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Matrix RĂ©surrections- un film de Lana Wachowski

 

                           Matrix Resurrections un film de Lana Wachowski

 

 Dix huit ans plus tĂŽt, Matrix RĂ©volutions clĂŽturait de maniĂšre bĂąclĂ©e la trilogie Matrix. Le premier Matrix, rĂ©alisĂ© en 1999, avait Ă©tĂ© le mieux rĂ©ussi. Les deux suivants, Matrix Reloaded puis Matrix RĂ©volutions s’étaient suivis de trop prĂšs. MĂȘme si j’avais aimĂ© voir ces deux suites, j’avais Ă©tĂ© soulagĂ© de voir la fin de Matrix RĂ©volutions des « frĂšres Â» Wachowski.

 

AprĂšs ça, mĂȘme si les frĂšres Wachowski, devenus ensuite des femmes, avaient rĂ©alisĂ© d’autres films, ceux-ci avaient moins captivĂ© le public. Ou m’avaient moins donnĂ© envie de tous les voir. Matrix avait fait beaucoup parler. V pour Vendetta ? Parlez en Ă  celles et ceux qui connaissent l’Ɠuvre d’Alan Moore que les Wachowski avaient adaptĂ©. Je ne suis pas sĂ»r qu’ils aient unanimement apprĂ©ciĂ© le rendu. Alan Moore, quant Ă  lui, a reniĂ© toutes les adaptations cinĂ©matographiques qui ont pu ĂȘtre faites de ses Ɠuvres.

 

L’acteur Keanu Reeves/ NĂ©o avait aussi du mal Ă  se remettre de ce gros coup de booster que lui avait donnĂ© la trilogie Matrix. La carriĂšre de Keanu Reeves est vraiment trĂšs particuliĂšre. PassĂ© par le cinĂ©ma d’auteur avec My Own Private Idaho de Gus Van Sant qui dĂ©rangerait certaines mƓurs, il avait ensuite « dĂ©collĂ© Â» commercialement dans des films de trĂšs grands rĂ©alisateurs tels Francis Ford Coppola dans Dracula oĂč il jouait un jeune romantique innocent puis dans des films d’action pour adolescents : Speed, Point Break.

Keanu Reeves Ă©tait un peu l’un des alter-ego, en moins populaire, d’un Tom Cruise d’avant Magnolia de Paul Thomas
Anderson.

 

Anderson, l’homme quelconque que personne ne remarque. MĂȘme pas frustrĂ© comme JosĂ© Garcia ou Philippe Harel dans le film Extension du domaine de la lutte  adaptĂ© d’un des livres de Michel Houellebecq.

 

MĂȘme pas bouffi de rage comme Chris Penn dans Nos FunĂ©railles d’Abel Ferrara.

 

MĂȘme pas.

 

Gigolo dans My Own Private Idaho, Keanu Reeves/ NĂ©o/ Thomas Anderson est asexuĂ© dans le premier Matrix. Ses pulsations Ă©rectiles sont au plus bas vu qu’elles sont inexistantes. Aucun stĂ©thoscope sophistiquĂ© ni aucune main habile ne saurait dĂ©tecter chez lui ne serait-ce que des fourmillements d’ailes de papillon.

 

Malgré cette particularité assez fréquente dans les rÎles de Keanu Reeves, cette asexualité et cette absence de
vice ou de sournoiserie dans ses rÎles (comme savent en mettre un Samuel Jackson ou un Benicio Del Toro) Keanu Reeves a su véritablement retrouver une carriÚre aprÚs Matrix grùce à John Wick.

 

John Wick est un homme qui aspire Ă  vivre tranquillement avec son chien et les chevaux de ses voitures et que quelqu’un contraint toujours Ă  exĂ©cuter des gens.

 

Dans Matrix Resurrections, on retrouve du John Wick pour la coupe de cheveux. Cette coupe de cheveux est raccord avec le job qu’occupe dĂ©sormais Thomas Anderson :

 

Celui de concepteur vedette dans une entreprise de jeux vidĂ©os. J’ai beaucoup aimĂ© cette rĂ©miniscence du succĂšs qu’a pu connaĂźtre Thomas Anderson grĂące Ă  son jeu vidĂ©o. Et, comment, elle a pu lui faire perdre un moment, un certain sens de la « rĂ©alitĂ© Â».

 

J’ai aussi trouvĂ© Ă  Thomas Anderson un cĂŽtĂ© Bob Sinclar, le DJ français. Bien-sĂ»r, NĂ©o/Thomas Anderson, lui, s’y connaĂźt davantage en mixage de scĂšnes de combats qu’en mixage de titres de musique.

 

De quoi nous parle Matrix Resurrections  qui dure prĂšs de 2h40 ?

 

De la solitude.

 

Et de l’amour comme principal parachute devant le vertige de notre solitude. Les trois premiers Matrix parlaient dĂ©jĂ  ça.

 

Bound rĂ©alisĂ© auparavant par les frĂšres Wachowski rajoutait de l’érotisme Ă  cet amour entre deux hĂ©roĂŻnes. Etonnamment, cet Ă©rotisme a disparu, a toujours Ă©tĂ© absent, entre NĂ©o et Trinity (l’actrice Carrie Anne-Moss). Peut-ĂȘtre parce-que le tempĂ©rament de Trinity, « plus masculin ? Â», apparaĂźt comme incompatible avec l’érotisme compte tenu de la « fĂ©minitĂ© Â» de NĂ©o pour les Wachowski ?

 

Cela surprend pour des rĂ©alisateurs qui ont Ă©tĂ© capables de changer de genre. Et c’est d’autant plus Ă©tonnant aprĂšs un film comme Border rĂ©alisĂ© par Ali Abassi ( d’aprĂšs une Ɠuvre littĂ©raire) qui nous montre que les rĂŽles masculin et fĂ©minin peuvent ĂȘtre inversĂ©s tout en prĂ©servant de l’érotisme au sein d’un couple.

 

Pourquoi est-ce que j’insiste autant que ça sur ces questions de « genre Â» ? Parce-que les scĂšnes d’actions, mĂȘme si elles sont bien sĂ»r rĂ©ussies dans Matrix Resurrections, sont lĂ  pour assurer le spectacle et y arrivent bien dans l’ensemble. Et puis, en regardant un peu, on voit bien que Lana Wachowski met des indices de « genre Â» selon moi moins affirmĂ©s dans la trilogie initiale.

Le jeune Morpheus est ainsi au minimum queer ou homo dans Matrix Resurrections ou flirte en tout cas plusieurs fois avec le coming out homosexuel selon certains codes. Quant Ă  ces histoires de pilule bleue et de pilule rouge, difficile, aujourd’hui, de ne pas penser un peu au chemsex ou, peut-ĂȘtre, au GHB.

 

L’allusion au ciel arc en ciel Ă  la fin du film fait aussi penser au drapeau homo et Ă  tous les mouvements militants LGBTQ+ oĂč ce drapeau est visible. Il me semble que ces signes Ă©taient moins prĂ©sents dans la trilogie de dĂ©part.

 

J’ai beaucoup aimĂ© la relation de NĂ©o avec son analyste. Une relation de dĂ©pendance qu’a peut-ĂȘtre connue Lana Wachowski ou d’autres personnes. L’analyste Ă©tant le garant mais aussi le gardien d’une certaine rĂ©alitĂ©. Et, comme tout chaman, tout gourou malveillant, ou toute sociĂ©tĂ© mortifĂšre, de cette rĂ©alitĂ© dans lequel il nous retient prisonnier, il peut dĂ©cider de garder la clĂ©. Dans Matrix Resurrections, la psychanalyse confesse et guide le Christ ( NĂ©o). L’analyste semble avoir pris le pouvoir sur la religion. 

 

 

 

Les miroirs, dans Matrix, sont souvent prĂ©sents. Et on les traverse. Mais les traverser, c’est aussi traverser notre propre identitĂ©. Nos limites seraient donc permĂ©ables de la mĂȘme maniĂšre que nos muqueuses. Et ça, ça peut effrayer. Un analyste, c’est aussi un miroir. Un miroir qui nous fixe et qui nous empĂȘche de le franchir. Comme de dĂ©border hors de certaines limites. Dans Matrix Resurrections, Lana Wachowski continue de se battre avec les limites. On peut vraiment dire du film qu’il est « border line Â».

La paranoĂŻa environnante fait toujours l’atmosphĂšre du film. Au point que l’on peut se demander comment, malgrĂ© ça, NĂ©o et Trinity peuvent-ils arriver Ă  s’aimer et se comprendre. Le coup de foudre, la destinĂ©e, nous rĂ©pond Ă  nouveau Lana Wachowski. Ouais
.

 

Contrairement à Néo, Trinity semble toujours bien ancrée dans la réalité et trÚs pragmatique.

 

 

Le film a aussi conservĂ© ses moments de grand bavardage. C’est supposĂ© ĂȘtre explicatif ou doit sans doute servir Ă  crĂ©er un Ă©quilibre entre l’action et la rĂ©flexion. Mais Lana Wachowski a moins de verve que Tarantino. Et son style est trop « lourd Â» pour ĂȘtre un « pousseur d’ñme Â» comme peut l’ĂȘtre le cinĂ©ma de Kieslowski.

 

Le scĂ©nario continue de tourner autour de : il faut absolument sauver quelqu’un que l’on aime. Autrement, cette personne va mourir. Pour cela, il nous faut dĂ©sobĂ©ir. Notre temps est comptĂ©. Sinon, nous aussi, nous allons tous mourir, et, alors, nous ne pourrons plus jamais dĂ©sobĂ©ir Ă  qui que ce soit.

Les machines auront gagné.

 

 

Par contre, question humour, on a quelques scÚnes trÚs réussies ( Ah, Lambert Wilson !).

 

Les autres bons cĂŽtĂ©s du film :

 

C’est trĂšs plaisant, en tant que cinĂ©phile, de pouvoir aller voir la suite d’une trilogie que l’on a aimĂ© dĂ©couvrir au cinĂ©ma vingt ans plus tĂŽt. Et Lana Wachowski sait inclure quelques scĂšnes de cette trilogie dans le film.

 

Je me suis montrĂ© assez critique envers les vertus de l’amour selon Sainte Lana Wachowski, pourtant l’histoire d’amour entre NĂ©o et Trinity m’est apparue rĂ©aliste. Et je trouve vraisemblable le rĂŽle de femme jouĂ© par Trinity/Tiffany lorsqu’ils se revoient. J’aurais mĂȘme aimĂ© qu’elle se transforme en une sorte de Hancock au fĂ©minin avec ses deux « gamins Â» lorsqu’elle commence Ă  se « rĂ©veiller Â».

 

 

Ce Matrix Resurrections nous fait aussi du bien car il fait partie d’une histoire oĂč nous Ă©tions davantage insouciants. Le premier Matrix Ă©tait sorti avant les attentats du 11 septembre 2001 Ă  New-York. C’était aussi une Ă©poque oĂč internet et la tĂ©lĂ©phonie mobile se dĂ©mocratisaient. Nokia, alors, Ă©tait la rĂ©fĂ©rence mondiale en tĂ©lĂ©phone portable. L’iphone mais aussi Facebook n’existaient pas. L’urgence climatique, dĂ©ja connue, Ă©tait aussi moins discernĂ©e. Le diesel “coulait” alors Ă  flots dans les rĂ©servoirs des voitures. 

 Matrix Resurrections, c’est aussi ça : un film qui se veut visionnaire et qui l’est Ă  sa maniĂšre (il va ĂȘtre trĂšs difficile de traverser le miroir de la salle de bain chez soi mĂȘme en Ă©tant Ă©perdument amoureux) et qui appartient aussi Ă  un passĂ© oĂč l’on pouvait faire certains choix disparus ou plus difficiles Ă  faire aujourd’hui.  

 

La rĂ©alisatrice milite d’ailleurs aussi en faveur des salles de cinĂ©ma. Son film passe uniquement dans les salles de cinĂ©ma- comme c’était encore la norme au dĂ©but des annĂ©es 2000- alors que depuis quelques annĂ©es, certaines maisons de production contournent les salles de cinĂ©ma pour promouvoir « leurs Â» films. Tandis que de nouvelles entreprises Ă©trangĂšres au cinĂ©ma telles Amazon se lancent de plus en plus dans des productions cinĂ©matographiques.

 

En conclusion :

 

 Matrix Resurrections n’est pas un chef d’Ɠuvre mais je suis content d’ĂȘtre allĂ© le voir dĂšs son premier jour de sortie au cinĂ©ma. Par contre, je n’irai pas le revoir. Alors que j’avais vu Matrix trois fois Ă  sa sortie.

Paris, 13 Úme arrondissement, mercredi 22 décembre 2021.

 

 

Franck Unimon, mercredi 22 décembre 2021.

 

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VĂ©lo Taffe

Repousser ses limites pour Noël

Paris, prĂšs de l’Ă©glise de la Madeleine, samedi 18 dĂ©cembre 2021, entre 18h45 et 19h10.

 

” C’est bientĂŽt, NoĂ«l, il faut se faire plaisir”.

Le train arrivait Ă  la gare de Paris St Lazare. Deux dames conversaient entre elles. Une femme africaine d’une cinquantaine d’annĂ©es et une europĂ©enne un peu plus jeune. La premiĂšre avait eu du mal Ă  se servir de son tĂ©lĂ©phone portable. La seconde lui avait expliquĂ© que son tĂ©lĂ©phone portable Ă©tait trop surchargĂ© en documents. La plus ĂągĂ©e venait de prendre une rĂ©solution tandis que le quai se rapprochait :

“Je vais effacer toutes les photos et m’acheter un autre tĂ©lĂ©phone portable!”.

 

 

PrĂšs de l’Ă©glise de la Madeleine, Paris, samedi 18 dĂ©cembre 2021, entre 18h45 et 19h10.

 

Hier soir, j’ai repris mon vĂ©lo pour rejoindre mon lieu de travail depuis Paris St Lazare. Il y avait du monde en partance. Chacun semblait savoir prĂ©cisĂ©ment oĂč il se rendait. Il y avait une espĂšce  d’urgence. Entre la gare St Lazare et la place de la Concorde, beaucoup de monde. Beaucoup de voitures.

 

Paris, le long des Tuileries, ce samedi 18 décembre 2021, vers 19h.

 

 

Mais aussi des gens contents d’ĂȘtre lĂ  et de se dĂ©tendre. Les vacances de NoĂ«l avaient commencĂ©.

 

 

Place de la Concorde, Paris, quelques minutes avant la photo précédente, ce samedi 18 décembre 2021.

 

 

AprĂšs la place de la Concorde, j’ai aperçu un homme avancer d’un pas pressĂ©. Il portait des sacs que j’ai devinĂ©s remplis d’achats pour les cadeaux de NoĂ«l. Il fallait faire vite.

 

Parti en avance, j’ai pris mon temps pour quelques photos. Puis, au dĂ©but du Bd Raspail, un cycliste m’a dĂ©passĂ©. Je me suis rappelĂ© que j’allais au travail et j’ai voulu le rattraper. Au dĂ©but, j’y suis arrivĂ©. Celui-ci suivait une autre personne sur un deux roues Ă©quipe d’un moteur Ă  pneus larges. Il se mettait en danseuse pour sprinter dĂšs le dĂ©but afin de se mettre “dans” la roue de l’homme “motorisĂ©”. Difficile de savoir s’ils se connaissaient ou si celui que j’essayais de rattraper entendait profiter de cette opportunitĂ© pour s’entraĂźner. Il portait un Jean’s. Il Ă©tait sur un vĂ©lo de “cycliste”. Moi, je me tenais droit sur mon vĂ©lo pliant, avec mon sac Ă  dos transportant mes vĂȘtements de rechange et mon repas pour le dĂźner et le petit-dĂ©jeuner. Ainsi qu’un livre ( Celui qui s’est Ă©chappĂ© de Chris Ryan ). Je voyageais “lĂ©ger”. Et, je voyagerai encore plus lĂ©ger en reconnaissant qu’aprĂšs plusieurs dizaines ou centaines de mĂštres, Ă  mesure que le Bd Raspail montait et qu’il fallait s’arrĂȘter au feu rouge puis repartir et se relancer, j’ai eu du mal Ă  suivre. A repousser mes limites. Je n’ai pas Ă©tĂ© Ă  la hauteur. Me mettre en danseuse comme l’autre devant ? Sur mon vĂ©lo pliant, achetĂ© dans la chaine de magasins de sport grand public DĂ©cathlon, j’ai dĂ©veloppĂ©, plutĂŽt qu’un braquet impitoyable, une sorte d’orgueil snob qui m’interdit de soulever mes fesses. Je pĂ©dale “droit” sans tortiller mes fesses de droite Ă  gauche, surĂ©levĂ© au dessus de ma selle, laissant mes membres infĂ©rieurs faire leur travail et mon buste et ma tĂȘte s’occuper de la direction et de la stratĂ©gie Ă  adopter. 

 

Mais hier soir, cette hiĂ©rarchie n’a pas suffi. Il en faut peu pour ĂȘtre distancĂ©. Ensuite, l’Ă©cart se rallonge. Et, soit on persiste. Soit on revient Ă  soi-mĂȘme en se disant que l’on est Ă  l’heure. Que l’on n’est pas lĂ  pour faire la course. Et, aussi, que douze heures de travail nous attendent.

 

Je suis arrivĂ© tranquillement au travail. Lorsque j’ai pris ma douche, j’avais totalement oubliĂ© que je venais de perdre le maillot Ă  pois du meilleur grimpeur du Bd Raspail.

 

Ce matin, j’ai fait le chemin en sens inverse en profitant pleinement de ce calme mental et matinal, dans les rues de Paris, un dimanche matin mais aussi un jour de vacances. J’ai croisĂ© un homme qui faisait son footing. Sa belle foulĂ©e m’a donnĂ© envie de faire comme lui. Cela m’arrive quelques fois. Mais je ne peux pas ĂȘtre partout. 

 

Paris, ce dimanche 19 décembre 2021, un peu avant 9 heures du matin.

 

Paris, ce dimanche 19 décembre 2021, vers 9 heures du matin, prÚs de la gare St Lazare.

 

 

Paris, ce dimanche 19 décembre 2021, vers 9 heures du matin, prÚs de la Gare St Lazare.

 

 

Paris, ce dimanche 19 décembre 2021, vers 9 heures du matin, prÚs de la gare St Lazare.

 

 

Paris, ce dimanche 19 décembre 2021 vers 9 heures du matin, prÚs de la gare St Lazare.

 

Paris, ce dimanche 19 décembre 2021 vers 9 heures du matin, prÚs de la gare St Lazare.

 

Paris, ce dimanche 19 décembre 2021, vers 9 heures du matin.

 

Franck Unimon, ce dimanche 19 dĂ©cembre 2021. 

 

 

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Corona Circus Puissants Fonds/ Livres

Helie de Saint Marc par Laurent Beccaria

Helie de Saint Marc par Laurent Beccaria

 

 

« Tu veux ĂȘtre bon ?! Va oĂč est le chaos
 Â».

 

Nous sommes des millions, en France, Ă  considĂ©rer qu’à partir de ce soir ( ce vendredi 17 dĂ©cembre 2021)  vont dĂ©buter les vacances de NoĂ«l. Et de nombreux prĂ©paratifs, dans cette intention, ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© entamĂ©s.

 

Qu’est-ce qu’on va manger ? Avec qui on va faire la fĂȘte ? Quoi offrir ?

 

Pour certains, NoĂ«l et ses vacances sont une pĂ©riode joyeuse. Pour d’autres, il s’agira d’un bataillon de leurres Ă  endurer plus que d’autres jours. Une croix Ă  porter.

Gare de Paris St Lazare, 7 décembre 2021.

 

 

Toutes ces illuminations et ces airs de musique optimistes. Avec ces suggestions de cadeaux qui se dĂ©versent mĂȘme dans  des mĂ©dia « sĂ©rieux Â». ForĂȘts hormonales- et de nitrates- surgies brutalement et Ă  travers lesquelles il s’agira de cheminer comme si tout cela Ă©tait normal. Et qui disparaitront ensuite pour ĂȘtre remplacĂ©es par d’autres tĂ©nors magistraux : les soldes, la galette des rois
.

 

HĂ©lie de Saint Marc, lui, ne fĂȘtera pas NoĂ«l. Il est mort en 2013
à 91 ans.  AprĂšs plus de 90 NoĂ«l. C’est une longĂ©vitĂ© Ă©tonnante pour un homme qui a fait beaucoup plus que de dĂ©corer des sapins de NoĂ«l.

 

Il a envoyĂ© quelques hommes au sapin, en a vu d’autres se faire harponner par lui. Et, lui-mĂȘme, dans sa jeunesse, avait Ă©vitĂ© de peu sa transformation en sapin. C’était pendant la Seconde Guerre Mondiale, dans un camp de concentration nazi. Il avait Ă  peu prĂšs vingt ans. Puis en Indochine. Il y avait eu, aussi, la Guerre d’AlgĂ©rie
.

 

Les dĂ©corations militaires qu’ HĂ©lie de Saint Marc avait reçues ne venaient pas d’un magasin vendant des articles pour NoĂ«l.  

 

Je serai peut-ĂȘtre dĂ©cĂ©dĂ© bien avant mes 91 ans, moi qui bĂ©nĂ©ficie encore de la sĂ©curitĂ© sociale, d’une certaine sĂ©curitĂ© de l’emploi et qui rĂ©ussis Ă  manger Ă  ma faim. Mais aussi Ă  me plaindre, Ă  ĂȘtre insatisfait. Et si, un jour, on parle un petit peu plus de moi que lui et de toutes celles et tous ceux qui lui ont ressemblĂ©, qui lui ressemblent ou lui ressembleront, noirs, blancs, jaunes, arabes, hĂ©tĂ©rosexuels ou homosexuels, transgenres ou queer, femmes, hommes ou enfants, cela ne changera rien aux faits.

 

Les faits sont que HĂ©lie de Saint Marc, comme celles et ceux qui lui ressemblent, pour moi, est une trĂšs grande personne. Beaucoup plus que moi. Et, obtenir plus de « popularitĂ© Â» que lui, si cela arrivait, n’y changera rien.

L’Ă©crivaine Annie Ernaux, vraisemblablement en 1963.

 

Soyons prĂ©cis : c’est ce que j’ai cru entrevoir chez l’homme qu’a Ă©tĂ© HĂ©lie de Saint Marc, malgrĂ© son parcours de militaire qui me fait Ă©crire ça. Certaines de ses
valeurs. Il aura Ă©tĂ© un homme engagĂ© et un rĂ©sistant. Il existe diffĂ©rentes formes de rĂ©sistances. Pour moi, lorsque Annie Ernaux, dans sa nouvelle, L’évĂ©nement, raconte son avortement clandestin, en 1963, alors qu’elle a une vingtaine d’annĂ©es, dans le pĂ©rimĂštre de Rouen, je vois aussi une rĂ©sistante.

Et, lorsqu’en Guadeloupe, le musicien VĂ©lo, joue du Gwo-Ka, alors que ce genre de musique est alors mal perçu ( ou le Maloya Ă  la RĂ©union Ă  une certaine Ă©poque), je vois aussi un rĂ©sistant.

 

Aujourd’hui, le mot RĂ©silience, beaucoup transmis par Boris Cyrulnik, est souvent « dictĂ© Â» comme une Ă©vidence, mĂȘlĂ©s parmi d’autres termes qui seraient nos boussoles et nos idĂ©aux communs et immĂ©diats :

 

HumanitĂ©, tolĂ©rance, bienveillance, ĂȘtre une famille, entraide, solidaritĂ©, Ă©cologie, dĂ©mocratie, Ă©galitĂ©, libertĂ©, Ă©coute, assistance, conseil, rebondir


 

Les personnes rĂ©sistantes sont celles qui s’aperçoivent que la pensĂ©e dominante est un Ă©chec. Et que le chaos auquel cette pensĂ©e obĂ©it ne fera rien sortir de bon ou de meilleur chez l’ĂȘtre humain.

 

« Tu veux ĂȘtre bon ?! Va oĂč est le chaos
. Â». Cette phrase ne signifie pas :

 

« Fais-toi plaisir, Ă©crase tout le monde autour de toi parce-que tu es trĂšs fort et que tu as beaucoup de pouvoir Â».

 

Cette phrase ne signifie pas : « BĂątis un empire de carnage Ă  ton image et prends ton pied absolu sans te retourner. Et sans jamais te prĂ©occuper des autres ou te consacrer Ă  eux Â».

 

Contexte de lecture

 

HĂ©lie de Saint Marc, un prĂ©nom et un nom  inconnus, aujourd’hui.

 

Comparativement au variant Omicron de la pandémie du Covid. Au rappeur Orelsan .

Gare de Paris St Lazare, 7 dĂ©cembre 2021. En haut Ă  droite, au dessus de la sortie, une affiche montrant le rappeur Orelsan pour la promotion de son nouvel album ” Civilisation”.

 

 

Pardon pour la chronologie mais j’essaie de trouver des actualitĂ©s qui parlent ou parleront rapidement au plus grand nombre :

 

Ouvrage dirigĂ© par Zineb El Razhaoui, ancienne journaliste de ” Charlie Hebdo”, dans lequel elle recueille 13 tĂ©moignages de victimes ou de proches de victimes des attentats islamistes du 13 novembre 2015 Ă  Paris. Elle fait aussi le portrait du meneur de ces attentats.

Le procĂšs des attentats islamistes du 13 novembre 2015 ; Le candidat aux Ă©lections prĂ©sidentielles polĂ©miste-journaliste-Ă©crivain-extrĂ©miste de droite-futur papa Eric Zemmour ; la pĂ©nurie infirmiĂšre et mĂ©dicale ;

 

 

L’hebdomadaire TĂ©lĂ©rama de ce 15 dĂ©cembre 2021.

 

 

le refus du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale en Guadeloupe et dans d’autres rĂ©gions de France et d’outre-mer ;

 

 

Le journal ” Charlie Hebdo” de ce 15 dĂ©cembre 2021.

 

 

la normalisation des relations de certains pays du Machrek tels le Maroc avec IsraĂ«l ; L’emprise croissante de la Chine sur Hong-Kong et dans le Monde ; L’incarcĂ©ration Ă  la prison de la SantĂ© de Claude GuĂ©ant , l’ancien Ministre de l’intĂ©rieur trĂšs sĂ»r de lui, de l’ex PrĂ©sident de la RĂ©publique, Nicolas Sarkozy pour dĂ©tournement de fonds ; L’accusation de viol portĂ©e Ă  l’encontre de personnalitĂ©s populaires ( masculines) telles que Nicolas Hulot, ancien Ministre mais aussi animateur de tĂ©lĂ© vedette, Yannick Agnel, ancien champion olympique de natation ; La Turquie qui brĂ»le ou ampute les doigts de certains de ses Ă©crivains afin qu’ils ne puissent plus Ă©crire ; La sonde Parker Solar Probe, de la NASA, qui a « touchĂ© le soleil pour la premiĂšre fois Â» (La sonde lancĂ©e en 2018  «   a franchi une bordure symbolique appelĂ©e la frontiĂšre d’AlfvĂšn Â» situĂ©e Ă  15 millions de kilomĂštres de la surface du Soleil Â». Article de France info publiĂ© le 16 dĂ©cembre 2021) ; la sortie du « nouveau Â» film Matrix RĂ©surrections ce 22 dĂ©cembre 2021. La mort rĂ©cente de Pierre Rabhi, Ă©cologiste modĂšle, homophobe et assez misogyne.  

 

 

PremiĂšre page de couverture du journal ” Charlie Hebdo” de ce 8 dĂ©cembre 2021. Avec, Ă  gauche, l’homme politique, Eric Ciotti, au centre, la femme politique ValĂ©rie PĂ©cresse, Ă  droite, la femme politique Marine Le Pen et, allongĂ©, Ă  plat ventre, Eric Zemmour ex-journaliste, polĂ©miste, Ă©crivain qui s’est dĂ©clarĂ© rĂ©cemment candidat aux Ă©lections prĂ©sidentielles de 2022.

 

 

HĂ©lie de Saint Marc n’appartient plus Ă  cette Ă©poque. Mais je cite ces quelques Ă©vĂ©nements car je crois que connaĂźtre un peu le contexte qui entoure une lecture peut rajouter du relief et une certaine profondeur Ă  un article.

 

La couverture de l’hebdomadaire TĂ©lĂ©rama de ce 15 dĂ©cembre 2021. Le rappeur Joey Starr, un des meneurs du groupe de Rap NTM ou SuprĂȘme NTM y est montrĂ© en premiĂšre page. Aujourd’hui, le groupe NTM n’existe plus. Mais un film consacrĂ© au groupe ” Les SuprĂȘmes” d’Audrey Estrougou est sorti au cinĂ©ma le 24 novembre 2021 et marche plutĂŽt bien en salle. Par ailleurs, Joey Starr, depuis cette photo en 1988, est depuis devenu un acteur et un comĂ©dien ( tant au cinĂ©ma qu’au thĂ©Ăątre) reconnus. Ce que rien en particulier ne laissait prĂ©sager lorsque le groupe NTM a sorti ses premiers albums dans les annĂ©es 90, Joey Starr se faisant plus “connaĂźtre” pour ses frasques ainsi que pour sa musique et ses prestations scĂ©niques.

 

 

Ma « dĂ©couverte Â» de HĂ©lie de Saint Marc  :

J’avais « entendu Â» parler de HĂ©lie de Saint Marc sans doute un peu avant sa mort.

 

« Tu veux ĂȘtre bon ?! Va oĂč est le chaos Â» n’est pas de lui.

 

Le Maitre Kacem Zoughari en couverture d’un prĂ©cĂ©dent numĂ©ro de la trĂšs bonne revue d’Arts martiaux, Yashima.

 

 Cette phrase- Ă  laquelle j’ai dĂ©jĂ  fait rĂ©fĂ©rence- a Ă©tĂ© prononcĂ©e par Kacem Zoughari, Maitre d’Arts martiaux, lorsqu’il avait Ă©tĂ© interviewĂ© pour le magazine Yashima par LĂ©o Tamaki, un autre Maitre d’Arts Martiaux. Un des Maitres d’Arts Martiaux de Kacem Zoughari , devenu un Sensei lui-mĂȘme, lui avait donnĂ© un jour ce « conseil Â».

 

 

 HĂ©lie de Saint Marc n’était ni prĂȘtre, ni rappeur, ni Maitre d’Arts Martiaux :

Il a Ă©tĂ© rĂ©sistant, dĂ©portĂ© dans un camp de concentration nazi, militaire, lĂ©gionnaire parachutiste, officier. Il a avait Ă©tĂ© entachĂ© par sa participation au putsch des gĂ©nĂ©raux en AlgĂ©rie en 1961 qui s’est opposĂ© au GĂ©nĂ©ral de Gaulle. CondamnĂ© pour cela Ă  faire de la prison. Puis rĂ©habilitĂ© aprĂšs plusieurs annĂ©es d’incarcĂ©ration. Enfin, il est devenu Ă©crivain et ses livres, oĂč il raconte « ses Â» guerres et ses Ă©poques, sont bien cotĂ©s.

Je n’en n’ai lu aucun pour l’instant par contre j’ai lu cette biographie que lui a consacrĂ©, de son vivant, un des membres de sa famille, Laurent Beccaria, historien, ainsi que cet ouvrage qui retranscrivait sa rencontre avec un ancien officier nazi :

Notre Histoire avec August Von Kageneck , conversations recueillies par Etienne de Montety.  

 

Autant que je le comprenne, HĂ©lie de Saint Marc n’a jamais eu d’ambitions politiques et n’a jamais cherchĂ© Ă  se montrer dans les mĂ©dia ou  Ă  participer Ă  une Ă©mission de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©. Il Ă©tait plutĂŽt Ă  l’opposĂ© de ce mode de « vie Â».

 

Ce qui le diffĂ©rencie complĂštement d’un GĂ©nĂ©ral de Gaulle, son aĂźnĂ© de plusieurs annĂ©es, qui avait dĂ©sobĂ©i au MarĂ©chal PĂ©tain en entrant dans la RĂ©sistance, c’est son absence d’ambition et stratĂ©gie politique. C’est aussi ce qui le sĂ©pare de certains des gĂ©nĂ©raux qu’il avait rejoints lors du putsch des gĂ©nĂ©raux en AlgĂ©rie en 1961. C’est, entre autres, ce qui ressort de cette biographie.

 

Qu’ai-je retenu de cette biographie ?

 

Si le variant Omicron de la pandĂ©mie du Covid est de aujourd’hui le variant dont on parle de plus en plus depuis le dĂ©but officiel de cette pandĂ©mie en France en mars 2020, j’avais lu ou commencĂ© Ă  lire cet ouvrage lorsque le variant Delta de la pandĂ©mie Ă©tait dominant. Peut-ĂȘtre avant l’obligation vaccinale comme celle du passe sanitaire dĂ©cidĂ©e par le PrĂ©sident Macron et son gouvernement ce 12 juillet.  

 

J’ai terminĂ© sa lecture il y a maintenant deux ou trois mois. Je me rappelle d’un jeune HĂ©lie de Saint Marc, issu d’une famille vivant dans les environs de Bordeaux depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations, plutĂŽt d’un bon milieu social. Une famille cultivĂ©e. Catholique pratiquante. Je me rappelle d’un pĂšre (celui de HĂ©lie de Saint Marc) avocat ou notaire, ĂŽtant son chapeau avec respect lorsqu’il croisait des juifs forcĂ©s par le gouvernement PĂ©tain Ă  porter l’étoile jaune.

 

Je me souviens d’un jeune HĂ©lie de Saint Marc plus Ă  l’aise pour parcourir la rĂ©gion Ă  vĂ©lo que pour rĂ©aliser des prouesses intellectuelles Ă  l’école. Le travail scolaire lui demandant beaucoup d’efforts afin d’obtenir des rĂ©sultats moyens ou corrects. Par contre, le jeune HĂ©lie, qui avait au moins un frĂšre, lisait avec admiration les rĂ©cits de certains grands hommes ou aventuriers.

 

 

Lorsque l’Allemagne nazie envahit la France jusqu’à se rĂ©pandre Ă  Bordeaux, c’est la colĂšre qui anime le jeune HĂ©lie de Saint Marc. Dans cet ouvrage ou dans Notre Histoire, il rappellera comme il avait alors fait l’expĂ©rience douloureuse – voire traumatique- et s’en rappellera plus tard, qu’un grand empire Ă©tabli et semblant parti pour durer peut pĂ©ricliter en trĂšs peu de temps. La France d’aujourd’hui n’est peut-ĂȘtre qu’une vitrine de NoĂ«l pour touristes, consommateurs, extrĂ©mistes ou terroristes et apparaĂźt assez souvent comme la spectatrice un peu consultĂ©e des dĂ©cisions prises par les plus grandes Puissances (La Chine, les Etats Unis, la Russie, Le Japon, l’Allemagne, IsraĂ«l
). Le rĂ©cent ratĂ© oĂč l’Australie a prĂ©fĂ©rĂ©, finalement, rompre le contrat par lequel elle s’était engagĂ©e Ă  acheter des sous-marins nuclĂ©aires Ă  la France au bĂ©nĂ©fice des Etats-Unis et de la Grande Bretagne « prouve Â» Ă  quel point la France a reculĂ© ou recule dans le classement des Nations qui « comptent Â».

 

 Mais la France des annĂ©es 1940 Ă©tait encore une des plus grandes Puissances mondiales. Ainsi qu’une des plus grandes Puissances coloniales. C’est dans cette France et dans sa mĂ©moire concrĂšte et directe qu’HĂ©lie de Saint Marc est nĂ© et a grandi. MĂ©moire d’autant plus concrĂšte qu’il Ă©tait nĂ© dans l’hexagone et qu’il avait suffisamment d’aisance et de conscience sociale et intellectuelle pour en ressentir une certaine fiertĂ©.

Mes grands parents paternels et maternels, de la mĂȘme gĂ©nĂ©ration qu’HĂ©lie de Saint Marc, tous nĂ©s en Guadeloupe, un peu plus de cinquante ans aprĂšs l’abolition de l’esclavage, dans un milieu social rural, manuel, modeste voire pauvre, avaient trĂšs certainement une autre perception de la France. Mais aussi de leur propre importance dans le monde en tant que personnes.

 

 

 

 

Extrait du journal ” Charlie Hebdo” du 15 dĂ©cembre 2021 Ă  propos du refus, en Guadeloupe, de la vaccination anti-Covid et du passe sanitaire obligatoires.

 

 

Bien-sĂ»r, ĂȘtre issu d’un milieu modeste et « sinistrĂ© Â» n’empĂȘche pas, malgrĂ© tout, d’ĂȘtre pourvu d’une certaine conscience de soi et de s’accorder de l’importance. Mais cela nĂ©cessite sĂ»rement une trĂšs grande confiance en soi, une pulsion de vie particuliĂšrement dĂ©veloppĂ©e, voire hors norme, un farouche optimisme en mĂȘme temps que certaines qualitĂ©s ou vertus d’opportunisme. Soit des aptitudes qui peuvent ĂȘtre prĂ©sentes en beaucoup d’entre nous. Encore faut-il s’autoriser Ă  les exprimer. Or, ce qui opprime et refrĂšne aussi, beaucoup, les ĂȘtres, c’est toute cette armada de censures et d’interdits qu’ils se sont copieusement entraĂźnĂ©s Ă  assimiler pour ĂȘtre acceptĂ©s ou aimĂ©s.

 

 

A telle Ă©poque et dans telle rĂ©gion, il s’agira d’adopter telle religion pour ĂȘtre bien vu ou pour Ă©viter la mort et l’humiliation Ă©conomique, sociale ou physique.

Ailleurs, ce sera telle langue plutĂŽt qu’une autre. Ou telles mƓurs. Aller Ă  contre-courant de ces normes et de ces pensĂ©es dominantes nĂ©cessite plus que de la chance et de la « simple Â» volontĂ©. C’est l’une des raisons pour lesquelles, aprĂšs avoir Ă©tĂ© des fidĂšles croyants, nous sommes majoritairement des consommateurs et des exĂ©cutants.

 

Parce qu’ĂȘtre lucide en permanence, s’opposer,  rĂ©sister (la crĂ©ativitĂ© culturelle et artistique font partie de la rĂ©sistance) ou devenir un meneur exige des efforts particuliers. Efforts qui ne sont pas toujours louĂ©s, compris, encouragĂ©s ou partagĂ©s par nos familiers ou proches. Efforts qui ne rencontrent pas toujours le succĂšs et la reconnaissance
.

 

Le contraire du mot « consommateur Â», c’est peut-ĂȘtre, dans sa version active et radicale, de devenir un transformateur. Et dans sa version plus sociable et plus indulgente, cela consiste Ă  essayer de devenir un transmetteur.

PremiÚre page du New York Times du 8 décembre 2021.

 

 

La résistance

 

 

RĂ©sister, s’affirmer, c’est donc, Ă  un moment ou Ă  un autre,  ĂȘtre prĂȘt, si nĂ©cessitĂ©, Ă  s’exiler mĂȘme si cela peut devenir dangereux. Parce-que s’exposer Ă  l’inconnu et Ă  l’isolement pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e est une aventure dangereuse.

 

C’est  pourtant ce que va faire le jeune HĂ©lie de Saint Marc. Sa connaissance de la rĂ©gion va d’abord faire de lui un messager opportun, et de confiance, pour la rĂ©sistance française. Un univers d’hommes  plus ĂągĂ©s que lui. Dans un mouvement de rĂ©sistance bien organisĂ©.

En lisant ce livre, je dĂ©couvrirai que si l’on a souvent une image idĂ©alisĂ©e a posteriori de la rĂ©sistance comme d’une action collective hĂ©roĂŻque et bien structurĂ©e, qu’il Ă©tait,  aussi, des mouvements de rĂ©sistance si mal organisĂ©s qu’un certain nombre de leurs membres, pourtant exemplaires, se sont fait attraper ou tuer comme des amateurs. Leur tort Ă©tant d’avoir confiĂ© trop facilement leur vie Ă  des meneurs
incompĂ©tents en termes d’organisation. Ce qui,  aujourd’hui, pourrait aussi nous faire penser Ă   des cadres, des entraĂźneurs, des conjoints, des amis, des proches, des professionnels ou des chefs d’entreprise (ou d’Etats) incompĂ©tents.

 

Dans le numĂ©ro du journal Le Parisien d’hier, je suis retombĂ© sur ce fait divers arrivĂ© le 8 juin 2018 Ă  Argenteuil, dans ma ville, dans le centre commercial CĂŽtĂ© Seine. Un centre commercial que je n’aime pas et, oĂč, le 8 juin 2018, une mĂšre a perdu un de ses jeunes enfants. Son erreur ? Avoir fait confiance Ă  l’ascenseur qui permettait d’accĂ©der Ă  l’étage supĂ©rieur. Des ascenseurs dans des immeubles ou dans des centres commerciaux, nous en prenons tous. Celui-ci a « lĂąchĂ© Â» sur plus de deux mĂštres. Le mĂŽme n’a pas eu le temps de sortir. Il est mort Ă©crasĂ© sous les yeux de sa mĂšre et de son jeune frĂšre. Trois ans plus tard, aucun des responsables des diverses entreprises chargĂ©es de la maintenance de l’ascenseur n’a eu Ă  s’expliquer devant un tribunal. Chacune des entreprises renvoie Ă  l’autre Ă  la responsabilitĂ© de la dĂ©faillance.

 

Voici ce que m’évoque, aujourd’hui, ces rĂ©sistantes et rĂ©sistants, qui, hier, comme aujourd’hui, confient ou confieront facilement leur vie Ă  certains dĂ©cideurs ou dirigeants qui, de leur cĂŽtĂ©, affirmeront que tout va bien se passer sans, par ailleurs,  prendre le temps et la prĂ©caution de vĂ©ritablement s’impliquer afin que tout se dĂ©roule comme prĂ©vu ou puisse ĂȘtre rĂ©solu en cas d’imprĂ©vu.

 

HĂ©lie de Saint Marc, lui-mĂȘme, fera cette expĂ©rience en cherchant Ă  s’affranchir du mouvement de rĂ©sistance qui l’a initiĂ©. Il voudra s’engager davantage et tombera, comme d’autres volontaires, dans une embuscade qui le dĂ©portera dans un camp de concentration. Bien que moins robuste que d’autres, il y survivra deux fois. Une premiĂšre fois grĂące Ă  l’entraide concrĂšte dont il bĂ©nĂ©ficiera du fait de certaines amitiĂ©s et relations. Et, une seconde fois parce qu’un homme plus ĂągĂ© que lui, un Lithuanien, je crois, taillĂ© pour le travail de mineur, et aussi voleur intrĂ©pide de nourriture, dĂ©cidera de le prendre sous sa protection et de partager avec lui ses vols alimentaires.

 

 

Lorsque l’on apprend dĂ©jĂ  « Ă§a Â» de HĂ©lie de Saint Marc, comme de ceux qui l’environnent et qui vivent cela avec lui, on comprend mieux ce qu’il faut avoir comme parcours et ressources en soi pour ĂȘtre un rĂ©sistant.

 

Mais on peut ĂȘtre un hĂ©ros et un rĂ©sistant et avoir des convictions idĂ©ologiques contraires. Cela arrivera Ă  HĂ©lie de Saint Marc qui croisera Jean-Marie Le Pen, « le pĂšre de Â», qui sera un de « ses Â» lieutenants et un de ses « subordonnĂ©s Â». La biographie de Beccaria s’étend peu sur cette connaissance de Saint Marc en Indochine, je crois. Mais il ressort que Saint Marc ne partage pas les buts de l’OAS et, plus tard, de l’ExtrĂȘme droite fasciste. MĂȘme s’il a pu connaĂźtre et combattre aux cĂŽtĂ©s de certains de ses futurs membres et meneurs.

 

Pour comprendre ce qui lui prend d’ĂȘtre du cĂŽtĂ© des gĂ©nĂ©raux qui, en AlgĂ©rie, organisent le Putsch en 1961 contre le GĂ©nĂ©ral de Gaulle, il faut savoir ce qui s’est passĂ© en Indochine :

 

Lorsque la France, aprĂšs avoir fait de certains asiatiques ses alliĂ©s et ses soldats (des villages), les abandonne sur place aprĂšs avoir perdu la guerre, faisant d’eux les victimes des  vainqueurs.

En AlgĂ©rie, l’histoire se rĂ©pĂšte avec les harkis et les tergiversations autant politiques que militaires de De Gaulle ainsi que ses visions coloniales pour ne pas dire colonialistes. Saint Marc est dĂ©crit comme un idĂ©aliste qui s’attache aux indigĂšnes en toute sincĂ©ritĂ© comme Ă  leur loyautĂ© et qui croit aussi Ă  une rĂ©elle Ă©galitĂ© des droits entre AlgĂ©riens et pieds noirs. Alors que le gouvernement français de l’époque voudrait tantĂŽt garder l’AlgĂ©rie française telle quelle ou la « rendre Â» au FLN alors que, militairement, la France serait en train de gagner la guerre. Et que des soldats français, aprĂšs avoir « perdu Â» face aux nazis et aprĂšs avoir perdu la guerre d’Indochine voudraient, pour leur honneur et celui de la France, imposer cette victoire française.

 

Je ne suis pas pro-AlgĂ©rie française et encore moins pro-OAS. Mais j’ai aussi appris que le FLN a aussi produit des horreurs. Et, je crois que le Martiniquais Frantz Fanon, psychiatre de rĂ©fĂ©rence ( sur lequel le rĂ©alisateur d’origine haĂŻtienne Raoul Peck serait en train de rĂ©aliser un film), trĂšs engagĂ© auprĂšs du FLN, a eu une certaine  « chance Â» de mourir- jeune, Ă  39 ans- d’une leucĂ©mie avant l’indĂ©pendance de l’AlgĂ©rie. Car l’AlgĂ©rie qu’il a dĂ©fendue comme d’autres, un demi siĂšcle plus tard, n’est pas devenue la dĂ©mocratie – plutĂŽt laĂŻque- pour laquelle il s’était battu. L’AlgĂ©rie devenue indĂ©pendante en 1962, peu aprĂšs sa mort,  semble l’avoir plutĂŽt rapidement « oubliĂ©e Â».

 

 

 

La jouissance du danger

 

 

Parler, un peu, de HĂ©lie de Saint de Marc ,  c’est aussi parler de cette  «  jouissance du danger Â» qui pousse certaines personnes Ă  agir comme elles le font. Cette jouissance du danger, dans sa partie la plus visible, serait d’abord propre aux rĂ©sistants, combattants civils et autres, aux militaires, mais aussi sans doute Ă  bien des membres de certains groupes d’intervention tels que le RAID, le GIGN, les SAS, la BRI, dans le banditisme et le grand  banditisme, dans les organisations terroristes.

 

 Mais, Ă©galement, aussi Ă  celles et ceux qui participent Ă  certaines actions militantes :

 

Sea Sheperd ;

 

Txai Surui ? la jeune indigĂšne brĂ©silienne de 24 ans, prĂ©sente Ă  la rĂ©cente COP de Glasow, en novembre, consacrĂ©e au rĂ©chauffement climatique et Ă  l’épuisement des ressources de la planĂšte, qui a affirmĂ©, aprĂšs la jeune suĂ©doise, Greta Thunberg :

 

« La planĂšte nous dit que nous n’avons plus le temps Â».

 

 Nous pouvons aussi penser aux personnes qui vivent certaines passions. Mais aussi certaines addictions.

Cinquantenaire de Marmottan, à la cigale, à Paris, ce vendredi 3 décembre 2021.

 

Le 3 dĂ©cembre dernier, dans la salle- remplie- de concerts de la Cigale, le service Marmottan spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions fĂȘtait son cinquentenaire.

 

Sur place, j’ai eu l’impression qu’étaient prĂ©sentes principalement des personnes prĂ©occupĂ©es directement par le sujet des addictions. Soit en tant que professionnels de santĂ©. Soit en tant qu’usagers s’étant sevrĂ©s ou ayant du mal- et cherchant- Ă  se dĂ©crocher de leur(s) addiction (s).

 

 

Je ne peux pas avoir de certitude mais j’ai eu l’impression que la majoritĂ© des personnes de ce pays, la pensĂ©e dominante, se sent assez peu concernĂ©e directement par ce sujet. Et qu’entendre parler de Marmottan ou de tout autre service dĂ©vouĂ© aux addictions n’est pas la prioritĂ© de la majoritĂ© qui dispose de la pensĂ©e dominante. A moins d’y ĂȘtre obligĂ©e.

J’ai bien prĂ©vu de consacrer un article sur Ă  ce cinquentanaire de Marmottan dĂšs que cela sera possible. Mais je m’attends Ă  ce qu’il soit en grande partie parcouru par des professionnels de santĂ© des addictions ou par des personnes qui ont envie d’entreprendre de mieux faire le tri parmi leurs addictions. 

 

Une addiction particuliĂšre :

 

Pourtant, l’ĂȘtre humain est porteur d’une addiction particuliĂšre : celle de la destruction d’autrui, de son environnement comme de sa propre autodestruction. Et, cela, peu importe son niveau intellectuel, social, politique ou son histoire.  Invariablement, l’ĂȘtre humain  retourne Ă  cette addiction de destruction et d’autodestruction.

 

Les fĂȘtes de ce NoĂ«l, et d’autres festivitĂ©s, permettront Ă  certaines et certains de vivre la courte trĂȘve de cette addiction.

Paris, décembre 2021.

 

 

Donc, finalement, avec ou sans sapin, ces fĂȘtes de NoĂ«l ont du bon. De mĂȘme que la lecture de cette biographie d’HĂ©lie de Saint Marc.

 

 

Franck Unimon, ce samedi 18 décembre 2021.

 

 

 

 

 

 

 

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Pour les Poissons Rouges

Les zozos

Paris, Place de la Concorde, le 28 ou le 29 novembre 2021.

 Les Zozos

 

Les micros et les images sont devenus, ou restés, nos idoles.

 

Des zozos,  Ă©chappĂ©s des zoos de nos pensĂ©es ou de sables oubliĂ©s, s’accaparent les micros et les images autour desquels nous danserons comme dans un bal.

 

Les zozos frĂ©quentent les plateaux de tĂ©lĂ© et les endroits rĂ©servĂ©s aux privilĂ©giĂ©s oĂč l’on s’exprime. On y mange bien. On s’y maquille ou on les maquille. On y fait des rencontres. On leur ouvre les portes. On leur Ă©crit certaines fois leurs discours, leurs interventions ou leurs articles. On les coache et les conseille. On les Ă©pouse. On  est content de les reconnaĂźtre et de leur dire tout le bien que l’on pense d’elles et d’eux. Ils et elles font ensuite leur numĂ©ro devant d’autres invitĂ©s trĂšs sĂ©lectionnĂ©s. Des spectateurs les Ă©coutent et les regardent avec une trĂšs grande Ă©coute et un plus haut soin. Ecoute et soin que ces spectateurs sont peut-ĂȘtre incapables d’attribuer Ă  leur propre vie comme Ă  leurs proches.

 

Les zozos ont un pouvoir de dĂ©tournement de fond la pensĂ©e, de l’attention et de la crĂ©ativitĂ© extraordinaires !

 

Le second bal :

 

Le second bal est d’une si grande banalitĂ© qu’il semble arrimĂ© Ă  la perpĂ©tuitĂ©.

Depuis quelques jours, le froid git de plus en plus dans nos viscÚres et dans nos os. Ce matin, sur mon vélo, aprÚs le travail, il devait faire quelques degrés au dessus de zéro.

 

« DĂ©construire Â», « Changer les codes Â», « changer de logarithme Â»,  sont les formules ou les nouveaux habitants rĂ©guliĂšrement convoquĂ©s et admis. LĂ  oĂč ça « compte Â» :

 

LĂ  oĂč «  ça se sait Â», lĂ  oĂč cela « s’entend Â» et se « voit Â» que l’on pense et agit. Si cela ne se « sait Â» pas, ne « s’entend Â» pas ou ne « se voit Â» pas, c’est que cela n’existe pas. C’est la rĂšgle absolue de notre bal ordinaire et quotidien.

 

Eux, on ne les voit pas et on ne les entend pas, les Tony Allen de la construction. Dans ces moments-lĂ , on ne leur demande pas s’ils s’appellent Xavier-Pavel, Krishna-GĂ©rald, Mamadou-Anne, Eric-Mustapha, Paolo-ValĂ©rie, Emmanuel-Joao. S’ils ont cinq femmes, chacun. S’ils sont musulmans, athĂ©es, bouddhistes, vĂ©gĂ©tariens, carnivores, chrĂ©tiens ou superstitieux. S’ils Ă©coutent du Rap, du Fado, de la musique congolaise ou de la musique classique. S’ils savent lire et Ă©crire. Si leurs enfants sont dans de bonnes Ă©coles. Et s’ils comprennent quand on leur parle. S’ils fument du cannabis ou boivent de l’alcool. S’ils sont transgenres, homos ou queer. S’ils contactent des cam-girls ou des cam-boys. S’ils jouent Ă  la play-station. S’ils sont en rĂšgle.

 

Ils travaillent.

 

Et, nous, nous passons ou partons au travail.

 

Ensuite, quand leur travail sera terminĂ©, leur prochaine mission sera de laisser la place aux touristes, Ă  de nouveaux habitants, Ă  des usagers, aux consommateurs et Ă  des orateurs qui parleront de grandeur ou, au contraire, de dĂ©cadence en pensant Ă  De Gaulle. Un homme qui, il y a plus d’un demi siĂšcle a Ă  la fois contribuĂ© Ă  dĂ©livrer la France mais a aussi interdit Ă  des arabes et Ă  des noirs- qui s’étaient battus pour la France- de dĂ©filer sur les Champs ElysĂ©es pour fĂȘter la libĂ©ration.

 

Mais cela ne change rien au fait que, eux lĂ , qui travaillent maintenant prĂšs des Champs ElysĂ©es,  rĂ©apparaitront plus tard. Quel que soit le numĂ©ro de la vague de la pandĂ©mie. Dans un autre chantier, un fait divers, une citĂ© ou sur un Ă©chiquier Ă©lectoral. Et ainsi de suite.

Paris, Place de la Concorde, le 28 ou le 29 novembre 2021.

 

Franck Unimon, mercredi 1er décembre 2021.