Par Self-défense et Arts Martiaux, je pense bien-sûr aux pratiques qui s’y rapportent : martiales, sports de combats, techniques de combat diverses. Mais, je pense aussi à toute action comme à toute pensée qui permet de vivre. Je pense à tout ce qui peut nous permettre de nous éloigner d’une anxiété permanente et possessive.
Il peut rappeler des mauvais souvenirs. Il semble séparer les mondes d’hier dont nous somme les fruits que l’on fuit et ceux d’aujourd’hui que l’on préfère. Comme s’il était possible de creuser une tranchée entre les deux et d’y entrer.
Le « Maitre » peut rappeler l’instituteur de l’école primaire ou celui dont dépend l’esclave.
Personne n’aime véritablement se rappeler certains moments humiliants et publics de son histoire.
Mais le « Maitre » est aussi celle ou celui qui peut et sait guider et réparer. En particulier vers la vie et l’optimisme. Y compris dans le secret.
Il existe des Maitres dans beaucoup de domaines dans toutes les cultures à tous les âges de l’évolution et dans toutes les classes sociales. Mais, la plupart du temps, nous ne le percevons pas.
Par ailleurs, le terme de « Maitre » est anachronique tout autant que futuriste.
Et les Arts Martiaux véhiculent cette outrance ou cette ambivalence.
Avec Léo Tamaki, au Butokuden, Kyoto, Masters Tour, Juillet 2024.
Car on peut trouver anachronique voire stupide que des gens, en 2024 et plus tard, puissent encore continuer de choisir de porter kimono, hakama, d’autres éléments vestimentaires mais aussi adopter certaines attitudes. Et, tout cela, afin de transpirer et suivre des rituels et des traditions d’un ancien temps mais aussi d’une culture qui n’est pas forcément la leur. Alors qu’il suffit de faire un régime alimentaire, de subir une intervention chirurgicale, de prendre un coach ou de faire du fitness ou du cross-fit pour perdre du poids et pouvoir se mettre en maillot de bain en été au bord de la plage en étant fier de son allure.
Toute époque a ses intégrismes et ses artifices aussi séduisants soient-ils. Et, si mon attachement à certaines valeurs dites traditionnelles me rapproche des Arts Martiaux, j’ai aussi appris que les traditions, à elles seules, ne sont pas des sanctuaires idylliques. Il faut des personnes, des femmes, des hommes et aussi des enfants qui sachent les interpréter et les perpétuer de manière vivante et optimiste.
Au Masters Tour de juillet 2024, nous avons eu le privilège de rencontrer plusieurs Maitres d’Arts Martiaux. Mon précédent article, Japon Juillet 2024 : Le Retour , fut long à écrire et à lire. Celui-ci est entre trois à six fois plus court.
Hormis Hino Akira Sensei approché lors d’un stage organisé par Léo Tamaki au cercle Tissier à Vincennes fin 2022, je découvrais les autres Sensei. Des Maitres et des personnes que Léo Tamaki, et quelques autres, avaient régulièrement rencontré depuis au moins une quinzaine d’années !
Ces hommes, ces Maitres, ont consacré leurs vies aux Arts Martiaux à un point difficilement concevable. Comme l’on porterait des métaux à une température particulièrement élevée, ils se sont forgés. Sans se rompre. Il faut le rappeler car nous sommes nombreux à avoir eu des projets ou des aspirations auxquelles nous avons dû partiellement ou totalement renoncer.
La première leçon du Maitre, c’est peut-être d’être une incarnation, devant nous, de cette forme d’accomplissement- et d’engagement- que très peu d’entre nous atteindrons. Parce que notre histoire est différente. Et aussi parce qu’avant lui, nous avons eu d’autres Maitres et retenu d’eux certains enseignements plutôt que d’autres.
Je ne pourrai pas parler d’une technique exposée et démontrée par un de ces Maitres. J’en suis incapable.
« Les Maitres sont les Maitres. Au mieux, je suis un centimètre » est une réflexion que j’ai écrite lors de ce Masters Tour de juillet 2024 alors que nous nous trouvions au Japon.
Cette différence lexicale est l’équivalent d’une décimale pour décrire à quel point, même si je parle d’êtres humains comme moi, il y a quand même une brèche saisissante entre eux et moi. Et que mes propos sont condamnés à rester rudimentaires pour les évoquer.
Pourquoi le faire, alors ?
Pour témoigner et pour contribuer à rajouter un peu de mémoire. Parce-que les êtres humains ont besoin d’histoires et de mémoire même s’il leur arrive aussi de les craindre et de les rejeter.
Je vais parler ici des Maitres qui m’ont le plus… « parlé ».
Avec Hatsuo Royama Sensei, Kyoto, Masters Tour, juillet 2024. Celui-ci vient de m’administrer une bonne claque sur le ventre par surprise.
Hatsuo Royama Sensei, 76 ans, Karate Kyokushinkan, est le premier Maitre que nous ayons rencontré. Malgré sa bonne humeur et son enthousiasme, notre première rencontre avec lui et ses disciples m’avait laissé insatisfait. Nous étions une bonne centaine (ou davantage) sur le tatami. Au lieu de nous dire comme il l’a fait à la fin « Vous êtes nombreux à avoir une mauvaise garde », j’aurais préféré que lui ou un de ses disciples passe et nous le démontre en nous « corrigeant ».
J’ai été bien plus favorablement marqué quelques jours plus tard par le kata qu’il nous a délivré au butokuden lors de la célébration des dix ans de l’école Kishinkai Aïkido.
Hatsuo Royama Sensei, seul, face à notre assistance, a plongé dans un kata respiratoire où chacun de ses mouvements était soutenu par le marteau de son diaphragme. C’était la première fois que j’assistais à une telle expressivité martiale. Et sa démonstration attestait aussi de sa santé vigoureuse.
Une santé avec laquelle j’allais faire un peu plus connaissance ensuite ou, après qu’il ait accepté de prendre la pose avec moi pour la photo, il allait me surprendre en m’administrant une magistrale tape sur l’abdomen soit un peu l’équivalent d’une leçon particulière qui allait m’influencer, jusqu’à me mettre sur la défensive, lorsque j’allais me trouver lors d’une autre séance face à Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, pour une démonstration.
Takeshi Kawabe Sensei, 80 ans, Daitoryu Aikijujutsu.
Commençons par dire que Takeshi Kawabe Sensei ne fait pas son âge. Si Hatsuo Royama Sensei mesure près d’1m80, Takeshi Kawabe Sensei doit à peine dépasser 1m60. Avec son air de petit gars tranquille joueur de pétanque, il peut au mieux faire penser à l’inspecteur Columbo ou à un personnage d’un film de Johnnie To dont les méninges sont bien plus affûtés que les gestes.
Takeshi Kawabe Sensei est sans doute un homme très intelligent et aussi farceur (lors du repas collectif que nous avons fait, je crois qu’il s’est bien amusé de moi en me disant – en Japonais- que j’avais un très bon Japonais).
Mais c’est évidemment un redoutable pratiquant.
Ses saisies et ses clés sont promptes et donnent l’impression d’être la destinée de celui qui l’attaque. Il me reste des souvenirs de ce moment où Issei Tamaki a joué le rôle de Uke :
Issei y a mis tout son entrain pour, à chaque fois, le même résultat. Se faire retourner.
Takeshi Kawabe Sensei a réagi comme s’il l’attendait. Comme si tous les modes d’attaques humainement possibles étaient connus de son registre. On aurait dit l’agent Smith face à Néo à la fin du premier Matrix des ex frères Wachowski.
Le résultat était tellement évident que la conclusion aurait été vraisemblablement la même avec un autre Uke. En outre, Takeshi Kawabe Sensei prenait tout cela de manière ludique. Si on peut voir Hatsuo Royama Sensei comme une force de la nature, Takeshi Kawabe Sensei évoque plutôt celui qui a su transcender sa nature.
Hino Akira Sensei, 76 ans, Hino Budo, est également un petit gabarit. Sans forcer, il vous fait tomber. Vous vous croyiez enracinés et bien ancrés dans le sol ? Vous vous mentez à vous-mêmes. Vous ne l’êtes pas. Ou jamais suffisamment face à lui.
Plus il vous montre le mouvement, plus il vous convainc que c’est facile et plus vous avez du mal à le reproduire. Par moments, j’ai du mal à savoir si sa science tient de l’hypnose, du conditionnement ou de ces quelques degrés ou centimètres (millimètres ?) que l’on néglige d’ordinaire et qui font toute la différence entre le déséquilibre et la chute.
Sa pratique peut être très difficile pour celle ou celui qui s’est toujours reposé sur l’explosivité musculaire, l’excitation et l’agitation. Avec lui, on transpire de la tête à essayer de comprendre un concept qui n’existe pas. Il faut ressentir et c’est difficile.
En revoyant a posteriori quelques images que j’avais pu filmer lors de l’intervention de Hino Akira Sensei, j’ai pu m’apercevoir que d’autres participants du Masters Tour connaissaient aussi quelques difficultés pour mettre en pratique ce qu’il nous avait montré. Cela m’a un peu déculpabilisé.
Minoru Akuzawa Sensei, Aunkai, est à à l’image de Takeshi Kawabe Sensei et de Hino Akira Sensei. Avec son 1m65, il a la silhouette passe partout de celui que l’on oublie. Pourtant, en tant que Maitre d’Arts Martiaux, l’Aunkai qu’il a créé et qu’il enseigne peut être vu comme un croisement entre les enseignements de Hatsuo Royama Sensei et ceux de Hino Akira Sensei.
Minoru Akuzawa Sensei est capable des explosions et des percussions du premier et de la délicatesse du second tout en n’étant ni l’un ni l’autre.
Mon premier camarade de chambre lors de ce Masters Tour avait « goûté » à trois low kick de Minoru Akuzawa Sensei. Il les ressentait encore plusieurs jours plus tard.
Ma première « confrontation » physique avec Minoru Akuzawa Sensei avait eu lieu un peu plus tôt dans le car qui nous avait transporté de Kyoto à Kinosaki.
Cette « confrontation » fut principalement une bousculade. J’avais sans doute pris un peu trop de temps pour avancer dans le car et Minoru Akuzawa Sensei m’était rentré dedans en montant derrière moi. Impatience ? Distraction ? Je n’ai pas su.
Par contre, moi qui suis plus grand que lui dix bons centimètres et sans doute plus lourd que lui de dix kilos, j’avais été surpris de me sentir si facilement déplacé physiquement par un si « petit » homme.
Si tous les autres Maitres que nous avons rencontrés avaient des disciples ou des assistants japonais, Minoru Akuzawa Sensei s’est un peu distingué en laissant un de ses élèves occidentaux (un homme robuste d’un bon mètre quatre vingt dix vraisemblablement d’origine américaine ) diriger l’échauffement.
A la fin de la séance qu’il a dirigé dans un gymnase, Minoru Akuzawa Sensei nous a dit qu’il apprenait à connaitre les gens au travers du contact physique qu’il avait en pratiquant avec eux. Et qu’il avait senti chez ceux d’entre nous qu’il avait eus comme partenaires une « véritable ouverture pour les Arts Martiaux ».
Avec Minoru Akuzawa Sensei, Masters Tour, Japon, Juillet 2024.
Il a ensuite accepté d’être pris en photo avec celles et ceux qui le souhaitaient. En voyant plus tard les photos où nous sommes assis côte à côte, lui et moi, j’ai été très étonné de découvrir que Minoru Akuzawa Sensei avait posé son bras autour de mon épaule. Je n’avais absolument rien senti au moment de la photo. Au contraire de ce que j’avais ressenti au moment de la photo avec Royama Hatsuo Sensei avant que celui-ci ne me fasse la farce qui consiste à me « claquer » l’abdomen.
En dépit de ses airs de Johnny Depp, Takahiro Yamamoto Sensei n’est pas acteur de cinéma. C’est un homme résolument dévoué à sa pratique martiale. Et, si j’ai eu beaucoup de mal à me faire à ses enseignements, très proches par moments de ceux de Hino Akira Sensei, pour moi à la limite de l’ésotérisme, j’ai été touché par son engagement, sa simplicité, sa prévenance envers ses assistants et son message de paix résumé par sa phrase :
Son humilité mais aussi sa candeur et son enthousiasme se sont encore plus épanouis lorsqu’après son intervention, il est devenu un élève parmi nous, lors du cours dirigé par Hino Akira Sensei. J’ai trouvé son attitude remarquable.
Je sais que l’intervention de Yoshinori Kono Sensei au Butokuden a beaucoup déconcerté. On pourrait la comparer à du Free Jazz, à la musique de Weather Report, à de l’association d’idées ou à de l’improvisation ininterrompue.
Il est libre, Yoshinori Kono Sensei, il y en a même qui disent qu’ils l’ont vu voler….
Il fallait voir la plupart des participants qui suivaient Yoshinori Kono Sensei dans ses déambulations tant mentales que physiques au sein du Butokuden. Tels des Sancho Panza suivant leur Don Quichotte. Par moments, je me suis demandé si Yoshinori Kono Sensei s’en amusait.
Avant notre départ pour le Japon, Léo Tamaki nous avait présenté les Maitres que nous allions rencontrer. Concernant Yoshinori Kono Sensei, il nous avait écrit qu’il était un peu le « chercheur fou » des Arts Martiaux.
Le jour de son intervention, j’étais trop épuisé physiquement pour participer. Mais en temps ordinaire, je sais que je ne m’en serais pas mieux sorti que les autres participantes et participants du Masters Tour.
Lors du dîner que nous avons ensuite pris tous ensemble dans un restaurant à quelques minutes du Butokuden, il s’est trouvé que la table où j’ai été placé était voisine de celle de Yoshinori Kono Sensei. Celui-ci était derrière moi.
Très vite, j’ai été fasciné et happé par cet homme. Vêtu d’une tenue traditionnelle, à moitié assis sur sa chaise, une sorte de cartable en cuir souple posé derrière lui entre la chaise et son dos, Yoshinori Kono Sensei était en permanence occupé à réfléchir et à polir « ses » Arts Martiaux.
A telle manière de tenir un couteau. A telle façon de placer ses doigts. Et, il le partageait avec celui qui se trouvait à côté de lui. Et à toute personne volontaire et disponible dans les alentours immédiats. Il a ainsi entrepris Julien Coup, assis à sa droite. Puis, d’autres participants du Masters Tour.
Je le regardais, captivé.
Yoshinori Kono Sensei nous a fait l’extrême politesse d’être avec nous corporellement pour ce dîner. Il s’est plié à cette fonction sociale par amabilité. Mais il avait d’autres priorités. Le dîner, le spectacle, être filmé ou pris en photo, tout cela était pour lui secondaire depuis fort longtemps. Sans doute depuis des années.
La seule vérité comptable pour lui, c’était celle des Arts Martiaux. Yoshinori Kono Sensei est celui qui m’a le plus donné envie d’apprendre le Japonais. Je me suis dit que j’aurais aimé connaître suffisamment le Japonais pour l’écouter, pour l’interroger.
Et lorsque le dîner et tout le cérémonial social furent terminés, Yoshinori Kono Sensei est spontanément retourné au lieu et à la pratique auxquels il appartient :
Je trouve cette photo de lui, après notre dîner, extraordinaire. Pendant cette heure et demi environ où Yoshinori Kono Sensei était « avec nous », il n’a attendu que ça, ce moment où il pourrait retourner pratiquer. Seul. Tout le monde aurait tout aussi bien pu rouler sous la table, où la soirée se transformer en orgie gigantesque, je crois qu’il aurait adopté exactement la même attitude.
Autant de Maitres, autant d’attitudes et je « parle » uniquement de cinq ou six d’entre eux que j’ai à peine aperçus.
« Bientôt, ce qui s’est passé trois semaines durant au Japon se diluera :
Les effets de l’ensorcèlement de ces petits abrutissements quotidiens répétés.
Ma compagne et ma fille dorment encore. C’est un moment fait pour commencer à écrire.
J’ai passé récemment trois semaines au Japon. Mon précédent voyage au Japon en 1999 avait été principalement touristique. Celui-ci, le second, 25 ans plus tard, a été opéré lors du Masters Tour 2024 ».
Ces lignes datent de ce 30 juillet 2024. Depuis, ma compagne et notre fille sont parties pour trois semaines à la Réunion.
Certains des participants de ce Masters Tour de Juillet 2024 étaient également originaires de la Réunion. D’autres venaient de Suisse, de Belgique, du Vietnam, et de diverses régions de France ( Bretagne, Limousin, L’Est de la France, Champagne-Ardenne, Sud-Ouest, île de France….).
Bien-sûr, depuis mon retour du Japon le 29 juillet, j’ai repris le «travail ».
Le temps de faire un certain tri dans les photos et les vidéos que j’ai « faites » et de me mixer les neurones afin de décider quelle photo choisir pour débuter et comment m’y prendre au mieux pour constituer ce premier article, onze jours supplémentaires sont passés. Nous sommes désormais le samedi 10 aout 2024 et mon article n’est pas terminé. Il faut relire, rectifier, rajouter des photos et des vidéos. Se demander si tel passage est justifié. Si on a envie de le lire. Et, finalement, douter que cet article ait une raison d’exister, entre mégalomanie et folie.
J’avais 31 ans et étais célibataire sans enfant lors de mon premier voyage au Japon en 1999. L’année de la sortie du premier film Matrix que j’avais vu trois ou quatre fois dont une fois lors de ce voyage au Japon.
Je dois ce premier voyage à une amie qui résidait alors à Tsukuba, dans la banlieue de Tokyo, à une heure en train du centre de Tokyo. Grâce à elle et à son frère qui m’avait donné des conseils et m’avait appris ces quelques mots japonais qui m’ont à nouveau servi en 2024, j’avais vécu ce voyage extraordinaire.
Et cette semaine où je m’étais rendu seul à Kyoto – en prenant le shinkansen- ainsi qu’à Hiroshima et sur l’île de Miyajima.
Le numérique et internet, les réseaux sociaux, n’en n’étaient pas au stade où ils en sont aujourd’hui pour le pire et le meilleur. Et, je n’avais pas de blog. En plus de divers souvenirs, j’ai conservé les photos papier et peut-être leurs négatifs de ce séjour.
Je confirme que pour moi, comme pour d’autres, il y eut un « avant » et un « après » ce premier voyage au Japon. A mon retour du Japon, je dirais que j’avais gagné en lucidité sur moi-même. Et sur ce que je pouvais accepter ou refuser.
Cependant, même si je pratiquais encore le judo lors de ce premier voyage au Japon, j’y étais allé en touriste. Et en idéaliste du Japon, de l’Asie en général ou des Arts Martiaux. C’est peut-être en raison de cette attitude de touriste que j’ai pris autant d’années pour retourner au Japon alors que j’avais prévu d’y revenir.
Entre-temps, le Japon était devenu un peu plus touristique.
Au cinéma, le film L’été de Kikujiro (1999), puis Dolls ( 2002) et Zatoichi ( 2003) avaient renouvelé voire féminisé le public de Takeshi Kitano dont le film Sonatine ( 1993) avait été pour moi une marque cinématographique et personnelle lorsque je l’avais vu vers 1997 à Paris lors d’un festival consacré à un certain cinéma asiatique en direct de Hong Kong. J’y avais alors vu des films de « genre » de réalisateurs tels que Johnnie To, Kirk Wong et John Woo…
Kitano, de par ses « polars » faits de violence, d’humour noir et de poésie avait été le Japonais « infiltré » du groupe de réalisateurs présentés.
La France était devenue un pays de lecteurs de mangas. La Japan Expo ( à laquelle je ne suis jamais allé) avait été crééé ( en 1999-2000) et avait rapidement connu beaucoup de succès.
Le succès connu par le Japon s’étend peu à peu, depuis à peu près une dizaine d’années, à la Corée du Sud.
En 1999, le Japon était peut-être encore la Seconde ou la Troisième Puissance Mondiale. Peu avant notre séjour , en juillet 2024, le Japon est devenu la Quatrième Puissance Mondiale économique, dépassé par l’Allemagne et devancé par les Etats-Unis et la Chine. Le Yen avait perdu de la valeur et cela nous était favorable. 1 euro valait environ 171 yens en juillet 2024 durant ce Masters Tour.
Je voyage souvent sans schéma. La plus grande partie de mon organisation consiste généralement à me décider pour une destination et à composer comme je peux le budget qui lui correspond.
D’emblée, dans un pays ou une région où je voyage, je pense assez peu à des endroits que je tiens particulièrement à « voir » ou à « visiter ». Ou alors très grossièrement. Ainsi, j’aimerais aller visiter l’Algérie ou un pays d’Afrique noire. Mais l’Algérie est un grand pays et l’Afrique noire est vaste.
C’est déjà bien que je puisse me dire que, en Algérie, j’aimerais bien voir « Alger la blanche », Tlemcen et d’autres villes. Car, ordinairement, j’en suis incapable.
A Harajuku, Tokyo, fin juillet 2024.
Il m’est arrivé d’acheter des guides touristiques (sur le Japon ou ailleurs) ou d’en emprunter avant un voyage mais je ne les lis pas. Je le regrette car je me dis qu’ils sont très bien écrits et qu’ils fournissent des informations culturelles très importantes et très divertissantes. Mais je ne parviens pas à les ouvrir suffisamment.
Je suis plus réceptif à des suggestions que l’on peut me faire. J’écoute aussi et je marche facilement et beaucoup.
Comme un fou. Sans nécessairement savoir où je me rends.
En Yougoslavie, en 1989, alors que nous nous déplacions à pied et sans but, mon meilleur ami, qui me suivait, m’avait un moment dit :
« J’ai l’impression d’être avec un fou ! ».
Pas de plan, pas de boussole. Je suis en fait un peu comme un enfant qui apprendrait à marcher et qui découvrirait son environnement. Et qui croit à l’intemporalité.
Le Masters Tour créé et proposé par Léo Tamaki, à première vue, c’était plutôt l’opposé de tout cela. Mais avant de présenter un peu Léo Tamaki, je crois important de rappeler comment j’en suis arrivé à le « connaître ».
J’ai eu tendance à raconter que j’avais découvert Léo Tamaki la première fois en regardant sa rencontre avec Greg MMA sur Youtube.
Mais à la réflexion, tout est parti, je crois, de la pandémie du Covid et de son atmosphère exceptionnellement anxiogène il y a quatre ans. En plein confinement. Aujourd’hui, nous sommes en plein dans l’ambiance estivale et festive des Jeux Olympiques en France. Et la France a remporté un certain nombre de médailles. Officiellement, tout le monde est content. C’est une ambiance détendue ou très détendue qui contraste avec celle des élections législatives anticipées qui se sont terminées la veille de notre départ le 8 juillet pour ce Masters Tour au Japon ainsi qu’avec celle connue dès le premier confinement lors de la pandémie du Covid en mars 2020. Même si elle camoufle bien des aspects préoccupants de l’actualité, je préfère évidemment l’ambiance de ces olympiades sportives à nos olympiades sanitaires durant la pandémie du Covid.
Durant la pandémie du Covid, à la télé, et sur les réseaux sociaux, au moins, nous nous faisions quotidiennement matraquer par les informations et les chiffres relatifs au Covid.
Tant de personnes hospitalisées après avoir attrapé le Covid, tant de personnes décédées.
C’étaient en permanence des auberges de Babel qui s’accordaient suffisamment afin de nous héberger dans une atmosphère de fin du Monde au travers de cet acharnement médiatique. Nous vivions sans la perspective annoncée de pouvoir reprendre un jour pied dans un horizon sanitaire et mental normal.
Alors infirmier dans un service de pédopsychiatrie, j’avais fait partie des professionnels et des personnes qui avaient continué de circuler, d’avoir donc le droit de prendre l’air lors de certains horaires et dans un certain périmètre. Et d’exercer.
Si le Covid m’avait physiquement épargné, j’étais néanmoins plus ou moins atteint psychologiquement et moralement, comme beaucoup, par cette angoisse collective, morbide. Et persistante.
Je n’ai pas de télé. Mais j’aime lire. Et près de mon service d’alors, dans le 13ème arrondissement, métro Gobelins, il y avait une centrale de presse demeurée ouverte.
Une oasis.
Je m’étais dit que lire et pouvoir choisir de lire était plus bénéfique que subir en continu les mêmes images.
Dans cette centrale de presse, j’avais commencé à regarder (et à acheter) des magazines consacrés aux Arts Martiaux. Sans doute Aïkido et Self & Dragon pour commencer.
Cette anecdote a son importance pour rappeler que les Arts Martiaux proposent des issues mentales, psychologiques, émotionnelles, intellectuelles et culturelles. Et qu’ils peuvent être des alliés dans une période de trouble à condition qu’ils permettent ou entretiennent une certaine capacité d’introspection, d’empathie et de réflexion. Ainsi qu’un certain optimisme.
En Psychiatrie adulte, je me rappelle encore d’un patient rencontré dans le service où je travaillais alors, dans les années 90. Ce patient, ancien champion de France de Taekwondo, avait une certaine capacité à reprendre le contrôle de lui-même lorsqu’il sentait qu’il commençait à s’agiter psychiquement. Et, il n’avait jamais fait partie de ces patients violents, irrespectueux, dangereux ou menaçants- malgré le déclin de son destin à son jeune âge ( moins de 30 ans)- que, de temps à autre, certains événements douloureux et tragiques poussent certains à associer à la psychiatrie.
Je sais aussi que, durant la pandémie du Covid, un Maitre de Kung Fu que j’avais rencontré à Paris une ou deux fois auparavant a gardé régulièrement le contact avec ses élèves via Facebook.
Et, je sais aussi que durant la pandémie du Covid, dès que cela avait été possible, un entraîneur de boxe française, dans ma ville de banlieue, à Argenteuil, a proposé régulièrement des séances d’entraînement en plein air sur un terrain de basket disponible voire sur un parking. Aux enfants comme aux adultes.
Ce sont des initiatives qui démontrent à la fois l’engagement de ces personnes mais aussi que la combattivité consiste aussi à savoir se maitriser comme à continuer de proposer autre chose que du pessimisme.
Je crois que beaucoup de personnes méconnaissent le fait que les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat peuvent être des média d’optimisme voire d’une certaine liberté individuelle.
Au point que, de plus en plus, maintenant, je me sens embarrassé à dire que je suis parti au Japon « avec » un expert en Aïkido ou que je pratique un peu le karaté.
Parce-que je perçois plus rapidement le malentendu.
Parce-que, pour beaucoup de personnes, les Arts Martiaux se résument à du spectacle et à du combat. Cela revient à faire le grand écart et/ou le moonwalk comme Michaël Jackson ou à posséder des pouvoirs ou des « trucs » magiques et acrobatiques devant un public ébaubi. Ou à faire de l’EPS comme au collège lorsque certaines et certains déployaient tout leur génie afin d’en être dispensés.
Enfin, certaines personnes, pour des raisons, des croyances et des interdits qui leur sont propres, répugnent à passer par leur corps pour apprendre à s’extraire de leur condition. Cela demanderait trop d’efforts. Cela ferait mal ou l’on pourrait se faire mal. Et puis, cela stimule les glandes sudoripares et ça fait transpirer.
Pour ces personnes, les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat doivent rester à distance à l’état de vitrine ou d’éclats ultimes sur un écran. Comme si les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat, ou n’importe quelle activité physique et sportive, pour ces personnes, étaient le danger ou un déchet radioactif mortel implacable et irréversible qui pouvait les défigurer ou les anéantir.
A l’inverse, d’autres se saisissent des Arts Martiaux et sports de combat comme d’un élixir censé leur procurer tout ce qui a pu leur manquer à un moment de leur vie. C’est leur Durandal ou leur Excalibur.
La Pandémie du Covid a été un terrible révélateur.
Elle a d’abord eu pour effet de beaucoup nous contraindre physiquement, affectivement et mentalement (mais aussi économiquement) que l’on soit porteur ou non du virus. Mais aussi de nous révéler à quel point il était facile de nous écarteler (diviser) et de nous affoler.
Et, ces magazines consacrés aux Arts Martiaux que j’ai trouvés ont fait partie de ma petite panoplie de self défense mentale afin d’essayer de continuer à vivre au mieux.
Je crois que c’est de cette façon et dans ce contexte que j’ai entendu parler pour la première fois de Léo Tamaki. Et, je crois que ce contexte et ces raisons m’ont guidé vers lui et d’autres avant lui mais aussi après lui.
Léo l’a peut-être oublié aujourd’hui mais un ou deux ans après le début de la pandémie du Covid, un jour, je lui avais exprimé mes doutes quant au fait que celle-ci allait s’arrêter et qu’il serait possible de pratiquer à nouveau. C’était peut-être avant mon passage au Dojo 5 en été 2021 ( Dojo 5).
Très simplement, il m’avait alors fait part de sa certitude et de son optimisme. Je n’avais pas eu besoin de plus.
Le Masters Tour est un événement martial, touristique, culturel et personnel proposé depuis plusieurs années par Léo Tamaki, son frère Issei et celles et ceux qui les entourent et qui partagent avec eux un certain nombre de moments et de valeurs depuis des années (près de vingt années ou davantage). Parmi eux, on peut citer Tanguy Le Vourch et Julien Coup.
Issei et Léo à notre arrivée, lors de la livraison de nos commandes.Sur la gauche, on peut apercevoir Shizuka.
Issei s’adressant à Maki dans le Shinkansen.
Tanguy, en train de mentaliser un mouvement.
De gauche à droite, Clément, Julien et Tanguy.
Shizuka.
Il faut aussi citer Shizuka, la femme de Léo, très impliquée.
Et d’autres.
Léo Tamaki -qui est à l’initiative du projet et qui est en le chef d’orchestre- est un expert en Aïkido. Son CV martial est éloquent. Sa pratique martiale l’est tout autant. Quelques quarante années d’expériences ou davantage.
Bien avant l’Aïkido qu’il pratique et enseigne depuis plusieurs années maintenant, comme beaucoup de Maitres, Léo Tamaki s’était auparavant « configuré » dans d’autres disciplines martiales ou de combat. Je ne les ai pas toutes retenues. Mais je crois qu’il y a eu du judo, de la boxe thaï, du karaté…
Léo a du charisme et une autorité que peu de personnes, parmi celles et ceux qui ont pu l’approcher et le voir enseigner ou pratiquer, pourront contester.
On pourra juger que je fais ici dans la flatterie en vue de pouvoir gratter une réduction sur les tarifs du prochain Masters Tour ou en vue d’obtenir un abonnement gratuit à vie à la revue Yashima.
Pourtant, chaque fois que l’on parle d’un Maitre, d’un expert, d’un prof, d’un collègue, d’une histoire d’Amour ou d’une personne qui nous a laissé une impulsion salvatrice ou libératrice, celle-ci a toujours eue, de notre point de vue, un charisme, une connaissance et un savoir-faire qui étaient absents chez d’autres.
Et cela y compris sous d’autres latitudes que celles de la pratique martiale.
Je peux donc très facilement citer d’autres personnes qui, pour moi, ont ou ont eu un certain charisme bien qu’inconnus au plus grand nombre :
Stephan, Le prof de plongée qui, en Guadeloupe, m’avait fait passer mon baptême puis mes deux premiers niveaux de plongée ; Yves, le responsable de la section apnée du club dont je fais partie; Jean-Pierre Vignau, mon « prof de karaté préféré » comme celui-ci aime le dire en plaisantant dans les messages téléphoniques qu’il a pu me laisser. Mais aussi certains collègues dans mon travail à mes débuts ( ou à leurs débuts) et plus tard, en psychiatrie, et en pédopsychiatrie, dans les services où j’ai travaillé, lors de certaines situations. Des infirmiers psychiatriques, Bertrand, Bernard, Patrice, Daniel, Hugues, un interne en psychiatrie, Michaël, une infirmière, Katia, le premier pédopsychiatre avec lequel j’ai travaillé, le Dr Bruno Rist…
Du côté artistique et musical, je pourrais citer beaucoup d’artistes, de Miles Davis, à Cheikha Rimitti, en passant par Jacob Desvarieux. Albert Griffiths, Burning Spear jusqu’à Lana Del Rey bientôt au festival Rock en Seine…
Au mieux, l’émulation voire la compétition qui découlent de notre attirance pour le charisme d’une personnalité nous inspirent et amènent des grandes œuvres et des beaux projets.
Au pire, on se contente de singer le modèle, de quiproquos, de rapports de domination ou d’une admiration trop grande qui inhibe ou rend stupide.
A côté de ce charisme et de cette autorité, Léo a quelques particularités.
Il est par exemple très à l’aise avec les réseaux sociaux. Il tient un blog, poste régulièrement des vidéos ou des informations sur sa page Facebook. Il est plutôt à l’aise avec les interactions sociales ainsi qu’en interview : il ne passe pas son temps à regarder ses pieds ou à tchiper lorsqu’on lui adresse la parole.
En bon manager, il sait aussi très bien choisir ses associées, associés et partenaires directs. Et, régulièrement, il crée et propose des événements au grand public qui sont des projets stimulants sans aucun doute pour « ses » troupes mais aussi très exigeants en implication personnelle et en travail d’organisation… et d’improvisation.
Pour ma part, je ne sais pas faire « tout » ça ou je ne le souhaite pas.
Ce Masters Tour au Japon, comme les précédents et comme ces stages d’Aïkido KishinTaïkaï proposés par Léo et par les enseignants de son école, est ouvert aux pratiquants d’autres disciplines, qu’ils soient experts ou débutants.
Il est d’autres événements proposés ailleurs, par d’autres experts ou Maitres d’Arts Martiaux, mais ce séjour au Japon a fait partie des bonus pour moi.
Motivations et conditions pour participer au Masters Tour :
« Surtout, ne regarde pas à la dépense ! »
C’est ce que m’a recommandé avant ce Masters Tour, cette même amie qui, vingt cinq ans plus tôt, m’avait encouragé à faire un prêt avant mon premier voyage au Japon.
Lorsque j’ai revu cette amie à Paris deux ou trois semaines avant mon départ, je me souviens avoir été étonné par son regard au moment de nous dire au revoir près de la gare de l’Est.
J’étais dans la mesure pratique de mon quotidien. J’allais retourner au Japon et je me focalisais sur des démarches à faire dans tel ou tel domaine comme, par exemple, bien m’assurer de l’inscription administrative de ma fille au collège ou, simplement, recevoir l’officialisation de son passage en sixième. Le regard de mon amie, lui, dardait de joie pour moi. Elle, elle était déjà dans l’avion pour moi.
Je suis venu en amateur à ce Masters Tour. En amateur du Japon. En amateur des Arts martiaux. En Amateur de la vie.
Si je peux donner beaucoup de ma personne dans divers domaines, j’ai du mal à me percevoir comme un passionné des Arts Martiaux ou de quoique ce soit. Même si cela peut me flatter- et m’étonner- que l’on me puisse me décrire de cette manière.
Budget pour le Japon
Les premières fois que j’ai vu les tarifs du Masters Tour, le prix de ce voyage m’est apparu exorbitant voire mégalo :
5000 euros pour trois semaines.
C’était à peu près il y a deux ans. Avant de participer pour la première fois aux 24 heures du Samouraï au dojo d’Herblay en 2023, un événement également proposé par Léo et les enseignants et pratiquants de l’école d’Aïkido Kishin Taïkaï. ( voir Les 24 heures du Samouraï 2024 ).
Puis, je me suis rappelé que le Japon est une destination chère. Je vois le séjour au Japon comme un séjour réservé à des privilégiés ne serait-ce que d’un point de vue économique.
En 1999, j’avais d’abord payé environ 7800 francs mon billet d’avion puis 1200 francs un pass hebdomadaire pour prendre le shinkansen. J’avais alors cru avoir fait le principal en termes d’effort financier.
Puis, quelques jours avant mon départ, j’avais lu qu’il fallait un budget compris entre 500 et 1000 francs par jour pour passer des vacances au Japon. J’allais y passer trente jours contre 21 lors de ce Masters Tour.
En 1999, peu avant mon départ pour le Japon, je ne disposais pas de ces 500 à 1000 francs par jour.
Sur les conseils d’une amie, j’avais alors demandé et obtenu un prêt revolving de 20 000 francs que j’avais ensuite remboursé en deux ans.
Un prêt que je n’ai jamais regretté d’avoir demandé et obtenu. J’avais alors été très à l’aise financièrement durant mon séjour d’un mois au Japon.
Les 30 000 francs de l’époque équivalent sans aucun doute à peu près aux 5000 euros nécessaires cette année afin de pouvoir participer à ce Masters Tour et être logés. Et, en plus, lors de ce Masters Tour, nous allions rencontrer des Maitres d’Arts martiaux, pratiquer, visiter différents endroits auxquels spontanément, je n’aurais pas pensé, avec quelqu’un qui connaissait le pays bien mieux que moi et qui en parlait la langue.
Bien-sûr, il fallait prévoir aussi les frais annexes :
repas, restaurants, dépenses diverses et personnelles ( vêtements, électronique, mantras, baleines, autres…).
Mon voyage de 1999 avait été extraordinaire. Celui de ce Masters Tour le serait vraisemblablement aussi.
J’ai à nouveau fait le nécessaire afin d’être détaché le plus possible des éventuelles contraintes financières de l’expérience. En partant pour ce Masters Tour, j’avais prévu un budget dépenses situé entre 4000 et 5000 euros.
J’avais aussi payé deux cartes e-sim ( Holafly et Provider. Ma préférence va à Holafly) avec un forfait illimité durant trente jours. J’avais aussi pris chez mon opérateur, Orange, un forfait pour une heure d’appels depuis le Japon.
Et, je m’étais acheté auparavant deux smartphones reconditionnés, donc à prix réduit, qui acceptaient la carte e-sim. Un smartphone pour la messagerie WhatsApp, internet, les réseaux sociaux, les éventuels appels, les photos et les vidéos.
Et un autre smartphone, plus performant, pour les photos et les vidéos.
Léo nous avait recommandé de nous encombrer le moins possible pour faciliter nos déplacements et, donc, d’opter pour une valise d’une certaine contenance. Ni trop grande, ni petite. Je n’en n’avais pas. J’étais donc parti en acheter une et elle m’a donné satisfaction durant le séjour. C’est désormais ma compagne et ma fille qui en profitent à la Réunion.
On peut me trouver très à l’aise financièrement. Alors, je rappelle mon âge :
56 ans, cette année. Cela fait plus de trente ans que je travaille et mon précédent voyage au Japon datait de 1999. J’ai donc particulièrement tenu à refuser que l’aspect financier vienne me gâcher ce voyage peu ordinaire.
Le prix des billets pour certaines épreuves olympiques ( j’ai entendu parler de 7000 euros pour une place de spectateur en finale d’athlétisme du 100 mètres aux JO de cette année en France) m’a d’autant plus conforté dans l’idée que mon argent était « mieux » employé en partant pour le Japon. Même si, plus tard, j’ai profité d’une opportunité pour racheter deux places afin d’emmener ma fille assister à des épreuves de Judo aux Jeux Olympiques.
Et, aujourd’hui, en voyant ce que nous avons » connu » durant ces trois semaines, je considère que notre argent a été très bien utilisé. A mon avis, nous avons plus fait en trois semaines que d’autres vacanciers en un mois ou davantage :
Jusqu’à trois à quatre visites de temples, parcs ou de musées ( ou plus) certains jours. Les entraînements. Les Maitres. Nous avons pris le Shinkansen quatre ou cinq fois ( ou plus). Nous avons changé d’hôtel cinq ou six fois ( ou plus). Dans des hôtels plutôt haut de gamme, très éloignés des standards du formule 1, et proches des gares.
Tokyo, Kyoto, Inosaki, Kurashiki, Hiroshima, Himeji, sont les villes où nous avons séjourné. Et, j’en oublie peut-être une ou deux.
Nous avons régulièrement reçu des suggestions de lieux à visiter là où nous nous trouvions.
Nous avons aussi eu deux repas au restaurant tous ensemble.
Sans doute que beaucoup d’autres sont venus à ce Masters Tour en ayant à peu près les mêmes préoccupations tant financières que personnelles.
Cette année, nous étions un peu plus de 140 à venir probablement pour des raisons identiques au départ ( 142 exactement). Et aussi pour avoir « suivi » Léo Tamaki sur les réseaux sociaux ou pour l’avoir rencontré lors d’un stage d’Aïkido KishinTaïkaï ou aux 24 heures du Samouraï.
Puisque Léo Tamaki passe environ 200 jours par an à animer des stages d’Aïkido un peu partout dans le monde. Et qu’il publie régulièrement au moins sur Facebook.
142, c’était plus que les autres fois où, au plus haut, il y avait eu jusqu’à 90 participants. Ce qui était déjà beaucoup comparativement à la trentaine de participants présents lors d’éditions précédentes. J’ai eu connaissance de ce chiffre de 142 participants vraisemblablement quelques jours avant notre départ.
Certains participants sont restés deux semaines au Masters Tour. D’autres, trois. Certains participants étaient déjà venus au Japon lors d’un Masters Tour. Un des élèves de Léo revenait pour la quatrième ou cinquième fois au Japon dans ces circonstances. Je lui envie cette expérience.
De par ma participation aux 24 heures du Samouraï de 2023 et de 2024 au dojo d’Herblay, je connaissais de vue plusieurs participantes et participants. Le fait aussi de prendre des photos et de filmer lors de ces deux éditions des 24 heures du Samouraï m’avait permis de mémoriser certains visages. Autrement, j’ai découvert sur place tous les autres lors du séjour.
Ainsi que « mes » co-locataires.
Puisque j’ai partagé ma chambre d’hôtel avec un inconnu. D’abord L…, pratiquant de karaté shotokan. Puis, G, pratiquant d’Aïkido après que sa femme et leurs deux enfants soient retournés en France après la deuxième semaine.
J’ai aussi appris sur place que cette année correspondait à la dixième année de la création de l’école d’Aïkido Kishin Taïkaï crééé par Léo, Issei, Tanguy et Julien.
J’avais bien sûr imaginé que nous serions nettement moins nombreux que 142. Mais ce chiffre ne m’a pas rebuté.
Ce « succès » vient sûrement de la médiatisation de Léo via ses stages, les événements tels que Les 24 heures du Samouraï et sa présence sur les réseaux sociaux.
J’insiste sur ce point de la médiatisation et des réseaux sociaux car bien des experts et Maitres d’Arts Martiaux toujours en activité passent inaperçus ou sont oubliés en raison d’une certaine invisibilité médiatique, voulue ou subie, faisant d’eux peut-être ce que l’on appelle des Kage Shihan. Si je ne me trompe pas, ce terme qui signifie « Maitre de l’ombre » m’a très vite intrigué lorsque je l’ai découvert et me rappelle aujourd’hui, aussi, ces thés d’ombre qui peuvent être produits au Japon également.
Si la médiatisation peut apporter son cortège d’embarras et nécessiter un investissement personnel particulier, elle peut aussi, si elle est bien maitrisée et bien tolérée, avoir un certain nombre d’avantages pratiques. Mais nous ne sommes pas tous à l’aise de la même façon avec la médiatisation ou avec le fait d’être en interaction constante ou répétée avec nos semblables.
Ce sont des désillusions que j’ai déjà pu connaître ailleurs et que je pourrais à nouveau vivre comme chaque fois que je me fais une certaine idée préconçue de ce que je veux trouver ou des personnes que je veux rencontrer. Et que j’anticipe trop le déroulement d’un événement car je suis plus dans l’attente d’un signe, d’un geste, d’un événement ou d’une ouverture que je souhaite.
J’ai sûrement trop idéalisé les interactions sociales et humaines que j’attendais lors de ce Masters Tour 2024.
Je les voulais selon mes souhaits.
Je m’imaginais que des pratiquants d’Arts martiaux auraient les mêmes perceptions que moi. Qu’ils seraient « ouverts » et plutôt zen.
Je me croyais sans doute parti en colonie de vacances où je me ferais beaucoup -et facilement- des nouveaux amis. Mais du temps est passé depuis l’enfance et l’adolescence. Et, la vie, voire le combat, c’est assez souvent le contraire de ce que l’on prévoit :
Les gens réagissent différemment de ce à quoi l’on s’attend.
Je me ferai peut-être des amis à la suite de ce Masters Tour 2024 -ou même des ennemis à la suite de la lecture de ce passage dans cet article- mais cela prendra un peu plus de temps que prévu.
Je me rappelle que les premières fois que j’avais rencontré mon meilleur ami au collège, il m’était insupportable. Et, il avait fallu plusieurs années pour que nous devenions amis.
Toutefois, il importe rapidement d’apporter de la nuance et des précautions à mes propos :
J’ai bien sûr connu des moments répétés de détente et de visites, improvisés et décidés avec d’autres participants du Masters Tour 2024.
J’ai même pris la liberté certaines fois de rester dans mon coin.
Mais, visiblement, en d’autres circonstances, mes priorités sociales différaient de celles d’autres participantes et participants.
Contrairement à la majorité des pratiquantes et des pratiquants du Masters Tour, En Aïkido, je ne connais pas grand-chose. En karaté shotokan, à peine beaucoup plus.
Mais, à mon avis, le Masters Tour concerne autant le comportement sur le tatami et en tenue que seul, face à soi-même, et en dehors du tatami.
Et, dans certains compartiments de la vie sociale, là, j’ai été très étonné.
Pendant ces trois semaines, j’ai pris soin, un certain nombre de fois, d’essayer d’aller vers les autres. De discuter avec eux. D’apprendre leurs prénoms.
Vers autant de personnes que je le pouvais. Je n’y suis pas toujours parvenu. Mais je sais avoir essayé. Et je crois avoir retenu plus de prénoms que de participants n’ont retenu le mien. J’ai aussi bien vu que d’autres participants étaient assez isolés par intermittences en dehors du tatami.
Parallèlement à cela, un certain nombre de participantes et de participants ne s’embarrassaient pas avec ce genre d’applications sociales superflues. Elles et Ils ont néanmoins peut-être essayé au début du Masters Tour d’aller vers les autres.
Ce sont peut-être aussi des réactions dues au fait de se retrouver soudainement dans un grand groupe avec des personnes (ou un voisin de chambre) que l’on n’a pas choisies. Et de se voir et de se revoir fréquemment en grand nombre plusieurs jours durant. Alors que cela n’est pas dans nos habitudes.
On reste entre soi. Avec des personnes que l’on connaît déjà (souvent depuis des années) ou avec lesquelles on est (déjà) venu à des Masters Tour précédents. On passe sans dire bonjour. Celle ou celui que je ne connais pas ou qui n’est pas de ma discipline martiale ou de mon niveau n’existe pas. Ou très peu.
On se précipite pour rester avec celles et ceux que l’on connaît déjà et avec lesquels on rigole devant les autres qui sont là mais qui n’existent pas. A l’hôtel, on sort de l’ascenseur que l’on a pris avec un des participants du Masters Tour sans lui dire au revoir une fois arrivé à notre étage. Voire, on lui passe devant pour rentrer dans l’ascenseur alors qu’il attendait avant nous.
Il m’est arrivé de penser que cela faisait partie des épreuves informelles et implicites du Masters Tour. Qu’il s’agissait que le nouveau ou l’inconnu se fasse connaître et accepter ou endure l’épreuve de l’anonymat. Après tout, dans certaines traditions d’apprentissage, le petit nouveau ou la petite nouvelle n’a pas de visage, de nom ou même de matière. Elle ou il est là pour apprendre, pour servir, pour se taire. Et, avec du travail et de la patience, petit à petit, son statut évoluera. Si elle ou il persévère.
On était bien entre guerrières et guerriers ?! Donc, pourquoi se préoccuper des autres et de ces facilités- des hypocrisies ! – sociales qui nous font croire que tout nous arrive toujours tout cuit dans la bouche, sans se battre et sans persévérer et que tout le monde nous aime toujours ?
Cependant, ces attitudes d’évitement étaient par moments tellement caricaturales – voire comiques- qu’elles relevaient davantage, de mon point de vue, d’une difficulté à entrer simplement en relation avec celle ou celui que l’on ne connait pas. Qui est peut-être un ennemi déguisé sous les traits d’un participant ou d’une participante au Masters Tour…
Dire bonjour à quelqu’un était peut-être plus difficile à prononcer pour certaines et certains que d’avaler du cyanure. Pareil pour le simple fait de dire au revoir.
Il a pu arriver qu’à la fin d’une séance d’entraînements avec un Maitre, comme je prends beaucoup de photos, que certains se rappellent subitement de mon prénom et de mon existence afin de me demander si je les avais pris en photo. J’ai alors toujours donné la même réponse :
Mais je suis sûrement beaucoup trop photosensible. Et j’exagère sans doute. Je me la pète aussi très certainement beaucoup.
Il y a eu néanmoins des éclaircies, je le répète. Des périodes où j’ai connu des moments agréables avec d’autres. Il y a aussi eu ces moments ou ces rencontres et discussions imprévues devant la laverie automatique.
Et, je le précise : j’ai vu d’autres participants être par moments isolés, sans doute par choix, mais aussi, à mon avis, parce qu’ils avaient commis l’erreur ou la faute de venir seuls au Masters Tour ou de ne pas faire partie d’un groupe, duo ou trio.
Une certaine logique aurait aussi voulu que je rejoigne et que je me « colle » à d’autres adeptes du karaté shotokan parce-que je pratique un peu le karaté shotokan. Sauf que mon identité et ma valeur, c’est d’abord mon prénom, mon nom de famille ainsi que mon histoire personnelle. Et non le fait de porter une ceinture de telle ou telle couleur dans une discipline donnée qu’elle soit martiale ou autre :
Je suis une personne avant d’être un pratiquant que ce soit de karaté ou d’une autre pratique. Et, même si la pratique martiale- ou une autre pratique- révèle toute ou partie de la personne que l’on est, on dira que je mets ma personne- donc sans doute mon ego- avant le pratiquant que je suis ou peux être.
Et, pour moi, ça commence souvent par « Bonjour » voire, plus difficile, de connaître mon prénom. ça donne peut-être une idée de la très haute opinion que j’ai de moi-même et aussi de mon ego surdimensionné.
Mais, visiblement, d’autres participantes et participants ont eu le réflexe inverse. Et, j’aurais eu plus « d’attraits » y compris d’un point de vue sociétal si j’avais eu tel niveau et tel parcours plus ou moins accompli et reconnu dans telle pratique martiale.
Je crois que c’est une erreur de la part de ces pratiquantes et pratiquants d’avoir eu ce comportement quel que soit leur niveau avancé dans leur pratique martiale qu’il s’agisse d’Aïkido ou de karaté.
Je répète aussi que j’ai déjà assisté peu ou prou à ce type de comportement dans d’autres domaines :
Lorsqu’il m’est arrivé de faire du journalisme cinéma en tant que bénévole, j’ai pu croiser des journalistes cinéma professionnels, certes réputés et rémunérés, mais que j’ai perçus comme des handicapés de la relation sociale. Je me rappelle de mon enthousiasme à m’adresser pour la première fois, lors d’une projection de presse, à un journaliste cinéma de Télérama dont j’avais lu des critiques. Le ton sur lequel celui-ci m’avait répondu ne disait rien de ses jours de fête. J’avais rencontré des personnes beaucoup plus joyeuses à un enterrement.
J’ai aussi pu trouver excessif et ridicule de voir certaines attachées de presse mettre sur un piédestal certains journalistes employés par des média renommés tel Télérama. Qu’est-ce qui m’avait fondamentalement séparé de ces journalistes cinéma mis sur un piédestal ?
Le fait que j’écrivais pour un média moins diffusé en tant que bénévole. Il aurait suffi où il suffirait que demain, j’écrive ou travaille pour un média reconnu et important et, là, on me donnerait du « Monsieur » même si mes articles sont écrits par une banane en décomposition.
Dans « mon » club de karaté, il a pu arriver qu’un pratiquant nécessairement bien plus ancien que moi et plus gradé se contente de m’appeler « Ceinture jaune ! ». J’ai alors expliqué calmement que mon prénom était très différent. Et, intérieurement, il m’est arrivé de m’amuser en considérant que ces anciens (qui peuvent être nettement plus jeunes que moi) ont connu principalement un seul club de karaté ou deux, situé à quelques minutes de leur domicile alors qu’il me faut une heure de transport, et que je n’ai jamais vu aucun d’eux aux 24 heures du Samouraï.
Dans un service de psychiatrie adulte où il m’arrivait de faire des remplacements, une infirmière du service dont je connaissais le prénom m’avait interpellé un jour, comme je revenais, de la manière suivante :
« Pédopsy ? ». Elle avait eu une soudaine réminiscence. Je lui avais confirmé puis répondu :
« Mais, tu sais, mon prénom, ce n’est pas pédopsy… ».
Ces exemples pour montrer que ce qui s’est passé avec certaines participantes et certains participants du Masters Tour est assez courant ailleurs. Ces personnes ne sont pas forcément des mauvaises personnes y compris celles qui se sont estimées supérieures en raison de leur niveau de pratique martiale nettement plus avancé que le mien. Parmi elles, des rencontres humaines et des interactions sociales viables, prospères et profondes sont possibles. Mais cela passe par différentes étapes proches de l’orpaillage. Il faut prendre le temps de se trouver et de se connaître. Et, à la fin de ce Masters Tour, j’ai aussi remarqué que certains, plus distants ou indifférents en apparence à première vue m’avaient identifié et commençaient à s’autoriser à me parler un peu.
J’avais simplement idéalisé- et cru- de manière enfantine qu’au travers des Arts Martiaux, il était plus simple de rencontrer d’autres êtres humains.
Si les Arts Martiaux peuvent être des média, ils peuvent aussi servir de masques ou d’armures. C’est peut-être d’ailleurs l’un des messages du dernier film de Bruce Lee, de son vivant, Opération Dragon.
Lors du Masters Tour, à notre arrivée à la gare de Kurashiki, nous avons eu la surprise de devoir porter nos bagages dans les escaliers pour nous rendre jusqu’à l’hôtel situé à à peine dix minutes à pied. Je n’en veux pas à Léo et à Issei malgré la cadence imprimée au groupe afin d’arriver à une certaine heure à l’hôtel. Par contre, embarrassé par mes bagages, je ne pouvais pas aller aussi vite que le reste du groupe. Quelques minutes plus tôt, en descendant les marches d’escaliers, quelques participants avaient failli être les témoins d’une superbe cascade que j’avais failli réaliser malgré moi avec ma valise. Je dois à des réflexes et au fait d’avoir porté mes Doc Martens d’avoir pu rétablir la situation. Autrement, je me serais quelque peu fait mal en tombant avec ma valise de vingt kilos. Ce petit incident m’a stupidement incité à la prudence par la suite.
Or, l’état d’esprit « Sauve qui peut ! » et « Chacun pour soi ! » l’a emporté chez beaucoup. Et, arrivés à la gare de Kurashiki, seul comptait le fait de suivre le rythme pour arriver à l’hôtel.
Un seul participant du groupe a eu la présence d’esprit de se retourner et de voir que j’étais à la traîne. Et de m’attendre. Chargé comme je l’étais, je ne pouvais pas faire plus et plus rapidement que je ne le faisais.
Sans ce participant, j’aurais trouvé l’hôtel puisqu’il n’était pas loin de la gare et que nous avions reçu les informations le concernant sur la messagerie whatsApp.
Par ailleurs, au Japon, on se sent en sécurité et, à aucun moment, je ne me serais senti sur un champ de bataille ou en pleine guerre de gangs.
Mais j’ai été très étonné par cette absence d’attention du groupe pour quelqu’un d’autre. Et cette façon de foncer tête la première vers la destination qui était l’hôtel dans cette ville que nous découvrions tous, pour la plupart. Et, je suis persuadé que j’aurais eu cette attention pour quelqu’un d’autre à l’image de celle qu’a pu avoir ce participant et pratiquant expérimenté pour moi.
Une attention qui, même si elle lui a semblé tout à fait normale, et qu’il a sans doute aujourd’hui oubliée, est pour moi devenue quasiment indélébile dans ma mémoire.
J’exprime ici quelles ont pu être mes désillusions, et mes incompréhensions, par moments, lors de ce Masters Tour.
Mais il était sûrement impossible pour quiconque d’échapper à une quelconque désillusion ou incompréhension, à un moment ou à un autre, lors de ce Masters Tour. Un Masters Tour dont la plus grande partie du tracé était dirigée. Et où il a été nécessaire, régulièrement, de toutes façons, de s’adapter à diverses échéances et circonstances. Au point, qu’il m’est arrivé de me dire qu’en participant à ce Masters Tour, on faisait partie intégrante- jusqu’à un certain point- du système Tamaki.
Mais il y a le « système » Tamaki et la façon dont on reste soi-même. Etre perçu à ce point par moments comme un corps étranger, par certaines et certains, m’a dérangé.
Corps étranger
J’estime avoir autant voire plus appris durant ce séjour de mes interactions avec les autres participants et de mes quelques déambulations et observations au Japon que de mes pratiques sur les tatamis ou lors des séances d’entraînement :
Quand, lors de la deuxième semaine de ce Masters Tour, j’ai « oublié » mes armes dans le bus à Kyoto, j’étais certes fatigué et distrait, mais j’avais aussi manqué de présence et ne faisais pas suffisamment corps avec elles :
Même fatigué et distrait, je n’aurais pas oublié ma fille dans un bus que ce soit à Kyoto ou ailleurs. J’ai oublié ces armes dans le bus (finalement retrouvées grâce au concours de Megumi et Maki, deux de nos guides japonaises) car elles étaient alors pour moi des corps étrangers.
Après avoir oublié ces armes, et en avoir été privé durant deux jours, j’ai perçu leur importance et leur singularité lorsque j’ai compris qu’il était difficile d’en retrouver des semblables vu qu’elles avaient été constituées dans ce bois rare et léger dont Léo nous avait parlé avant notre départ.
Les deux leçons martiales fondamentales (ou autres) que je retiens, pour l’instant, sont d’abord ces deux commentaires que m’ont faits tour à tour Léo puis Issei en pleine séance :
« Tu es trop bienveillant ». « Tu réfléchis ? » (synonyme de « Tu réfléchis trop »).
Je trouve que cela me concerne beaucoup tant dans la vie que sur un tatami.
Pas tout le temps.
Mais suffisamment pour m’empêcher d’évoluer certaines fois. Depuis plusieurs années, j’ai plus (tenu) à développer mon côté bienveillant qu’à développer mon côté tranchant. Mon côté tranchant me fait peur. Alors, je le retiens comme je le peux par un excès de bienveillance.
Il arrive que de temps à autre, on me dise :
« C’est parce-que tu es infirmier en pédopsychiatrie et en psychiatrie..tu as la vocation etc…. ».
De la même manière que j’ai démenti être une personne passionnée, je vais ici démentir le fait d’avoir une quelconque vocation pour le métier d’infirmier comme le fait d’être « bienveillant » par effet de ruissèlement parce-que je suis infirmier en pédopsychiatrie et en psychiatrie.
Certains tortionnaires ont pu être et sont des médecins ou des soignants. Je pourrais très bien faire partie de ces tortionnaires.
Pour simplifier, « L’ère » nazie a donné de « bons » exemples de médecins tortionnaires. Et, malheureusement, je n’ai aucune difficulté à concevoir que lors du génocide des Tutsi au Rwanda, en 1994, des soignants hutus aient participé au massacre. Dès lors qu’une forme de folie meurtrière devient « normale », « féconde » et « collective », toutes les catégories sociales et professionnelles peuvent se révéler zélées et entreprenantes pour participer au « grand projet » qu’est un génocide. C’est un véritable film d’horreur mais pour de vrai.
Il ne suffit pas de porter une blouse blanche pour devenir bienveillant. On a une certaine bienveillance et attention en soi, de manière spontanée et stimulée, qui, ensuite, selon le domaine professionnel et économique où l’on exerce, et selon la conscience que l’on a de soi et des autres, va et peut se développer ou non en fonction des conditions de travail qui sont les nôtres que l’on accepte ou que l’on refuse.
J’aurais pu être tout autant quelqu’un de bienveillant et exercer en tant que journaliste ou avocat.
Une journaliste comme Laurence Lacour ( autrice de Le bûcher des innocents) un journaliste comme Ted Conover ( auteur de Là où la terre ne vaut rien) ou Joseph Kessel lorsqu’il a écritAvec les Alcooliques anonymes ont à mon avis une bienveillance supérieure à bien des personnes.
La bienveillance part d’eux. Ensuite, ils sont parvenus à la monnayer ou à en faire un métier mais aussi un moteur de leur carrière.
Moi, j’en suis au stade où je pense que ma bienveillance voire ma « sur » bienveillance est un moyen, aussi, pour moi, de distraire ma violence. Ou de l’utiliser à des fins que j’estime plus utiles et réparatrices. C’est une façon de la maintenir à distance. Par devoir et aussi par choix. Parce-que savoir ordonner sa propre violence au point de savoir l’utiliser afin d’en faire une œuvre d’art ou une œuvre socialement responsable et collective, c’est donné à peu de personnes :
Le plus souvent, lorsque l’on est coutumier de l’usage de la violence, soit on détruit son entourage, ses relations et son environnement et/ou soit on se détruit soi-même.
Picasso et Miles Davis étaient des personnes violentes et destructrices. Mais malgré tout, ils ont pu créer et c’est ce que beaucoup préfèrent retenir et admirer. A mon sens, Amy Winehouse s’est autodétruite quasiment en direct live et c’est la raison pour laquelle j’ai beaucoup de mal à comprendre comment des gens ont pu avoir du plaisir à assister à certains de ses concerts. Et, j’ai du mal à aimer sa musique pour les mêmes raisons. Une musique que je trouve en plus excessivement rétro comme corsetée dans une époque qui ne pouvait pas la retenir.
Par extension, je ne crois donc pas que les soignants en blouse blanche soient des êtres totalement pacifiés et expurgés de tout conflit intérieur et intrapsychique. Leur blouse blanche leur sert de digue ou de barrage, comme le kimono ou le hakama pour d’autres, et la profession que servent ces blouses blanches a des codes, des interdits, dont on peut retrouver des équivalents dans la Loi ou dans une religion qui donnent un cadre, des repères et des guides.
Le but de ce cadre, de ces repères et de ces guides, c’est d’éviter que la sauvagerie ne prenne le dessus sur l’Humanité et de permettre à cette dernière de subsister, de s’exprimer et de se consolider le plus possible.
Mais tout excès, même lorsqu’il s’agit de bienveillance, est à atténuer.
C’est peut-être pour cela que, instinctivement, de plus en plus, je me rapproche des Arts Martiaux bien-sûr mais aussi….des armes blanches.
Je n’étais pas du tout venu au Japon avec l’intention d’acheter un iaitō.
Lorsque Léo en parlait dans ses mails plusieurs mois avant ce Masters Tour 2024, je ne me sentais pas du tout concerné. Je voyais cela comme une espèce d’excentricité coûteuse et décorative. Ou comme une recherche du spectaculaire. Je pensais aussi au katana posé sur un mur pour faire joli ou pour intimer :
«Mon secret, c’est que je suis un samouraï, une personne très redoutable, car j’ai un katana commandé sur internet accroché au mur dans mon salon ».
J’ai quelques fois la naïveté de croire que les personnes les plus redoutables sont aussi celles qui savent se rendre parfaitement indétectables et se fondre dans la masse. On l’a très bien « vu » (malheureusement) avec les terroristes islamistes ces dernières années.
Et puis, un des participants du Masters Tour a choisi un iaitō devant moi dans la boutique Sakuraya.
Curieux, je l’ai regardé faire. Il a été conseillé par Issei.
Ensuite, puisque j’étais là, autant en profiter pour toucher. J’en ai sorti un ou deux de leur fourreau avec autant de précaution que mes mains mal habitées le pouvaient.
J’ai ressenti quelque chose. J’ai ressenti de la vie. Ce n’était pas un objet ni un geste inerte. C’était une action qui, le fait de sortir et de manier cette arme, de manière répétée, apprise, maitrisée, pouvait faire grandir en moi un certain apaisement.
Je peux vraiment dire que c’est ce que j’ai ressenti plus que ce que j’ai vu ou l’envie de posséder une « arme » qui m’a incité à faire cette acquisition mais aussi à m’embarrasser ensuite à la porter d’hôtel en hôtel, de shinkansen en shinkansen jusqu’à l’aéroport.
Alors que voyager léger et le moins encombré possible facilitait beaucoup nos déplacements avec nos bagages.
Lorsque je suis reparti de la boutique Sakuraya, tout, dans l’attitude solennelle du vendeur expérimenté m’indiquait que j’avais acheté un objet important. Ou qu’il me confiait un objet important.
Avec le vendeur de la boutique Sakuraya, après l’acquisition de « mon » iaitō. Juillet 2024.
A mon retour en France, j’ai commencé à chercher des cours de iaido. Et, quotidiennement, je sors mon iaitō. Miles Davis disait qu’un musicien a besoin de toucher son instrument tous les jours. Je me dis que ce iaitō n’est pas un objet de décoration et doit (me) devenir un corps familier. Je fais sûrement des erreurs grossières et ridicules lorsque je l’emploie en attendant de prendre des cours. Mais je le préserve de la poussière.
Quelques jours après avoir acheté « ce » iaitō, j’aurais aimé m’être aussi fié à ce que je ressentais en touchant un Jeans à Kurashiki. J’ y ai délaissé un Jeans auquel je continue de penser depuis.
Car j’ai voulu me raisonner. Je porte très occasionnellement des Jeans. Et je n’avais aucune intention d’acheter une paire de Jeans en venant au Japon. Or, j’en avais déjà acheté deux.
J’ai un moment envisagé de faire le trajet Tokyo-Kurashiki pour aller le chercher. Ce qui aurait ramené ce Jeans quasiment au prix d’un diamant !
J’ai quand même vécu beaucoup de bons moments là-bas. Alors, pourquoi, à certains moments ai-je disparu du groupe ?
J’ai écrit qu’un certain nombre de participantes et participants sont restés entre eux. J’ai néanmoins bénéficié aussi des avantages du groupe ou des petits groupes en diverses circonstances.
Durant la première semaine, je me suis abreuvé principalement aux groupes. Je suivais le groupe dans lequel je me trouvais. Que ce soit pour prendre le shinkansen, le train, le bus, les visites. Prendre un verre.
C’était très agréable. Je faisais le touriste. Cela me permettait de socialiser. Cela était très confortable et je n’avais pas beaucoup à réfléchir sur ce qui m’environnait. Tout ce que j’avais à faire, c’était être à l’heure et faire avec les autres ou comme tous les autres.
Au préalable, j’avais toutefois effectué le minimum. J’avais pensé à retirer des yens en espèces dès le début de mon séjour par 50 000 yens (environ 260 euros au cours actuel de 1 euro = 171 yens, un taux très avantageux pour l’euro). J’avais acheté un téléphone portable reconditionné qui acceptait la carte e-sim et j’étais relié en permanence (et très facilement) aux divers groupes whatsApp du Masters Tour 2024.
Nos journées étaient quotidiennement rythmées par l’engrais des informations qui venaient régulièrement fertiliser nos messageries whatsApp.
La vie en groupe, deuxième semaine : Ne Pas déranger
En début de deuxième semaine, j’avais digéré le décalage horaire et avais commencé à comprendre dans quel pays je me trouvais. Dont certaines de ses règles liées à la ponctualité qui consiste à être en avance de dix à quinze bonnes minutes. Ainsi que le principe « Ne pas déranger » rappelé régulièrement par Léo et Issei.
Mais, surtout, j’ai alors fait une grande découverte :
J’étais devenu un bovidé.
Je me contentais de suivre et de boire à grands traits quand on me le disait et là où l’on me disait quand le faire. Moi, qui, en 1999, sans internet et la téléphonie mobile actuelle, avais pu circuler seul, une semaine durant au Japon, prendre le shinkansen, aller à Kyoto, Hiroshima. Dans le Japon de 1999 qui était bien moins touristique que celui « retrouvé » cette année où on a pu facilement entendre parler Français, Anglais ou Américain. Mais où j’ai aussi pu croiser un Ukrainien qui y vit depuis une dizaine d’années ainsi que des Nigérians.
C’est probablement au début de cette deuxième semaine que j’ai vraiment vu que certaines et certains préféraient rester entre eux pratiquant d’une certaine façon le « chacun pour soi ».
A cela s’est additionné un certain état d’esprit « sauve qui peut ». L’esprit « sauve qui peut », c’est cette tension ou cette anxiété, voire cette quasi-épouvante perçue dans le regard de certains au moment de prendre le shinkansen ou lorsqu’il s’agissait de se déplacer avec nos bagages dans les correspondances des gares. La peur ou l’inquiétude de se perdre. De rester à quai. Ou dans le shinkansen.
Sans le groupe.
Ces observations m’ont amené à réfléchir à celui que j’étais et que j’avais oublié : j’aime être en relation avec les gens mais pas à n’importe quelle condition. Et je n’aime pas me sentir enfermé dans un groupe.
La vie en groupe, troisième semaine : « On dirait qu’il fait tout le temps, la gueule ! ».
Lors de la première semaine du Masters Tour environ, j’avais été surpris d’apprendre par un participant que certaines personnes avaient l’impression que je faisais « tout le temps, la gueule ! ».
J’avais répondu à ce participant qu’en une semaine de Masters Tour, j’avais appris ça :
« Si les gens étaient (plus) sereins, ils ne pratiqueraient pas des Arts Martiaux ».
Une remarque que j’avais étendue aussi aux pratiquantes et pratiquants d’apnée.
J’avais ensuite ajouté que ces personnes qui s’étaient formalisées à mon sujet étaient très peu venues me parler.
Mais, rétrospectivement, ces personnes avaient peut-être un peu raison en ce sens que je ne me suis pas forcé à sourire. Et qu’il est d’autres moments où j’ai pu rester très sérieux ou concentré.
D’un autre côté, je comprends que des participants et des participantes soient venus en couple, en famille, entre potes ou partenaires du même club ou aient opté pour se réunir en personnes de la même discipline. Ce voyage sera pour eux mémorable et leur a sans aucun doute- je le crois et je l’espère- réservé des moments très privilégiés.
Pour ma part, même si, dans l’idéal, j’aurais aimé faire autrement, je continue de croire que j’ai pris la meilleure décision en venant seul au Japon pour ce Masters Tour 2024. Au vu du rythme et du nombre de nos visites, de nos marches, de nos changements d’hôtel, de la chaleur humide (plus de trente degrés tous les jours en moyenne), de la variabilité de nos horaires selon les circonstances, de la nécessité de s’adapter, de suivre les messages sur les boucles WhatsApp, des entraînements, je trouve qu’il est difficile de pouvoir s’y ajuster au mieux tout en conservant, par ailleurs, une vie de famille ou de couple harmonieuse, douillette et paisible.
On pourra me dire qu’une vie de couple et de famille est rarement harmonieuse, douillette et paisible et que le Masters Tour peut aussi permettre d’apprendre à se concentrer sur l’essentiel.
Je répondrais qu’il m’a manqué le courage, l’optimisme, la force, la folie mais aussi la générosité pour venir avec ma compagne et ma fille à ce Masters Tour 2024.
Je me souviens aussi m’être senti devenir assez irritable ou susceptible en début de troisième semaine. Et de moins bien supporter d’éventuelles contraintes relatives au groupe. Qu’il s’agisse de faire en groupe ou de « téter » l’anxiété ou la fébrilité de quelqu’un dans le groupe.
Donc, tout ce qui, en troisième semaine, m’a semblé facultatif concernant le groupe est assez facilement passé davantage au second plan. J’en aussi eu assez d’être celui qui va vers les autres participantes et participants du Masters Tour.
Je suis sûrement devenu nettement plus solo, plus égocentrique, donc peut-être encore plus bizarre et plus incompréhensible pour quelques unes ou quelques uns lors de cette troisième et dernière semaine.
Parallèlement à cela, je me suis davantage ouvert au pays, à mon rythme ainsi qu’à mes inspirations pour continuer à le découvrir.
J’ai un temps voulu aller à Yokohama. Mais durant les deux derniers jours de notre périple, je me suis avisé que j’avais à peine vu Shinjuku. Et en me rendant à Harajuku (où j’étais aussi passé en principe en 1999), je me suis aperçu que j’avais tout à découvrir.
Du Japon que j’avais aperçu en 1999, excepté Hiroshima et l’île de Miyajima, je n’ai rien reconnu.
Cette première partie s’arrête là. La seconde partie parlera des Maitres que nous avons rencontrés. Des impressions qu’il me reste ou que je me suis fait d’eux.
Il me semble que cette première partie est la plus difficile à lire et à avaler. Mais je crois que sans cette première partie, mon « récit » aurait été incomplet et artificiel.
Parler du Japon aujourd’hui depuis la région parisienne peut apparaître irresponsable et déplacé. Pourtant, nous sommes au mois de juin et cela fait plusieurs jours que je vois et revois que le Japon, lorsque l’été s’approche, redevient subitement une destination touristique attrayante. Ça et là, le Japon apparait dans les vitrines.
Je sais aussi qu’il existe un petit plus qu’un effet de mode avec le Japon et que depuis au moins une dizaine d’années, la culture nipponne, voire sud coréenne, a ses spécialistes et ses amateurs au moins parmi les adolescents et les jeunes adultes.
Cependant, en France, il pleut et il fait gris. Certaines personnes diraient même que, désormais, en France, il fait presque brun.
Car l’Assemblée nationale, en France, a été dissoute par le Président Emmanuel Macron il y a quelques jours après la victoire du RN aux élections européennes. Un Président de la République réélu, aussi jeune qu’il est devenu impopulaire.
Cinquante pour cent d’électeurs se seraient abstenus d’aller voter lors de ces élections européennes. Des élections législatives vont avoir lieu de manière anticipée le 30 juin et le 7 juillet. On ignore encore si, pour la première fois, en France, le Rassemblement National (RN), parti d’extrême droite héritier du Front National (FN) co-créé il y a un demi-siècle par le pionnier de la dynastie Le Pen va parvenir au Pouvoir Politique par la Grande Porte en obtenant le poste de Premier Ministre. Ou si, une fois de plus, le RN va se heurter à la muraille de Chine faite de ce refus des Français revenus une nouvelle fois voter par défaut pour un parti politique de Droite ou de Gauche perçu comme républicain, antiraciste et démocratique.
A quelques jours du début des Jeux Olympiques organisés en France, on pourrait se croire dans un épisode de Games of Throne avec les adeptes du RN dans le rôle des revenants d’autant plus inquiétants qu’ils ressemblent à ces mutants imperturbables vus dans bien des films et dont la volonté de fer se concentre dans l’action de se multiplier mais aussi de se diversifier. Tandis que les plus irréductibles des membres du RN, eux, verraient leurs opposants et leurs contraires comme autant de redoutables envahisseurs dont la principale source de volonté serait de coloniser et d’anéantir la grandeur de l’identité nationale française.
Je crois m’être fait servir par l’un d’entre eux il y a quelques heures.
Un Yakuza caché ?
Dans ma ville, je passe quelques fois dans une boucherie dans laquelle l’atmosphère et la clientèle détonnent. J’y entre en étant assez fasciné mais aussi parce-que je suis un client satisfait.
Dans cette boucherie, on se croirait dans la France des années 70 et 80. On semble y rester confiné entre soi mais on y achète de la très bonne viande plus chère qu’ailleurs dans la ville.
A tort ou à raison, cet endroit m’évoque facilement les très bons films Dupont Lajoie ou Seul contre tous. Cependant, il faut rester prudent et se méfier des apparences. Même si son propriétaire et boucher, tout à l’heure, m’a un peu troublé.
Ou provoqué.
Nous étions seuls dans la boucherie lorsque je me suis laissé aller à la familiarité de lui demander où il avait prévu de partir en vacances cet été. Peut-être parce-que ma tête lui était suffisamment familière, il m’a répondu spontanément :
« En Dordogne ».
La Dordogne est une jolie région et la France, un très beau pays à visiter. Cela fait des années que la France est un des pays les plus visités dans le monde qu’il s’agisse de l’Hexagone ou de « ses » îles si l’on excepte peut-être la Nouvelle Calédonie depuis plusieurs semaines compte-tenu du climat de guerre civile et de rejet de la politique française qui y a éclos abruptement.
Sauf que le boucher, Maitre en sa boucherie depuis une bonne vingtaine d’années, a eu besoin de rajouter :
«… Pour faire travailler les Français…. ».
Je me suis contenté de lui répondre, le plus légèrement possible :
« Si vous pouvez…. ».
Fort heureusement, sa politesse ou son absence de curiosité m’ont sauvé. Je n’ai pas eu à lui annoncer où j’avais prévu de passer mes vacances, cet été.
En effet, ce 8 juillet, soit le lendemain des résultats du deuxième tour de ces élections législatives provoquées par le Président Macron suite à sa décision de dissoudre l’Assemblée Nationale, je prendrai l’avion pour trois semaines au Japon afin de participer au Masters Tour 2024 créé et co-organisé une nouvelle fois par Léo Tamaki, expert en Aïkido.
Mais peut-être que le boucher regarde-t’il tous les soirs des manga à son domicile ? Peut-être aussi parle-t’il Japonais couramment dans ses rêves et se rend-t’il tous les ans à la Japan Expo ? Peut-être aussi, dans ses hobbies, compte-t’il un Savoir faire de Maitre Pottier japonais ? Ou de Maitre Sushi ? Ou de chanteur Karaoké ?
Rien ne (me) permet, à ce jour, de le contester. Peut-être même, tous les soirs, se transforme-t’il aussi en Yakuza à la façon dont Takeshi Kitano a pu nous les décrire dans ses films Sonatine ou Hana-Bi pour parler de quelques uns de ses films ?
Peut-être n’est-il qu’un samouraï infiltré dans une ville de banlieue parisienne, plutôt mal réputée, qui a choisi d’endosser l’habit, la profession et des propos qui peuvent s’apparenter à ceux de l’Extrême Droite pour mieux la combattre à la façon d’une taupe tel Tony Leung Chiu-Wai qui, lui, avait infiltré une triade chinoise dans le film A Toute Epreuve du réalisateur Hong-Kongais John Woo, son dernier film à Hong-Kong avant la rétrocession de celui-ci à la Chine et avant son exil pour les Etats-Unis et son film Volte-face avec Nicolas Cage et John Travolta ?
Ces films noirs ou ces polars asiatiques de ces réalisateurs, et d’autres que je ne cite pas tels Kirk Wong, Johnnie To ou les frères Mak etc…, font partie des classiques pour celles et ceux qui les connaissent ou les ont vus, comme moi, au cinéma, à leur sortie ou en décalé.
Ces films font aussi partie du passé. Même si ce passé est présent et futur. Et moi, ce que je suis en train de vous écrire ce mardi 18 juin 2024 appartient aussi au passé. Car si mon départ pour le Japon, cette année, est prévu pour le 8 juillet, soit dans trois semaines, il s’agira aussi de mon « retour » au Japon après mon premier voyage, là-bas, en 1999. Un retour souhaité dès cette année-là.
En 1999, lors de mon premier séjour au Japon, j’étais imprégné de cinéma en version originale sous-titrée et de cinéma asiatique. Au point de beaucoup m’identifier aux Japonais.
Nous ne sommes pas des japonais
« Vous n’êtes pas des Japonais ! » nous avait néanmoins asséné Vanessa, – tel un ippon- une de nos camarades- et Française- de notre cours de Judo, au gymnase, rue Michel Lecomte, tant nous singions certaines caractéristiques japonaises.
Nous, c’était Manu, un de mes amis Français, rencontré sur le tatamis du club, et moi, Français d’origine antillaise.
Elle avait raison.
Depuis notre naissance en région parisienne jusqu’à cette déclaration, Manu et moi n’avions jamais rien eu de bridé. Nous avions acheté nos kimonos de judo en France. Nous pratiquions le Judo en France. Notre professeur de Judo, Pascal Fleury, grand frère de la championne olympique Cathy Fleury, était d’origine italienne.
Lorsque Manu et moi, nous allions- quelques fois- dans des restaurants asiatiques, c’était à Paris ou en banlieue parisienne. Et, lorsque nous voyions ou rencontrions beaucoup d’Asiatiques, c’était surtout projetés sur un grand écran de cinéma, sur l’écran d’un téléviseur ou dans les ouvrages d’une librairie.
Pour moi, en devenant adulte, je crois que le Japon avait pris la place que les Etats-Unis, enfant puis adolescent, avaient pu avoir. Celle d’un pays dont l’Histoire et les êtres avaient des destinées fantastiques. Lorsque l’on est né en banlieue parisienne, dans un milieu social moyen, que l’on a d’abord grandi dans une cité, et que nos parents, bien que « Français », sont des Antillais qui ont dû venir vivre en métropole tels des immigrés à l’âge où, en principe, tout est possible puisque l’on est jeune et que ce possible se résume à un logement HLM avec d’autres personnes qui, comme eux, font de leur mieux pour s’en sortir, hé bien, soit on se contente de ce que l’on a. Soit on rêve ou on imagine un ailleurs.
Et puis, petit à petit, soit on essaie d’aller vers cet ailleurs, soit on reste enfermé dans sa cité et dans tout ce que l’on connait par coeur par peur et par précaution.
Pourquoi le Japon plus que le Vietnam, le Cambodge, l’Indonésie, la Corée du Sud, la Thaïlande, la Birmanie, le Laos ou ne serait-ce que la Chine qui sont aussi des pays à connaître comme tant d’autres en Asie, en Afrique, en Océanie, en Europe ou ailleurs ?
Très certainement pour cet attrait pour les Samouraï qui avaient remplacé les cow-boys des western de mon enfance. J’étais devenu adulte. C’était exotique. Je ne pouvais pas continuer à garder les mêmes modèles, me promener avec un chapeau de cow-boy, un ceinturon en plastique comportant un étui occupé par un colt noir également en plastique et une étoile de shérif.
Il y avait peut-être aussi une forme de refus du statut de victime permanente et suppliciée. La victime potentielle du racisme parce-que Noir dans un pays de Blancs, la France.
Et une espèce de recherche de mon salut intérieur un peu plus en accord avec moi-même dans les Arts Martiaux que dans les comportements des héros de western qui buvaient de l’alcool et qui fumaient, aussi, qui jouaient de l’argent. Qui roulaient un peu plus des mécaniques et qui parlaient fort. Il y ‘avait peut-être également une envie de ma part de m’affirmer en étant un homme antillais « différent », moins bruyant, moins théâtral et moins prévisible. Plus original. Plus complexe. Peut-être plus libre.
Le Japon faisait aussi davantage penser à cette vitrine où y était exposée en permanence cette sorte de Maitrise en toute circonstance que je cherchais à obtenir en moi. Pour cette assurance et ce calme constants en apparence. Pour les sons gutturaux, rauques, brefs et définitifs de la langue japonaise telle que je l’entendais. Pour cette délicatesse supposée de la femme japonaise qui contrastait avec la femme imprévisible, exigeante, pleine d’assurance ou hystérique de la vie urbaine ou parisienne.
Pour caricaturer, d’un côté, on pouvait avoir la « Française » qui fume, qui boit de l’Alcool, qui peut vous quitter ou qui dit zut. De l’autre côté, on avait une femme polie, pas un mot plus haut que l’autre, que l’on voulait voir comme charnellement sensuelle, jamais contrariante et fidèle à jamais.
Il est beaucoup plus facile de fantasmer sur une personne à laquelle on ne se confronte jamais et dont on méconnait la langue, la culture, les volontés et la pensée et qui reste pour nous une apparition encadrée telle une poupée gonflable et domesticable. Mais aussi, jetable.
J’ignorais alors tout ce que le Japon pouvait avoir de traditionnaliste, de conservateur voire de raciste. Ou de sexiste. Et, je méconnaissais totalement le fait, aussi, que ce mode de vie que je préférais voir comme du raffinement esthétique digne de la très haute couture reposait aussi sur une certaine psychorigidité sociale qui flattait d’abord ma propre psychorigidité.
J’ignorais aussi que certains aspects de la vie traditionnelle à la Japonaise équivalaient, aussi, par ses principes, à certains aspects de la vie traditionnelle que m’ont transmis mes parents et auxquels je suis attaché : Un campagnard, qu’il soit japonais ou d’origine antillaise, aura une façon de regarder la vie assez similaire.
L’importance de la parole donnée m’apparait par exemple être une valeur qui émane plus de l’héritage de la tradition et du mode de vie campagnard que du mode de vie dit urbain et moderne, pour ne pas dire mondain.
« Le Japon a mis mes valeurs à plat » m’avait dit lors d’une soirée parisienne une Française qui y avait vécu quatre années.
Quatre années, pour moi qui n’étais jamais allé au Japon, c’était au-delà du réel.
Ce devait être deux ou trois ans avant que je n’envisage mon propre séjour au Japon. Cette femme qui avait à peu près mon âge avait accepté le principe de me revoir pour me parler davantage du Japon. Mais ce qu’elle m’avait laissé, ce sont ses quelques remarques sur le Japon, son prénom et son nom lors de cette soirée passée dans un lieu dont je serais incapable de me rappeler avec certitude.
Mais si cette connaissance croisée dans une soirée, n’avait pas tenu parole, l’amie que je connaissais, alors, elle, l’avait tenue en m’accueillant chez elle au Japon deux ans après m’avoir déjà reçu chez elle une première fois en Australie, à Melbourne, en 1997.
En 1999 : Le Japon, une éclaircie profonde
En 1999, l’année du film Matrix, pour moi, il y eut un avant et un après le Japon.
A mon retour de mon séjour grâce à Raspoutine, mon amie franco-australienne qui y habitait alors, et son frère Le Croque-mort alors mon ami, qui me fit profiter de son expérience là-bas avant de rentrer en France, je déclarai que ce voyage fut extraordinaire.
Et, je le pense toujours aujourd’hui.
Humainement, ce séjour fut pour moi une frontière entre celui que j’étais auparavant qui en faisais des tonnes dans la provocation mais aussi dans l’humour pour se faire aimer. Mais aussi pour se desservir lui-même.
Ce voyage au Japon et son contexte dans ma vie personnelle et professionnelle m’aidèrent et me poussèrent à aller davantage dans l’introspection. Pour paraphraser un peu le livre Avec les Alcooliques Anonymes de Joseph Kessel, paru en 1960 et que j’ai bientôt terminé, je dirais que ce séjour au Japon en 1999 m’a permis d’être plus honnête et plus sincère avec moi-même.
Je n’étais pas alcoolique et je ne suis pas alcoolique. Si je l’avais été, j’aurais pu être été poussé à croire que l’alcool, sous toutes ses formes et latitudes, aurait pu me guider.
Cependant, avant mon séjour au Japon, j’étais probablement ivre et imbibé de mes propres peurs. J’avais très peur de celui que j’étais, de celui que je pouvais devenir et j’avais aussi très peur….d’être aimé.
D’où les provocations et l’humour répétés jusqu’à en être inappropriés. Les décisions très mal inspirées. Le propre de l’alcoolique, c’est, à défaut de pouvoir s’étreindre et se rassurer lui-même, de se détruire et de chercher à s’assommer et à s’éteindre jusqu’au black- out par l’alcool. Pour s’évader de lui-même. Je faisais pareil mais avec l’humour, mes provocations, mes excès, mes gesticulations, des mauvaises décisions, une certaine négligence de moi-même…
Lorsque l’on a peur de soi-même, que l’on a peur d’être aimé ou que l’on estime être indigne d’être aimé, on sait devenir tranchant, blessant ou désarmant pour celles et ceux qui nous entourent ou qui prennent le risque ou ont l’audace de nous approcher. On devient ivre au point de s’aveugler, de manquer de lucidité, et d’être incapable de faire la distinction qui convient entre celles et ceux que l’on peut laisser s’approcher et les autres qu’il faut savoir repousser ou, plus simplement, éviter. Puis, notre orgueil parachève de manière incontestable notre entreprise (ou notre chef-d’œuvre) de démolition et d’autodestruction :
S’il y a un problème, c’est à cause des autres. Ou, on ne savait pas que l’autre ne nous voulait-finalement- aucun mal…..
Le contexte dans lequel j’étais parti au Japon en 1999 cumulé au fait de m’être rendu dans un pays comme le Japon m’avaient aidé à commencer à me sevrer de certaines de mes mauvaises habitudes relationnelles et émotionnelles. Mais, comme on le sait, se sevrer prend du temps. Ce qui n’empêche pas de vivre des éclaircies profondes. Et, le Japon en fut une pour moi.
Si bien qu’à mon retour, je m’étais dit que je reviendrais un jour au Japon. Il aura fallu attendre…25 ans.
Il y a 25 ans, du Japon, j’avais ramené des photos papier, un bermuda qui ne me va plus car j’ai pris du poids et du ventre depuis, une caméra analogique et de la céramique.
Electronique et Céramique
l’Electronique et la céramique me semblent assez bien représenter les deux versants du Japon. Le moderne et le traditionnel. Le quasi-virtuel et le spirituel. L’industriel et l’artisanal. Le logique et l’organique. L’efficace et le sensuel. Mais l’un comme l’autre concourt pour la perfection.
Des deux, électronique et céramique, c’est la céramique que j’utilise encore. Toutes mes tasses de thé ramenées du Japon en 1999 sont demeurées intactes. Et, au travers de leur utilité et de leur durabilité, je vois une sorte de confirmation dans le fait que, utilisée pour l’usage qui lui correspond, la tradition conserve sa supériorité en acquérant plus de profondeur que la nouveauté qui, elle, plus superficielle, est condamnée à se reproduire pour pouvoir espérer préserver ses attraits et convaincre quant à ses promesses et ses effets.
Mais on peut le voir autrement et se dire que mon versant ou mon tempérament traditionaliste l’a emporté pour le moment sur mon tempérament moderne ou moderniste. Car après tout, d’après un podcast que j’ai déjà écouté deux fois, les blogs appartiendraient au passé. Aujourd’hui, ce qui est moderne, ce qui suscite et maintient l’intérêt quotidiennement et qui apporte un succès immédiat et continu, c’est de diffuser souvent et régulièrement des images et de produire le moins de texte possible. Et, moi, comme un vieux schnock conservateur encore accroché au monde des relations épistolaires, et donc complètement démodé, je fais l’exact contraire. Peut-être s’agit-t’il d’une stratégie et d’une décision que je regretterai dans à peu près une dizaine d’années. Lorsque je me déciderai à changer de point de vue contraint ou forcé. Ou à changer le thème de mes articles.
Toutefois, il existe un bémol à cette autocritique : mes articles les plus lus sont relatifs aux Arts Martiaux ainsi qu’un article consacré à Brigitte Lahaie, une ex star française de films pornos qui n’a jamais porté de kimono.
Et, il y a aussi un autre bémol à apporter à cet éloge dithyrambique que j’ai fait concernant la supposée supériorité de la tradition sur la modernité, un préjugé de plus dans lequel je me suis très confortablement installé :
Pendant une vingtaine d’années, j’ai roulé dans une voiture Toyota achetée deux ans après mon premier voyage au Japon. Et le nouveau modèle d’occasion, plus récent, que j’ai acheté également à crédit l’année dernière n’est pas en céramique.
Il me reste aussi quelques souvenirs durables du Japon de 1999.
Des souvenirs durables de mon voyage au Japon en 1999
De Tsukuba, cette ville de banlieue qui évoquait la campagne, située à une heure de Tokyo où habitait mon amie à l’époque. D’une course improvisée à vélo en revenant de la gare de Tsukuba avec une collégienne ou une lycéenne dans sa tenue ( jupe, baskets, débardeur et chemise blanche).
De Pierre, lycéen français au Japon grâce au Rotary Club de sa ville.
De cette secousse sismique alors que je discutais avec mon amie dans son appartement. De ce tournoi de Sumo où nous nous étions rendus.
Je me rappelle de cette prévenance des Japonais et des Japonais faisant ( tout) leur possible pour me renseigner dans la rue dès lors que je m’étais adressé à eux avec les quelques mots d’usage et de politesse consacrés que je connaissais en Japonais. Des mots agissant à la fois comme des sésames ou des talismans poussant mon interlocuteur et mon interlocutrice à s’assurer que je prenais bien ensuite la bonne direction comme si son destin ou son karma en dépendait. Des mots que je n’ai pas oubliés et qui signifient « Bonjour », « Bonsoir », « Je voudrais, s’il vous plait », « Merci beaucoup », « êtes-vous d’accord ? », « Faites attention à vous »….
Il y avait ces rues envahies par ces foules, plus imposantes qu’ailleurs, au moment de les traverser ou marchant sur les trottoirs. Ce cycliste se frayant patiemment l’usage d’un passage à travers la multitude de piétons sur le trottoir sans que personne ne lui fasse le moindre reproche.
Kyoto, le Shinkansen. La ponctualité millimétrée des trains. La propreté immaculée des gares.
Ce sentiment de sécurité dans les rues ignoré du banlieusard que j’étais et confirmé par mon amie.
Il y a aussi ce Salary man qui, à Tokyo, vers 22 heures, habillé en pantalon et chemise, son attaché case à la main, s’était subitement mis à dégueuler sur le quai de cette gare où, comme lui, j’attendais le train pour rentrer. Puis, il s’était éloigné de ses vomissements sans rien dire.
Dans quelques rues d’Hiroshima, j’avais été étonné de voir ces jeunes femmes ou ces adolescentes au profil d’écolières de type lolita, véritables clignotants vestimentaires, qui attendaient le client égaré ou habitué. A Hiroshima, toujours, j’avais aperçu ce bâtiment dont le toit avait reçu la bombe atomique. Et, au musée tout proche, j’avais été étonné de constater que les Japonais étaient présentés comme les victimes de la bombe atomique sans souligner la responsabilité de l’armée japonaise plutôt jusque-boutiste. Je n’avais pas encore lu que les opérations Kamikaze des aviateurs japonais avaient, dans les faits, donné peu d’avantages en terme de réussite militaire mais, aussi, que la participation du Japon au conflit de la Seconde Guerre Mondiale était prévisible et devenu inévitable dès lors qu’il lui restait six mois de réserve de pétrole.
En 1999, j’avais aimé me rendre dans les quartiers de Shibuya et de Harajuku réputés pour être des coins branchés de Tokyo. J’avais déploré être passé à côté de la vie nocturne du Japon. Cela aurait pu arriver si j’avais pu rencontrer Yuji et sa compagne plus tôt dans une des rues de Tokyo. Anglophones tous les deux, ce qui était rare, ils m’avaient fait découvrir un bar-cinéma possédant une petite scène dont mes yeux d’occidentaux n’auraient jamais pu concevoir l’existence dans ce bâtiment ou cet immeuble tout proche de nous. Ensuite, toujours le même jour, le colocataire de Yuji, musicien et originaire de Nara, m’avait invité à venir m’y rendre un jour. Sauf que je repartais pour la France…le lendemain.
J’étais rentré du Japon le lendemain comme lorsque l’on sort d’un rêve.
Le Japon et moi, aujourd’hui :
Les quelques personnes à qui j’ai parlé de mon séjour au Japon, cette année, se sont montrées enthousiastes. J’ai été marqué par le sourire XXL de mon amie Pépita, qui, à l’époque, m’avait encouragé à faire un crédit que je n’ai jamais regretté même s’il m’avait fallu ensuite deux années pour le rembourser.
Le Japon reste une destination touristique peu courante comme en atteste encore la réponse que m’a faite le boucher lorsque je l’ai interrogé à propos de ses vacances. Même si l’écoute d’un podcast cette semaine m’a appris que de plus en plus de vacanciers s’y rendaient et que quelques uns d’entre eux se comportaient de façon outrancière.
En 1999, je buvais sûrement encore du thé en sachet ou du thé aromatisé avec beaucoup de sucre. Soit l’exact contraire d’aujourd’hui où je bois du thé vert japonais que j’achète en vrac et que je bois sans sucre. Du Sencha ou du Gyokuro que je peux boire froid. L’un des gérants de la boutique de thé où j’ai des habitudes et où j’ai commencé à acheter du thé en vrac un jour, m’a dit que mon palais avait été éduqué mais, aussi, que notre palais a une mémoire. Du goût et des températures qui nous conviennent lorsque nous buvons du thé.
J’ai l’impression d’être moins en pamoison devant la culture japonaise qu’en 1999. Délibérément et aussi parce-que je suis dans les démarches du quotidien, j’ai, pour l’instant, survolé le programme que nous a adressé Léo concernant notre séjour là-bas.
Mais si je me fie à mon rapport au thé, au salé, et au maintien de mon intérêt pour les Arts martiaux japonais ou autres, il semblerait que je sois bien plus réceptif à la culture japonaise que je ne le crois. De manière pragmatique, je crois que j’attends de me trouver dans l’avion pour Tokyo en bonne condition avec toutes les formalités en règle pour pouvoir commencer à pleinement vivre l’événement. Avant cela, je me dis sûrement que trop d’extrapolation et trop d’imagination tue l’expérience.
Cet article qui est une forme de pré-bilan avant le voyage fait partie pour moi des « formalités ». Autant d’un point de vue instrospectif qu’à visée d’interaction avec d’autres. Car je crois que d’autres personnes qui seront au Japon ou non en juillet peuvent ressentir ou s’identifier à ce que je raconte à un moment ou à un autre dans cet article.
Il y a quelques mois, je me suis dit que retourner au Japon lors du Masters Tour 2024 était vraisemblablement une des meilleures façons pour moi de le faire. Léo Tamaki nous a appris il y a quelques jours que nous serions 143 à participer à ce Masters Tour en juillet et que nous ferions des sessions avec des Maitres d’Arts Martiaux en étant 23 par groupes. Ce qui est un bon chiffre.
En apercevant quelques offres commerciales que j’ai pu voir en faveur de voyages au Japon ces derniers jours, tant pour leur tarif que pour leur contenu, je me suis déjà senti soulagé d’avoir opté pour le choix du Masters Tour 2024.
J’espère et je compte ramener du Japon 2024, en même temps que des impressions et des rencontres mémorables, quelques images et un article pour ce blog qui essaieront de restituer cela au mieux. Pour les esprits jeunes et les esprits vieux, pour les esprits traditionalistes et les esprits modernes qui pourront y trouver plaisir et réconfort.
En repensant ce matin à cet article après l’avoir écrit en grande partie hier, je me suis aperçu que j’avais complètement oublié de parler du risque de l’accident nucléaire au Japon. Un risque difficile à totalement occulter pourtant après ce qui s’était passé à Fukushima en 2011.
Malgré la probabilité du risque nucléaire, ou de celui d’un séisme, je reste sur l’impression que ce nouveau séjour au Japon m’extraira durant quelques temps des sortilèges d’un certain cirque quotidien.
Il pleuvait ce dimanche 19 mai 2024 autour de midi alors que nos colonnes peuplaient le dojo d’Herblay. Sur les tatamis, nous étions plus de deux cents à continuer de nous orienter sur la pirogue de la fatigue. Des hommes mais aussi des femmes, nous étions majoritairement en kimono.
Guidés par l’expert en karaté Kyokushinkai, Romain Anselmo, et aiguisés par le couteau de nos kiaï, nous nous enfoncions encore un peu plus dans ce qui restait de ces quelques minutes où tout allait bientôt s’arrêter. Avec une ou un partenaire, nous avons effectué des séances de low kick. Mais nous nous sommes aussi donnés des coups de poing réciproquement dans le gong de notre ceinture abdominale. Nous avons aussi fait des pompes. L’expert donnait le rythme. Amusé, il nous a informé qu’il lui avait été demandé de mettre de l’intensité. Léo Tamaki, sur le tatamis avec nous, a ajouté dans le même humour qu’il lui avait été demandé de nous «achever».
Pour quelqu’un d’extérieur, nous aurions pu passer pour des fanatiques ou des fantassins du passé. Mais si une Divinité attentive aux Arts Martiaux s’était trouvée dans les parages ou quelque part dans le Val d’Oise, elle serait peut-être venue nous apporter les croissants.
L’édition 2024 des 24 heures du Samouraï allait bientôt se terminer, notre vie recommencer et je retournerais bientôt à mes chansons de Lana Del Rey dont je suis devenu toqué depuis à peu près deux mois. Mais, entretemps, comme l’année dernière ( Les 24 heures du Samouraï au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2ème édition ) avec beaucoup d’autres revenus cette année, j’aurais participé à cette manifestation.
Pourtant, quelques jours plus tôt, je m’étais interrogé sur les raisons qui me poussaient à y participer à nouveau. Je me sentais physiquement fatigué et je l’étais. L’épreuve d’effort que j’avais faite le lundi avait été estimée modérément convaincante «pour un sportif » par le pneumologue qui me l’avait prescrite. Je me savais entraîné sportivement a minima. J’avais très peu et irrégulièrement pratiqué tant en karaté avec Maitre Jean-Pierre Vignau qu’avec mon club d’apnée.
Ma seule constance sportive était faite de ces quelques kilomètres à vélo que je faisais depuis trois ou quatre mois pour me rendre au travail et de mon penchant spontané pour la marche. Pour marcher, il est plus simple d’avoir des pieds et l’arthrose de mes deux gros orteils avait été à nouveau confirmée par un cliché radio. Mais, aujourd’hui, il n’existe pas de réparation de l’arthrose. Les principales solutions- temporaires- consistent en des infiltrations, des soins locaux de confort (froid, antalgiques divers), le repos, la diminution ou l’absence de toute pratique qui privilégie les impacts pour les pieds. Du côté de la chirurgie, il y a bien l’arthrodèse mais je m’y oppose. Et, je n’ai plus envie de m’entourer les pieds avec de l’élastoplaste afin de protéger mes gros orteils par syndactylie.
Je pouvais donc être exposé par moments à une certaine douleur et je devais faire attention en revenant aux 24 heures du Samouraï. Pourquoi m’imposer ça ?
J’ai commencé à m’inspecter. Et à m’injecter des pensées dans lesquelles je me disais que les Arts Martiaux sont pour moi un essai de virilité, pour me la raconter ou me rassurer en tant qu’homme. Mais aussi que mon attrait pour les Arts Martiaux reposait sur une admiration puérile que j’avais conservée depuis les films de Bruce Lee. Et que, dans les faits, c’était plus le spectacle des Arts Martiaux et les films réalisés à leur sujet (de Bruce Lee à Jackie Chan en passant par The Blade et tous les films asiatiques ou non s’y rapportant) qui m’avaient fait entrer dans une fantasmagorie fantastique, divertissante et captivante qui m’avaient donné envie de croire que je voulais en faire partie. Alors que, « pour de vrai », ce que je voulais vraiment, c’était rester tranquillement à la maison pour regarder des films, des combats ou des spectacles d’Arts martiaux et en parler ensuite, fasciné.
On s’aime comme on peut. Et, sans me haïr forcément, je peux être assez exigeant envers moi-même. Mais peut-être moins que le pneumologue qui m’avait bien fait sourire trois jours avant les 24 heures du Samouraï.
L’année dernière, j’avais participé aux 24 heures du Samouraï avec une contracture musculaire à la cuisse. Mon kiné m’avait déconseillé d’y participer :
« C’est comme jeter une pièce en l’air… ».
Ce mercredi, trois jours avant Les 24 heures du Samouraï édition 2024, je revoyais le pneumologue car, en novembre 2023, j’ai fait une embolie pulmonaire assez grave. Grave aussi parce-qu’il s’était passé deux semaines entre le moment où j’avais consulté la première fois (parce-que je me sentais anormalement essouflé avec une douleur costalepersistante côté droit) et le moment où le (bon) diagnostic a été fait.
Mais grave, aussi, parce-que le pneumologue n’arrive pas à comprendre comment, moi, qui « n’ai pas le profil », j’ai pu faire une embolie pulmonaire :
Je ne fume pas. Je bois très peu d’alcool. Je suis plutôt sportif. Je n’ai pas de cancer. Je n’ai pas eu d’affection grave ou récente. En résumé, je suis ce que l’on appelle une personne en bonne voire en très bonne santé.
Mercredi, je faisais donc de mon mieux pour rassurer le pneumologue. On appelle ça, la transparence. Il se demandait s’il arrêtait de me prescrire les anticoagulants. Il n’avait pas d’argument pour les maintenir au vu de mes résultats. Mais il hésitait. Ça se voyait.
Alors, je l’ai aidé. Je lui ai parlé de mon projet de prendre l’avion au mois de juillet pour partir au Japon. Aussitôt, le pneumologue m’a répondu :
« ça n’est pas logique d’arrêter un traitement anti-coagulant quelques jours avant un vol long courrier ..».
Je comprenais sa logique même s’il est à mon avis beaucoup trop anxieux. Mais si je suis optimiste, je ne suis pas pneumologue.
Aussi, je lui ai donné un petit coup de pouce supplémentaire :
Je lui ai parlé des 24 heures du Samouraï auxquels j’allais participer trois jours plus tard.
Le pneumologue ne savait pas ce que c’était. Je lui en ai expliqué le principe :
Pendant vingt quatre heures, des experts en Arts Martiaux interviennent et on peut participer au nombre de séances que l’on veut. Ce n’est pas une compétition.
Il m’a demandé où ça se passait. J’ai cru qu’il allait être nécessaire que je lui situe la ville d’Herblay sur une carte. Ce n’était pas par envie de sa part d’y participer. J’ai plutôt eu l’impression de lui parler d’un événement d’un autre monde.
Même s’il portait un masque anti-Covid (il consulte dans un hôpital parisien de l’AP-HP), j’ai bien vu dans les yeux du pneumologue qu’il aurait presque pu se cogner le front contre son bureau devant ce que je lui disais. Moi, je lui parlais projets et perspectives. Lui, il était conditionné pour penser en termes de risques pour ma santé.
Parfaitement synchrone avec sa mécanique mentale inquiète, le pneumologue m’a parlé des risques d’hémorragie en cas de coups ou de blessure lors de la pratique durant ces 24 heures du Samouraï. Puisque je suis sous anti-coagulants depuis six mois.
Une hémorragie à la suite d’un coup ou d’une blessure est bien-sûr une possibilité. Mais, pour moi, ce n’est pas une fatalité.
Sans que le pneumologue s’en aperçoive, et bien qu’il me soit plutôt sympathique, son anxiété excessive lui donnait un caractère implacable. L’inquisition n’était pas très loin.
Puisque nous étions là « pour parler » et que le pneumologue s’appliquait à me démontrer et à m’expliquer, de manière éducative, les risques hypothétiques ou probables que j’encourais, j’ai fini par lui dire en toute décontraction :
« Mais lorsque je me rends régulièrement à mon travail à vélo, j’ai bien plus de risques de me faire percuter par une voiture -ou un (e) autre cycliste-. Je ne vais pourtant pas arrêter de faire du vélo pour cette raison ».
Le pneumologue s’est alors dépêché de modérer ses ardeurs anxieuses. Il m’a néanmoins laissé sous anti-coagulants en diminuant la dose. Il m’a prescrit un scanner et une scintigraphie. Il m’a dit que si ces examens étaient normaux, qu’il envisagerait d’arrêter les anti-coagulants. Autrement….
Alors que j’écris cet article quelques jours après les 24 heures du Samouraï, tout va bien. Le partenaire, lors des 24 heures du Samouraï, qui m’a donné un mauvais coup malencontreusement a d’abord été embarrassé bien qu’ignorant de l’épouvante magnitude 6 qu’il aurait pu provoquer chez le pneumologue. Mais je peux dire que je suis reparti des 24 heures du Samouraï avec uniquement une certaine fatigue, compréhensive, pour principal « désagrément ».
Et puis, un mauvais coup ou deux en s’entraînant, cela peut arriver. Afin de se préserver, il faut d’abord s’assurer que l’on se rend sur un tatami avec l’état d’esprit adéquat et que les autres en face sont dans le même état d’esprit.
Je ne suis pas venu aux 24 heures du Samouraï en me disant que j’allais tout (me) casser et devenir champion du monde. Les experts invités et, d’abord, les organisateurs de cet événement, sont aussi sur cette ligne. A partir de là, organisateurs et experts attirent à eux un public qui, à plus de 90 %, leur ressemblent. Je me rappelle encore de celui avec lequel j’avais pratiqué un peu de Ju-Jitsu brésilien au début des années 2000. Je venais alors d’un autre club où j’avais fait l’expérience du judo pendant une dizaine d’années avec Pascal Fleury comme prof.
Mon prof de Ju jitsu-brésilien était un très bon prof, un très bon pratiquant. J’ai de très bons souvenirs des quelques combats d’entraînement que j’ai pu faire avec lui au sol.
Mais mon prof de Ju-jitsu brésilien- qui s’entraînait tous les jours- aimait trop la baston. Il était chaud pour se battre n’importe quand. Il y prenait son pied. Cela transparaissait dans ses propos. Et, nous étions aux débuts de la médiatisation du MMA, de l’enthousiasme qu’il y avait à propos des combats Ultimate et des frères Gracie. C’était désormais « ça » qui faisait fantasmer ou une personnalité comme celle du boxeur Mike Tyson qui détruisait ses adversaires.
Celle ou celui qui aime la baston ou qui a absolument besoin de se prouver quelque chose au travers de la baston finit plus ou moins par se trouver directement ou indirectement enfermé dedans comme dans une prison. Et, mon prof de Ju-Jitsu brésilien avait dans son cours au moins un ou deux mecs (de moins de trente ans) qui s’y croyaient parce-qu’ils ne croyaient en rien d’autre en dehors du Ju-Jitsu brésilien. Et, d’abord, parce-qu’ils croyaient très peu en eux-mêmes. Et puis, j’arrivais aussi avec ma ceinture marron de Judoka et sans doute aussi que je transportais avec moi une certaine assurance. J’étais plus jeune. Plus physique. Plus explosif. En meilleure condition. Je me souviens m’être plus blessé durant cette année où j’avais pratiqué le Ju-jitsu brésilien qu’en dix ans de Judo où il m’était pourtant arrivé de me blesser.
On peut avoir besoin de rehausser son estime de soi au travers d’un sport ou d’un Art martial. Beaucoup d’expériences, de rencontres ou de découvertes faites lors de la pratique d’un Art martial, d’un sport de combat (ou autres) sont susceptibles de nous aider à nous révéler à nous-mêmes certaines de nos compétences en termes de combat.
Mais lorsque l’on en arrive à toujours avoir besoin de se démarquer ou d’écraser toutes celles et tous ceux que l’on trouve devant soi sur un tatami ou dans un ring, c’est problématique. Ou cela le deviendra. En MMA, on le voit avec les excès d’un Conor McGregor. Et, dans une autre discipline, j’ai l’impression que l’ancien champion du monde automobile Michael Schumacher doit son tragique accident de ski au même genre d’excès. Dans ce besoin constant, névrotique ou suicidaire, de prouver ou de se prouver que l’on peut être meilleur ou plus fort que les autres ou que l’on peut toujours franchir et dépasser les limites qui effraient ou font fuir le reste du monde. Alors que ce qui nous pousse à agir de la sorte, c’est souvent notre terreur de la mort ou de notre anéantissement.
J’ai de l’admiration pour Georges St Pierre, dont j’ai aimé le livre Le Sens du combat car c’est non seulement un très grand champion (et reconnu comme tel de manière assez unanime) mais aussi un combattant plutôt qu’un bastonneur :
Il n’a pas besoin de parader ou de rappeler tout le temps son palmarès.
Mais cette introduction a beaucoup empiété sur le récit des 24 heures du Samouraï, édition 2024. Je la crois nécessaire afin de donner une « conscience » à cette expérience des 24 heures du Samouraï. Afin de ne pas résumer cette expérience à de la prouesse martiale ou physique. Mais je comprendrais que cette introduction soit vue comme la partie la plus ennuyante de l’article.
Je n’ai pas fait beaucoup de recherches mais j’ai l’impression que les 24 heures du Samouraï sont actuellement un événement unique en France. S’il existe des stages ou des rencontres d’experts ou de Maitres d’Arts Martiaux en France et dans le monde, je crois que, seul, en France, l’événement les 24 heures du Samouraï permet de rencontrer autant d’experts et de Maitres d’Arts martiaux et de pratiquer sous leur conduite dans ces conditions. Il s’agit donc d’une expérience unique et qui, pour, l’instant, reste annuelle. Peut-être qu’un jour, l’événement deviendra-t’il semestriel. Car si les Arts martiaux dits traditionnels connaissent une désaffection grandissante, ils persistent et ont leur public. Et les 24 heures du Samouraï, dans la continuité du magazine Yashima, à nouveau proposé à la vente lors de l’événement, accueillent aussi d’autres pratiques martiales connotées comme « moins traditionnelles ».
C’est ainsi que, par exemple, cette année comme l’année dernière, est intervenu un expert en Penchak Silat ( Alvin Guinanao cette année, Ronan Datausse l’année dernière) . Ou qu’un autre, David Pierre-Louis, expert en grappling et en Ju-jitsu brésilien, assez proche de la sphère MMA, était intervenu l’année dernière.
Je ne serais pas du tout étonné si l’année prochaine, intervenait (ce serait « bien ») Richard Douieb, référence du Krav Maga ou un représentant de cette discipline.
J’aimerais aussi, que les 24 heures du Samouraï propose une ou deux expertes. Mais je me doute que les organisateurs de l’événement sont bien plus au fait que moi de la difficulté qu’il y a à trouver une experte (ou deux) qui réponde à leurs critères dans un univers où la plupart des experts sont encore plus souvent des hommes que des amazones.
Cette année, chaque séance a duré deux heures au lieu d’une heure quinze l’année dernière.
Au « menu », nous avions Sensei Seisuke Adanyia, pratiquant du karaté Shorinryu ; Sifu Didier Beddar pour le Kung Fu Wing Chun ; Alvin Guinanao pour le Penchak Silat, Raphael Couet pour le Hapkido ; Ludovic Rallo pour la Luta Livre ; Ben Boehli pour le Taekwondo ; Erwan Cloarec pour le Xingyiquan ; Nicolas Lorber pour le Shinjukai Karatedo ; Léo Tamaki pour l’Aïkido et pour finir Romain Anselmo pour le karaté Kyokushinkai.
Les 24 heures du Samouraï permettent de découvrir des Maitres et des experts dont je n’avais jamais entendu parler. Sensei Seisuke Adanyia fait partie, pour moi, de ces « inconnus ». Arrivé en retard, j’ai assisté à une partie de sa séance et j’y suis resté étranger.
Mais j’ai été marqué par sa façon de souligner l’importance de marcher d’une certaine façon dans la vie de tous les jours afin de pouvoir être prêt en cas d’attaque.
Après avoir reconnu Virginie, l’assistante de Sifu Didier Beddar, cela m’a fait de l’effet de voir celui-ci quelques mètres plus loin en train de faire des abdominaux, derrière le grand rideau, quelques minutes avant son intervention. C’est ce que l’on appelle donner l’exemple.
Sifu Didier Beddar nous a donné une séance où j’ai eu l’illusion, comparativement à l’année dernière, d’être plus à l’aise.
J’ai eu l’impression que le Kung Fu Wing Chun, c’est d’abord une très bonne garde qui limite beaucoup la possibilité des coups de poing. Et, là, on entre dans le sujet des systèmes. Chaque Art martial et chaque type de combat est un système. Un système de gestes, un système de pensées. Et le combattant, c’est celui qui apprend à maitriser et à développer le mieux possible son propre système de combat afin de piéger dedans son adversaire. On le comprend facilement en regardant Sifu Didier Beddar nous faire ses démonstrations. Il fait penser à un marionnettiste. Et, évidemment, la marionnette, c’est la personne qui lui fait face.
S’exprimant en Anglais, Alvin Guinanao a peut-être beaucoup parlé et beaucoup fait d’humour mais on a bien vu qu’il avait son Penchak Silat chevillé au corps.
J’ai aimé chez lui, comme chez d’autres, le fait qu’il ait sa perception personnelle de son système de combat. Il ne se contente pas de le répliquer. J’ai aussi aimé le fait qu’il souligne que certaines postures de combat du Penchak Silat proviennent de certains modes de vie spécifiques à la culture du pays d’origine du Penchak Silat : on peut adopter un style de combat particulier mais il faudra aussi assimiler qu’il peut nous être impossible de bouger exactement comme certains de nos modèles. Notre corps et l’histoire que nous avons avec lui nous offre certaines possibilités que la pratique d’un Art martial (ou une autre discipline) peut nous permettre de découvrir et de développer. Mais notre corps a aussi ses limites culturelles comme physiques.
Bien qu’il soit sympathique, ces deux heures avec lui ont été magistrales pour comprendre que le hapkido, ce n’est pas pour les rigolos. Je l’avais déjà saisi l’année dernière où la séance m’avait déjà beaucoup plu. Mais on était ouvertement, comme déjà avec le Penchak Silat, dans un Art martial de destruction.
Si le Penchak Silat et le Hapkido me sont apparus comme des axes de destruction, la Luta Livre, avec Ludovic Rallo, elle, était , finalement, assez proche du Kung Fu Wing Chun, pour cette façon de coller à l’adversaire, de le suivre et de le retourner. Alors qu’au travers du Penchak Silat et du Hapkido, on cisaille, on casse, on fracasse et on percute, en luta Livre, on danse, on projette, on anesthésie et on finit par étrangler, par immobiliser ou par casser une corde ou une articulation chez l’adversaire. Fatigué bien qu’il ne soit que 21H30, j’ai assisté à toute la séance. La Luta Livre m’a fait penser à un mélange de Lutte de sumo, de judo, de ju-jitsu brésilien. Ludovic Rallo m’a semblé particulièrement affûté d’un point de vue gymnique.
Décidément trop fatigué, j’ai opté pour aller me reposer une heure trente après le début -à minuit- de la séance de Taekwondo de Ben Boehli. Mais j’ai aimé que celui-ci insiste pour que le travail se fasse en qualité sans recherche de la vitesse.
J’étais de retour pour l’intervention d’Erwan Cloarec. Et très intrigué. Auparavant, je m’étais douché et j’avais bénéficié de vingt minutes de shiatsu.
A 2h30 du matin, j’ai beaucoup aimé la simplicité d’Erwan Cloarec, sa modestie, son humour et son autodérision. Alors que ce qu’il nous a montré et fait pratiquer était aussi ardu que le Tai Chi Chuan démontré l’année dernière par Sifu Didier Beddar.
A 5h du matin, je n’ai pas été réceptif au début de la séance de Nicolas Lorber. Et, comme je me sentais à nouveau fatigué, je suis reparti faire un tour dans mon sac de couchage pendant 1H30 à nouveau.
« La puissance vient de l’intérieur, l’imperceptible, vient des extrémités ».
Il était entre 7h30 et 9h30 quand j’ai entendu cette phrase et l’on se serait presque cru dans un débat télévisé de l’émission Droit de réponse avec Michel Polac. Je restitue ça avec humour mais cette remarque m’a beaucoup plu.
J’ai beaucoup aimé, aussi, le fait que Léo parle de « l’autre » ou de l’adversaire, comme d’une personne qu’il ne faut pas déranger et laisser dans son élan tout en s’effaçant, pour, bien-sûr, ensuite, le maitriser.
C’est encore Léo, je crois, qui a parlé de l’agresseur comme étant une proie. Cette inversion de pensée m’a aussi plu. De voir celle ou celui qui agresse comme étant la proie que l’on attend, finalement.
J’étais peu attiré par le karaté Kyokushinkai que je voyais surtout comme un karaté très dur et j’y suis vraiment allé pour voir. Lors de l’événement, j’avais discuté avec un adepte de cette forme de karaté qui ne croyait pas au combat au sol. J’ai compris que, pour lui, être au sol, signifiait être mort ou vaincu. Je n’ai pas pensé à lui parler des frères Gracie.
Ce jeune pratiquant ( ceinture noire) s’est aussi montré étonné et admiratif devant le fait qu’à mon âge, bientôt 56 ans, je me sois décidé à commencer le karaté ( le karaté Shotokan où je suis ceinture jaune). Sa remarque m’a étonné. Un quart de siècle nous séparait.
Je crois attacher moins d’importance à ma ceinture jaune que certaines personnes qui la voient. Parce-que je ne cours pas après la ceinture noire mais plutôt après l’expérience. Ou, plutôt, après la conscience. Mais c’est peut-être une excuse de vieux pour masquer sa diminution et sa faiblesse physique.
Il y avait d’autres quinquagénaires dans le dojo. Même si la moyenne d’âge des pratiquantes et pratiquants devait se situer dans les 35-40 ans. Il y avait même deux ou trois jeunes pré-adolescents parmi nous.
J’ai été agréablement surpris par la séance de karaté Kyokushinkai. Crier des Kiaï et apprendre à donner des Low Kick un dimanche matin après plusieurs heures de pratique martiale, je suis volontaire.
Les séances de deux heures, entrecoupées de pauses de 15 à 30 minutes, ont rendu plus faciles, je crois, le fait de se reposer entre deux séances, si on le souhaitait. Cependant, cela imposait aux intervenants de savoir maintenir l’intérêt des participants. Pour cela, certains horaires étaient plus délicats que d’autres. Mais j’ai l’impression que, dans l’ensemble, les experts sont parvenus à faire oublier ces deux heures.
Pour le mental et pour ma santé physique, les 24 heures du Samouraï m’ont été bénéfiques. Ils m’ont permis de me faire une idée plus précise de mon état de santé général. Je n’ai pas eu de problème particulier. J’ai participé à six interventions sur dix. Ce qui me convient. Je trouve que cela m’a bien préparé pour le Masters Tour en Juillet. J’ai eu quelques discussions. J’ai à nouveau fait des photos.
J’ai aussi à nouveau beaucoup apprécié que l’on nous remette en arrivant ce sac qui contient une bouteille d’eau minérale de 1,5 litre, une pomme, une banane et une orange ainsi que le service restauration qui nous propose à un tarif très fréquentable de quoi très bien manger.
A l’image de l’année dernière, durant ces 24 heures, j’ai choisi de rester dans le dojo pendant toute la durée de l’événement et mon téléphone portable était éteint la plupart du temps.
La suite de cet article se fera en principe avec le Masters Tour de cet été et quelques uns des organisateurs et participants présents lors de ces 24 heures.
Les 24 heures du Samouraï au dojo d’Herblay ce 20 et 21 Mai 2023, 2ème édition
Chevrotine peut-être cinglée, ce samedi 20 Mai 2023, je traçais depuis quelques minutes sur l’autoroute A15 lorsque, malgré toute l’attention préalable portée à mes préparatifs, je me dis que j’aurais peut-être dû, finalement, la veille, acheter deux nouveaux kimonos plutôt qu’un seul. J’allais tourner avec deux kimonos lors de ces 24 heures du Samouraï. ( Avant les 24 heures du Samouraï au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 mai 2023).
Nous étions plus de deux cents ce week-end pour cette deuxième édition des 24 heures du Samouraï au dojo d’Herblay. Soit, à bien y repenser aujourd’hui, à peine un petit peu moins de personnes qu’il n’y en aura lors du concert de Beyoncé qui se déroulera demain soir au stade de France, ce vendredi 26 Mai 2023.
Pour pratiquer dans notre couvent martial situé dans le Val d’Oise, nous avons troqué nos vêtements ordinaires et civils pour des amas de kimonos majoritairement blancs faisant de nous des volontaires pour cet événement…peu ordinaire. Mais l’état d’esprit, plus que la couleur, le « niveau » d’expérience, la discipline martiale ou de combat pratiquée, ou le grain de la tenue vestimentaire, a été, ici, ce qui importait.
Débutant(e)s comme chevronné(e)s, élèves ou Maitres, femmes ou hommes, adolescent(es) ou vétérans, marcheurs ou en fauteuil roulant, issus du Karaté, du Systema, du Penchak Silat, Ju Jitsu brésilien, de l’hapkido, de l’Aïkido, du Wing Chun, du Tae Kwondo ou de toute autre expérience martiale ou de combat ont été acceptés une fois le droit d’entrée acquitté. Pour moi, le tarif solo avait été de 85 euros en prévente.
Dans ce « couvent » resté ouvert entre ciel et terre et souhaité comme tel, c’est en passant par la porte d’entrée principale que nous avons tous empruntés, qu’un peu avant midi, ce samedi 20 Mai 2023, une représentante de l’Etat est venue nous saluer, nous encourager et aussi nous apprendre qu’elle avait vu ce dojo sortir de terre plusieurs années auparavant.
Lors de la création de ce dojo, certaines et certains des personnes qui ont participé à ces 24 heures du Samouraï ce week-end étaient déjà nées, d’autre pas. Et l’on peut souhaiter que d’autres qui naîtront après cette deuxième édition vivront un jour cette expérience. Qu’elles et qu’ils proviennent de Tours, de Toulon, de Limoges, de Normandie, de Bretagne, de Belgique, de l’Est de la France, du Mexique, de l’île de France ou d’ailleurs comme cela a été le cas ce week-end.
L’équipe organisatrice (constituée de bénévoles fédérés par Tanguy Le Vourch, Issei Tamaki et Léo Tamaki) de ces 24 heures du Samouraï avait tout prévu :
Rappelons d’abord que deux à trois jours avant le début de « l’étape » de ces 24 heures du Samouraï, un mail avait été envoyé aux participantes et participants les informant qu’il était prévu un certain retard sur la ligne J de train reliant Paris à la gare d’Herblay (environ 25 minutes dans les conditions normales). Ce mail mentionnait l’heure du début des inscriptions fixé à 10h45 pour une cérémonie d’ouverture à 11h45. Et recommandait de prévoir son sac de couchage, un oreiller, son nécessaire de toilette, mais aussi de s’hydrater régulièrement.
A son arrivée, chaque participant (e ) après s’être acquitté(e) de son droit d’entrée a reçu un sac en carton à l’effigie de l’événement contenant une bouteille d’eau minérale, une banane, une pomme et une canette de coca-cola. Une carte lui a également été remise. Celle-ci allait lui permettre de faire tamponner chacune de ses implications aux ateliers animés par dix experts. Après avoir participé à quatre ateliers, la participante ou le participant obtenait un bracelet avec une couleur correspondant à son nombre d’expériences martiales vécues.
Lors de ces 24 heures du Samouraï, 16 ateliers d’une heure quinze chacun furent proposés avec, en moyenne, quinze minutes de pause durant l’intervalle.
Dans le dojo suffisamment grand (750 mètres carrés ?), des vestiaires, des douches et des toilettes sont disponibles facilement et gratuitement. Un service de restauration propose à un tarif très abordable de la nourriture de qualité ou faite main (2 euros une part de quiche lorraine, autant pour un bol contenant quatre ou cinq portions de pastèque…). Une équipe de pratiquants de shiatsu est repérable sur une partie du tatami et opère à titre gracieux. Des ostéopathes et des infirmières sont présents sur l’événement. Une petite salle est réservée à l’aire de repos. Quelques bokken et bâtons peuvent être prêtés à celles et ceux venus les mains nues.
Trois musiciens traditionnels faisant partie d’une association parisienne font résonner leur voix et leurs tambours lors de certains moments de l’événement.
Une ambiance musicale de circonstance et humoristique est entretenue à la fin de chaque intervention au moment de la séance de photo du groupe de participants entourant l’expert (Opération Dragon, Kill Bill, la série Kung Fu, Highway to hell d’AC/DC et d’autres références….).
Une équipe de bénévoles, pratiquant aussi lorsqu’elle le peut, permet de se sentir bien accueilli, contribue à nous donner des repères, et assure, aussi, le très bon déroulement de ces diverses séquences.
L’intrigue et les « excuses » de l’année dernière concernant les 24 heures du Samouraï
L’année dernière, quand je pris connaissance de la première édition des 24 heures du Samouraï à Nantes, je fus d’abord intrigué.
Je me suis demandé comment, en passant 24 heures à pratiquer des Arts martiaux ou des disciplines de combat, on pouvait véritablement y prendre plaisir. Je percevais plus ça comme de la surconsommation et de la frénésie à l’image de ce mode de vie et de ces millions d’images par secondes dans lesquels nous sommes régulièrement immergés et reclus.
Mais il était déjà trop tard pour participer. Et puis, Nantes, c’était « trop loin » pour moi.
Par contre, pour Herblay, je n’avais aucune excuse.
Herblay est la ville où j’ai véritablement découvert le monde du travail dans un service de nuit, dans lequel je travaillais seul, douze heures durant. La personne qui m’avait recruté pour ces vacations de nuit ne m’avait pas prévenu. J’avais vingt ans. Je n’avais pas le choix. J’avais besoin de commencer à gagner ma vie. A l’époque, je n’avais pas le permis de conduire et je prenais le train depuis chez mes parents. Cela me prenait environ 45 minutes pour faire le trajet et en marchant un petit peu depuis la gare d’Herblay. En prenant des trains gris qui me faisaient penser à des trains de Blues.
Depuis, j’ai quitté mes parents. J’ai déménagé. J’ai un emploi fixe dans lequel je travaille de jour comme de nuit. Je me suis marié. Je suis devenu père. Et, j’ai même appris à conduire une voiture. La gare de Herblay est désormais à moins d’une vingtaine de minutes en train par la ligne J depuis chez moi. Et, me rendre en voiture au dojo d’Herblay depuis mon domicile me prend à peu près autant de temps.
Sans le faire exprès, en me rendant aux 24 heures du Samouraï, malgré la technologie de guidage aujourd’hui présente sur tous nos smartphones, je me suis un peu trompé d’itinéraire ce samedi à un moment donné. Et, pour retrouver ma route vers le dojo d’Herblay, pour la première fois depuis à peu près trente ans, je suis repassé devant cet établissement où, à 20 ans, j’avais commencé à découvrir le monde du travail ainsi que le travail de nuit en 19h/7h.
Je suis aussi allé à cette deuxième édition des 24 heures du Samouraï par curiosité.
Durant ces 24 heures, j’ai pratiqué avec plus d’une vingtaine de participants et participantes. J’ai d’ailleurs reconnu deux ou trois personnes que j’avais croisées quelques mois plus tôt au Centre Tissier, à Vincennes, lors du stage animé par Hino Akira Sensei et organisé par Léo Tamaki.
Certains des pratiquants que j’ai rencontrés lors des 24 heures du Samouraï (comme moi pour elles et eux) ont parfois voulu savoir ce que je pratiquais.
Je me suis étonné à chercher mes mots et à avoir un peu de mal à répondre.
Officiellement, je suis un très jeune et sporadique élève (depuis l’année dernière) de Jean-Pierre Vignau, Maitre en karaté Shotokan. J’ai aussi pratiqué le judo avec Pascal Fleury, aujourd’hui 6ème ou 7ème Dan de Judo, il y a plus de vingt ans.
Cependant, aujourd’hui, je crois être moins cloisonné qu’il y a plusieurs années.
Lors de ces 24 heures du Samouraï, j’ai dit que je faisais du karaté pour répondre quelque chose. Mais je crois que je suis moins dans cette « limite ».
« Avant », je me cantonnais à une discipline et j’étais presque fier de m’emmitoufler dedans. Dans cette croyance et cette certitude que « ma » discipline était la meilleure.
Bien-sûr, on a compris que c’était surtout moi qui, une fois que je marchais sur le tatami, me sentais meilleur que d’ordinaire. Une fois que je quittais kimono et tatami et que je retrouvais la vie courante, certaines difficultés de l’existence restaient insaisissables et résistaient terriblement à mes ippon.
Il y a plusieurs années, encouragé en cela par Pascal Fleury, mon prof de Judo, il m’était arrivé d’aller un peu au dojo d’été. Nous étions nombreux à être sur le tatami.
Un jour, un des intervenants dont j’ignore évidemment le nom – vu que, lorsque l’on estignorant, on l’est souvent à peu près jusqu’à l’infini– nous avait tenu un petit discours. Beaucoup de judokas ceinture noire étaient parmi nous.
L’ intervenant, très certainement ceinture noire de Judo et enseignant de judo, nous avait exhorté à apprendre, aussi :
« A donner des coups de poing et des coups de pieds ! ».
Ce jour-là, j’ai commencé à comprendre à quel point j’étais resté beaucoup trop collé au Judo qui était devenu pour moi l’équivalent d’un doudou.
Depuis, bien-sûr, j’ai aussi compris qu’apprendre à donner des coups de poing et des coups de pied pour simplement en donner est une application très limitée des Arts martiaux ou de toute discipline de combat.
Non sens, enfermement et perte de goût
Pour différentes raisons, aveuglement, fainéantise, facilité ou petites lâchetés, on apprend très vite à croire que nous devons ou pouvons rester recroquevillés, enchevêtrés, enfermés et cadenassés, dans un seul « style », une seule attitude et tournure d’esprit. Et que cette seule expérience suffira à nous offrir le reste de l’univers et ce dont nous rêvons ou avons besoin dans notre existence. Comme si l’Art Martial ou la discipline de combat que nous pratiquons était notre lampe d’Aladin.
Je crois donc que je suis allé à ces 24 heures du Samouraï aussi pour me « soigner » un peu en quelque sorte de cette maladie de l’enfermement qui me captive et que je cultive passivement ou très activement. Consciemment ou inconsciemment, voire, souverainement. Et, cela, dans le plus grand calme ainsi qu’avec une certaine maitrise ou une maitrise quasi-totale.
Je « connaissais » ou avais croisé deux ou trois de ces experts. Mais je savais que c’était une très bonne occasion que de les rencontrer en aussi grand nombre, de façon aussi rapprochée, dans un temps limité et concentré. Car je le « sais » aussi, maintenant :
Tous ces experts sont souvent très occupés ainsi que passionnés par leur Art comme a pu le souligner Léo Tamaki à la fin de ces 24 heures du Samouraï. C’est donc une chance et une très grande et une très belle opportunité que d’avoir pu les approcher ou leur parler.
A partir de ces quelques raisonnements, payer 85 euros, cela se justifiait facilement. Passer 24 heures à pratiquer, aussi. Pour aller au concert de Beyoncé ce week-end, le prix des places démarrait à 79,60 euros pour monter jusqu’à 200 euros.
Il ne reste désormais plus de places pour ce concert de Beyoncé sans doute depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois. A moins de pouvoir recourir au système D : acheter des billets sur place le jour même ou sur internet s’il est possible d’en trouver. Toutefois, car il faut bien savoir se changer les idées de temps en temps, si l’on tient à profiter de ce concert du Renaissance World Tour de Beyoncé, on peut aussi se rabattre sur les places au salon VIP Cocktail. Il en reste. Il semble qu’elles aient été mises en vente récemment. Le prix par personne hors taxe est de 699 euros et de 838.80 euros TTC, une « ambiance festive » et « un cocktail dinatoire » sont inclus. Il faut savoir vivre avec son temps.
J’aurais bien-sûr aimé pouvoir aller découvrir Beyoncé en concert au stade de France. Mais j’aurais eu- aussi- beaucoup de mal à lâcher l’équivalent de cent euros pour aller assister de loin à un concert en étant aussi éloigné d’un(e) artiste sur scène. Même si je suis certain que l’organisation technique du concert de Beyoncé est exemplaire voire unique. Et que son concert sera vraisemblablement un très grand spectacle.
La normalité, c’est être raisonnable, mais aussi presque tout faire pour oublier que l’on va mourir. Et, entre les deux, éviter certaines aventures car elles exposent à des risques et demandent certains efforts qui paraissent hors normes ou impossibles.
Sans doute ai-je été un tout petit déraisonnable de comparer les experts martiaux de ce Week-end à Beyoncé. Car, comparer des experts en Arts Martiaux ou d’une discipline de combat à une chanteuse américaine sensuelle et rythmée, mondialement connue et presque milliardaire, cela pourrait irriter quelques personnes. Puisque certaines et certains sont capables de consacrer une partie de leur activité à se « clasher » par écrit, sur youtube ou sur un réseau social, sans jamais se rencontrer et sans véritablement prendre le temps de discuter, seulement parce qu’un commentaire publié sous une vidéo leur a déplu.
Pourtant, si aux 24 heures du Samouraï, lors de ce week-end, il y avait eu Jackie Chan, Jet Li ou Donnie Yen (présent dans le dernier John Wick 4 sorti au cinéma il y a plusieurs semaines) il est probable que le prix du billet aurait augmenté mais aussi que l’événement aurait attiré bien plus de public y compris parmi des non-participants. Ainsi qu’un public en partie différent. Imaginons un peu ce que cela aurait donné si Bruce Lee était encore vivant et qu’il avait été présent aux 24 heures du Samouraï. Ou une des vedettes actuelles de MMA…
Avant de me rendre aux 24 heures du Samouraï, je me suis demandé qui j’allais rencontrer parmi les quelques personnes que j’ai déjà pu croiser aux cours de Jean-Pierre Vignau (qui compte parmi ses élèves des fidèles de vingt ans ou plus), ailleurs ou parmi mes collègues de travail que je sais portés sur les Arts martiaux ou les sports de combat.
Hé bien, je n’y ai rencontré personne parmi mes connaissances. J’apprendrai sans doute plus tard que telle personne n’avait pas entendu parler de l’événement.
Je crois que la donne aurait changé s’il s’était trouvé un Jackie Chan, un Jet Li ou un Donnie Yen. Parce qu’un Jackie Chan, un Jet Li, un Donnie Yen ou une « star » de la boxe ou du MMA, cela pousse très facilement dans les agendas personnels.
Mais l’événement des 24 heures du Samouraï aurait alors pris une toute autre saveur. Car, Beyoncé au stade de France, c’est déjà une industrie. Economiquement, c’est très rentable. Car rien que le nom et l’image de Beyoncé « draguent » très rapidement des milliers de personnes. Beyoncé n’a pas de problème d’anonymat. Tout le monde ou beaucoup de monde sait très vite de qui il s’agit et elle ne fait pas encore partie de celles et ceux que l’on oublie. L’anonymat et l’oubli étant les signes avant coureurs fréquents d’une mort au moins sociale.
On peut aimer se retrouver dans un très grand stade comme dans certains jeux gigantesques. Cela permet aussi très facilement d’oublier notre anonymat en vibrant avec des centaines et des milliers d’autres. Mais le vécu n’est pas le même. La foule et le spectacle l’emportent complètement sur l’individu présent à l’événement.
Les 24 heures du Samouraï ont sûrement demandé beaucoup de travail et beaucoup d’énergie à l’équipe organisatrice. De façon déraisonnable et passionnée. « Mais » cela a été mis au service d’une expérience à taille humaine. Même si au dojo d’Herblay, ce week-end, j’ai compris qu’il y avait eu deux fois plus de personnes que l’année dernière à Nantes lors de la première édition (Plus de 200 contre 100 personnes), ce qui a été vécu avait assez peu de points communs avec un spectacle ou une certaine forme de divertissement. Même si certaines démonstrations ont pu être spectaculaires et que ces heures passées ont pu être divertissantes ou très divertissantes.
Du reste, l’équipe organisatrice des 24 heures du Samouraï l’avait bien rappelé :
Le but n’est pas de rester absolument sur le pont durant 24 heures. Mais d’être dans l’ambiance de l’événement. Que ce soit en se reposant lorsque l’on en éprouve le besoin, en allant se faire masser, en partant se restaurer ou en discutant avec d’autres personnes venues vivre cet événement.
Et, à la fin des 24 heures du Samouraï, lorsque Léo Tamaki prendra la parole devant nous tous, en présence des experts présents, ce sera aussi pour nous dire qu’ils ont créé cet événement car, plus jeunes, ils auraient aimé qu’un tel événement existe pour eux.
En y repensant, ces 24 heures ont leur intérêt pour au moins deux autres raisons :
Une expérience, pour qu’elle soit marquante, doit avoir un effet suffisamment durable. Pour cela, il faut qu’elle soit suffisamment intense et qu’on l’ait vécue un certain temps.
On pourrait ajouter la nécessité de la répétition de l’expérience pour que celle-ci nous marque. Pour contrecarrer ou renouveler, un peu, notre expérience de notre vie quotidienne, il nous faut bien un événement qui nous sorte de ce que nous avons l’habitude de faire ou de vivre dans la durée, en intensité mais aussi de ce que nous faisons d’habitude.
En « restant » 24 heures dans ce bain martial, en vivant sur place de façon quasi-autonome, pour peu que l’on se soit débranché de son téléphone portable et d’internet durant ces 24 heures (ce que j’ai fait), je crois que l’on peut entrevoir un aperçu de la vie des uchideshi. Et les bénévoles de l’événement, en particulier celles et ceux qui ont pratiqué par ailleurs lors des 24 heures du Samouraï (en grande partie, j’ai l’impression, des élèves de Tanguy Le Vourch, Issei et Léo Tamaki) se sont ainsi mis dans les sillons des uchideshi.
Impressions
24 heures, cela peut sembler long ou très long. Pourtant, les 12 premières heures sont passées très vite.
Pour ma part, lors de ces 24 heures du Samouraï, il y a eu des interventions qui sont passées rapidement ou plus rapidement que d’autres. Et, deux ou trois autres, lors desquelles j’ai dû fournir plus d’efforts afin de maintenir mon attention et mon implication. Et où le temps m’est apparu plus long.
Je crois que certaines disciplines nous flattent plus facilement parce-que leurs gestes sont plus proches de nous et sont plus rapides à « obtenir » mais aussi à répéter. Mais aussi parce qu’elles nous semblent directement et visiblement plus « efficaces ».
Je crois que nous avons cette sensation parce-que ces disciplines reposent sur des actions musculaires et explosives assez simples et qu’elles nous donnent le sentiment d’être aussi puissants que des taureaux ou des machines.
Par contre, lorsque cela devient plus subtil, qu’il nous faut sentir certaines poussées ou certaines forces plus profondes, contradictoires ou plus intimes peut-être, cela nous demande des efforts auxquels nous ne sommes pas habitués ou qui nous dérangent parce-que cela nous demande plus de temps ou plus de maturité émotionnelle peut-être.
Ces disciplines présentées devant nous durant ces 24 heures reposent sur beaucoup de fondements communs. Mais leurs formes et leurs présentations sont différentes. Et c’est ce qui va nous attirer, nous barber, nous décourager ou nous repousser.
J’ai bien vu comment nous étions un certain nombre à être à la peine lors des interventions de Didier Beddar que ce soit en Kung Fu Wing Chun ou en Tai Chi.
J’étais alors l’équivalent d’un lourdaud saccadé, bruyant et poussif qui saccageait l’espace autour de lui alors que j’essayais seulement de marcher tandis que Didier Beddar et ses assistants étaient des ballerines pleines de grâce.
Lorsque j’avais débuté le judo il y a quelques années, j’avais eu la gratification assez immédiate de « réussir ». Le Kung Fu et le Tai Chi m’ont fait exactement l’effet inverse. Malgré leur intérêt évident, ils m’ont adressé un reflet de moi-même peu valorisant.
J’ai aussi eu l’impression que l’enseignement de Didier Beddar fait particulièrement appel au Yin et au Yang, au féminin et au masculin, alors que dans le Penchak Silat, le Hapkimudo, le karaté ou dans le Sistema, on peut n’être « que » bourrin.
Ou « masculin ». Ou « viril ». Ou « macho ».
Arrivera un moment où passer en force finira pas nous limiter ou nous rigidifier mais on peut arriver à « y faire des choses » tout de suite et durant un certain temps. C’est efficace. Ou c’est plus saccadé. Plus heurté. Plus frontal.
C’est un peu comme, dans la pratique de l’apnée ou de la plongée, utiliser la méthode vasalva pour descendre en profondeur. On est très volontaire. On s’impose. C’est efficace jusqu’à une certaine profondeur ainsi que pendant un certain nombre d’années. Mais c’est aussi plus traumatisant pour l’organisme même si on ne le ressent pas tout de suite.
Lors des 24 heures du Samouraï, j’ai croisé un pratiquant qui a été un moment mon partenaire qui m’a dit qu’étant donné son âge, la cinquantaine, le karaté Shotokan commençait à être dur pour lui. J’ai compris que la brutalité qu’il s’imposait au travers du karaté shotokan depuis des années commençait à avoir raison de lui.
Jusqu’à maintenant, je n’avais pas pensé aux Arts martiaux comme une possible expérience ou réflexion sur le « genre » masculin et féminin, sur la façon de l’habiter de façon « masculino-viriliste » et/ou de façon « fémino-douce ». Bien-sûr, voir la féminité comme le versant de la douceur et la masculinité comme celui de la brutalité est un cliché. Mais ce sont des repères pour dire que s’obliger à faire ou à passer en force parce-que l’on est un homme lorsque l’on pratique est une erreur très commune. Et, j’ai trouvé que parmi les différents experts, Didier Beddar était celui qui incarnait le mieux ou le plus cette synthèse du féminin et du masculin dans son expression martiale. Expression martiale que je n’ai aucune difficulté à percevoir comme très efficace dans des conditions de combat.
J’ai pris quelques notes à la volée après certaines des séances auxquelles j’ai participé lors de ces 24 heures du Samouraï. C’était une façon, pour moi, de conserver des impressions que l’on oublie souvent par la suite.
J’ai beaucoup aimé les interventions de Kang Jong Lee, expert en hapkimudo. Ses formulations et son humour, aussi. D’ailleurs, les experts, lors de ces 24 heures du Samouraï, ont souvent su faire concilier l’humour avec leurs démonstrations ce qui a pu contribuer à désacraliser un certain niveau d’exigence.
J’ai été amusé de voir Kang Jong Lee avec son pantalon tendance pattes d’éléphant. Il y a sans doute une raison à cela. Mais je n’ai pas pensé à le lui demander. Je me dis que c’est peut-être une façon de dissimuler les déplacements de ses pieds.
Chez Kang Jong Lee, j’ai aussi noté sa formulation :
« Le monde a changé ».
Pour dire que lors d’un affrontement, la situation évolue très vite et que ce qui aurait pu marcher quelques secondes ou quelques dixièmes de secondes auparavant est devenu obsolète. Et qu’il faut s’adapter, trouver autre chose pour parvenir à la résolution du conflit.
« Accepter » a aussi été employé par Kang Jong Lee. Soit, au lieu de résister ou de forcer, de se servir ou de suivre l’action de l’autre.
Kang Jong Lee enseigne à divers endroits, entre autres au gymnase le Patriarche, rue Monge mais aussi dans le 16èmearrondissement, toujours à Paris.
Jérome Kadian, pour le systema, juste après Kang Jong Lee, m’a beaucoup fait plaisir lorsqu’il nous a parlé de la respiration. Depuis ma formation au massage bien-être et ma pratique amateur de l’apnée en club, je suis devenu assez sensible à ce qui touche la respiration. Ceinture jaune de karaté shotokan avec Jean-Pierre Vignau, donc niveau débutant, lors de certains mouvements de mes katas que je répète, je me sens gêné. Car je n’ai pas encore trouvé la bonne façon, le bon moment, pour respirer, expirer ou arrêter de respirer.
La respiration est l’acte le plus important et le plus profond que nous faisons. Pourtant son apprentissage fait partie des apprentissages les plus souvent négligés. Peut-être est-ce parce qu’en plus d’être un acte, la respiration est une fonction qui nous est « donnée » dès la naissance et qu’elle est automatique. Donc acquise.
J’ai aussi noté avec Jérome Kadian :
Expirer quand on reçoit un coup. Accepter le contact. Travailler sur les appuis. Pivot du bassin. Plier les genoux.
Lionel Froidure nous a expliqué qu’aux Philippines, ils ne parlaient pas de techniques mais de principes. Il a insisté sur la nécessité de se « bâtir une mémoire » lorsque l’on pratique. De prendre le temps d’apprendre à se servir d’une arme avant d’en découvrir une autre. De garder le contact avec son adversaire lors du combat.
« La peur, ça se travaille ».
L’Arnis m’est apparu très technique ou exigeant de moi des efforts certains d’apprentissage.
De 19h30 à 20h45, Didier Beddar est intervenu en expert Wing Chun.
« En Wing Chun, on travaille sur les réflexes ». Didier Beddar a souligné qu’il s’agissait de travailler relâché. Il a présenté le Wing Chun comme un Art « tout en déviations ».
Lorsque l’on est à distance de pied, contrôle visuel du genou de son adversaire. Lorsque l’on est à distance de poignet, contrôle visuel du coude de son adversaire.
Didier Beddar nous a parlé du triangle pour créer le déséquilibre chez l’autre. Il nous a aussi parlé du centre. Garder ou protéger notre centre. L’importance du contact physique permanent pour connaître le mouvement de son adversaire. Mais aussi de notre colonne vertébrale. La garder droite.
Avec l’Arnis, le Kung Fu Wing Chun m’est apparu comme l’autre discipline la plus technique à assimiler. C’étaient pour moi deux disciplines qui ne se donnent pas facilement en prime abord. Plus tard est arrivée la séance Taï Chi, le lendemain matin, avec Didier Beddar également. Et, là, j’ai parfois eu l’impression d’être dans une expérience métaphysique lorsqu’il nous a parlé de l’importance de garder ou de protéger notre centre mais aussi de la nécessité d’entraîner son adversaire vers le triangle.
Même si j’ai retenu grâce à Didier Beddar que le gros orteil est en quelque sorte l’appendice de la motricité et le petit doigt de pied, celui de la stabilité.
De 0h15 à 1h30, Ronan Datausse est intervenu comme expert en Penchak Silat. C’était assez « drôle », de manière décalée, de nous entraîner à une heure du matin à réaliser des torsions cervicales en cas d’agression.
Ronan Datausse nous a dit que nous devions imaginer que nous étions des araignées tissant notre toile autour de notre proie, notre agresseur qui, au départ, nous avait pris « pour un agneau ».
Ronan Datausse nous a appris qu’au départ, le Penchak Silat était un art de guerre appris par les Indonésiens qui ont des petits gabarits. Le Penchak Silat, originellement, est un art de destruction.
Ronan Datausse nous a aussi fait travailler les frappes multidirectionnelles. Cela m’a beaucoup plu.
Léo Tamaki est intervenu de 1h45 à 3 heures. Je n’ai plus rien noté à partir de ce moment-là mais je vais écrire de tête.
Ce créneau horaire est un horaire tranchant. Peut-être le plus charnière. Nous entrons alors dans la deuxième partie de ces 24 heures. En plus, le Penchak Silat « de » Ronan Datausse a été dynamique et aussi « ludique ». L’ Aïkido, c’est une autre allure. C’est donc quitte. Ou double. Soit on s’ennuie, soit on se laisse entraîner.
Léo Tamaki a été permanent et pédagogique dès le coup de gong. Chaque séance débutait par un coup de gong. J’ai même eu l’impression que Léo Tamaki avait fait retentir le gong une à deux minutes plus tôt. Ensuite, Léo a pris le train en main.
Il y avait du rythme. Des séquences d’entraînement de 2 à 4 minutes. De la martialité et de l’humour. La nuit et le sommeil ont semblé sans prise sur lui. J’ai réentendu parler de
« dissociation ». Mais aussi :
« Recommencez, s’il vous plait ». Ce qui fait partie de ses signatures.
Je tenais comme je pouvais le long bâton qui m’avait été prêté face à G, plus avancé que moi en Aïkido lorsque Léo Tamaki est passé pour me montrer. Il s’agissait de laisser la gravité agir sur le bâton sans mettre de force. Je n’ai rien vu venir. Mon bâton a volé hors de mes mains trois ou quatre mètres plus loin comme si je ne l’avais pas tenu.
Un peu plus tard, il convenait de « couper » son partenaire avec le tranchant de la main au niveau de ses deux poignets qu’il tenait joints devant nous. Léo Tamaki est repassé. Il m’a montré sur mes poignets. Il n’a pas mis (beaucoup) de force. J’ai senti la coupe. Le temps de me relever, il était déjà à nouveau parti.
L’intervention était variée, attractive. Même si, pour moi, l’Aïkido a fait partie des disciplines les plus délicates techniquement de ces 24 heures du Samouraï avec le Wing Chun, l’Arnis….et le Tai Chi dispensé par Didier Beddar.
C’était bien pensé de clôturer ces 24 heures par le Tai Chi Quan et l’Aïkido.
Sortie de Dojo :
A l’issue des 24 heures, 80 personnes avaient participé aux 16 séances proposées, glanant les quatre bracelets. L’année dernière, à Nantes, seules 10 personnes y étaient parvenues. Les 80 personnes ont été applaudies.
Quant à moi, arrivé aux 24 heures du Samouraï avec un point de contracture à la cuisse et désobéissant aux recommandations de mon kiné (« Cela revient à jeter une pièce en l’air »), j’ai participé à 11 séances ratant d’une séance le troisième bracelet que j’aurais bien aimé obtenir. Je n’avais pas l’ambition de faire toutes les séances ( 16).
« Tous les voyants sont au vert » m’a dit mon kiné il y a quelques heures à propos de ma cuisse. Je n’ai pas- encore- osé lui dire que j’avais participé ce week-end aux 24 heures du Samouraï.
Au début des 24 heures du Samouraï, j’ai cru que je n’obtiendrais même pas le bracelet vert, ce qui correspond à quatre séances. Mais, finalement, cela tend à démontrer que les soins apportés par mon kiné sont bons et qu’une pratique raisonnable des Arts martiaux est possible sans se blesser. Je me suis par exemple abstenu d’essayer de faire les déplacements toniques, presque sautés, proposés par Bertrand Jaillet en karaté shotokan. J’ai aussi laissé passer la première séance de Ju-Jitsu brésilien avec David Pierre-Louis en pensant, à tort, aux randoris.
Et, je dormais lors de sa seconde séance. Car entre 4h40 et 7h50, après une douche et une seconde séance de shiatsu (séances de shiatsu qui ont aussi très certainement aidé à la prévention de blessures supplémentaires), j’ai dormi dans mon sac de couchage sur un coin du tatami comme deux ou trois autres, la petite salle de repos étant pleine lorsque je m’y suis présenté.
En sortant du dojo plus de 24 heures après y être entré, j’ai été moins décalé que ce à quoi je m’attendais.
Depuis, je me demande ce que cela a changé ou contribué à changer en moi.
Même si je suis loin d’avoir assimilé tout ce que j’ai vu, vécu, entendu ou essayé de pratiquer, commençons d’abord par dire que je suis content d’avoir vécu l’expérience.
J’avais envisagé d’écrire sur cet événement bien plus tard. A la lecture de cet article, rédigé finalement beaucoup plus rapidement que prévu, on pourra mesurer comme les 24 heures du Samouraï m’ont inspiré.
Concernant la « performance » des 24 heures, si je n’avais pas de doute quant au fait que trois heures de sommeil me conviendraient pour me remettre à un moment donné (comme d’autres, j’ai dormi de manière immédiate et compacte une fois couché sur le tatami malgré l’animation et les stimulations environnantes), je n’avais pas d’idée précise quant à ma capacité de résistance physique et mentale à la fatigue. C’était bien de pouvoir pratiquer malgré ou avec la fatigue tant mentale que physique. C’était évidemment la première fois que je pratiquais autant en si peu de temps.
Je pourrais faire un trait d’humour et écrire que, depuis les 24 heures du Samouraï, j’ai surtout l’impression de mieux comprendre le créole haïtien. Mais le fait est qu’après avoir pris part à autant de « séances » (sans combats) martiales sans me faire mal, je me dis que je pourrais quand même prendre le temps de faire le nécessaire pour obtenir et « donner » à Pascal, mon prof de judo, cette ceinture noire qu’il attend de moi depuis une vingtaine d’années. La ceinture noire n’étant qu’un début, comme il l’a rappelé, et non une fin en soi.
Il me reste d’autres photos ( sur lesquelles, notamment, figurent Kang Jong Lee et David Pierre-Louis ) que j’aurais bien voulu insérer dans cet article. Mais, pour l’instant, je n’ai pas réussi à le faire malgré diverses tentatives pour des raisons techniques qui me dépassent. Des histoires de codes et de téléchargement de fichier. J’ai opté pour rédiger cet article et le publier maintenant tel quel quitte à le compléter plus tard. Car, ce jeudi, c’est à dire dans quelques heures, je pars quelques jours à Camaret, en Bretagne, avec mon club d’apnée, afin de continuer à m’initier à la chasse sous-marine.
Il est probable que le concert de Beyoncé sera passé lorsque je parviendrai, enfin, à rajouter ces autres photos des 24 heures du Samouraï.
Avec Léo Tamaki, ce dimanche 21 Mai 2023, à la fin des 24 heures du Samouraï.
Avant les 24 heures du Samouraï au dojo d’Herblay ce 20 et 21 Mai 2023.
Demain, à midi, débutent les 24 heures du Samouraï. Il y a environ quarante huit heures, nous avons reçu un mail de l’équipe des 24 heures du Samouraï pour nous donner quelques informations et nous faire quelques recommandations. Cela donne peut-être un côté secret à l’événement, unique en France. Pourtant, il n’y a rien de secret pour quiconque s’attarde un peu sur ce qu’il y a de relatif aux Arts Martiaux. L’année dernière, les 24 heures du Samouraï s’étaient déroulées à Nantes. Dans le magazine Yashima de ce mois de mars 2023, Tanguy Le Vourch’ en raconte la genèse, au sein de l’école Kishinkai Aïkido d’après une idée de Léo Tamaki.
Pour cette deuxième édition des 24 heures du Samouraï qui se dérouleront dans le dojo d’Herblay où enseigne Issei Tamaki, dans le Val d’Oise, seront présents les experts suivants :
Didier Beddar pour le Wing Chun et le Tai Chi.
Kang Jong Lee pour le Hapkimudo.
Lionel Froidure pour le karaté et l’Eskrima.
David Pierre-Louis pour le Jiujitsu brésilien.
Jérôme Kadian pour le Systema.
Didier Lorho pour le Uechi-Ryû.
Ronan Datausse pour le Penchak Silat.
Léo Tamaki pour l’Aikido.
Bertrand Jaillet pour le Shotokan.
Un stand de pratiquants de Shiatsu sera également présent.
J’ai déjà croisé ou rencontré deux ou trois de ces experts ( Léo Tamaki (Dojo 5) , David Pierre-Louis, Didier Beddar ( Marcher jusqu’à un Maitre de Kung Fu Wing Chun traditionnel ). Je vais découvrir les autres. Le judo est la discipline que je « connais » le mieux. Mais je n’ai pas pratiqué depuis très longtemps. Lorsque j’ai appelé mon professeur, Pascal Fleury, cette semaine, celui-ci m’a à nouveau « reproché » de ne toujours pas avoir passé ma ceinture noire. Pascal m’a aussi rappelé ce temps où, il y a plusieurs années, Léo Tamaki venait enseigner l’Aïkido, rue Michel Lecomte, là où j’ai passé mes ceintures de judo dans les années 90.
Ces dernières semaines, je suis aussi devenu un pratiquant irrégulier de mon blog. Mais je ne pouvais pas laisser passer cet article la veille des 24 heures du Samouraï.
Demain matin, les inscriptions commenceront à 10h45. J’ai déjà mon billet d’entrée. La cérémonie d’ouverture aura lieu à 11h45. Il faudra être prêt et en kimono. Prévoir plusieurs kimonos pour des raisons d’hygiène. Je suis allé en acheter un second ce matin. Bien s’hydrater durant ces 24 heures. J’ai prévu ce qu’il faut et un stand de restauration est prévu sur place. Amener son nécessaire de toilette pour se rafraîchir. Mais aussi son sac de couchage et un oreiller. Une aire de repos est prévue dans le dojo.
Les 24 heures du Samouraï sont ouvertes à toute personne curieuse, de bonne volonté et en suffisamment bonne condition physique quelle que soit son niveau ou sa discipline de pratique.
Je me demande si je suis « prêt ». Des séances d’1h15 environ pendant 24 heures. Avec dix à quinze minutes de pause entre chaque intervention.
Je n’avais pas prévu de tout « faire » de toute façon. Mais, cette semaine, mon kiné m’a répondu que participer à cet événement revenait pour moi à « lancer une pièce en l’air ». J’ai une contracture à la cuisse. Le vélotaf, je peux, l’apnée ( hors compétition), je peux. Mais pas les Arts Martiaux ou les sports de combat qui exigent ou peuvent exiger une disponibilité soudaine et totale en termes d’engagement physique et mental.
J’ai encore le choix. Renoncer. Forcer. Regarder. Ou me faufiler.
Tout à l’heure, j’ai changé de sac. Après ma sieste, je me suis avisé que je pouvais mieux faire en matière de rangement.
J’en ai pris un autre pour disposer mes kimonos. S’économiser autant que possible. Disposer ses affaires de la façon la plus pratique. Prévoir ce qu’il faut mais sans pour autant trop s’encombrer. Un vrai voyage ! Mes appareils photos, deux sacs. Je vais sans doute emmener une petite glacière rigide afin d’y mettre bouteille d’eau, thermos et un peu de nourriture. Cela ne m’empêchera pas d’aller faire un tour au stand de restauration pour avaler ou manger quelque chose de chaud. Et pour discuter.
L’équipe des 24 heures du Samouraï nous a appris par mail qu’il était prévu des retards sur la ligne de train de banlieue qui dessert Herblay depuis Paris. Pour une fois, en qualité de banlieusard, je suis favorisé :
J’habite à Argenteuil, pas très loin. Et je viendrai avec ma voiture. J’ai repéré l’endroit il y a plus d’un mois.
Je m’attends à ce qu’il y ait beaucoup de monde. Plus d’une centaine de personnes puisque le dojo est grand ( 750 mètres carrés ?). De Paris, de banlieue et de province.
Dans cet univers généralement très masculin, je me demande, sans arrière pensée particulière, dans quelle proportion il y aura des femmes. Je dirais : 20 pour cent. Et, je me hasarde à croire que l’avenir des Arts martiaux serait peut-être davantage assuré s’il y avait plus de pratiquantes et d’expertes féminines dans ces domaines. Pour aller acheter mon second kimono, ce matin, j’ai proposé à ma fille de venir avec moi à Paris. Elle a spontanément accepté. J’en suis très content. Pour la première fois, j’ai rompu avec la tradition en achetant un kimono bleu. 85 euros.
Demain, le dojo d’Herblay deviendra un couvent martial où nous essaierons de nous extraire du cratère de nos enchevêtrements. Nous chercherons le merveilleux voire un monde qui a disparu et nous tenterons de lui réattribuer un espace dans nos corps et dans nos rêves.
Maitre Jean-Pierre Vignau à la SACD, rue Ballu, Paris, ce mardi 25 avril 2023.
On trouve chez un Maitre ce que l’on croit et ce que l’on craint.
On trouve chez un Maitre ce que l’on cherche, ce que l’on a perdu ou égaré.
Jean-Pierre Vignau, président de l’I.B.A France, 9ème dan I.B.A de Karaté Shotokan, 6ème dan I.B.A d’Atemi-jitsu (Self-défense), 3ème dan I.B.A de Kobudo, 2ème dan I.B.A de judo et d’Aïkido, pour moi, fait partie de ces Maitres.
Peut-être que les apparences ou la forme de cet article sont contre lui et contre moi, son auteur. Et qu’en commençant la lecture de cet article, on se dit qu’il s’agit d’un exercice de philo ou d’une révision avant les épreuves du Bac dans quelques mois.
Peut-être aussi que l’on peut se dire que c’est un article de plus à ranger dans la catégorie de la branlette intellectuelle. Alors que ce l’on que l’on veut, c’est surtout, et rapidement, et toujours, plus d’efficacité, du concret et des techniques qui marchent tout de suite, tout le temps et à volonté.
Pas du bla-bla.
Mais je crois qu’il faut quand même commencer cet article comme ça. Et que c’est surtout de la vie, de notre vie, de nos choix, de notre santé mentale et physique, de nos décisions et de nos libertés dont je parle.
Et dont les Arts Martiaux, toujours, nous parlent.
Jean-Pierre Vignau ne dira rien à beaucoup de personnes aujourd’hui, en 2023. Moi-même, il y a encore trois ans, je ne connaissais pas Jean-Pierre Vignau, Maitre d’Arts Martiaux, 78 ou 79 ans cette année.
Il y a encore trois ans, je ne connaissais pas Jean-Pierre Vignau malgré le fait que depuis plus d’une trentaine d’années, j’ai souvent été attiré par les Arts Martiaux sous plusieurs de leurs représentations ou expériences. Sur un tatamis, au cinéma, dans mes lectures ou même dans certains de mes voyages (le Japon en 1999).
Enfant, comme beaucoup, j’avais été fasciné par Bruce Lee. Evidemment. Et, j’avais « fait » un peu de karaté jusqu’à la ceinture verte. J’avais 12 ou 13 ans. J’étais assez appliqué, je connaissais mes katas. Puis, j’ai arrêté. Sans doute parce-que, pour moi, alors, faire du karaté ou de la boxe anglaise, c’était avant tout apprendre à se défendre, à donner des coups de pied et des coups de poing. Apprendre à devenir « fort » et viril. A devenir un Homme.
A ne pas avoir peur. A n’avoir-jamais- peur de rien.
Peu m’importait la différence qu’il pouvait y avoir entre du Kung Fu et du karaté. Le karaté était ce qui me parlait le plus ou ce qui était connu de moi, là où je vivais alors, avec mes parents, dans une cité à Nanterre. Dans un immeuble HLM de 18 étages. Si nous avions vécu à l’époque dans le 13ème arrondissement de Paris, peut-être aurais-je pu mieux commencer à faire la différence entre le Kung Fu et du Karaté.
Puis, grâce à un concours de circonstances, après le karaté, plus tard, il y a eu la pratique du Judo pendant une dizaine d’années. Un sport de combat découvert à l’université de Nanterre. Un peu par hasard. Une histoire d’horaires de cours qui m’a empêché d’aller plutôt découvrir la boxe anglaise comme je le souhaitais.
Le judo m’avait rapidement flatté. Parce-que la nouveauté et mes aptitudes athlétiques, toniques, explosives et instinctives, enfin, me permettaient d’être « bon ». De « battre » des pratiquants plus expérimentés que moi. Ou de leur donner du mal. Et puis, je pouvais, à nouveau, m’entraîner régulièrement sans me blesser. Sans me donner ces contractures aux ischio-jambiers que le sprint, en athlétisme, m’avait « laissées ».
Beaucoup de pratiquants d’un sport ou d’une activité physique ou martiale ont dans leur pratique ou leurs « bagages » des cicatrices liées à l’engagement de leur corps et de leur volonté dans leur activité sportive ou physique préférée. Une activité ou, souvent, ils se sont constitués des amitiés, des amours ou des inimitiés passionnelles, profondes ou définitives.
Ces cicatrices, liées à une pratique répétée ou intensive, sont souvent vécues comme des injustices ou, au contraire, regardées avec fierté comme des blessures de guerrier. Des blessures de combattant. Des blessures de samouraï.
Il faut du temps pour comprendre qu’un certain nombre de ces blessures physiques, mais aussi morales, prédatrices de notre temps et de notre organisme ou de nos relations, ne sont pas aussi nécessaires que l’on a besoin de le croire afin de devenir « bon » ou le « meilleur » ou le « champion » que l’on aspire à être à nos yeux ou dans le regard des autres.
Comme je ne l’avais pas encore compris en pratiquant le judo, j’ai continué de me blesser. Ou j’ai recommencé à me blesser en «faisant » du judo.
Et puis, j’en ai eu assez du Judo. J’ai fait un petit peu de Ju-Jitsu brésilien. A l’époque, les frères Gracie étaient la référence ultime du Ju-Jitsu brésilien.
Puis, quelques années plus tard, j’ai « fait » un petit peu de boxe française où, là, je me suis cette fois rompu le tendon d’achille lors d’un exercice tout simple. Après ça, pendant quelques années, j’ai arrêté tout ce qui pouvait ressembler à la pratique du combat ou d’un Art martial. Tout en continuant bien-sûr, de temps à autre, à lire ou à regarder ici ou là, ce qui pouvait avoir trait aux Arts Martiaux, au combat etc…
Puis sont arrivés la pandémie du Covid en 2020 et les confinements. Le passe sanitaire, la restriction de nos sorties, de nos déplacements géographiques ou kilométriques. L’angoisse et la peur massive de notre anéantissement proche ou quasi-immédiat.
J’ai fait partie des personnes dont la profession a été jugée comme « essentielle ». Je suis infirmier en pédopsychiatrie et en psychiatrie depuis des années. J’ai donc continué à travailler durant la pandémie. D’abord sans masque et sans protection matérielle réelle. Mais aussi, au début, sans vaccin anti-Covid.
Et pour limiter ce refuge dans l’angoisse dans laquelle nous étions nombreux à être tombés et séquestrés, j’ai un moment décidé de trouver des échappatoires aussi dans la lecture de journaux.
Par chance, il y avait près de mon lieu de travail, dans le 13 ème arrondissement de Paris, à métro Gobelins, un des rares centres de presse restés ouverts durant la pandémie et les confinements successifs : Le Canon de la Presse.
Le Yashima d’octobre 2020, acheté au Canon de la Presse, métro Gobelins, Paris 13ème.
C’est là que j’ai commencé à me fournir, aussi, en Yashima, Aïkido, Self & Dragon…..et à découvrir, donc, Maitre Jean-Pierre Vignau, lors de son interview par Maitre Léo Tamaki dont j’avais découvert l’existence à peine quelques jours ou quelques semaines auparavant.
« Les Arts Martiaux, ça ne se résume pas à seulement apprendre à donner des coups de pied et des coups de poing… ».
C’est ce que j’ai affirmé il y a encore quelques jours à ma propre compagne qui avait voulu voir dans mon souhait de participer au Masters Tour proposé et organisé annuellement au Japon par Léo Tamaki, Maitre d’Aïkido, un temps élève de Maitre Jean-Pierre Vignau, une simple démarche touristique.
La quête d’une certaine spiritualité et d’un certain sens à notre vie se trouve aussi dans la pratique des Arts Martiaux. Les religions ne sont pas les seuls domaines ou les seules disciplines grâce auxquelles on peut s’aider à s’élever spirituellement mais aussi en tant qu’être humain. Et, il me semble que beaucoup de personnes l’ignorent ou l’ont oublié lorsqu’elles (vous) parlent des Arts Martiaux. Pour ces personnes, les Arts Martiaux mais aussi les sports de combat, c’est surtout du spectacle, une mise en scène proche du cirque. Ou ça revient à se rendre à un concert ou à une séance de cinéma afin de se distraire ou de se défouler pour se vider la tête avant de rentrer chez soi ou repartir au travail le soir ou le lendemain. Ou ça revient à apprendre à se « défendre » et à pouvoir se sentir fort lorsque l’on sort ou afin de protéger une personne à laquelle on tient.
Je me suis plusieurs fois senti très fort il y a plusieurs années alors que je revenais d’une bonne séance de Judo dans mon club. Je marchais très sûr de moi en rentrant. C’était une sensation très agréable et, pourtant, trompeuse. Surtout dans des rues désertes, la nuit, où personne ne nous veut du mal. Alors qu’en plein jour, lors de certaines situations émotionnellement et affectivement difficiles pour moi, je pouvais perdre mes moyens comme si je n’avais rien appris ou étais un incapable majeur.
Ce mardi soir, à la SACD, un des élèves de Maitre Jean-Pierre Vignau depuis plus de quarante ans, l’a d’abord remercié pour tout ce qu’il lui avait apporté dans sa vie. Puis, il lui a demandé :
« Pourquoi tu contiens toujours autant tes émotions, Jean-Pierre?».
Debout face à nous tous dans la salle, après la projection du premier documentaire (de Jean de Loriol) qui faisait son portrait dans Le Maitre et le batard, et avant la projection du documentaire Dans la tête du videur ( toujours réalisé par Jean de Loriol) Jean-Pierre a répondu :
« Je n’ai pas le temps ! ».
Nous avons sans doute tous rigolé dans la salle. Beaucoup de Jean-Pierre est contenu dans cette phrase. Simple. Concret. Direct. Pratique. Tranchant. Efficace. Impliqué.
Un Maitre d’Arts martiaux, c’est quelqu’un, qui, incessamment, se remet à son ouvrage et donne le meilleur de lui.
Sans se décourager.
Après plus d’une vingtaine d’années d’existence, son dojo le Fair-Play Sport a dû fermer, pour raisons économiques, à cause de la pandémie et du Covid ( lire Le Dojo de Jean-Pierre Vignau ?) Désormais, Jean-Pierre dispense ses enseignements à la Maison du Taiji au 57, rue Jules Ferry à Bagnolet, métro Robespierre, ligne 9.
Dans son interview par Léo Tamaki, par lequel je l’avais découvert en plein confinement sanitaire, Jean-Pierre disait à un moment donné :
« Mais, moi, pour certains, je suis un malade mental ! ». Cela m’avait beaucoup plu.
Mais ce qui m’avait aussi beaucoup plu, c’était ce qu’il disait de son Dojo, le Fair-Play Sport. Un endroit où il demandait à chaque pratiquant de laisser ses soucis à l’extérieur et où il acceptait tout le monde dès lors que celui-ci respectait les règles du Dojo.
Et ce qui continue de me plaire chez lui, c’est sa longévité, sa liberté.
J’ai appris seulement cette semaine que le boxeur Marvin Hagler, surnommé « The Marvelous », très grand champion de boxe, était décédé seulement à l’âge de 66 ans en 2021.
Pour moi, un Maitre, c’est aussi sa longévité. Car sa longévité démontre aussi que ce qu’il pratique et enseigne est favorable à la vie. Et au meilleur de la vie. Entre-autres, à une vie active où, au delà de soixante dix ans au minimum, on continue de pouvoir pratiquer, de transmettre et d’être un exemple pour d’autres.
Cette remarque est sans doute lapidaire ou peut-être injuste. Mais lorsque l’on prend le temps de regarder de près l’âge de décès de bien des Maitres d’Arts Martiaux, étrangers ou français, ou encore en activité, on s’aperçoit qu’ils dépassent souvent ou régulièrement les 70 années d’existence.
Lorsque l’on sait que Jean-Pierre a eu le contraire d’une vie pépère et casanière, cela nous convainc encore plus facilement des bienfaits de la pratique martiale.
Cette longévité nous assure aussi que les choix de vie, les décisions mais aussi les libertés que ces Maitres ont pris ou su prendre, avec les risques qu’ont comporté et que comportent ces choix de vie et ces décisions, étaient les bons ou les meilleurs pour eux mais aussi pour celles et ceux qui les entourent et viennent chercher auprès d’eux Savoir et Expérience.
Le terme de « Maitre » peut aussi beaucoup déranger dans un pays démocratique et libre où l’on confond facilement les libertés dont on croit disposer avec nos libertés réelles et véritables. Pourtant, il est tout un ensemble de Maitres que nous préférons suivre ou croire par facilité, conformité, fainéantise, ignorance ou volonté de « réussite » ou…de maitrise :
Le smartphone dernier cri, tous nos écrans dans lesquels nous sommes plongés et ancrés en permanence, gagner plus d’argent, certaines influenceuses ou influenceurs, certaines tendances, certains types d’informations, certains types de rencontres ou de relations. L’anxiété. La peur. L’envie. Certains désirs.
Donc, pour moi, le terme de « Maitre d’Arts martiaux » ne doit pas faire peur pour peu que l’on a bien-sûr pris le temps de bien choisir ce qui nous correspond et ce que l’on recherche chez un Maitre.
Enfin, la reconnaissance par certains de leurs pairs, Maitres d’Arts martiaux également, nous confirme aussi la légitimité de ces Maitres d’Arts martiaux.
Ce mardi 25 avril 2023, à la SACD, rue Ballu, à Paris, lors de cette soirée consacrée à Maitre Jean-Pierre Vignau, j’ai ainsi pu reconnaître en personne Maitre PierrePortocarrero ainsi que Maitre Remi Mollet. Malheureusement, je n’ai pas eu la présence d’esprit de les prendre en photo.
Cependant, je crois que leur présence comme celle de différents élèves de Jean-Pierre Vignau, comme celle de certains de ses proches et amis de plusieurs années ( dont sa femme Tina et Jean-Pierre Leloup) continuait d’attester de sa totale légitimité en tant que Maitre.
Le Maître Anarchiste Itsuo Tsuda au Dojo Tenshin avec Manon Soavi ce mardi 8 novembre 2022.
Nous grouillons de rêves et d’envies. Rassurés par ces décors que nous connaissons, et qui nous décorent aussi, comme par ce mode de vie que nous sommes encore nombreux à avoir pu conserver, nous continuons, souvent, comme « avant ».
Même si nous savons tout ce qui se raconte et perce au travers de certains événements :
L’évaporation des possibilités fossiles- et autres- de notre environnement.
Nous ne parvenons pas à nous empêcher de répéter les mêmes erreurs car c’est ainsi que nous avons appris à persister. Nous sommes habitués, aussi, à ce que les malheurs se forment un peu partout autour de nous. L’Histoire de l’Humanité est faite de cette capacité à continuer.
Et, puis, aussi, nous sommes munis de nos plus grandes espérances. Dont celle d’être épargné.
Quelques fois, ou peut-être souvent, je me donne la leçon avec ce genre de pensée. Je «regarde » celles et ceux qui ont agi tout à fait différemment de moi lorsqu’ils se sont engagés tel, en ce moment, un Frantz Fanon. Je sais que ma vie n’est pas la leur. Pourtant, je ne peux m’empêcher de me dire certaines fois que, comparativement à ces personnes, je manque d’audace et de courage.
Résigné, dominé, apeuré, angoissé, trop raisonnable, trop prudent ou trop réaliste, je sais qu’une de ces caractéristiques ou toutes me désignent à un moment ou à un autre. Alors que nous vivons beaucoup de moments, seul ou à plusieurs, dans une seule journée. Peu m’importe, lors de ces instants de défaillance, ce que d’autres peuvent distinguer ou ont pu distinguer de moi de plutôt flatteur ou favorable. Car, alors, ma conscience m’appelle et me tranche avec mes/ses exigences.
Fort heureusement, il existe des solutions de repli, des opérations de sursis.
Un mot (« sursis») qui rime bien avec celui de la survie. Ainsi qu’avec la catharsis.
To Think out of the box
« To think out of the box » : On pourrait traduire cette phrase par « Sortir des sentiers battus». Mais, dit comme ça, c’est plat. Peut-être du fait de la plus grande variation des accents toniques dans la langue anglaise. Plutôt que « Sortir des sentiers battus », je préférerais l’expression « Sortir des barreaux ». Des barreaux intérieurs.
Ce mardi 8 novembre, j’ai essayé de « Think out of the box ». Pour cela, j’ai été stratégique. La veille, ma cervelle avait fait en sorte que je reste chez moi. Afin de pouvoir passer du temps avec ma fille jusqu’au coucher. Ainsi, le lendemain soir, j’ai pu plus facilement sortir de mes remparts pour retourner au Dojo Tenshin où Manon Soavi nous a présenté son premier livre :
Le Maître Anarchiste Itsuo Tsuda ( Savoir vivre l’utopie).
Déchaussés dès l’entrée, Dans cet espace sauvé du bruit et du réduit, nous sommes un peu plus d’une cinquantaine assis, dont deux ou trois enfants d’à peu près d’une dizaine d’années, ainsi que la veuve de Maitre Noro , sur le tatami du Dojo Tenshin lorsque Manon Soavi commence à nous parler.
Aujourd’hui, certains termes comme « être zen », « le Ki » et d’autres états enseignés par les Arts Martiaux sont des recettes tombées dans l’escarcelle du libéralisme nous dit Manon Soavi. On peut ainsi lire des conseils pour « être zen » ou le devenir dans un magazine féminin comme Biba. A quand des sachets de zen instantanés que l’on pourra bientôt trouver dans des distributeurs à côté de sodas et de pop corn aurait pu ironiser Manon Soavi ?!
Ailleurs, nous dit aussi Manon Soavi, « l’Anarchie » est devenue synonyme de « chaos ».
Manon Soavi nous explique que l’expérience concrète de ces termes et de ces pratiques est très éloignée de ce qui en est présenté régulièrement sur la place publique et publicitaire. Ce faisant, elle nous rappelle d’une certaine façon la différence qui existe entre un pratiquant et un consommateur.
L’un et l’autre se font des destins très différents après une rencontre.
En quittant le Dojo Tenshin plus tard ce mardi soir, je serai particulièrement « content », en reprenant le métro, de tomber sur cette publicité que j’avais préalablement repérée et rencontrée. Présente depuis quelques jours dans notre environnement, le message de cette publicité qui se veut sûrement antiraciste et moderne car une femme noire y figure est au moins une incitation à la dépendance, ainsi qu’un rappel que la femme ( se) doit d’être une mère disponible pour ses enfants.
Cette pub qui se veut « cool » et qui est facilement visible et accessible contrefait complètement certaines finalités du Zen. Mais elle convaincra sûrement certaines personnes.
Les personnes crédules qui prendront le contenu de cette publicité au pied de la lettre feront une autre expérience du Zen que celle vécue par Régis Soavi, le père de Manon Soavi, lorsque celui-ci, pratiquant d’Arts Martiaux depuis des années, avait rencontré Itsuo Tsuda, le Japonais « né en Corée », dans les années 70.
Itsuo Tsuda, en pleine séance.
Cette rencontre, nous dit Manon Soavi avant hier soir, a tout changé pour Régis Soavi. Mais, cela peut sans doute se comprendre au moins pour deux raisons :
Régis Soavi, un homme déja en rupture, a rencontré en Itsuo Tsuda un autre homme en rupture qui, comme lui, voire plus que lui, était allé encore plus loin dans la rupture avec ce qu’il refusait du monde ou de la société. En 1970, à l’âge de 56 ans, Itsuo Tsuda avait ainsi rompu avec son emploi de salarié pour se lancer davantage dans l’aventure du Ki, du Katsugen Undo (ou mouvement régénérateur) comme de leur enseignement.
Une rupture favorable à la vie et à l’être humain.
Dans cette attitude ou cette posture de rupture, nous sommes donc à l’opposé de celle du consommateur ou du citoyen qui obéit, se laisse berner, affaiblir, diluer ou soumet son corps, son travail, sa vie, son entourage et son salaire à des décisions qui peuvent être prises sans lui en échange d’une sécurité et d’une préservation supposées qui lui seraient alors, de fait, garanties. Même lorsque ce qui est ou sera exigé de lui est contraire à ses valeurs.
Nous vivons dans un monde qui nous pousse à la dissociation. Un monde qui nous apprend régulièrement à adorer et à préférer la peur.
D’un côté, il nous est dit que nous sommes libres, égaux et responsables et plein de possibilités. D’un autre côté, nous vivons dans des sentiments d’impasse et d’impuissance qui contredisent ces messages.
Itsuo Tsuda, lui, a très tôt refusé ce mode de vie. En rupture à l’âge de seize ans avec son père, riche entrepreneur, comme avec les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale portées par les Japonais en Corée, il est parti vivre en France une première fois dans les années 30, en plein Front populaire.
Ce mardi 8 novembre 2022, au Dojo Tenshin, devant nous, Manon Soavi continue de dérouler devant nous une partie de l’histoire d’Itsuo Tsuda comme celle des quelques rencontres qu’il y a faites et qui ont changé sa vie en France ou ailleurs. Tel Marcel Mauss…
Plus tard, Itsuo Tsuda rencontrera Ueshiba sensei et deviendra un de ses élèves étudiant l’Aikido avec celui-ci jusqu’à sa mort en 1969. Itsuo Tsuda apprendra aussi le Seitai et le Katsugen Undo ( ou mouvement régénérateur) avec Maitre Noguchi mais aussi le Nô avec Maitre Hosada.
Dix années durant, par la suite, Régis Soavi deviendra un des élèves de Maitre Itsuo Tsuda. Maitre faisant partie des Kage Shihan ( Maitres de l’ombre) selon Maitre Henri Plée. Manon Soavi mentionne cette affirmation de Maitre Henri Plée dans son livre que j’ai feuilleté ce mardi soir avant de l’acheter.
On peut être l’élève d’un Maitre d’Arts Martiaux ou de toute autre discipline ou rester celui de réclames publicitaires permanentes et renouvelées.
Certaines de nos relations et rencontres peuvent être des réclames publicitaires permanentes et renouvelées.
Mais, viendra peut-être le moment, un jour, où l’on deviendra un Maitre soi-même dans un domaine quelconque qu’il s’agisse de celui de l’illusion ou de l’éducation.
Avant l’édition de ce livre, Manon Soavi a débuté l’Aïkido à l’âge de six (elle en a désormais quarante) avec son père et fait l’apprentissage d’autres Arts martiaux. Elle a connu une éducation hors du système scolaire, une carrière de concertiste de piano pendant dix ans. Le Dojo Tenshin, d’ailleurs, accueille régulièrement des enfants éduqués en dehors du système scolaire ( Un sujet qui m’interpelle et dont je n’ai pas encore pris le temps de discuter avec Régis et Manon Soavi).
C’est peut-être pour cela qu’il y a sans doute une continuité dans le fait que ce soit quelqu’un comme elle qui, un jour, se soit décidée à écrire sur Itsuo Tsuda.
Au début, l’intention de Manon Soavi était d’écrire un article sur Itsuo Tsuda. L’article est devenu un livre.
Lorsque ce mardi, j’ai demandé à Manon Soavi combien de temps lui avait été nécessaire pour écrire ce livre, elle m’a répondu :
« Il y a deux réponses ».
Un an et demi pour la rédaction. Rédaction facilitée par le confinement dû à la pandémie du Covid.
Et plus de trente ans si l’on considère le fait que, dès sa naissance, elle a baigné dans les enseignements d’Itsuo Tsuda qui ont marqué le temps et l’existence de son père et de sa mère.
Manon Soavi avait deux ans lorsque Itsuo Tsuda est mort en 1984. Il l’a prise dans ses bras mais elle ne s’en souvient pas. Elle connaît de lui ce que « la légende familiale » lui a raconté m’a t’elle précisé en souriant. Le reste, elle est allée le chercher et l’a en partie trouvé. Car Itsuo Tsuda n’a pas tout dit.
Celles et ceux qui comptent nous disent rarement tout. C’est souvent à nous de raconter ce qui reste.
L’Anarchie
Sur le tatami, ce mardi, Manon Soavi nous dit qu’il y a de la provocation dans le titre de son livre car les termes « Maitre » et « Anarchiste » ne collent pas ensemble. L’anarchie vise à échapper à toutes formes de domination autant comme personne dominée que comme personne dominatrice. Elle nous parle des conséquences du patriarcat. De la nécessité de l’ « empowerment ». Plus tard, après sa parole, j’ai vu que, dans son livre, elle cite des extraits d’ouvrages de Mona Chollet, une auteure féministe ( J’ai lu Réinventer l’Amour de Mona Chollet ). D’ailleurs, du 27 septembre au 16 novembre de cette année, une de ses œuvres, Sorcières, a été lue sur scène.
Une commémoration
Après sa présentation, Manon Soavi répondra qu’au Japon, Itsuo Tsuda, est un inconnu. Très en rupture avec les instances officielles du Japon, cette indépendance lui a aussi valu l’anonymat dans son pays. Malgré ce qu’il a pu connaître et accomplir de son vivant tant en termes de pratiques, d’enseignement que de parutions.
Itsuo Tsuda a écrit une dizaine de livres en Français. Son premier livre, Le Non-Faire , est paru en 1973.
Inconnu ou ignoré au Japon, Manon Soavi nous a parlé, aussi, de son initiative, en 2013, d’organiser à Paris une commémoration pour les cent ans de la naissance d’Itsuo Tsuda (né en 1914).
Elle avait alors réussi à contacter des anciens élèves d’Itsuo Tsuda. Et, très vite, ceux-ci lui avaient assuré qu’ils seraient présents. Alors que près de trente années étaient passées depuis le décès de « l’inconnu » Itsuo Tsuda. Cette réaction spontanée de plusieurs de ses anciens élèves, puis leurs témoignages ensuite, ont attesté de l’importance qu’il avait pu avoir pour eux.
Je me demande maintenant quelle réclame publicitaire -ou quel article que j’ai pu acheter- il y a trente ans a pu avoir sur moi, le même effet. Pourtant, en trente ans, j’ai vu, « connu » et « aimé » un certain nombre de réclames publicitaires et d’articles que j’ai pu acheter dans un de nos innombrables temples de la consommation.
Toujours dans ces préparatifs afin de commémorer Itsuo Tsuda, un ou une de ses ancien(ne)s élèves a donné à Manon Soavi le numéro de téléphone d’une ancienne élève :
Madeleine D. Laquelle, durant une année hébergea Itsuo Tsuda et sa femme chez elle et son mari, en région parisienne. Car Itsuo Tsuda fut pendant une année en situation irrégulière d’un point de vue administratif. Et, il avait alors obligation de quitter le territoire de la France.
En hébergeant Itsuo Tsuda et sa femme, cette ancienne élève et son mari, furent aussi des personnes de « rupture ». Et, à travers eux, on pense évidemment à des résistants ou à tout individu, qui, lors d’une guerre ou d’un péril imminent, a protégé et cache chez lui des personnes vulnérables ou grandement exposées aux travers de certaines Lois.
En « donnant » à Manon Soavi une des calligraphies d’Itsuo Tsuda en lui disant « Continuez », cette ancienne élève (Madeleine D.) a perpétué le travail de transmission du Katsugen Undō.
Au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Prochain stage de Katsugen Undo du 9 au 11 décembre 2022.
L’édition d’un livre
Si Itsuo Tsuda a écrit à peu près une dizaine de livres (tous écrits en Français), Manon Soavi voit dans la parution de son propre livre Le Maitre Anarchiste Itsuo Tsuda, une transposition du Non-Faire professé par celui-ci.
Au Dojo Tenshin, ce mardi 8 novembre 2022. Livres de Itsuo Tsuda.
Une année durant, elle avait sollicité des maisons d’édition sans suite. Puis, finalement, un nouveau membre du Dojo a parlé de ce projet à un éditeur avec lequel il faisait zazen.
Et, c’est finalement l’éditeur, intéressé, qui a relancé Manon Soavi. La suite de cette histoire s’est probablement enclenchée ce mardi depuis le dojo Tenshin.
J’avais pratiquement fini d’écrire cet article deux jours après cette soirée au Dojo Tenshin. Puis, un défaut de connexion à internet m’a empêché de le publier avant aujourd’hui. Entretemps, ce lundi ( il y a trois jours) à une projection de presse, je suis allé voir le prochain film de Davy Chou qui se déroule en Corée du sud : Retour à Séoul. Retour à Séoul sortira au cinéma le 25 janvier 2023. Itsuo Tsuda, Japonais, était né en Corée. C’est cette coïncidence qui m’interpelle maintenant alors que j’ai déjà écrit mon article sur ce film ( Retour à Séoul un film de Davy Chou au cinéma le 25 janvier 2023). Une coïncidence que j’avais oubliée en allant voir le film ce lundi.
Hino Akira Sensei au Cercle Tissier, ce samedi 3 septembre 2022.
Cette après-midi, je suis allé participer au stage animé par Hino Akira Sensei au Cercle Tissier. Au 108, rue de Fontenay, à Vincennes, à côté d’un restaurant. J’avais entendu parler de ce stage « par » Léo Tamaki sur les réseaux sociaux ou en lisant son interview ( par Léo Tamaki lui-même) dans le magazine Yashima de ce mois de juillet.
Le stage avait débuté ce matin. Pour se terminer demain soir.
Comme je n’étais pas certain de pouvoir me faire aux enseignements du Sensei, je me suis inscrit à une seule séance avec lui :
C’était de l’Aïkido mais ce n’était pas de l’Aïkido. Normal, puisqu’il s’agit de sa méthode, le Hino Budo. Une méthode très simple et, pourtant, souvent, on pouvait se tromper en tentant de la réaliser.
Récemment, une collègue m’a demandé ce que je ferais lorsque je serais à la retraite. Parmi mes projets, il y avait l’écriture, la pratique de l’apnée, ma fille, les voyages et les Arts Martiaux.
Les Arts Martiaux sont un voyage en eux-mêmes. Je ne comprends pas qu’autant de personnes autour de moi puissent l’ignorer.
Dernièrement, aussi, une connaissance m’a informé qu’elle n’était pas du tout intéressée par les Arts Martiaux. J’ai d’abord reçu cette information avec résignation comme un uppercut. Puis, j’ai réfléchi et je me suis dit qu’il faudrait, lorsque j’en aurais la possibilité désormais de demander à ces personnes peu ou pas intéressées par les Arts Martiaux ce qui les rebute autant dedans.
Même si j’ai déja une partie de ma réponse. Les Arts Martiaux sont aujourd’hui délaissés au profit de sports tels que le Crossfit ou le fitness car l’expérience de la guerre appartient au passé. La guerre en Ukraine, c’est encore trop loin même si l’on en subit les conséquences. Et puis, nous avons déjà « vu » des guerres avoir lieu ailleurs. Un peu comme les éruptions de ces volcans dont les effets les plus directs se maintiennent dans l’enclos de ces pays que l’on regarde.
Par ailleurs, nous sommes pratiquement tous des citadins. Bien plus qu’il y a un demi siècle. Lorsque l’on habite depuis des années dans une ville, dans un pays riche et officiellement démocratique, on se fait à l’idée que l’ordre et la paix y sont abrités et garantis pour toujours. Et qu’en cas de danger, on bénéficiera d’alertes, d’aides, d’une justice et de protections efficaces.
Le MMA, le Krav Maga et la Self-Défense sont bien des disciplines qui prennent de l’essor mais elles comptent quand même plus de spectateurs que de pratiquants. Et, sans aucun doute qu’une partie de leurs pratiquants est passée au préalable par le tamis d’un ou de plusieurs Arts martiaux ou sports de combats.
D’ailleurs, Hino Akira Sensei, avant de devenir Maitre, comme tous les Maitres, j’ai fini par le savoir, est passé par l’apprentissage de plusieurs Arts Martiaux : Karaté, Aikido, Iaido…..
(re)venir au Cercle Tissier ce samedi après-midi, c’est déjà en soi se rapprocher d’une Histoire et d’un avenir. Et, aujourd’hui, cela l’a été davantage avec la présence de Hino Akira Sensei, 74 ans.
Pour nous qui sommes habitués à des vies souvent stéréotypées, prendre connaissance et développer notre présence est toute une démarche. Pour cela, il faut aller à la rencontre de certaines personnes et de certaines expériences possibles en certains lieux. Cette après-midi, nous étions environ une soixantaine de personnes, peut-être un peu plus, sur le tatamis. A venir de Moselle, de Perpignan, de Lorraine, de Lyon, de Reims ou d’ailleurs. Je suis venu d’Argenteuil. ( Argenteuil, une ville de banlieue parisienne qui reste à affranchir).
J’ai croisé des élèves de Maitre Léo Tamaki qui participent à ses cours au dojo 5 à Paris ( Dojo 5). J’ai aussi croisé des pratiquants de combat russe, de karaté shotokan, de Tai Jitsu, d’Aïkido….
Il y avait plus d’hommes que de femmes. En moyenne d’âge, j’opterais pour 40-45 ans.
Une fois sur place, il s’agit d’essayer d’assimiler ce que le Maitre nous enseigne. Le Maitre s’exprime en Japonais et, régulièrement, Léo Tamaki, traduit.
Le terme « Maitre » dérange peut-être celles et ceux qui ne pratiquent pas du tout les Arts Martiaux. Et, ils voient peut-être ce terme comme l’équivalent de la soumission à un prêtre, à un rabbin ou à un imam. La « couverture » laïque de la France explique peut-être aussi cette forme de rejet pour les Arts Martiaux. Car je me rappelle maintenant la ferveur religieuse et spirituelle de Maitre Ueshiba. Ou de Maitre Shioda.
Et, il est vrai que les Arts Martiaux ont aussi à voir avec une aspiration et une dimension au moins spirituelle, philosophique voire, parfois, mystique.
Mais être présent, sur le tatamis, c’est être vivant, plus que soumis, lorsque l’on pratique. C’est oublier, abandonner, cette femme ou cet homme stéréotypé que l’on s’est attribué comme identité.
Il faut répéter plusieurs fois pour se libérer de nos propres conduites. Des conduites plus ou moins serviles qui nous ont servi et qui nous servent en société mais qui nous séparent de nous mêmes, aussi. Nous faisons régulièrement trop d’efforts lorsque cela n’est pas nécessaire. Nous respirons aussi assez mal et nous nous épuisons pour des tâches qui n’en valent pas vraiment la peine. Et lorsque nous avons véritablement besoin du meilleur de nos forces tant morales que physiques, nous sommes absents ou parvenons difficilement à surmonter certains obstacles pourtant à notre portée.
C’est sans doute ça qui m’attire dans les Arts Martiaux, la recherche de la justice et de l’économie au travers du geste et du souffle juste. Et, Hino Akira Senseï, ainsi que celles et ceux qui l’entourent ce samedi après-midi, est une des portes possibles vers cela.
Hormis Léo Tamaki, croisé deux ou trois fois, et avec qui j’ai pu correspondre, je ne connaissais personne à ce stage. Les Arts Martiaux me semblent aussi un bon moyen de rencontrer d’autres personnes. Ce samedi après-midi, j’ai eu la chance de pouvoir pratiquer avec des personnes différentes. Laurent Sikirdji a fait partie de ces personnes « différentes ». J’ai aimé travailler avec lui et d’autant plus tenu à le prendre en photo qu’il est en quelque sorte le photographe de l’événement. Et que, souvent, les photographes, sont celles et ceux qui nous assurent de bons souvenirs de notre image alors que leur propre visage reste invisible.
Mais j’ai aussi eu la chance de me faire corriger une fois par Hino Akira Sensei. Ce moment de correction est resté pour moi intimidant. D’un côté, j’ai été content que le Maitre prenne un peu de temps pour moi. D’un autre côté, j’ai craint de lui faire perdre son temps et ne suis pas certain d’avoir « réussi » même après qu’il ait acquiescé.
Apprendre à se relâcher, à s’enlever de la force, à sentir que s’assembler à l’autre sans à coups permet de le renverser ou de le « déstructurer » a été une découverte plaisante, pas toujours évidente.
A la fin du cours, Hino Akira Sensei a demandé si nous avions des questions. Quelqu’un a demandé si faire de la musculation en parallèle pouvait aider. Sensei a répondu qu’il pouvait faire comme il le souhaitait.
Après le salut, Hino Akira Sensei s’est prêté au moment des photos et des dédicaces. J’ai vu fleurir les passeports de pratiquants. Ainsi que quelques exemplaires de livres écrits par Sensei tel que Don’t Think, Listen to the bodydont un stagiaire, pratiquant de karaté shotokan, m’a dit le plus grand bien.
Après m’être douché, et être sorti du Cercle Tissier, lorsque je retrouve la ville de Vincennes, animée, agréable, en cette journée du forum des associations qui se termine, j’ai l’impression de revenir d’un autre monde. D’une autre dimension.
Une fois rentré chez moi, dès que j’ai pu, j’ai pris le petit parapluie de ma fille. Puis, j’ai essayé de lui apprendre le peu que j’avais appris.
Marcher jusqu’à un Maitre de Kung Fu Wing Chun traditionnel
Me faire marcher
Cela doit faire deux semaines que je n’ai pratiqué le karaté avec Maitre Jean-Pierre Vignau. Le dojo est fermé. Jean-Pierre est actuellement à Agde où il dirige son stage de karaté estival jusqu’au début du mois d’aout. Et, ma dernière séance avec mon club d’apnée doit dater de bientôt un mois.
A partir de 14h 15, ce samedi, j’ai commencé à marcher depuis la gare du RER A de Vincennes. Il faisait trente degrés ou plus.
Cela a finalement duré plus que les dix minutes prévues. Parti de chez moi, à Argenteuil, un peu avant 13h30, sans déjeuner, j’ai fini par trouver l’endroit aux alentours de 15 heures. Je suis passé par la Croix de Chaveaux, la rue de Paris, devant la station de métro Robespierre de la ligne 9.
A Vincennes, les gens interrogés, bien que désireux de m’aider, ne savaient pas où se trouvait la rue Robespierre, à Montreuil.
Je me suis sûrement trompé d’itinéraire. Comme cela arrive souvent lors des « premières fois ».
Il y avait plus simple, plus facile et plus court pour arriver au 71, rue Robespierre. Le nom de cette rue me disait quelque chose. J’y étais sans doute déjà allé mais je n’arrivais pas à me rappeler les circonstances.
Je regrette plutôt de ne pas avoir fait plus tôt, et plus souvent, ce genre de démarche.
Je regrette de m’être trop souvent, trop facilement, contenté d’entrer dans des magasins. Il y en a tellement. Tout le temps. Et toujours. Et quand il n’y en n’a pas assez, on s’ennuie et on va là où il y en a plein à aller voir.
Je regrette d’avoir fait le même genre de rencontres : D’avoir joué plusieurs fois le même rôle devant des publics différents. Et semblables. De m’être rendu à des endroits ou à des soirées parce que cela se faisait d’y être. Et pour y être d’une façon qui, finalement, maintient la soif et le manque plus qu’elle ne l’apaise.
Je suis très dur avec moi-même ? Oui, en ce sens que j’ai vécu et vis aussi des moments très agréables. Non, lorsque je commence à entrevoir cette importance que j’ai pu donner et peux donner à certaines expériences.
Non, si je considère la façon dont peuvent être regardés les Arts Martiaux aujourd’hui.
Je suis désolé devant cette désaffection connue, en nombre de pratiquants, par les Arts Martiaux. Les chiffres de la baisse du nombre de pratiquants d’Arts Martiaux sont évoqués de temps à autre dans certains média spécialisés…dans les Arts Martiaux. Ce sujet ne sera pas évoqué au journal de 20 heures. Et encore moins sur Cnews ou dans des média-potins du type Gala, Closers ou Paris-Match.
Ce que « veulent » ces média, et, officiellement, la majorité d’entre nous, c’est du buzz et du spectacle. Du rapide. De l’anti-rides.
Ce qui est efficace. Ce qui, en deux ou trois mouvements, change tout de manière définitive. Et parfaite.
Problème : la perfection et la plénitude ne s’obtiennent pas exactement en deux-trois coups de reins ou de bistouris. Tous les niqueurs de la Terre, toutes les niqueuses de la Terre, quel que soit leur domaine d’expertise, et tous les adeptes de la chirurgie esthétique physique et mentale le savent.
L’effet obtenu ne dure pas.
Le sentiment de victoire totale et absolue reste provisoire. Il faut donc ravaler et recommencer à un moment ou à un autre.
Soit parce-que l’on finit par s’apercevoir qu’il nous manque quelque chose. Ou parce-que quelqu’un arrive à faire ou à obtenir « mieux » ou plus que nous et, d’une certaine façon, menace notre « réussite ».
Réflexions d’un déprimé
Ce sont des remarques de déprimé. Et, j’étais déprimé hier après-midi. Mais j’étais normalement déprimé. Je savais – et sais- largement encore faire la différence entre le trépas et des vacances estivales. Et j’étais, et suis, encore en vacances pour à peu près une dizaine de jours.
Malgré le soleil et les sourires, la déprime ne se lit pas sur les visages ni dans le bronzage. Actuellement, il se trouve quantité de personnes en vacances qui s’exposent au soleil. Parmi elles se trouvent un certain nombre de personnes déprimées. Elles ont beau être tranquillement allongées sur le sable, reproduire une certaine quantité de coïts réguliers, ou rire à peu près tous les jours, la rentrée ne sera pas des plus faciles pour elles.
Et elles le savent.
Ce sont celles et ceux qui les entourent -et croient les connaître- qui le savent moins.
Je connaissais en effet la rue Robespierre, à Montreuil. Nous nous étions arrêtés dans cette rue, il y a un an ou deux, ou peut-être plus, ma compagne, ma fille et moi, en voiture. Pour aller faire des courses dans le magasin bio Les Nouveaux Robinsons. J’ai encore oublié d’où nous revenions.
A une centaine de mètres, environ, ou peut-être moins, de ce magasin bio, il y a cette académie de Kung Fu Wing Chun présente là depuis plusieurs années, ouverte et dirigée par Sifu Didier Beddar.
En 1993, Didier Beddar avait ouvert une première salle d’Arts Martiaux dans le 20ème arrondissement de Paris.
Je suis désolé que les gens, dans une grande majorité, se détournent des Arts Martiaux ou ne les voient que comme une activité folklorique fanée parce-que les Arts Martiaux aident à vivre. Et pour s’aider à vivre, il est devenu courant d’aller vers la facilité :
Il existe bien plus de pharmacies ayant pignon sur rue que de salles d’Arts martiaux ou de dojos ouverts. Certains médicaments dispensés dans les pharmacies sont indispensables. D’autres, moins.
Mais on a beaucoup plus facilement accès à un médicament « délivré » sur ordonnance ou sans ordonnance qu’il suffit de se mettre dans la bouche tel un hostie qu’à une séance avec un Maitre d’Arts Martiaux.
Peut-être qu’hier, à ma place, au lieu de se rendre à l’académie de Kung Fu Wing Chun de Didier Beddar, que d’autres personnes se seraient contentées d’un comprimé de lexomil ou de lysanxia. Ou, pourquoi, pas de Prozac ? Ou de cannabis. Ou d’un peu de Vodka. Ou d’une partie de fesses avec la première personne disponible et volontaire.
On peut aller danser, aussi. Mais pour danser, il faut souvent attendre la nuit. Et on y va généralement avec un groupe d’amis ou de connaissances. Des années que cela n’est plus arrivé. Cela nous est passé sans même y penser. Et sans que cela ne nous manque non plus.
Mais je n’exclue pas d’y retourner. J’écoute toujours de la musique. Du Konpa des années 70, c’est vrai. Mais aussi Hollie Cook ( Looking for real love) et aussi, dernièrement, Dua Lipa :
Hallucinate…
Peut-être qu’hier, à ma place, d’autres personnes seraient parties faire du « shopping » pour se changer les idées. En journée, c’est possible.
J’ai fait du « shopping » pendant des années. Depuis quelques mois, je m’aperçois que je me comporte différemment avec cet échappatoire. Mais aussi dans les magasins où je rentre.
Hier, sur le trajet pour aller à l’Académie de Didier Beddar, en sortant de la gare St Lazare, je suis tombé sur un nouveau magasin Doc Martens, dans la rue du Havre. Je « connais » cette rue. J’aime assez cette marque de chaussures. Ce magasin n’était pas là auparavant. Il avait ouvert la veille.
J’y suis entré. J’ai fait un tour pour voir. En ayant l’impression d’être un peu comme l’enfant assez facilement détourné de son intention de départ.
A l’intérieur du magasin, se trouvaient de jeunes vendeurs souriants, accueillants et très appliqués assurant la relève de toutes ces vendeuses et de tous ces vendeurs que nous avons rencontrés depuis l’enfance.
Ces vendeurs devaient avoir tour juste une vingtaine d’années. Pour eux, c’était sans aucun doute un poste à très haute responsabilité. Et c’est une très haute responsabilité.
Car c’est du travail que de savoir recevoir des clients différents, de tous les âges, de toutes les catégories sociales, directement, dans une grande ville comme Paris. Dans une rue aussi passante et commerçante.
Il s’agit de réussir.
De donner satisfaction à son employeur. De parvenir à bien s’entendre avec ses collègues. De rester souriant et accueillant malgré les contrariétés diverses que l’on peut vivre personnellement.
Car on est une vitrine. Une image. On représente le magasin. La marque. Et on ne doit, en aucun cas, être un préjudice ou une menace, pour le magasin et la marque.
J’étais dans l’Académie depuis moins de deux minutes. J’avais un peu discuté avec une dame qui assistait à la séance et qui venait de me dire que l’un des pratiquants, là, dont je voyais le dos, faisait partie des enseignants. Lorsqu’un autre enseignant est venu me voir. J’avais à peine commencé à lui parler que, du fond de la salle, alors qu’il s’entraînait avec quelqu’un, Sifu Didier Beddar m’a vu. J’ai vu qu’il m’avait vu. Le même regard, à travers la salle, malgré tous les pratiquants (une bonne quarantaine) qui occupaient l’espace que Maitre Léo Tamaki lorsque, sans le prévenir, j’étais venu assister à un de ses stages l’été dernier.
Le Maitre pratique ou enseigne à l’intérieur du dojo mais reste ouvert à ce qui arrive de l’extérieur. Ce n’est pas le résultat d’une angoisse particulière. Plutôt une forme d’hyper-vigilance et d’éveil ou d’attention à laquelle on peut parvenir lorsque l’on a suffisamment assimilé ce que l’on pratique. Le guitariste qui connaît sa gratte, lorsqu’il est rôdé, peut jouer, juste et bien, ou improviser, tout en voyant ce qui se passe dans la salle. Tout en discutant. Et si un de ses acolytes sur scène, à un moment ou à un autre, amène une variation, il va l’entendre et jouer en fonction de cette variation. S’il s’est suffisamment accordé avec ses acolytes. S’il est suffisamment maitre de ses doigts et de sa guitare.
Les Maitres d’Arts martiaux, mais aussi les enseignants et les professeurs de sports de combats, rappellent souvent qu’une arme blanche est une extension du corps.
Le dojo, aussi, est une extension du corps – et de l’esprit- du Maitre.
Un Maitre prend possession de l’espace dans lequel il enseigne ou pratique. Comme nous pouvons prendre possession de notre maison. Il est donc normal que Didier Beddar m’ait aperçu très vite après mon arrivée dans son académie. Même si cela m’a de nouveau surpris comme j’avais pu être surpris que Léo Tamaki m’ait vu arriver, alors que j’étais encore dans la cour intérieure précédant l’entrée du dojo. ( Dojo 5 ).
Mais il est vrai que Léo Tamaki avait une vue directe, depuis là où il se trouvait, sur cette cour intérieure. Ce qui a peut-être aussi contribué aux choix de Léo Tamaki pour ce dojo…..
Maitre Jean-Pierre Vignau, avec lequel j’ai débuté le karaté cette année, lorsque j’entre dans le dojo, est souvent posté à un endroit stratégique depuis lequel, par un jeu de miroirs, il voit qui entre avant d’être vu lui-même. ( Le Dojo de Jean-Pierre Vignau).
Ce n’est pas de la parano. Même si Maitre Jean-Pierre Vignau a pu me dire :
« Je suis parano ».
Pour moi, cet état d’esprit est de l’esprit martial. C’est être attentif à son environnement. Voire, à l’état ou aux intentions de celle ou de celui qui s’amène.
Je continue de penser qu’un Maitre ou une Maitresse d’Arts martiaux, lorsqu’il nous voit arriver la première fois. Lorsqu’il nous voit nous déplacer. Respirer. Lorsqu’il nous entend nous exprimer. Qu’il « sait », en grande partie, à qui elle ou il a affaire.
Qu’elle sait ou qu’il sait presque d’où nous venons. Qui nous sommes. La Maitresse ou le Maitre ne devine pas l’adresse de notre domicile. Ni notre date de naissance. Ni le prénom et le nom de notre premier Amour. Car, dans ce cas, ce serait de la voyance. Mais je crois que la Maitresse ou le Maitre a une idée, plutôt juste, de notre vécu. De notre personnalité. De nos intentions. En tant qu’être humain. En tant que pratiquant martial.
Nous aussi, les gens lambdas, nous « faisons » ça avec nos contemporains. En fait, nous les gens lambdas, nous essayons de faire ça lorsque nous rencontrons quelqu’un dans notre vie.
Mais la grande différence entre les Maitres et les gens lambdas, c’est que, le plus souvent, les Maitres et les Maitresses, eux, ne se trompent pas. Ou beaucoup moins que la majorité d’entre nous. Il suffit de peu de temps, de peu de situations où elles et ils nous voient à l’œuvre, pour que les Maitresses et les Maitres « sachent » où nous en sommes dans notre évolution personnelle.
Assister au stage de Kung Fu Wing Chun : Pa ni Problèm
« Pa ni Problèm » m’a rapidement répondu Didier Beddar après lui avoir demandé à pouvoir assister au stage. Et, lui de m’indiquer un banc qui se trouvait à peine un mètre derrière moi.
J’ai pensé participer à ce cours qui est en fait un stage de quatre jours proposé et dirigé par Didier Beddar et plusieurs de ses élèves devenus ses assistants de 11h à 17h30.
Mais je n’ai pas les sous même si 65 euros pour une journée de stage est un tarif abordable.
Cet été, la priorité a été donnée aux vacances de ma fille en Guadeloupe chez mes parents avec ma sœur, mon beau-frère et ses enfants. Il m’en coûtera plus de 1200 euros. De quoi faire plusieurs stages de Kung Fu Wing Chun. De quoi largement payer une année de cours à l’académie de Kung Fu de Didier Beddar (700 ou 800 euros, licence incluse selon la formule choisie. Frais auxquels il faut rajouter ceux pour la tenue vestimentaire).
Mais je n’ai pas de regret dans le fait d’avoir donné la priorité au séjour de ma fille en Guadeloupe.
Devant moi, à moins de deux mètres, un des enseignants de l’académie s’entraîne avec un stagiaire. Ce sont deux silhouettes antinomiques. Le premier est plus grand d’à peu près dix centimètres, longiligne. Le second est musclé, assez bodybuildé, trapu, a le bras tatoué et transpire beaucoup. Son maillot est mouillé. Dessus, en lisant, on peut deviner qu’il pratique ou a pratiqué l’Arnis, une escrime martiale philippine. A voir son côté déterminé, physique, je devine aussi l’homme qui a pratiqué d’autres sports de combat ou d’Arts martiaux et qui « aime » ça. Qui « aime » se confronter. Qui est combattant.
Une meilleure connaissance et un meilleur usage de son corps
En face, l’enseignant est une horloge gestuelle. Les divers fuseaux horaires des mouvements de ses bras (les deux hommes travaillent les bras) semblent pouvoir se rejoindre presque indéfiniment. Alors qu’ils font une pause, il explique une spécificité biomécanique de l’avant bras qui permet la réalisation du geste.
Les Arts martiaux, bien enseignés, bien maitrisés, ainsi que d’autres disciplines, permettent une meilleure connaissance et un meilleur usage de son corps. Les achats dans un magasin ou sur le net, un comprimé de lexomil ou de lysanxia, un joint ou une bouteille de vodka ne nous apprennent pas ça. Même s’ils peuvent permettre de participer à certains événements festifs et sociaux.
Le pratiquant d’Arnis, puissant, met plus de force. Il rencontre la précision constante de son partenaire qui ne donne pas l’impression de forcer. Mais, plutôt de pédaler. La géométrie de ses mouvements me paraît difficile à exécuter. Cependant, elle pare avec aisance les « attaques » adverses mais aussi les prend de vitesse plusieurs fois. Il y a à la fois de l’hypnose et du derviche tourneur dans ces enchainements de bras.
L’hypnose pour le fait d’attirer ou d’aspirer l’agresseur vers soi afin qu’il vienne en quelque sorte « déposer » ses offensives et ses armes dans un espace où leur destructivité s’efface.
Le derviche tourneur car cette succession de formes et de forces conjointes forme une sorte d’aspiration vers le haut. Et, je me demande si lors de ce genre d’enchainements, on reste uniquement concentré sur celle ou celui qui nous fait face ou si, en même temps, on s’élève spirituellement en ayant la sensation ou l’impression d’être « hors » de l’attaque alors que celle-ci revient sans cesse vers nous. Un peu comme si on devenait une falaise et que l’on arrivait à s’extraire de l’assaut des vagues répétées, tout en bas, de notre adversaire.
C’est en les regardant faire que j’ai compris que l’acteur Keanu Reeves pratiquait du Kung Fu Wing Chun à la fin du premier Matrix en 1999. Un film que j’avais vu plusieurs fois à sa sortie. Dont une fois lors de mon séjour au Japon, toujours cette même année. Pour voir ce que cela faisait de voir ce film avec un public japonais à Tokyo.
L’extrait est malheureusement en Français mais c’est tout ce que j’ai pu trouver de disponible.
Démonstration du Sifu ( Maitre) :
Après chaque démonstration du Maitre, Didier Beddar, les pratiquants se sont exercés avec la même partenaire ou le même partenaire pendant une bonne dizaine de minutes voire davantage. Car il y a quelques femmes parmi les stagiaires.
Avant chaque démonstration et avant chaque interruption de pratique, par un appel ou un signal simple, pas particulièrement strident ou bruyant, tous les participants s’arrêtent.
A peu près au milieu du dojo, Didier Beddar fait la démonstration de la nouvelle variation avec un de ses élèves avancés, sans doute également un de ses assistants.
Décontraction, précision, maitrise, Didier Beddar est tel un poisson dans l’eau. Un poisson qui évolue dans l’eau, ou plutôt dans les océans, des Arts Martiaux depuis quarante ans et plus. Didier Beddar s’est rendu plusieurs fois à l’étranger pour apprendre. Et, il continue de le faire.
Lorsqu’il insiste sur l’importance de bien garder son pied avant d’attaque à l’extérieur des pieds de son adversaire, afin d’éviter d’être balayé, cela me rappelle ce qu’a pu nous dire aussi Jean-Pierre Vignau. Et cela me confirme que entre le Kung Fu Wing Chun et le Karaté, deux langues martiales aux règles et aux principes a priori différents voire opposés, qu’il existe, aussi, des grandes règles et des grands principes communs.
Comme cela peut exister, également, entre diverses disciplines martiales ou de combats. A cela, il y a une raison très simple :
Quel que soit l’Art Martial ou le sport de combat pratiqué, celui-ci reste pratiqué par des enfants, des femmes et des hommes, ayant tous pour particularité de faire partie de l’espèce des êtres humains. On a beau décliner de différentes façons la manière de se défendre et d’attaquer, un être humain reste un être humain avec ses possibilités, ses infirmités et ses limites. Il reste ensuite à cet être humain de choisir et de trouver cet Art martial ou cette discipline qui lui permettra de s’exprimer et de se sentir au mieux.
Une ambiance :
Je ne l’ai pas dit mais avant d’entrer dans l’Académie de Didier Beddar, je suis passé par une cour intérieure pavée. Après environ cinquante mètres de marche, l’Académie est là. Ouverte. Agréable.
Je n’ai pas pris de photo ni filmé car lorsque j’ai pensé à demander à Didier Beddar si je pouvais prendre des photos (j’avais même apporté ma petite caméra vidéo), il a réfléchi un peu puis, en souriant, il m’a répondu :
« Non ».
Ensuite, il a ajouté tout en faisant un demi-cercle autour de moi afin de continuer de me dire. « Des photos, des photos, des photos ! Aujourd’hui, on fait tout le temps des photos ». Il a poursuivi :
« Et puis, il y a des gens qui n’ont pas envie d’être pris en photo ».
Il m’a désigné deux photos à l’entrée et a ajouté :
« Vous voyez – qu’il a alterné quelques fois avec le tutoiement- là, je suis avec mon Maitre (il s’agissait peut-être de William Cheung mais je n’en suis plus sûr). Je suis resté dix ans avec lui ».
Il m’a aussi parlé de Dan Inosanto, 82 ans, qui a connu Bruce Lee et travaillait avec lui, qui continuait d’apprendre.
Je ne savais pas que Dan Inosanto était toujours en vie.
Il est vrai qu’aujourd’hui, nous faisons des photos et filmons pour tout. J’aurais voulu avoir quelques photos et vidéos pour cet article. J’ai bien vu que, de temps à autre, il y avait une personne ou deux (toujours les mêmes) qui filmait ou qui photographiait lors des démonstrations. Mais, en arrivant, en retard, je me suis d’abord présenté comme une personne voulant se rendre compte avant de peut-être venir s’inscrire à la rentrée.
Et, en soi, ne pas prendre de photo et ne pas filmer, ne m’empêche pas de donner un aperçu intérieur et personnel de cette expérience.
Il y avait de l’encens dans le dojo. Juste ce qu’il faut. Je me suis souvenu d’un copain vietnamien « chez » qui j’étais allé quelques fois, adolescent. Dans les grandes tours rondes du parc de Nanterre. A chaque fois, j’avais seulement franchi le seuil de la porte d’entrée et étais resté devant le salon. Lequel ressemblait à une jungle tropicale avec toutes ces plantes. Tous ces meubles. Un caddie de supermarché était aussi là, je crois.
Il y ‘avait cette forte odeur d’encens. Et l’oncle de ce copain, debout, au milieu de tout ça, à quelques mètres, montant la garde en quelque sorte. Mi-menaçant, mi-fou. Semblant, pouvoir, à tout moment, venir m’agresser. Le copain lui avait dit quelques mots en vietnamien en entrant, avait disparu dans sa chambre puis était réapparu quelques minutes plus tard. Et nous étions repartis.
Hier, pas d’oncle vietnamien montant la garde durant le stage. Une musique chinoise, apparemment, est passée en douceur durant toute la séance. Affamé, je buvais de l’eau fraîche de temps à autre. Je continuais de regarder devant moi l’un des assistants de Didier Beddar. Il était cette fois sans doute avec le benjamin des stagiaires. Un jeune garçon de 13 ans environ. Sa mère était la dame que j’avais croisée à mon arrivée.
De temps à autre, avec son téléphone portable, elle filmait ou photographiait son fils en pleine action.
D’abord assez intimidé par cet adulte plus grand que lui de vingt bons centimètres, le fils a fini par lâcher quelques coups de pied- contrôlés- à hauteur de visage qui m’ont beaucoup étonné. Il était souple et rapide.
Un autre homme était venu s’asseoir à côté de moi, quelques minutes plus tôt.
« C’est la première fois que vous venez ? ».
Il avait d’abord semblé surpris que je lui dise que c’était la première fois que je venais. Et, pourtant, oui. Et lui ? Il pratiquait avec Didier Beddar. Depuis quand ? 2010.
2010 ?! C’est bien lui avais-je répondu.
Lorsque je lui ai expliqué que j’étais venu voir afin de peut-être venir m’inscrire ensuite, il a trouvé que c’était une « bonne démarche ». Un peu comme si c’était une démarche assez inhabituelle et, qu’à la réflexion, il se disait que c’était vraiment une bonne démarche.
Je me suis dit qu’en fait, cela devrait toujours se passer comme ça. Mais comme souvent, nous voulons faire vite, aller au plus près de chez nous, nous prenons souvent le premier cours venu.
Ou le moins cher.
Lui, ne pratiquait pas car il s’était fait mal à l’épaule. Tendinite.
J’ai demandé :
Vous faites de la kiné ?
Oui.
Vous avez un bon kiné ?
J’espère que oui.
J’espère aussi.
Nous avons rigolé.
Il m’a ensuite appris qu’il avait commencé à enseigner. D’ailleurs, au mois d’aout, le dimanche, de 10h à 11h, il allait donner des cours au Parc Georges Brassens, dans le 15ème arrondissement. Puis, il a précisé : « Et, c’est gratuit, en plus ». Une initiative de la mairie. J’ai retenu l’information. Nous avons échangé nos prénoms.
Plusieurs pratiquants sont venus le saluer, lui donnant l’accolade.
Peu après, une jeune maman est arrivée, avec sa fille de quelques mois. La compagne de l’assistant de Didier Beddar que je voyais s’exercer devant moi depuis le début. Plusieurs personnes sont venues les voir. Dont Didier Beddar. Celui qui, en aout, va donner des cours d’initiation de Kung Fu Wing Chun au parc Georges Brassens, s’est levé. `
Ils se sont adressés à la petite. Didier Beddar a fait semblant d’attaquer le papa de la petite pour voir sa réaction. La petite est restée souriante et sans réaction. Le papa s’en est amusé.
La maman et la petite se sont ensuite assises à côté de moi. La petite s’est mise à me regarder. Et à tendre la main vers moi. Mes lunettes sans doute. Elle a finalement accepté de prendre mon petit doigt dans sa main. On aurait presque dit qu’elle aurait voulu venir dans mes bras. «C’est vrai qu’elle n’est pas sauvage » m’a confirmé sa maman. Je n’avais pas prévu cette rencontre avec cette petite. D’une certaine manière, elle était peut-être une émissaire de ma fille alors en vacances à des milliers de kilomètres de là.
La maman a trouvé que ça faisait assez loin, pour moi, de venir jusqu’ici.
Mais si le Maitre est bon. S’il enseigne quelque chose, ou d’une façon, que l’on a du mal à trouver ailleurs….
Didier Beddar en couverture du Yashima de mars 2022.
Discussion avec Didier Beddar
J’allais partir en sortant des toilettes lorsque j’ai vu que c’était le moment du salut. Il était un peu plus de 17h30.
Après le salut, lorsqu’il est venu vers moi, Didier Beddar m’a alors appris qu’il avait une sciatique. On n’aurait pas dit.
Sans aucun doute que sa pratique affutée, acérée, et permanente des Arts Martiaux depuis des années est pour quelque chose dans cette sciatique. Ce genre de situation est rencontré par tous les Maitres mais aussi par tous les sportifs de haut niveau, à un moment ou à un autre. Et, malgré cela, ils continuent d’enseigner et de pratiquer. Ils ont des responsabilités et des engagements à tenir.
Alors qu’il était assis, en m’accroupissant devant lui, je me suis un peu mieux présenté.
J’étais venu là, sans être annoncé, avec mes dispositions personnelles, en plein stage, et Didier Beddar m’avait accepté. Mais je me suis aperçu en l’interrogeant que je ne lui avais peut-être même pas dit comment je m’appelais. Moi, en arrivant, je l’avais appelé par son prénom. Mais c’était facile pour moi, l’inconnu.
Je lui ai donc donné mon prénom. Et, même si je sais qu’il arrive que des Maitres soient en rivalité ou fâchés les uns les avec les autres, j’ai décidé de lui dire que je suis « un très jeune élève de Jean-Pierre Vignau ».
Didier Beddar a alors souri. S’est étonné que celui-ci enseigne encore. Il a quel âge maintenant ?
77 ans.
Didier Beddar a cinq ans de plus que moi. 59 ans. A mon avis, tant qu’il pourra enseigner, il le fera. Ce qui devrait bien nous amener facilement à 7O ans ou davantage.
Il situait à peu près où se trouvait le dojo de Jean-Pierre Vignau. Je peux d’autant plus le dire que j’ai beaucoup marché pour me rendre à l’Académie de Kung Fu de Didier Beddar :
Deux stations de métro séparent le dojo de Jean-Pierre Vignau de l’Académie de Kung Fu Wing Chun traditionnel de Didier Beddar.
Au lieu de descendre à la station Maraichers comme je l’ai fait pour me rendre au dojo de Jean-Pierre Vignau (actuellement fermé pour raisons économiques), il suffit de descendre à la station Robespierre pour se diriger vers l’Académie de Didier Beddar.
S’il est des Maitres qui se connaissent et se rencontrent, ce n’est pas la première fois que je constate que des Maitres d’Arts martiaux, pourtant ouverts sur le monde et les autres, peuvent enseigner à proximité les uns des autres sans pour autant se rencontrer.
Sans doute que la vraie frontière mentale est surtout celle de l’Art martial choisi et enseigné. Même si la plupart des Maitres, avant de se destiner à l’enseignement d’un Art martial en particulier, ont souvent accumulé des expériences avancées dans plusieurs disciplines martiales, culturelles et mentales.
Maitre Jean-Pierre Vignau, bien que formé au judo, à l’Aïkido et à d’autres Arts martiaux et techniques de combat est un Maitre de Karaté. Sifu Didier Beddar, bien qu’également formé à divers Arts martiaux et formes de combats est avant tout un Maitre de Kung Fu Wing Chun traditionnel. Même s’il m’a expliqué hier faire profiter ses élèves, dans ses cours de Wing Chun, de ce qu’il avait appris, et de ce qu’il apprend, dans d’autres disciplines martiales ou de combats. Comme Jean-Pierre Vignau le fait également lors de ses enseignements.
J’avais aussi été étonné, en allant saluer un matin, Maitre Régis Soavi, il y a quelques mois, avant un cours avec Maitre Jean-Pierre Vignau, qu’ils ne se soient jamais rencontrés l’un et l’autre. Alors que pour se rendre au dojo où Maitre Régis Soavi enseigne avec sa fille Manon Soavi, on descend à la même station de métro que pour aller au dojo de Maitre Jean-Pierre Vignau :
La station Maraîchers, toujours de la ligne 9 du métro. La même ligne qui permet de se rendre à l’Académie de Kung Fu Wing Chun de Didier Beddar.
Jean-Pierre Vignau et Régis Soavi ont à peu près le même âge. Jean-Pierre Vignau doit avoir quelques années de plus que Régis Soavi. Je crois que Régis Soavi a 71 ou 72 ans et il ne pense pas tout à fait à prendre sa retraite martiale et spirituelle à ce que j’ai pu comprendre.
Avant de parler de « concurrence » ou de « conflits » entre deux Maitres, la principale et première frontière est sans doute encore martiale et mentale. Maitre Régis Soavi est Maitre d’Aïkido.
Ensuite, tous les Maitres ont tellement à faire afin d’enseigner, de pratiquer et de promouvoir leurs recherches, en faisant des millions de kilomètres au cours de leur vie, qu’ils peuvent, comme là, passer des années, à entendre parler les uns des autres, en certaines circonstances, sans se rencontrer. Alors qu’il existe une faible distance kilométrique entre leurs dojos.
Même si j’avais déjà entendu parler de lui bien avant cela, Didier Beddar a été interviewé récemment ( en mars de cette année) par Léo Tamaki dans le magazine Yashima. Hier, j’ai donc évoqué cette interview. Je lui ai aussi dit avoir rencontré Léo Tamaki une ou deux fois. Lequel Léo Tamaki, d’ailleurs, comme à chaque été, proposera un stage d’Aïkido à Paris, fin aout. Stage auquel j’espère cette fois pouvoir participer.
Après ces mots, devant Didier Beddar, je cessais un peu- en quelque sorte- d’être un inconnu complet. J’ai aussi parlé un peu de ma pratique du Judo. Du fait d’avoir un peu pratiqué de Ju Jitsu brésilien avec Patrick Bittan (il y a plus de vingt ans).
J’ai ensuite expliqué ce qui me donnait envie de venir recevoir les enseignements du Wing Chun dans son Académie. En continuant de recevoir ceux de Jean-Pierre Vignau.
Didier Beddar a compris mon projet. Lui-même porté sur la polyvalence, il m’a parlé de la nécessité de connaître plusieurs distances de combat et m’a appris que la rentrée se ferait à partir du 2 septembre.
Je me demande si je suis obligé de mentionner que je me sentais mieux et moins déprimé après avoir assisté à ce stage.