Au Fair Play Sport ce samedi 26 décembre 2020
Lorsque jâai appris Ă ma sĆur que jâallais emmener ma fille Ă Paris, dans le 20Ăšme arrondissement, afin quâelle fasse une initiation de karatĂ©, elle a Ă©tĂ© Ă©tonnĂ©e. Jâhabite Ă Argenteuil, en banlieue parisienne. Il y a des clubs de karatĂ© plus proches. Pourquoi faire autant de trajet ?!
Cela fait des annĂ©es que je fais marrer ma sĆur avec mes « excentricitĂ©s ». Ou que je la dĂ©concerte avec ma logique. Cela nous a aussi valu de sĂ©rieux accrochages.
Elle nâest pas la seule personne que je dĂ©concerte. Cela mâa dĂ©jĂ desservi. Cela continue de me desservir.
Jâai nĂ©anmoins essayĂ© dâexpliquer Ă ma sĆur la raison pour laquelle je tenais Ă ce que ma fille dĂ©couvre le karatĂ© avec Jean-Pierre Vignau. Dâaccord, on peut faire son apprentissage du KaratĂ© ou de toute autre activitĂ© physique, sportive ou martiale, avec un professeur proche de chez soi. On peut aussi faire des rencontres dĂ©cisives prĂšs de chez soi.
Cependant, les Maitres sont assez rares. Et, Jean-Pierre Vignau en est un. On pourrait penser que je suis un Ă©niĂšme pĂšre phagocytĂ© par sa vanitĂ© et son ego dĂ©mesurĂ©, pressĂ© de livrer son enfant Ă cette espĂšce de « divinitĂ© » quâest un Maitre. Dans lâattente de voir se rĂ©incarner dans le corps de ma fille une vie meilleure que toutes celles que jâai pu rater et espĂ©rer.
Mais jâai, je crois, quelques arguments pour rĂ©futer cette idĂ©e.
Entre Sensei Jean-Pierre Vignau, ancien enfant chĂ©tif, placĂ© Ă lâassistance publique, puis adoptĂ© dans une ferme dans le Morvan et ma fille, nĂ©e chĂ©tive car grande prĂ©maturĂ©e, il y a une relation. Ma fille pesait 880 grammes Ă la naissance. Bien-sĂ»r, il y a moi entre les deux, bĂ©bĂ© bien portant de plus de 4 kilos Ă la naissance. Et moi, dâune certaine maniĂšre, on peut dire que jâai adoptĂ© lâun et lâautre. Car je ne confierais pas ma fille Ă nâimporte qui.
Par ailleurs, on peut peser son poids Ă la naissance et plus tard et ĂȘtre chĂ©tif. Lâignorance rend chĂ©tif. La bĂȘtise rend chĂ©tif. Le dĂ©couragement rend chĂ©tif. La peur rend chĂ©tif. La connerie rend chĂ©tif. Le manque dâestime de soi-mĂȘme rend chĂ©tif. Et, ça, ce sont des sentiments et des Ă©motions que jâai connus et que je connais. A ceci prĂšs que, contrairement Ă dâautres peut-ĂȘtre, je mâen souviens. Quelles que soient mes « rĂ©ussites » ou mon assurance supposĂ©es ou Ă©ventuelles, jâessaie dâĂȘtre « meilleur » que je ne le suis ou ne lâai Ă©tĂ©. Mes moments dâautosatisfaction existent et sont nĂ©cessaires. Mais ils sont provisoires et nĂ©cessitent dâĂȘtre rĂ©guliĂšrement rĂ©approvisionnĂ©s.
En tant que pĂšre, et avant mĂȘme dâĂȘtre pĂšre, jâai toujours considĂ©rĂ© le fait de nager, dâapprendre Ă lire et Ă Ă©crire, dâapprendre Ă se dĂ©fendre et Ă faire du vĂ©lo comme des apprentissages indispensables. Il est dâautres apprentissages que je vois comme indispensables. Comme savoir prendre la parole, par exemple. Ou savoir sâaffirmer. Ce qui revient Ă savoir se dĂ©fendre.
Alors, il y a un peu partout des enseignants, des formateurs, des Ă©ducateurs comme des spĂ©cialistes dans diffĂ©rents domaines qui sont compĂ©tents. On peut, aussi, simplement, sâen remettre au bon sens pratique. Aller prĂšs de chez soi. Puisque câest lĂ que lâon habite. Et partir du principe que « ça va le faire ». Ou que ça va suffire. Un peu comme on sâen remet au petit bonheur la chance ou, pour dire ça plus prĂ©tentieusement, comme on laisse un certain dĂ©terminisme dĂ©cider Ă notre place. Et, ça peut « marcher ». Dâautant quâil peut ĂȘtre stĂ©rile de sâagiter dans tous les sens par peur du vide ou du nĂ©ant.
Mais on peut aussi mal tomber. Et si lâon aperçoit, quelque part ou quelquâun, un ailleurs accessible qui peut nous « Ă©lever », autant sâaccorder cet ailleurs. PlutĂŽt que de le nĂ©gliger ou de le repousser comme on repousserait un plat ou une Ćuvre de premier choix juste parce-que lâon a dĂ©ja un sandwich ou un bouquin avec soi.
Par ailleurs, je ne crois pas que les « champions » dans une discipline soient obligatoirement les meilleurs pĂ©dagogues. Ou les plus disponibles. Les « champions » ont souvent des « objectifs » Ă©litistes et sont plutĂŽt pressĂ©s. Ils sont aussi plus concentrĂ©s sur eux-mĂȘmes. Cela se comprend : on ne peut pas ĂȘtre dĂ©vouĂ© aux autres, et tournĂ© vers eux, et, en mĂȘme temps, vouloir se consacrer Ă sa carriĂšre, ses performances et ses records.
Ce nâest pas vers le « champion » Jean-Pierre Vignau que jâai emmenĂ© ma fille. Mais vers lâHomme que jâai rencontrĂ©.
Un enfant peut entendre parler de telle personne qui, Ă tel endroit, pratique telle discipline. Mais ce qui est assez courant, aussi, câest que dans sa dĂ©couverte du Monde et de la vie, un enfant va se rĂ©fĂ©rer Ă son environnement immĂ©diat. A ce quâil voit, entend et comprend de son foyer parental, la famille, lâĂ©cole, le centre de loisirs, lĂ oĂč il habite, son voisinage. « LâAu-delà » de cet environnement immĂ©diat est souvent un No Manâs Land Ă moins dâen capter quelques images au travers de media ou de quelques paroles entendues parfois ou souvent Ă lâinsu des adultes.
GĂ©nĂ©ralement, « LâAu-delà » de lâenvironnement immĂ©diat de lâenfant est le « territoire » des adultes et des parents. Celui des loups et de toutes les crĂ©atures qui peuvent faire peur Ă un enfant. LĂ oĂč les « grands » disparaissent durant quelques heures, voire quelques jours ou quelques semaines, et dont ils rapportent dans leur « gueule » ensuite, en rentrant, des paroles, des souvenirs, des objets ou des expĂ©riences plus ou moins marquantes pour un enfant. Le PĂšre NoĂ«l et ses cadeaux, mĂȘme si ce sont devenus aujourdâhui des conditionnements commerciaux, ont peut ĂȘtre Ă©tĂ© conçus pour rĂ©compenser les enfants dâĂȘtre restĂ©s bien sagement Ă la maison. Loin des dangers dâune certaine vie. MĂȘme sâil peut ĂȘtre plus risquĂ© pour certains enfants de rester Ă la maisonâŠ.
Si Internet, aujourdâhui, permet peut-ĂȘtre dâaccĂ©lĂ©rer ou de rapprocher cette expĂ©rience de « lâAu-delà » du Monde et des adultes, ces derniers, conservent encore la primautĂ© de la rĂ©pĂ©tition de « lâexercice concret » de cette expĂ©rience. A moins dâavoir des parents abattus ou reclus Ă domicile, et des enfants qui prennent possession de lâextĂ©rieur de la maison ou qui fuguent, ce qui existe aussi.
En faisant le trajet jusquâĂ Paris, dans le dojo de Jean-Pierre Vignau, je nâai fait que mettre Ă portĂ©e de ma fille, un trajet, une intention, une intuition, une personne ainsi quâun lieu, quâĂ son Ăąge, elle nâaurait pas pu dĂ©couvrir par elle-mĂȘme. Ou quâelle nâaurait pas eu lâidĂ©e dâaller « voir » ou de faire. On sait assez, comment, ensuite, avant mĂȘme de devenir adultes, nous adoptons assez rapidement une attitude qui consiste Ă nous « contenter » des mĂȘmes endroits, des mĂȘmes rencontres, des mĂȘmes façons de cuisiner, de vivre et de penser. Par automatisme. MĂȘme lorsque cela nous empĂȘche de rĂȘver.
Câest donc Ă peu prĂšs pour ces raisons quâil mâimportait de me rendre au Fair Play Sport de Jean-Pierre Vignau avec elle. MĂȘme si lâon pourrait aussi se dire quâemmener son enfant quelque part, et observer son comportement, est aussi un bon moyen pour regarder cet endroit, ou une personne, autrement. Afin de mieux voir sâils nous correspondent.
Mais je nâavais pas cette intention lĂ ce samedi alors que nous allions pour la premiĂšre fois au Fair Play Sport, Ă la citĂ© Champagne, mĂ©tro MaraĂźchers, dans le 20 Ăšme arrondissement de Paris.
Comme il mâarrive dâĂȘtre en retard Ă mes rendez-vous et que ce projet de dĂ©couverte Ă©tait le mien, jâespĂ©rais ĂȘtre Ă lâheure. Mais, aussi, que ma fille maintienne sa volontĂ© de venir. Ces deux conditions ont Ă©tĂ© rĂ©unies. Le trajet sâest dĂ©roulĂ© calmement dans ce Paris dâaprĂšs NoĂ«l. Nous avons pris les transports en commun. Il y avait moins de passagers quâaux heures de pointe, ce samedi aprĂšs-midi. Le parcours a durĂ© environ 45 minutes.
Il faisait assez froid dehors. Et presque aussi froid dans le dojo oĂč nous sommes arrivĂ©s avec une bonne demie heure dâavance. Jean-Pierre et sa femme Ă©taient dĂ©jĂ prĂ©sents. Ainsi que quelques pratiquants ou des habituĂ©s.
Devant notre avance, Jean-Pierre nous a dit : « Câest bien, comme ça vous allez pouvoir vous mettre dans lâambiance ». Puis, il nous a indiquĂ© le vestiaire. Ensuite, il nous a expliquĂ© oĂč mettre nos chaussures et nos affaires, dans les casiers Ă lâentrĂ©e du tatami. Il mâa aussi autorisĂ© Ă prendre des photos comme Ă filmer.
Nous avons donc dĂ©couvert les deux ponts dont il mâavait parlĂ©. Lesquels symbolisent la sĂ©paration entre le monde extĂ©rieur oĂč lâon laisse sa vie coutumiĂšre. Et le monde du dojo. Nous avons aussi fait la connaissance de ces tableaux ou reprĂ©sentations de combattants, ainsi que de quelques photos de Maitres que je nâai pas reconnus.
Dans la salle de musculation, sur la gauche, deux ou trois personnes sâentraĂźnaient. Un homme nous regardait avec curiositĂ©. Deux jeunes Ă©taient dĂ©jĂ prĂ©sents. Un autre homme mâa appris pratiquer avec Jean-Pierre depuis plus de trente ans. Il mâa parlĂ© du prĂ©cĂ©dent dojo de Jean-Pierre, rue Volga, plus grand, oĂč il pouvait y avoir jusquâĂ 60 enfants sur le tatami.
La « froideur » du lieu et sa relative austĂ©ritĂ© ne mâont pas dĂ©rangĂ©. Dâune part, parce quâen plein effort, on a dâautres prĂ©occupations que sâattarder sur la couleur du crĂ©pi ou la tempĂ©rature de la piĂšce. Mais aussi parce-que je crois depuis un certain temps que les personnes sont plus importantes que les murs Ă lâintĂ©rieur desquels on sâexerce. MĂȘme si, Ă©videmment, je suis sensible Ă lâesthĂ©tique et au confort des lieux oĂč je transite.
Quelques minutes avant le dĂ©but du cours, Jean-Pierre sâest mis en kimono. Deux groupes ont Ă©tĂ© constituĂ©s. A gauche, les avancĂ©s, plus ĂągĂ©s, dont une femme. A droite, les enfants, dont une fille plus petite que la mienne dâune bonne dizaine de centimĂštres.
Jâai assistĂ© aux dix premiĂšres minutes du cours. Depuis ma premiĂšre rencontre avec Jean-Pierre, jâai commencĂ© Ă me rappeler un peu de mes un ou deux ans de karatĂ© lorsque jâavais 12 ou 13 ans. Il y a quarante ans. Nous vivions alors dans une citĂ© HLM Ă Nanterre qui existe toujours avec ses immeubles de 18 Ă©tages.
Je me suis dit que je retournerais peut-ĂȘtre dans ce gymnase, prĂšs de mon collĂšge, oĂč ces cours avaient eu lieu. Je me souviens encore du prĂ©nom de mon prof de karatĂ©. Danko ou Danco. Je nâai jamais su de quel pays il Ă©tait originaire. Je me rappelle quâil Ă©tait assez petit et quâaprĂšs son dĂ©part, il avait Ă©tĂ© remplacĂ© par un de ses Ă©lĂšves.
Alors que Jean-Pierre donnait ses consignes, il mâa semblĂ© retrouver des « origines » de gestes. Il mâa semblĂ© que certains mots me parlaient. Il est vrai que la pratique du kata mâavait plu, enfant. Et que jâavais aimĂ© les rĂ©viser chez moi dans ma chambre. Câest peut-ĂȘtre ça qui mâĂ©tait restĂ© et qui me revenait un petit peu.
Du cĂŽtĂ© de ma fille, ça se passait « moins » bien. Tant que nous Ă©tions tous les deux cĂŽte Ă cĂŽtĂ© Ă arpenter le tatami, tout se passait bien. Puis, juste avant le dĂ©but du cours, elle avait commencĂ© Ă dire : « Je suis timide⊠». Câest devenu une espĂšce de rituel lorsquâelle se trouve devant une certaine nouveautĂ©. Mais je vois dans ce rituel lâĂ©quivalent dâun sortilĂšge auquel elle sâest habituĂ©e, avec lequel elle se berce, qui a la puissante facultĂ© de la priver de ses moyens avant mĂȘme de tenter quoique ce soit. Et alors mĂȘme quâelle se trouve en terrain « ami ».
Je suis Ă chaque fois dĂ©routĂ©, et passablement agacĂ©, par la survenue, rĂ©pĂ©titive et pourtant Ă chaque fois surprenante, de ce que je crois pouvoir appeler un « rituel ». Lâobservation et la rĂ©flexion ont du bon. Je lâadmets. Mais lâautocensure quasi-systĂ©matique mâest difficile Ă supporter.
Jean-Pierre ne sâest pas alarmĂ©. Il a dit gentiment Ă ma fille :
« Soit tu regardes, soit tu fais. Câest comme tu veux. Copie sur les autres ».
De son cÎté, un pratiquant expérimenté, ceinture noire, a dit à ma fille avec humour :
« Câest normal, si tu te trompes. Si tu rĂ©ussis tout, câest quâil y a un problĂšme ! ».
AprĂšs quelques minutes (dix minutes) jâai dit Ă ma fille, immobile, sur le tatamis :
« Profite-en ». Puis, je me suis Ă©clipsĂ©. Pour me mettre dans un angle mort de la salle, derriĂšre le tatami, oĂč ma fille ne pouvait pas me voir. Mais dâoĂč, Ă©ventuellement, je pourrais la voir si elle se dĂ©cidait Ă sâĂ©lancer.
Comme des panneaux indiquaient explicitement que lâusage du tĂ©lĂ©phone portable Ă©tait interdit Ă lâintĂ©rieur de lâenceinte, je suis restĂ© lĂ , assis, Ă Ă©couter. PrĂšs des vitrines oĂč des kimonos et du matĂ©riel de protection Ă©tait exposĂ© et en vente. Le kimono de karatĂ© coĂ»tait 50 euros.
Par moments, jâentendais Jean-Pierre placer ses instructions en Japonais ainsi que ses exclamations. A un moment, je lâai entendu dire, sur un ton complice :
« On a moins froid quand on bouge, hein ? ». Etait-ce ma fille ? Jâai essayĂ© de voir. Rien.
Puis, le cours sâest terminĂ©. Ma fille avait mangĂ© sa compote sur le tatami. Un peu de compote tĂąchait son manteau quâelle avait remis.
Sâadressant Ă ma fille, pas du tout Ă©tonnĂ©, Jean-Pierre lui a dit :
« Moi, aussi, jâai Ă©tĂ© un grand timide. Lorsque jâai dĂ©butĂ© le karatĂ©, je suis dâabord restĂ© deux semaines dehors Ă regarder. Je nâosais pas entrer. Un jour, il sâest mis Ă pleuvoir. Et, câest le prof, qui mâavait vu, qui mâa dit dâentrer ». Ma fille nâa rien rĂ©pondu.
Avant de partir, nous avons dit au revoir Ă Jean-Pierre ainsi quâĂ Tina, sa femme. Jâai remerciĂ© Jean-Pierre.
Dehors, ma fille mâa rĂ©pondu que cela lui avait plu. Mais jâĂ©tais contrariĂ©. Je ne savais pas quoi ressentir et penser. Devant Jean-Pierre, je ne pouvais que mâincliner. CâĂ©tait lui le Maitre. Il savait mieux que moi comment rĂ©agir devant une enfant comme ma fille qui nâavait, Ă mon sens, pratiquement pas bougĂ© pendant lâintĂ©gralitĂ© du cours. Hormis pour donner quelques coups de poing et quelques coups de pied, si jâavais bien compris.
Mais, dehors, et en tant que pĂšre, jâĂ©tais partagĂ© entre lâimpatience, lâincomprĂ©hension, la colĂšre, et lâinquiĂ©tude. Parce-que sâengager physiquement, pour moi, câĂ©tait apprendre Ă se dĂ©fendre. Et, rester spectatrice ou spectateur, câĂ©tait apprendre Ă ĂȘtre victime. Voire, pire, peut-ĂȘtre : choisir dâĂȘtre victime. Insupportable pour moi.
A cÎté de moi, ma fille était sereine. Nous marchions main dans la main sur le chemin du retour.
Je nâai pas cherchĂ© lui tirer les vers du nez. A lui faire subir un interrogatoire tel que :
« Mais pourquoi ?! ».
Jâai essayĂ© dâintĂ©grer la leçon. Car, pour moi, la façon dont cela sâĂ©tait passĂ© ainsi que la maniĂšre dont Jean-Pierre avait rĂ©agi calmement Ă©tait ma leçon de karatĂ©. Ma leçon martiale. Mes inquiĂ©tudes de pĂšre devaient cĂ©der devant la patience, lâoptimisme et la confiance. Je sais que lâon peut ĂȘtre lent au dĂ©part dâun apprentissage et, ensuite, lorsquâintervient le dĂ©clic, connaĂźtre une Ă©volution tout Ă fait correcte. Je suis comme ça. Ma fille peut ĂȘtre « pire » que moi.
Par ailleurs, je me suis rappelĂ© quâelle avait acceptĂ© de venir sans se faire prier. En outre, en la « laissant » sur le tatami, lorsque je me suis « Ă©clipsĂ© », jâai Ă©tĂ© un moment touchĂ© par cette trĂšs grande confiance que peuvent placer les enfantsâŠdans les adultes. Les enfants peuvent accepter tant de choses des adultes quâen retour, ceux-ci se devraient ou se doivent de faire leur possible pour ĂȘtre Ă la hauteur dâune telle confiance mais aussi dâune telle innocence.
JâĂ©tais sĂ»r, aussi, que cette expĂ©rience avait sans aucun doute Ă©tĂ© marquante pour ma fille. Cette grande salle. Ces reprĂ©sentations et ces tableaux. Ces enfants en kimono. Ces termes dans une langue inconnue. Les exclamations de Jean-Pierre. Ce quâil lui avait dit. Il en resterait forcĂ©ment quelque chose. A moi de mâassurer que ce serait du « bon ».
Alors que nous nous rapprochions de la gare St Lazare, jâai pu trouver oĂč acheter un chocolat chaud. Jâai tendu le gobelet Ă ma fille. Nous avons terminĂ© le chocolat dans le train.
Deux ou trois jours plus tard, peut-ĂȘtre hier lorsque jâai commencĂ© Ă Ă©crire cet article et que ma fille est venue regarder, elle mâa demandĂ© :
« Tu aimes bien, Jean-Pierre Vignau ? ».
Jâai rĂ©pondu :
« Oui, je lâaime bien. Autrement, je ne tâaurais pas emmenĂ©e le rencontrer ».
Elle mâa Ă©coutĂ©. Puis, elle sâest Ă©loignĂ©e sans dire un mot.
Franck Unimon, ce mercredi 30 décembre 2020.