvenirs. Il semble sĂ©parer les mondes d’hier dont nous somme les fruits que l’on fuit et ceux d’aujourd’hui que l’on prĂ©fĂšre. Comme s’il Ă©tait possible de creuser une tranchĂ©e entre les deux et d’y entrer.

Le « Maitre Â» peut rappeler l’instituteur de l’école primaire ou celui dont dĂ©pend l’esclave.

Personne n’aime vĂ©ritablement se rappeler certains moments humiliants et publics de son histoire.

Mais le « Maitre Â» est aussi celle ou celui qui peut et sait guider et rĂ©parer. En particulier vers la vie et l’optimisme. Y compris dans le secret.

Il existe des Maitres dans beaucoup de domaines dans toutes les cultures Ă  tous les Ăąges de l’évolution et dans toutes les classes sociales. Mais, la plupart du temps, nous ne le percevons pas.

Par ailleurs, le terme de « Maitre Â» est anachronique tout autant que futuriste.

Et les Arts Martiaux véhiculent cette outrance ou cette ambivalence.

Avec LĂ©o Tamaki, au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024.

Car on peut trouver anachronique voire stupide que des gens, en 2024 et plus tard, puissent encore continuer de choisir de porter kimono, hakama, d’autres Ă©lĂ©ments vestimentaires mais aussi adopter certaines attitudes. Et, tout cela, afin de transpirer et suivre des rituels et des traditions d’un ancien temps mais aussi d’une culture qui n’est pas forcĂ©ment la leur. Alors qu’il suffit de faire un rĂ©gime alimentaire, de subir une intervention chirurgicale, de prendre un coach ou de faire du fitness ou du cross-fit pour perdre du poids et pouvoir se mettre en maillot de bain en Ă©tĂ© au bord de la plage en Ă©tant fier de son allure.

Toute Ă©poque a ses intĂ©grismes et ses artifices aussi sĂ©duisants soient-ils. Et, si mon attachement Ă  certaines valeurs dites traditionnelles me rapproche des Arts Martiaux, j’ai aussi appris que les traditions, Ă  elles seules, ne sont pas des sanctuaires idylliques. Il faut des personnes, des femmes, des hommes et aussi des enfants qui sachent les interprĂ©ter et les perpĂ©tuer de maniĂšre vivante et optimiste.

Au Masters Tour de juillet 2024, nous avons eu le privilĂšge de rencontrer plusieurs Maitres d’Arts Martiaux. Mon prĂ©cĂ©dent article, Japon Juillet 2024 : Le Retour , fut long Ă  Ă©crire et Ă  lire. Celui-ci est entre trois Ă  six fois plus court. 

Au centre, Hino Akira Sensei au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Hormis Hino Akira Sensei approchĂ© lors d’un stage organisĂ© par LĂ©o Tamaki au cercle Tissier Ă  Vincennes fin 2022, je dĂ©couvrais les autres Sensei. Des Maitres et des personnes que LĂ©o Tamaki, et quelques autres, avaient rĂ©guliĂšrement rencontrĂ© depuis au moins une quinzaine d’annĂ©es !

 

Ces hommes, ces Maitres, ont consacrĂ© leurs vies aux Arts Martiaux Ă  un point difficilement concevable. Comme l’on porterait des mĂ©taux Ă  une tempĂ©rature particuliĂšrement Ă©levĂ©e, ils se sont forgĂ©s. Sans se rompre. Il faut le rappeler car nous sommes nombreux Ă  avoir eu des projets ou des aspirations auxquelles nous avons dĂ» partiellement ou totalement renoncer.

 

La premiĂšre leçon du Maitre, c’est peut-ĂȘtre d’ĂȘtre une incarnation, devant nous, de cette forme d’accomplissement- et d’engagement- que trĂšs peu d’entre nous atteindrons. Parce que notre histoire est diffĂ©rente. Et aussi parce qu’avant lui, nous avons eu d’autres Maitres et retenu d’eux certains enseignements plutĂŽt que d’autres.

 

Je ne pourrai pas parler d’une technique exposĂ©e et dĂ©montrĂ©e par un de ces Maitres. J’en suis incapable.

 

« Les Maitres sont les Maitres. Au mieux, je suis un centimĂštre » est une rĂ©flexion que j’ai Ă©crite lors de ce Masters Tour de juillet 2024 alors que nous nous trouvions au Japon.

 

Cette diffĂ©rence lexicale est l’équivalent d’une dĂ©cimale pour dĂ©crire Ă  quel point, mĂȘme si je parle d’ĂȘtres humains comme moi, il y a quand mĂȘme une brĂšche saisissante entre eux et moi. Et que mes propos sont condamnĂ©s Ă  rester rudimentaires pour les Ă©voquer.

 

Pourquoi le faire, alors ?

 

Pour tĂ©moigner et pour contribuer Ă  rajouter un peu de mĂ©moire. Parce-que les ĂȘtres humains ont besoin d’histoires et de mĂ©moire mĂȘme s’il leur arrive aussi de les craindre et de les rejeter.

 

Je vais parler ici des Maitres qui m’ont le plus
 Â« parlĂ© Â».

Avec Hatsuo Royama Sensei, Kyoto, Masters Tour, juillet 2024. Celui-ci vient de m’administrer une bonne claque sur le ventre par surprise.

Hatsuo Royama Sensei, 76 ans, Karate Kyokushinkan, est le premier Maitre que nous ayons rencontrĂ©. MalgrĂ© sa bonne humeur et son enthousiasme, notre premiĂšre rencontre avec lui et ses disciples m’avait laissĂ© insatisfait. Nous Ă©tions une bonne centaine (ou davantage) sur le tatami. Au lieu de nous dire comme il l’a fait Ă  la fin « Vous ĂȘtes nombreux Ă  avoir une mauvaise garde Â», j’aurais prĂ©fĂ©rĂ© que lui ou un de ses disciples passe et nous le dĂ©montre en nous « corrigeant Â».

 

J’ai Ă©tĂ© bien plus favorablement marquĂ© quelques jours plus tard par le kata qu’il nous a dĂ©livrĂ© au butokuden lors de la cĂ©lĂ©bration des dix ans de l’école Kishinkai AĂŻkido.

Hatsuo Royama Sensei, seul, face Ă  notre assistance, a plongĂ© dans un kata respiratoire oĂč chacun de ses mouvements Ă©tait soutenu par le marteau de son diaphragme. C’était la premiĂšre fois que j’assistais Ă  une telle expressivitĂ© martiale. Et sa dĂ©monstration attestait aussi de sa santĂ© vigoureuse.

Une santĂ© avec laquelle j’allais faire un peu plus connaissance ensuite ou, aprĂšs qu’il ait acceptĂ© de prendre la pose avec moi pour la photo, il allait me surprendre en m’administrant une magistrale tape sur l’abdomen soit un peu l’équivalent d’une leçon particuliĂšre qui allait m’influencer, jusqu’à me mettre sur la dĂ©fensive, lorsque j’allais me trouver lors d’une autre sĂ©ance face Ă  Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, pour une dĂ©monstration.

 

Avec Takeshi Kawabe Sensei, Kyoto, prÚs du Butokuden, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Takeshi Kawabe Sensei, 80 ans, Daitoryu Aikijujutsu.

Commençons par dire que Takeshi Kawabe Sensei ne fait pas son Ăąge. Si Hatsuo Royama Sensei mesure prĂšs d’1m80, Takeshi Kawabe Sensei doit Ă  peine dĂ©passer 1m60. Avec son air de petit gars tranquille joueur de pĂ©tanque, il peut au mieux faire penser Ă  l’inspecteur Columbo ou Ă  un personnage d’un film de Johnnie To  dont les mĂ©ninges sont bien plus affĂ»tĂ©s que les gestes.

Takeshi Kawabe Sensei est sans doute un homme trĂšs intelligent et aussi farceur (lors du repas collectif que nous avons fait, je crois qu’il s’est bien amusĂ© de moi en me disant – en Japonais- que j’avais un trĂšs bon Japonais).

Mais c’est Ă©videmment un redoutable pratiquant.

Ses saisies et ses clĂ©s sont promptes et donnent l’impression d’ĂȘtre la destinĂ©e de celui qui l’attaque. Il me reste des souvenirs de ce moment oĂč Issei Tamaki a jouĂ© le rĂŽle de Uke :

Issei y a mis tout son entrain pour, Ă  chaque fois, le mĂȘme rĂ©sultat. Se faire retourner.

Takeshi Kawabe Sensei a rĂ©agi comme s’il l’attendait. Comme si tous les modes d’attaques humainement possibles Ă©taient connus de son registre. On aurait dit l’agent Smith face Ă  NĂ©o Ă  la fin du premier Matrix des ex frĂšres Wachowski.

Le rĂ©sultat Ă©tait tellement Ă©vident que la conclusion aurait Ă©tĂ© vraisemblablement la mĂȘme avec un autre Uke. En outre, Takeshi Kawabe Sensei prenait tout cela de maniĂšre ludique. Si on peut voir Hatsuo Royama Sensei comme une force de la nature, Takeshi Kawabe Sensei Ă©voque plutĂŽt celui qui a su transcender sa nature.

Hino Akira Sensei, 76 ans, Hino Budo, est Ă©galement un petit gabarit. Sans forcer, il vous fait tomber. Vous vous croyiez enracinĂ©s et bien ancrĂ©s dans le sol ? Vous vous mentez Ă  vous-mĂȘmes. Vous ne l’ĂȘtes pas. Ou jamais suffisamment face Ă  lui.

Plus il vous montre le mouvement, plus il vous convainc que c’est facile et plus vous avez du mal Ă  le reproduire. Par moments, j’ai du mal Ă  savoir si sa science tient de l’hypnose, du conditionnement ou de ces quelques degrĂ©s ou centimĂštres (millimĂštres ?) que l’on nĂ©glige d’ordinaire et qui font toute la diffĂ©rence entre le dĂ©sĂ©quilibre et la chute.

Sa pratique peut ĂȘtre trĂšs difficile pour celle ou celui qui s’est toujours reposĂ© sur l’explosivitĂ© musculaire, l’excitation et l’agitation. Avec lui, on transpire de la tĂȘte Ă  essayer de comprendre un concept qui n’existe pas. Il faut ressentir et c’est difficile.

En revoyant a posteriori quelques images que j’avais pu filmer lors de l’intervention de Hino Akira Sensei, j’ai pu m’apercevoir que d’autres participants du Masters Tour connaissaient aussi quelques difficultĂ©s pour mettre en pratique ce qu’il nous avait montrĂ©. Cela m’a un peu dĂ©culpabilisĂ©.

Minoru Akuzawa Sensei, à la gare de Kyoto, avant le départ pour Kinosaki. Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, est Ă  Ă  l’image de Takeshi Kawabe Sensei et de Hino Akira Sensei. Avec son 1m65, il a la silhouette passe partout de celui que l’on oublie. Pourtant, en tant que Maitre d’Arts Martiaux, l’Aunkai qu’il a crĂ©Ă© et qu’il enseigne peut ĂȘtre vu comme un croisement entre les enseignements de Hatsuo Royama Sensei et ceux de Hino Akira Sensei.

Minoru Akuzawa Sensei est capable des explosions et des percussions du premier et de la dĂ©licatesse du second tout en n’étant ni l’un ni l’autre.

Mon premier camarade de chambre lors de ce Masters Tour avait « goĂ»tĂ© Â» Ă  trois low kick de Minoru Akuzawa Sensei. Il les ressentait encore plusieurs jours plus tard.

Ma premiĂšre « confrontation Â» physique avec Minoru Akuzawa Sensei avait eu lieu un peu plus tĂŽt dans le car qui nous avait transportĂ© de Kyoto Ă  Kinosaki.

Cette « confrontation Â» fut principalement une bousculade. J’avais sans doute pris un peu trop de temps pour avancer dans le car et Minoru Akuzawa Sensei m’était rentrĂ© dedans en montant derriĂšre moi. Impatience ? Distraction ? Je n’ai pas su.

Par contre, moi qui suis plus grand que lui dix bons centimĂštres et sans doute plus lourd que lui de dix kilos, j’avais Ă©tĂ© surpris de me sentir si facilement dĂ©placĂ© physiquement par un si « petit Â» homme.

Si tous les autres Maitres que nous avons rencontrĂ©s avaient des disciples ou des assistants japonais, Minoru Akuzawa Sensei s’est un peu distinguĂ© en laissant un de ses Ă©lĂšves occidentaux (un homme robuste d’un bon mĂštre quatre vingt dix  vraisemblablement d’origine amĂ©ricaine )  diriger l’échauffement.

A la fin de la sĂ©ance qu’il a dirigĂ© dans un gymnase, Minoru Akuzawa Sensei nous a dit qu’il apprenait Ă  connaitre les gens au travers du contact physique qu’il avait en pratiquant avec eux. Et qu’il avait senti chez ceux d’entre nous qu’il avait eus comme partenaires une « vĂ©ritable ouverture pour les Arts Martiaux ».

 

 

Avec Minoru Akuzawa Sensei, Masters Tour, Japon, Juillet 2024.

Il a ensuite acceptĂ© d’ĂȘtre pris en photo avec celles et ceux qui le souhaitaient. En voyant plus tard les photos oĂč nous sommes assis cĂŽte Ă  cĂŽte, lui et moi, j’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ© de dĂ©couvrir que Minoru Akuzawa Sensei avait posĂ© son bras autour de mon Ă©paule. Je n’avais absolument rien senti au moment de la photo. Au contraire de ce que j’avais ressenti au moment de la photo avec Royama Hatsuo Sensei avant que celui-ci ne me fasse la farce qui consiste Ă  me « claquer » l’abdomen.

Takahiro Yamamato Sensei, au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Takahiro Yamamoto Sensei, Taisha ryu.

En dĂ©pit de ses airs de Johnny Depp, Takahiro Yamamoto Sensei n’est pas acteur de cinĂ©ma. C’est un homme rĂ©solument dĂ©vouĂ© Ă  sa pratique martiale. Et, si j’ai eu beaucoup de mal Ă  me faire Ă  ses enseignements, trĂšs proches par moments de ceux de Hino Akira Sensei,  pour moi Ă  la limite de l’ésotĂ©risme, j’ai Ă©tĂ© touchĂ© par son engagement, sa simplicitĂ©, sa prĂ©venance envers ses assistants et son message de paix rĂ©sumĂ© par sa phrase :

« There is no ennemy Â».

 

Takahiro Yamamoto Sensei avec ses assistants lors de la séance dirigée par Hino Akira Sensei, au Butokuden, Kyoto. Masters Tour, Juillet 2024. Tout au fond, assise, on peut apercevoir Shizuka Tamaki. Photo©Franck.Unimon

Son humilitĂ© mais aussi sa candeur et son enthousiasme se sont encore plus Ă©panouis lorsqu’aprĂšs son intervention, il est devenu un Ă©lĂšve parmi nous, lors du cours dirigĂ© par Hino Akira Sensei. J’ai trouvĂ© son attitude remarquable.

 

Yoshinori Kono Sensei, 75 ans, Shoseikan.

Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Je sais que l’intervention de Yoshinori Kono Sensei  au Butokuden a beaucoup dĂ©concertĂ©. On pourrait la comparer Ă  du Free Jazz, Ă  la musique de Weather Report, Ă  de l’association d’idĂ©es ou Ă  de l’improvisation ininterrompue.

Il est libre, Yoshinori Kono Sensei, il y en a mĂȘme qui disent qu’ils l’ont vu voler
.

Il fallait voir la plupart des participants qui suivaient Yoshinori Kono Sensei dans ses dĂ©ambulations tant mentales que physiques au sein du Butokuden. Tels des Sancho Panza suivant leur Don Quichotte. Par moments, je me suis demandĂ© si Yoshinori Kono Sensei s’en amusait.

Avant notre dĂ©part pour le Japon, LĂ©o Tamaki nous avait prĂ©sentĂ© les Maitres que nous allions rencontrer. Concernant Yoshinori Kono Sensei, il nous avait Ă©crit qu’il Ă©tait un peu le « chercheur fou Â» des Arts Martiaux.

Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Le jour de son intervention, j’étais trop Ă©puisĂ© physiquement pour participer. Mais en temps ordinaire, je sais que  je ne m’en serais pas mieux sorti que les autres participantes et participants du Masters Tour.

Lors du dĂźner que nous avons ensuite pris tous ensemble dans un restaurant Ă  quelques minutes du Butokuden, il s’est trouvĂ© que la table oĂč j’ai Ă©tĂ© placĂ© Ă©tait voisine de celle de Yoshinori Kono Sensei. Celui-ci Ă©tait derriĂšre moi.

Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

TrĂšs vite, j’ai Ă©tĂ© fascinĂ© et happĂ© par cet homme. VĂȘtu d’une tenue traditionnelle, Ă  moitiĂ© assis sur sa chaise, une sorte de cartable en cuir souple posĂ© derriĂšre lui entre la chaise et son dos, Yoshinori Kono Sensei Ă©tait en permanence occupĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir et Ă   polir « ses Â»  Arts Martiaux.

A telle maniĂšre de tenir un couteau. A telle façon de placer ses doigts. Et, il le partageait avec celui qui se trouvait Ă  cĂŽtĂ© de lui. Et Ă  toute personne volontaire et disponible dans les alentours immĂ©diats. Il a ainsi entrepris Julien Coup, assis Ă  sa droite. Puis, d’autres participants du Masters Tour.

Je le regardais, captivé.

 

Yoshinori Kono Sensei nous a fait l’extrĂȘme politesse d’ĂȘtre avec nous corporellement pour ce dĂźner. Il s’est pliĂ© Ă  cette fonction sociale par amabilitĂ©. Mais il avait d’autres prioritĂ©s. Le dĂźner, le spectacle, ĂȘtre filmĂ© ou pris en photo, tout cela Ă©tait pour lui secondaire depuis fort longtemps. Sans doute depuis des annĂ©es.

Avec Yoshinori Kono Sensei, prÚs du Butokuden, Kyoto. Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La seule vĂ©ritĂ© comptable pour lui, c’était celle des Arts Martiaux. Yoshinori Kono Sensei est celui qui m’a le plus donnĂ© envie d’apprendre le Japonais. Je me suis dit que j’aurais aimĂ© connaĂźtre suffisamment le Japonais pour l’écouter, pour l’interroger.

 

Et lorsque le dĂźner et tout le cĂ©rĂ©monial social furent terminĂ©s, Yoshinori Kono Sensei est spontanĂ©ment retournĂ© au lieu et Ă  la pratique auxquels il appartient :

 

Les Arts Martiaux.

Yoshinori Kono Sensei, aprÚs le dßner au restaurant, prÚs du Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je trouve cette photo de lui, aprĂšs notre dĂźner, extraordinaire. Pendant cette heure et demi environ oĂč Yoshinori Kono Sensei Ă©tait « avec nous », il n’a attendu que ça, ce moment oĂč il pourrait retourner pratiquer. Seul. Tout le monde aurait tout aussi bien pu rouler sous la table, oĂč la soirĂ©e se transformer en orgie gigantesque, je crois qu’il aurait adoptĂ© exactement la mĂȘme attitude.

 

Autant de Maitres, autant d’attitudes et je « parle Â» uniquement de cinq ou six d’entre eux que j’ai Ă  peine aperçus.

 

Franck Unimon, ce jeudi 5 septembre 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Japon Juillet 2024 : Le Retour

 

A Shinjuku, Tokyo, fin juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Japon Juillet 2024 : Le Retour

« BientĂŽt, ce qui s’est passĂ© trois semaines durant au Japon se diluera :

Les effets de l’ensorcĂšlement de ces petits abrutissements quotidiens rĂ©pĂ©tĂ©s.

 Ma compagne et ma fille dorment encore. C’est un moment fait pour commencer Ă  Ă©crire.

 J’ai passĂ© rĂ©cemment trois semaines au Japon. Mon prĂ©cĂ©dent voyage au Japon en 1999 avait Ă©tĂ© principalement touristique. Celui-ci, le second, 25 ans plus tard, a Ă©tĂ© opĂ©rĂ© lors du Masters Tour 2024 Â».

Ces lignes datent de ce 30 juillet 2024. Depuis, ma compagne et notre fille sont parties pour trois semaines Ă  la RĂ©union.

Certains des participants de ce Masters Tour de Juillet 2024 Ă©taient Ă©galement originaires de la RĂ©union. D’autres venaient de Suisse,  de Belgique, du Vietnam, et de diverses rĂ©gions de France ( Bretagne, Limousin, L’Est de la France, Champagne-Ardenne, Sud-Ouest, Ăźle de France….).

 

Bien-sĂ»r, depuis mon retour du Japon le 29 juillet, j’ai repris le «travail ».

Le temps de faire un certain tri dans les photos et les vidĂ©os que j’ai « faites » et de me mixer les neurones afin de dĂ©cider quelle photo choisir pour dĂ©buter et comment m’y prendre au mieux pour constituer ce premier article, onze jours supplĂ©mentaires sont passĂ©s. Nous sommes dĂ©sormais le samedi 10 aout 2024 et mon article n’est pas terminĂ©. Il faut relire, rectifier, rajouter des photos et des vidĂ©os. Se demander si tel passage est justifiĂ©. Si on a envie de le lire. Et, finalement, douter que cet article ait une raison d’exister, entre mĂ©galomanie et folie.

J’avais 31 ans et Ă©tais cĂ©libataire sans enfant lors de mon premier voyage au Japon en 1999. L’annĂ©e de la sortie du premier film Matrix que j’avais vu trois ou quatre fois dont une fois lors de ce voyage au Japon.

Je dois ce premier voyage Ă  une amie qui rĂ©sidait alors Ă  Tsukuba, dans la banlieue de Tokyo, Ă  une heure en train du centre de Tokyo. GrĂące Ă  elle et Ă  son frĂšre qui m’avait donnĂ© des conseils et m’avait appris ces quelques mots japonais qui m’ont Ă  nouveau servi en 2024, j’avais vĂ©cu ce voyage extraordinaire.

Et cette semaine oĂč je m’étais rendu seul Ă  Kyoto – en prenant le shinkansen- ainsi qu’à Hiroshima et sur l’üle de Miyajima.

A Hiroshima, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Le numĂ©rique et internet, les rĂ©seaux sociaux, n’en n’étaient pas au stade oĂč ils en sont aujourd’hui pour le pire et le meilleur. Et, je n’avais pas de blog. En plus de divers souvenirs, j’ai conservĂ© les photos papier et peut-ĂȘtre leurs nĂ©gatifs de ce sĂ©jour.

 

Je confirme que pour moi, comme pour d’autres, il y eut un « avant » et un « aprĂšs » ce premier voyage au Japon. A mon retour du Japon, je dirais que j’avais gagnĂ© en luciditĂ© sur moi-mĂȘme. Et sur ce que je pouvais accepter ou refuser.  

Photo©Franck.Unimon il s’agit du Maccha-Ohagi. En Anglais, cela donne ( Powdered Green Tea & Rice Ball Coated With Sweetened Red Beans). Prix : 800 Yens. Un peu moins de cinq euros. Pourquoi se priver ? J’espĂšre, un jour, pouvoir goĂ»ter le Maccha-Zenzai ( Sweet Red Bean Porridge & Green Tea) servi uniquement en hiver pour 1050 yens.

Cependant, mĂȘme si je pratiquais encore le judo lors de ce premier voyage au Japon, j’y Ă©tais allĂ© en touriste. Et en idĂ©aliste du Japon, de l’Asie en gĂ©nĂ©ral ou des Arts Martiaux. C’est peut-ĂȘtre en raison de cette attitude de touriste que j’ai pris autant d’annĂ©es pour retourner au Japon alors que j’avais prĂ©vu d’y revenir.

Entre-temps, le Japon Ă©tait devenu un peu plus touristique.

Au cinĂ©ma, le film L’étĂ© de Kikujiro (1999), puis Dolls ( 2002) et Zatoichi ( 2003) avaient renouvelĂ© voire fĂ©minisĂ© le public de Takeshi Kitano dont le film Sonatine ( 1993) avait Ă©tĂ© pour moi une marque cinĂ©matographique et personnelle lorsque je l’avais vu vers 1997 Ă  Paris lors d’un festival consacrĂ© Ă  un certain cinĂ©ma asiatique en direct de Hong Kong. J’y avais alors vu des films de « genre » de rĂ©alisateurs tels que Johnnie To, Kirk Wong et  John Woo…

Kitano, de par ses « polars » faits de violence, d’humour noir et de poĂ©sie avait Ă©tĂ© le Japonais « infiltrĂ© » du groupe de rĂ©alisateurs prĂ©sentĂ©s.

Vraisemblablement à Kyoto. Photo©Franck.Unimon

La France était devenue un pays de lecteurs de mangas. La Japan Expo ( à laquelle je ne suis jamais allé) avait été crééé ( en 1999-2000) et avait rapidement connu beaucoup de succÚs.

Le succĂšs connu par le Japon s’étend peu Ă  peu, depuis Ă  peu prĂšs une dizaine d’annĂ©es, Ă  la CorĂ©e du Sud.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

En 1999, le Japon Ă©tait peut-ĂȘtre encore la Seconde ou la TroisiĂšme Puissance Mondiale. Peu avant notre sĂ©jour , en juillet 2024, le Japon est devenu la QuatriĂšme Puissance Mondiale Ă©conomique, dĂ©passĂ© par l’Allemagne et devancĂ© par les Etats-Unis et la Chine. Le Yen avait perdu de la valeur et cela nous Ă©tait favorable. 1 euro valait environ 171 yens en juillet 2024 durant ce Masters Tour.

 

Photo©Franck.Unimon Japon, Juillet 2024.

Le voyageur que je suis

Je voyage souvent sans schéma. La plus grande partie de mon organisation consiste généralement à me décider pour une destination et à composer comme je peux le budget qui lui correspond.

D’emblĂ©e, dans un pays ou une rĂ©gion oĂč je voyage, je pense assez peu Ă  des endroits que je tiens particuliĂšrement Ă  « voir » ou Ă  « visiter ». Ou alors trĂšs grossiĂšrement. Ainsi, j’aimerais aller visiter l’AlgĂ©rie ou un pays d’Afrique noire. Mais l’AlgĂ©rie est un grand pays et l’Afrique noire est vaste.

C’est dĂ©jĂ  bien que je puisse me dire que, en AlgĂ©rie, j’aimerais bien voir « Alger la blanche Â», Tlemcen et d’autres villes. Car, ordinairement, j’en suis incapable.

A Harajuku, Tokyo, fin juillet 2024.

Il m’est arrivĂ© d’acheter des guides touristiques (sur le Japon ou ailleurs) ou d’en emprunter avant un voyage mais je ne les lis pas. Je le regrette car je me dis qu’ils sont trĂšs bien Ă©crits et qu’ils fournissent des informations culturelles trĂšs importantes et trĂšs divertissantes. Mais je ne parviens pas Ă  les ouvrir suffisamment.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je suis plus rĂ©ceptif Ă  des suggestions que l’on peut me faire. J’écoute aussi et je marche facilement et beaucoup.

Comme un fou. Sans nĂ©cessairement savoir oĂč je me rends.

En Yougoslavie, en 1989, alors que nous nous dĂ©placions Ă  pied et sans but, mon meilleur ami, qui me suivait, m’avait un moment dit :

« J’ai l’impression d’ĂȘtre avec un fou ! Â».

Pas de plan, pas de boussole. Je suis en fait un peu comme un enfant qui apprendrait Ă  marcher et qui dĂ©couvrirait son environnement. Et qui croit Ă  l’intemporalitĂ©.

Le Masters Tour crĂ©Ă© et proposĂ© par LĂ©o Tamaki, Ă  premiĂšre vue, c’était plutĂŽt l’opposĂ© de tout cela. Mais avant de prĂ©senter un peu LĂ©o Tamaki, je crois important de rappeler comment j’en suis arrivĂ© Ă  le « connaĂźtre Â».

A Hiroshima, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Une atmosphÚre de pandémie

J’ai eu tendance Ă  raconter que j’avais dĂ©couvert LĂ©o Tamaki la premiĂšre fois en regardant sa rencontre avec Greg MMA sur Youtube.

Mais Ă  la rĂ©flexion, tout est parti, je crois, de la pandĂ©mie du Covid et de son atmosphĂšre exceptionnellement anxiogĂšne il y a quatre ans. En plein confinement. Aujourd’hui, nous sommes en plein dans l’ambiance estivale et festive des Jeux Olympiques en France. Et la France a remportĂ© un certain nombre de mĂ©dailles. Officiellement, tout le monde est content. C’est une ambiance dĂ©tendue ou trĂšs dĂ©tendue qui contraste avec celle des Ă©lections lĂ©gislatives anticipĂ©es qui se sont terminĂ©es la veille de notre dĂ©part le 8 juillet pour ce Masters Tour au Japon ainsi qu’avec celle connue dĂšs le premier confinement lors de la pandĂ©mie du Covid en mars 2020. MĂȘme si elle camoufle bien des aspects prĂ©occupants de l’actualitĂ©, je prĂ©fĂšre Ă©videmment l’ambiance de ces olympiades sportives Ă  nos olympiades sanitaires durant la pandĂ©mie du Covid.

Durant la pandémie du Covid, à la télé, et sur les réseaux sociaux, au moins, nous nous faisions quotidiennement matraquer par les informations et les chiffres relatifs au Covid.

Tant de personnes hospitalisées aprÚs avoir attrapé le Covid, tant de personnes décédées.

C’étaient en permanence des auberges de Babel qui s’accordaient suffisamment afin de nous hĂ©berger dans une atmosphĂšre de fin du Monde au travers de cet acharnement mĂ©diatique. Nous vivions sans la perspective annoncĂ©e de pouvoir reprendre un jour pied dans un horizon sanitaire et mental normal.

Photo prise lors du Survival Expo en juin 2023, au parc floral de Vincennes. Photo©Franck.Unimon

Alors infirmier dans un service de pĂ©dopsychiatrie, j’avais fait partie des professionnels et des personnes qui avaient continuĂ© de circuler, d’avoir donc le droit de prendre l’air lors de certains horaires et dans un certain pĂ©rimĂštre. Et d’exercer.

Si le Covid m’avait physiquement Ă©pargnĂ©, j’étais nĂ©anmoins plus ou moins atteint psychologiquement et moralement, comme beaucoup, par cette angoisse collective, morbide. Et persistante.

Je n’ai pas de tĂ©lĂ©. Mais j’aime lire. Et prĂšs de mon service d’alors, dans le 13Ăšme arrondissement, mĂ©tro Gobelins, il y avait une centrale de presse demeurĂ©e ouverte.

Une oasis.

 Je m’étais dit que lire et pouvoir choisir de lire Ă©tait plus bĂ©nĂ©fique que subir en continu les mĂȘmes images.

Dans cette centrale de presse, j’avais commencĂ© Ă  regarder (et Ă  acheter) des magazines consacrĂ©s aux Arts Martiaux. Sans doute AĂŻkido et Self & Dragon pour commencer.

Cette anecdote a son importance pour rappeler que les Arts Martiaux proposent des issues  mentales, psychologiques,  Ă©motionnelles, intellectuelles et culturelles. Et qu’ils peuvent ĂȘtre des alliĂ©s dans une pĂ©riode de trouble Ă  condition qu’ils permettent ou entretiennent une certaine capacitĂ© d’introspection, d’empathie et de rĂ©flexion. Ainsi qu’un certain optimisme.

En Psychiatrie adulte, je me rappelle encore d’un patient rencontrĂ© dans le service oĂč je travaillais alors, dans les annĂ©es 90. Ce patient, ancien champion de France de Taekwondo, avait une certaine capacitĂ© Ă  reprendre le contrĂŽle de lui-mĂȘme lorsqu’il sentait qu’il commençait Ă  s’agiter psychiquement. Et, il n’avait jamais fait partie de ces patients violents, irrespectueux, dangereux ou menaçants- malgrĂ© le dĂ©clin de son destin Ă  son jeune Ăąge ( moins de 30 ans)- que, de temps Ă  autre, certains Ă©vĂ©nements douloureux et tragiques poussent certains Ă  associer Ă  la psychiatrie.

Je sais aussi que, durant la pandĂ©mie du Covid, un Maitre de Kung Fu que j’avais rencontrĂ© Ă  Paris une ou deux fois auparavant a gardĂ© rĂ©guliĂšrement le contact avec ses Ă©lĂšves via Facebook.

Et, je sais aussi que durant la pandĂ©mie du Covid, dĂšs que cela avait Ă©tĂ© possible, un entraĂźneur de boxe française, dans ma ville de banlieue, Ă  Argenteuil, a proposĂ© rĂ©guliĂšrement des sĂ©ances d’entraĂźnement en plein air sur un terrain de basket disponible voire sur un parking.  Aux enfants comme aux adultes.

Ce sont des initiatives qui dĂ©montrent Ă  la fois l’engagement de ces personnes mais aussi que la combattivitĂ© consiste aussi Ă  savoir se maitriser comme Ă  continuer de proposer autre chose que du pessimisme.

Je crois que beaucoup de personnes mĂ©connaissent le fait que les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat peuvent ĂȘtre des mĂ©dia d’optimisme voire d’une certaine libertĂ© individuelle.

Du cĂŽtĂ© d’Asakusa, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

 Au point que, de plus en plus, maintenant, je me sens embarrassĂ© Ă  dire que je suis parti au Japon « avec Â» un expert en AĂŻkido ou que je pratique un peu le karatĂ©.

Parce-que je perçois plus rapidement le malentendu. 

Parce-que, pour beaucoup de personnes, les Arts Martiaux se rĂ©sument Ă  du spectacle et Ă  du combat. Cela revient Ă  faire le grand Ă©cart et/ou le moonwalk comme MichaĂ«l Jackson  ou Ă  possĂ©der des pouvoirs ou des « trucs Â» magiques et acrobatiques devant un public Ă©baubi. Ou Ă  faire de l’EPS comme au collĂšge lorsque certaines et certains dĂ©ployaient tout leur gĂ©nie afin d’en ĂȘtre dispensĂ©s.

Enfin, certaines personnes, pour des raisons, des croyances et des interdits qui leur sont propres, rĂ©pugnent Ă  passer par leur corps pour apprendre Ă  s’extraire de leur condition. Cela demanderait trop d’efforts. Cela ferait mal ou l’on pourrait se faire mal. Et puis, cela stimule les glandes sudoripares et ça fait transpirer.

Pour ces personnes, les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat doivent rester Ă  distance Ă  l’état de vitrine ou d’éclats ultimes sur un Ă©cran. Comme si les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat, ou n’importe quelle activitĂ© physique et sportive, pour ces personnes, Ă©taient le danger ou un dĂ©chet radioactif mortel implacable et irrĂ©versible qui pouvait les dĂ©figurer ou les anĂ©antir.

A l’inverse, d’autres se saisissent des Arts Martiaux et sports de combat comme d’un Ă©lixir censĂ© leur procurer tout ce qui a pu leur manquer Ă  un moment de leur vie. C’est leur Durandal ou leur Excalibur.

Japon, Juillet 2024. Vers l’aĂ©roport Narita pour notre retour en France. Photo©Franck.Unimon

La Pandémie du Covid a été un terrible révélateur.

Elle a d’abord eu pour effet de beaucoup nous contraindre physiquement, affectivement et mentalement (mais aussi Ă©conomiquement) que l’on soit porteur ou non du virus. Mais aussi de nous rĂ©vĂ©ler Ă  quel point il Ă©tait facile de nous Ă©carteler (diviser) et de nous affoler.

A Harajuku, fin juillet 2024, Oeuvres de l’artiste Hyakkimaru  » maitre incontestable du Kiri-Ă© au Japon, l’art du papier dĂ©coupé » ( blog Sakura Bento). Photo©Franck.Unimon

Et, ces magazines consacrĂ©s aux Arts Martiaux que j’ai trouvĂ©s ont fait partie de ma petite panoplie de self dĂ©fense mentale afin d’essayer de continuer Ă  vivre au mieux. 

Je crois que c’est de cette façon et dans ce contexte que j’ai entendu parler pour la premiĂšre fois de LĂ©o Tamaki. Et, je crois que ce contexte et ces raisons m’ont guidĂ© vers lui et d’autres avant lui mais aussi aprĂšs lui.

LĂ©o l’a peut-ĂȘtre oubliĂ© aujourd’hui mais un ou deux ans aprĂšs le dĂ©but de la pandĂ©mie du Covid, un jour, je lui avais exprimĂ© mes doutes quant au fait que celle-ci allait s’arrĂȘter et qu’il serait possible de pratiquer Ă  nouveau. C’était peut-ĂȘtre avant mon passage au Dojo 5 en Ă©tĂ© 2021 ( Dojo 5).  

Trùs simplement, il m’avait alors fait part de sa certitude et de son optimisme. Je n’avais pas eu besoin de plus.

Masters Tour et LĂ©o Tamaki

A notre arrivée à la gare de Kyoto, juillet 2024. La silhouette représente bien sûr Léo Tamaki. Photo©Franck.Unimon

Le Masters Tour est un événement martial, touristique, culturel et personnel proposé depuis plusieurs années par Léo Tamaki, son frÚre Issei et celles et ceux qui les entourent et qui partagent avec eux un certain nombre de moments et de valeurs depuis des années (prÚs de vingt années ou davantage). Parmi eux, on peut citer Tanguy Le Vourch et Julien Coup.

Il faut aussi citer Shizuka, la femme de Léo, trÚs impliquée.

Et d’autres.

LĂ©o Tamaki -qui est Ă  l’initiative du projet et qui est en le chef d’orchestre- est un expert en AĂŻkido. Son CV martial est Ă©loquent. Sa pratique martiale l’est tout autant. Quelques quarante annĂ©es d’expĂ©riences ou davantage.

Bien avant l’AĂŻkido qu’il pratique et enseigne depuis plusieurs annĂ©es maintenant, comme beaucoup de Maitres, LĂ©o Tamaki s’était auparavant « configurĂ© Â» dans d’autres disciplines martiales ou de combat. Je ne les ai pas toutes retenues. Mais je crois qu’il y a eu du judo, de la boxe thaĂŻ, du karaté 

LĂ©o a du charisme et une autoritĂ© que peu de personnes, parmi celles et ceux qui ont pu l’approcher et le voir enseigner ou pratiquer, pourront contester.

On pourra juger que je fais ici dans la flatterie en vue de pouvoir gratter une rĂ©duction sur les tarifs du prochain Masters Tour ou en vue d’obtenir un abonnement gratuit Ă  vie Ă  la revue Yashima.

Pourtant, chaque fois que l’on parle d’un Maitre, d’un expert, d’un prof, d’un collĂšgue, d’une histoire d’Amour ou d’une personne qui nous a laissĂ© une impulsion salvatrice ou libĂ©ratrice, celle-ci a toujours eue, de notre point de vue, un charisme, une connaissance et un savoir-faire qui Ă©taient absents chez d’autres.  

Et cela y compris sous d’autres latitudes que celles de la pratique martiale.

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je peux donc trĂšs facilement citer d’autres personnes qui, pour moi, ont ou ont eu un certain charisme bien qu’inconnus au plus grand nombre :

Stephan, Le prof de plongĂ©e qui, en Guadeloupe, m’avait fait passer mon baptĂȘme puis mes deux premiers niveaux de plongĂ©e ; Yves, le responsable de la section apnĂ©e du club dont je fais partie;  Jean-Pierre Vignau, mon « prof de karatĂ© prĂ©fĂ©rĂ© » comme celui-ci aime le dire en plaisantant dans les messages tĂ©lĂ©phoniques qu’il a pu me laisser. Mais aussi certains collĂšgues dans mon travail Ă  mes dĂ©buts ( ou Ă  leurs dĂ©buts) et plus tard, en psychiatrie, et en pĂ©dopsychiatrie, dans les services oĂč j’ai travaillĂ©, lors de certaines situations. Des infirmiers psychiatriques, Bertrand, Bernard, Patrice, Daniel, Hugues, un interne en psychiatrie, MichaĂ«l, une infirmiĂšre, Katia, le premier pĂ©dopsychiatre avec lequel j’ai travaillĂ©, le Dr Bruno Rist


Du cĂŽtĂ© artistique et musical, je pourrais citer beaucoup d’artistes, de Miles Davis, Ă  Cheikha Rimitti, en passant par Jacob Desvarieux. Albert Griffiths, Burning Spear jusqu’à Lana Del Rey bientĂŽt au festival Rock en Seine


Au mieux, l’émulation voire la compĂ©tition qui dĂ©coulent de notre attirance pour le charisme d’une personnalitĂ© nous inspirent et amĂšnent des grandes Ɠuvres et des beaux projets. 

Au pire, on se contente de singer le modĂšle, de quiproquos, de rapports de domination ou d’une admiration trop grande qui inhibe ou rend stupide.  

A cĂŽtĂ© de ce charisme et de cette autoritĂ©, LĂ©o  a quelques particularitĂ©s.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Il est par exemple trĂšs Ă  l’aise avec les rĂ©seaux sociaux. Il tient un blog, poste rĂ©guliĂšrement des vidĂ©os ou des informations sur sa page Facebook. Il est plutĂŽt Ă  l’aise avec les interactions sociales ainsi qu’en interview : il ne passe pas son temps Ă  regarder ses pieds ou Ă  tchiper lorsqu’on lui adresse la parole.

En bon manager, il sait aussi trĂšs bien choisir ses associĂ©es, associĂ©s et partenaires directs. Et, rĂ©guliĂšrement, il crĂ©e et propose des Ă©vĂ©nements au grand public qui sont des projets stimulants sans aucun doute pour « ses Â» troupes mais aussi trĂšs exigeants en implication personnelle et en travail d’organisation
 et d’improvisation.

Pour ma part, je ne sais pas faire « tout » ça ou je ne le souhaite pas. 

Megumi, une de nos guides, avant de monter dans le Shinkansen, quelque part au Japon, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ce Masters Tour au Japon, comme les prĂ©cĂ©dents et comme ces stages d’AĂŻkido KishinTaĂŻkaĂŻ proposĂ©s par LĂ©o et par les enseignants de son Ă©cole, est ouvert aux pratiquants d’autres disciplines, qu’ils soient experts ou dĂ©butants.

Il est d’autres Ă©vĂ©nements proposĂ©s ailleurs, par d’autres experts ou Maitres d’Arts Martiaux, mais ce sĂ©jour au Japon a fait partie des bonus pour moi.

J’ai oubliĂ© le prĂ©nom de celui qui m’avait « promené » le lendemain de notre arrivĂ©e au Japon. Mais il Ă©tait Ă©tudiant en Japonais et se destinait Ă  l’enseignement. En temps ordinaire, je ne l’aurais pas sollicitĂ© pour dĂ©couvrir le coin. D’autant que si, sportivement, son travail peut ĂȘtre un trĂšs bon entraĂźnement en tant qu’athlĂšte, cela reste tout de mĂȘme trĂšs Ă©prouvant. Mais ce jour-lĂ , j’avais la nausĂ©e, j’Ă©tais fatiguĂ©, j’avais mal Ă  la tĂȘte et la tempĂ©rature dĂ©passait trente degrĂ©s comme durant le reste de notre sĂ©jour. Alors, j’ai rusĂ© afin de pouvoir visiter le « quartier » en essayant de rĂ©cupĂ©rer pendant nos prĂšs de deux heures de temps libre. Cela a Ă©tĂ© une bonne stratĂ©gie. Photo©Franck.Unimon

Motivations et conditions pour participer au Masters Tour : 

 Â« Surtout, ne regarde pas Ă  la dĂ©pense ! Â»

C’est ce que m’a recommandĂ© avant ce Masters Tour, cette mĂȘme amie qui, vingt cinq ans plus tĂŽt, m’avait encouragĂ© Ă  faire un prĂȘt avant mon premier voyage au Japon.

Lorsque j’ai revu cette amie Ă  Paris deux ou trois semaines avant mon dĂ©part, je me souviens avoir Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© par son regard au moment de nous dire au revoir prĂšs de la gare de l’Est.

J’étais dans la mesure pratique de mon quotidien. J’allais retourner au Japon et je me focalisais sur des dĂ©marches Ă  faire dans tel ou tel domaine comme, par exemple, bien m’assurer de l’inscription administrative de ma fille au collĂšge ou, simplement, recevoir l’officialisation de son passage en sixiĂšme. Le regard de mon amie, lui, dardait de joie pour moi. Elle, elle Ă©tait dĂ©jĂ  dans l’avion pour moi.

Je suis venu en amateur Ă  ce Masters Tour. En amateur du Japon. En amateur des Arts martiaux. En Amateur de la vie.

En curieux.

Shinjuku, Tokyo, fin juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Sans trop d’attentes dĂ©mesurĂ©es, je crois.

Si je peux donner beaucoup de ma personne dans divers domaines, j’ai du mal Ă  me percevoir comme un passionnĂ© des Arts Martiaux ou de quoique ce soit. MĂȘme si cela peut me flatter- et m’étonner- que l’on me puisse me dĂ©crire de cette maniĂšre.

Budget pour le Japon

Les premiĂšres fois que j’ai vu les tarifs du Masters Tour, le prix de ce voyage m’est apparu exorbitant voire mĂ©galo :

5000 euros pour trois semaines.

C’était Ă  peu prĂšs il y a deux ans. Avant de participer pour la premiĂšre fois aux 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay en 2023, un Ă©vĂ©nement Ă©galement proposĂ© par LĂ©o et les enseignants et pratiquants de l’école d’AĂŻkido Kishin TaĂŻkaĂŻ. ( voir Les 24 heures du SamouraĂŻ 2024 ). 

Puis, je me suis rappelĂ© que le Japon est une destination chĂšre. Je vois le sĂ©jour au Japon comme un sĂ©jour rĂ©servĂ© Ă  des privilĂ©giĂ©s ne serait-ce que d’un point de vue Ă©conomique.

En 1999, j’avais d’abord payĂ© environ 7800 francs mon billet d’avion puis 1200 francs un pass hebdomadaire pour prendre le shinkansen. J’avais alors cru avoir fait le principal en termes d’effort financier.

Puis, quelques jours avant mon dĂ©part, j’avais lu qu’il fallait un budget compris entre 500 et 1000 francs par jour pour passer des vacances au Japon. J’allais y passer trente jours contre 21 lors de ce Masters Tour.

Japon, juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

En 1999, peu avant mon dĂ©part pour le Japon, je ne disposais pas de ces 500 Ă  1000 francs par jour.  

Sur les conseils d’une amie, j’avais alors demandĂ© et obtenu un prĂȘt revolving de 20 000 francs que j’avais ensuite remboursĂ© en deux ans.

Un prĂȘt que je n’ai jamais regrettĂ© d’avoir demandĂ© et obtenu. J’avais alors Ă©tĂ© trĂšs Ă  l’aise financiĂšrement durant mon sĂ©jour  d’un mois au Japon.

Les 30 000 francs de l’époque Ă©quivalent sans aucun doute Ă  peu prĂšs aux 5000 euros nĂ©cessaires cette annĂ©e afin de pouvoir participer Ă  ce Masters Tour et ĂȘtre logĂ©s. Et, en plus, lors de ce Masters Tour, nous allions rencontrer des Maitres d’Arts martiaux, pratiquer, visiter diffĂ©rents endroits auxquels spontanĂ©ment, je n’aurais pas pensĂ©, avec quelqu’un qui connaissait le pays bien mieux que moi et qui en parlait la langue.

Bien-sûr, il fallait prévoir aussi les frais annexes :

repas, restaurants, dĂ©penses diverses et personnelles ( vĂȘtements, Ă©lectronique, mantras, baleines, autres…).

Mon voyage de 1999 avait été extraordinaire. Celui de ce Masters Tour le serait vraisemblablement aussi.

J’ai Ă  nouveau fait le nĂ©cessaire afin d’ĂȘtre dĂ©tachĂ© le plus possible des Ă©ventuelles contraintes financiĂšres de l’expĂ©rience. En partant pour ce Masters Tour, j’avais prĂ©vu un budget dĂ©penses situĂ© entre 4000 et 5000 euros.

J’avais aussi payĂ© deux cartes e-sim ( Holafly et Provider. Ma prĂ©fĂ©rence va Ă  Holafly) avec un forfait illimitĂ© durant trente jours. J’avais aussi pris chez mon opĂ©rateur, Orange, un forfait pour une heure d’appels depuis le Japon.

Et, je m’Ă©tais achetĂ© auparavant deux smartphones reconditionnĂ©s, donc Ă  prix rĂ©duit, qui acceptaient la carte e-sim. Un smartphone pour la messagerie WhatsApp, internet, les rĂ©seaux sociaux, les Ă©ventuels appels, les photos et les vidĂ©os.

Et un autre smartphone, plus performant, pour les photos et les vidĂ©os. 

LĂ©o nous avait recommandĂ© de nous encombrer le moins possible pour faciliter nos dĂ©placements et, donc, d’opter pour une valise d’une certaine contenance. Ni trop grande, ni petite. Je n’en n’avais pas. J’Ă©tais donc parti en acheter une et elle m’a donnĂ© satisfaction durant le sĂ©jour. C’est dĂ©sormais ma compagne et ma fille qui en profitent Ă  la RĂ©union.

On peut me trouver trĂšs Ă  l’aise financiĂšrement. Alors, je rappelle mon Ăąge :

56 ans, cette annĂ©e. Cela fait plus de trente ans que je travaille et mon prĂ©cĂ©dent  voyage au Japon datait de 1999.  J’ai donc particuliĂšrement tenu Ă  refuser que l’aspect financier vienne me gĂącher ce voyage peu ordinaire. 

Le prix des billets pour certaines Ă©preuves olympiques ( j’ai entendu parler de 7000 euros pour une place de spectateur en finale d’athlĂ©tisme du 100 mĂštres aux JO de cette annĂ©e en France) m’a d’autant plus confortĂ© dans l’idĂ©e que mon argent Ă©tait « mieux Â» employĂ© en partant pour le Japon. MĂȘme si, plus tard, j’ai profitĂ© d’une opportunitĂ© pour racheter deux places afin d’emmener ma fille assister Ă  des Ă©preuves de Judo aux Jeux Olympiques.

Et, aujourd’hui, en voyant ce que nous avons  » connu » durant ces trois semaines, je considĂšre que notre argent a Ă©tĂ© trĂšs bien utilisĂ©. A mon avis, nous avons plus fait en trois semaines que d’autres vacanciers en un mois ou davantage :

Jusqu’Ă  trois Ă  quatre visites de temples, parcs ou de musĂ©es  ( ou plus) certains jours. Les entraĂźnements. Les Maitres. Nous avons pris le Shinkansen quatre ou cinq fois ( ou plus). Nous avons changĂ© d’hĂŽtel cinq ou six fois ( ou plus). Dans des hĂŽtels plutĂŽt haut de gamme, trĂšs Ă©loignĂ©s des standards du formule 1, et proches des gares.

Tokyo, Kyoto, Inosaki, Kurashiki, Hiroshima, Himeji, sont les villes oĂč nous avons sĂ©journĂ©. Et, j’en oublie peut-ĂȘtre une ou deux. 

Nous avons rĂ©guliĂšrement reçu des suggestions de lieux Ă  visiter lĂ  oĂč nous nous trouvions. 

Nous avons aussi eu deux repas au restaurant tous ensemble.

A notre arrivée au Japon, le 9 juillet 2024. Nous faisions partie du second groupe. Le premier était arrivé la veille. Ma valise est au premier plan. Orange. Photo©Franck.Unimon

Les 140 du Masters Tour :

Je n’ai rien d’original.

Sans doute que beaucoup d’autres sont venus Ă  ce Masters Tour en ayant Ă  peu prĂšs les mĂȘmes prĂ©occupations tant financiĂšres que personnelles.

Cette annĂ©e, nous Ă©tions un peu plus de 140 Ă  venir probablement pour des raisons identiques au dĂ©part ( 142 exactement). Et aussi pour avoir « suivi » LĂ©o Tamaki sur les rĂ©seaux sociaux ou pour l’avoir rencontrĂ© lors d’un stage d’AĂŻkido KishinTaĂŻkaĂŻ ou aux 24 heures du SamouraĂŻ.

Puisque LĂ©o Tamaki passe environ 200 jours par an Ă  animer des stages d’AĂŻkido un peu partout dans le monde. Et qu’il publie rĂ©guliĂšrement au moins sur Facebook.

142, c’était plus que les autres fois oĂč, au plus haut, il y avait eu jusqu’à 90 participants. Ce qui Ă©tait dĂ©jĂ  beaucoup comparativement Ă  la trentaine de participants prĂ©sents lors d’éditions prĂ©cĂ©dentes. J’ai eu connaissance de ce chiffre de 142 participants vraisemblablement quelques jours avant notre dĂ©part.

Certains participants sont restĂ©s deux semaines au Masters Tour. D’autres, trois. Certains participants Ă©taient dĂ©jĂ  venus au Japon lors d’un Masters Tour. Un des Ă©lĂšves de LĂ©o revenait pour la quatriĂšme ou cinquiĂšme fois au Japon dans ces circonstances. Je lui envie cette expĂ©rience.

De par ma participation aux 24 heures du SamouraĂŻ de 2023 et de 2024 au dojo d’Herblay, je connaissais de vue plusieurs participantes et participants. Le fait aussi de prendre des photos et de filmer lors de ces deux Ă©ditions des 24 heures du SamouraĂŻ m’avait permis de mĂ©moriser certains visages. Autrement, j’ai dĂ©couvert sur place tous les autres lors du sĂ©jour.

Ainsi que « mes » co-locataires.

Puisque j’ai partagĂ© ma chambre d’hĂŽtel avec un inconnu. D’abord L…, pratiquant de karatĂ© shotokan. Puis, G, pratiquant d’AĂŻkido aprĂšs que sa femme et leurs deux enfants soient retournĂ©s en France aprĂšs la deuxiĂšme semaine. 

J’ai aussi appris sur place que cette annĂ©e correspondait Ă  la dixiĂšme annĂ©e de la crĂ©ation de l’Ă©cole d’AĂŻkido Kishin TaĂŻkaĂŻ crĂ©Ă©Ă© par LĂ©o, Issei, Tanguy et Julien. 

J’avais bien sĂ»r imaginĂ© que nous serions nettement moins nombreux que 142. Mais ce chiffre ne m’a pas rebutĂ©.

Ce « succÚs » vient sûrement de la médiatisation de Léo via ses stages, les événements tels que Les 24 heures du Samouraï et sa présence sur les réseaux sociaux.

J’insiste sur ce point de la mĂ©diatisation et des rĂ©seaux sociaux car bien des experts et Maitres d’Arts Martiaux toujours en activitĂ© passent inaperçus ou sont oubliĂ©s en raison d’une certaine invisibilitĂ© mĂ©diatique, voulue ou subie, faisant d’eux peut-ĂȘtre ce que l’on appelle des Kage Shihan. Si je ne me trompe pas, ce terme qui signifie « Maitre de l’ombre Â» m’a trĂšs vite intriguĂ© lorsque je l’ai dĂ©couvert et me rappelle aujourd’hui, aussi, ces thĂ©s d’ombre qui peuvent ĂȘtre produits au Japon Ă©galement.

 

Si la mĂ©diatisation peut apporter son cortĂšge d’embarras et nĂ©cessiter un investissement personnel particulier, elle peut aussi, si elle est bien maitrisĂ©e et bien tolĂ©rĂ©e, avoir un certain nombre d’avantages pratiques. Mais nous ne sommes pas tous Ă  l’aise de la mĂȘme façon avec la mĂ©diatisation ou avec le fait d’ĂȘtre en interaction constante ou rĂ©pĂ©tĂ©e avec nos semblables.

DĂ©sillusions

 

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Ce sont des dĂ©sillusions que j’ai dĂ©jĂ  pu connaĂźtre ailleurs et que je pourrais Ă  nouveau vivre comme chaque fois que je me fais une certaine idĂ©e prĂ©conçue de ce que je veux trouver ou des personnes que je veux rencontrer. Et que j’anticipe trop le dĂ©roulement d’un Ă©vĂ©nement car je suis plus dans l’attente d’un signe, d’un geste, d’un Ă©vĂ©nement ou d’une ouverture que je souhaite.

J’ai sĂ»rement trop idĂ©alisĂ© les interactions sociales et humaines que j’attendais lors de ce Masters Tour 2024.

Je les voulais selon mes souhaits. 

Je m’imaginais que des pratiquants d’Arts martiaux auraient les mĂȘmes perceptions que moi.  Qu’ils seraient « ouverts Â» et plutĂŽt zen.

J’ai dĂ©chantĂ©. Et c’est normal.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je me croyais sans doute parti en colonie de vacances oĂč je me ferais beaucoup -et facilement- des nouveaux amis. Mais du temps est passĂ© depuis l’enfance et l’adolescence. Et, la vie, voire le combat, c’est assez souvent le contraire de ce que l’on prĂ©voit :

Les gens rĂ©agissent diffĂ©remment de ce Ă  quoi l’on s’attend.

Je me ferai peut-ĂȘtre des amis Ă  la suite de ce Masters Tour 2024 -ou mĂȘme des ennemis Ă  la suite de la lecture de ce passage dans cet article- mais cela prendra un peu plus de temps que prĂ©vu.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je me rappelle que les premiĂšres fois que j’avais rencontrĂ© mon meilleur ami au collĂšge, il m’était insupportable. Et, il avait fallu plusieurs annĂ©es pour que nous devenions amis.

Toutefois, il importe rapidement d’apporter de la nuance et des prĂ©cautions Ă  mes propos :

J’ai  bien sĂ»r connu des moments rĂ©pĂ©tĂ©s de dĂ©tente et de visites, improvisĂ©s et dĂ©cidĂ©s avec d’autres participants du Masters Tour 2024.

 

J’ai mĂȘme pris la libertĂ© certaines fois de rester dans mon coin.

Mais, visiblement, en d’autres circonstances, mes prioritĂ©s sociales diffĂ©raient de celles d’autres participantes et participants.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Contrairement à la majorité des pratiquantes et des pratiquants du Masters Tour, En Aïkido, je ne connais pas grand-chose. En karaté shotokan, à peine beaucoup plus.

Mais, Ă  mon avis, le Masters Tour concerne autant le comportement sur le tatami et en tenue que seul, face Ă  soi-mĂȘme, et en dehors du tatami.

Et, dans certains compartiments de la vie sociale, lĂ , j’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ©.

Pendant ces trois semaines, j’ai pris soin, un certain nombre de fois, d’essayer d’aller vers les autres. De discuter avec eux. D’apprendre leurs prĂ©noms.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Vers autant de personnes que je le pouvais. Je n’y suis pas toujours parvenu. Mais je sais avoir essayĂ©. Et je crois avoir retenu plus de prĂ©noms que de participants n’ont retenu le mien. J’ai aussi bien vu que d’autres participants Ă©taient assez isolĂ©s par intermittences en dehors du tatami.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

ParallĂšlement Ă  cela, un certain nombre de participantes et de participants ne s’embarrassaient pas avec ce genre d’applications sociales superflues. Elles et Ils ont nĂ©anmoins peut-ĂȘtre essayĂ© au dĂ©but du Masters Tour d’aller vers les autres.

Ce sont peut-ĂȘtre aussi des rĂ©actions dues au fait de se retrouver soudainement dans un grand groupe avec des personnes (ou un voisin de chambre) que l’on n’a pas choisies. Et de se voir et de se revoir frĂ©quemment en grand nombre plusieurs jours durant. Alors que cela n’est pas dans nos habitudes.

Kyoto, Juillet 2024, lors du festival Matsuri Gion. Photo©Franck.Unimon

On reste entre soi. Avec des personnes que l’on connaĂźt dĂ©jĂ  (souvent depuis des annĂ©es) ou avec lesquelles on est (dĂ©jĂ ) venu Ă  des Masters Tour prĂ©cĂ©dents. On passe sans dire bonjour.  Celle ou celui que je ne connais pas ou qui n’est pas de ma discipline martiale ou de mon niveau n’existe pas. Ou trĂšs peu.

On se prĂ©cipite pour rester avec celles et ceux que l’on connaĂźt dĂ©jĂ  et avec lesquels on rigole devant les autres qui sont lĂ  mais qui n’existent pas. A l’hĂŽtel, on sort de l’ascenseur que l’on a pris avec un des participants du Masters Tour sans lui dire au revoir une fois arrivĂ© Ă  notre Ă©tage. Voire, on lui passe devant pour rentrer dans l’ascenseur alors qu’il attendait avant nous.

Il m’est arrivĂ© de penser que cela faisait partie des Ă©preuves informelles et implicites du Masters Tour. Qu’il s’agissait que le nouveau ou l’inconnu se fasse connaĂźtre et accepter ou endure l’épreuve de l’anonymat. AprĂšs tout, dans certaines traditions d’apprentissage, le petit nouveau ou la petite nouvelle n’a pas de visage, de nom ou mĂȘme de matiĂšre. Elle ou il est lĂ  pour apprendre, pour servir, pour se taire. Et, avec du travail et de la patience, petit Ă  petit, son statut Ă©voluera. Si elle ou il persĂ©vĂšre.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

On Ă©tait bien entre guerriĂšres et guerriers ?! Donc, pourquoi se prĂ©occuper des autres et de ces facilitĂ©s- des hypocrisies ! – sociales qui nous font croire que tout nous arrive toujours tout cuit dans la bouche, sans se battre et sans persĂ©vĂ©rer et que tout le monde nous aime toujours ?

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Cependant, ces attitudes d’évitement Ă©taient par moments tellement caricaturales – voire comiques- qu’elles relevaient davantage, de mon point de vue, d’une difficultĂ© Ă  entrer simplement en relation avec celle ou celui que l’on ne connait pas. Qui est peut-ĂȘtre un ennemi dĂ©guisĂ© sous les traits d’un participant ou d’une participante au Masters Tour…

Dire bonjour Ă  quelqu’un Ă©tait peut-ĂȘtre plus difficile Ă  prononcer pour certaines et certains que d’avaler du cyanure. Pareil pour le simple fait de dire au revoir. 

Il a pu arriver qu’à la fin d’une sĂ©ance d’entraĂźnements avec un Maitre, comme je prends beaucoup de photos, que certains se rappellent subitement de mon prĂ©nom et de mon existence afin de me demander si je les avais pris en photo. J’ai alors toujours donnĂ© la mĂȘme rĂ©ponse :

Non.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais je suis sĂ»rement beaucoup trop photosensible. Et j’exagĂšre sans doute. Je me la pĂšte aussi trĂšs certainement beaucoup.

 

Il y a eu nĂ©anmoins des Ă©claircies, je le rĂ©pĂšte. Des pĂ©riodes oĂč j’ai connu des moments agrĂ©ables avec d’autres. Il y a aussi eu ces moments ou ces rencontres et discussions imprĂ©vues devant la laverie automatique.

Et, je le prĂ©cise : j’ai vu d’autres participants ĂȘtre par moments isolĂ©s, sans doute par choix, mais aussi, Ă  mon avis, parce qu’ils avaient commis l’erreur ou la faute de venir seuls au Masters Tour ou de ne pas faire partie d’un groupe, duo ou trio.

Kyoto, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Une certaine logique aurait aussi voulu que je rejoigne et que je me « colle » Ă  d’autres adeptes du karatĂ© shotokan parce-que je pratique un peu le karatĂ© shotokan. Sauf que mon identitĂ© et ma valeur, c’est d’abord mon prĂ©nom, mon nom de famille ainsi que mon histoire personnelle. Et non le fait de porter une ceinture de telle ou telle couleur dans une discipline donnĂ©e qu’elle soit martiale ou autre :

Je suis une personne avant d’ĂȘtre un pratiquant que ce soit de karatĂ© ou d’une autre pratique. Et, mĂȘme si la pratique martiale- ou une autre pratique- rĂ©vĂšle toute ou partie de la personne que l’on est, on dira que je mets ma personne- donc sans doute mon ego- avant le pratiquant que je suis ou peux ĂȘtre.

Et, pour moi, ça commence souvent par « Bonjour Â» voire, plus difficile, de connaĂźtre mon prĂ©nom. ça donne peut-ĂȘtre une idĂ©e de la trĂšs haute opinion que j’ai de moi-mĂȘme et aussi de mon ego surdimensionnĂ©.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais, visiblement, d’autres participantes et participants ont eu le rĂ©flexe inverse.  Et, j’aurais eu plus « d’attraits Â» y compris d’un point de vue sociĂ©tal si j’avais eu tel niveau et tel parcours plus ou moins accompli et reconnu dans telle pratique martiale.  

Je crois que c’est une erreur de la part de ces pratiquantes et pratiquants d’avoir eu ce comportement quel que soit leur niveau avancĂ© dans leur pratique martiale qu’il s’agisse d’AĂŻkido ou de karatĂ©.

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je rĂ©pĂšte aussi que j’ai dĂ©jĂ  assistĂ© peu ou prou Ă  ce type de comportement dans d’autres domaines :

Lorsqu’il m’est arrivĂ© de faire du journalisme cinĂ©ma en tant que bĂ©nĂ©vole, j’ai pu croiser des journalistes cinĂ©ma professionnels, certes rĂ©putĂ©s et rĂ©munĂ©rĂ©s, mais que j’ai perçus comme des handicapĂ©s de la relation sociale.  Je me rappelle de mon enthousiasme Ă  m’adresser pour la premiĂšre fois, lors d’une projection de presse, Ă  un journaliste cinĂ©ma de TĂ©lĂ©rama dont j’avais lu des critiques. Le ton sur lequel celui-ci m’avait rĂ©pondu ne disait rien de ses jours de fĂȘte. J’avais rencontrĂ© des personnes beaucoup plus joyeuses Ă  un enterrement.

J’ai aussi pu trouver excessif et ridicule de voir certaines attachĂ©es de presse mettre sur un piĂ©destal certains journalistes employĂ©s par des mĂ©dia renommĂ©s tel TĂ©lĂ©rama. Qu’est-ce qui m’avait fondamentalement sĂ©parĂ© de ces journalistes cinĂ©ma mis sur un piĂ©destal ?

Le fait que j’écrivais pour un mĂ©dia moins diffusĂ© en tant que bĂ©nĂ©vole. Il aurait suffi oĂč il suffirait que demain, j’écrive ou travaille pour un mĂ©dia reconnu et important et, lĂ , on me donnerait du « Monsieur » mĂȘme si mes articles sont Ă©crits par une banane en dĂ©composition.

Dans « mon » club de karatĂ©, il a pu arriver qu’un pratiquant nĂ©cessairement bien plus ancien que moi et plus gradĂ© se contente de m’appeler « Ceinture jaune ! ». J’ai alors expliquĂ© calmement que mon prĂ©nom Ă©tait trĂšs diffĂ©rent. Et, intĂ©rieurement, il m’est arrivĂ© de m’amuser en considĂ©rant que ces anciens (qui peuvent ĂȘtre nettement plus jeunes que moi) ont connu principalement un seul club de karatĂ© ou deux, situĂ© Ă  quelques minutes de leur domicile alors qu’il me faut une heure de transport, et que je n’ai jamais vu aucun d’eux aux 24 heures du SamouraĂŻ.

Dans un service de psychiatrie adulte oĂč il m’arrivait de faire des remplacements, une infirmiĂšre du service dont je connaissais le prĂ©nom m’avait interpellĂ© un jour, comme je revenais, de la maniĂšre suivante :

« PĂ©dopsy ? Â». Elle avait eu une soudaine rĂ©miniscence. Je lui avais confirmĂ© puis rĂ©pondu :

« Mais, tu sais, mon prĂ©nom, ce n’est pas pĂ©dopsy
 Â».

Ces exemples pour montrer que ce qui s’est passĂ© avec certaines participantes et certains participants du Masters Tour est assez courant ailleurs. Ces personnes ne sont pas forcĂ©ment des mauvaises personnes y compris celles qui se sont estimĂ©es supĂ©rieures en raison de leur niveau de pratique martiale nettement plus avancĂ© que le mien. Parmi elles, des rencontres humaines et des interactions sociales viables, prospĂšres et profondes sont possibles. Mais cela passe par diffĂ©rentes Ă©tapes proches de l’orpaillage. Il faut prendre le temps de se trouver et de se connaĂźtre. Et, Ă  la fin de ce Masters Tour, j’ai aussi remarquĂ© que certains, plus distants ou indiffĂ©rents en apparence Ă  premiĂšre vue m’avaient identifiĂ© et commençaient Ă  s’autoriser Ă  me parler un peu.

Himeji, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

J’avais simplement idĂ©alisĂ©- et cru- de maniĂšre enfantine qu’au travers des Arts Martiaux, il Ă©tait plus simple de rencontrer d’autres ĂȘtres humains.

Si les Arts Martiaux peuvent ĂȘtre des mĂ©dia, ils peuvent aussi servir de masques ou d’armures. C’est peut-ĂȘtre d’ailleurs l’un des messages du dernier film de Bruce Lee, de son vivant, OpĂ©ration Dragon.

Lors du Masters Tour, Ă  notre arrivĂ©e Ă  la gare de Kurashiki, nous avons eu la surprise de devoir porter nos bagages dans les escaliers pour nous rendre jusqu’à l’hĂŽtel situĂ© Ă  Ă  peine dix minutes Ă  pied.  Je n’en veux pas Ă  LĂ©o et Ă  Issei malgrĂ© la cadence imprimĂ©e au groupe afin d’arriver Ă  une certaine heure Ă  l’hĂŽtel. Par contre, embarrassĂ© par mes bagages, je ne pouvais pas aller aussi vite que le reste du groupe. Quelques minutes plus tĂŽt, en descendant les marches d’escaliers, quelques participants avaient failli ĂȘtre les tĂ©moins d’une superbe cascade que j’avais failli rĂ©aliser malgrĂ© moi avec ma valise. Je dois Ă  des rĂ©flexes et au fait d’avoir portĂ© mes Doc Martens d’avoir pu rĂ©tablir la situation. Autrement, je me serais quelque peu fait mal en tombant avec ma valise de vingt kilos. Ce petit incident m’a stupidement incitĂ© Ă  la prudence par la suite.

Or, l’état d’esprit « Sauve qui peut ! Â» et « Chacun pour soi ! Â» l’a emportĂ© chez beaucoup. Et, arrivĂ©s Ă  la gare de Kurashiki, seul comptait le fait de suivre le rythme pour arriver Ă  l’hĂŽtel.

Un seul participant du groupe a eu la prĂ©sence d’esprit de se retourner et de voir que j’étais Ă  la traĂźne. Et de m’attendre. ChargĂ© comme je l’étais, je ne pouvais pas faire plus et plus rapidement que je ne le faisais.

Sans ce participant, j’aurais trouvĂ© l’hĂŽtel puisqu’il n’était pas loin de la gare et que nous avions reçu les informations le concernant sur la messagerie whatsApp.

Par ailleurs, au Japon, on se sent en sécurité et, à aucun moment, je ne me serais senti sur un champ de bataille ou en pleine guerre de gangs.

Mais j’ai Ă©tĂ© trĂšs Ă©tonnĂ© par cette absence d’attention du groupe pour quelqu’un d’autre. Et cette façon de foncer tĂȘte la premiĂšre vers la destination qui Ă©tait l’hĂŽtel dans cette ville que nous dĂ©couvrions tous, pour la plupart. Et, je suis persuadĂ© que j’aurais eu cette attention pour quelqu’un d’autre Ă  l’image de celle qu’a pu avoir ce participant et pratiquant expĂ©rimentĂ© pour moi.

Une attention qui, mĂȘme si elle lui a semblĂ© tout Ă  fait normale, et qu’il a sans doute aujourd’hui oubliĂ©e, est pour moi devenue quasiment indĂ©lĂ©bile dans ma mĂ©moire.

J’exprime ici quelles ont pu ĂȘtre mes dĂ©sillusions, et mes incomprĂ©hensions, par moments, lors de ce Masters Tour.

Mais il Ă©tait sĂ»rement impossible pour quiconque d’échapper Ă  une quelconque dĂ©sillusion ou incomprĂ©hension, Ă  un moment ou Ă  un autre, lors de ce Masters Tour. Un Masters Tour dont la plus grande partie du tracĂ© Ă©tait dirigĂ©e.  Et oĂč il a Ă©tĂ© nĂ©cessaire, rĂ©guliĂšrement, de toutes façons, de s’adapter Ă  diverses Ă©chĂ©ances et circonstances. Au point, qu’il m’est arrivĂ© de me dire qu’en participant Ă  ce Masters Tour, on faisait partie intĂ©grante- jusqu’à un certain point- du systĂšme Tamaki.

Mais il y a le « systĂšme Â» Tamaki et la façon dont on reste soi-mĂȘme. Etre perçu Ă  ce point par moments comme un corps Ă©tranger, par certaines et certains, m’a dĂ©rangĂ©.

 

Corps Ă©tranger

J’estime avoir autant voire plus appris durant ce sĂ©jour de mes interactions avec les autres participants et de mes quelques dĂ©ambulations et observations au Japon que de mes pratiques sur les tatamis ou lors des sĂ©ances d’entraĂźnement :

Quand, lors de la deuxiĂšme semaine de ce Masters Tour, j’ai « oubliĂ© Â» mes armes dans le bus Ă  Kyoto, j’étais certes fatiguĂ© et distrait, mais j’avais aussi manquĂ© de prĂ©sence et ne faisais pas suffisamment corps avec elles :

MĂȘme fatiguĂ© et distrait, je n’aurais pas oubliĂ© ma fille dans un bus que ce soit Ă  Kyoto ou ailleurs. J’ai oubliĂ© ces armes dans le bus (finalement retrouvĂ©es grĂące au concours de Megumi et Maki, deux de nos guides japonaises) car elles Ă©taient alors pour moi des corps Ă©trangers.

AprĂšs avoir oubliĂ© ces armes, et en avoir Ă©tĂ© privĂ© durant deux jours, j’ai perçu leur importance et leur singularitĂ© lorsque j’ai compris qu’il Ă©tait difficile d’en retrouver des semblables vu qu’elles avaient Ă©tĂ© constituĂ©es dans ce bois rare et lĂ©ger dont LĂ©o nous avait parlĂ© avant notre dĂ©part.

Deux leçons fondamentales

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Les deux leçons martiales fondamentales (ou autres) que je retiens, pour l’instant, sont  d’abord ces deux commentaires que m’ont faits tour Ă  tour LĂ©o puis Issei en pleine sĂ©ance :

 

« Tu es trop bienveillant Â». « Tu rĂ©flĂ©chis ? Â» (synonyme de « Tu rĂ©flĂ©chis trop Â»).

Je trouve que cela me concerne beaucoup tant dans la vie que sur un tatami.

Pas tout le temps.

Mais suffisamment pour m’empĂȘcher d’évoluer certaines fois. Depuis plusieurs annĂ©es, j’ai plus (tenu) Ă  dĂ©velopper mon cĂŽtĂ© bienveillant qu’à dĂ©velopper mon cĂŽtĂ© tranchant. Mon cĂŽtĂ© tranchant me fait peur. Alors, je le retiens comme je le peux par un excĂšs de bienveillance.

Il arrive que de temps Ă  autre, on me dise :

 Â« C’est parce-que tu es infirmier en pĂ©dopsychiatrie et en psychiatrie..tu as la vocation etc
. Â».

De la mĂȘme maniĂšre que j’ai dĂ©menti ĂȘtre une personne passionnĂ©e, je vais ici dĂ©mentir le fait d’avoir une quelconque vocation pour le mĂ©tier d’infirmier comme le fait d’ĂȘtre « bienveillant » par effet de ruissĂšlement parce-que je suis infirmier en pĂ©dopsychiatrie et en psychiatrie.

Certains tortionnaires ont pu ĂȘtre et sont des mĂ©decins ou des soignants. Je pourrais trĂšs bien faire partie de ces tortionnaires. 

Pour simplifier, « L’ùre » nazie a donnĂ© de « bons » exemples de mĂ©decins tortionnaires. Et, malheureusement, je n’ai aucune difficultĂ© Ă  concevoir que lors du gĂ©nocide des Tutsi au Rwanda, en 1994, des soignants hutus aient participĂ© au massacre. DĂšs lors qu’une forme de folie meurtriĂšre devient « normale », « fĂ©conde » et « collective », toutes les catĂ©gories sociales et professionnelles peuvent se rĂ©vĂ©ler zĂ©lĂ©es et entreprenantes pour participer au « grand projet » qu’est un gĂ©nocide. C’est un vĂ©ritable film d’horreur mais pour de vrai.

Il ne suffit pas de porter une blouse blanche pour devenir bienveillant. On a une certaine bienveillance et attention en soi, de maniĂšre spontanĂ©e et stimulĂ©e, qui, ensuite, selon le domaine professionnel et Ă©conomique oĂč l’on exerce, et selon la conscience que l’on a de soi et des autres,  va et peut se dĂ©velopper ou non en fonction des conditions de travail qui sont les nĂŽtres que l’on accepte ou que l’on refuse.

J’aurais pu ĂȘtre tout autant quelqu’un de bienveillant et exercer en tant que journaliste ou avocat.

Une journaliste comme Laurence Lacour ( autrice de Le bĂ»cher des innocents)  un journaliste comme Ted Conover ( auteur de LĂ  oĂč la terre ne vaut rien)  ou Joseph Kessel lorsqu’il a Ă©critAvec les Alcooliques anonymes  ont Ă  mon avis une bienveillance supĂ©rieure Ă  bien des personnes.

La bienveillance part d’eux. Ensuite, ils sont parvenus Ă  la monnayer ou Ă  en faire un mĂ©tier mais aussi un moteur de leur carriĂšre.

Moi, j’en suis au stade oĂč je pense que ma bienveillance voire ma « sur Â» bienveillance est un moyen, aussi, pour moi, de distraire ma violence. Ou de l’utiliser Ă  des fins que j’estime plus utiles et rĂ©paratrices. C’est une façon de la maintenir Ă  distance. Par devoir et aussi par choix. Parce-que savoir ordonner sa propre violence au point de savoir l’utiliser afin d’en faire une Ɠuvre d’art ou une Ɠuvre socialement responsable et collective, c’est donnĂ© Ă  peu de personnes :

Le plus souvent, lorsque l’on est coutumier de l’usage de la violence, soit on dĂ©truit son entourage, ses relations et son environnement et/ou soit on se dĂ©truit soi-mĂȘme.

Picasso et Miles Davis Ă©taient des personnes violentes et destructrices. Mais malgrĂ© tout, ils ont pu crĂ©er et c’est ce que beaucoup prĂ©fĂšrent retenir et admirer. A mon sens, Amy Winehouse s’est autodĂ©truite quasiment en direct live et c’est la raison pour laquelle j’ai beaucoup de mal Ă  comprendre comment des gens ont pu avoir du plaisir Ă  assister Ă  certains de ses concerts. Et, j’ai du mal Ă  aimer sa musique pour les mĂȘmes raisons. Une musique que je trouve en plus excessivement rĂ©tro comme corsetĂ©e dans une Ă©poque qui ne pouvait pas la retenir.

Par extension, je ne crois donc pas que les soignants en blouse blanche soient des ĂȘtres totalement pacifiĂ©s et expurgĂ©s de tout conflit intĂ©rieur et intrapsychique. Leur blouse blanche leur sert de digue ou de barrage, comme le kimono ou le hakama pour d’autres, et la profession que servent ces blouses blanches a des codes, des interdits, dont on peut retrouver des Ă©quivalents dans la Loi ou dans une religion qui donnent un cadre, des repĂšres et des guides.

Le but de ce cadre, de ces repĂšres et de ces guides, c’est d’éviter que la sauvagerie ne prenne le dessus sur l’HumanitĂ© et de permettre Ă  cette derniĂšre de subsister, de s’exprimer et de se consolider le plus possible. 

Mais tout excĂšs, mĂȘme lorsqu’il s’agit de bienveillance, est Ă  attĂ©nuer.

C’est peut-ĂȘtre pour cela que, instinctivement, de plus en plus, je me rapproche des Arts Martiaux bien-sĂ»r mais aussi
.des armes blanches.

 

Acheter un iaitƍ :

Devant la boutique de Sakuraya, Tokyo, aprĂšs mon achat d’un iaitƍ. Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

Je n’étais pas du tout venu au Japon avec l’intention d’acheter un iaitƍ.

Lorsque LĂ©o en parlait dans ses mails plusieurs mois avant ce Masters Tour 2024, je ne me sentais pas du tout concernĂ©. Je voyais cela comme une espĂšce d’excentricitĂ© coĂ»teuse et dĂ©corative.  Ou comme une recherche du spectaculaire. Je pensais aussi au katana posĂ© sur un mur pour faire joli ou pour intimer :

«Mon secret, c’est que  je suis un samouraĂŻ, une personne trĂšs redoutable, car j’ai un katana commandĂ© sur internet accrochĂ© au mur dans mon salon Â».

J’ai quelques fois la naĂŻvetĂ© de croire que les personnes les plus redoutables sont aussi celles qui savent se rendre parfaitement indĂ©tectables et se fondre dans la masse. On l’a trĂšs bien « vu Â»  (malheureusement) avec les terroristes islamistes ces derniĂšres annĂ©es.

 

Et puis, un des participants du Masters Tour a choisi un iaitƍ devant moi dans la boutique Sakuraya.

 

Curieux, je l’ai regardĂ© faire. Il a Ă©tĂ© conseillĂ© par Issei.

Ensuite, puisque j’étais lĂ , autant en profiter pour toucher. J’en ai sorti un ou deux de leur fourreau avec autant de prĂ©caution que mes mains mal habitĂ©es le pouvaient.

J’ai ressenti quelque chose. J’ai ressenti de la vie. Ce n’était pas un objet ni un geste inerte. C’était une action qui, le fait de sortir et de manier cette arme, de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e, apprise, maitrisĂ©e, pouvait faire grandir en moi un certain apaisement.

Je peux vraiment dire que c’est ce que j’ai ressenti plus que ce que j’ai vu ou l’envie de possĂ©der une « arme Â» qui m’a incitĂ© Ă  faire cette acquisition mais aussi Ă  m’embarrasser ensuite Ă  la porter d’hĂŽtel en hĂŽtel, de shinkansen en shinkansen jusqu’à l’aĂ©roport.

Alors que voyager lĂ©ger et le moins encombrĂ© possible facilitait beaucoup nos dĂ©placements avec nos bagages. 

Lorsque je suis reparti de la boutique Sakuraya, tout, dans l’attitude solennelle du vendeur expĂ©rimentĂ© m’indiquait que j’avais achetĂ© un objet important. Ou qu’il me confiait un objet important. 

Avec le vendeur de la boutique Sakuraya, aprĂšs l’acquisition de « mon » iaitƍ. Juillet 2024.

A mon retour en France, j’ai commencĂ© Ă  chercher des cours de iaido. Et, quotidiennement, je sors mon iaitƍ. Miles Davis disait qu’un musicien a besoin de toucher son instrument tous les jours. Je me dis que ce iaitƍ n’est pas un objet de dĂ©coration et doit (me) devenir un corps familier. Je fais sĂ»rement des erreurs grossiĂšres et ridicules lorsque je l’emploie en attendant de prendre des cours. Mais je le prĂ©serve de la poussiĂšre.

Quelques jours aprĂšs avoir achetĂ© « ce » iaitƍ, j’aurais aimĂ© m’ĂȘtre aussi fiĂ© Ă  ce que je ressentais en touchant un Jeans Ă  Kurashiki.  J’ y ai dĂ©laissĂ© un Jeans auquel je continue de penser depuis.  

Car j’ai voulu me raisonner.  Je porte trĂšs occasionnellement des  Jeans. Et je n’avais aucune intention d’acheter une paire de Jeans en venant au Japon. Or, j’en avais dĂ©jĂ  achetĂ© deux. 

 J’ai un moment envisagĂ© de faire le trajet Tokyo-Kurashiki pour aller le chercher. Ce qui aurait ramenĂ© ce Jeans quasiment au prix d’un diamant !

J’ai quand mĂȘme vĂ©cu beaucoup de bons moments lĂ -bas.  Alors, pourquoi, Ă  certains moments ai-je disparu du groupe ?

 

Mon deuxiĂšme voisin de chambre, G, Ă  Kurashiki, en train de m’attendre. Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La vie en groupe, premiĂšre semaine :

J’ai Ă©crit qu’un certain nombre de participantes et participants sont restĂ©s entre eux. J’ai nĂ©anmoins bĂ©nĂ©ficiĂ© aussi des avantages du groupe ou des petits groupes en diverses circonstances.

Durant la premiĂšre semaine, je me suis abreuvĂ© principalement aux groupes. Je suivais le groupe dans lequel je me trouvais. Que ce soit pour prendre le shinkansen, le train, le bus, les visites. Prendre un verre. 

 

C’était trĂšs agrĂ©able. Je faisais le touriste. Cela me permettait de socialiser. Cela Ă©tait trĂšs confortable et je n’avais pas beaucoup Ă  rĂ©flĂ©chir sur ce qui m’environnait. Tout ce que j’avais Ă  faire, c’était ĂȘtre Ă  l’heure et faire avec les autres ou comme tous les autres.

 

Au prĂ©alable, j’avais toutefois effectuĂ© le minimum. J’avais pensĂ© Ă  retirer des yens en espĂšces dĂšs le dĂ©but de mon sĂ©jour par 50 000 yens (environ 260 euros au cours actuel de 1 euro = 171 yens, un taux trĂšs avantageux pour l’euro). J’avais achetĂ© un tĂ©lĂ©phone portable reconditionnĂ© qui acceptait la carte e-sim et j’étais reliĂ© en permanence (et trĂšs facilement) aux divers groupes whatsApp du Masters Tour 2024.

 

Nos journĂ©es Ă©taient quotidiennement rythmĂ©es par l’engrais des informations qui venaient rĂ©guliĂšrement fertiliser nos messageries whatsApp.

 

 

La vie en groupe, deuxiÚme semaine : Ne Pas déranger

 

En dĂ©but de deuxiĂšme semaine, j’avais digĂ©rĂ© le dĂ©calage horaire et avais commencĂ© Ă  comprendre dans quel pays je me trouvais. Dont certaines de ses rĂšgles liĂ©es Ă  la ponctualitĂ© qui consiste Ă  ĂȘtre en avance de dix Ă  quinze bonnes minutes. Ainsi que le principe « Ne pas dĂ©ranger Â» rappelĂ© rĂ©guliĂšrement par LĂ©o et Issei.

Mais, surtout, j’ai alors fait une grande dĂ©couverte :

J’étais devenu un bovidĂ©.

Je me contentais de suivre et de boire Ă  grands traits quand on me le disait et lĂ  oĂč l’on me disait quand le faire. Moi, qui, en 1999, sans internet et la tĂ©lĂ©phonie mobile actuelle, avais pu circuler seul, une semaine durant au Japon, prendre le shinkansen, aller Ă  Kyoto, Hiroshima. Dans le Japon de 1999 qui Ă©tait bien moins touristique que celui  « retrouvĂ© Â» cette annĂ©e oĂč on a pu facilement entendre parler Français, Anglais ou AmĂ©ricain. Mais oĂč j’ai aussi pu croiser un Ukrainien qui y vit depuis une dizaine d’annĂ©es ainsi que des NigĂ©rians.

C’est probablement au dĂ©but de cette deuxiĂšme semaine que j’ai vraiment vu que certaines et certains prĂ©fĂ©raient rester entre eux pratiquant d’une certaine façon le « chacun pour soi Â».

 A cela s’est additionnĂ© un certain Ă©tat d’esprit « sauve qui peut Â». L’esprit « sauve qui peut Â», c’est cette tension ou cette anxiĂ©tĂ©, voire cette quasi-Ă©pouvante perçue dans le regard de certains au moment de prendre le shinkansen ou lorsqu’il s’agissait de se dĂ©placer avec nos bagages dans les correspondances des gares. La peur ou l’inquiĂ©tude de se perdre. De rester Ă  quai. Ou dans le shinkansen.

Sans le groupe.

Ces observations m’ont amenĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  celui que j’Ă©tais et que j’avais oubliĂ© : j’aime ĂȘtre en relation avec les gens mais pas Ă  n’importe quelle condition. Et je n’aime pas me sentir enfermĂ© dans  un groupe. 

Japon, Juillet 2024. Photo©Franck.Unimon

La vie en groupe, troisiĂšme semaine : «  On dirait qu’il fait tout le temps, la gueule ! Â».

 Lors de la premiĂšre semaine du Masters Tour environ, j’avais Ă©tĂ© surpris d’apprendre par un participant que certaines personnes avaient l’impression que je faisais « tout le temps, la gueule ! Â».

J’avais rĂ©pondu Ă  ce participant qu’en une semaine de Masters Tour, j’avais appris ça :

« Si les gens Ă©taient (plus) sereins, ils ne pratiqueraient pas des Arts Martiaux Â».

Une remarque que j’avais Ă©tendue aussi aux pratiquantes et pratiquants d’apnĂ©e.

J’avais ensuite ajoutĂ© que ces personnes qui s’étaient formalisĂ©es Ă  mon sujet Ă©taient trĂšs peu venues me parler.

Mais, rĂ©trospectivement, ces personnes avaient peut-ĂȘtre un peu raison en ce sens que je ne me suis pas forcĂ© Ă  sourire. Et qu’il est d’autres moments oĂč j’ai pu rester trĂšs sĂ©rieux ou concentrĂ©.

D’un autre cĂŽtĂ©, je comprends que des participants et des participantes soient venus en couple, en famille, entre potes ou partenaires du mĂȘme club ou aient optĂ© pour se rĂ©unir en personnes de la mĂȘme discipline. Ce voyage sera pour eux mĂ©morable et leur a sans aucun doute- je le crois et je l’espĂšre- rĂ©servĂ© des moments trĂšs privilĂ©giĂ©s.

Pour ma part, mĂȘme si, dans l’idĂ©al, j’aurais aimĂ© faire autrement, je continue de croire que j’ai pris la meilleure dĂ©cision en venant seul au Japon pour ce Masters Tour 2024. Au vu du rythme et du nombre de nos visites, de nos marches, de nos changements d’hĂŽtel, de la chaleur humide (plus de trente degrĂ©s tous les jours en moyenne), de la variabilitĂ© de nos horaires selon les circonstances, de la nĂ©cessitĂ© de s’adapter, de suivre les messages sur les boucles WhatsApp, des entraĂźnements, je trouve qu’il est difficile de pouvoir s’y ajuster au mieux tout en conservant, par ailleurs, une vie de famille ou de couple harmonieuse, douillette et paisible.

On pourra me dire qu’une vie de couple et de famille est rarement harmonieuse, douillette et paisible et que le Masters Tour peut aussi permettre d’apprendre à se concentrer sur l’essentiel.

Je rĂ©pondrais qu’il m’a manquĂ© le courage, l’optimisme, la force, la folie mais aussi la gĂ©nĂ©rositĂ© pour venir avec ma compagne et ma fille Ă  ce Masters Tour 2024.

Je me souviens aussi m’ĂȘtre senti devenir assez irritable ou susceptible en dĂ©but de troisiĂšme semaine. Et de moins bien supporter d’éventuelles contraintes relatives au groupe. Qu’il s’agisse de faire en groupe ou de « tĂ©ter Â» l’anxiĂ©tĂ© ou la fĂ©brilitĂ© de quelqu’un dans le groupe.

Donc, tout ce qui, en troisiĂšme semaine, m’a semblĂ© facultatif concernant le groupe est assez facilement passĂ© davantage au second plan. J’en aussi eu assez d’ĂȘtre celui qui va vers les autres participantes et participants du Masters Tour.

Je suis sĂ»rement devenu nettement plus solo, plus Ă©gocentrique, donc peut-ĂȘtre encore plus bizarre et plus incomprĂ©hensible pour quelques unes ou quelques uns lors de cette troisiĂšme et derniĂšre semaine. 

ParallĂšlement Ă  cela, je me suis davantage ouvert au pays, Ă  mon rythme ainsi qu’à mes inspirations pour continuer Ă  le dĂ©couvrir.

J’ai un temps voulu aller Ă  Yokohama. Mais durant les deux derniers jours de notre pĂ©riple, je me suis avisĂ© que j’avais Ă  peine vu Shinjuku. Et en me rendant Ă  Harajuku (oĂč j’étais aussi passĂ© en principe en 1999), je me suis aperçu que j’avais tout Ă  dĂ©couvrir.

Du Japon que j’avais aperçu en 1999, exceptĂ© Hiroshima et l’Ăźle de Miyajima, je n’ai rien reconnu. 

Cette premiĂšre partie s’arrĂȘte lĂ . La seconde partie parlera des Maitres que nous avons rencontrĂ©s. Des impressions qu’il me reste ou que je me suis fait d’eux.

Il me semble que cette premiĂšre partie est la plus difficile Ă  lire et Ă  avaler. Mais je crois que sans cette premiĂšre partie, mon « rĂ©cit Â» aurait Ă©tĂ© incomplet et artificiel.

Franck Unimon, dimanche 11 aout 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

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self-défense/ Arts Martiaux Voyage

L’AnnĂ©e du Japon

Rue de Rivoli, Paris, 9 Juin 2024. Photo©Franck.Unimon

L’annĂ©e du Japon

Parler du Japon aujourd’hui depuis la rĂ©gion parisienne peut apparaĂźtre irresponsable et dĂ©placĂ©. Pourtant, nous sommes au mois de juin et cela fait plusieurs jours que je vois et revois que le Japon, lorsque l’Ă©tĂ© s’approche, redevient subitement une destination touristique attrayante. Ça et lĂ , le Japon apparait dans les vitrines.

 Je sais aussi qu’il existe un petit plus qu’un effet de mode avec le Japon et que depuis au moins une dizaine d’annĂ©es, la culture nipponne, voire sud corĂ©enne,  a ses spĂ©cialistes et ses amateurs au moins parmi les adolescents et les jeunes adultes.

Sur les Champs Elysées, Paris, 16 juin 2024, le matin. Photo©Franck.Unimon

 

Cependant, en France, il pleut et il fait gris. Certaines personnes diraient mĂȘme que, dĂ©sormais, en France, il fait presque brun.

Car l’AssemblĂ©e nationale, en France, a Ă©tĂ© dissoute par le PrĂ©sident Emmanuel Macron il y a quelques jours aprĂšs la victoire du RN aux Ă©lections europĂ©ennes. Un PrĂ©sident de la RĂ©publique rĂ©Ă©lu, aussi jeune qu’il est devenu impopulaire.

Paris, 16 juin 2024, le soir. Photo©Franck.Unimon

Cinquante pour cent d’électeurs se seraient abstenus d’aller voter lors de ces Ă©lections europĂ©ennes. Des Ă©lections lĂ©gislatives vont avoir lieu de maniĂšre anticipĂ©e le 30 juin et le 7 juillet. On ignore encore si, pour la premiĂšre fois, en France, le Rassemblement National (RN), parti d’extrĂȘme droite hĂ©ritier du Front National (FN) co-crĂ©Ă© il y a un demi-siĂšcle par le pionnier de la dynastie Le Pen va parvenir au Pouvoir Politique par la Grande Porte en obtenant le poste de Premier Ministre. Ou si, une fois de plus, le RN va se heurter Ă  la muraille de Chine faite de ce refus des Français revenus une nouvelle fois voter par dĂ©faut pour  un parti politique de Droite ou de Gauche perçu comme rĂ©publicain, antiraciste et dĂ©mocratique. 

A quelques jours du dĂ©but des Jeux Olympiques organisĂ©s en France, on pourrait se croire dans un Ă©pisode de Games of Throne avec les adeptes du RN dans le rĂŽle des revenants d’autant plus inquiĂ©tants qu’ils ressemblent Ă  ces mutants imperturbables vus dans bien des films et dont la volontĂ© de fer se concentre dans l’action de se multiplier mais aussi de se diversifier. Tandis que les plus irrĂ©ductibles des membres du RN, eux, verraient leurs opposants et leurs contraires comme autant de redoutables envahisseurs dont la principale source de volontĂ© serait de coloniser et d’anĂ©antir la grandeur de l’identitĂ© nationale française.

Je crois m’ĂȘtre fait servir par l’un d’entre eux il y a quelques heures.

Un Yakuza cachĂ©  ?

Dans ma ville, je passe quelques fois dans une boucherie dans laquelle l’atmosphĂšre et la clientĂšle dĂ©tonnent. J’y entre en Ă©tant assez fascinĂ© mais aussi parce-que je suis un client satisfait.

Dans cette boucherie, on se croirait dans la France des annĂ©es 70 et 80. On semble y rester confinĂ© entre soi mais on y achĂšte de la trĂšs bonne viande plus chĂšre qu’ailleurs dans la ville.

A tort ou Ă  raison, cet endroit m’évoque facilement les trĂšs bons films  Dupont Lajoie ou Seul contre tous. Cependant, il faut rester prudent et se mĂ©fier des apparences. MĂȘme si son propriĂ©taire et boucher, tout Ă  l’heure, m’a un peu troublĂ©.

Ou provoqué.

Nous Ă©tions seuls dans la boucherie lorsque je me suis laissĂ© aller Ă  la familiaritĂ© de lui demander oĂč il avait prĂ©vu de partir en vacances cet Ă©tĂ©. Peut-ĂȘtre parce-que ma tĂȘte lui Ă©tait suffisamment familiĂšre, il m’a rĂ©pondu spontanĂ©ment :

« En Dordogne Â».

La Dordogne est une jolie rĂ©gion et la France, un trĂšs beau pays Ă  visiter. Cela fait des annĂ©es que la France est un des pays les plus visitĂ©s dans le monde qu’il s’agisse de l’Hexagone ou de « ses » Ăźles si l’on excepte peut-ĂȘtre la Nouvelle CalĂ©donie depuis plusieurs semaines compte-tenu du climat de guerre civile et de rejet de la politique française qui y a Ă©clos abruptement.

Sur les Champs Elysées, Paris, 5 juin 2024. Photo©Franck.Unimon
Le Jardin des Tuileries, 15 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Sauf que le boucher, Maitre en sa boucherie depuis une bonne vingtaine d’annĂ©es, a eu besoin de rajouter :

«  Pour faire travailler les Français
. Â».

Je me suis contentĂ© de lui rĂ©pondre, le plus lĂ©gĂšrement possible :

« Si vous pouvez
. Â».

Fort heureusement, sa politesse ou son absence de curiositĂ© m’ont sauvĂ©. Je n’ai pas eu Ă  lui annoncer oĂč j’avais prĂ©vu de passer mes vacances, cet Ă©tĂ©.

En effet, ce 8 juillet, soit le lendemain des rĂ©sultats du deuxiĂšme tour de ces Ă©lections lĂ©gislatives provoquĂ©es par le PrĂ©sident Macron suite Ă  sa dĂ©cision de dissoudre l’AssemblĂ©e Nationale, je prendrai l’avion pour trois semaines au Japon afin de participer au Masters Tour 2024 crĂ©Ă© et co-organisĂ© une nouvelle fois par LĂ©o Tamaki, expert en AĂŻkido.

Le Japon, c’est assez Ă©loignĂ© de la Dordogne.

Librairie, dans la Rue de Rivoli, 9 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Mais peut-ĂȘtre que le boucher regarde-t’il  tous les soirs des manga Ă  son domicile ? Peut-ĂȘtre aussi parle-t’il Japonais couramment dans ses rĂȘves et se rend-t’il tous les ans Ă  la Japan Expo ? Peut-ĂȘtre aussi, dans ses hobbies, compte-t’il un Savoir faire de Maitre Pottier japonais ? Ou de Maitre Sushi ? Ou de chanteur KaraokĂ© ?

Rien ne (me) permet, Ă  ce jour, de le contester. Peut-ĂȘtre mĂȘme, tous les soirs, se transforme-t’il aussi en Yakuza Ă  la façon dont Takeshi Kitano a pu nous les dĂ©crire dans ses films Sonatine ou Hana-Bi pour parler de quelques uns de ses films ?

Peut-ĂȘtre n’est-il qu’un samouraĂŻ infiltrĂ© dans une ville de banlieue parisienne, plutĂŽt mal rĂ©putĂ©e, qui a choisi d’endosser l’habit, la profession et des propos qui peuvent s’apparenter Ă  ceux de l’ExtrĂȘme Droite pour mieux la combattre Ă  la façon d’une taupe tel Tony Leung Chiu-Wai qui, lui, avait infiltrĂ© une triade chinoise dans le film A Toute Epreuve du rĂ©alisateur Hong-Kongais John Woo, son dernier film Ă  Hong-Kong avant la rĂ©trocession de celui-ci Ă  la Chine et avant son exil pour les Etats-Unis et son film Volte-face avec Nicolas Cage et John Travolta ?

Manifestation pro-palestinienne à Paris, 27 Mai 2024. Photo©Franck.Unimon

Ces films noirs ou ces polars asiatiques de ces rĂ©alisateurs, et d’autres que je ne cite pas tels Kirk Wong, Johnnie To ou les frĂšres Mak etc
, font partie des classiques pour celles et ceux qui les connaissent ou les ont vus, comme moi, au cinĂ©ma, Ă  leur sortie ou en dĂ©calĂ©.

Ces films font aussi partie du passĂ©. MĂȘme si ce passĂ© est prĂ©sent et futur. Et moi, ce que je suis en train de vous Ă©crire ce mardi 18 juin 2024 appartient aussi au passĂ©. Car si mon dĂ©part pour le Japon, cette annĂ©e, est prĂ©vu pour le 8 juillet, soit dans trois semaines, il s’agira aussi de mon « retour » au Japon aprĂšs mon premier voyage, lĂ -bas, en 1999. Un retour souhaitĂ© dĂšs cette annĂ©e-lĂ .

En 1999, lors de mon premier sĂ©jour au Japon, j’étais imprĂ©gnĂ© de cinĂ©ma en version originale sous-titrĂ©e et de cinĂ©ma asiatique. Au point de beaucoup m’identifier aux Japonais.

Nous ne sommes pas des japonais

« Vous n’ĂȘtes pas des Japonais ! » nous avait nĂ©anmoins assĂ©nĂ© Vanessa, – tel un ippon- une de nos camarades- et Française- de notre cours de Judo, au gymnase, rue Michel Lecomte, tant nous singions certaines caractĂ©ristiques japonaises.

Nous, c’était Manu, un de mes amis Français, rencontrĂ© sur le tatamis du club, et moi, Français d’origine antillaise.

Elle avait raison.

Depuis notre naissance en rĂ©gion parisienne jusqu’à cette dĂ©claration, Manu et moi n’avions jamais rien eu de bridĂ©. Nous avions achetĂ© nos kimonos de judo en France. Nous pratiquions le Judo en France. Notre professeur de Judo, Pascal Fleury, grand frĂšre de la championne olympique Cathy Fleury, Ă©tait d’origine italienne.

Lorsque Manu et moi, nous allions- quelques fois- dans des restaurants asiatiques, c’était Ă  Paris ou en banlieue parisienne. Et, lorsque nous voyions ou rencontrions beaucoup d’Asiatiques, c’était surtout projetĂ©s sur un grand Ă©cran de cinĂ©ma, sur l’écran d’un tĂ©lĂ©viseur ou dans les ouvrages d’une librairie.

Rue de Rivoli, 9 juin 2024. Paris. Photo©Franck.Unimon

Pour moi, en devenant adulte, je crois que le Japon avait pris la place que les Etats-Unis, enfant puis adolescent, avaient pu avoir. Celle d’un pays dont l’Histoire et les ĂȘtres avaient des destinĂ©es fantastiques. Lorsque l’on est nĂ© en banlieue parisienne, dans un milieu social moyen, que l’on a d’abord grandi dans une citĂ©, et que nos parents, bien que « Français », sont des Antillais qui ont dĂ» venir vivre en mĂ©tropole tels des immigrĂ©s Ă  l’ñge oĂč, en principe, tout est possible puisque l’on est jeune et que ce possible se rĂ©sume Ă  un logement HLM avec d’autres personnes qui, comme eux, font de leur mieux pour s’en sortir, hĂ© bien, soit on se contente de ce que l’on a. Soit on rĂȘve ou on imagine un ailleurs.

Et puis, petit Ă  petit, soit on essaie d’aller vers cet ailleurs, soit on reste enfermĂ© dans sa citĂ© et dans tout ce que l’on connait par coeur par peur et par prĂ©caution.

Pourquoi le Japon plus que le Vietnam, le Cambodge, l’IndonĂ©sie, la CorĂ©e du Sud, la ThaĂŻlande, la Birmanie, le Laos ou ne serait-ce que la Chine qui sont aussi des pays Ă  connaĂźtre comme tant d’autres en Asie, en Afrique, en OcĂ©anie, en Europe ou ailleurs ?

 

 

Rue de Rivoli, Paris, 9 Juin 2024. Photo©Franck.Unimon

TrĂšs certainement pour cet attrait pour les SamouraĂŻ  qui avaient remplacĂ© les cow-boys des western de mon enfance. J’Ă©tais devenu adulte. C’Ă©tait exotique.  Je ne pouvais pas continuer Ă  garder les mĂȘmes modĂšles, me promener avec un chapeau de cow-boy, un ceinturon en plastique comportant un Ă©tui occupĂ© par un colt noir Ă©galement en plastique et une Ă©toile de shĂ©rif. 

Il y avait peut-ĂȘtre aussi une forme de refus du statut de victime permanente et suppliciĂ©e. La victime potentielle du racisme parce-que Noir dans un pays de Blancs, la France.

Et une espĂšce de recherche de mon salut intĂ©rieur un peu plus en accord avec moi-mĂȘme dans les Arts Martiaux que dans les comportements des hĂ©ros de western qui buvaient de l’alcool et qui fumaient, aussi, qui jouaient de l’argent. Qui roulaient un peu plus des mĂ©caniques et qui parlaient fort. Il y ‘avait peut-ĂȘtre Ă©galement une envie de ma part de m’affirmer en Ă©tant un homme antillais « diffĂ©rent », moins bruyant, moins thĂ©Ăątral et moins prĂ©visible. Plus original. Plus complexe. Peut-ĂȘtre plus libre.

Le Japon faisait aussi davantage penser Ă  cette vitrine oĂč y Ă©tait exposĂ©e en permanence cette sorte de Maitrise en toute circonstance que je cherchais Ă  obtenir en moi. Pour cette assurance et ce calme constants en apparence. Pour les sons gutturaux, rauques, brefs et dĂ©finitifs de la langue japonaise telle que je l’entendais. Pour cette dĂ©licatesse supposĂ©e de la femme japonaise qui contrastait avec la femme imprĂ©visible, exigeante, pleine d’assurance ou hystĂ©rique de la vie urbaine ou parisienne.

Pour caricaturer, d’un cĂŽtĂ©, on pouvait avoir la « Française » qui fume, qui boit de l’Alcool, qui peut vous quitter ou qui dit zut. De l’autre cĂŽtĂ©, on avait une femme polie, pas un mot plus haut que l’autre, que l’on voulait voir comme charnellement sensuelle, jamais contrariante et fidĂšle Ă  jamais.

Il est beaucoup plus facile de fantasmer sur une personne à laquelle on ne se confronte jamais et dont on méconnait la langue, la culture, les volontés et la pensée et qui reste pour nous une apparition encadrée telle une poupée gonflable et domesticable. Mais aussi, jetable.

J’ignorais alors tout ce que le Japon pouvait avoir de traditionnaliste, de conservateur voire de raciste. Ou de sexiste. Et, je mĂ©connaissais totalement le fait, aussi, que ce mode de vie que je prĂ©fĂ©rais voir comme du raffinement esthĂ©tique digne de la trĂšs haute couture reposait aussi sur une certaine psychorigiditĂ© sociale qui flattait d’abord ma propre psychorigiditĂ©.

J’ignorais aussi que certains aspects de la vie traditionnelle Ă  la Japonaise Ă©quivalaient, aussi, par ses principes, Ă  certains aspects de la vie traditionnelle que m’ont transmis mes parents et auxquels je suis attachĂ© : Un campagnard, qu’il soit japonais ou d’origine antillaise, aura une façon de regarder la vie assez similaire.

L’importance de la parole donnĂ©e m’apparait par exemple ĂȘtre une valeur qui Ă©mane plus de l’hĂ©ritage de la tradition et du mode de vie campagnard que du mode de vie dit urbain et moderne, pour ne pas dire mondain.

« Le Japon a mis mes valeurs Ă  plat » m’avait dit lors d’une soirĂ©e parisienne une Française qui y avait vĂ©cu quatre annĂ©es.

Quatre annĂ©es, pour moi qui n’étais jamais allĂ© au Japon, c’était au-delĂ  du rĂ©el.

Ce devait ĂȘtre deux ou trois ans avant que je n’envisage mon propre sĂ©jour au Japon.  Cette femme qui avait Ă  peu prĂšs mon Ăąge avait acceptĂ© le principe de me revoir pour me parler davantage du Japon. Mais ce qu’elle m’avait laissĂ©, ce sont ses quelques remarques sur le Japon, son prĂ©nom et son nom lors de cette soirĂ©e passĂ©e dans un lieu dont je serais incapable de me rappeler avec certitude.

Mais si cette connaissance croisĂ©e dans une soirĂ©e, n’avait pas tenu parole, l’amie que je connaissais, alors, elle, l’avait tenue en m’accueillant chez elle au Japon deux ans aprĂšs m’avoir dĂ©jĂ  reçu chez elle une premiĂšre fois en Australie, Ă  Melbourne, en 1997.

 

En 1999 : Le Japon, une Ă©claircie profonde

En 1999, l’annĂ©e du film Matrix, pour moi, il y eut un avant et un aprĂšs le Japon.

A mon retour de mon séjour grùce à Raspoutine, mon amie franco-australienne qui y habitait alors, et son frÚre Le Croque-mort alors mon ami, qui me fit profiter de son expérience là-bas avant de rentrer en France, je déclarai que ce voyage fut extraordinaire.

Et, je le pense toujours aujourd’hui.

Humainement, ce sĂ©jour fut pour moi une frontiĂšre entre celui que j’étais auparavant qui en faisais des tonnes dans la provocation mais aussi dans l’humour pour se faire aimer. Mais aussi pour se desservir lui-mĂȘme.

Ce voyage au Japon et son contexte dans ma vie personnelle et professionnelle m’aidĂšrent et me poussĂšrent Ă  aller davantage dans l’introspection. Pour paraphraser un peu le livre Avec les Alcooliques Anonymes de Joseph Kessel, paru en 1960 et que j’ai bientĂŽt terminĂ©, je dirais que ce sĂ©jour au Japon en 1999 m’a permis d’ĂȘtre plus honnĂȘte et plus sincĂšre avec moi-mĂȘme.

Je n’étais pas alcoolique et je ne suis pas alcoolique. Si je l’avais Ă©tĂ©, j’aurais pu ĂȘtre Ă©tĂ© poussĂ© Ă   croire que l’alcool, sous toutes ses formes et latitudes, aurait pu me guider.

Cependant, avant mon sĂ©jour au Japon, j’étais probablement ivre et imbibĂ© de mes propres peurs. J’avais trĂšs peur de celui que j’étais, de celui que je pouvais devenir et j’avais aussi trĂšs peur
.d’ĂȘtre aimĂ©.

D’oĂč les provocations et l’humour rĂ©pĂ©tĂ©s jusqu’à en ĂȘtre inappropriĂ©s. Les dĂ©cisions trĂšs mal inspirĂ©es. Le propre de l’alcoolique, c’est, Ă  dĂ©faut de pouvoir s’étreindre et se rassurer lui-mĂȘme, de se dĂ©truire et de chercher Ă  s’assommer et Ă  s’éteindre jusqu’au black- out par l’alcool. Pour s’évader de lui-mĂȘme. Je faisais pareil mais avec l’humour, mes provocations, mes excĂšs, mes gesticulations, des mauvaises dĂ©cisions, une certaine nĂ©gligence de moi-mĂȘme


Lorsque l’on a peur de soi-mĂȘme, que l’on a peur d’ĂȘtre aimĂ© ou que l’on estime ĂȘtre indigne d’ĂȘtre aimĂ©, on sait devenir tranchant, blessant ou dĂ©sarmant pour celles et ceux qui nous entourent ou qui prennent le risque ou ont l’audace de nous approcher. On devient ivre au point de s’aveugler, de manquer de luciditĂ©, et d’ĂȘtre incapable de faire la distinction qui convient entre celles et ceux que l’on peut laisser s’approcher et les autres qu’il faut savoir repousser ou, plus simplement, Ă©viter. Puis, notre orgueil parachĂšve de maniĂšre incontestable notre entreprise (ou notre chef-d’Ɠuvre) de dĂ©molition et d’autodestruction :

S’il y a un problĂšme, c’est Ă  cause des autres. Ou, on ne savait pas que l’autre ne nous voulait-finalement- aucun mal…..

Le contexte dans lequel j’étais parti au Japon en 1999 cumulĂ© au fait de m’ĂȘtre rendu dans un pays comme le Japon m’avaient aidĂ© Ă  commencer Ă  me sevrer de certaines de mes mauvaises habitudes relationnelles et Ă©motionnelles. Mais, comme on le sait, se sevrer prend du temps. Ce qui n’empĂȘche pas de vivre des Ă©claircies profondes. Et, le Japon en fut une pour moi.

Si bien qu’à mon retour, je m’étais dit que je reviendrais un jour au Japon. Il aura fallu attendre
25 ans.

Il y a 25 ans, du Japon, j’avais ramenĂ© des photos papier, un bermuda qui ne me va plus car j’ai pris du poids et du ventre depuis, une camĂ©ra analogique et de la cĂ©ramique.

Electronique et CĂ©ramique

l’Electronique et la cĂ©ramique me semblent assez bien reprĂ©senter les deux versants du Japon. Le moderne et le traditionnel. Le quasi-virtuel et le spirituel. L’industriel et l’artisanal. Le logique et l’organique. L’efficace et le sensuel. Mais l’un comme l’autre concourt pour la perfection. 

Des deux, Ă©lectronique et cĂ©ramique, c’est la cĂ©ramique que j’utilise encore. Toutes mes tasses de thĂ© ramenĂ©es du Japon en 1999 sont demeurĂ©es intactes. Et, au travers de leur utilitĂ© et de leur durabilitĂ©, je vois une sorte de confirmation dans le fait que, utilisĂ©e pour l’usage qui lui correspond, la tradition conserve sa supĂ©rioritĂ© en acquĂ©rant plus de profondeur que la nouveautĂ© qui, elle, plus superficielle, est condamnĂ©e Ă  se reproduire pour pouvoir espĂ©rer prĂ©server ses attraits et convaincre quant Ă  ses promesses et ses effets. 

 

Mais on peut le voir autrement et se dire que mon versant ou mon tempĂ©rament traditionaliste l’a emportĂ© pour le moment sur mon tempĂ©rament moderne ou moderniste. Car aprĂšs tout, d’aprĂšs un podcast que j’ai dĂ©jĂ  Ă©coutĂ© deux fois, les blogs appartiendraient au passĂ©. Aujourd’hui, ce qui est moderne, ce qui suscite et maintient l’intĂ©rĂȘt quotidiennement et qui apporte un succĂšs immĂ©diat et continu, c’est de diffuser souvent et rĂ©guliĂšrement des images et de produire le moins de texte possible. Et, moi, comme un vieux schnock conservateur encore accrochĂ© au monde des relations Ă©pistolaires, et donc complĂštement dĂ©modĂ©, je fais l’exact contraire. Peut-ĂȘtre s’agit-t’il d’une stratĂ©gie et d’une dĂ©cision que je regretterai dans Ă  peu prĂšs une dizaine d’annĂ©es. Lorsque je me dĂ©ciderai Ă  changer de point de vue contraint ou forcĂ©. Ou Ă  changer le thĂšme de mes articles.

Toutefois, il existe un bĂ©mol Ă  cette autocritique : mes articles les plus lus sont relatifs aux Arts Martiaux ainsi qu’un article consacrĂ© Ă  Brigitte Lahaie, une ex star française de films pornos qui n’a jamais portĂ© de kimono. 

Et, il y a aussi un autre bĂ©mol Ă  apporter Ă  cet Ă©loge dithyrambique que j’ai fait concernant la supposĂ©e supĂ©rioritĂ© de la tradition sur la modernitĂ©, un prĂ©jugĂ© de plus dans lequel je me suis trĂšs confortablement installĂ© : 

Pendant une vingtaine d’annĂ©es, j’ai roulĂ©  dans une voiture Toyota achetĂ©e deux ans aprĂšs mon premier voyage au Japon. Et le nouveau modĂšle d’occasion, plus rĂ©cent, que j’ai achetĂ© Ă©galement Ă  crĂ©dit l’annĂ©e derniĂšre n’est pas en cĂ©ramique. 

Il me reste aussi quelques souvenirs durables du Japon de 1999.

 

Des souvenirs durables de mon voyage au Japon en 1999

 

De Tsukuba, cette ville de banlieue qui Ă©voquait la campagne, situĂ©e Ă  une heure de Tokyo oĂč habitait mon amie Ă  l’époque. D’une course improvisĂ©e Ă  vĂ©lo en revenant de la gare de Tsukuba avec une collĂ©gienne ou une lycĂ©enne dans sa tenue ( jupe, baskets, dĂ©bardeur et chemise blanche).

De Pierre, lycéen français au Japon grùce au Rotary Club de sa ville.

De cette secousse sismique alors que je discutais avec mon amie dans son appartement. De ce tournoi de Sumo oĂč nous nous Ă©tions rendus.

Je me rappelle de cette prĂ©venance des Japonais et des Japonais faisant ( tout) leur possible pour me renseigner dans la rue dĂšs lors que je m’étais adressĂ© Ă  eux avec les quelques mots d’usage et de politesse consacrĂ©s que je connaissais en Japonais. Des mots agissant Ă  la fois comme des sĂ©sames ou des talismans poussant mon interlocuteur et mon interlocutrice Ă  s’assurer que je prenais bien ensuite la bonne direction comme si son destin ou son karma en dĂ©pendait. Des mots que je n’ai pas oubliĂ©s et qui signifient « Bonjour », « Bonsoir », «  Je voudrais, s’il vous plait », « Merci beaucoup », « ĂȘtes-vous d’accord ? », «  Faites attention Ă   vous » .

Il y avait ces rues envahies par ces foules, plus imposantes qu’ailleurs, au moment de les traverser ou marchant sur les trottoirs. Ce cycliste se frayant patiemment l’usage d’un passage Ă  travers la multitude de piĂ©tons sur le trottoir sans que personne ne lui fasse le moindre reproche.

Kyoto, le Shinkansen. La ponctualité millimétrée des trains. La propreté immaculée des gares.

Ce sentiment de sĂ©curitĂ© dans les rues ignorĂ© du banlieusard que j’étais et confirmĂ© par mon amie.

Il y a aussi ce Salary man qui, Ă  Tokyo, vers 22 heures, habillĂ© en pantalon et chemise, son attachĂ© case Ă  la main, s’était subitement mis Ă  dĂ©gueuler sur le quai de cette gare oĂč, comme lui, j’attendais le train pour rentrer. Puis, il s’était Ă©loignĂ© de ses vomissements sans rien dire.

Dans quelques rues d’Hiroshima, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de voir ces jeunes femmes ou ces adolescentes au profil d’écoliĂšres de type lolita, vĂ©ritables clignotants vestimentaires, qui attendaient le client Ă©garĂ© ou habituĂ©. A Hiroshima, toujours, j’avais aperçu ce bĂątiment dont le toit avait reçu la bombe atomique. Et, au musĂ©e tout proche, j’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© de constater que les Japonais Ă©taient prĂ©sentĂ©s comme les victimes de la bombe atomique sans souligner la responsabilitĂ© de l’armĂ©e japonaise plutĂŽt jusque-boutiste. Je n’avais pas encore lu que les opĂ©rations Kamikaze des aviateurs japonais avaient, dans les faits, donnĂ© peu d’avantages en terme de rĂ©ussite militaire mais, aussi, que la participation du Japon au conflit de la Seconde Guerre Mondiale Ă©tait prĂ©visible et devenu inĂ©vitable dĂšs lors qu’il lui restait six mois de rĂ©serve de pĂ©trole.

En 1999, j’avais aimĂ© me rendre dans les quartiers de Shibuya et de Harajuku rĂ©putĂ©s pour ĂȘtre des coins branchĂ©s de Tokyo. J’avais dĂ©plorĂ© ĂȘtre passĂ© Ă  cĂŽtĂ© de la vie nocturne du Japon. Cela aurait pu arriver si j’avais pu rencontrer Yuji et sa compagne plus tĂŽt dans une des rues de Tokyo. Anglophones tous les deux, ce qui Ă©tait rare, ils m’avaient fait dĂ©couvrir un bar-cinĂ©ma possĂ©dant une petite scĂšne dont mes yeux d’occidentaux n’auraient jamais  pu concevoir l’existence dans ce bĂątiment ou cet immeuble tout proche de nous. Ensuite, toujours le mĂȘme jour, le colocataire de Yuji, musicien et originaire de Nara, m’avait invitĂ© Ă  venir m’y rendre un jour. Sauf que je repartais pour la France
le lendemain.

J’étais rentrĂ© du Japon le lendemain comme lorsque l’on sort d’un rĂȘve.

Le Japon et moi, aujourd’hui :

Les quelques personnes Ă  qui j’ai parlĂ© de mon sĂ©jour au Japon, cette annĂ©e, se sont montrĂ©es enthousiastes. J’ai Ă©tĂ© marquĂ© par le sourire XXL de mon amie PĂ©pita, qui, Ă  l’époque, m’avait encouragĂ© Ă  faire un crĂ©dit que je n’ai jamais regrettĂ© mĂȘme s’il m’avait fallu ensuite deux annĂ©es pour le rembourser.

Le Japon reste une destination touristique peu courante comme en atteste encore la rĂ©ponse que m’a faite le boucher lorsque je l’ai interrogĂ© Ă  propos de ses vacances. MĂȘme si l’écoute d’un podcast cette semaine m’a appris que de plus en plus de vacanciers s’y rendaient et que quelques uns d’entre eux se comportaient de façon outranciĂšre.

En 1999, je buvais sĂ»rement encore du thĂ© en sachet ou du thĂ© aromatisĂ© avec beaucoup de sucre. Soit l’exact contraire d’aujourd’hui oĂč je bois du thĂ© vert japonais que j’achĂšte en vrac et que je bois sans sucre. Du Sencha ou du Gyokuro que je peux boire froid. L’un des gĂ©rants de la boutique de thĂ© oĂč j’ai des habitudes et oĂč j’ai commencĂ© Ă  acheter du thĂ© en vrac un jour, m’a dit que mon palais avait Ă©tĂ© Ă©duquĂ© mais, aussi, que notre palais a une mĂ©moire. Du goĂ»t et des tempĂ©ratures qui nous conviennent lorsque nous buvons du thĂ©.

J’ai l’impression d’ĂȘtre moins en pamoison devant la culture japonaise qu’en 1999. DĂ©libĂ©rĂ©ment et aussi parce-que je suis dans les dĂ©marches du quotidien, j’ai, pour l’instant, survolĂ© le programme que nous a adressĂ© LĂ©o concernant notre sĂ©jour lĂ -bas.

Mais si je me fie Ă  mon rapport au thĂ©, au salĂ©, et au maintien de mon intĂ©rĂȘt pour les Arts martiaux japonais ou autres, il semblerait que je sois bien plus rĂ©ceptif Ă  la culture japonaise que je ne le crois. De maniĂšre pragmatique, je crois que j’attends de me trouver dans l’avion pour Tokyo en bonne condition avec toutes les formalitĂ©s en rĂšgle pour pouvoir commencer Ă  pleinement vivre l’évĂ©nement. Avant cela, je me dis sĂ»rement que trop d’extrapolation et trop d’imagination tue l’expĂ©rience.

Cet article qui est une forme de prĂ©-bilan avant le voyage fait partie pour moi des « formalitĂ©s Â». Autant d’un point de vue instrospectif qu’à visĂ©e d’interaction avec d’autres. Car je crois que d’autres personnes qui seront au Japon ou non en juillet peuvent ressentir ou s’identifier Ă  ce que je raconte Ă  un moment ou Ă  un autre dans cet article.

Il y a quelques mois, je me suis dit que retourner au Japon lors du Masters Tour 2024 Ă©tait vraisemblablement une des meilleures façons pour moi de le faire. LĂ©o Tamaki nous a appris il y a quelques jours que nous serions 143 Ă  participer Ă  ce Masters Tour en juillet et que nous ferions des sessions avec des Maitres d’Arts Martiaux en Ă©tant 23 par groupes. Ce qui est un bon chiffre. 

En apercevant quelques offres commerciales que j’ai pu voir en faveur de voyages au Japon ces derniers jours, tant pour leur tarif que pour leur contenu, je me suis dĂ©jĂ  senti soulagĂ© d’avoir optĂ© pour le choix du Masters Tour 2024.

J’espĂšre et je compte ramener du Japon 2024, en mĂȘme temps que des impressions et des rencontres mĂ©morables, quelques images et un article pour ce blog qui essaieront de restituer cela au mieux. Pour les esprits jeunes et les esprits vieux, pour les esprits traditionalistes et les esprits modernes qui pourront y trouver plaisir et rĂ©confort. 

Rue de Rivoli, Paris, 9 juin 2024. Photo©Franck.Unimon

Nota Bene, ce mercedi 19 juin 2024 :

En repensant ce matin Ă  cet article aprĂšs l’avoir Ă©crit en grande partie hier, je me suis aperçu que j’avais complĂštement oubliĂ© de parler du risque de l’accident nuclĂ©aire au Japon. Un risque difficile Ă  totalement occulter pourtant aprĂšs ce qui s’Ă©tait passĂ© Ă  Fukushima en 2011. 

MalgrĂ© la probabilitĂ© du risque nuclĂ©aire, ou de celui d’un sĂ©isme, je reste sur l’impression que ce nouveau sĂ©jour au Japon m’extraira durant quelques temps des sortilĂšges d’un certain cirque quotidien. 

Franck Unimon.

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La Pointe des Chùteaux, Guadeloupe, ce 25 décembre 2023.

La Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

La Pointe des Chùteaux, Guadeloupe, ce 24 décembre 2023.

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Enfant, lorsque nous descendions vers la station du bus 304 en passant devant le thĂ©Ăątre des Amandiers, Ă  Nanterre, il me fallait multiplier les pas pour diviser l’allure de ma mĂšre.

Je trottinais Ă  cĂŽtĂ© d’elle sans toujours connaĂźtre la destination.

Un jour, alors que nous chevauchions le macadam depuis plusieurs minutes et que nous nous rapprochions du but, la station de bus, ma mĂšre, aprĂšs m’avoir interrogĂ©, malgrĂ© mes rĂ©ponses et plusieurs hĂ©sitations, avait dĂ©cidĂ© de rebrousser chemin.

Elle n’était pas sĂ»re d’avoir bien fermĂ© le gaz dans la cuisine de notre appartement en partant. Nous avions dĂ» remonter jusqu’au sixiĂšme Ă©tage de l’immeuble.

 

Bien-sĂ»r, elle l’avait fait.

 

Enfants, nos parents sont les archers, mais aussi les cochers ainsi que les sillons de nos horizons. La cible, pour nous, et les moyens de l’atteindre, peuvent ĂȘtre assez flous. Mais nous suivons.

Quelques années et des milliers de kilomÚtres plus tard, je me retrouve ce 25 décembre 2023 avec ma mÚre ( Tuer des noix de coco ) à la Pointe des Chùteaux, en Guadeloupe.

Ma prĂ©cĂ©dente venue en Guadeloupe remontait Ă  2014 avec ma compagne et notre fille alors Ă  peine ĂągĂ©e de un an. Pour ce sĂ©jour, il m’importait de venir seul en tant que fils aĂźnĂ©. Mon pĂšre avait eu des ennuis de santĂ© assez prononcĂ©s quelques semaines plus tĂŽt. Ma mĂšre m’avait exprimĂ© son souhait que je puisse venir avant la fin de l’annĂ©e 2023.

Pour l’annĂ©e 2024, j’ai entre-autres le projet de retourner au Japon  aprĂšs mon premier sĂ©jour lĂ -bas en 1999. Et, cette fois, ce sera en bĂ©nĂ©ficiant du sĂ©jour organisĂ© par LĂ©o Tamaki, expert en AĂŻkido ( Dojo 5 , Les 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2Ăšme Ă©dition ), qui nous a prĂ©parĂ© des rencontres avec des Maitres d’Arts martiaux ainsi que la visite de lieux culturels Ă  forte valeur ajoutĂ©e.

Il m’Ă©tait nĂ©cessaire, mĂȘme si je retournerai bien-sĂ»r en Guadeloupe, d’aller voir mes parents avant ce nouveau voyage au Japon ainsi qu’Ă  toute autre destination oĂč je me rendrai.

Lors de ce court sĂ©jour en Guadeloupe chez mes parents que j’avais dĂ» reporter (Le mystĂšre du Covid : Covid et embolie pulmonaire) , je me suis fixĂ© deux endroits oĂč retourner :

La Pointe des Chùteaux et la plage de Raisins clairs à St François.

A la Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

Pourquoi la Pointe des ChĂąteaux et la plage de Raisins clairs ? C’est arrivĂ© comme ça.

Je dois Ă  J
ancien collĂšgue croisĂ© Ă  l’hĂŽpital de Pontoise dans les annĂ©es 90, un peu plus jeune que moi de deux ou trois ans et qui a grandi en France comme moi, de m’avoir fait dĂ©couvrir une petite partie de cette Guadeloupe touristique que j’ai longtemps mĂ©connue.

Au point de me retrouver en France dans des situations honteuses :

Je n’oublierai pas ce moment oĂč une « connaissance Â» toute contente d’apprendre que j’étais originaire de la Guadeloupe avait commencĂ©, enthousiaste, Ă  Ă©grener devant moi la liste de ces endroits magnifiques qui l’avaient Ă©merveillĂ©e durant ses vacances en Guadeloupe.

Je l’avais regardĂ©e comme un idiot censĂ© s’exprimer Ă  propos d’un tableau extraordinaire que tout le monde admire et qu’il n’a jamais vu. Ou comme un croque-mort en train d’assister Ă  l’expression exagĂ©rĂ©e d’un bon moment.

Si, quelques annĂ©es plus tard, J
m’avait quelque peu dĂ©niaisĂ©, j’avais nĂ©anmoins Ă©tĂ© surpris par la suite, en apostrophant mon pĂšre, de l’entendre se dĂ©fendre en CrĂ©ole de la façon suivante :

« Mais ce sont des endroits oĂč, mĂȘme moi, je ne suis jamais allĂ© !».

Mon pĂšre qui patrouillait sur les routes de la Guadeloupe durant deux mois, nous trimballant de temps Ă  autre sur la plage, pour rencontrer (beaucoup) de personnes dont un certain nombre  faisait mine de s’intĂ©resser Ă  nous quelques secondes ou de m’apprendre « Je t’ai vu quand tu Ă©tais tout petit
 » avant de recommencer Ă  discuter avec mon pĂšre comme si je n’avais jamais existĂ©, n’était jamais allĂ© au Saut de la LĂ©zarde !

Cela se trouve Ă  Petit-Bourg, commune oĂč il Ă©tait nĂ©, oĂč il avait grandi, oĂč il revenait passer une grande partie de ses vacances chez ses propres parents et oĂč j’avais passĂ© mes tous premiers jours de vacances en Guadeloupe en 1975.

A Ste-Rose, Guadeloupe, décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

« La Guadeloupe, c’est ton pays ! » m’avait pourtant plusieurs fois rĂ©pĂ©tĂ© mon pĂšre avant que, enfant, nous n’allions Ă  nouveau prendre l’avion avec la compagnie Air France pour deux mois de vacances estivales lors des congĂ©s bonifiĂ©s.

Entre 1975 et 1986, avec mes parents, aucun de nos sĂ©jours en Guadeloupe ne nous a menĂ© jusqu’à la Pointe des ChĂąteaux. Il est ainsi un certain nombre d’endroits plĂ©biscitĂ©s par les touristes ou les personnes un peu curieuses en Guadeloupe dont j’ai pu, parfois, entendre le nom, sans jamais y mettre les pieds.

Par contre, La plage de Raisins clairs, Ă  St François, est un de mes premiers souvenirs de plage ou peut-ĂȘtre mon premier souvenir de plage en Guadeloupe en 1975. 

Lorsque l’on vient de l’üle de la Basse Terre, comme mes parents, il faut faire un peu de route pour se rendre Ă  St François, commune situĂ©e en Grande Terre. C’est sĂ»rement possible en car mais le plus pratique reste la voiture. Il n’existe pas de ligne de RER,  de mĂ©tro,  de train ou de TGV en Guadeloupe. 

Sur le trajet, en s’approchant de la Pointe des ChĂąteaux, ce 25 dĂ©cembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

 Avec J, sa copine et d’autres 
nous Ă©tions partis de la commune de Morne Ă  L’eau. Ce 25 dĂ©cembre 2023, ma mĂšre et moi sommes partis de la commune de Ste Rose. C’est plus long. Une bonne heure de route. C’est peut-ĂȘtre pour cette raison que mon pĂšre a prĂ©fĂ©rĂ© rester Ă  la maison. On peut en effet avoir l’impression de partir pour le bout du monde.

Mais, cette fois-ci, pas de course-poursuite Ă  cĂŽtĂ© de maman puisque je conduis la voiture de mon pĂšre. D’ailleurs, c’est moi qui ai attendu ma mĂšre dans la voiture tandis qu’elle finissait de se prĂ©parer. Ainsi, elle a sans doute pu prendre le temps de s’assurer que le gaz Ă©tait bien fermĂ©. 

Maman, à la Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, ce 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Son sac Ă  main sous le bras, alors qu’elle regarde la Croix de la Pointe des ChĂąteaux, je n’ai aucune idĂ©e de ce Ă  quoi peut bien penser ma mĂšre. Et, si je sais que l’on peut apercevoir l’üle de la DĂ©sirade, j’ignore toujours la raison de cette Croix. J’ai mĂȘme appris la veille dans un guide touristique qui date de plusieurs annĂ©es- que m’a remis ma mĂšre- que la Pointe des ChĂąteaux serait le site touristique le plus visitĂ© de la Guadeloupe avec environ 500 000 personnes par an.

Cette forte affluence cause d’ailleurs des dĂ©gĂąts Ă©cologiques. S’il y a assez peu de voitures lorsque nous nous garons et que je trouve assez facilement une place de stationnement, je suis aussi Ă©tonnĂ© de voir un ou deux guichets touristiques oĂč l’on propose des promenades en kayak ou des randonnĂ©es. Je ne me rappelle pas de ça.

Etant donnĂ© l’heure de notre arrivĂ©e, prĂšs de 13 heures, et la chaleur, je propose d’abord de nous restaurer au restaurant La Saveur du soleil que je dĂ©couvre.

Mais la cuisiniĂšre n’est pas encore arrivĂ©e ou n’est pas encore revenue. Alors, nous partons pour la Croix, ma mĂšre et moi. Et, chemin faisant, je lui porte son sac et sa bouteille d’eau minĂ©rale.

Nous avançons tranquillement. L’endroit m’attire pour sa symbolique et son point de vue.

La Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Lorsque nous arrivons prĂšs de la Croix, il y a encore Ă  peine dix personnes. A l’aller comme au retour, nous y avons rencontrĂ© principalement des francophones, plutĂŽt adultes, et majoritairement blancs. Lesquels, dans leur ensemble, ont soit devancĂ© nos salutations soit nous les ont « rendues Â».

PrÚs de la Croix de la Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Quelques minutes plus tard, ma mùre et moi avons l’endroit pour nous deux. Si l’on peut sans doute s’y plaire en amoureux ou en famille, ou en tant que photographe ou artiste peintre, je trouve que l’on peut aussi aimer y venir pour se recueillir.

La Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Ce n’est qu’une fois en bas, que ma mĂšre m’apprendra que c’était la premiĂšre fois qu’elle montait jusqu’à la Croix de la Pointe des ChĂąteaux. Quelques annĂ©es plus tĂŽt, avec son club de randonnĂ©e, elle avait marchĂ© vingt kilomĂštres pour s’arrĂȘter au bord de la plage et apercevoir la Croix qui pointait Ă  l’horizon.

Devant moi, ce 25 dĂ©cembre 2023, ma mĂšre ne se rappelle pas la raison pour laquelle elle et son groupe de marche s’en Ă©taient tenus Ă  ce trajet. Peut-ĂȘtre que quelqu’un, dans le groupe, s’était-il soudainement rendu compte qu’il avait oubliĂ© de fermer le gaz chez lui ?

Point de vue depuis la Pointe des Chùteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

A notre retour de la Croix, entre-temps, la cuisiniĂšre de La Saveur du soleil a pu revenir. Nous commandons notre repas.

Si le service a Ă©tĂ© un petit peu long, j’ai Ă©tĂ© trĂšs agrĂ©ablement surpris par l’originalitĂ©, la quantitĂ© et la qualitĂ© de ce que nous avons mangĂ©. J’avais commandĂ© le dernier bokit Ă  la morue disponible. Ma mĂšre en avait pris un au poulet. Le bokit, servi Ă©galement avec une salade accompagnĂ© d’une trĂšs bonne vinaigrette, est croustillant et n’est pas en « plĂątre » ou gorgĂ© d’huile. Le poulet adressĂ© a Ă©tĂ© grillĂ© sur la braise. 

On nous a aussi servi une purĂ©e d’igname et de giraumon faite sur place. En dessert, nous avons eu une trĂšs bonne salade de fruits locale.

AprĂšs notre repas, je suis allĂ© fĂ©liciter le personnel. J’ai appris que La Saveur du Soleil existait depuis au moins une vingtaine d’annĂ©es, ouvert au dĂ©part par le pĂšre d’une des employĂ©es. Et que la carte visait Ă  essayer de renouveler la cuisine traditionnelle de la Guadeloupe.

Ensuite, nous sommes partis pour la plage de Raisins Clairs oĂč, muni d’un de mes masques d’apnĂ©e,  j’ai pu faire des bulles dans l’eau pour la premiĂšre fois depuis mon embolie pulmonaire, courant novembre.

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Franck Unimon, ce dimanche 21 janvier 2024.

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Tuer des noix de coco

La Guadeloupe, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

                         Tuer des noix de coco

Depuis mon retour de Guadeloupe, j’ai l’impression d’avoir une petite vie. Ainsi qu’une petite bite. Cela a commencĂ© dans l’avion, pendant le vol du retour, alors que je voyais la Guadeloupe parcheminĂ©e et Ă©lectrifiĂ©e de lumiĂšre s’éloigner tout en bas. Je ne crois pas que partir vivre en Guadeloupe me donnerait plus de virilitĂ©.

Et, je crois ĂȘtre suffisamment immunisĂ© contre la croyance qui consisterait Ă  idĂ©aliser tout le bleu que l’on peut y trouver.

Vue depuis la Pointe des Chùteaux, commune de Saint-François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Mais dans l’habitacle de l’avion suspendu dans l’air, alors que je regardais Ă  travers le hublot, je me trouvais Ă©videmment au chevet de mes pensĂ©es et de ma conscience. Dans un de ces moments, oĂč, telles des vagues, certains reflets de notre luciditĂ© nous parviennent puis repartent ou disparaissent si on les laisse faire. Si on l’accepte. Si on les rejette.

J’écris aussi pour essayer d’avoir une (plus) grande vie. Si j’ai eu l’impression d’avoir une petite vie, c’est sĂ»rement parce-que, soudainement, dans l’avion, je me suis aperçu que j’avais trop souvent pris soin de certaines conventions au dĂ©triment de mon inspiration et de mon intuition. Et, chaque fois que j’écris, j’essaie de remĂ©dier Ă  ce dĂ©tournement.

J’étais en train d’écrire, il y a quelques jours, chez mes parents, Ă  Sainte-Rose, lorsque devant le « studio » (plutĂŽt un F2 d’une bonne cinquantaine de mĂštres carrĂ©s), j’ai commencĂ© Ă  entendre un bruit rĂ©pĂ©tĂ© et plutĂŽt sec. MalgrĂ© mes dix sĂ©jours ici depuis mes sept ans, entre 1975 et 2023, je n’ai pas identifiĂ© ce bruit.

Citadin nĂ© et Ă©duquĂ© en rĂ©gion parisienne, je suis ce que mes compatriotes peuvent appeler un Moun Frans’ (  terme plutĂŽt mĂ©prisant au dĂ©part pour dĂ©signer celle ou celui qui est nĂ©(e)ou qui a Ă©tĂ© « fait(e) » en France ). J’avais sept ans la premiĂšre fois qu’en colĂšre, une mĂšre, Ă  Morne-Bourg, m’avait traitĂ© de Moun Frans’ pour une maladresse que j’avais dĂ» faire.

Depuis, j’ai transformĂ© cette expression de Moun Frans’…en Moon France. Cet article est dans la catĂ©gorie Moon France et Voyage de mon blog.  

Mais il y a aussi l’expression  » C’est un bounty !  » que m’avait apprise un collĂšgue d’origine guyanaise. Aucun rapport avec les rĂ©voltĂ©s du Bounty. Le ou la bounty, c’est celle ou celui qui ne connaĂźt pas son pays ( ici, la Guadeloupe) :

Noir(e) Ă  l’extĂ©rieur et blanc/che Ă  l’intĂ©rieur. Une vraie lessive. Plus blanc/che que blanc/che.

Il y a aussi l’expression NĂ©gropolitain. Celui-ci n’a rien Ă  voir avec le Napolitain.

Il y a quelques jours, donc, alors que j’Ă©tais encore en Guadeloupe chez mes parents, le  Moun Frans’/ bounty/ nĂ©gropolitain que je suis qui Ă©tait occupĂ© Ă  Ă©crire sur son ordinateur portable a voulu, une fois de plus, en savoir plus. 

J’ai ouvert les portes en bois du studio.

C’était ma mĂšre, 75 ans, debout en haut d’un escabeau, son sabre (une machette) Ă  la main. Elle finissait de tuer (cueillir) une grappe de noix de coco. Mais aussi de nettoyer l’arbre.

Chez mes parents, fin dĂ©cembre 2023. On aperçoit sur la gauche l’arme du « crime » qui a servi Ă  tuer les noix de coco. Photo©Franck.Unimon

Je suis allĂ© la rejoindre. A peine trois mĂštres nous sĂ©paraient. J’étais restĂ© sur l’idĂ©e, dont elle m’avait informĂ© la veille, que ce matin, elle partirait faire de la marche Ă  5h30. J’avais oubliĂ© cette histoire de noix de coco dont elle m’avait parlĂ© un ou deux jours plus tĂŽt.

Ma mĂšre n’avait pas encore pris son petit-dĂ©jeuner tout comme moi. Dans la brouette se trouvaient une dizaine de noix de coco et une grappe de bananes poyo.

Les victimes vues de plus prÚs, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Elle est partie chercher des feuilles de patchouli. Et, en se servant d’eau de pluie qu’elle avait versĂ©e dans un seau, elle a lavĂ© les noix de coco « Car les rats montent dans l’arbre Â» m’a-t’elle expliquĂ©.

Alors qu’elle s’activait, debout et courbĂ©e devant moi, je lui ai demandĂ© :

« Tu ne t’assieds pas ?! Â».

Tout en continuant, elle m’a rĂ©pondu :

« Le banc est lĂ  -haut, dans la maison. De toute façon, je n’en n’ai pas pour longtemps
 Â». 

« Moi, aussi, je n’en n’ai pas pour longtemps
 Â». Je suis parti lui chercher le banc. Ma mĂšre s’est assise dessus sans rien dire avec un certain soulagement.

Nous avons continuĂ© de discuter tandis qu’elle s’affairait. L’aider ? Je l’aurais plutĂŽt ralentie.

Ensuite, ma mĂšre m’a montrĂ© des pieds de patchouli, de dafalgan, d’efferalgan. Je les ai sentis pour essayer de les retenir dans ma mĂ©moire.

En 2023, on opposait et on classifiait gĂ©nĂ©ralement les gens selon leur rĂ©ussite sociale et Ă©conomique, leurs caractĂ©ristiques culturelles, physiques et personnelles ou d’aprĂšs la plaque d’immatriculation de leur vĂ©hicule.

En 2024, ce sera identique.

Nous nous imprĂ©gnons tous des conventions que nous apprenons et voyons dans l’environnement dans lequel nous grandissons. Cela nous influence et contribue Ă  faire de nous, quel que soit notre Pouvoir et notre Savoir, des ĂȘtres plus ou moins performants, plus ou moins adĂ©quats, plus ou moins dĂ©sirables et plus ou moins heureux.

Maman, à la Pointe des Chùteaux, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Ma mĂšre, aide-soignante en rĂ©animation pendant des annĂ©es en rĂ©gion parisienne – jusqu’à son dĂ©part en prĂ©-retraite en 1999- a vĂ©cu en France un peu plus de trente ans tout comme mon pĂšre. Tous deux avaient une vingtaine d’annĂ©es lorsqu’ils ont quittĂ© leur Guadeloupe natale Ă  la fin des annĂ©es 60.

Ces gestes qu’elle a accomplis pratiquement devant moi, tuer des noix de cocos, les laver, elle ne les a pas appris à Sciences Po. Elle les avait appris bien avant que je n’entende ces mots de Sciences Po pour la premiùre fois.

Jamais, en France, je n’ai vu ma mĂšre et mon pĂšre tuer des noix de coco. Que ce soit devant notre immeuble HLM ou dans le jardin de ce pavillon de banlieue qu’ils avaient fini par acheter Ă  crĂ©dit Ă  Cergy-Pontoise au milieu des annĂ©es 80 en s’éloignant de trente kilomĂštres de la ville de Nanterre oĂč ils avaient continuĂ© de travailler. Elle, Ă  l’hĂŽpital et lui Ă  la Poste.

J’ai demandĂ© Ă  ma mĂšre :

– Qui t’a appris Ă  faire ça ? ».

– Je ne sais pas. Un frĂšre ou ma mĂšre. J’ai dĂ» voir faire quelqu’un. Quand tu vois faire, ensuite, tu essaies de faire pareil
..

– Tu avais quel Ăąge quand tu as appris ça ? .

– J’étais jeune
je devais avoir 10-12 ans
..

 

Ce que j’ai appris et ce que j’apprends me permet de l’écrire quand j’y pense. Mais pas toujours de l’appliquer ou de le vivre. EduquĂ© ou bien Ă©duquĂ©, je pourrai sans doute parler du livre Une soudaine libertĂ© de Thomas Chatterton Williams ou de Le CƓur sur la table de Victoire Tuaillon, le livre que j’ai le plus offert Ă  la fin de cette annĂ©e 2023. Mais cela ne me permettra pas de connaĂźtre l’usage d’un sabre et de tuer des noix de coco comme ma mĂšre ou mon pĂšre.

Bien-sĂ»r, par chez moi, en rĂ©gion parisienne et lĂ  oĂč je rĂ©side principalement, les cocotiers, s’il y en a, savent se tenir Ă  distance  de la connaissance et de la vue telles ces crĂ©atures fantastiques ou lĂ©gendaires dont on peut entendre parler.

Aussi, je n’ai pas une grande nĂ©cessitĂ© a priori Ă  apprendre Ă  me servir de cette machette fabriquĂ©e au BrĂ©sil (j’ai regardĂ©) utilisĂ©e par ma mĂšre afin de tuer des noix de coco.

On ne brille pas dans les soirĂ©es, sur une piste de danse, sur un plateau tĂ©lĂ© ou lors d’un casting en sachant tuer des noix de coco. On ne serre pas plus de meufs ou de mecs sur Insta, au travail ou Ă  un barbecue en rĂ©gion parisienne ou dans une autre ville de France parce-que l’on sait faire pousser des ignames jaunes, occire un cochon comme un de mes oncles paternels et faire du boudin avec.

Ces Savoirs ont par contre toute leur importance Ă  la campagne, en Guadeloupe et ailleurs, lorsque la recherche de la survie est au menu dans un milieu naturel, lors d’une guerre ou d’une catastrophe ou dans des Ă©missions ou des films grand public tels que Koh-Lantah ou Hunger Games. Ou lorsque des touristes ou des voyageurs sont de passage et viennent dĂ©couvrir « autre chose» qui les dĂ©payse. 

Sauf que chaque Savoir est entouré de ses croyances et de ses valeurs. De ses codes et de sa langue ou de son langage. Mais aussi de ses hameçons.

On peut se marrer devant certaines de ces croyances et de ces valeurs ou avoir du mal Ă  les avaler mais il me semble pourtant que c’est comme ça dans chaque rĂ©gion du monde, dans chaque microcosme, aujourd’hui comme demain.

ImprĂ©gnĂ© des valeurs et des croyances campagnardes et traditionnelles de ma famille aussi bien paternelle que maternelle, mĂȘme sans avoir jamais essayĂ© de faire pousser un igname ou de tuer une noix de coco, j’ai Ă©tĂ© formĂ© puis influencĂ© par elles lors de mes voyages et de mes rencontres depuis des annĂ©es.

Pour le meilleur et aussi pour le pire :

Il m’est arrivĂ© d’ĂȘtre mal inspirĂ© dans mes rencontres personnelles et intimes. Amicales comme amoureuses. Mais aussi pour prendre certaines dĂ©cisions de tout ordre.

Et, en buvant ce matin-lĂ , Ă  jeun, avant mon petit-dĂ©jeuner, l’eau d’une des noix de coco que ma mĂšre m’a ensuite tendu, puis en mangeant ensuite avec plaisir le lait qu’elle avait retirĂ© de plusieurs de ces noix de coco, j’ai, sans mĂȘme y penser, comme des milliards d’ĂȘtres humains en ce dĂ©but d’annĂ©e, renouvelĂ© le pacte qui me liait Ă  mes parents et Ă  mes origines familiales. 

Parce-que c’est d’abord eux qui m’ont appris ou montrĂ© comment vivre.

Ensuite, il faut grandir. Apprendre à lire et à ajuster ce que l’on a reçu.

Savoir transposer lĂ  oĂč l’on est ce que nos parents- et nos maitres comme nos modĂšles- nous ont appris et montrĂ© en se taillant si possible une vie sur mesure qui, d’une part, les rassure, mais aussi, nous permet les meilleures aventures.

Vue depuis la Pointe des Chùteaux, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce lundi 1er janvier 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Corona Circus Voyage

Les Portes ouvertes des Frigos de Paris ce dimanche 22 Mai 2022

Devant les Frigos, le 12 Mai 2022. ©Franck.Unimon

 

Les Frigos, ce 12 Mai 2022. ©Franck.Unimon

 

Les Frigos, le 12 Mai 2022. ©Franck.Unimon

 

 

Les Frigos, le 12 Mai 2022. ©Franck.Unimon

 

 

Les Frigos, le 12 Mai 2022. ©Franck.Unimon

 

 

Les Frigos, le 12 Mai 2022. ©Franck.Unimon

 

 

 

Les Frigos, ce dimanche 22 Mai 2022 vers 18h. ©Franck.Unimon

 

 

 

Les Portes ouvertes des Frigos ce dimanche 22 Mai 2022

Un des documents affichĂ©s que l’on peut voir Ă  un des Ă©tages des Frigos ce dimanche 22 Mai 2022.

 

 

Pareil au document ci-dessus.

 

 

Idem.

 

 

Idem. Je confirme le fait que ce lieu est trÚs cinématographique.

 

Je suis retournĂ© aux anciens Frigos de Paris, dans le 13Ăšme arrondissement de Paris, ce dimanche 22 Mai 2022 parce-que, quelques jours plus tĂŽt, le 12 Mai, j’ai ratĂ© un bus.

 

Et que j’ai pris le suivant avec B
 un des artistes rĂ©sidents depuis une vingtaine d’annĂ©es. AprĂšs son pĂšre. Lequel B… m’a parlĂ© de ces portes ouvertes du 21 et du 22 Mai 2022.

 

J’étais venu la premiĂšre fois aux Frigos au dĂ©but des annĂ©es 90. Un camarade de la Fac de Nanterre m’avait parlĂ© de ses studios de rĂ©pĂ©tition de musique. Un camarade plutĂŽt sympathique mais aussi Ă©tonnant, peut-ĂȘtre mythomane. NĂ©anmoins, ce qu’il m’avait dit des Frigos m’avait donnĂ© envie d’y aller.

 

La ligne 14, ce dimanche 22 Mai 2022. ©Franck.Unimon

 

J’habitais encore Ă  Cergy-Pontoise. J’étais descendu Ă  la station de mĂ©tro du Quai de la gare. La ligne 14 du mĂ©tro n’existait pas. Les lieux m’avaient Ă©patĂ© avec leurs grosses portes de frigo. Leur atmosphĂšre. J’avais trouvĂ© un lieu qui sortait des contours de l’ordinaire. Je m’étais alors senti moins lisse, moins scolaire. MĂȘme si je ne savais pas quoi faire de cette « dĂ©couverte Â» qui n’en n’était pas une pour d’autres.

 

NĂ©anmoins, content de moi, j’y avais emmenĂ© ma copine de l’époque. Laquelle, intimidĂ©e, m’avait dit :

 

« C’est bon, tu as rĂ©ussi ton coup. Ça me fait peur. Maintenons, partons ! Â». C’était en 1992 ou en 1993.

 

Puis, il y a un peu plus de cinq ans, je me suis approchĂ© Ă  nouveau des anciens Frigos de Paris. Lesquels, entretemps, m’avaient semblĂ© plus inaccessibles qu’au dĂ©but des annĂ©es 1990.

 

Sauf lorsque j’avais appris que StĂ©phane Bourgoin, alors encore spĂ©cialiste français incontournable des tueurs en sĂ©rie (en 2020, il fut confondu pour plusieurs de ses mensonges ) y organisait, sous les voutes, prĂšs des anciens Frigos de Paris, un Ă©vĂ©nement relatif Ă  ce sujet. 

C’était aprĂšs la parution du livre UtΞya, en 2013, de Laurent Obertone « consacrĂ© Â» Ă  la  tuerie de masse commise en NorvĂšge, Ă  Oslo et sur l’üle d’UtΞya, par Anders Breivik en 2011. Je me rappelle de StĂ©phane Bourgoin Ă©voquant ce livre devant moi avec un certain enthousiasme et de mon embarras : je ne l’avais pas lu malgrĂ© mon « intĂ©rĂȘt » pour la criminologie et alors que je l’avais interviewĂ© (StĂ©phane Bourgoin) deux fois deux ou trois ans plus tĂŽt.

 

J’avais trouvĂ© les salles des voutes des anciens Frigos de Paris trĂšs bien ajustĂ©es Ă  l’Ă©vĂ©nement, question ambiance. Une nuit cinĂ©ma y avait mĂȘme Ă©tĂ© organisĂ©e. Durant l’une des journĂ©es de cet Ă©vĂ©nement consacrĂ© aux tueurs en sĂ©rie, je me rappelle de certains intervenants, dont un magistrat. Et d’un inspecteur de police qui avait croisĂ© Richard Durn, auteur de la tuerie de la mairie de Nanterre, lors d’un conseil municipal,  aprĂšs son arrestation. J’avais connu Richard Durn au lycĂ©e de Nanterre et j’avais passĂ© quelques moments avec lui. Je me souviens assez bien de lui. ( Au LycĂ©e ).

Dans les voutes proches des frigos, des livres et des bandes dessinĂ©es avaient Ă©galement Ă©tĂ© mis en vente avec possibilitĂ© de dĂ©dicace. Dont Mon ami Dahmer de Derf Backderf. Cela devait ĂȘtre en 2013 ou 2014.

Pour un peu toutes ces raisons, retourner ce dimanche 22 Mai 2022 aux anciens Frigos, revenait aussi à retourner dans mon passé.

 

 

Plusieurs des artistes rencontrĂ©s, visitĂ©s, ce dimanche, Ă©taient dĂ©ja rĂ©sidents aux Frigos lors de ma premiĂšre venue au dĂ©but des annĂ©es 90. C’est en discutant un peu avec eux que je l’ai appris. Car ce dimanche 22 Mai, pas de tueur en sĂ©rie ou d’odeur de poudre lorsque j’arrive. Une ambiance agrĂ©able. Plusieurs personnes sont attablĂ©es, dehors, dans la cour intĂ©rieure pavĂ©e et prennent un verre. Mais je ne peux pas m’asseoir avec elles. Puisque j’arrive plus tard que prĂ©vu et je ne sais pas combien de temps il me reste pour « entrer » dans les Frigos. En passant, je vois que j’ai ratĂ© un concert de Rap mais aussi une prestation de poĂ©sie.

Si le public que j’aperçois est assez fĂ©minin, on vient aussi Ă  ces portes ouvertes en famille. La veille, je suis allĂ© au Survival Expo Paris 2022. Ce qui m’a amenĂ© Ă  venir seulement ce dimanche.J’ai envisagĂ© de venir le matin avec ma fille mais les devoirs pour l’Ă©cole ont pris plus de temps que prĂ©vu. Et puis, je me suis demandĂ© si cet endroit lui conviendrait. Oui, il aurait pu convenir car j’ai croisĂ© quelques parents avec leurs enfants.

J’arrive sur la fin de ces portes ouvertes. Il est prĂšs de 18h et j’ai le plaisir d’apprendre que cela se terminera Ă  20H. J’apprĂ©hendais que cela ne s’arrĂȘte plus tĂŽt.

 

Si je passe d’abord par le premier et le second Ă©tage, j’opte ensuite assez rapidement pour monter (par les escaliers, plutĂŽt que par l’ascenseur qui fonctionne) le plus haut possible. Au 4Ăšme et au 5Ăšme Ă©tage.

 

Comme il y a un peu de visiteurs et qu’il fait beau, au mois de Mai, je ne ressens pas cette atmosphĂšre inquiĂ©tante que j’avais trouvĂ©e la premiĂšre fois oĂč il faisait sombre ou nuit, alors que pas grand monde ne circulait dans les escaliers et les couloirs.

Les photos qui arrivent ne suivront pas toujours avec exactitude la chronologie de ma visite ce dimanche 22 Mai 2022. 

 

©Franck.Unimon

 

 

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Ici, j’ai reçu gracieusement des conseils concernant le montage. ©Franck.Unimon

 

©Franck.Unimon. La suite de la photo prĂ©cĂ©dente. On peut voir qu’il est alors 18H50. Il reste un peu plus d’un heure. Il y a 5 Ă©tages Ă  monter ( je me suis passĂ© de l’ascenseur) et je ne sais pas combien d’ateliers sont ouverts.

 

 

 

L’artiste Marquat, peintre et sculpteur. ©Franck.Unimon

 

 

Sculptrice, cĂ©ramiste, peintre, Isabelle Mouedeb est Ă©galement art-thĂ©rapeute et pĂ©dagogue. J’ai Ă©tĂ© particuliĂšrement attirĂ© par ses sculptures en cĂ©ramique pour lesquelles elle utilise  » deux techniques principales : le raku et l’enfumage. Sur un prospectus qu’elle m’a remis, ces deux techniques, que j’ai dĂ©couvertes, sont expliquĂ©es. Il n’y a rien d’Ă©tonnant dans le fait que la technique du Raku m’ait plu puisque je suis amateur de thĂ© japonais et avais ramenĂ© de mon voyage au Japon une tasse de thĂ© en cĂ©ramique sans aucun doute fabriquĂ©e avec cette technique.

Les oeuvres au premier plan sont d’Isabelle Mouedeb. ©Franck.Unimon

 

Oeuvres d’Isabelle Mouedeb. ©Franck.Unimon

 

 

Oeuvres d’Isabelle Mouedeb. ©Franck.Unimon

 

 

 

 

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Saint Chaffray est sculpteur. ©Franck.Unimon

 

 

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Oeuvres de Saint Chaffray. ©Franck.Unimon

 

 

Oeuvres de Saint Chaffray, sculpteur. ©Franck.Unimon

 

 

Traits d’humour de l’artiste Sacha ©Franck.Unimon

 

 

L’artiste Sacha. ©Franck.Unimon

 

©Franck.Unimon

 

 

La voisine d’Ă  cĂŽtĂ©. ©Franck.Unimon

 

 

Oeuvres de l’artiste peintre France Mitrofanoff. ©Franck.Unimon

 

 

France Mitrofanoff m’a proposĂ© de me prendre en photo devant ses oeuvres. Je ne pouvais pas refuser. Photo faite par France Mitrofanoff.

 

 

©Franck.Unimon

 

 

©Franck.Unimon

 

 

 

 

 

 

 

La galerie de l’Aiguillage. ©Franck.Unimon

 

 

La galerie de l’Aiguillage.

 

 

Photo d’Alain Lepagnot dans les Ă©tages.

 

 

 

 

 

Dans la galerie de l’Aiguillage.

 

 

 

Fresque POP Graffiti par JO DI BONA rĂ©alisĂ©e en 12h Live Sans solvant ni Produit toxique Exposition Mars 2017 AIGUILLAGE Photo ce dimanche 22 Mai 2022, ©Franck.Unimon

 

 

 

 

 

Photo ©Franck.Unimon

 

 

A droite, Patrik  » T » Thouroude, Ă  gauche, au piano, Patrizio. ©Franck.Unimon

 

©Franck Unimon, ce mardi 24 Mai 2022

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Voyage

New York 2011 : « You’re Welcome ! »

 

New-York 2011 : «  You’re Welcome ! Â».

( cet article est la suite de New-York 2011- 2Ăšme partie )

 

Ma compagne m’a proposĂ© d’aller au cinĂ©ma dans Time Square. Je ne peux qu’accepter. Nous reprenons le bus. Et sa climatisation. Nous longeons la partie ouest de Central Park.

 

Nous passons devant le musĂ©e amĂ©ricain d’histoire naturelle. J’ai entendu dire beaucoup de bien de ce musĂ©e qui a manifestement Ă©tĂ© trĂšs frĂ©quentĂ© ce dimanche. Je vois principalement des blancs. La statue devant le musĂ©e me dĂ©range :

Un blanc Ă  cheval. A sa gauche, Ă  pied, un noir. A sa droite, je ne vois pas qui marche Ă  ses cĂŽtĂ©s. Un Indien ?

 

Nous descendons Ă  la 59Ăšme rue. LĂ , une dame avec un accent d’Europe de l’est me rĂ©pond que Time Square est Ă  environ dix rues ( «  Ten blocks ! Â» de lĂ  en prenant Broadway.

 

En prime abord, je trouve Broadway plaisant. Bien plus que Madison Square Garden.

Et puis, nous entrons dans un pavé touristique. Et puis, toute cette foule. Tous ces écrans. Toutes ces lumiÚres. Il est un peu moins de dix neuf heures.

 

Nous croisons une foule qui se fait des gestes/signes sur un Ă©cran gĂ©ant. A d’autres endroits, nous entrons dans un magasin Quicksilver «  Hi Guys ! Â» ouvert jusqu’à minuit.

Ailleurs, il semble qu’il y’ait des parcs d’attraction, des salles de spectacles courues. Mais je n’y comprends rien. Je vois de la promo pour Mme Tussaud. Samuel Jackson à l’affiche. Un restaurant ou une salle de concert B.B King/ Lucille.

Apparemment, devant une salle, une actrice se fait interviewer. Des passants la photographient. La vingtaine, blonde, mince, en robe et souriante, elle semble contente de ce qui lui arrive. Je me dis qu’elle doit avoir un rîle dans une piùce à succùs.

Il nous faut nĂ©anmoins demander Ă  deux reprises oĂč se trouvent les cinĂ©mas. Car, ici, ils ne sont pas majoritaires. Je redoute de tomber sur un UGC. Sur une rĂ©plique exacte d’un UGC parisien.  Finalement, non.

J’aurais aimĂ© voir le film avec GĂ©rard Butler mais il passe trop tard : une heure trente plus tard.

Nous optons pour le film Abduction dont j’ai oubliĂ© le titre en Français avec Taylor Lautner en hĂ©ros. Taylor Lautner, dĂ©couvert/rĂ©vĂ©lĂ© grĂące Ă  Twilight  dont j’ai dĂ©jĂ  vu Ă  peu prĂšs en entier le premier Ă©pisode, je crois.

 

L’affiche et l’annonce du film en France m’ont fait penser Ă  du Jason Bourne. Autant, j’ai aimĂ© la trilogie de Jason Bourne, autant je suis perplexe devant l’affiche. Mais les critiques, en France, ont Ă©tĂ©, je crois, plutĂŽt bonnes.

 

La caissiĂšre, Priscilla, est plutĂŽt jeune et jolie. Mais elle est lĂ  pour faire du chiffre et aligne ses phrases mĂ©caniquement. Lorsque je lui demande s’il existe une feuille avec les rĂ©sumĂ©s des films, il lui faut quelques secondes pour comprendre. Enfin, elle comprend et je rĂ©cupĂšre une feuille. Je ne comprends rien Ă  ses indications pour trouver la salle mais je suis serein. RĂ©trospectivement, elle m’avait sĂ»rement dit « Level five ! Â» soit tout en haut.

Nous prenons les escalators.

 

La salle est assez petite. Cent places ? Plus ?

Les fauteuils s’abaissent lorsque l’on s’assied. Ils me donnent une impression de mollesse qui me dĂ©plait. Bien-sĂ»r, il y’a du pop corn dans la salle mais pas plus que dans certains films grand public dans une salle UGC Ă  Paris. Quelques tĂ©lĂ©phones portables allumĂ©s. Par contre, mieux vaut entendre les rĂ©clames publicitaires car leur volume sonore est particuliĂšrement Ă©levĂ©.

 

Le film : Taylor Lautner est sur le capot d’une voiture conduite Ă  vive allure sur la route par un de ses meilleurs amis. Un blanc. Un noir. MalgrĂ© la vitesse et les virages, Taylor Lautner n’a pas peur. Le trio arrive Ă  une party. Le noir est un faussaire de gĂ©nie : il fabrique des faux papiers d’identitĂ© qu’il vend Ă  prix d’or. « No Stress Â».

Taylor croise une jeune fille qu’il biche. Elle, aussi, le biche. Mais elle l’évite et elle a un copain. Lequel bouscule Taylor Lautner. Surproduction de testostĂ©rone. La fille intervient. Pas de bagarre. Taylor et ses copains s’amusent. Il prend une cuite, se rĂ©veille le lendemain, torse nu, dans le jardin qui a servi Ă  la fĂȘte. Celle qui a organisĂ© la fĂȘte a une heure pour tout ranger avant que ses parents n’arrivent.

Dans ce film, outre Lautner, il y’a Alfred Molina, Maria Bello, Sigourney Weaver.

Il y’a des traits d’humour que je n’ai pas compris. Mais je crois avoir compris l’intrigue et le but de ce film :

AprĂšs le succĂšs de Twilight, pousser la carriĂšre de Taylor Lautner. Lequel a d’évidentes aptitudes plastiques et acrobatiques. Sorti de ça, Ă  part du pop corn, il n’y’a rien dans ce film. Un film de spectacle pour celles et ceux qui veulent du spectacle. Un spectacle de division d’honneur ou de troisiĂšme division.

AprĂšs ça, trente minute de marche jusqu’à l’hĂŽtel. Nous Ă©tions claquĂ©s. Je me suis dit que ce dimanche, nous en avions trop fait.

J’étais claquĂ©, j’avais la nausĂ©e et un peu mal Ă  la tĂȘte. Nous nous sommes couchĂ©s sans dĂźner Ă  23 heures. Sur la messagerie du tĂ©lĂ©phone de notre chambre, un message de la rĂ©ception pour nous proposer une soirĂ©e Ă  23 heures
.

 

Aujourd’hui, ce lundi 10 octobre, il nous fallait frapper un grand coup !

Notre City Pass achetĂ© sur internet avant notre arrivĂ©e Ă  New-York nous donne droit Ă  six sorties culturelles (musĂ©es, croisiĂšre, point de vue panoramique). Puisque nous repartons samedi et que nous envisageons de prendre notre temps pour ces sorties, il devenait nĂ©cessaire d’en faire deux si possible aujourd’hui. Sans nous fatiguer. Car ma compagne a eu les mĂȘmes impressions que moi par rapport Ă  notre journĂ©e d’hier. Et, je me demande comment font celles et ceux qui restent entre trois et cinq jours Ă  New-York avec le dĂ©calage horaire. A part en courant en permanence ou en se concentrant sur deux ou trois activitĂ©s, je ne vois pas
.

 

 

Nous avons cette fois pris notre petit-dĂ©jeuner vers midi. Le temps de finir mon compte-rendu dans ce cahier, de m’étirer et de me doucher
mais ma compagne ne m’a pas semblĂ© trĂšs pressĂ©e non plus.

Nous sommes allĂ©s Ă  PrĂȘt Ă  Manger dans la 3Ăšme avenue. Lieu de restauration fermĂ© le week-end qui nous avait fait bonne impression Ă  notre arrivĂ©e Ă  New-York. Nous avons d’abord cru que ce serait trĂšs cher. Alors, nous commandons  prudemment.

Je prends un Bagel. Ma compagne dit d’abord : « Ă§a va ĂȘtre cher ! Â».

Nous partons. Je goĂ»te le Bagel. Il est trĂšs bon. Ma compagne le goĂ»te puis me dit :

« C’est comme tu veux ! Â». Nous y retournons :

Un Mocha et deux Bagels pour elle. Un large hot chocolate, un Muffin aux baies et Ă  l’orange et un verre d’eau pour moi. Conclusion : 13 dollars. SuccĂšs commercial. C’est fait maison. C’est bon et c’est copieux. Martine a du mal Ă  finir son Mocha. Ce que j’ai pris me suffit.

Nous partons pour le MOMA avec le deuxiĂšme Bagel de ma compagne.

Une partie du tableau  » Christina’s World » rĂ©alisĂ© en 1948 par Andrew Wyeth.

 

Le MOMA est Ă  une dizaine de minutes Ă  pied de l’hĂŽtel. Demain, il sera fermĂ©. Mais avant ça, je cherche un lavomatic dans le quartier. Mais Ă  qui demander ?

Je remarque un noir qui parle dans son tĂ©lĂ©phone portable en poussant un diable vide. Il a une bonne quarantaine d’annĂ©es. Peut-ĂȘtre plus. A l’entendre, je crois reconnaĂźtre un HaĂŻtien. Je l’interpelle devant le magasin Duane.

Oui, il parle Français. Mais il me rĂ©pond d’abord en Anglais. Puis, il se met au Français. Il habite Brooklyn. Il n’est pas du quartier mais il veut bien se renseigner. Il pousse son diable dans le Duane comme en terrain familier, salue un des jeunes caissiers (la vingtaine) qui semble s’ĂȘtre accommodĂ© du personnage qu’il perçoit sans doute comme un farfelu. Non, il ne sait pas oĂč il y’a un lavomatic dans le quartier.

Notre homme interpelle un autre noir, une cliente. Personne ne sait.

Il part chercher le manager. Revient peu aprĂšs : le manager ne sait pas. Et dire qu’à Brooklyn, oĂč il habite, il y’a tant de lavomatic !

Il se propose presque de nous y accompagner. Je dĂ©cline. Il me propose de l’appeler si j’ai besoin d’un service. Je dĂ©cline tout autant poliment. A Church Avenue, Ă  Brooklyn, il y’a plein de lavomatic m’assure-t’il. Il me rĂ©pond qu’il faut amener sa lessive. Il est bien HaĂŻtien et s’appelle Zelo.

 

 

Puis, le MOMA.

 

Il y’a du monde. La jeune femme du vestiaire a commencĂ© Ă  perdre patience.  Oui, le vestiaire est gratuit. Mais au moment de prendre mon sac : ai-je du matĂ©riel Ă©lectronique dedans ? Oui.

Dans ce cas, il me faut le prendre avec moi. Bon.

Ai-je des objets de valeur dans mon sac ? Oui. Il me faut les prendre avec moi.

Puis, elle m’explique que l’usage des appareils photos et camĂ©ra est autorisĂ© au MOMA. Que je peux emmener mon sac avec moi.

Il me faut un moment pour comprendre : j’étais content de pouvoir m’allĂ©ger pour profiter au mieux de cette exposition. Alors, en souriant, je la fais rĂ©pĂ©ter. Je la vois qui commence Ă  perdre patience. Je dĂ©cide de prendre mon sac.

 

 

Pendant les dix premiùres minutes, dans la partie Art contemporain, je me sens idiot. Ce que je suis sans doute de plus en plus. Ensuite, je bute sur les constants chefs d’Ɠuvre de peintres comme Picasso etc
Jeff de Kooning


Je ne vois rien. Une femme assez bruyante, et accompagnĂ©e de ses deux garçons, interpelle un gardien. Noir. Ils Ă©taient principalement noirs. J’ai vu un seul gardien sud-amĂ©ricain.

La femme demande au gardien ce qu’il voit dans la toile qu’elle regarde. Celui-ci lui rĂ©pond qu’il faut utiliser son imagination. La femme affirme devant le gardien dĂ©bonnaire qu’elle l’utilise, son imagination !

 

Et puis, des tableaux m’ont plu. Comme NapolĂ©on into Wilderness de Max Ernst. Ou un portrait de Modigliani.

 

Dans une salle, alors que j’entre, le gardien, un noir d’environ 1m90 pour 120 kilos mime le geste de m’adresser un ballon de football  amĂ©ricain. Au dĂ©part, je ne rĂ©agis pas.

Il rĂ©pĂšte son geste. Je fais mine d’attraper le ballon. Il fait semblant d’avoir le ballon contre lui. Cela lui suffit. Je poursuis ma visite.

Lorsque je ressors de la salle, il recommence. Toujours à distance. Environ cinq à dix mÚtres nous séparent. Tout se passe en silence.

 

 

Nous terminons notre visite un peu avant 17 heures. Vers 16h30. Puis, direction la Circle Line pour une croisiĂšre autour de Manhattan. Nous faisons en fait un demi tour. Le bateau est plein.

Nous avons droit Ă  un commentateur pendant une bonne partie de la traversĂ©e. J’ai compris des bouts de ses commentaires. J’ai pris des photos, quelques vidĂ©os. C’est le rĂ©sultat de ces images qui me dira si cela m’a plu. Car ĂȘtre sur un bateau aussi plein m’a dĂ©plu.

 

 

Pour dĂźner ce soir, nous faisons une halte auprĂšs d’un marchand ambulant :

Pour du riz et du falafel. Pour du riz et du gyro, mĂ©lange de poulet et d’agneau. Dix dollars.

L’homme me demande d’oĂč nous venons. Je lui rĂ©ponds. Je lui demande d’oĂč il vient :

« Afghanistan Â».

 

 

Ce soir, deux Ă©vĂ©nements :

 

J’ai mis un pied dans le magasin de comics repĂ©rĂ© prĂšs de l’hĂŽtel. Dix minutes avant sa fermeture Ă  21h ?

Ma compagne m’a appris que sur la carte, à New-York, les rues sont horizontales et les avenues, verticales jusqu’à Chelsea et Gramercy. Ensuite, la carte se complique.

Elle se dĂ©brouille trĂšs bien avec la carte. Elle me guide. Je suis plus portĂ© sur la mĂ©moire visuelle (laquelle n’est pas encore totalement opĂ©rationnelle ici) et le fait d’entrer en relation avec les gens. 

 

Nous avons complĂ©tĂ© notre diner « afghan Â» avec quelques morceaux de fruits achetĂ©s au Long Gourmet : lĂ  oĂč nous avions pris notre petit dĂ©jeuner hier.

 

Plusieurs fois, aujourd’hui, alors que je cherchais notre itinĂ©raire, trĂšs vite un New-Yorkais m’a demandĂ© oĂč nous voulions aller.

Depuis le dĂ©but de notre sĂ©jour, chaque personne que nous avons pu solliciter a fait de son mieux pour nous renseigner, allant jusqu’à nous dire aprĂšs nos remerciements :

 

« You’re welcome ! Â».

 

 

Franck Unimon ( photos prises au MOMA en octobre 2011 exceptées les deux premiÚres photos prises en extérieur).

 

 

 

 

 

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New-York 2011- 2Ăšme partie

 

New-York. Lundi 10/10/11 7h05

( cet article est la suite de New-York 2011 que j’avais publiĂ© le 12 mars 2020. Ce 24 septembre 2021, je me suis senti inspirĂ© pour poursuivre. J’ai peut-ĂȘtre estimĂ© que j’avais suffisamment pris le temps de la rĂ©flexion).

Hi Guys !

 

Hier, dimanche 9 octobre, aprĂšs la tenue de ce journal, nous sommes allĂ©s prendre un petit-dĂ©jeuner prĂšs de l’hĂŽtel. Mais avant de parler d’hier :

 

Tout à l’heure, en me levant, je me suis dit que si je devais vivre ou si je venais à vivre à New-York, j’habiterais Harlem. Ou Brooklyn.

 

Harlem pour ses loyers que je devine Ă  peu prĂšs abordables : citĂ© HLM ou Ă©quivalent. Pour ses anciennes zones pavillonnaires. Pour le calme que nous y avons trouvĂ© hier ; la taille de ses habitations sensiblement moins haute que lĂ  oĂč se trouve notre hĂŽtel ; pour sa population : des Noirs (AmĂ©ricains ou Africains) des Hispanophones. Il semble qu’il y’ait une sorte d’entente tacite, au dĂ©part, entre personnes de mĂȘme couleur ici.

 

Brooklyn : parce-que peut-ĂȘtre que le cĂŽtĂ© populaire d’Harlem me rebuterait. Peut-ĂȘtre qu’Harlem n’est pas si calme que ça. Parce-que Brooklyn me semble plus proche de la vie qu’Harlem. De la vie culturelle, Ă©conomique. Mais Brooklyn est sĂ»rement trĂšs chĂšre.

 

Si je reviens un jour Ă  New-York, j’essaierai d’habiter Ă  Brooklyn si, Ă©conomiquement, c’est plus avantageux qu’à l’Intercontinental Barclay. Mais, par ailleurs, notre hĂŽtel est vraiment bien situĂ© gĂ©ographiquement :

A quelques minutes de Grand Central. A environ 30 minutes à pied de Broadway et de Times Square
.

Par contre, pour le prix des commerces, il faut ĂȘtre affutĂ©. Apercevoir une chocolaterie Godiva Ă  quelques minutes de notre hĂŽtel, dans Lexington Avenue, le soir de notre arrivĂ©e, aurait dĂ» m’en informer ; la veille de notre dĂ©part pour New-York, nous sommes allĂ©s faire du change, rue Rouget de Lisle, dans le premier arrondissement, prĂšs des Tuileries, au mĂ©tro Concorde. Soit la nĂ©gation d’un quartier populaire. C’est dans la rue du Faubourg St-HonorĂ© que nous Ă©tions tombĂ©s sur Godiva en cherchant un distributeur de billets. Godiva est une chocolaterie chic dans un quartier oĂč je me promĂšne peu. Ce n’est pas mes origines. Les cinĂ©mas les plus proches sont sur les Champs ElysĂ©es. Ou Ă  OpĂ©ra. Ce ne sont pas les cinĂ©mas que je frĂ©quente le plus. Exceptions faites des projections de films rĂ©servĂ©es Ă  la presse cinĂ©ma dont plusieurs salles se trouvent sur les Champs ou aux abords des Champs ElysĂ©es.

 

Si je venais vivre Ă  New-York, qu’y ferais-je ? Certainement pas infirmier ou dans le milieu de la santĂ© !

Pour beaucoup, les Etats-Unis symbolisent la possibilitĂ© d’une nouvelle chance, d’une autre vie. Alors, quoi faire dans cette ville oĂč, manifestement, il convient d’ĂȘtre bavard, actif, toujours souriant et expressif : «  Hi guys ! Â» nous ont dĂ©jĂ  rĂ©pĂ©tĂ© plusieurs fois des employĂ©es Ă  notre entrĂ©e dans certains magasins. Le mot « Guy Â» m’intrigue. Ma compagne est une fille. Malheureusement, je n’irai pas interroger ces employĂ©es Ă  ce propos.

 

Parler ici n’est pas vraiment mon ressort. Autant lire et Ă©couter en Anglais, oui. Parler, pas vraiment. Du moins, pas pour l’instant. Je parle Anglais car Ma compagne le fait trĂšs peu. Je suis aussi son escorte linguistique. Et pour des raisons pratiques : trouver notre chemin.

Mais, autrement, je crois avoir quittĂ© cette excitation juvĂ©nile, niaise et immature qui, il y’a vingt ans, en Ecosse, me rendait plus bavard, plus expressif et plus souriant.

Aujourd’hui, je ne parlerais pas de dĂ©prime (beaucoup, en outre, m’envieraient cette dĂ©prime) mais d’un certain scepticisme vis-Ă -vis d’un certain cirque social.  Hier, je me suis surpris Ă  regretter, un peu, la discrĂ©tion voire la retenue japonaise. OU asiatique. Mais je ne sais sans doute pas de quoi je parle et ma compagne me dirait sans doute que je suis trop exigeant avec moi-mĂȘme.

 

 

Je me sens tenu d’écrire tout de suite que cela me va d’ĂȘtre l’escorte linguistique de ma compagne, ici : il y’a plus dĂ©sobligeant et elle est de bonne compagnie. Pas de chichis oĂč de scĂšnes Ă  2 balles.  De la simplicitĂ©, de la gentillesse et de l’efficacitĂ©.

 

Agacé

 

Je suis assez agacĂ© par le fait que notre sĂ©jour consiste pour beaucoup Ă  aller dĂ©couvrir ces endroits de New-York dont nous avons beaucoup ( au point de ne plus nous en rendre compte) entendu parler ou que nous avons beaucoup vus au cinĂ©ma ou Ă  la tĂ©lĂ©. C’est Ă  cela que je me rends compte que New-York est bien la ville, une ville, qui fait partie de la PremiĂšre Puissance mondiale. Or, lorsque je regarde bon nombre de ses habitants, je vois des ĂȘtres faits comme tout le monde avec les mĂȘmes erreurs, travers ou tics qu’ailleurs.

 

Je suis assez agacĂ© par ce circuit touristique mais c’est sans doute un prĂ©liminaire nĂ©cessaire. Il aide Ă  comprendre une partie de l’histoire de cette ville, de ces gens. Et puis, cela me fait voir autre chose, ou presque, de ce que je connais et vois d’habitude.

Presque : car les mĂȘmes besoins sont ici prĂ©sents comme ailleurs.

 

Chester Himes

 

 

Hier matin, notre petit-dĂ©jeuner a Ă©tĂ© une rĂ©ussite Ă©conomique. 23 dollars et quelques    (parce-que nous avons pris pour environ 10 dollars de fruits, c’est cher : pastĂšque, melons, mangue).

La veille, nous avions payé un peu plus de 40 dollars.

Je n’ai pas retenu le nom de l’endroit de notre petit-dĂ©jeuner d’hier matin, trĂšs proche de notre hĂŽtel. A l’angle en descendant. Il s’agit visiblement d’un commerce.

« We never close Â» m’avait rĂ©pondu malicieusement la dame de la caisse, d’origine chinoise. Pourtant, le soir de notre arrivĂ©e, les lumiĂšres Ă©taient plutĂŽt Ă©teintes et un homme faisait le mĂ©nage.

DerriÚre les fourneaux, des Mexicains ou des Sud-Américains. A la caisse, des femmes chinoises. Au milieu, des produits alimentaires. Il est possible, ici, de manger tous ses repas. Et, il semble que cela soit trÚs fréquenté.

 

AprĂšs ça, le bus jusqu’à Harlem. Nous le prenons dans la 3Ăšme Avenue, non loin du magasin Capacci Group oĂč j’ai achetĂ© mes cadenas qui, maintenant, m’obĂ©issent. Le magasin est ouvert ce dimanche comme la plupart des commerces.

Je demande au chauffeur, un Noir d’une cinquantaine d’annĂ©es, barbe grise et sel de 2-3 jours, oĂč s’arrĂȘter pour Harlem :

« It depends on where you’re going Â» me rĂ©pond-t’il. Mince !

« Up to Central Park Â» je rĂ©ponds. Il me dit qu’il m’arrĂȘtera Ă  une station. Je le remercie.

La climatisation me heurte. Je ferme mon blouson. La 3Ăšme Avenue dĂ©file plus de trente minutes durant. Le chauffeur annonce la plupart des arrĂȘts par noms de rue. Il est l’autoritĂ© du bus.

Une seule femme (d’une bonne cinquantaine d’annĂ©es) raconte sa vie grĂące Ă  son tĂ©lĂ©phone portable.

Nous apercevons beaucoup de commerces dont une Bakery qui donne envie avec ses pĂątisseries maison. J’aperçois aussi une maison Ă  Bagels. Je n’en n’ai toujours pas mangĂ©. Les quartiers sont assez chics ou bobos. Puis, vient Harlem. Et, c’est moins beau. D’abord, une bonne partie des passagers avec nous au dĂ©part a disparu. La femme blanche au tĂ©lĂ©phone portable n’est plus lĂ .

Un Noir massif d’une cinquantaine d’annĂ©es, assez grand, aux pieds larges chaussant Ă  peu prĂšs du 48, et sentant l’urine, monte avec une poussette. C’est laborieux. DerriĂšre lui, une jeune femme noire, grosse, la vingtaine, avec un joli visage, mesurant 1m60 ou moins, porte un enfant qui doit avoir un an au maximum.

L’homme et la femme s’assoient cĂŽte Ă  cĂŽte. Debout, Ă  l’arrĂȘt de bus, un homme d’environ 1m70, la cinquantaine, la peau noisette, maigre, est vĂȘtu d’un costume beige. Ses yeux sont assez exorbitĂ©s. Il porte une bosse sur la partie gauche de son front. Une bosse qui semble faire partie de son anatomie. Il regarde derriĂšre le bus semblant en attendre un autre. C’est un personnage d’un livre de Chester Himes.

 

Le bus repart. Un peu plus tĂŽt Ă©tait montĂ©e une jeune femme noire, en tenue de travail. Une combinaison bleue (tunique et pantalon). Elle venait sĂ»rement de l’hĂŽpital devant lequel nous nous Ă©tions arrĂȘtĂ©s.

 

Le couple Ă  l’enfant discutait tranquillement, se souriant. La poussette, elle, n’arrĂȘtant pas de se dĂ©placer : les freins ne marchaient pas ou ne marchaient plus. Plusieurs fois, celle-ci s’est dĂ©placĂ©e sans que l’homme s’en aperçoive. J’ai ainsi pu la remettre une ou deux fois sans qu’il le voie. La premiĂšre fois, il s’était excusĂ©. Finalement, l’homme a posĂ© son gros pied pour coincer la poussette.

 

 

A un arrĂȘt est montĂ© un mastodonte noir (Ă  la Schwarzenegger  quand il Ă©tait jeune). Il tenait dans la main un sorbet qu’il lapait avec plaisir.

 

 

Nous sommes descendus peu aprĂšs. Le Harlem que j’ai vu m’a Ă©voquĂ© la Porte de Clignancourt, ses commerces bon marchĂ©, St Ouen, avec un playground. Mais une Porte de Clignancourt en plus large bien-sĂ»r et oĂč l’on parle Espagnol.

En marchant vers le nord de Central Park, nous croisons quelques Africaines et Africains francophones.

 

Le nord de Central Park

 

 

Cela surprend de tomber sur le nord de Central Park en Ă©mergeant d’Harlem et de ses logements calmes mais plutĂŽt moches. De plus, il fait beau. Comme hier.

 

 

A Central Park, l’atmosphĂšre est trĂšs dĂ©tendue. Quelques personnes sur des bancs. Lecture, dĂ©tente, coiffure. Mais la plupart se promĂšnent. Quelques noirs mais surtout des blancs. Ou des touristes comme nous. Enfin, c’est ce que je vois d’emblĂ©e.  Le parc est beaucoup trop grand pour que je sois catĂ©gorique.

Des gens se promĂšnent en famille.  Quelques personnes trottinent. Comme ce noir d’environ 1m90 pour plus de cent kilos, la cinquantaine, short, casquette, baladeur fichĂ© dans la brassiĂšre de son bras gauche. Il se prend la laisse d’un petit chien tenu par un mĂŽme. Le noir saute un moment Ă  cloche-pied, le temps d’ĂȘtre dĂ©gagĂ©, sous les «  My God ! I’Am sorry ! Â» de la maman du petit. Puis, l’homme repart vers son footing en transpirant. Il est midi et demi passĂ©.

 

 

Nous entrons dans un jardin oĂč les cyclistes sont invitĂ©s Ă  mettre pied Ă  terre. Malheureusement, j’ai oubliĂ© son nom. C’est un jardin assez grand pourvu de toilettes gratuites et plutĂŽt propres. On peut facilement tourner en rond dans ce jardin. Mais c’est calme, agrĂ©able. On y croise deux surveillantes. Deux noires. Deux Ă©tudiants, une fille, un garçon, avec leur Mac sous les colonnes. Un couple. Un endroit tranquille.

 

En sortant de ce jardin, nous nous rapprochons du rĂ©servoir Jackie Onassis (Quel hommage ! ) et de la file active des sportifs de Central Park. Enfin, sportifs
.tous ne le sont pas. MĂȘme si le plus grand nombre en a la tenue et l’équipement. Et, ils sont nombreux Ă  dĂ©filer rĂ©guliĂšrement, principalement Ă  pied ou Ă  vĂ©lo. Beaucoup moins, j’en suis surpris, en rollers et avec des rollers « ordinaires Â» Ă  quatre roues avec frein Ă  l’arriĂšre. A l’exception d’un rouleur, noir, en combinaison de compĂ©tition avec quatre roues d’environ 100 mm de diamĂštre.

Je vois beaucoup de sportifs du dimanche. Ou des sportifs qui commencent un entraĂźnement.

Nous remontons (descendons) la file active à contre-courant. Parmi les promeneurs, quelques voix françaises.

Nous longeons principalement la piste sportive jusqu’au sud oĂč nous sortons. AprĂšs une pause, assis sur un banc, Ă  regarder les sportifs.

 

Nous tombons sur le défilé du char de la Colombie. Devant nous, quelques Colombiens émus agitent leur drapeau. La jeune femme qui représente la Colombie semble aussi contente et émue.

Nous n’attendons pas le passage des autres chars et ne demandons pas de quoi il s’agit. Nous traversons l’avenue dĂšs que cela est possible avec quelques autres. Nous prenons un bus dans l’avenue Madison direction Harlem. Le seul avantage que je trouve Ă  ce que je vois de Madison Avenue est de nous indiquer un des musĂ©es oĂč nous irons peut-ĂȘtre : le musĂ©e d’art contemporain. Pour le reste, cette avenue me dĂ©plait. Sa froideur. Son luxe. Ce fric. Ces vitrines. Et puis, la climatisation du bus me rackette.

 

Harlem

 

 

De retour Ă  Harlem pour trouver un restaurant, je nous Ă©gare. Jusqu’à ce qu’une dame noisette d’une soixantaine d’annĂ©es du genre bigote nous rĂ©ponde avec un accent espagnol et nous aiguille.

 

Je suis Ă©tonnĂ© par l’espace de Harlem : assez larges trottoirs. Assez larges rues.  Calmes. Peu de voitures. Il est vrai que les logements, en moyenne, y sont plus petits que lĂ  oĂč se trouve notre hĂŽtel.

Nous apercevons l’avenue Martin Luther King. Puis, nous approchons de notre but. Le Melbi’s  citĂ© dans le Lonely Planet semble ouvert. Il y’a des personnes attablĂ©es Ă  l’intĂ©rieur. Un homme noir assis devant avec une femme noire avec laquelle il discute, me prĂ©vient que ça ouvrira Ă  17h. Il est 15h ou 15h30. Je leur demande s’ils connaissent un bon endroit oĂč manger prĂšs d’ici. Nous avons le choix. Ils nous indiquent trois ou quatre endroits.

 

Nous entrons dans le Zoma (« essence of Abyssinia, Ethiopian cuisine New York Â») toujours dans le boulevard Frederik Douglass ( 8 th Avenue ).

L’intĂ©rieur est moderne et assez spacieux tout en bĂ©nĂ©ficiant d’ornementations du pays. Depuis quelques annĂ©es, j’ai un faible pour l’Ethiopie, pays d’Afrique qui n’a pas connu l’esclavage. HaĂŻlĂ© SĂ©lassiĂ©. L’Amarhique. La collection de musique Ethiopiques.  La chanteuse Tseyhatu BerĂ ki.

 

La jeune femme qui nous reçoit a le charme de lĂ -bas. Ce regard, ce visage.  Ce sourire poli, ces cheveux.

Je la crois nĂ©e lĂ -bas mais elle s’exprime avec un accent new-yorkais plutĂŽt prononcĂ©.

Dans le restaurant, un couple hĂ©tĂ©ro blanc, deux femmes noires. Une, plus jeune que l’autre, porte une robe rouge.

 

Nous prenons un plat conçu pour deux. 31 dollars, taxe incluse.

Je lui demande comment s’appelle cette chanteuse que nous entendons. Kuku Sebsibe. Elle n’a pas le cd me rĂ©pond-t’elle en souriant mais elle peut m’écrire son nom.

Elle est jeune ? Pas vraiment. Elle doit avoir la cinquantaine.

Comment faire pour aller Ă  l’église abyssinienne ? Je n’y suis jamais allĂ©e.

Elle m’explique comment m’y rendre. Il faut prendre le mĂ©tro etc
.

Par contre, la salle de concerts Apollo est assez proche ! Je prends une carte du restaurant. Nous partons donc pour Apollo et je veux croire que son sourire, quand elle nous a saluĂ©, n’avait rien Ă  voir avec l’impĂ©ratif «  Hi guys ! Â» qu’on entend rĂ©guliĂšrement dans les magasins.

 

 

Aller Ă  la salle de concert Apollo nous permet de rester un peu plus longtemps dans Harlem.

Dans Nicholas Avenue, en pleine rue, nous avons vu un jeune homme noir d’environ un mĂštre quatre vingt s’amuser Ă  lancer un ballon de football amĂ©ricain que trois jeunes garçons d’une dizaine d’annĂ©es s’empressaient d’aller rĂ©cupĂ©rer. 

 

Sur le chemin d’Apollo

 

 

Sur le chemin d’Apollo, une mosquĂ©e qui semble tenue par des Africains d’Afrique noire. Une avenue ou un boulevard Malcolm X. Il me semble mĂȘme avoir vu quelque part l’enseigne d’une communautĂ© Malcolm Shabbazzou quelque chose comme ça.

 

Je constate aussi des restes d’un certain militantisme «  I’Am black and Proud ! Â» :

 

C’est une vendeuse d’un Ăąge respectable (la quarantaine) vĂȘtue Ă  l’Africaine sur le modĂšle de la chanteuse Erykha Badu.

Des livres qui ont Ă  voir avec un certain militantisme.

Jusqu’à la vente de comics avec des super hĂ©ros noirs. Les quelques super hĂ©ros noirs de comics tels que Black Panther, ce qui, en Anglais, ici, Ă  Harlem, prend un autre sens auquel je n’avais jamais pensĂ© en lisant « La PanthĂšre noire Â» en Français. Et, bien-sĂ»r, Luke Cage qui a inspirĂ© Ă  l’acteur Nicolas Coppola son nom d’acteur : Nicolas Cage.

 

Inutile d’entrer dans l’Apollo juste pour visiter. Surtout lorsque je vois un guide en sortir avec quelques touristes et leur sortir qu’il a Ă©tĂ© trĂšs content de les rencontrer et de serrer la main Ă  tous : des blancs, des hommes et quelques femmes.

Cela me rappelle la mĂȘme mascarade touristique que dans ce documentaire oĂč l’on voyait un jeune couple français visiter en JamaĂŻque le musĂ©e consacrĂ© Ă  Bob Marley.

 

Give me a break !

 

 

Bien qu’historique, l’Apollo me fait l’effet d’un lieu ordinaire pour celles et ceux qui vivent ou travaillent ( il y’a plein de commerces) aux alentours.

Dans un magasin de chaussures, non loin de lĂ , un jeune noir d’une quinzaine d’annĂ©es essaie des bottes en caoutchouc tout en tĂ©lĂ©phonant. Il est assis sur un siĂšge.

Un des employĂ©s, noir, la bonne quarantaine, l’aide Ă  retirer la botte qui lui reste. Le jeune homme poursuit sa conversation tĂ©lĂ©phonique.

Il semble que l’employĂ© s’enhardisse Ă  lui demander s’il prend les bottes. Le jeune homme, tout en continuant sa conversation tĂ©lĂ©phonique, rĂ©pond, en riant un peu, Ă  l’employĂ© :

« Give me a break ! Â». L’employĂ© se redresse docilement.

Franck Unimon (Ă  suivre).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Olivier de Kersauson- Le Monde comme il me parle

 

                    Olivier de Kersauson- Le Monde comme il me parle

« Le plaisir est ma seule ambition Â».

 

 

Parler d’un des derniers livres de Kersauson

 

Parler d’un des derniers livres de Kersauson, Le Monde comme il me parle,  c’est presque se dĂ©vouer Ă  sa propre perdition. C’est comme faire la description de notre dentition de lait en dĂ©cidant que cela pourrait captiver. Pour beaucoup, ça manquera de sel et d’exotisme. Je m’aperçois que son nom parlera spontanĂ©ment aux personnes d’une cinquantaine d’annĂ©es comme Ă  celles en Ăąge d’ĂȘtre en EHPAD.

 

Kersauson est sĂ»rement assez peu connu voire inconnu du grand public d’aujourd’hui. Celui que j’aimerais concerner en prioritĂ© avec cet article. Je parle du public compris grosso modo entre 10 et 35 ans. Puisque internet et les rĂ©seaux sociaux ont contribuĂ© Ă  abaisser l’ñge moyen du public lambda. Kersauson n’est ni Booba, ni Soprano, ni Kenji Girac. Il n’est mĂȘme pas le journaliste animateur Pascal Praud, tentative de croisement tĂȘte Ă  claques entre Donald Trump et Bernard Pivot, martelant sur la chaine de tĂ©lĂ© Cnews ses certitudes de privilĂ©giĂ©. Et Ă  qui il manque un nez de clown pour complĂ©ter le maquillage.

 

Le MĂ©rite

 

Or, aujourd’hui, nous sommes de plus en plus guidĂ©s par et pour la dictature de l’audience et du like. Il est plus rentable de faire de l’audience que d’essayer de se faire une conscience.  

 

Que l’on ne me parle pas du mĂ©rite, hĂ©ritage incertain qui peut permettre Ă  d’autres de profiter indĂ©finiment de notre crĂ©dulitĂ© comme de notre « gĂ©nĂ©rositĂ© Â» ! Je me rappelle toujours de cette citation que m’avait professĂ©e Spock, un de mes anciens collĂšgues :

 

« Il nous arrive non pas ce que l’on mĂ©rite mais ce qui nous ressemble Â».

Une phrase implacable que je n’ai jamais essayĂ© de dĂ©tourner ou de contredire.

 

Passer des heures sur une entreprise ou sur une action qui nous vaut peu de manifestations d’intĂ©rĂȘt ou pas d’argent revient Ă  se masturber ou Ă  Ă©chouer. 

Cela Ă©quivaut Ă  demeurer  une personne indĂ©sirable.

Si, un jour, mes articles comptent plusieurs milliers de lectrices et de lecteurs, je deviendrai une personne de « valeur Â».  Surtout si ça rapporte de l’argent. Beaucoup d’argent. Quelles que soient l’originalitĂ© ou les vertus de ce que je produis.

 

Mais j’ai beaucoup de mal Ă  croire Ă  cet avenir. Mes Ă©crits manquent par trop de poitrine, de potins, d’images ad hoc, de sex-tapes, de silicone et de oups ! Et ce n’est pas en parlant de Kersauson aujourd’hui que cela va s’amĂ©liorer. Kersauson n’a mĂȘme pas fait le nĂ©cessaire pour intĂ©grer  l’émission de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© Les Marseillais !

 

Rien en commun

 

Mais j’ai plaisir Ă  Ă©crire cet article.

 

Kersauson et moi n’avons a priori rien Ă  voir ensemble. Il a l’ñge de mon pĂšre, est issu de la bourgeoisie catholique bretonne. Mais il n’a ni l’histoire ni le corps social (et autre) de mon pĂšre et de ma mĂšre. MĂȘme si, tous les deux, ont eu une Ă©ducation catholique tendance campagnarde et traditionnelle. Ma grand-mĂšre maternelle, originaire des Saintes, connaissait ses priĂšres en latin.  

 

Kersauson a mis le pied sur un bateau de pĂȘche Ă  l’ñge de quatre ans et s’en souvient encore. Il a appris « tĂŽt Â» Ă  nager, sans doute dans la mer, comme ses frĂšres et soeurs.

Je devais avoir entre 6 et 9 ans lorsque je suis allĂ© sur mon premier bateau. C’était dans le bac Ă  sable Ă  cĂŽtĂ© de l’immeuble HLM oĂč nous habitions en banlieue parisienne. A quelques minutes du quartier de la DĂ©fense Ă  vol d’oiseau.

 

J’ai appris Ă  nager vers mes dix ans dans une piscine. Le sel et la mer pour lui, le chlore et le bĂ©ton pour moi comme principaux dĂ©cors d’enfance.

 

Moniteur de voile Ă  13 ans, Kersauson enseignait le bateau Ă  des parisiens (sĂ»rement assez aisĂ©s) de 35 Ă  40 ans. Moi, c’est plutĂŽt vers mes 18-20 ans que j’ai commencĂ© Ă  m’occuper de personnes plus ĂągĂ©es que moi : c’était des patients  dans les hĂŽpitaux et les cliniques. Changer leurs couches, vider leur  bassin, faire leur toilette, prendre soin d’eux
.

 

J’ai pourtant connu la mer plus tĂŽt que certains citadins. Vers 7 ans, lors de mon premier sĂ©jour en Guadeloupe. Mais si, trĂšs tĂŽt, Kersauson est devenu marin, moi, je suis un ultramarin. Lui et moi, ne sommes pas nĂ©s du mĂȘme cĂŽtĂ© de la mer ni pour les mĂȘmes raisons.

La mer a sĂ»rement eu pour lui, assez tĂŽt, des attraits qui ont mis bien plus de temps  Ă  me parvenir.  Je ne vais pas en rajouter sur le sujet. J’en ai dĂ©jĂ  parlĂ© et reparlĂ©. Et lui, comme d’autres, n’y sont pour rien.

 

Kersauson est nĂ© aprĂšs guerre, en 1944, a grandi dans cette ambiance (la guerre d’Indochine, la guerre d’AlgĂ©rie, la guerre du Vietnam) et n’a eu de cesse de lui Ă©chapper.

Je suis nĂ© en 1968. J’ai entendu parler des guerres. J’ai vu des images. J’ai entendu parler de l’esclavage. J’ai vu des images. J’ai plus connu la crise, la peur du chĂŽmage, la peur du racisme, l’épidĂ©mie du Sida, la peur d’une guerre nuclĂ©aire, les attentats. Et, aujourd’hui, le rĂ©chauffement climatique, les attentats, les serres d’internet, l’effondrement, le Covid.

 

Kersauson, et moi, c’est un peu la matiùre et l’antimatiùre.

 

En cherchant un peu dans la vase

 

Pourtant, si je cherche un peu dans la vase, je nous trouve quand mĂȘme un petit peu de limon en commun.

L’ancien collĂšgue Spock que j’ai connu, contrairement Ă  celui de la sĂ©rie Star Trek, est Breton.

C’est pendant qu’il fait son service militaire que Kersauson, Breton, rencontre Eric Tabarly, un autre Breton.

 

C’est pendant mon service militaire que j’entends parler pour la premiĂšre fois de Kersauson. Par un Ă©tudiant en psychologie qui me parle rĂ©guliĂšrement de Brautigan, de Desproges et de Manchette sĂ»rement. Et qui me parle de la culture de Kersauson lorsque celui-ci passe aux Grosses TĂȘtes de Bouvard. Une Ă©mission radiophonique dont j’ai plus entendu parler que je n’ai pris le temps de l’écouter.

 

Je crois que Kersauson a bien dĂ» priser l’univers d’au moins une de ces personnes :

Desproges, Manchette, Brautigan.

 

Pierre Desproges et Jean-Patrick Manchette m’ont fait beaucoup de bien Ă  une certaine pĂ©riode de ma vie. Humour noir et polar, je ne m’en dĂ©fais pas.

 

C’est un Breton que je rencontre une seule fois (l’ami de ChrystĂšle, une copine bretonne de l’école d’infirmiĂšre)  qui m’expliquera calmement, alors que je suis en colĂšre contre la France, que, bien que noir, je suis Français. J’ai alors entre 20 et 21 ans. Et je suis persuadĂ©, jusqu’à cette rencontre, qu’il faut ĂȘtre blanc pour ĂȘtre Français. Ce Breton, dont j’ai oubliĂ© le prĂ©nom, un peu plus ĂągĂ© que moi, conducteur de train pour la SNCF, me remettra sur les rails en me disant simplement :

« Mais
tu es Français ! Â».

C’était Ă  la fin des annĂ©es 80. On n’entendait pas du tout  parler d’un Eric Zemmour ou d’autres. Il avait beaucoup moins d’audience que depuis quelques annĂ©es. Lequel Eric Zemmour, aujourd’hui, a son trĂŽne sur la chaine Cnews et est la pierre philosophale de la PensĂ©e selon un Pascal Praud. Eric Zemmour qui se considĂšre frĂ©quemment comme l’une des personnes les plus lĂ©gitimes pour dire qui peut ĂȘtre Français ou non. Et Ă  quelles conditions. Un de ses vƓux est peut-ĂȘtre d’ĂȘtre le Montesquieu de la question de l’immigration en France.

 

Dans son livre, Le Monde comme il me parle, Kersauson redit son attachement Ă  la PolynĂ©sie française. Mais je sais que, comme lui, le navigateur Moitessier y Ă©tait tout autant attachĂ©. Ainsi qu’Alain Colas. Deux personnes qu’il a connues. Je sais aussi que Tabarly, longtemps cĂ©libataire et sans autre idĂ©e fixe que la mer, s’était quand mĂȘme  achetĂ© une maison et mariĂ© avec une Martiniquaise avec laquelle il a eu une fille. MĂȘme s’il a fini sa vie en mer. Avant d’ĂȘtre repĂȘchĂ©.

 

Ce paragraphe vaut-il Ă  lui tout seul la rĂ©daction et la lecture de cet article ? Toujours est-il que Kersauson est un inconnu des rĂ©seaux sociaux.

 

Inconnu des rĂ©seaux sociaux :

 

 

 

Je n’ai pas vĂ©rifiĂ© mais j’ai du mal Ă  concevoir Kersauson sur Instagram, faisant des selfies ou tĂ©lĂ©chargeant des photos dĂ©nudĂ©es de lui sur OnlyFans. Et il ne fait pas non plus partie du dĂ©cor du jeu The Last of us dont le deuxiĂšme volet, sorti cet Ă©tĂ©,  une des exclusivitĂ©s pour la console de jeu playstation, est un succĂšs avec plusieurs millions de vente.

 

Finalement, mes articles sont peut-ĂȘtre trop hardcore pour pouvoir attirer beaucoup plus de public. Ils sont peut-ĂȘtre aussi un peu trop « mystiques Â». J’ai eu cette intuition- indirecte- en demandant Ă  un jeune rĂ©cemment ce qu’il Ă©coutait comme artistes de Rap. Il m’a d’abord citĂ© un ou deux noms que je ne connaissais pas. Il m’avait prĂ©venu. Puis, il a mentionnĂ© Dinos. Je n’ai rien Ă©coutĂ© de Dinos mais j’ai entendu parler de lui. J’ai alors Ă©voquĂ© Damso dont j’ai Ă©coutĂ© et rĂ©Ă©coutĂ© l’album LithopĂ©dion (sorti en 2018) et mis plusieurs de ses titres sur mon baladeur.  Le jeune m’a alors fait comprendre que les textes de Damso Ă©taient en quelque sorte trop hermĂ©tiques pour lui.

Mais au moins Damso a-t’il des milliers voire des millions de vues sur Youtube. Alors que Kersauson
. je n’ai pas fouillĂ© non plus- ce n’est pas le plus grave- mais je ne vois pas Kersauson avoir des milliers de vues ou lancer sa chaine youtube. Afin de nous vendre des mĂ©duses (les sandales en plastique pour la plage) signĂ©es Balenciaga ou une crĂšme solaire bio de la marque Leclerc.

 

J’espĂšre au moins que « Kersau Â», mon Bernard Lavilliers des ocĂ©ans, est encore vivant. Internet, google et wikipĂ©dia m’affirment que « oui Â». Kersauson a au moins une page wikipĂ©dia. Il a peut-ĂȘtre plus que ça sur le net. En Ă©crivant cet article, je me fie beaucoup Ă  mon regard sur lui ainsi que sur le livre dont je parle. Comme d’un autre de ses livres que j’avais lu  il y a quelques annĂ©es, bien avant l’effet « Covid».

 

L’effet « Covid Â»

 

Pourvu, aussi, que Kersauson se prĂ©serve du Covid.  Il a 76 ans cette annĂ©e. Car, alors que la rentrĂ©e (entre-autre, scolaire)  a eu lieu hier et que bien des personnes rechignent Ă  continuer de porter un masque (dont le trĂšs inspirĂ© journaliste Pascal Praud sur Cnews), deux de mes collĂšgues infirmiĂšres sont actuellement en arrĂȘt de travail pour suspicion de covid. La premiĂšre collĂšgue a une soixantaine d’annĂ©es. La seconde, une trentaine d’annĂ©es. Praud en a 54 si j’ai bien entendu. Ou 56.

Un article du journal  » Le Canard Enchainé » de ce mercredi 2 septembre 2020.

 

Depuis la pandĂ©mie du Covid-19, aussi appelĂ© de plus en plus « la Covid Â», la vente de livres a augmentĂ©. Jeff Bezos, le PDG du site Amazon, premier site de ventes en ligne, (aujourd’hui, homme le plus riche du monde avec une fortune estimĂ©e Ă  200 milliards de dollars selon le magazine Forbes US  citĂ© dans le journal Le Canard EnchaĂźnĂ© de ce mercredi 2 septembre 2020) n’est donc pas le seul Ă  avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© de la pandĂ©mie du Covid qui a par ailleurs mis en faillite d’autres Ă©conomies.

 

Donc, Kersauson, et son livre, Le Monde comme il me parle, auraient pu profiter de « l’effet Covid Â». Mais ce livre, celui dont j’ai prĂ©vu de vous parler, est paru en 2013.

 

Il y a sept ans.  C’est Ă  dire, il y a trĂšs trĂšs longtemps pour beaucoup Ă  l’époque.

 

Mon but, aujourd’hui, est de vous parler d’un homme de 76 ans pratiquement inconnu selon les critĂšres de notoriĂ©tĂ© et de rĂ©ussite sociale typiques d’aujourd’hui. Un homme qui a fait publier un livre en 2013.

Nous sommes le mercredi 2 septembre 2020, jour du dĂ©but du procĂšs des attentats de Charlie Hebdo et de L’Hyper Cacher.

 

 

Mais nous sommes aussi le jour de la sortie du film Police d’Anne Fontaine avec Virginie Efira, Omar Sy et GrĂ©gory Gadebois. Un film que j’aimerais voir. Un film dont je devrais plutĂŽt vous parler. Au mĂȘme titre que le film Tenet de Christopher Nolan, sorti la semaine derniĂšre. Un des films trĂšs attendus de l’étĂ©, destinĂ© Ă  relancer la frĂ©quentation des salles de cinĂ©ma aprĂšs leur fermeture due au Covid. Un film d’autant plus dĂ©sirĂ© que Christopher Nolan est un rĂ©alisateur reconnu et que l’autre grosse sortie espĂ©rĂ©e, le film Mulan , produit par Disney, ne sortira pas comme prĂ©vu dans les salles de cinĂ©ma. Le PDG de Disney prĂ©fĂ©rant obliger les gens Ă  s’abonner Ă  Disney+ (29, 99 dollars l’abonnement aux Etats-Unis ou 25 euros environ en Europe) pour avoir le droit de voir le film. Au prix fort, une place de cinĂ©ma Ă  Paris peut coĂ»ter entre 10 et 12 euros.

 

 

Tenet, qui dure prĂšs de 2h30,  m’a contrariĂ©. Je suis allĂ© le voir la semaine derniĂšre. Tenet est selon moi la bande annonce des films prĂ©cĂ©dents et futurs de Christopher Nolan dont j’avais aimĂ© les films avant cela. Un film de James Bond sans James Bond. On apprend dans Tenet qu’il suffit de poser sa main sur la pĂ©dale de frein d’une voiture qui file Ă  toute allure pour qu’elle s’arrĂȘte au bout de cinq mĂštres. J’aurais dĂ» m’arrĂȘter de la mĂȘme façon avant de choisir d’aller le regarder. Heureusement qu’il y a Robert Pattinson dans le film ainsi que Elizabeth Debicki que j’avais beaucoup aimĂ©e dans Les Veuves rĂ©alisĂ© en 2018 par Steve McQueen.

 

Distorsions temporelles

 

Nolan affectionne les distorsions temporelles dans ses films. Je le fais aussi dans mes articles :

 

 

En 2013, lorsqu’est paru Le Monde comme il me parle de Kersauson, Omar Sy, un des acteurs du film Police, sorti aujourd’hui,  Ă©tait dĂ©jĂ  devenu un « grand acteur Â».

GrĂące Ă  la grande audience qu’avait connue le film Intouchables rĂ©alisĂ© en
2011 par Olivier Nakache et Eric Toledano. PrĂšs de vingt millions d’entrĂ©es dans les salles de cinĂ©ma seulement en France. Un film qui a permis Ă  Omar Sy de jouer dans une grosse production amĂ©ricaine. Sans le succĂšs d’Intouchables, nous n’aurions pas vu Omar Sy dans le rĂŽle de Bishop dans un film de X-Men (X-Men : Days of future past rĂ©alisĂ© en 2014 par Bryan Singer).

 

J’ai de la sympathie pour Omar Sy. Et cela, bien avant Intouchables. Mais ce n’est pas un acteur qui m’a particuliĂšrement Ă©patĂ© pour son jeu pour l’instant. A la diffĂ©rence de Virginie Efira et de GrĂ©gory Gadebois.

Virginie Efira, d’abord animatrice de tĂ©lĂ©vision pendant une dizaine d’annĂ©es, est plus reconnue aujourd’hui qu’en 2013, annĂ©e de sortie du livre de Kersauson.

J’aime beaucoup le jeu d’actrice de Virginie Efira et ce que je crois percevoir d’elle. Son visage et ses personnages ont une allure plutĂŽt fade au premier regard : ils sont souvent le contraire.

GrĂ©gory Gadebois, passĂ© par la comĂ©die Française, m’a « eu Â» lorsque je l’ai vu dans le AngĂšle et Tony rĂ©alisĂ© par Alix Delaporte en 2011. Je ne me souviens pas de lui dans Go Fast rĂ©alisĂ© en 2008 par Olivier Van Hoofstadt.

 

Je ne me défile pas en parlant de ces trois acteurs.

 

Je continue de parler du livre de Kersauson. Je parle seulement, à ma façon, un petit peu du monde dans lequel était sorti son livre, précisément.

 

Kersauson est Ă©videmment un Ă©minent pratiquant des distorsions temporelles. Et, grĂące Ă  lui, j’ai sans doute compris la raison pour laquelle, sur une des plages du Gosier, en Guadeloupe, j’avais pu ĂȘtre captivĂ© par les vagues. En Ă©tant nĂ©anmoins incapable de l’expliquer Ă  un copain, Eguz, qui m’avait surpris. Pour lui, mon attitude Ă©tait plus suspecte que d’ignorer le corps d’une femme nue. Il y en avait peut-ĂȘtre une, d’ailleurs, dans les environs.

 

Page 12 de Le Monde comme il me parle :

 

« Le chant de la mer, c’est l’éternitĂ© dans l’oreille. Dans l’archipel des Tuamotu, en PolynĂ©sie, j’entends des vagues qui ont des milliers d’annĂ©es. C’est frappant. Ce sont des vagues qui brisent au milieu du plus grand ocĂ©an du monde. Il n y  a pas de marĂ©e ici, alors ces vagues tapent toujours au mĂȘme endroit Â».

 

Tabarly

 

A une Ă©poque, adolescent, Kersauson lisait un livre par jour. Il le dit dans Le Monde comme il me parle.

 

J’imagine qu’il est assez peu allĂ© au cinĂ©ma. Page 50 :

 

« (
.) Quand je suis dĂ©mobilisĂ©, je reste avec lui ( Eric Tabarly). Evidemment. Je tombe sur un mec dont le seul programme est de naviguer. Il est certain que je n’allais pas laisser passer ça Â».

 

Page 51 :

 

«  Tabarly avait, pour moi, toutes les clĂ©s du monde que je voulais connaĂźtre. C’était un immense marin et, en mer, un homme dĂ©licieux Ă  vivre Â».

 

Page 54 :

« C’est le temps en mer qui comptait. Et, avec Eric, je passais neuf mois de l’annĂ©e en mer Â».

 

A cette Ă©poque, Ă  la fin des annĂ©es 60, Kersauson avait 23 ou 24 ans. Les virĂ©es entre « potes Â» ou entre « amies Â» que l’on peut connaĂźtre dans les soirĂ©es ou lors de certains sĂ©jours de vacances, se sont dĂ©roulĂ©es autour du monde et sur la mer pour lui. Avec Eric Tabarly, rĂ©fĂ©rence mondiale de la voile.

 

Page 51 :

 

« (
..) Il faut se rendre compte qu’à l’époque, le monde industriel français se demande comment aider Eric Tabarly- tant il est crĂ©atif, ingĂ©nieux. Il suscite la passion. C’est le bureau d’études de chez Dassault qui rĂšgle nos problĂšmes techniques ! Â».

 

 

Le moment des bilans

 

 

Il est facile de comprendre que croiser un mentor comme Tabarly Ă  24 ans laisse une trace. Mais Kersauson Ă©tait dĂ©jĂ  un tĂ©nor lorsqu’ils se sont rencontrĂ©s. Il avait dĂ©ja un aplomb lĂ  ou d’autres avaient des implants. Et, aujourd’hui, en plus, on a besoin de tout un tas d’applis, de consignes et de protections pour aller de l’avant.

J’avais lu MĂ©moires du large, paru en Mai 1998 (dont la rĂ©daction est attribuĂ©e Ă  Eric Tabarly) quelques annĂ©es aprĂšs sa mort. Tabarly est mort en mer en juin 1998.

 Tabarly Ă©tait aussi intraitable que Kersauson dans son rapport Ă  la vie. Kersauson Ă©crit dans Le Monde comme il me parle, page 83 :

«  Ce qui m’a toujours sidĂ©rĂ©, chez l’ĂȘtre humain, c’est le manque de cohĂ©rence entre ce qu’il pense et ce qu’il fait (
). J’ai toujours tentĂ© de vivre comme je le pensais. Et je m’aperçois que nous ne sommes pas si nombreux dans cette entreprise Â».

 

Tabarly avait la mĂȘme vision de la vie. Il  l’exprimait avec d’autres mots.

 

Que ce soit en lisant Kersauson ou en lisant Tabarly, je me considĂšre comme faisant partie du lot des ruminants. Et c’est peut-ĂȘtre aussi pour cela que je tiens autant Ă  cet article. Il me donne sans doute l’impression d’ĂȘtre un petit peu moins mouton mĂȘme si mon intrĂ©piditĂ© sera un souvenir avant mĂȘme la fin de la rĂ©daction de cet article.

 

« DiffĂ©rence entre la technologie et l’esclavage. Les esclaves ont pleinement conscience qu’ils ne sont pas libres Â» affirme Nicholas Nassim Taleb dont les propos sont citĂ©s par le Dr Judson Brewer dans son livre Le Craving ( Pourquoi on devient accro et comment se libĂ©rer), page 65.

 

Un peu plus loin, le Dr Judson Brewer rappelle ce qu’est une addiction, terme qui n’a Ă©tĂ© employĂ© par aucun des intervenants, hier, lors du « dĂ©bat Â» animĂ© par Pascal Praud sur Cnews Ă  propos de la consommation de Cannabis. Comme Ă  propos des amendes qui seront dĂ©sormais infligĂ©es automatiquement Ă  toute personne surprise en flagrant dĂ©lit de consommation de cannabis :

D’abord 135 euros d’amende. Ou 200 euros ?

En Ă©coutant Pascal Praud sur Cnews hier ( il a au moins eu la sincĂ©ritĂ© de confesser qu’il n’avait jamais fumĂ© un pĂ©tard de sa vie)  la solution Ă  la consommation de cannabis passe par des amendes dissuasives, donc par la rĂ©pression, et par l’autoritĂ© parentale.

 

Le Dr Judson Brewer rappelle ce qu’est une addiction (page 68 de son livre) :

 

«  Un usage rĂ©pĂ©tĂ© malgrĂ© les consĂ©quences nĂ©gatives Â». 

 

Donc, rĂ©primer ne suffira pas Ă  endiguer les addictions au cannabis par exemple. RĂ©primer par le porte-monnaie provoquera une augmentation des agressions sur la voie publique. Puisqu’il faudra que les personnes addict ou dĂ©pendantes se procurent l’argent pour acheter leur substance. J’ai rencontrĂ© au moins un mĂ©decin addictologue qui nous a dit en formation qu’il lui arrivait de faire des prescriptions de produits de substitution pour Ă©viter qu’une personne addict n’agresse des personnes sur la voie publique afin de leur soutirer de l’argent en vue de s’acheter sa dose. On ne parlait pas d’une addiction au cannabis. Mais, selon moi, les consĂ©quences peuvent ĂȘtre les mĂȘmes pour certains usagers de cannabis.

 

Le point commun entre une addiction (avec ou sans substance) et cette « incohĂ©rence Â» par rapport Ă  la vie que pointe un Kersauson ainsi qu’un Tabarly avant lui, c’est que nous sommes trĂšs nombreux Ă  maintenir des habitudes de vie qui ont sur nous des « consĂ©quences nĂ©gatives Â». Par manque d’imagination. Par manque de modĂšle. Par manque de courage ou d’estomac. Par manque d’accompagnement. Par manque d’estime de soi. Par Devoir. Oui, par Devoir. Et Par peur.

 

La Peur

On peut bien-sĂ»r penser Ă  la peur du changement. Comme Ă  la peur partir Ă  l’aventure.

 

Kersauson affirme dans son livre qu’il n’a peur de rien. C’est lĂ  oĂč je lui trouve un cĂŽtĂ© Bernard Lavilliers des ocĂ©ans. Pour sa façon de rouler des mĂ©caniques. Je ne lui conteste pas son courage en mer ou sur la terre. Je crois Ă  son autoritĂ©, Ă  sa dĂ©termination comme ses trĂšs hautes capacitĂ©s d’intimidation et de commandement.

 

Mais avoir peur de rien, ça n’existe pas. Tout le monde a peur de quelque chose, Ă  un moment ou Ă  un autre. Certaines personnes sont fortes pour transcender leur peur. Pour  s’en servir pour accomplir des actions que peu de personnes pourraient rĂ©aliser. Mais on a tous peur de quelque chose.

 

Kersauson a peut-ĂȘtre oubliĂ©. Ou, sĂ»rement qu’il a peur plus tardivement que la majoritĂ©. Mais je ne crois pas Ă  une personne dĂ©pourvue totalement de peur. MĂȘme Tabarly, en mer, a pu avoir peur. Je l’ai lu ou entendu. Sauf que Tabarly, comme Kersauson certainement, et comme quelques autres, une minoritĂ©, font partie des personnes (femmes comme hommes, mais aussi enfants) qui ont une aptitude Ă  se reprendre en main et Ă  fendre leur peur.

 

Je pourrais peut-ĂȘtre ajouter que la personne qui parvient Ă  se reprendre alors qu’elle a des moments de peur est plus grande, et sans doute plus forte, que celle qui ignore complĂštement ce qu’est la peur. Pour moi, la personne qui ignore la peur s’aperçoit beaucoup trop tard qu’elle a peur. Lorsqu’elle s’en rend compte, elle est dĂ©jĂ  bien trop engagĂ©e dans un dĂ©nouement qui dĂ©passe sa volontĂ©.

 

Cette remarque mise Ă  part, je trouve Ă  Kersauson, comme Ă  Tabarly et Ă  celles et ceux qui leur ressemblent une parentĂ© Ă©vidente avec l’esprit chevaleresque ou l’esprit du sabre propre aux SamouraĂŻ et Ă  certains aventuriers. Cela n’a rien d’étonnant.

 

L’esprit du samouraï

 

Dans une vidĂ©o postĂ©e sur Youtube le 13 dĂ©cembre 2019, GregMMA, ancien combattant de MMA, rencontre LĂ©o Tamaki, fondateur de l’école Kishinkai Aikido.

 

GregMMA a rencontrĂ© d’autres combattants d’autres disciplines martiales ou en rapport avec le Combat. La particularitĂ© de cette vidĂ©o (qui compte 310 070 vues alors que j’écris l’article) est l’érudition de LĂ©o Tamaki que j’avais entrevue dans une revue. Erudition Ă  laquelle GregMMA se montre heureusement rĂ©ceptif. L’un des attraits du MMA depuis quelques annĂ©es, c’est d’offrir une palette aussi complĂšte que possible de techniques pour se dĂ©fendre comme pour survivre en cas d’agression. C’est La discipline de combat du moment. MĂȘme si le Krav Maga a aussi une bonne cote.  Mais, comme souvent, des comparaisons se font entre tel ou telle discipline martiale, de Self-DĂ©fense ou de combat en termes d’efficacitĂ© dans des conditions rĂ©elles.

 

Je ne donne aucun scoop en Ă©crivant que le MMA attire sĂ»rement plus d’adhĂ©rents aujourd’hui que l’AĂŻkido qui a souvent l’ image d’un art martial dont les postures sont difficiles Ă  assimiler, qui peut faire penser «  Ă  de la danse Â» et dont l’efficacitĂ© dans la vie rĂ©elle peut ĂȘtre mise en doute  :

 

On ne connaĂźt pas de grand champion actuel dans les sports de combats, ou dans les arts martiaux, qui soit AĂŻkidoka. Steven Seagal, c’est au cinĂ©ma et ça date des annĂ©es 1990-2000. Dans les combats UFC, on ne parle pas d’AĂŻkidoka mĂȘme si les combattants UFC sont souvent polyvalents ou ont gĂ©nĂ©ralement cumulĂ© diffĂ©rentes expĂ©riences de techniques et de distances de combat.

 

Lors de cet Ă©change avec GregMMA, LĂ©o Tamaki confirme que le niveau des pratiquants en AĂŻkido a baissĂ©. Ce qui explique aussi en partie le discrĂ©dit qui touche l’AĂŻkido. Il explique la raison de la baisse de niveau :

 

Les derniers grands Maitres d’AĂŻkido avaient connu la Guerre. Ils l’avaient soit vĂ©cue soit en Ă©taient encore imprĂ©gnĂ©s. A partir de lĂ , pour eux, pratiquer l’AĂŻkido, mĂȘme si, comme souvent, ils avaient pu pratiquer d’autres disciplines martiales auparavant, devait leur permettre d’assurer leur survie. C’était immĂ©diat et trĂšs concret. Cela est trĂšs diffĂ©rent de la dĂ©marche qui consiste Ă  aller pratiquer un sport de combat ou un art martial afin de faire « du sport Â», pour perdre du poids ou pour se remettre en forme.

 

Lorsque Kersauson explique au dĂ©but de son livre qu’il a voulu Ă  tout prix faire de sa vie ce qu’il souhaitait, c’était en rĂ©ponse Ă  la Guerre qui Ă©tait pour lui une expĂ©rience trĂšs concrĂšte. Et qui aurait pu lui prendre sa vie.

Lorsque je suis parti faire mon service militaire, qui Ă©tait encore obligatoire Ă  mon « Ă©poque Â», la guerre Ă©tait dĂ©jĂ  une probabilitĂ© Ă©loignĂ©e. Bien plus Ă©loignĂ©e que pour un Kersauson et les personnes de son Ăąge. MĂȘme s’il a vĂ©cu dans un milieu privilĂ©giĂ©, il avait 18 ans en 1962 lorsque l’AlgĂ©rie est devenue indĂ©pendante. D’ailleurs, je crois qu’un de ses frĂšres est parti faire la Guerre d’AlgĂ©rie.

 

On retrouve chez lui comme chez certains adeptes d’arts martiaux , de self-dĂ©fense ou de sport de combat, cet instinct de survie et de libertĂ© qui l’a poussĂ©, lui, Ă  prendre le large. Quitte Ă  perdre sa vie, autant la perdre en  choisissant de faire quelque chose que l’on aime faire. Surtout qu’autour de lui, il s’aperçoit que les aĂźnĂ©s et les anciens qui devraient ĂȘtre Ă  mĂȘme de l’orienter ont dĂ©gustĂ© (Page 43) :

« Bon, l’ancien monde est mort. S’ouvre Ă  moi une pĂ©riode favorable (
.). J’ai 20 ans, j’ai beaucoup lu et je me dis qu’il y a un loup dans la combine :

Je m’aperçois que les vieux se taisent, ne parlent pas. Et comme ils ont fait le trajet avant, ils devraient nous donner le mode d’emploi pour l’avenir, mais rien ! Ils sont vaincus. Alors, je sens qu’il ne faut surtout pas s’adapter Ă  ce qui existe mais crĂ©er ce qui vous convient Â».

 

Nous ne vivons pas dans un pays en guerre.

 

Jusqu’à maintenant, si l’on excepte le chĂŽmage,  certains attentats et les faits divers, nous avons obtenu une certaine sĂ©curitĂ©. Nous ne vivons pas dans un pays en guerre. MĂȘme si, rĂ©guliĂšrement, on nous parle « d’embrasement Â» des banlieues, « d’insĂ©curitĂ© Â» et «  d’ensauvagement Â» de la France. En tant que citoyens, nous n’avons pas Ă  fournir un effort de guerre en dehors du territoire ou Ă  donner notre vie dans une armĂ©e. En contrepartie, nous sommes une majoritĂ© Ă  avoir acceptĂ© et Ă  accepter  certaines conditions de vie et de travail. Plusieurs de ces conditions de vie et de travail sont discutables voire insupportables.

Face Ă  cela, certaines personnes dĂ©veloppent un instinct de survie lĂ©gal ou illĂ©gal. D’autres s’auto-dĂ©truisent ( par les addictions par exemple mais aussi par les accidents du travail, les maladies professionnelles ou les troubles psychosomatiques). D’autres prennent sur eux et se musĂšlent par Devoir
.jusqu’à ce que cela devienne impossible de prendre sur soi. Que ce soit dans les banlieues. Dans certaines catĂ©gories socio-professionnelles. Ou au travers des gilets jaunes.  

 

Et, on en revient Ă  la toute premiĂšre phrase du livre de Kersauson.

 

Le plaisir est ma seule ambition

 

J’ai encore du mal Ă  admettre que cette premiĂšre phrase est/soit peut-ĂȘtre la plus importante du livre. Sans doute parce-que je reste moins libre que Kersauson, et d’autres, question plaisir.

 

Plus loin, Kersauson explicite aussi la nĂ©cessitĂ© de l’engagement et du Devoir. Car c’est aussi un homme d’engagement et de Devoir.

 

Mais mettre le plaisir au premier plan, ça dĂ©limite les Mondes, les ĂȘtres, leur fonction et leur rĂŽle.

 

Parce- qu’il y a celles et ceux qui s’en remettent au mĂ©rite – comme certaines religions, certaines Ă©ducations et certaines institutions nous y entraĂźnent et nous habituent- et qui sont prĂȘts Ă  accepter bien des sacrifices. Sacrifices qui peuvent se rĂ©vĂ©ler vains. Parce que l’on peut ĂȘtre persĂ©vĂ©rant (e ) et mĂ©ritant ( e) et se faire arnaquer. Moralement. Physiquement. Economiquement. Affectivement. C’est l’histoire assez rĂ©pĂ©tĂ©e, encore toute rĂ©cente, par exemple, des soignants comme on l’a vu pendant l’épidĂ©mie du Covid. Ainsi que l’histoire d’autres professions et de bien des gens qui endurent. Qui prennent sur eux. Qui croient en une Justice divine, Ă©tatique ou politique qui va les rĂ©compenser Ă  la hauteur de leurs efforts et de leurs espoirs.

 

Mais c’est aussi l’histoire rĂ©pĂ©tĂ©e de ces spectateurs chevronnĂ©s que nous sommes tous plus ou moins de notre propre vie. Une vie que nous recherchons par Ă©crans interposĂ©s ou Ă  travers celle des autres. Au lieu d’agir. Il faut se rappeler que nous sommes dans une sociĂ©tĂ© de loisirs. Le loisir, c’est diffĂ©rent du plaisir.

 

Le loisir, c’est diffĂ©rent du plaisir

 

 

Le loisir, ça peut ĂȘtre la pause-pipi, la pause-cigarette ou le jour de formation qui sont accordĂ©s parce-que ça permet ensuite Ă  l’employĂ© de continuer d’accepter des conditions de travail inacceptables.

 

Ça peut aussi consister Ă  laisser le conjoint ou la conjointe sortir avec ses amis ou ses amies pour pouvoir mieux continuer de lui imposer notre passivitĂ© et notre mauvaise humeur rĂ©siduelle.

 

C’est les congĂ©s payĂ©s que l’on donne pour que les citoyens se changent les idĂ©es avant la rentrĂ©e oĂč ils vont se faire imposer, imploser et contrĂŽler plus durement. Bien des personnes qui se prendront une amende pour consommation de cannabis seront aussi des personnes adultes et responsables au casier judiciaire vierge, insĂ©rĂ©es socialement, payant leurs impĂŽts et effectuant leur travail correctement. Se contenter de les matraquer Ă  coups d’amende en cas de consommation de cannabis ne va pas les inciter Ă  arrĂȘter d’en consommer. Ou alors, elles se reporteront peut-ĂȘtre sur d’autres addictions plus autorisĂ©es et plus lĂ©gales (alcool et mĂ©dicaments par exemple
.).

 

Le plaisir, c’est l’intĂ©gralitĂ© d’un moment, d’une expĂ©rience comme d’une rencontre. Cela a Ă  voir avec le libre-arbitre. Et non avec sa version fantasmĂ©e, rabotĂ©e, autorisĂ©e ou diluĂ©e.

 

Il faut des moments de loisirs, bien-sûr. On envoie bien nos enfants au centre de loisirs. Et on peut y connaßtre des plaisirs.

 

Mais dire et affirmer «  Le plaisir est ma seule ambition Â», cela signifie qu’à un moment donnĂ©, on est une personne libre. On dĂ©pend alors trĂšs peu d’un gouvernement, d’un parti politique, d’une religion, d’une Ă©ducation, d’un supĂ©rieur hiĂ©rarchique. Il n’y a, alors, pas grand monde au dessus de nous. Il s’agit alors de s’adresser Ă  nous en consĂ©quence. Faute de quoi, notre histoire se terminera. Et chacun partira de son cĂŽtĂ© dans le meilleur des cas.

 

Page 121 :

 

« Je suis indiffĂ©rent aux fĂ©licitations. C’est une force Â».

 

Page 124 :

 

« Nos contemporains n’ont plus le temps de penser (
.) Ils se sont inventĂ© des vies monstrueuses dont ils sont responsables-partiellement Â». Olivier de Kersauson.

 

 

Article de Franck Unimon, mercredi 2 septembre 2020.


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