Catégories
self-défense/ Arts Martiaux

Au Fair Play Sport ce samedi 26 décembre 2020

                          Au Fair Play Sport ce samedi 26 dĂ©cembre 2020

Lorsque j’ai appris Ă  ma sƓur que j’allais emmener ma fille Ă  Paris, dans le 20Ăšme arrondissement, afin qu’elle fasse une initiation de karatĂ©, elle a Ă©tĂ© Ă©tonnĂ©e.  J’habite Ă  Argenteuil, en banlieue parisienne.  Il y a des clubs de karatĂ© plus proches. Pourquoi faire autant de trajet ?!

 

Cela fait des annĂ©es que je fais marrer ma sƓur avec mes « excentricitĂ©s Â». Ou que je la dĂ©concerte avec ma logique. Cela nous a aussi valu de sĂ©rieux accrochages. 

 

Elle n’est pas la seule personne que je  dĂ©concerte. Cela m’a dĂ©jĂ  desservi. Cela continue de me desservir.

 

J’ai nĂ©anmoins essayĂ© d’expliquer Ă  ma sƓur la raison pour laquelle je tenais Ă  ce que ma fille dĂ©couvre le karatĂ© avec Jean-Pierre Vignau. D’accord, on peut faire son apprentissage du KaratĂ© ou de toute autre activitĂ© physique, sportive ou martiale, avec un professeur proche de chez soi. On peut aussi faire des rencontres dĂ©cisives prĂšs de chez soi.

 

Cependant, les Maitres sont assez rares. Et, Jean-Pierre Vignau en est un. On pourrait penser que je suis un Ă©niĂšme pĂšre phagocytĂ© par sa vanitĂ© et son ego dĂ©mesurĂ©, pressĂ© de livrer son enfant Ă  cette espĂšce de « divinitĂ© Â» qu’est un Maitre. Dans l’attente de voir se rĂ©incarner dans le corps de ma fille une vie meilleure que toutes celles que j’ai pu rater et espĂ©rer.

 

Mais j’ai, je crois, quelques arguments pour rĂ©futer cette idĂ©e.

 

Entre Sensei Jean-Pierre Vignau, ancien enfant chĂ©tif, placĂ© Ă  l’assistance publique, puis adoptĂ© dans une ferme dans le Morvan et ma fille, nĂ©e chĂ©tive car grande prĂ©maturĂ©e, il y a une relation. Ma fille pesait 880 grammes Ă  la naissance. Bien-sĂ»r, il y a moi entre les deux, bĂ©bĂ© bien portant de plus de 4 kilos Ă  la naissance. Et moi, d’une certaine maniĂšre, on peut dire que j’ai adoptĂ© l’un et l’autre. Car je ne confierais pas ma fille Ă  n’importe qui.

 

Par ailleurs, on peut peser son poids Ă  la naissance et plus tard et ĂȘtre chĂ©tif. L’ignorance rend chĂ©tif. La bĂȘtise rend chĂ©tif. Le dĂ©couragement rend chĂ©tif. La peur rend chĂ©tif. La connerie rend chĂ©tif. Le manque d’estime de soi-mĂȘme rend chĂ©tif. Et, ça, ce sont des sentiments et des Ă©motions que j’ai connus et que je connais. A ceci prĂšs que, contrairement Ă  d’autres peut-ĂȘtre, je m’en souviens. Quelles que soient mes « rĂ©ussites Â» ou mon assurance supposĂ©es ou Ă©ventuelles, j’essaie d’ĂȘtre « meilleur Â» que je ne le suis ou ne l’ai Ă©tĂ©. Mes moments d’autosatisfaction existent et sont nĂ©cessaires. Mais ils sont provisoires et nĂ©cessitent d’ĂȘtre rĂ©guliĂšrement rĂ©approvisionnĂ©s.

 

En tant que pĂšre, et avant mĂȘme d’ĂȘtre pĂšre, j’ai toujours considĂ©rĂ© le fait de nager, d’apprendre Ă  lire et Ă  Ă©crire, d’apprendre Ă  se dĂ©fendre et Ă  faire du vĂ©lo comme des apprentissages indispensables. Il est d’autres apprentissages que je vois comme indispensables. Comme savoir prendre la parole, par exemple. Ou savoir s’affirmer. Ce qui revient Ă  savoir se dĂ©fendre.

 

Alors, il y a un peu partout des enseignants, des formateurs, des Ă©ducateurs  comme des spĂ©cialistes dans diffĂ©rents domaines qui sont compĂ©tents. On peut,  aussi, simplement, s’en remettre au bon sens pratique. Aller prĂšs de chez soi. Puisque c’est lĂ  que l’on habite. Et partir du principe que «  ça va le faire Â». Ou que ça va suffire. Un peu comme on s’en remet au petit bonheur la chance ou, pour dire ça plus prĂ©tentieusement, comme on laisse un certain dĂ©terminisme dĂ©cider Ă  notre place. Et, ça peut « marcher Â».  D’autant qu’il peut ĂȘtre stĂ©rile de s’agiter dans tous les sens par peur du vide ou du nĂ©ant.

 

Mais on peut aussi mal tomber. Et si l’on aperçoit, quelque part ou quelqu’un, un ailleurs accessible qui peut nous « Ă©lever Â», autant s’accorder cet ailleurs. PlutĂŽt que de le nĂ©gliger ou de le repousser comme on repousserait un plat ou une Ɠuvre de premier choix juste parce-que l’on a dĂ©ja un sandwich ou un bouquin avec soi.

 

 

Par ailleurs, je ne crois pas que les « champions Â» dans une discipline soient obligatoirement les meilleurs pĂ©dagogues.  Ou les plus disponibles. Les « champions Â» ont souvent des « objectifs Â» Ă©litistes et sont plutĂŽt pressĂ©s. Ils sont aussi plus concentrĂ©s sur eux-mĂȘmes.  Cela se comprend : on ne peut pas ĂȘtre dĂ©vouĂ© aux autres, et tournĂ© vers eux,  et, en mĂȘme temps, vouloir se consacrer Ă  sa carriĂšre, ses performances et ses records.

Ce n’est pas vers le « champion Â» Jean-Pierre Vignau que j’ai emmenĂ© ma fille.  Mais vers l’Homme que j’ai rencontrĂ©.

 

 

Un enfant peut entendre parler de telle personne qui, Ă  tel endroit, pratique telle discipline. Mais ce qui est assez courant, aussi, c’est que dans sa dĂ©couverte du Monde et de la vie, un enfant va se rĂ©fĂ©rer Ă  son environnement immĂ©diat. A ce qu’il voit, entend et comprend de son foyer parental, la famille, l’école, le centre de loisirs, lĂ  oĂč il habite, son voisinage. « L’Au-delĂ  Â» de cet environnement immĂ©diat est souvent un No Man’s Land Ă  moins d’en capter quelques images au travers de media ou de quelques paroles entendues parfois ou souvent Ă  l’insu des adultes.

 

GĂ©nĂ©ralement, « L’Au-delĂ  Â» de  l’environnement immĂ©diat de l’enfant est le « territoire Â» des adultes et des parents. Celui des loups et de toutes les crĂ©atures qui peuvent faire peur Ă  un enfant.  LĂ  oĂč les « grands Â» disparaissent durant quelques heures, voire quelques jours ou quelques semaines, et dont ils rapportent dans leur « gueule Â» ensuite, en rentrant, des paroles, des souvenirs, des objets ou des expĂ©riences plus ou moins marquantes pour un enfant. Le PĂšre NoĂ«l et ses cadeaux, mĂȘme si ce sont devenus aujourd’hui des conditionnements commerciaux, ont peut ĂȘtre Ă©tĂ© conçus pour rĂ©compenser les enfants d’ĂȘtre restĂ©s bien sagement Ă  la maison. Loin des dangers d’une certaine vie. MĂȘme s’il peut ĂȘtre plus risquĂ© pour certains enfants de rester Ă  la maison
.

 

 

Si Internet, aujourd’hui, permet peut-ĂȘtre d’accĂ©lĂ©rer ou de rapprocher cette expĂ©rience de « l’Au-delĂ  Â» du Monde et des adultes, ces derniers, conservent encore la primautĂ© de la rĂ©pĂ©tition de « l’exercice concret Â» de cette expĂ©rience. A moins d’avoir des parents abattus ou reclus Ă  domicile, et des enfants qui prennent possession de l’extĂ©rieur de la maison ou qui fuguent, ce qui existe aussi.

 

 

En faisant le trajet jusqu’à Paris, dans le dojo de Jean-Pierre Vignau, je n’ai fait que mettre Ă  portĂ©e de ma fille, un trajet, une intention, une intuition, une personne ainsi qu’un lieu, qu’à son Ăąge, elle n’aurait pas pu dĂ©couvrir par elle-mĂȘme. Ou qu’elle n’aurait pas eu l’idĂ©e d’aller « voir Â» ou de faire. On sait assez, comment, ensuite, avant mĂȘme de devenir adultes, nous adoptons assez rapidement une attitude qui consiste Ă  nous « contenter Â» des mĂȘmes endroits, des mĂȘmes rencontres, des mĂȘmes façons de cuisiner, de vivre et de penser. Par automatisme. MĂȘme lorsque cela nous empĂȘche de rĂȘver.

 

 

C’est donc Ă  peu prĂšs pour ces raisons qu’il m’importait de me rendre au Fair Play Sport de Jean-Pierre Vignau avec elle. MĂȘme si l’on pourrait aussi se dire qu’emmener son enfant quelque part, et observer son comportement, est aussi un bon moyen pour regarder cet endroit, ou une personne, autrement. Afin de mieux voir s’ils nous correspondent.

Mais je n’avais pas cette intention lĂ  ce samedi alors que nous allions pour la premiĂšre fois au Fair Play Sport, Ă  la citĂ© Champagne, mĂ©tro MaraĂźchers, dans le 20 Ăšme arrondissement de Paris.

 

 

Comme il m’arrive d’ĂȘtre en retard Ă  mes rendez-vous et que ce projet  de dĂ©couverte Ă©tait le mien, j’espĂ©rais ĂȘtre Ă  l’heure. Mais, aussi, que ma fille maintienne sa volontĂ© de venir. Ces deux conditions ont Ă©tĂ© rĂ©unies. Le trajet s’est dĂ©roulĂ© calmement dans ce Paris d’aprĂšs NoĂ«l. Nous avons pris les transports en commun. Il y avait moins de passagers qu’aux heures de pointe, ce samedi aprĂšs-midi. Le parcours a durĂ© environ 45 minutes.

 

Il faisait assez froid dehors. Et presque aussi froid dans le dojo oĂč nous sommes arrivĂ©s avec une bonne demie heure d’avance. Jean-Pierre et sa femme Ă©taient dĂ©jĂ  prĂ©sents. Ainsi que quelques pratiquants ou  des habituĂ©s.

 

Devant notre avance, Jean-Pierre nous a dit : « C’est bien, comme ça vous allez pouvoir vous mettre dans l’ambiance Â». Puis, il nous a indiquĂ© le vestiaire. Ensuite, il nous a expliquĂ© oĂč mettre nos chaussures et nos affaires, dans les casiers Ă  l’entrĂ©e du tatami.  Il m’a aussi autorisĂ© Ă  prendre des photos comme Ă  filmer.

Nous avons donc dĂ©couvert les deux ponts dont il m’avait parlĂ©. Lesquels symbolisent la sĂ©paration entre le monde extĂ©rieur oĂč l’on laisse sa vie coutumiĂšre. Et le monde du dojo. Nous avons aussi fait la connaissance de ces tableaux ou reprĂ©sentations de combattants, ainsi que de quelques photos de Maitres que je n’ai pas reconnus.

Dans la salle de musculation, sur la gauche, deux ou trois personnes s’entraĂźnaient. Un homme nous regardait avec curiositĂ©. Deux jeunes Ă©taient dĂ©jĂ  prĂ©sents. Un autre homme m’a appris pratiquer avec Jean-Pierre depuis plus de trente ans. Il m’a parlĂ© du prĂ©cĂ©dent dojo de Jean-Pierre, rue Volga, plus grand, oĂč il pouvait y avoir jusqu’à 60 enfants sur le tatami.

 

La « froideur Â» du lieu et sa relative austĂ©ritĂ© ne m’ont pas dĂ©rangĂ©. D’une part, parce qu’en plein effort, on a d’autres prĂ©occupations que s’attarder sur la couleur du crĂ©pi ou la tempĂ©rature de la piĂšce. Mais aussi parce-que je crois depuis un certain temps que les personnes sont plus importantes que les murs Ă  l’intĂ©rieur desquels on s’exerce. MĂȘme si, Ă©videmment, je suis sensible Ă  l’esthĂ©tique et au confort des lieux oĂč je transite.

 

 

Quelques minutes avant le dĂ©but du cours, Jean-Pierre s’est mis en kimono. Deux groupes ont Ă©tĂ© constituĂ©s. A gauche, les avancĂ©s, plus ĂągĂ©s, dont une femme. A droite, les enfants, dont une fille plus petite que la mienne d’une bonne dizaine de centimĂštres.

 

J’ai assistĂ© aux dix premiĂšres minutes du cours. Depuis ma premiĂšre rencontre avec Jean-Pierre, j’ai commencĂ© Ă  me rappeler un peu de mes un ou deux ans de karatĂ© lorsque j’avais 12 ou 13 ans. Il y a quarante ans. Nous vivions alors dans une citĂ© HLM Ă  Nanterre qui existe toujours avec ses immeubles de 18 Ă©tages.

Je me suis dit que je retournerais peut-ĂȘtre dans ce gymnase, prĂšs de mon collĂšge, oĂč ces cours avaient eu lieu. Je me souviens encore du prĂ©nom de mon prof de karatĂ©. Danko ou Danco. Je n’ai jamais su de quel pays il Ă©tait originaire. Je me rappelle qu’il Ă©tait assez petit et qu’aprĂšs son dĂ©part, il avait Ă©tĂ© remplacĂ© par un de ses Ă©lĂšves.

 

Alors que Jean-Pierre donnait ses consignes, il m’a semblĂ© retrouver des « origines Â» de gestes.  Il m’a semblĂ© que certains mots me parlaient. Il est vrai que la pratique du kata m’avait plu, enfant. Et que j’avais aimĂ© les rĂ©viser chez moi dans ma chambre. C’est peut-ĂȘtre ça qui m’était restĂ© et qui me revenait un petit peu.

 

Du cĂŽtĂ© de ma fille, ça se passait « moins Â» bien.  Tant que nous Ă©tions tous les deux cĂŽte Ă  cĂŽtĂ© Ă  arpenter le tatami, tout se passait bien. Puis, juste avant le dĂ©but du cours, elle avait commencĂ© Ă  dire : «  Je suis timide
 Â». C’est devenu une espĂšce de rituel lorsqu’elle se trouve devant une certaine nouveautĂ©. Mais je vois dans ce rituel l’équivalent d’un sortilĂšge auquel elle s’est habituĂ©e, avec lequel elle se berce, qui a la puissante facultĂ© de la priver de ses moyens avant mĂȘme de tenter quoique ce soit. Et alors mĂȘme qu’elle se trouve en terrain « ami Â».

 

Je suis Ă  chaque fois dĂ©routĂ©, et passablement agacĂ©, par la survenue, rĂ©pĂ©titive et pourtant Ă  chaque fois surprenante, de ce que je crois pouvoir appeler un « rituel Â». L’observation et la rĂ©flexion ont du bon. Je l’admets. Mais l’autocensure quasi-systĂ©matique m’est difficile Ă  supporter.

 

Jean-Pierre ne s’est pas alarmĂ©. Il a dit gentiment Ă  ma fille :

 

« Soit tu regardes, soit tu fais. C’est comme tu veux. Copie sur les autres Â».

 

 

De son cĂŽtĂ©, un pratiquant expĂ©rimentĂ©, ceinture noire, a dit Ă  ma fille avec humour :

 

« C’est normal, si tu te trompes. Si tu rĂ©ussis tout, c’est qu’il y a un problĂšme ! Â».

 

 

AprĂšs quelques minutes  (dix minutes) j’ai dit Ă  ma fille, immobile, sur le tatamis :

 

« Profite-en Â». Puis, je me suis Ă©clipsĂ©. Pour me mettre dans un angle mort de la salle, derriĂšre le tatami, oĂč ma fille ne pouvait pas me voir. Mais d’oĂč, Ă©ventuellement, je pourrais la voir si elle se dĂ©cidait Ă  s’élancer.

 

 

Comme des panneaux indiquaient explicitement que l’usage du tĂ©lĂ©phone portable Ă©tait interdit Ă  l’intĂ©rieur de l’enceinte, je suis restĂ© lĂ , assis, Ă  Ă©couter. PrĂšs des vitrines oĂč des kimonos et du matĂ©riel de protection Ă©tait exposĂ© et en vente. Le kimono de karatĂ© coĂ»tait 50 euros.

 

Par moments, j’entendais Jean-Pierre placer ses instructions en Japonais ainsi que ses exclamations. A un moment, je l’ai entendu dire, sur un ton complice :

« On a moins froid quand on bouge, hein ? Â». Etait-ce ma fille ? J’ai essayĂ© de voir. Rien.

 

 

Puis, le cours s’est terminĂ©. Ma fille avait mangĂ© sa compote sur le tatami. Un peu de compote tĂąchait son manteau qu’elle avait remis.

 

 

S’adressant Ă  ma fille, pas du tout Ă©tonnĂ©, Jean-Pierre lui a dit :

 

« Moi, aussi, j’ai Ă©tĂ© un grand timide. Lorsque j’ai dĂ©butĂ© le karatĂ©, je suis d’abord restĂ© deux semaines dehors Ă  regarder. Je n’osais pas entrer. Un jour, il s’est mis Ă  pleuvoir. Et, c’est le prof, qui m’avait vu, qui m’a dit d’entrer Â». Ma fille n’a rien rĂ©pondu.

 

 

Avant de partir, nous avons dit au revoir Ă  Jean-Pierre ainsi qu’à Tina, sa femme. J’ai remerciĂ© Jean-Pierre.

 

Dehors, ma fille m’a rĂ©pondu que cela lui avait plu. Mais j’étais contrariĂ©. Je ne savais pas quoi ressentir et penser. Devant Jean-Pierre, je ne pouvais que m’incliner. C’était lui le Maitre. Il savait mieux que moi comment rĂ©agir devant une enfant comme ma fille qui n’avait, Ă  mon sens, pratiquement pas bougĂ© pendant l’intĂ©gralitĂ© du cours. Hormis pour donner quelques coups de poing et quelques coups de pied, si j’avais bien compris.

 

Mais, dehors, et en tant que pĂšre, j’étais partagĂ© entre l’impatience, l’incomprĂ©hension, la colĂšre, et l’inquiĂ©tude. Parce-que s’engager physiquement, pour moi, c’était apprendre Ă  se dĂ©fendre. Et, rester spectatrice ou spectateur, c’était apprendre Ă  ĂȘtre victime. Voire, pire, peut-ĂȘtre : choisir d’ĂȘtre victime. Insupportable pour moi.

 

 

A cÎté de moi, ma fille était sereine. Nous marchions main dans la main sur le chemin du retour.

 

 

Je n’ai pas cherchĂ© lui tirer les vers du nez. A lui faire subir un interrogatoire tel que :

« Mais pourquoi ?! Â».

 

J’ai essayĂ© d’intĂ©grer la leçon. Car, pour moi, la façon dont cela s’était passĂ© ainsi que la maniĂšre dont Jean-Pierre avait rĂ©agi calmement Ă©tait ma leçon de karatĂ©. Ma leçon martiale. Mes inquiĂ©tudes de pĂšre devaient cĂ©der devant la patience, l’optimisme et la confiance. Je sais que l’on peut ĂȘtre lent au dĂ©part d’un apprentissage et, ensuite, lorsqu’intervient le dĂ©clic, connaĂźtre une Ă©volution tout Ă  fait correcte. Je suis comme ça. Ma fille peut ĂȘtre « pire Â» que moi.

 

 

Par ailleurs, je me suis rappelĂ© qu’elle avait acceptĂ© de venir sans se faire prier. En outre, en la « laissant Â» sur le tatami, lorsque je me suis « Ă©clipsĂ© Â», j’ai Ă©tĂ© un moment touchĂ© par cette trĂšs grande confiance que peuvent placer les enfants
dans les adultes. Les enfants peuvent accepter tant de choses des adultes qu’en retour, ceux-ci se devraient ou se doivent de faire leur possible pour ĂȘtre Ă  la hauteur d’une telle confiance mais aussi d’une telle innocence.

 

 

J’étais sĂ»r, aussi, que cette expĂ©rience avait sans aucun doute Ă©tĂ© marquante pour ma fille. Cette grande salle. Ces reprĂ©sentations et ces tableaux. Ces enfants en kimono. Ces termes dans une langue inconnue. Les exclamations de Jean-Pierre. Ce qu’il lui avait dit. Il en resterait forcĂ©ment quelque chose. A moi de m’assurer que ce serait du « bon Â».

 

 

Alors que nous nous rapprochions de la gare St Lazare, j’ai pu trouver oĂč acheter un chocolat chaud. J’ai tendu le gobelet Ă  ma fille. Nous avons terminĂ© le chocolat dans le train.

 

 

Deux ou trois jours plus tard, peut-ĂȘtre hier lorsque j’ai commencĂ© Ă  Ă©crire cet article et que ma fille est venue regarder, elle m’a demandĂ© :

 

« Tu aimes bien, Jean-Pierre Vignau ? Â».

 

J’ai rĂ©pondu :

 

« Oui, je l’aime bien. Autrement, je ne t’aurais pas emmenĂ©e le rencontrer Â».

 

 Elle m’a Ă©coutĂ©. Puis, elle s’est Ă©loignĂ©e sans dire un mot.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 30 décembre 2020.

 

Catégories
Corona Circus Echos Statiques Ecologie

Le changement

 

                                                         Le Changement

 

 Â« Ellen MacArthur, dans le VendĂ©e Globe, c’est 200 000 euros de facture tĂ©lĂ©phonique ». Dans cette phrase laconique (son livre Olivier de Kersauson- Le Monde comme il me parle ), Olivier de Kersauson, « mon Â» Bernard Lavilliers des ocĂ©ans, rĂ©sumait l’évolution matĂ©rielle des conditions de navigation lors du VendĂ©e Globe. Course maritime qui se tient encore en ce moment. Evolution confirmĂ©e par le navigateur Fabrice Amedeo qui, ce 11 dĂ©cembre dernier, a dĂ» abandonner la course aprĂšs que son systĂšme informatique de bord ait lĂąchĂ© en pleine mer.

 

PeinĂ© d’avoir dĂ» abandonner, Fabrice Amedeo a nĂ©anmoins expliquĂ© que «  Tabarly doit sans doute se retourner dans sa tombe Â» au vu de la dĂ©pendance aux ordinateurs de plusieurs des participants du VendĂ©e Globe. Amedeo a ajoutĂ© qu’il aurait pu continuer « Ă  l’ancienne Â». Mais que sans l’assistance de ses ordinateurs de bord, son bateau serait devenu «  diabolique Â».

Je crois que son ami Yannick Bestaven, actuellement en tĂȘte, peut gagner le VendĂ©e Globe. Lorsque Charlie Dalin “menait” la course , j’avais Ă©tĂ© marquĂ© par la tranquillitĂ© de Bestaven, alors qu’il Ă©tait sur une mer agitĂ©e. Mais aussi par sa façon de rassurer- tel un bercement- quant au fait que le bateau se portait bien. Plus tard, j’avais appris qu’il avait dĂ» attendre 12 ans pour participer Ă  nouveau Ă  la course du VendĂ©e Globe. Je crois voir en Bestaven un certain croisement du nouveau et de l’ancien monde dans le domaine de la navigation plus que chez Charlie Dalin. Un peu comme s’il Ă©tait “entre” un Jean Le Cam et un Charlie Dalin.  

 

Dans mon article sur le livre ( il en a Ă©crit d’autres) de Kersauson, Le Monde comme il me parle, je n’avais pas citĂ© cette phrase Ă  propos d’Ellen MacArthur. Car, pour ironique ou vacharde que soit cette formulation selon moi assez « Kersausonienne Â», j’admire toutes ces personnes que je viens de citer. D’Ellen MacArthur Ă  Fabrice Amedeo. En incluant Kersauson Ă©videmment. Je n’oublie pas qu’avant de devenir une navigatrice reconnue, MacArthur avait Ă©tĂ© une jeune femme. Et, qu’Ă  16 ou 17 ans, seule sur son bateau ( Kersauson l’ignore peut-ĂȘtre ou l’a peut-ĂȘtre oubliĂ©)  elle avait tournĂ© le dos Ă  un certain conformisme. Conformisme dans lequel, pour ma part, j’Ă©tais devenu de plus en plus performant. Alors que j’affirmais m’en Ă©loigner. Ce qui est pire. 

 

Devant mon “indulgence”, pour les navigateurs actuels “aidĂ©s” par la technologie, on pourra penser que je ne me mouille pas. Que je suis « mou Â» du genou. Ou que je manque d’aplomb pour parler proprement. De mon cĂŽtĂ©, systĂšme informatique ou pas, si je « donne Â» Ă  Kersauson et aux autres anciens une dimension a priori plus imposante qu’aux navigateurs actuels dans le VendĂ©e Globe, cette Ă©preuve reste nĂ©anmoins hors de portĂ©e de l’individu ordinaire et lunaire. Hors de ma portĂ©e en tout cas.

Car il s’agit toujours de rĂ©aliser un tour du Monde en solitaire sur un bateau avec tous les risques que les vagues, les vents, les courants, l’environnement et l’épuisement produisent et imposent. De jour comme de nuit. Avec pour seuls pouls et seuls rĂ©conforts, la peau, les os, les muscles et ce que l’on a dans la tĂȘte. C’est d’abord la femme et l’homme sur le bateau qui dĂ©cide de quitter le port. Et de poursuivre la mer.  Aucun systĂšme informatique ou tĂ©lĂ©phonique aussi ergonomique soit-il, Ă  moins d’ĂȘtre kidnappĂ©, distrait  ou endormi au moment du dĂ©part du bateau, ne prendra cette dĂ©cision.

On a sans doute pu s’émerveiller, bien tranquillement chez soi, du sauvetage de Kevin Escoffier par Jean Le Cam comme si le scĂ©nario avait Ă©tĂ© Ă©crit Ă  l’avance. Et penser ou croire que ce sauvetage avait Ă©tĂ© une formalitĂ©. Vu qu’il a Ă©tĂ© « rĂ©ussi Â» et que, depuis, Jean Le Cam, a repris sa route.  On est souvent trĂšs inspirĂ© pour banaliser rapidement ce qui a Ă©tĂ© rĂ©ussi. Et pour ensuite « passer Ă  autre chose Â».

 

Lorsque je le pourrai, je relirai et regarderai à nouveau le récit de ce sauvetage en mer.

 

On peut aussi envier ces participantes et ces participants devant le spectacle de cette libertĂ© dont ils nous envoient rĂ©guliĂšrement- grĂące aux innovations technologiques- l’image et le son. LibertĂ© qui contraste encore plus que d’habitude avec nos vies du fait de nos moeurs doublement confinĂ©es pour raisons sanitaires.   

On peut aussi reprocher Ă  ces aventuriers d’ĂȘtre plus ou moins les complices- ou les ouvriers- sponsorisĂ©s d’une certaine sociĂ©tĂ© spectacle qui fait de nous des ĂȘtres de plus en plus passifs, soumis, et rapidement adeptes du premier anxiolytique; du premier antalgique; ou du premier programme venu au moindre inconfort.

Mais je « plains Â» aussi ces marins- femmes et hommes- lorsque je pense Ă  leur retour au bercail. Lorsqu’elles et ils devront tenir sur terre en rĂ©duisant de nouveau leurs empreintes aux cendres et aux confettis d’une vie « ordinaire Â». Car il faut bien une certaine force surhumaine pour rester Ă  l’endroit et endurer une vie quotidienne qui nous entraĂźne rĂ©guliĂšrement, et assez facilement, Ă  partir de travers.  

En attendant, ces chemins qu’ont pris et prennent ces femmes et ces hommes sur leur bateau restent des horizons dĂ©goupillĂ©s. Aujourd’hui ou demain, on ne sait pas ce qui peut en sortir. Un accident,  un imprĂ©vu. Tout peut survenir. Le naufrage ou l’Ă©tat de grĂące. Peu importe la beautĂ© des photos ou des vidĂ©os envoyĂ©es antĂ©rieurement. Peu importe la « noblesse Â», « l’intelligence Â», « l’expĂ©rience Â», « la vaillance Â» ou le « courage Â» de celle ou celui qui se retrouvera en Ă©tat de faiblesse convoquĂ© par ses derniĂšres limites. Elle ou il remplacera alors le chaĂźnon manquant entre la parole et le silence.

C’est pour beaucoup la peur d’une disparition effrayante, et solitaire, qui nous fait accepter 365 jours sur 365, une certaine vie plus terre Ă  terre, routiniĂšre, sĂ©curisante. En grappillant, aprĂšs en avoir demandĂ© l’autorisation, ça et lĂ , quelques « sorties Â» destinĂ©es Ă  nous permettre de nous « vider la tĂȘte Â». Pour ensuite recommencer Ă  la remplir avec diverses pollutions.

SystĂšme informatique performant ou non, la peur d’une mort imposĂ©e a peu changĂ©. Hormis peut-ĂȘtre sa prĂ©sentation.

Il y a quelques mois, Mi-Mars, lors du premier confinement dĂ» au Covid, Ă©tait considĂ©rĂ©e comme naĂŻve , ou le crĂąne portĂ© par la cocaĂŻne, toute personne pensant que le Monde allait changer. Aujourd’hui, neuf mois plus tard,  il est sans doute plus facile de s’apercevoir que le Monde a changĂ©. Et qu’il va continuer de changer du fait de la pandĂ©mie du Covid. Comme il avait dĂ©jĂ  changĂ© aprĂšs d’autres Ă©vĂ©nements. Qu’il s’agisse d’attentats ou d’autres catastrophes marquantes ici et ailleurs. Mais le changement, mĂȘme s’il s’affirme, peut ĂȘtre moins perceptible que lorsqu’une navigatrice ou un navigateur, en pleine mer, cesse d’émettre pour disparaĂźtre.

 

On s’habitue et on s’adapte aussi plus ou moins au changement. Pour l’instant, cela me fait tout drĂŽle, lorsque je vais consulter mon « ethno-mĂ©decin Â», spĂ©cialisĂ©e en mĂ©decine chinoise, de pouvoir payer par avance par virement. J’ai encore l’impression, si je le faisais, que mon argent partirait directement sur un compte occulte dans les Ăźles CaĂŻman. En la payant Ă  chaque fois en espĂšces, j’ai l’impression d’ĂȘtre un mafieux qui blanchit de l’argent ou d’ĂȘtre un homme qui la drague et qui veut lui en mettre plein la vue avec ses- petits- billets de banque.

Cela reste Ă©tonnant de recevoir ses prescriptions par mail.

Cela me fait encore un peu drĂŽle de prendre certains rendez-vous mĂ©dicaux sur le net sans passer par une personne «rĂ©elle Â» que j’ai d’abord au bout du fil.

Je suis encore dĂ©concertĂ© de n’avoir jamais rencontrĂ© la conseillĂšre en gestion de patrimoine qui nous a pourtant permis de renĂ©gocier- l’an passĂ©- le rachat de notre prĂȘt immobilier. Je ne lui ai parlĂ© qu’une fois directement au tĂ©lĂ©phone. Ensuite, tout s’est fait exclusivement par mails. Chaque fois que je l’appelle, je tombe systĂ©matiquement sur son rĂ©pondeur. Elle me rappelle ensuite et me laisse un message. Mais elle me rĂ©pond surtout par mails. Je vais finir par croire qu’elle m’évite ou qu’elle est un logiciel.

A cĂŽtĂ© de ces expĂ©riences de « vie Â» de plus en plus dĂ©matĂ©rialisĂ©es ou « augmentĂ©es Â», il reste encore possible de faire des rencontres en « direct Â». Mais, peut-ĂȘtre qu’un jour, il sera devenu normal de dire : 

«  Ma relation avec untel, c’est 25 millions de sms. Donc, c’est une relation qui a comptĂ©. Par contre, untel,  10 millions de sms, c’était juste une relation de boulot. Et, lui, 75 000 sms. Une relation de politesse ! Juste bonjour, au-revoir Â».

Pour terminer cet article, un petit jeu en laissant la parole Ă  quatre anciens. A vous d’attribuer le bon auteur aux affirmations suivantes :

” Il ne faut jamais se laisser emmener par les Ă©lĂ©ments, il faut aller “avec”, il faut tenter de les accompagner et de les comprendre”. 

” S’il arrive que tu tombes, apprends vite Ă  chevaucher ta chute. Que ta chute devienne cheval, pour continuer le voyage”. 

” Pour avoir l’idĂ©e d’un mouvement, il faut le faire mille fois. Pour le connaĂźtre, il faut le rĂ©pĂ©ter dix mille fois. Et pour le possĂ©der, il faut l’accomplir cent mille fois”. 

La berceuse dĂ©mente des tempĂȘtes les balançait dans sa camisole de force“. 

 

( FrankĂ©tienne. Melville, extrait de son livre Moby Dick. Olivier de Kersauson. Un proverbe japonais ancien). 

 

Franck Unimon, Lundi 28 décembre 2020.

 

Catégories
Croisements/ Interviews self-défense/ Arts Martiaux

Sensei Jean-Pierre Vignau : Un Monde Ă  part

 

Sensei J-Pierre Vignau, ce lundi 21 décembre 2020 dans sa salle de musculation.

 

 

Sensei Jean-Pierre Vignau : Un monde Ă  part

 

 

Il pleuvait ce lundi 21 dĂ©cembre 2020 lorsque je suis retournĂ© voir Sensei Jean-Pierre Vignau Ă  son domicile. Depuis notre premiĂšre rencontre fin novembre, j’avais lu ses deux livres Corps d’Acier ( 1974) et Construire sa lĂ©gende   (2020)  distants de 26 ans. ( Corps d’Acier/ un livre de MaĂźtre Jean-Pierre Vignau ). 

 

 

J’avais aussi rappelĂ© Jean-Pierre plusieurs fois. A chaque fois, il avait pris le temps de me rĂ©pondre.

 

Cependant, la veille ou le matin de cette seconde rencontre, Jean-Pierre m’apprend qu’il a eu entre-temps des ennuis de santĂ©. Un AVC.  Qu’il a Ă©tĂ© hospitalisĂ© quelques jours. Mais que ça va mieux maintenant. Je m’en Ă©tonne :

 

« Et tu ne m’as rien dit ?! Â».

Jean-Pierre : « C’est que je suis un peu cachottier
. Â».

 

Ce 21 dĂ©cembre,  sa femme Tina est en tĂ©lĂ©travail.  Aussi, Jean-Pierre me reçoit-il cette fois dans sa salle de musculation qu’il m’avait prĂ©sentĂ©e la derniĂšre fois.

 

DĂšs que je sors de ma voiture, je lui explique que la « derniĂšre fois Â» j’avais enlevĂ© mon masque chirurgical de prĂ©vention anti-covid. Mais qu’au vu de ses ennuis de santĂ© rĂ©cents, je prĂ©fĂšre le garder. Lui, toujours Ă  visage dĂ©couvert, sa casquette sur la tĂȘte, me rĂ©pond :

 

« Je m’en fous ! Â».

 

Ma rĂ©action est immĂ©diate : « Mais, moi, je ne m’en fous pas ! Â». Sourire de Jean-Pierre.

 

J’ai donc gardĂ© mon masque. Ce qui donne Ă  ma voix ce son un peu Ă©touffĂ© alors que je tiens mon camĂ©scope lors de l’interview.

 

Celle-ci dĂ©bute en parlant de celui qu’il cite comme son Maitre de KaratĂ© : Sensei Kase.

 

Cette interview filmĂ©e aurait pu s’appeler ” 3553 mouvements de base. ” Savoir ce qu’on est”. “Tu rĂ©ussis ou tu te tues” .” Mettre les ego de cĂŽtĂ©”. “Ce n’est pas Ă  moi d’exclure ou d’interdire”. “Le plus important, c’est de savoir tenir sa place”. “La compĂšte, c’est un faux jugement”. “En six mois ou deux ans, tu n’as pas le temps de comprendre“.

 

Mais, finalement, j’ai trouvĂ© que le titre  Un Monde Ă  part correspondait trĂšs bien Ă  Sensei Jean-Pierre Vignau et aussi qu’il incluait ces autres titres « dĂ©laissĂ©s Â».

 

 

A la fin de l’interview,  alors que j’ai Ă©teint mon camĂ©scope, je parle Ă  Jean-Pierre de ma rencontre fortuite de Sensei LĂ©o Tamaki quelques jours plus tĂŽt.  j’en parle dans mon article L’Apparition . AussitĂŽt, Jean-Pierre relĂšve la tĂȘte et me dit :

 

« On croit que l’on dĂ©cide dans la vie mais c’est le hasard qui choisit Â».

 

Je lui parle de mon projet de solliciter Léo Tamaki pour une interview. Jean-Pierre cherche alors le numéro de téléphone de celui-ci et me le donne.

 

Je joins LĂ©o Tamaki au tĂ©lĂ©phone le lendemain ou le surlendemain. Nous convenons, lui et moi de nous rencontrer dĂ©but ou fin janvier 2021. Depuis, j’ai achetĂ© le dernier numĂ©ro du magazine Yashima dans lequel il interviewe Richard DouĂŻeb, plus haut reprĂ©sentant du Krav Maga en France. J’ai d’abord Ă©tĂ© un peu surpris de voir Richard DouĂŻeb en couverture de Yashima, magazine qui traite «  des Arts Martiaux et de la Culture du Japon Â».

 

 

Cependant, le Krav Maga est une discipline Ă  laquelle je me suis aussi intĂ©ressĂ© sans que je me dĂ©cide Ă  « l’essayer Â». Il y a trois ans maintenant environ,  ou peut-ĂȘtre plus, je m’étais ainsi dĂ©placĂ© au club de Krav Maga dans le 9Ăšme arrondissement de Paris oĂč il arrive que Richard DouĂŻeb intervienne. A « l’époque Â», pratiquer un sport de combat ne me suffisait plus. Je cherchais dĂ©jĂ  un Maitre.

 

Aujourd’hui, ce samedi 26 dĂ©cembre, j’irai voir Sensei Jean-Pierre Vignau dans son club, le Fair Play Sport, dans le 20Ăšme arrondissement de Paris avec ma fille. Si les enfants peuvent depuis quelques jours reprendre une activitĂ© physique en club (en raison du contexte de la pandĂ©mie du Covid) , les adultes, eux, doivent encore patienter. C’est donc ma fille qui dĂ©couvrira avant moi le Maitre sur le tatamis.

 

Franck Unimon, ce samedi 26 décembre 2020.

 

Catégories
Corona Circus Croisements/ Interviews self-défense/ Arts Martiaux

L’Apparition

 

L’Apparition

 

 

J’étais trĂšs content de devoir aller dans une agence de l’opĂ©rateur Orange. Il fallait faire tester la livebox. Eventuellement en avoir une nouvelle qui marcherait mieux que celle que j’avais depuis des annĂ©es.

 

Et me faire tester aussi, peut-ĂȘtre. J’étais parfois saisi de microcoupures. Alors, j’avais du mal Ă  me connecter. Quand on me parlait, j’avais la parole vide. Cela devenait une idĂ©e fixe.

 

Au bout du fil, quelques jours plus tĂŽt, Anissa, la technicienne que j’avais contactĂ©e, avait fait son possible. Elle avait fait des tests Ă  distance. Pour conclure qu’il me fallait me rapprocher physiquement d’une agence de l’opĂ©rateur Orange. Celle de ma ville, et peut-ĂȘtre de ma vie, avait fermĂ© deux ou trois ans plus tĂŽt.

 

J’ai pris le train.

 

Cela m’a semblĂ© plus pratique d’aller Ă  l’agence d’OpĂ©ra. PrĂšs de l’OpĂ©ra Garnier. Internet et la tĂ©lĂ©phonie mobile cĂŽtoyaient la musique classique.  Nous habitons dans ces paradoxes en permanence. Et cela nous semble normal.

 

 

TrĂšs vite, en arrivant Ă  Paris, je me suis retrouvĂ© dans les dĂ©cors de NoĂ«l. Il y avait du monde dans les rues et devant les magasins. Les achats de NoĂ«l. C’était une seconde raison d’ĂȘtre content. Cette obligation de faire la fĂȘte sur commande. De faire des achats.

 

Impossible de changer de cerveau. Aussi, tout ce que je voulais, c’était que l’on me change ma livebox. Mais le manager m’a trĂšs vite contrariĂ©. Il m’a expliquĂ© qu’il me fallait un bon. La technicienne ne m’en avait pas fourni. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était tester la livebox. Il m’a demandĂ© de patienter. Cela pouvait prendre cinq ou dix minutes.

 

Nous Ă©tions dans un sous-sol sans fenĂȘtres et surchauffĂ©. Un Ă©clairage veillait Ă  simuler la lumiĂšre du jour mais elle Ă©chouait Ă  faire oublier notre enfermement. Enfermement auquel les  employĂ©s semblaient indiffĂ©rents. Quelques ordinateurs, quelques stands, l’esprit d’équipe et une fonction dĂ©finie pour quelques heures suffisaient pour oublier.

Moi, je n’oubliais pas. J’avais dĂ» me dĂ©placer.

 

Je suis reparti avec ma livebox. Elle marchait trĂšs bien. Le manager m’a remis le bordereau du test. Par geste commercial ou par diplomatie, il m’a remis une clĂ© 4 G wifi provisoire valable deux mois. Il m’en a expliquĂ© le fonctionnement trĂšs simple :

 

«  On allume lĂ  oĂč on Ă©teint Â».

 

La bonne nouvelle, c’est que j’avais peu attendu dans l’agence.

 

Dans une rue que je n’avais aucune raison de prendre dans ce sens vu qu’elle m’éloignait de la gare du retour, j’ai croisĂ© un homme.  Le magasin Le Printemps Ă©tait sur ma gauche de l’autre cĂŽtĂ© de la rue.

 

Plus petit que moi, l’homme avançait masquĂ© comme nous tous en cette pĂ©riode Covid. Il portait un catogan. Ce que j’ai perçu de son visage m’était familier. Le temps que son identitĂ© se forge dans mes pensĂ©es, il m’avait presque passĂ©. Je me suis retournĂ© et l’ai regardĂ© marcher. Ses jambes Ă©taient trĂšs arquĂ©es. Alors qu’il s’éloignait, j’ai imaginĂ© les moqueries, plus jeune, et une de ses phrases :

« J’ai eu une jeunesse un peu compliquĂ©e Â» qui laissait supposer qu’il avait dĂ» beaucoup se bagarrer, enfant.

 

Son sac sur le dos, un repas de l’enseigne PrĂȘt Ă  manger Ă  la main, le voilĂ  qui s’arrĂȘte Ă  cinquante mĂštres. Il a enlevĂ© son masque et commence Ă  boire Ă  la paille ce qui est peut-ĂȘtre une soupe. Je me rapproche.

 

Mon masque sur le visage, je le salue et lui demande :

 

« Vous ĂȘtes LĂ©o Tamaki ? Â». Mais avant mĂȘme qu’il ne me le confirme, je savais.

 

Je lui ai parlĂ© de son blog, de Jean-Pierre Vignau ( Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre Jean-Pierre Vignau). Il m’a Ă©coutĂ©. Je me demandais s’il Ă©tait encore dans son Ă©cole vu que j’avais cru comprendre qu’il Ă©tait souvent en voyage. Avec le sourire, il acquiesce concernant ses voyages frĂ©quents. Puis, me prĂ©cise qu’il est toujours prĂ©sent dans son Ă©cole qui se trouve «  Ă  quinze minutes Ă  pied d’ici Â». Qu’il espĂšre rouvrir en janvier.

 

Sa question arrive vite : «  Vous avez dĂ©jĂ  pratiquĂ© ? Â». «  J’ai pratiquĂ© un peu de judo Â».

Lorsque je lui parle de mes horaires de travail de nuit, je retrouve le tranchant de sa pensĂ©e telle que je l’ai perçue dans une vidĂ©o oĂč il est face Ă  Greg MMA. Mais aussi dans ses articles pour les magazines Yashima et Self& Dragon. C’est un homme qui rĂ©agit avant mĂȘme que l’on ait eu le temps de saisir les consĂ©quences de ce que l’on formule. On imagine facilement que c’est pareil en cas d’attaque.

 

L’échange est bref. Un moment, j’enlĂšve mon masque afin qu’il voie mon visage lorsque je me prĂ©sente. Je me dis souvent que cela doit ĂȘtre insolite de se faire aborder par un inconnu masquĂ©. Mais cela ne semble pas le dĂ©sarmer plus que ça. C’est une question de contexte et de tranquillitĂ© d’esprit peut-ĂȘtre. Nous sommes en plein jour, dans une grande avenue frĂ©quentĂ©e. Et, je suis venu calmement. Il y a quelques annĂ©es, assis dans un recoin de la rue de Lappe, en soirĂ©e, j’avais aperçu l’acteur Jalil Lespert qui passait avec ses deux enfants.  C’est un acteur dont j’aime beaucoup le jeu. Dont la carriĂšre est Ă©tonnamment discrĂšte. Je l’avais saluĂ© Ă  distance. Mais, Ă  sa façon de faire avancer ses enfants, j’avais compris que je l’avais surpris et un peu effrayĂ©. Ça m’a Ă©tonnĂ© d’apprendre rĂ©cemment que Jalil Lespert, le discret, vit dĂ©sormais une idylle avec Laeticia Halliday, la « veuve Â» de Johnny. Celle qui pleurait son « homme Â» il y a encore deux ans. Mais on a le droit de vivre.

 

LĂ©o Tamaki, c’est un autre monde que Johnny, Laeticia, Jalil Lespert et le cinĂ©ma. C’est le monde de l’AĂŻkido et des Arts martiaux. Les deux mondes peuvent se concilier : show « bises Â» et Arts Martiaux. Mais pour cela, dans le dĂ©sordre, il  faut avoir quelque chose de particulier qui rĂ©pond Ă  une nĂ©cessitĂ© voire des affinitĂ©s et, avant cela, des lieux de frĂ©quentation communs.

 

Franck Unimon, ce vendredi 18 décembre 2020.

 

 

 

Catégories
Corona Circus Croisements/ Interviews Puissants Fonds/ Livres self-défense/ Arts Martiaux

Corps d’Acier/ un livre de MaĂźtre Jean-Pierre Vignau

 

 

Corps d’Acier(La Force conquise La violence maĂźtrisĂ©e)un livre de J-Pierre Vignau

 

Les FĂȘtes de ce NoĂ«l 2020 se rapprochent. Comme chaque annĂ©e, nous achĂšterons des objets du bonheur que nous offrirons. Nous sommes souvent prĂȘts Ă  payer de notre personne pour celles et ceux que nous aimons. Et pas uniquement Ă  NoĂ«l.

 

La pandĂ©mie du Covid que nous connaissons depuis plusieurs mois, avec ses masques, ses restrictions, ses consĂ©quences sociĂ©tales, affectives, Ă©conomiques, culturelles et ses « feuilletons Â» concernant la course aux vaccins, leur fabrication et leur distribution, donne encore plus de poids Ă  ce que nous vivons de « bien Â» avec les autres.

 

Pourtant, le bonheur ne s’achùte pas.

 

« Avant Â», la vie Ă©tait plus dure. « Avant Â», les clavicules obnubilĂ©es par l’étape de ma survie ou de ma libertĂ© immĂ©diate, je n’aurais pas pu m’offrir le luxe de m’épancher sur mon clavier d’ordinateur.

 

Mais, aujourd’hui, un sourire comme une dĂ©coration de NoĂ«l peut aussi ĂȘtre le prĂ©liminaire d’un carnage futur.

 

Avant, comme aujourd’hui, cependant, le bonheur existe.

 

Parce-que le bonheur ne s’achùve pas.

 

La lecture aprĂšs la rencontre :

 

 

Sauf qu’en tant qu’adultes, nous sommes souvent coupables. Soit de ne pas assez nous mouvoir. Soit d’ĂȘtre forts d’un Pouvoir que nous ne savons pas voir.  De mal nous protĂ©ger et de mal protĂ©ger notre entourage et notre environnement. Comme de tenir de fausses promesses. Et lorsque nous agissons et prenons certaines dĂ©cisions, nous agissons souvent comme des enfants. Les fĂȘtes de NoĂ«l et d’autres rĂ©jouissances officielles nous permettent de l’oublier. Sans doute prĂ©fĂ©rons-nous croire que c’est seulement en ces circonstances que nous nous comportons comme des enfants
..

 

Le livre Corps d’Acier La Force Conquise La violence MaitrisĂ©e de jean-Pierre Vignau publiĂ© en 1984 m’a parlĂ© parce-que le « petit Â» Vignau nĂ© en 1945 a parlĂ© Ă  l’enfant que je suis restĂ©.

 

D’ailleurs, c’est souvent comme ça lorsque l’on rencontre quelqu’un. L’enfant qu’il est ou qu’il a Ă©tĂ© parle d’abord Ă  nos rĂȘves prĂšs de la frontiĂšre de notre squelette.

C’est instinctif. ViscĂ©ral. C’est seulement aprĂšs, lorsque c’est possible, que, nous, les « civilisĂ©s Â», laissons Ă  nos lĂšvres et Ă  nos oreilles le temps de parler et d’écouter.

Et, assez gĂ©nĂ©ralement, alors, on finit par se reconnaĂźtre un peu dans l’autre.

 

 

J’ai lu ce livre aprĂšs avoir rencontrĂ© et interviewĂ© Maitre ( ou Sensei) Jean-Pierre Vignau comme je l’ai racontĂ©. ( Arts Martiaux) A Toute Ă©preuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vigneau ) Puis, juste aprĂšs ce livre, j’ai lu son dernier ouvrage, paru en 2020, Construire sa lĂ©gende Croire en soi, ne rien lĂącher et aller jusqu’au bout, qu’il a acceptĂ© de me dĂ©dicacer.

 

 Chacun ses Maitres :

Certaines et certains trouveront leurs Maitresses et leurs Maitres dans l’exemple et le parcours de personnalitĂ©s diverses. Aya Nakamura, Camille Chamoux, Booba, Kylian MbappĂ©, Donald Trump, Nicolas Sarkozy, Lilian Thuram, Zinedine Zidane, Benoit Moitessier, Olivier de Kersauson, Alain Mabanckou, Samuel Jackson, Miles Davis, Denzel Washington, Krzysztof Kieslowski, Damso, Blanche Gardin, Laure Calamy, Frantz Fanon, Robert Loyson, Jacob Desvarieux, Danyel Waro, Ann O’Aro, Cheick Tidiane Seck, Tony Allen, Amadou HampatĂ© Ba, Tony Leung Chiu Wai…

 

Certaines des quelques personnes que je viens de citer ne font pas partie de mes rĂ©fĂ©rences mais elles le sont pour d’autres. Des artistes, des sportifs de haut niveau, des femmes et des hommes politiques
.

 

On peut aussi trouver ses Maitresses ou ses Maitres chez des Maitres d’Arts Martiaux.

 

Si je suis sĂ©duit et sensible au parcours de bien des « personnalitĂ©s Â» d’hier et d’aujourd’hui, comme Ă  celui de Maitres d’Arts martiaux, j’ai, je crois, assez vite- et toujours- fait une distinction entre le titre et la personne.

 

Je choisirai toujours d’abord, si j’en ai la possibilitĂ©, la personne qui me parle personnellement. Correctement. MĂȘme si elle est sĂ©vĂšre et exigeante. DĂšs l’instant oĂč elle ou il me semblera juste.

 

Et, cela, avant son titre ou ses titres. Pour moi, une Maitresse ou un Maitre, c’est aussi celle ou celui qui a vĂ©cu. Qui a traversĂ© des frontiĂšres. Qui a peut-ĂȘtre morflĂ©. Qui s’est aussi trompĂ©. Qui en est revenu. Qui s’en souvient. Qui peut faire corps. Et qui peut ĂȘtre disponible pour transmettre Ă  d’autres ce qu’il a compris, vĂ©cu. Afin que celles-ci et ceux-ci vivent mieux, comprennent, s’autonomisent ou souffrent moins.

 

DĂšs les premiĂšres pages de Corps d’acier,  on apprend que Jean-Pierre Vignau, placĂ© enfant Ă  l’assistance publique, a Ă©tĂ© le dernier mĂŽme Ă  trouver une famille d’accueil dans une ferme dans le Morvan.

 

Cette famille qui l’a alors acceptĂ©, ou interceptĂ©, c’était un peu la famille de la derniĂšre chance. Jean-Pierre Vignau Ă©tait le plus chĂ©tif du lot. Or, les familles d’accueil Ă©taient plutĂŽt portĂ©es sur les enfants d’apparence robuste pour aider dans les diverses tĂąches de la maison.

 

Vignau raconte comment, conscient que c’était sa derniĂšre chance, il accourt vers cette femme qu’il voit pour la premiĂšre fois pour plaider sa cause et la convaincre.

Il se rĂ©tame alors devant elle et le directeur, embarrassĂ©, de l’assistance publique. Pour se relever et se plaquer contre cette adulte inconnue et, quasiment, l’implorer de le prendre
.

 

 

Une fois adoptĂ© par cette femme, les ennuis mĂ©dicaux de Jean-Pierre Vignau s’amoncellent. Cirrhose du foie, problĂšmes pulmonaires, dĂ©calcification, colonne vertĂ©brale en dĂ©licatesse
. On est donc trĂšs loin du portrait de l’enfant « parfait Â» ou douĂ©.

 

La greffe prend entre Vignau et ses parents « nourriciers Â». Mais pas avec l’école. Il sera analphabĂšte jusqu’à ses 28 ans et apprendra Ă  lire en prison.

 

Lors de ma rencontre avec lui fin novembre chez lui, un demi-siĂšcle plus tard,  nous avons surtout parlĂ© d’Arts martiaux ;  un peu de son expĂ©rience de videur (durant huit ans). Et de son accident lors d’une de ses cascades qui lui a valu la pose d’une prothĂšse de hanche alors qu’il Ă©tait au sommet de sa forme physique.

Nous avons peu parlĂ© de son enfance. Pourtant, il est Ă©vident que celle-ci, de par les blessures qu’elle lui a infligĂ©es, mais aussi grĂące au bonheur connu prĂšs de ses parents nourriciers, l’a poussĂ© dans les bras de bien des expĂ©riences, bonnes et mauvaises, qu’il raconte dans son Corps d’acier.

 

Je n’ai aucune idĂ©e de ce que cela peut faire de lire d’abord Construire sa lĂ©gende, son dernier ouvrage. Mais en le lisant aprĂšs Corps d’acier, j’ai vu dans Construire sa lĂ©gende une forme de synthĂšse intellectualisĂ©e et actualisĂ©e de ce que l’on peut trouver, de façon « brute Â», dans Corps d’acier.

 

Construire sa lĂ©gende a Ă©tĂ© co-Ă©crit par Jean-Pierre Vignau et Jean-Pierre Leloup «  formateur en relations humaines en France et au Japon Â».

Jean-Pierre Leloup « anime des confĂ©rences sur le dĂ©veloppement personnel Â» nous apprend entre autres la quatriĂšme de couverture. L’ouvrage est plus rapide Ă  lire que Corps d’Acier et le complĂšte. Corps d’Acier, lui, compte plus de pages ( 231 contre 159) a Ă©tĂ© publiĂ© par les Ă©ditions Robert Laffont  dans la collection VĂ©cu.

 

Donc, avec Corps d’Acier, on a un rĂ©cit direct d’un certain nombre d’expĂ©riences de vie de Jean-Pierre Vignau ( Assistance publique, ses parents nourriciers, sa mĂšre, son beau-pĂšre, la dĂ©couverte des Arts Martiaux, son passĂ© d’apprenti charcutier, de serveur, de mercenaire en Afrique, son flirt avec le SAC de l’ExtrĂȘme droite etc
). Dans un climat social qui peut rappeler la France de Mesrine – qu’il ne cite pas- ou du mercenaire Bob Denard qu’il ne cite pas davantage. Mais aussi Ă  l’époque du PrĂ©sident ValĂ©ry Giscard D’estaing (PrĂ©sident de 1974 Ă  1981) dĂ©cĂ©dĂ© rĂ©cemment voire du PrĂ©sident Georges Pompidou qui l’avait prĂ©cĂ©dĂ©.

 

Cette Ă©poque peut sembler Ă©trangĂšre et trĂšs lointaine Ă  beaucoup. Et puis, on arrive Ă  des passages oĂč on se dit que, finalement, ce qui existait Ă  cette Ă©poque peut encore se retrouver aujourd’hui. Exemples :

 

Page 89 (sur son expérience de mercenaire)

 

« L’Afrique, je n’ai pas grand chose Ă  en dire (
.). J’étais lĂ  pour me battre, pour oublier, si c’était possible. Pour me lancer Ă  corps perdu dans des combats auxquels, politiquement, je ne comprenais rien mais dont la violence effacerait peut-ĂȘtre Claudine de ma mĂ©moire Â».

 

Page 90 :

«  La grande majoritĂ© des gars du camp cherchaient Ă  anĂ©antir leur peur par tous les moyens, surtout grĂące Ă  l’alcool. Parfois, c’était Ă  se demander pourquoi ils Ă©taient lĂ . 80% d’entre eux faisaient croire aux autres qu’ils Ă©taient lĂ  pour la paye. Les autres 20% Ă©taient lĂ , paraĂźt-il, pour « casser du NĂšgre Â». En rĂ©alitĂ© tous ces bonshommes qui Ă©taient loin d’ĂȘtre des « supermen Â», Ă©taient larguĂ©s dans cette jungle pour des motivations semblables aux miennes. C’est-Ă -dire qu’une femme les avait laissĂ©s tomber, leur femme, leur mĂšre, leur sƓur etc
Et par dĂ©pit, ils s’étaient embarquĂ©s, comme moi, dans cette galĂšre Â».

 

Sur sa violence au travers de son expĂ©rience de videur :

Page 173 :

 

« Donc, tous les soirs, bagarre (
 ) C’était le n’importe quoi intĂ©gral, dans cette ambiance bizarre de trois quatre heures du matin, dans cette jungle pas africaine du tout ».

 

«  Quelque chose ne tournait pas rond en moi, aussi (
.). Je sentais que je commençais Ă  prendre du plaisir Ă  taper sur les emmerdeurs. La violence accumulĂ©e toutes ces annĂ©es Â».

 

« Ces soirĂ©es oĂč je risquais ma vie pour que les noctambules puissent s’agiter tranquillement sur les pistes de danse Â».

 

« J’étais devenu une sorte de machine parfaitement rodĂ©e et huilĂ©e, toujours en progrĂšs. Une machine Ă  dĂ©molir. Une machine Ă  tuer. MĂȘme quand je dormais je ne rĂȘvais que de bagarres, coups, courses dans les rues de mes rĂȘves Â».

 

Jusqu’au jour oĂč un Ă©vĂ©nement « l’éveille Â» particuliĂšrement et l’amĂšne Ă  changer d’attitude.  (L’évĂ©nement est relatĂ© dans le livre). A partir de lĂ , la pacification de soi qui est au cƓur de la pratique des Arts Martiaux prend le dessus. Mais comme on le comprend en lisant Corps d’Acier, il a fallu que Jean-Pierre Vignau vive un certain nombre d’épreuves et d’expĂ©riences auxquelles il a survĂ©cu. Et, il lui a fallu beaucoup de travail effectuĂ© au travers des Arts Martiaux – qu’il dĂ©bute Ă  13 ou 14 ans- tel qu’il en parle, page 190.

 

 

L’importance de persĂ©vĂ©rer dans le travail sur soi :

Page 190 :

 

«  La deuxiĂšme forme de recherche, celle Ă  laquelle je consacre mon temps et ma vie, est une esthĂ©tique du mouvement. Ce qui amĂšne Ă  une forme de logique spirituelle. Pour obtenir un rĂ©sultat, il faut travailler, travailler encore et toujours. On forme donc son corps, son endurance et la volontĂ© de son esprit. Et, sans mĂȘme la chercher, on obtient l’efficacitĂ© Â».

 

Dans ce passage, Vignau explicite que la voie martiale est assez longue. C’est donc un mode de vie. La voie martiale est le contraire d’une mode, d’un spectacle, d’un raccourci vers le chaos comme une dictature, le banditisme ou le terrorisme par exemple.

 

Par manque de travail sur soi, nos existences peuvent facilement devenir stĂ©rĂ©otypĂ©es et stĂ©riles mĂȘme si nous avons l’impression de « faire quelque chose Â» ou d’ĂȘtre «  quelqu’un Â». Vignau le dit Ă  sa maniĂšre, page 192 :

 

« Ici, quand je m’entrainais, c’était uniquement pour moi et pas pour aller frapper les images parlantes qui viendraient «  foutre la merde Â» le soir dans les boites Â».

Conclusion :

Pour conclure, dans Construire sa lĂ©gende Croire en soi, ne rien lĂącher et aller jusqu’au bout, page 42, il y a ce passage :

 

« La rĂ©action aux situations stressantes sont de trois ordres : combat, fuite, blocage, respectivement 15%, 15%, 70 % chez l’individu lambda. Les policiers du RAID, par exemple, inversent ce rapport avec 70% pour la rĂ©action de combat. Appliquons cela Ă  Vignau Ă  travers quelques unes de ses expĂ©riences Â».

 

 

Dans Construire sa lĂ©gende, il est aussi prĂ©cisĂ© plusieurs fois qu’il est inutile d’essayer de ressembler Ă  Vignau. Ou Ă  un policier du RAID, d’abord sĂ©lectionnĂ© pour des aptitudes mentales, psychologiques et physiques particuliĂšres. Puis formĂ© et surentraĂźnĂ© Ă  diverses mĂ©thodes de combat.  Avec et sans armes.

 

Chacune et chacun fait comme il peut. Cependant, certaines personnes, sans faire partie du RAID, savent trĂšs bien combattre. Mamoudou Gassama, le jeune Malien sans papiers, qui, le 26 Mai 2018,  avait sauvĂ© le gamin accrochĂ© dans le vide Ă  un balcon d’immeuble dans le 18Ăšme, avait selon moi combattu. Sans pour autant faire partie du RAID. Et je ne sais mĂȘme pas s’il Ă©tait pratiquant d’Arts Martiaux.

Ce 26 Mai 2018, Mamoudou Gassama avait au moins combattu l’impuissance et l’inaction devant la chute prĂ©visible de l’enfant suspendu dans le vide. Mais aussi  certains prĂ©jugĂ©s sur les migrants sans papiers.

 

Mais seule une minoritĂ© de personnes est capable de rĂ©agir spontanĂ©ment comme l’avait fait Mamoudou Gassama en risquant sa vie ce jour-lĂ . D’ailleurs, il avait Ă©tĂ© le seul, parmi les « badauds Â» prĂ©sents, Ă  pratiquer l’escalade jusqu’au gamin. 

 

On peut trouver des Maitres, des coaches, des thĂ©rapeutes ou autres personnes de confiance et bienveillantes qui peuvent nous permettre d’inverser un peu ces pourcentages lors de situations stressantes dans notre vie quotidienne. Pas nĂ©cessairement lors d’un combat ou d’une agression dans la rue.

 

On peut aussi diversifier nos expĂ©riences pratiques et sportives dans des disciplines qui, a priori, nous effraient ou nous semblent inaccessibles. Et se dĂ©couvrir, avec de l’entraĂźnement, certaines aptitudes que l’on ignorait.

 

Le combat, cela peut ĂȘtre, et c’est souvent, d’abord vis-Ă -vis de nous mĂȘmes qu’il se dĂ©roule. Vis-Ă -vis de nos propres peurs que nous acceptons de combattre ou devant lesquelles nous fuyons ou nous bloquons. Si nous acceptons de combattre certaines de nos peurs, nous pouvons changer de vie pour le meilleur au lieu de subir.

 

Corps d’Acier La force conquise La violence maitrisĂ©e et Construire sa lĂ©gende Croire sa lĂ©gende Ne rien lĂącher et aller jusqu’au bout parlent au moins de ça. Ou, alors, j’ai lu de travers et ratĂ© mon explication de texte.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 11 décembre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Catégories
Puissants Fonds/ Livres self-défense/ Arts Martiaux

La Fabrique du Monstre / Un livre de Philippe Pujol

 

 

 

 

 

Marseille a d’abord Ă©tĂ© un amour Ă©tranglĂ©. Il m’a fallu du temps pour aimer cette ville. L’élan de l’accent, du soleil et de la mer, stoppĂ©. Elle Ă©tait blanche. J’étais noir.

 

J’aurais dĂ» le savoir dĂšs notre premiĂšre rencontre Ă  Paris, Ă  la Gare du Nord. Elle partait en Irlande. Moi, en Ecosse. Elle Ă©coutait U2 et des groupes comme Simply Red. J’écoutais Miles Davis, des groupes comme Black Uhuru mais aussi du Zouk.

 

Ses parents ne votaient peut-ĂȘtre pas pour le Front National mais sans doute louaient-ils certaines de ses idĂ©es.

La littĂ©rature, sujet de ses Ă©tudes universitaires en lettres classiques avec le Latin et le Grec, nous avait aussi rapprochĂ©s. Par « rĂ©alisme Â» Ă©conomique et social,  quatre ans plus tĂŽt, au lycĂ©e, j’avais renoncĂ© Ă  aller Ă  la Fac. Et, peut-ĂȘtre qu’avec elle, je me rattrapais.

 

Je fus prĂȘt Ă  venir m’installer Ă  Marseille. J’avais prĂ©vu de postuler Ă  l’hĂŽpital Edouard Toulouse ou dans n’importe quel autre Ă©tablissement hospitalier. Elle m’en dissuada.

 

AprĂšs une premiĂšre « sĂ©paration Â» et quelques annĂ©es, comme tant d’autres qui vivent par espoir et par amour, je finis par ĂȘtre dĂ©shĂ©ritĂ© par cette histoire de rejet.

 

Notre premiĂšre rencontre datait du 20 Ăšme siĂšcle. En 1990. Deux de mes amis, une femme et un homme, elle, parisienne blanche, lui, Arabe originaire d’AlgĂ©rie qui, enfant, avait connu les bidonvilles de Nanterre, ne croyaient pas Ă  cette histoire de couleur de peau.

 

Je n’ai jamais doutĂ© de cette histoire. Il a toujours Ă©tĂ© Ă©vident pour moi que tout sacrifice de sa part en faveur de notre relation me serait reprochĂ© plus tard.

 

Je rencontrais nĂ©anmoins ses parents. Et cela se passa bien. Je pris une chambre d’hĂŽtel avec vue sur le Vieux-Port. Ce fut pour son mariage avec un autre. Un Marseillais comme elle avec lequel la rencontre avait coulĂ© de source.

 

Quelques annĂ©es plus tard, nous nous sommes brouillĂ©s officieusement. Peut-ĂȘtre dĂ©finitivement. J’imagine que, pour elle, c’est du fait de ma connerie.

 

Depuis, je suis retournĂ© Ă  Marseille. Sans l’appeler.

 

J’ai appris avec cette histoire que l’Amour partagĂ© et sincĂšre ne suffit pas.

 

 

Philippe Pujol a quarante et un ans lorsqu’il Ă©crit La Fabrique du Monstre, paru en 2016.

Ce livre a un sous-titre : «  10 ans d’immersion dans les quartiers nord de Marseille, parmi les plus inĂ©galitaires de France Â».

 

Pujol aime Marseille qu’il qualifie de «  plus jolie ville de France Â» Ă  la fin de son livre. Mais lorsqu’il  parle de Marseille, l’Amour n’est pas son seul atout.

 

Pujol s’est fait connaĂźtre pour d’autres ouvrages. Il a obtenu le prix Albert Londres de l’annĂ©e 2014 «  pour sa sĂ©rie d’articles Quartiers Shit publiĂ©s dans le quotidien rĂ©gional La Marseillaise Â» nous apprend la quatriĂšme de couverture.

 

C’est sans doute ce prix Albert Londres, un de ses ouvrages relatif Ă  Marseille ou celui qu’il a consacrĂ© Ă  son cousin fasciste qui m’a permis d’entendre parler de Philippe Pujol pour la premiĂšre fois il y a deux ou trois ans.

 

Je croyais que Pujol, d’origine corse nous apprend-t’il, Ă©tait nĂ© Ă  Marseille. Il est nĂ© Ă  Paris dans le 12Ăšmearrondissement selon WikipĂ©dia. Par contre, il a grandi et vit Ă  Marseille depuis sa petite enfance. Au grĂ© de certaines de ses connaissances qu’il nous prĂ©sente, on devine qu’il a dĂ» grandir dans un milieu social moyen ou au contact de personnes d’un milieu social moyen et modeste avec lesquelles il a su rester en relation. J’aurais peut-ĂȘtre pu devenir un petit peu comme lui si j’étais restĂ© vivre dans ma citĂ© HLM de Nanterre. Pas en faisant une Ă©cole de journaliste. Mais en rencontrant d’abord comme je l’ai fait et comme je continue de le faire diffĂ©rentes sortes de personnes de par mon mĂ©tier d’infirmier en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie.

 

La ville de Marseille que Pujol raconte dans La Fabrique du Monstre est celle des tranchĂ©es. Peut-ĂȘtre, aussi, celle des trachĂ©es. On y respire moins bien qu’en terrasse ou au bord de la plage oĂč l’on vit dĂ©branchĂ© de ce que Pujol raconte.

 

En cherchant un peu, on apprend vite que Pujol a tenu pendant des annĂ©es la colonne fait divers d’un journal de Marseille. Et qu’il a appris Ă  Ă©crire de cette maniĂšre. De ses dĂ©buts de journaliste-reporter, Pujol peut dire lui-mĂȘme qu’il faisait « pitiĂ© Â» question Ă©criture.

Alors que je rĂ©dige cet article, je me dis qu’il y a un peu du David Simon (l’auteur de Sur Ecoute, Treme
..) chez Philippe Pujol. Pour cette façon qu’il a de coller ses branchies, ses six-trouilles et son cerveau dans certains milieux de Marseille tapis dans l’hostilitĂ© ou la clandestinitĂ© oĂč il vaut mieux ĂȘtre acceptĂ©. Et pour pouvoir en parler ensuite dans ses livres.

 

Pujol a sans aucun d’autres modùles que Simon et il en cite quelques uns à la fin de son livre. Mais je ne crois pas qu’il me reprochera de le rapprocher- un peu- de David Simon.

 

Car son La Fabrique du Monstre est un travail de pelleteuse lorsqu’il parle de Marseille. Il retourne la ville pour nous l’expliquer. TantĂŽt en sociologue ou en historien, tantĂŽt en expert comptable ou comme un auteur de polars. Qu’il parle des petits trafiquants de shit, des rĂšglements de compte, d’autres trafics ; du monde politique marseillais depuis ces trente derniĂšres annĂ©es (Gaudin, GuĂ©rini
) ; des alliances politiques avec le Front National ; des immeubles insalubres, des difficultĂ©s de logement, de cafards Ă  cinq centimes et de Mac Do ; des projets immobiliers discordants, du clientĂ©lisme ; de certains bandits qui investissent ou s’arrangent avec de grandes entreprises, de racket, d’un certain «bordel Â» concernant la conduction des projets ; de la mainmise du syndicat F0 sur certaines transactions
 Pujol dĂ©crit presque Marseille comme s’il s’agissait d’une simple citĂ© (une citĂ© faite d’un certain nombre de villages). Et qu’il en connaissait presque chaque atour. Ainsi que les murmures et les rumeurs qui vont avec.

 

 

La ville qu’il « enseigne Â», je l’ai Ă  peine effleurĂ©e. Et, l’on se dit que toute personne qui souhaiterait venir s’installer Ă  Marseille pourrait ĂȘtre bien inspirĂ©e de lire son ouvrage. Selon son projet de vie, y aller seule, investir dans l’immobilier ou y faire grandir ses enfants, celle ou celui qui lira son livre aura de quoi Ă©viter de s’illusionner sur le cĂŽtĂ© en prime abord dĂ©contractĂ© de la ville. MĂȘme si Pujol souligne aussi qu’il y a des personnes qui rĂ©ussissent Ă  venir habiter Ă  Marseille. Et Ă  y rester.

 

 

En parcourant La Fabrique du Monstre, on apprend que Marseille, cela reste loin, pour le gouvernement parisien. D’oĂč cette espĂšce de « carte blanche Â»  laissĂ©e aux diffĂ©rents acteurs Ă©conomiques et politiques de la ville et de la rĂ©gion abonnĂ©s aux excĂšs. Au dĂ©tour d’une anecdote, on croise ainsi le mĂ©pris aujourd’hui lointain d’un Lionel Jospin, alors Ministre, qui, sollicitĂ© pour intervenir sur un dossier marseillais rĂ©plique en quelque sorte qu’il a d’autres mistrals Ă  fouetter. Sa future dĂ©faite aux Ă©lections prĂ©sidentielles peut-ĂȘtre
.

 

Pujol prĂ©cise que, malgrĂ© le soleil, la mer et diverses rĂ©alisations qui ont fait du bien Ă  l’image de Marseille, celle-ci reste pour beaucoup une ville «  en voie de dĂ©veloppement Â». D’autres parlent d’une paupĂ©risation de ses classes sociales moyennes et modestes. Ce qui l’amĂšne Ă  voir Marseille comme un condensĂ© de la France oĂč, de plus en plus, les pauvres vivent avec les pauvres, et les riches avec les plus riches. 

 

 

NĂ©anmoins, Pujol souligne que deux ou trois grandes avancĂ©es pour Marseille viennent de l’Etat ou de l’Europe :

 

Le TGV qui a mis Marseille à trois heures de Paris. Le projet Euroméditerranée.

Marseille, ville européenne de la Culture 2013.

 

 

Pour conclure, Pujol salue la grande aptitude des Marseillais Ă  continuer de se parler. J’ai Ă©tĂ© agrĂ©ablement Ă©tonnĂ© d’apprendre qu’il existe Ă  Marseille un militantisme  antifasciste actif qui a plus d’une fois pris le dessus sur certaines initiatives du Front National.

Plus tĂŽt, il a affirmĂ© que Marseille a plus une culture du grand banditisme que du terrorisme islamiste.  

Pour lui, Marseille n’est pas le monstre rĂ©guliĂšrement prĂ©sentĂ© dans certains mĂ©dia. Mais la France telle qu’elle peut ĂȘtre dans d’autres rĂ©gions. Sauf que sa misĂšre et ses travers se voient davantage en plein soleil que coulĂ©s dans le bĂ©ton et dans certaines banlieues plus ou moins Ă©loignĂ©es.  

 

Franck Unimon, ce jeudi 3 décembre 2020.

 

 

 

Catégories
Corona Circus Croisements/ Interviews Interview self-défense/ Arts Martiaux

( Arts Martiaux) A Toute Ă©preuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vigneau

Maitre Jean-Pierre Vignau chez lui, ce samedi 21 novembre 2020.

 

” Tu as le feu vert”. Cette phrase de Jean-Pierre Vigneau, je m’en suis rappelĂ© quelques heures plus tard, hier soir (ce mardi 24 novembre 2020). 

Dans l’article Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre Jean-Pierre Vignau

j’Ă©voquais cette interview filmĂ©e de Maitre Jean-Pierre Vignau. C’Ă©tait ce samedi 21 novembre 2020. 

Hier ( mardi 24 novembre) j’ai tentĂ© de joindre Jean-Pierre avant de publier mon article. Pour le prĂ©venir. Mais aussi pour voir avec lui s’il prĂ©fĂ©rait lire l’article auparavant. RĂ©pondeur. Finalement, j’ai publiĂ© l’article. Puis, quelques heures plus tard, je lui ai envoyĂ© le lien de l’article par sms. Jean-Pierre m’a alors appelĂ©.

” J’ai ratĂ© l’appel tout Ă  l’heure” m’a-t’il dit. Je lui ai alors expliquĂ© oĂč j’en Ă©tais et lui ai demandĂ© comment il voulait que l’on s’y prenne. Et, lĂ , la phrase de Jean-Pierre est arrivĂ©e simplement.

 

Le Feu vert.

 

Dans cette simple phrase, toute la confiance de Jean-Pierre. Nous nous sommes rencontrĂ©s une seule fois. Il n’a jamais rien lu de moi. Et, je devine qu’il ne lira peut-ĂȘtre pas l’article tout de suite s’il le fait. Il a mieux Ă  faire ailleurs. Comme, par exemple, Ă©couter dans quelques heures (ce mardi 24 novembre au soir) ce que va dire “Le PrĂ©sident” concernant le maintien ou l’assouplissement des mesures concernant le confinement Ă  propos de la pandĂ©mie du Covid. 

 

” Le prĂ©sident ?!”. Je pense alors au PrĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration de KaratĂ© ou des Arts Martiaux mĂȘme si je ne sais pas de qui il s’agit.

Non ! Le PrĂ©sident Macron, me rĂ©pond Jean-Pierre. Je me suis tellement “moulĂ©” dans un certain mode de vie depuis la pandĂ©mie et les mesures de confinement. J’ai Ă©tĂ© si convaincu qu’il allait nous falloir faire montre de patience, que, depuis le tout premier discours – Mi-mars- du PrĂ©sident de la RĂ©publique, Emmanuel Macron, “notre” PrĂ©sident, je n’Ă©coute plus ses discours. 

Ou, peut-ĂȘtre, que je n’ai toujours pas digĂ©rĂ© cette ambiance de fin du monde de son premier discours Mi-Mars. Je n’ai jamais cru non plus Ă  mon statut “de hĂ©ros de la nation”. Je n’ai jamais comptĂ© sur la production expresse et miraculeuse du vaccin “magique”. Alors que je m’Ă©tais inquiĂ©tĂ© quant Ă  la perte de certaines de nos libertĂ©s. MĂȘme si je me suis rapidement “fait” Ă  cette nĂ©cessitĂ© des gestes barriĂšres. Et Ă  un petit peu de discernement quand c’est possible. 

Mon “indiffĂ©rence” actuelle envers le PrĂ©sident Emmanuel Macron vient peut-ĂȘtre aussi du fait que, mĂȘme s’il prend la parole et essaie de paraĂźtre comme celui qui reste le chef d’orchestre,  j’ai fini par considĂ©rer que la pandĂ©mie est depuis quelques mois devenue notre vĂ©ritable prĂ©sidente installĂ©e.

Une “PrĂ©sidente” Covid autour de laquelle sont trĂšs vite venus graviter quelques parasites, dont “notre” PrĂ©sident, alors qu’elle ne devait ĂȘtre que passagĂšre. A la suite de cela, j’ai en quelque sorte “floutĂ©” l’image de “notre” PrĂ©sident actuel, persuadĂ© de sa propre impuissance.

Mais j’ai sĂ»rement tort de banaliser Emmanuel Macron et celles et ceux qui gouvernent avec lui et les autres. Mon manque de clairvoyance Ă  leur sujet vient certainement du fait que je n’ai aucune compĂ©tence politique. Que je vis un peu au jour le jour et avec une  perspective assez limitĂ©e. Ce confinement et cette distanciation sociale ont des effets abortifs sur notre imaginaire.  Sauf pour certains qui continuent d’agir, d’entreprendre et de dĂ©cider. L’Ă©preuve du VendĂ©e Globe est lĂ  pour nous le rappeler. Si certains concurrents en tĂȘte peinent, Ă  certains moments, Ă  rĂ©cupĂ©rer le vent qui les fera avancer de nouveau, ils sont nĂ©anmoins toujours en mer, en avance sur d’autres. Et, lorsque le vent “rejaillit”, ils sont, Ă  nouveau, bien plus avancĂ©s que d’autres qui traĂźnent derriĂšre.

Lorsque la pandĂ©mie du covid rĂ©gressera pour de bon, et que l’horizon se dĂ©gagera, on devrait voir apparaĂźtre, installĂ©es Ă  des fonctions clĂ©, pour notre Ă©poque et notre sociĂ©tĂ©, certaines personnes que l’on avait jusque lĂ  ignorĂ©es ou sous-estimĂ©es. Ces personnes auront su profiter du contexte du Covid pour entreprendre ou bien se placer.

De mon cĂŽtĂ©, c’est parce-que, depuis Mi-Mars,  j’ai toujours respectĂ© les gestes barriĂšres que je me suis autorisĂ© Ă  aller rencontrer Jean-Pierre chez lui ce samedi 21 novembre. Cela a Ă©tĂ© mon VendĂ©e Globe. Pour cela, il m’a suffi de dĂ©passer la distance kilomĂ©trique “autorisĂ©e” de un kilomĂštre autour de chez soi.  J’en avais besoin et j’Ă©tais inspirĂ©. Parce-que je me suis dit qu’en temps ordinaire, il aurait Ă©tĂ© plus Ă©tĂ© difficile d’obtenir aussi rapidement une telle rencontre avec Jean-Pierre, Ă  son domicile.

Dans ce “feu vert” qu’il m’a  donnĂ©, je mesure Ă  la fois la responsabilitĂ©, pour moi, de faire au mieux. Mais je me demande aussi, si moi-mĂȘme, il m’arrive de donner mon feu vert aussi facilement et aussi rapidement autour de moi. J’ai du mal Ă  le croire. 

 

Mais ce feu vert, oĂč cette autorisation, correspond aussi trĂšs bien Ă  Jean-Pierre. Car, comme on pourra le voir et l’entendre dans ces images, il est particuliĂšrement vert. J’ai donnĂ© comme titre Ă  cette interview A Toute Ă©preuve. Je crois qu’il sera facile de comprendre la ou les raisons de ce titre.

Ps : je rappelle qu’une fois chez Jean-Pierre et Tina, aprĂšs avoir obtenu leur accord pour l’interview, j’ai posĂ© mon camĂ©scope de poche sur la table et l’ai laissĂ© filmer tant qu’il pouvait (un peu plus d’une heure). L’interview n’Ă©tait pas prĂ©vue. Elle Ă©tait seulement vĂ©hiculĂ©e par ma tĂȘte dĂšs que Jean-Pierre m’avait proposĂ© de venir chez lui pour acheter son livre Construire sa LĂ©gende. Mais encore fallait-il, une fois sur place, que lui et Tina acceptent l’interview. 

Lors de l’interview, Tina reste hors champ. J’estime que cela prĂ©serve sa tranquillitĂ©. Et, que, d’autre part, ses interventions- hors champ, donc- ajoutent une plus value Ă  l’interview. 

Franck Unimon, ce mercredi 25 novembre 2020. ( Pour regarder l’interview, cliquer sur le lien vimeo ci-dessous).

https://vimeo.com/482901714