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Quand j’écoute de la musique : Lana Del Rey – Balistique du quotidien
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Quand j’écoute de la musique : Lana Del Rey

Zentone, octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

Quand j’écoute de la musique

 

Quand j’écoute de la musique, je dois avoir à peine 16 ou 17 ans tout au plus. Même si la musique (avec ou sans paroles) nous permet d’arriver à divers âges et époques de la vie.

Quelques fois, je repense à ces moments avec des copains, voire des copines ou quel que soit notre « genre », nos origines culturelles, économiques et raciales, l’œuvre ou l’album de l’artiste était un médium qui nous permettait d’être ensemble, de discuter comme de nous provoquer. De nous rejeter aussi. Mais chacun existait de par son diaphragme et son domaine.

Feu Fred Rister, DJ reconnu, compositeur de plusieurs des tubes de David Guetta, coiffeur à l’origine, « écrit » dans son livre Faire danser les gens ( Paru en 2018), qu’il en était arrivé à détester tout ce qui empêchait ou interdisait de danser.

Sans alerter jusqu’à la haine, je ne comprends pas que l’on puisse se passer de musique. De toutes sortes de musiques. Or, en « arrivant à l’âge adulte » comme l’on entrerait dans une religion ou dans une caserne stricte, en devenant des personnes « responsables », je constate que, peu à peu, la musique a perdu de son pouvoir de rassemblement et de mouvement et que nous sommes devenus amnésiques de cette expérience. Je me rappelle d’une jeune mère un peu embarrassée de répondre à son fils de quatre ou cinq ans qui venait de l’interroger en public :

 « Non, on n’a pas dansé à notre mariage… ».

En « prenant » de l’âge, la musique devient superflue car elle ne peut résoudre « nos problèmes ».

La musique qui se produit aujourd’hui – après les années de notre jeunesse – est obligatoirement de la « merde ». Ou la musique se fait territoire de retranchement ou bunker de nos souvenirs à l’intérieur desquels on résiste à notre dépression et nos désillusions, seuls dans notre coin ou avec quelques « fidèles » qui ne nous ont pas ( encore ?) « trahis ».

Pire : La musique devient un bruit de fond comme n’importe quelle source d’images qui nous aspire et nous « aide » à oublier et à maquiller un peu nos fissures ainsi que toutes les menaces qui nous parviennent du monde et nous télescopent lorsque nous  sommes chez nous.

Autrement, être devenus des hyperactifs ou des êtres qui accumulent jusqu’à l’excès des objets qui nous survivront largement nous permet aussi de nous croire à peu près à l’abri et de moins être les cibles d’un quelconque tourment. Trois tonnes d’excréments en haut de l’Everest, résultat de l’alpinisme touristique depuis plusieurs années.

Chez moi, j’ai plus de Cds, de livres et de dvds que je ne pourrai en profiter avant ma mort. Et, en ce qui concerne la musique, je continue d’aller en chercher. De façon physique et individualiste. Je me refuse à me dématérialiser. Enfant, en CE2, un de mes maitres de l’école publique, nous avait fait découvrir la médiathèque de notre ville. On peut emprunter beaucoup de Cds, de livres et de dvds dans les médiathèques. On n’est pas obligé de toujours tout acheter. Et on peut même prolonger les prêts.

Je n’ai plus de contacts avec mes camarades de CE2 depuis longtemps. Je ne sais donc pas qui, dans notre classe, depuis, a continué de vivre, et comment, et de se rendre dans une médiathèque. Mais j’espère que la musique que j’écoute inspire et inspirera ma fille.

Dans l’hôpital où je travaille depuis le début de cette année, il y a une très bonne médiathèque que j’ai repérée assez vite. Certains repèrent rapidement les points de deal de stupéfiants, moi, je repère les médiathèques.

Pochette de l’album  » Sorore » de Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana.

Cette semaine, j’ai rajouté huit emprunts à ceux que je venais de faire prolonger à la médiathèque de mon travail. Parmi ces emprunts, l’album Sorore ( sorti en 2021) de Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana ; 30 ( sorti en 2021) d’Adèle et Did You Know There’s a tunnel under Ocean Blvd ( sorti en 2023) de Lana Del Rey ( Parental Advisory Explicit Content).

Dans mes derniers articles, j’ai parlé des concerts de PJ Harvey ( PJ Harvey à l’Olympia, octobre 2023), Tricky Tricky à l’Olympia ce 6 mars 2024)  et Ann ‘O’aro ( Ann O’aro au studio de l’ermitage ce 14 mars 2024). La semaine prochaine, j’ai prévu de me rendre au concert du groupe Lindigo au Cabaret Sauvage et, cet été, je me suis décidé à retourner voir Massive Attack au festival Rock en Seine. Je parlerai bientôt du concert du groupe Quartier Lointain que j’ai vu la semaine dernière à la cave Dimière d’Argenteuil.

Je répète que je regrette d’avoir raté au début de l’année le concert de Rocio Marquez et de Bronquio.

Vitaa, Amel Bent, Camélia Jordana, Adele et Lana Del Rey ne figurent pas parmi les artistes que je citerais spontanément si l’on me demandait ce que j’écoute comme musique ou comme artiste. Mais ces artistes ont des voix, des personnalités, des histoires. J’ai déjà entendu parler d’elles. J’ai vu quelques images de certaines d’entre elles ou ai pu écouter quelques uns de leurs titres.

Hier, lors de mon premier jour de repos,  j’ai écouté ces trois albums dans l’ordre comme je les ai cités. D’abord l’album Sorore de Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana ; puis 30 d’Adele et Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd de Lana Del Rey.

Trois Françaises, une Anglaise, une Américaine.

Avant de les écouter, j’avais encore tendance à confondre Adele et Lana Del Rey.

Et je confondais Amel Bent avec Chimène Badi.

Amel Bent, Vitaa et Camélia Jordana sur leur album  » Sorore ».

Le premier titre de Sorore ( Marine) m’a surpris et touché pour son texte sincère adressé à la femme politique Marine Le Pen. Mais surtout pour l’hommage à l’artiste Diam’s, auteure du texte, numéro 1 en France dans les années 2000, aujourd’hui retirée du monde du spectacle. Diam’s était une artiste que je savais très populaire lorsqu’elle chantait mais qui, pour moi, faisait partie du décor. Je n’ai jamais pris le temps d’écouter véritablement ce qu’elle disait dans ses chansons même s’il m’est arrivé, ici ou là, de glaner quelques informations.

 Je savais qu’au moins Vitaa était une amie proche de Diam’s mais aussi que cette chanson qui doit avoir une bonne dizaine d’années ( ou davantage) avait toute sa justification en 2021 et encore plus en 2024 :

Lorsque l’on lit que la prestigieuse famille Klarsfeld (parents et fils), auréolée de sa vie consacrée à chasser des anciens nazis, affirme que, aujourd’hui, en avril 2024, « Le Rassemblement National ( de Marine Le Pen) est devenu fréquentable…. ».

Dans l’album Sorore, j’ai aussi aimé l’alliage réussi des trois voix. Je connais trop peu leur signature vocale pour toujours savoir qui chante et j’imagine que c’était le but, de toute façon. J’ai aussi aimé que ces trois chanteuses, qui ont du coffre, s’abstiennent des tours de chauffe et de toute compétition dans les aigus. L’écoute m’a été agréable. J’ai écouté l’album deux ou trois fois de suite sans me demander des comptes.

L’album  » 30″ d’Adele.

Puis, j’ai écouté 30 d’Adele et cela m’a tout de suite plu. J’en ai profité pour commencer à regarder sur le net un peu plus qui était Adele. J’ai appris que ses parents s’étaient séparés lorsqu’elle avait trois ans. Que son père, d’origine galloise, était retourné au pays. Et que sa mère, entre-autre masseuse indépendante, mais aussi fabricante de meubles, avait déménagé plusieurs fois. J’ai lu que, plus tard, dans une interview, alors qu’Adele était devenue célèbre, que son père avait confié être « un père pourri », qu’il était mort d’un cancer ( ou d’alcoolisme) avant ses 60 ans mais aussi qu’Adele et lui s’étaient réconciliés auparavant.

Concernant Adele, je ne sais plus si je me trompe ou si c’est pareil pour la chanteuse Taylor Swift, mais elle avait une grand-mère qui chantait très bien à l’église. Adele est néanmoins plutôt une autodidacte avec des capacités vocales extraordinaires. Cependant, je reste fasciné par ces personnes qui se découvrent dans leur enfance des aptitudes vocales hors normes alors que chanter, parait-il, comme le fait de rire peut-être ou apprendre à jouer de la musique, est supposé être un acte assez instinctif et ordinaire chez l’être humain. Mais il se trouve qu’il est des êtres humains qui savent chanter, faire de la musique et rire ou ont des « facilités » pour y parvenir. Et d’autres qui savent faire ni l’un, ni l’autre ou pour lesquels tout est plus « difficile ».

A lire ou écouter les histoires de ces artistes qui se révèlent, on dirait grossièrement qu’il suffirait à certaines et certains d’avoir seulement la volonté, à un moment de leur vie, généralement dans l’enfance, voire au début des mutations de l’adolescence, de se lancer dans la chanson ou dans la musique pour apprendre qu’ils en sont capables. Alors que d’autres, tous les autres, pour des raisons multiples et contradictoires, plus doués ou non, bien que travailleurs, se résolvent ou se résument à se taire, à être des témoins ou des assistants, à disparaître ou à se perdre.

Peut-être que le désespoir ressenti dans les débuts de leur carrière par ces artistes qui « réussissent » et la nécessité, pour eux, de s’en  sortir seulement au travers de leur art explique en partie cette réussite. On chante et on fait peut-être d’autant « mieux » de la musique que l’on a d’autant plus peur d’être enfermé à jamais dans une boite ou une prison avant d’avoir commencé à véritablement exister. Lorsque nos rêves et nos idéaux parviennent à se hisser au dessus de l’adversité et des frontières sans que l’on se fasse briser. 

Si la peur paralyse et rend docile beaucoup d’entre nous, il en est qu’elle transforme en créatures possédées ou en volontaires tranchés décidés à tenir jusqu’à ce qu’ils aient atteint leur but. Et, c’est généralement cette expérience que la majorité des spectateurs ou des admirateurs part chercher ou retrouver chez les artistes. Car la docilité et le découragement, nous en avons une expérience quotidienne et sommes, pour la plupart d’entre nous, plutôt des experts dans ces domaines. C’est aussi pour cela qu’on nous recrute, qu’on nous administre, qu’on nous protège, qu’on nous police et qu’on nous garde.

Mais ce que je raconte à propos du « désespoir » comme l’aiguillon possible d’une carrière n’est pas une science exacte. Car beaucoup ont essayé et essaient de toutes leurs forces sans parvenir jusqu’à se faire connaître de nous comme il se devrait ou se pourrait. Beaucoup essaient ou ont essayé et, parmi elles et eux, il y a aussi toutes celles et tous ceux qui « finissent mal » ou disséqués. Or, assez peu de monde n’a véritablement envie de « finir mal » ou de se retrouver disséqué vivant.

C’est peut-être pour cela, qu’en lisant la page wikipédia consacrée à Adele, j’ai assez mal supporté que soit plusieurs fois souligné le fait que celle-ci avait fait gagner beaucoup d’argent à l’industrie musicale. C’est mon côté idéaliste et adolescent qui avait repris le dessus : Pour moi, la musique a plutôt à voir, d’abord, avec ce que l’on a besoin d’exprimer, à créer, et comment on touche le public. J’ai du mal à croire qu’Adele et beaucoup d’artistes musicaux, lorsqu’ils se lancent dans la musique, aient comme but prioritaire « d’injecter », comme je l’ai lu, des millions ou des milliards de bénéfices sur les comptes en banque des différents « acteurs » ou agents de l’industrie du disque. Ce qui impliquait que le public qui avait acheté les albums d’Adele mais aussi assisté à ses représentations publiques était avant tout considéré comme un troupeau de consommateurs. Le ruminant, en moi, n’a pas aimé être ainsi quadrillé et éclairé.

Même si le consommateur ruminant que je suis sait aussi que -dès le départ- certains artistes peuvent avoir un plan de carrière, je crois encore que c’est d’abord leur particularité, leur sincérité comme le fait que le public s’identifie à ce qu’ils « montrent » ou ressentent qui fait le succès des artistes mais aussi leur « rencontre » avec leur public.

Car, pour moi, un artiste public est un être qui aspire à créer et à rencontrer quelqu’un d’autre ou un public, tout en cherchant à gagner sa vie de cette façon me semble-t’il. Même si les rencontres que cet artiste peut faire ensuite alterne avec les extrêmes. De l’exceptionnel au plus que désobligeant.

L’album  » 30″ d’Adele.

Sur l’album d’Adele, j’ai aimé My Little Love, All Night Parking ( avec Errol Garner). J’avais aimé d’autres titres. J’avais été très étonné d’aimer aussi facilement autant de titres.

Mais j’ai écouté l’album de Lana Del Rey, Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd.

Je pourrais presque écrire que j’ai fait l’erreur, ensuite, d’écouter le dernier album de Lana Del Rey. Car, à partir de là, j’ai eu autant de reconnaissance pour les deux précédents albums qu’une momie peut en avoir pour l’existence.

 

L’album  » Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd » de Lana Del Rey.

Le processus d’emprise ou d’hypnose sur moi par Lana Del Rey a probablement dû commencer dès le premier titre de son album :

The Grants.

Un titre tout simple en apparence, même pas criard. Plaisant à écouter. Je n’ai pas fait attention. J’ai continué.

Qu’est-ce que je « savais » sur Lana Del Rey avant d’écouter cet album, son dernier à ce jour ?

J’avais déjà écouté deux ou trois de ses titres dont Blue Jeans qui doit être l’un des deux seuls titres ( si je ne me trompe pas) que j’ai d’elle sur un de mes baladeurs numériques. J’avais un peu entendu parler de polémiques à son sujet qui devaient tourner autour de sa réelle légitimité en tant qu’artiste, je crois. Mais je n’en n’avais jamais fait une artiste à écouter en particulier. Lorsque la programmation du festival Rock en Seine cet été a été annoncée et que j’ai su que Lana Del Rey y serait le premier jour, à aucun moment je n’ai envisagé d’aller la voir sur scène alors que j’aurais pu, alors, acheter une place pour ce jour-là. Je ne partageais pas l’engouement qui accompagnait cette annonce :

Lana Del Rey au festival Rock En Seine !

Aujourd’hui, il est trop tard pour acheter une place pour aller voir Lana Del Rey cet été.  Il n’y a plus de places disponibles, officiellement, pour la seule date parisienne, au festival Rock en Seine, de Lana Del Rey, quatre mois avant le début du « festival ».

Rock en Seine était peut-être un festival lorsqu’il a été créé au début des années 2000. Mais, aujourd’hui, c’est une usine à cash. Ses tarifs sont dotés du turbo. Et il existe aussi une certaine tendance à la spéculation. Il est probable que quelques jours avant le concert de Lana Del Rey, des places soient proposées à la revente par des particuliers opportunistes deux ou trois fois la valeur initiale du prix du billet.

J’ai accepté de payer 81 euros pour aller revoir Massive Attack au festival Rock en Seine le samedi 24 aout. Même si d’autres groupes joueront aussi ce jour-là. Mais si j’avais voulu « prendre » un forfait deux jours et  voir PJ Harvey le lendemain, par exemple, j’aurais dû payer 135 euros. Ça paraît une bonne réduction mais le tarif devient lourd d’autant que, sur place, il s’agira de consommer, d’acheter à boire ou à manger. Tout sera fait en conséquence pour que cela arrive. Puisque, pour des « raisons de sécurité », on nous interdira de nous rendre sur le site avec ceci ou cela. Lorsque l’on est jeune et  » sans charges », on regarde peut-être moins à la dépense. Surtout s’il est question de se rendre à un festival ou à un concert avec des copains et des copines et d’être  » avec tout le monde ». Mais lorsqu’on l’est un peu plus « vieux », plus critique et aussi plus individualiste, on aime moins se déplacer pour se faire feinter par ce genre d’entourloupe. 

Néanmoins, après ce que j’ai entendu hier, et malgré ce que je dis de l’industrie musicale, j’aurais accepté de payer 81 euros ou un peu moins de 100 euros pour aller voir Lana Del Rey (et d’autres artistes) à un festival. D’autant que je sais que certaines personnes ont bien accepté de payer 3000 euros pour pouvoir assister à la finale du cent mètres en athlétisme aux Jeux Olympiques à Paris cet été. Et d’autres ont déboursé 7000 euros pour pouvoir assister à certaines épreuves olympiques cet été en France.

L’album  » Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd » de Lana Del Rey.

De telles dépenses ont de quoi couper la voix. Celle de Lana Del Rey est peut-être plus limitée que celle qu’Adele et du trio forgé par Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana. Mais cela ne l’empêche pas de titiller nos humeurs et nos émotions. Des trois albums, son album est sans doute le plus varié en termes d’atmosphères et de musique.

Le titre A&W en est une très bonne démonstration. Entendre ce titre en concert doit être assez inoubliable. Lorsque je l’ai entendu la première fois, je l’ai d’abord pris pour une gentille ballade à la guitare/piano/voix où Lana Del Rey s’emploie à baisser le son de sa voix le plus possible, de celle qui a vécu. Malgré les effets qu’elle met dans sa voix, j’ai eu l’impression d’avoir déjà entendu ça ailleurs. Je me suis éloigné de quelques mètres. Puis, il y a eu un changement ( le titre dure 7 minutes et 14 secondes) et je me suis dit qu’il fallait que je réécoute tout le début. Oui, c’était bien le même morceau que j’avais commencé à entendre. A&W « explique » que c’est une erreur de sous-estimer Lana Del Rey.

Lana Del Rey peut autant livrer des chansons de peines de cœur ( ou « Torch songs ») comme le font Adele, Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana de manière « pop » ou « sage », dirons-nous, que dériver vers le Gospel, le Blues ou le Hip Hop. Elle a certes l’avantage de la langue.

Je me suis demandé si j’étais victime de cette éducation qui, en occident, nous soumet au conditionnement de la langue Anglaise. Sauf qu’Adele chante en Anglais.

C’est peut-être mon conditionnement à la culture américaine, alors ?

Je crois aussi que Vitaa, Amel Bent, Camélia Jordana et Adele font « trop propres » sur elles. Pourtant, Adele parle de son alcoolisme par exemple et sa carrière initiée avant sa majorité fait d’elle un poids lourd en matière de vécu. Et, Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana, séparées ou en trio ne manquent pas de vécu non plus.

Mais il y a dans la musique de Lana Del Rey un refus de la sécurité qui s’infiltre et qui s’attarde. Elle m’a rappelé l’actrice Nicole Kidman dans le film Paper Boy réalisé par Lee Daniels en 2012. J’ai parlé « d’emprise et d’hypnose » pour Lana Del Rey. Mais on pourrait aussi bien parler d’elle comme d’une femme des marécages qui vous retient. On ne peut pas dire d’elle :

« L’essayer, c’est l’adopter ». Car Lana Del Rey, c’est une toile d’araignée. Et une Alien. On avance a priori facilement dans son album comme dans son antre pour ne plus avoir très envie d’en sortir.  

Si l’on compare les trois couvertures d’album, il y a aussi, chez Lana Del Rey, une très nette maitrise de l’image. J’ai lu qu’elle avait pu réaliser certains de ses clips et que certains de ses amis avaient comparé son univers à celui du réalisateur David Lynch. Je comprends cette comparaison. A ceci près que Lana Del Rey ne viendrait pas des films de Lynch mais attesterait par elle-même du fait que le réalisateur, pour ses films, s’était inspiré de personnes qu’il avait véritablement rencontrées mais jamais employées comme comédiens.

Sur la couverture de son album, en noir et blanc, alors que celle des albums de Vitaa, Amel Bent, Camélia Jordana et Adele est en couleur, le regard de Lana Del Rey interroge autant qu’il suggère qu’elle s’ennuie. Celui d’Adèle semble regarder un horizon encore lointain ou qui se dérobe. Dans le regard de Camélia Jordana, Vitaa et Amel Bent, je trouve de la fierté ou de la dignité, de la solidarité et de l’optimisme. On peut tout supposer d’un regard. Mais l’album de Lana Del Rey a pour titre une question contrairement aux deux autres.

Lorsque j’ai un peu essayé de savoir à quoi Océan Blvd faisait référence, en m’attendant à ce qu’il me confirme qu’il s’agissait d’Hollywood, j’ai trouvé que c’était le titre du deuxième album d’Eric Clapton. Il y a très vraisemblablement des explications plus évidentes à ce titre. Mais le peu que j’ai compris du personnage de Lana Del Rey m’indique que l’allusion au deuxième album d’Eric Clapton est aussi possible.

On a de quoi se creuser la tête avec Lana Del Rey. Mais il y a aussi son langage.

Autant, elle peut être assez sobre, ou d’allure enfantine, autant elle nous susurre son sexe et nous le suture dans la tête avec douceur à la façon de l’épouse attentive, presque plaintive et soumise, qui nous accueillerait en nous disant :

« Je t’ai laissé tranquille toute la journée, j’ai tout fait à la maison. Maintenant, fais-moi jouir et rêver autant que je t’ai attendu et espéré. Fais en sorte que plus rien d’autre ne compte vraiment ». 

Son “Fuck me to death and love me until I love myself” répété au moins trois fois dans son titre Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd en est un des exemples. Sauf que c’est plutôt, elle, Lana Del Rey, qui nous baise jusqu’à la mort.

Quant à savoir, si nous nous aimons véritablement, personnellement, il ne nous reste, qu’à la réécouter à nouveau pour tenter de nous en assurer tant, avec elle, les illusions sont presque parfaites.

Franck Unimon, ce dimanche 7 avril 2024.

 

 

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