Catégories
self-défense/ Arts Martiaux

Marcher jusqu’à un Maitre de Kung Fu Wing Chun traditionnel

Montreuil, ce samedi 30 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

Marcher jusqu’à un Maitre de Kung Fu Wing Chun traditionnel

 

Me faire marcher

 

Cela doit faire deux semaines que je n’ai pratiqué le karaté avec Maitre Jean-Pierre Vignau. Le dojo est fermé. Jean-Pierre est actuellement à Agde où il dirige son stage de karaté estival jusqu’au début du mois d’aout. Et, ma dernière séance avec mon club d’apnée doit dater de bientôt un mois. 

A partir de 14h 15, ce samedi, j’ai  commencé à marcher depuis la gare du RER A de Vincennes. Il faisait trente degrés ou plus.

Cela a finalement duré plus que les dix minutes prévues. Parti de chez moi, à Argenteuil, un peu avant 13h30, sans déjeuner, j’ai fini par trouver l’endroit aux alentours de 15 heures. Je suis passé par la Croix de Chaveaux, la rue de Paris, devant la station de métro Robespierre de la ligne 9.

 

A Vincennes, les gens interrogés, bien que désireux de m’aider, ne savaient pas où se trouvait la rue Robespierre, à Montreuil.

 

Je me suis sûrement trompé d’itinéraire. Comme cela arrive souvent lors des « premières fois ».

 

Il y avait plus simple, plus facile et plus court pour arriver au 71, rue Robespierre. Le nom de cette rue me disait quelque chose. J’y étais sans doute déjà allé mais je n’arrivais pas à me rappeler les circonstances.

 

 

Mais je ne regrette pas toute cette marche.

 

 

Montreuil, ce samedi 30 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Je regrette plutôt de ne pas avoir fait plus tôt, et plus souvent, ce genre de démarche.

 

Je regrette de m’être trop souvent, trop facilement, contenté d’entrer dans des magasins. Il y en a tellement. Tout le temps. Et toujours. Et quand il n’y en n’a pas assez, on s’ennuie et on va là où il y en a plein à aller voir.

 

Je regrette d’avoir fait le même genre de rencontres : D’avoir joué plusieurs fois le même rôle devant des publics différents. Et semblables. De m’être rendu à des endroits ou à des soirées parce que cela se faisait d’y être. Et pour y être d’une façon qui, finalement, maintient la soif et le manque plus qu’elle ne l’apaise.

 

 

Je suis très dur avec moi-même ? Oui, en ce sens que j’ai vécu et vis aussi des moments très agréables. Non, lorsque je commence à entrevoir cette importance que j’ai pu donner et peux donner à certaines expériences.

 

Non, si je considère la façon dont peuvent être regardés les Arts Martiaux aujourd’hui.

 

Je suis désolé devant cette désaffection connue, en nombre de pratiquants, par les Arts Martiaux. Les chiffres de la baisse du nombre de pratiquants d’Arts Martiaux sont évoqués de temps à autre dans certains média spécialisés…dans les Arts Martiaux. Ce sujet ne sera pas évoqué au journal de 20 heures. Et encore moins sur Cnews ou dans des média-potins du type Gala, Closers ou Paris-Match.

 

Ce que « veulent » ces média, et, officiellement, la majorité d’entre nous, c’est du buzz et du spectacle. Du rapide. De l’anti-rides.

 

 Ce qui est efficace. Ce qui, en deux ou trois mouvements,  change tout de manière définitive. Et parfaite.

 

Problème : la perfection et la plénitude ne s’obtiennent pas exactement en deux-trois coups de reins ou de bistouris. Tous les niqueurs de la Terre, toutes les niqueuses de la Terre, quel que soit leur domaine d’expertise, et tous les adeptes de la chirurgie esthétique physique et mentale le savent.

 

L’effet obtenu ne dure pas.

 

Le sentiment de victoire totale et absolue reste provisoire. Il faut donc ravaler et recommencer  à un moment ou à un autre.

 

Soit parce-que l’on finit par s’apercevoir qu’il nous manque quelque chose. Ou parce-que quelqu’un arrive à faire ou à obtenir « mieux » ou plus que nous et, d’une certaine façon, menace notre « réussite ».

 

Réflexions d’un déprimé

 

 

Ce sont des remarques de déprimé. Et, j’étais déprimé hier après-midi. Mais j’étais normalement déprimé. Je savais – et sais- largement encore faire la différence entre le trépas et des vacances estivales. Et j’étais, et suis, encore en vacances pour à peu près une dizaine de jours.

 

Malgré le soleil et les sourires, la déprime ne se lit pas sur les visages ni dans le bronzage. Actuellement, il se trouve quantité de personnes en vacances qui s’exposent au soleil. Parmi elles se trouvent un certain nombre de personnes déprimées. Elles ont beau être tranquillement allongées sur le sable, reproduire une certaine quantité de coïts réguliers, ou rire à peu près tous les jours, la rentrée ne sera pas des plus faciles pour elles.

 

Et elles le savent.

 

Ce sont celles et ceux qui les entourent -et croient les connaître- qui le savent moins.

 

 

Je connaissais en effet la rue Robespierre, à Montreuil. Nous nous étions arrêtés dans cette rue, il y a un an ou deux, ou peut-être plus, ma compagne, ma fille et moi, en voiture. Pour aller faire des courses dans le magasin bio Les Nouveaux Robinsons. J’ai encore oublié d’où nous revenions.

 

A une centaine de mètres, environ, ou peut-être moins, de ce magasin bio, il y a cette académie de Kung Fu Wing Chun présente là depuis plusieurs années, ouverte et dirigée par Sifu Didier Beddar.

 

En 1993, Didier Beddar avait ouvert une première salle d’Arts Martiaux dans le 20ème arrondissement de Paris.

 

 

Je suis désolé que les gens, dans une grande majorité, se détournent des Arts Martiaux ou ne les voient que comme une activité folklorique fanée parce-que les Arts Martiaux aident à vivre. Et pour s’aider à vivre, il est devenu courant d’aller vers la facilité :

 

Il existe bien plus de pharmacies ayant pignon sur rue que de salles d’Arts martiaux  ou de dojos ouverts. Certains médicaments dispensés dans les pharmacies sont indispensables. D’autres, moins.

 

Mais on a beaucoup plus facilement accès à un médicament « délivré » sur ordonnance ou sans ordonnance qu’il suffit de se mettre dans la bouche tel un hostie qu’à une séance avec un Maitre d’Arts Martiaux.

 

Peut-être qu’hier, à ma place, au lieu de se rendre à l’académie de Kung Fu Wing Chun de Didier Beddar, que d’autres personnes se seraient contentées d’un comprimé de lexomil ou de lysanxia. Ou, pourquoi, pas de Prozac ? Ou de cannabis. Ou d’un peu de Vodka. Ou d’une partie de fesses avec la première personne disponible et volontaire.

Montreuil, samedi 30 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

On peut aller danser, aussi. Mais pour danser, il faut souvent attendre la nuit. Et on y va généralement avec un groupe d’amis ou de connaissances. Des années que cela n’est plus arrivé. Cela nous est passé sans même y penser. Et sans que cela ne nous manque non plus. 

Mais je n’exclue pas d’y retourner. J’écoute toujours de la musique. Du Konpa des années 70, c’est vrai. Mais aussi Hollie Cook ( Looking for real love) et aussi, dernièrement, Dua Lipa :

Hallucinate

Peut-être qu’hier, à ma place, d’autres personnes seraient parties faire du « shopping » pour se changer les idées. En journée, c’est possible. 

J’ai fait du « shopping » pendant des années. Depuis quelques mois, je m’aperçois que je me comporte différemment avec cet échappatoire. Mais aussi dans les magasins où je rentre.

 

Hier, sur le trajet pour aller à l’Académie de Didier Beddar, en sortant de la gare St Lazare, je suis tombé sur un nouveau magasin Doc Martens, dans la rue du Havre. Je « connais » cette rue. J’aime assez cette marque de chaussures. Ce magasin n’était pas là auparavant. Il avait ouvert la veille.

 

J’y suis entré. J’ai fait un tour pour voir. En ayant l’impression d’être un peu comme l’enfant assez facilement détourné de son intention de départ.

 

A l’intérieur du magasin, se trouvaient de jeunes vendeurs souriants, accueillants et très appliqués assurant la relève de toutes ces vendeuses et de tous ces vendeurs que nous avons rencontrés depuis l’enfance.

 

Ces vendeurs devaient avoir tour juste une vingtaine d’années. Pour eux, c’était sans aucun doute un poste à très haute responsabilité. Et c’est une très haute responsabilité.

 

Car c’est du travail que de savoir recevoir des clients différents, de tous les âges, de toutes les catégories sociales, directement, dans une grande ville comme Paris. Dans une rue aussi passante et commerçante.

 

Il s’agit de réussir.

 

De donner satisfaction à son employeur.  De parvenir à bien s’entendre avec ses collègues. De rester souriant et accueillant malgré les contrariétés diverses que l’on peut vivre personnellement.

Car on est une vitrine. Une image. On représente le magasin. La marque. Et on ne doit, en aucun cas, être un préjudice ou une menace, pour le magasin et la marque.

 

Il ne faut pas (se) rater.

Montreuil, près de l’Académie de Didier Beddar, ce samedi 30 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Esprit martial

 

 

J’étais dans l’Académie depuis moins de deux minutes. J’avais un peu discuté avec une dame qui assistait à la séance et qui venait de me dire que l’un des pratiquants, là, dont je voyais le dos, faisait partie des enseignants. Lorsqu’un autre enseignant est venu me voir. J’avais à peine commencé à lui parler que, du fond de la salle, alors qu’il s’entraînait avec quelqu’un, Sifu Didier Beddar m’a vu. J’ai vu qu’il m’avait vu. Le même regard, à travers la salle, malgré tous les pratiquants (une bonne quarantaine) qui occupaient l’espace que Maitre Léo Tamaki lorsque, sans le prévenir, j’étais venu assister à un de ses stages l’été dernier.

 

Le Maitre pratique ou enseigne à l’intérieur du dojo mais reste ouvert à ce qui arrive de l’extérieur. Ce n’est pas le résultat d’une angoisse particulière. Plutôt une forme d’hyper-vigilance et d’éveil ou d’attention à laquelle on peut parvenir lorsque l’on a suffisamment assimilé ce que l’on pratique. Le guitariste qui connaît sa gratte, lorsqu’il est rôdé, peut jouer, juste et bien, ou improviser, tout en voyant ce qui se passe dans la salle. Tout en discutant. Et si un de ses acolytes sur scène, à un moment ou à un autre, amène une variation, il va l’entendre et jouer en fonction de cette variation. S’il s’est suffisamment accordé avec ses acolytes. S’il est suffisamment maitre de ses doigts et de sa guitare.

 

Les Maitres d’Arts martiaux, mais aussi les enseignants et les professeurs de sports de combats, rappellent souvent qu’une arme blanche est une extension du corps.

 

Le dojo, aussi, est une extension du corps – et de l’esprit- du Maitre.

 

Un Maitre prend possession de l’espace dans lequel il enseigne ou pratique. Comme nous pouvons prendre possession de notre maison. Il est donc normal que Didier Beddar m’ait aperçu très vite après mon arrivée dans son académie. Même si cela m’a de nouveau surpris comme j’avais pu être surpris que Léo Tamaki m’ait vu arriver, alors que j’étais encore dans la cour intérieure précédant l’entrée du dojo. ( Dojo 5 ). 

 

Mais il est vrai que Léo Tamaki avait une vue directe, depuis là où il se trouvait, sur cette cour intérieure. Ce qui a peut-être aussi contribué aux choix de Léo Tamaki pour ce dojo…..

 

Maitre Jean-Pierre Vignau, avec lequel j’ai débuté le karaté cette année, lorsque j’entre dans le dojo, est souvent posté à un endroit stratégique depuis lequel, par un jeu de miroirs, il voit qui entre avant d’être vu lui-même. ( Le Dojo de Jean-Pierre Vignau). 

 

Ce n’est pas de la parano. Même si Maitre Jean-Pierre Vignau a pu me dire :

 

« Je suis parano ».

 

Pour moi, cet état d’esprit est de l’esprit martial. C’est être attentif à son environnement. Voire, à l’état ou aux intentions de celle ou de celui qui s’amène.

 

Je continue de penser qu’un Maitre ou une Maitresse d’Arts martiaux, lorsqu’il nous voit arriver la première fois. Lorsqu’il nous voit nous déplacer. Respirer. Lorsqu’il nous entend nous exprimer. Qu’il « sait », en grande partie, à qui elle ou il a affaire.

 

Qu’elle sait ou qu’il sait presque d’où nous venons. Qui nous sommes. La Maitresse ou le Maitre ne devine pas l’adresse de notre domicile. Ni notre date de naissance. Ni le prénom et le nom de notre premier Amour. Car, dans ce cas, ce serait de la voyance. Mais je crois que la Maitresse ou le Maitre a une idée, plutôt juste, de notre vécu. De notre personnalité. De nos intentions. En tant qu’être humain. En tant que pratiquant martial.

 

Nous aussi, les gens lambdas, nous « faisons » ça avec nos contemporains. En fait, nous les gens lambdas, nous essayons de faire ça lorsque nous rencontrons quelqu’un dans notre vie.

 

Mais la grande différence entre les Maitres et les gens lambdas, c’est que, le plus souvent, les Maitres et les Maitresses, eux, ne se trompent pas. Ou beaucoup moins que la majorité d’entre nous. Il suffit de peu de temps, de peu de situations où elles et ils nous voient à l’œuvre, pour que les Maitresses et les Maitres « sachent » où nous en sommes dans notre évolution personnelle.

 

 C’est ce que je crois encore pour l’instant.

Montreuil, ce samedi 30 juillet 2022 dans la rue Robespierre. Photo©️Franck.Unimon

 

Assister au stage de Kung Fu Wing Chun : Pa ni Problèm

 

«  Pa ni Problèm » m’a rapidement répondu Didier Beddar après lui avoir demandé à pouvoir assister au stage. Et, lui de m’indiquer un banc qui se trouvait à peine un mètre derrière moi.

 

J’ai pensé participer à ce cours qui est en fait un stage de quatre jours proposé et dirigé par Didier Beddar et plusieurs de ses élèves devenus ses assistants de 11h à 17h30.

Mais je n’ai pas les sous même si 65 euros pour une journée de stage est un tarif abordable.

 

Cet été, la priorité a été donnée aux vacances de ma fille en Guadeloupe chez mes parents avec ma sœur, mon beau-frère et ses enfants. Il m’en coûtera plus de 1200 euros. De quoi faire plusieurs stages de Kung Fu Wing Chun. De quoi largement payer une année de cours à l’académie de Kung Fu de Didier Beddar (700 ou 800 euros, licence incluse selon la formule choisie. Frais auxquels il faut rajouter ceux pour la tenue vestimentaire).

 

Mais je n’ai pas de regret dans le fait d’avoir donné la priorité au séjour de ma fille en Guadeloupe.  

 

Devant moi, à moins de deux mètres, un des enseignants de l’académie s’entraîne avec un stagiaire. Ce sont deux silhouettes antinomiques. Le premier est plus grand d’à peu près dix centimètres, longiligne. Le second est musclé, assez bodybuildé, trapu, a le bras tatoué et transpire beaucoup. Son maillot est mouillé. Dessus, en lisant, on peut deviner qu’il pratique ou a pratiqué l’Arnis, une escrime martiale philippine. A voir son côté déterminé, physique, je devine aussi l’homme qui  a pratiqué d’autres sports de combat ou d’Arts martiaux et qui « aime » ça. Qui « aime » se confronter. Qui est combattant.

 

Une meilleure connaissance et un meilleur usage de son corps

 

 

En face, l’enseignant est une horloge gestuelle. Les divers fuseaux horaires des mouvements de ses bras (les deux hommes travaillent les bras) semblent pouvoir se rejoindre presque indéfiniment. Alors qu’ils font une pause, il explique une spécificité biomécanique de l’avant bras qui permet la réalisation du geste.

 

Les Arts martiaux, bien enseignés, bien maitrisés, ainsi que d’autres disciplines, permettent une meilleure connaissance et un meilleur usage de son corps. Les achats dans un magasin ou sur le net, un comprimé de lexomil ou de lysanxia, un joint ou une bouteille de vodka ne nous apprennent pas ça. Même s’ils peuvent permettre de participer à certains événements festifs et sociaux. 

 

Le pratiquant d’Arnis, puissant, met plus de force. Il rencontre la précision constante de son partenaire qui ne donne pas l’impression de forcer. Mais, plutôt de pédaler. La géométrie de ses mouvements me paraît difficile à exécuter. Cependant, elle pare avec aisance les « attaques » adverses mais aussi les prend de vitesse plusieurs fois. Il y a à la fois de l’hypnose et du derviche tourneur dans ces enchainements de bras.

 

L’hypnose pour le fait d’attirer ou d’aspirer l’agresseur vers soi afin qu’il vienne en quelque sorte « déposer » ses offensives et ses armes dans un espace où leur destructivité s’efface.

 

Le derviche tourneur car cette succession de formes et de forces conjointes  forme une sorte d’aspiration vers le haut. Et, je me demande si lors de ce genre d’enchainements, on reste uniquement concentré sur celle ou celui qui nous fait face ou si, en même temps, on s’élève spirituellement en ayant la sensation ou l’impression d’être « hors » de l’attaque alors que celle-ci revient sans cesse vers nous. Un peu comme si on devenait une falaise et que l’on arrivait à s’extraire de l’assaut des vagues répétées, tout en bas, de notre adversaire.

 

C’est en les regardant faire que j’ai compris que l’acteur Keanu Reeves pratiquait du Kung Fu Wing Chun à la fin du premier Matrix en 1999. Un film que j’avais vu plusieurs fois à sa sortie. Dont une fois lors de mon séjour au Japon, toujours cette même année. Pour voir ce que cela faisait de voir ce film avec un public japonais à Tokyo.

L’extrait est malheureusement en Français mais c’est tout ce que j’ai pu trouver de disponible.

Démonstration du Sifu ( Maitre) :

 

Après chaque démonstration du Maitre, Didier Beddar, les pratiquants se sont exercés avec la même partenaire ou le même partenaire pendant une bonne dizaine de minutes voire davantage. Car il y a quelques femmes parmi les stagiaires.

 

Avant chaque démonstration et avant chaque interruption de pratique, par un appel ou un signal simple, pas particulièrement strident ou bruyant, tous les participants s’arrêtent.

 

A peu près au milieu du dojo, Didier Beddar fait la démonstration de la nouvelle variation avec un de ses élèves avancés, sans doute également un de ses assistants.

 

Décontraction, précision, maitrise, Didier Beddar est tel un poisson dans l’eau. Un poisson qui évolue dans l’eau, ou plutôt dans les océans, des Arts Martiaux depuis quarante ans et plus. Didier Beddar s’est rendu plusieurs fois à l’étranger pour apprendre. Et, il continue de le faire.

 

Lorsqu’il insiste sur l’importance de bien garder son pied avant d’attaque à l’extérieur des pieds de son adversaire, afin d’éviter d’être balayé, cela me rappelle ce qu’a pu nous dire aussi Jean-Pierre Vignau. Et cela me confirme que entre le Kung Fu Wing Chun et le Karaté, deux langues martiales aux règles et aux principes a priori différents voire opposés, qu’il existe, aussi, des grandes règles et des grands principes communs.

 

 

Comme cela peut exister, également, entre diverses disciplines martiales ou de combats. A cela, il y a une raison très simple :

 

 

Quel que soit l’Art Martial ou le sport de combat pratiqué, celui-ci reste pratiqué par des enfants, des femmes et des hommes, ayant tous pour particularité de faire partie de l’espèce des êtres humains. On a beau décliner de différentes façons la manière de se défendre et d’attaquer, un être humain reste un être humain avec ses possibilités, ses infirmités et ses limites. Il reste ensuite à cet être humain de choisir et de trouver cet Art martial ou cette discipline qui lui permettra de s’exprimer et de se sentir au mieux.

 

 

 

Une ambiance :

 

Je ne l’ai pas dit mais avant d’entrer dans l’Académie de Didier Beddar, je suis passé par une cour intérieure pavée. Après environ cinquante mètres de marche, l’Académie est là. Ouverte. Agréable.

 

Je n’ai pas pris de photo ni filmé car lorsque j’ai pensé à demander à Didier Beddar si je pouvais prendre des photos (j’avais même apporté ma petite caméra vidéo), il a réfléchi un peu puis, en souriant, il m’a répondu :

 

« Non ».

 

Ensuite, il a ajouté tout en faisant un demi-cercle autour de moi afin de continuer de me dire. « Des photos, des photos, des photos ! Aujourd’hui, on fait tout le temps des photos ». Il a poursuivi :

 

« Et puis, il y a des gens qui n’ont pas envie d’être pris en photo ».

 

 Il m’a désigné deux photos à l’entrée et a ajouté :

 

«  Vous voyez – qu’il a alterné quelques fois avec le tutoiement- là, je suis avec mon Maitre (il s’agissait peut-être de William Cheung mais je n’en suis plus sûr). Je suis resté dix ans avec lui ».

 

Il m’a aussi parlé de Dan Inosanto, 82 ans, qui a connu Bruce Lee et travaillait avec lui, qui continuait d’apprendre.

 

Je ne savais pas que Dan Inosanto était toujours en vie.

 

Il est vrai qu’aujourd’hui, nous faisons des photos et filmons pour tout. J’aurais voulu avoir quelques photos et vidéos pour cet article. J’ai bien vu que, de temps à autre, il y avait une personne ou deux (toujours les mêmes) qui filmait ou qui photographiait lors des démonstrations. Mais, en arrivant, en retard, je me suis d’abord présenté comme une personne voulant se rendre compte avant de peut-être venir s’inscrire à la rentrée.

 

Et, en soi, ne pas prendre de photo et ne pas filmer, ne m’empêche pas de donner un aperçu intérieur et personnel de cette expérience.

 

Il y avait de l’encens dans le dojo. Juste ce qu’il faut. Je me suis souvenu d’un copain vietnamien « chez » qui j’étais allé quelques fois, adolescent. Dans les grandes tours rondes du parc de Nanterre. A chaque fois, j’avais seulement franchi le seuil de la porte d’entrée et étais resté devant le salon. Lequel ressemblait à une jungle tropicale avec toutes ces plantes. Tous ces meubles. Un caddie de supermarché était aussi là, je crois.

 

Il y ‘avait cette forte odeur d’encens. Et l’oncle de ce copain, debout, au milieu de tout ça, à quelques mètres, montant la garde en quelque sorte. Mi-menaçant, mi-fou. Semblant, pouvoir, à tout moment, venir m’agresser. Le copain lui avait dit quelques mots en vietnamien en entrant, avait disparu dans sa chambre puis était réapparu quelques minutes plus tard. Et nous étions repartis.

 

Hier, pas d’oncle vietnamien montant la garde durant le stage. Une musique chinoise, apparemment, est passée en douceur durant toute la séance. Affamé, je buvais de l’eau fraîche de temps à autre. Je continuais de regarder devant moi l’un des assistants de Didier Beddar. Il était cette fois sans doute avec le benjamin des stagiaires. Un jeune garçon de 13 ans environ. Sa mère était la dame que j’avais croisée à mon arrivée.

 

De temps à autre, avec son téléphone portable, elle filmait ou photographiait son fils en pleine action.

 

D’abord assez intimidé par cet adulte plus grand que lui de vingt bons centimètres, le fils a fini par lâcher quelques coups de pied- contrôlés- à hauteur de visage qui m’ont beaucoup étonné. Il était souple et rapide.

 

Un autre homme était venu s’asseoir à côté de moi, quelques minutes plus tôt.

 

« C’est la première fois que vous venez ? ».

 

Il avait d’abord semblé surpris que je lui dise que c’était la première fois que je venais. Et, pourtant, oui. Et lui ? Il pratiquait avec Didier Beddar. Depuis quand ? 2010.

 

2010 ?! C’est bien lui avais-je répondu.

 

Lorsque je lui ai expliqué que j’étais venu voir afin de peut-être venir m’inscrire ensuite, il a trouvé que c’était une « bonne démarche ». Un peu comme si c’était une démarche assez inhabituelle et, qu’à la réflexion, il se disait que c’était vraiment une bonne démarche.

 

Je me suis dit qu’en fait, cela devrait toujours se passer comme ça. Mais comme souvent, nous voulons faire vite, aller au plus près de chez nous, nous prenons souvent le premier cours venu.

 

Ou le moins cher.

 

Lui, ne pratiquait pas car il s’était fait mal à l’épaule. Tendinite.

 

J’ai demandé :

 

Vous faites de la kiné ?

Oui.

Vous avez un bon kiné ?

J’espère que oui.

J’espère aussi.

 

Nous avons rigolé.

 

Il m’a ensuite appris qu’il avait commencé à enseigner. D’ailleurs, au mois d’aout, le dimanche, de 10h à 11h, il allait donner des cours au Parc Georges Brassens, dans le 15ème arrondissement. Puis, il a précisé : « Et, c’est gratuit, en plus ». Une initiative de la mairie. J’ai retenu l’information. Nous avons échangé nos prénoms.

 

Plusieurs pratiquants sont venus le saluer, lui donnant l’accolade.

 

Peu après, une jeune maman est arrivée, avec sa fille de quelques mois. La compagne de l’assistant de Didier Beddar que je voyais s’exercer devant moi depuis le début. Plusieurs personnes sont venues les voir. Dont Didier Beddar. Celui qui, en aout, va donner des cours d’initiation de Kung Fu Wing Chun au parc Georges Brassens, s’est levé. `

 

Ils se sont adressés à la petite. Didier Beddar a fait semblant d’attaquer le papa de la petite pour voir sa réaction. La petite est restée souriante et sans réaction. Le papa  s’en est amusé.

 

La maman et la petite se sont ensuite assises à côté de moi. La petite s’est mise à me regarder. Et à tendre la main vers moi. Mes lunettes sans doute. Elle a finalement accepté de prendre mon petit doigt dans sa main. On aurait presque dit qu’elle aurait voulu venir dans mes bras. «C’est vrai qu’elle n’est pas sauvage » m’a confirmé sa maman. Je n’avais pas prévu cette rencontre avec cette petite. D’une certaine manière, elle était peut-être une émissaire de ma fille alors en vacances à des milliers de kilomètres de là.

 

La maman a trouvé que ça faisait assez loin, pour moi, de venir jusqu’ici.

 

Mais si le Maitre est bon. S’il enseigne quelque chose, ou d’une façon, que l’on a du mal à trouver ailleurs….

 

Didier Beddar en couverture du Yashima de mars 2022.

 

Discussion avec Didier Beddar

 

J’allais partir en sortant des toilettes lorsque j’ai vu que c’était le moment du salut. Il était un peu plus de 17h30.

 

Après le salut, lorsqu’il est venu vers moi, Didier Beddar m’a alors appris qu’il avait une sciatique. On n’aurait pas dit.

 

Sans aucun doute que sa pratique affutée, acérée, et permanente des Arts Martiaux depuis des années est pour quelque chose dans cette sciatique. Ce genre de situation est rencontré par tous les Maitres mais aussi par tous les sportifs de haut niveau, à un moment ou à un autre. Et, malgré cela, ils continuent d’enseigner et de pratiquer. Ils ont des responsabilités et des engagements à tenir.

 

 

Alors qu’il était assis, en m’accroupissant devant lui, je me suis un peu mieux présenté.

 

J’étais venu là, sans être annoncé, avec mes dispositions personnelles, en plein stage, et Didier Beddar m’avait accepté. Mais je me suis aperçu en l’interrogeant que je ne lui avais peut-être même pas dit comment je m’appelais. Moi, en arrivant, je l’avais appelé par son prénom. Mais c’était facile pour moi, l’inconnu.

 

Je lui ai donc donné mon prénom. Et, même si je sais qu’il arrive que des Maitres soient en rivalité ou fâchés les uns les avec les autres, j’ai décidé de lui dire que je suis « un très jeune élève de Jean-Pierre Vignau ».

 

Didier Beddar a alors souri. S’est étonné que celui-ci enseigne encore. Il a quel âge maintenant ?

 

77 ans.

 

Didier Beddar a cinq ans de plus que moi. 59 ans. A mon avis, tant qu’il pourra enseigner, il le fera. Ce qui devrait bien nous amener facilement à 7O ans ou davantage.  

 

 Il situait à peu près où se trouvait le dojo de Jean-Pierre Vignau. Je peux d’autant plus le dire que j’ai beaucoup marché pour me rendre à l’Académie de Kung Fu de Didier Beddar :

 

Deux stations de métro séparent le dojo de Jean-Pierre Vignau de l’Académie de Kung Fu Wing Chun traditionnel de Didier Beddar.

 

Au lieu de descendre à la station Maraichers comme je l’ai fait pour me rendre au dojo de Jean-Pierre Vignau (actuellement fermé pour raisons économiques), il suffit de descendre à la station Robespierre pour se diriger vers l’Académie de Didier Beddar.

 

S’il est des Maitres qui se connaissent et se rencontrent, ce n’est pas la première fois que je constate que des Maitres d’Arts martiaux, pourtant ouverts sur le monde et les autres, peuvent enseigner à proximité les uns des autres sans pour autant se rencontrer.

 

Sans doute que la vraie frontière mentale  est surtout celle de l’Art martial choisi et enseigné. Même si la plupart des Maitres, avant de se destiner à l’enseignement d’un Art martial en particulier, ont souvent accumulé des expériences avancées dans plusieurs disciplines martiales, culturelles et mentales.

 

Maitre Jean-Pierre Vignau, bien que formé au judo, à l’Aïkido et à d’autres Arts martiaux et techniques de combat est un Maitre de Karaté. Sifu Didier Beddar, bien qu’également formé à divers Arts martiaux et formes de combats est avant tout un Maitre de Kung Fu Wing Chun traditionnel. Même s’il m’a expliqué hier faire profiter ses élèves, dans ses cours de Wing Chun, de ce qu’il avait appris, et de ce qu’il apprend, dans d’autres disciplines martiales ou de combats. Comme Jean-Pierre Vignau le fait également lors de ses enseignements.

 

J’avais aussi été étonné, en allant saluer un matin, Maitre Régis Soavi, il y a quelques mois, avant un cours avec Maitre Jean-Pierre Vignau, qu’ils ne se soient jamais rencontrés l’un et l’autre. Alors que pour se rendre au dojo où Maitre Régis Soavi enseigne avec sa fille Manon Soavi, on descend à la même station de métro que pour aller au dojo de Maitre Jean-Pierre Vignau :

 

La station Maraîchers, toujours  de la ligne 9 du métro. La même ligne qui permet de se rendre à l’Académie de Kung Fu Wing Chun de Didier Beddar.

 

 

 Jean-Pierre Vignau et Régis Soavi ont à peu près le même âge. Jean-Pierre Vignau doit avoir quelques années de plus que Régis Soavi. Je crois que Régis Soavi a 71 ou 72 ans et il ne pense pas tout à fait à prendre sa retraite martiale et spirituelle à ce que j’ai pu comprendre.

 

 

Avant de parler de « concurrence » ou de « conflits » entre deux Maitres, la principale et première frontière est sans doute encore martiale et mentale. Maitre Régis Soavi est Maitre d’Aïkido.

 

Ensuite, tous les Maitres ont tellement à faire afin d’enseigner, de pratiquer et de promouvoir leurs recherches, en faisant des millions de kilomètres au cours de leur vie, qu’ils peuvent, comme là, passer des années, à entendre parler les uns des autres, en certaines circonstances, sans se rencontrer. Alors qu’il existe une faible distance kilométrique entre leurs dojos.

 

 

Même si j’avais déjà entendu parler de lui bien avant cela, Didier Beddar a été interviewé récemment ( en mars de cette année) par Léo Tamaki dans le magazine Yashima. Hier, j’ai donc évoqué cette interview. Je lui ai aussi dit avoir rencontré Léo Tamaki une ou deux fois. Lequel Léo Tamaki, d’ailleurs, comme à chaque été, proposera un stage d’Aïkido à Paris, fin aout. Stage auquel j’espère cette fois pouvoir participer.

 

Après ces mots, devant Didier Beddar, je cessais un peu- en quelque sorte- d’être un inconnu complet. J’ai aussi parlé un peu de ma pratique du Judo. Du fait d’avoir un peu pratiqué de Ju Jitsu brésilien avec Patrick Bittan (il y a plus de vingt ans).

 

J’ai ensuite expliqué ce qui me donnait envie de venir recevoir les enseignements du Wing Chun dans son Académie. En continuant de recevoir ceux de Jean-Pierre Vignau.

 

Didier Beddar a compris mon projet. Lui-même porté sur la polyvalence, il m’a parlé de la nécessité de connaître plusieurs distances de combat et m’a appris que la rentrée se ferait à partir du 2 septembre.

 

 

Je me demande si je suis obligé de mentionner que je me sentais mieux et moins déprimé après avoir assisté à ce stage.

 

Montreuil, ce samedi 30 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Franck Unimon, ce dimanche 31 juillet 2022.

 

 

Catégories
Puissants Fonds/ Livres

Les Couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. 2ème partie. Ego Trip.

Au Spot 13, 15 janvier 2022. Photo©️Franck.Unimon

Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon, 2ème partie : ego trip.

 

Cet article est la suite de Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. Premières parties

 

Ego Trip :

 

Je crois que nous aimons ces instants où nous retrouvons en nous des endroits faits sur mesure où l’on se sent à l’abri de tout. Ces endroits sont ce qui restent des meilleurs moments de nos origines. Et nous sommes contents, ou heureux, qu’ils soient toujours là malgré les épreuves et le temps passé ou traversé.

 

Il n’est pas nécessaire d’aller très loin, de soulever de très lourdes haltères ou d’avoir recours à des substances chimiques pour parvenir à ce genre d’endroit, ce genre d’état et d’instant.

 

Ecouter ou entendre un titre de musique. Une simple promenade. Un « voyage » dans un métro ou dans un train. Un parfum. Un regard. Une impression. Un sentiment.

Au Spot 13, 15 janvier 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Chacun a sa « recette » ou ses « trucs ». Certains y arrivent plus facilement et plus fréquemment que d’autres. Nous sommes souvent des exilés de nous-mêmes. Amenés à faire certaines compromissions. Obligés d’accepter de multiples contraintes. Et la « récompense » n’est pas toujours au bout de nos – très nombreux et très oubliables – efforts.

 

On pourrait penser que notre existence consiste à pousser de bout en bout afin d’accoucher de nous-mêmes. Sauf que la date prévue pour notre accouchement et notre véritable délivrance est un mystère et peut, finalement, se résumer à l’heure et à la date du constat de notre mort cérébrale et médicale :

 

On peut très bien satisfaire à nos très nombreuses obligations de toutes sortes. Etre une personne plus ou moins impliquée et exemplaire compte-tenu de toutes ces obligations familiales, économiques et sociales et, dans les faits, ne jamais avoir véritablement accouché de soi-même.

 

Une histoire d’Amour nous offre la possibilité, pendant quelques temps «  de retrouver en nous ces endroits faits sur mesure où l’on se sent à l’abri de tout…. ». Et, pendant un temps, nous allons vivre ça avec quelqu’un d’autre, le plus longtemps possible, nous l’espérons.

 

Au spot 13, l’artiste Clément Herrmann, ce 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Ce que j’écris, là, n’a rien d’exceptionnel. D’autres l’ont écrit et vont l’écrire beaucoup mieux que moi.

 

Selon moi, à condition bien-sûr de rencontrer d’abord quelqu’un dont les sentiments et le désir sont réciproques, il n’y a rien de plus de simple que de tomber amoureux de quelqu’un et de ressentir du désir pour lui ou elle, peu importe son genre. Pourtant, ce sujet de la « rencontre » est, à mon avis, un des thèmes qui manque dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon ainsi que dans celui de Mona Chollet (Réinventer l’Amour) : J’ai lu Réinventer l’Amour de Mona Chollet . 

 

Je trouve que l’une comme l’autre escamote un peu trop ce sujet de la rencontre. Car avant toute histoire d’Amour, il y a nécessité d’une rencontre. Que celle-ci soit spirituelle, physique ou autre. Il me semble que notre rapport à la rencontre de quelqu’un d’autre a de grandes incidences pour la suite d’une histoire d’Amour.

 

 

Le sujet de la rencontre

 

Dans le film documentaire Inna de Yard : The Soul of Jamaica  réalisé en 2018 par Peter Webber, Ken Boothe, une des grandes vedettes du Reggae Jamaïcain montrées dans le film, dit à un moment  qu’il s’est longtemps comporté comme un « campagnard » alors qu’il avait déjà du succès ( un succès mondial).

Ken Boothe est originaire d’un milieu social modeste, voire pauvre en Jamaïque. Lors de sa première compétition de chant toujours en Jamaïque, il était très timide. Au point de fermer les yeux pour chanter face au public. La compétition était très dure. Se retrouver face à un public. Et, cette compétition comptait d’autres candidats, qui, comme lui, espéraient pouvoir s’extraire de la misère, mais aussi de la violence, par le chant et la musique. Aujourd’hui, ce sont les Rappeuses et les rappeurs qui s’en « sortent » qui ont ce genre de parcours. Comme bien des chanteuses et des chanteurs de Rock avant eux.

 

En se qualifiant de « Campagnard », Ken Boothe évoquait en fait ses grandes difficultés pour pratiquer les urbanités sociales :

 

Cette aptitude nécessaire, lorsque l’on veut réussir, à entrer en relation avec les personnes qui comptent dans un certain milieu. A établir avec elles une sorte de contact ou de « connexion » qui va leur donner envie de nous aider à développer notre carrière.

 

Pour l’anecdote, et pour rester encore un peu en Jamaïque, l’athlète jamaïcain Usain Bolt, plusieurs fois recordman du monde et plusieurs fois champion olympique- et du monde- du 100 mètres et du 200 mètres, aujourd’hui à la retraite (alors que Ken Boothe continue de chanter) lui, est le contraire du garçon timide.

L’ancien athlète Usain Bolt, en plus d’avoir été le sprinteur le plus rapide du monde pendant plusieurs années, était à l’aise, lui, pour entrer en contact avec les personnes qui comptent parmi les officiels importants de l’Athlétisme mondial.

 

38 ans séparent Ken Boothe de Usain Bolt.  

 

On ne voit pas où je veux en venir ? Je connais bien plus la carrière de Usain Bolt ( né en 1986) que celle de Ken Boothe dont j’avais déjà entendu parler avant ce documentaire de Peter Webber. Pourtant, lorsque j’ai entendu Ken Boothe s’exprimer et se taxer de « campagnard », je me suis subitement beaucoup reconnu en lui.

Problème : nous étions alors en 2019. Année où a été publié le livre Les Couilles sur la Table de Victoire Tuaillon, trentenaire. J’avais alors « déjà » 51 ans, étais marié et père depuis quelques années.

 

Je suis né à Nanterre en 1968. Donc, on lit bien :

 

1968, année en France de la « révolte étudiante », de la « révolution des mœurs », du très profond bouleversement qui s’est opéré dans la société française à cette époque. En pleine période de décolonisation de l’Afrique et de l’Asie, des mouvements de contestation noire aux Etats-Unis, du mouvement hippie, des mouvements de libération de la femme ; de la croissance économique- et du plein emploi- dont on nous parle dans les manuels d’histoire.

Et si la ville de Nanterre, en 1968, a aussi été la ville des bidonvilles, elle n’en n’était déjà pas moins une ville, du département des Hauts de Seine (le département le plus riche de France !) proche de Paris et du futur ou du déjà existant quartier d’affaires de la Défense présenté comme un des plus grands, si ce n’est le plus grand quartier d’affaires d’Europe !

 

 

Ajoutons à cela que Ken Boothe, né en 1948, en Jamaïque, sûrement dans un quartier pauvre, donc dans des conditions nettement plus défavorisées que celles que j’ai pu connaître à ma naissance à Nanterre (de mes parents qui s’étaient exilés de leur Guadeloupe natale en 1966 et en 1967) a ni plus ni moins…l’âge de ma mère, également née en 1948.

 

Au spot 13, Paris, ce vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Par quel tour de passe-passe, moi, né en 1968 à Nanterre, qui ai toujours vécu en ville, et qui a ensuite, après mes études d’infirmier, obtenu un DEUG d’Anglais à la fac de Nanterre ( celle de 1968 !), j’ai pu, en 2019, m’identifier à Ken Boothe né en 1948 dans un quartier défavorisé de la Jamaïque plutôt qu’à Usain Bolt, né en 1986 en Jamaïque, mais ( à ce que j’ai compris) dans un environnement plus favorable que Ken Boothe ?!

 

 

La réponse est simple et connue : la transmission. L’héritage familial. Inconscient et conscient.

Héritage conscient : je sais d’où viennent mes parents. Je suis déjà allé en Guadeloupe avec eux mais aussi sans eux. Je connais et comprends leur langue natale, le Créole. Je mange antillais. J’écoute la musique antillaise de mes parents et danse sur la musique antillaise. Ces derniers jours, j’écoute régulièrement des titres de musique Kompa datant des années 70, une des fonderies de mon enfance.

Héritage inconscient : je n’imagine pas à quel point les enseignements de mes parents, leurs modèles relationnels et leur façon de voir la vie et le monde, même si j’ai pu et peux les critiquer ont pu et peuvent m’influencer. Voire, me conforter dans mes idées mais aussi dans mes préjugés et mes appréhensions.

 

Et nous sommes nombreux à être dans ce genre de situation. On parle de « conflit de loyauté ». De « double lien ». D’ambivalence. Tout cela fait partie du genre humain. Et cela nous conditionne beaucoup lors de nos rencontres avec les autres. Peu importe la sincérité de nos sentiments amoureux pour quelqu’un d’autre.

 

Au cinéma, j’ai pensé au film Nocturnal Animals réalisé en 2016 par Tom Ford. Dans ce film, Susan Morrow, galeriste d’Art à Los Angeles (l’actrice Amy Adams) a une position sociale forte dans le prolongement de son éducation et de ses origines sociales. Elle vit mariée avec un homme qui a également une situation sociale forte. Sauf que quelques années, plus tôt, Susan s’était détourné de son Amoureux de l’époque, Edward (l’acteur Jake Gyllenhaal) qui était plutôt du genre fauché et sans avenir économique bien défini….

 

Au spot 13, fin mars 2022. La deuxième oeuvre est de Clément Herrmann en hommage à l’Ukraine attaquée par l’armée militaire russe le 24 février 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Concrètement, pour moi, une femme « française », c’est souvent une femme blanche, citadine qui fume des cigarettes ou/ et qui boit de l’alcool.

J’ai des amies françaises blanches, citadines, qui fument des cigarettes et qui boivent de l’alcool. J’ai pu être amoureux de femmes françaises qui fumaient des cigarettes (et ou/ du shit). Pourtant, le tabac et la consommation de l’alcool ne font pas du tout partie de mon « idéal » féminin en termes de pratiques. Ni de mon éducation.

 

Comme on dit, on « s’adapte », on « s’accommode », on « évolue ». Par Amour. C’est vrai. Mais jusqu’à un certain point, seulement, à mon avis. Car si, de notre côté, on est prêt à faire certains efforts vers l’autre qui diffère de nous. L’autre, elle ou lui, peut avoir moins d’aplomb pour faire le « grand écart » entre ses origines et nous.

Au spot 13, Paris, 28 avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Ce que je raconte est-il hors sujet ? Suis-je, ni plus, ni moins, en train de raconter ma vie une fois de plus alors que cela ne regarde personne et n’a aucun rapport avec le sujet du livre de Victoire Tuaillon ?

 

Moi, je crois que je suis bien dans le sujet du livre de Victoire Tuaillon comme de celui de Mona Chollet. Celui de la relation, celui du couple, celui de l’Amour. Seulement, si on « oublie » de parler de certaines de ces –grandes- étapes qui précèdent une relation d’Amour, je me dis que c’est comme si on voulait envoyer une fusée dans l’espace en oubliant tout ce qui peut permettre la meilleure mise à feu possible avec la meilleure trajectoire possible.

 

 

Le sujet de la rencontre est vaste. Dans la première partie de mon article, je revendiquais mon droit à être, aussi, « Beauf », « pénible » et « lourdaud ». Maintenant, je revendique mon droit à être « campagnard » dans son sens péjoratif :

Celui qui est vraiment « vieux jeu », conservateur, pas dans le coup,  terre à terre, qui a des idées arrêtées, rigide, pas drôle. Déprimant.

 

Rien à voir avec le profil festif, souriant et sautillant de plusieurs de mes compatriotes antillais ou de mes cousins africains et latins. Avec eux, au moins, on s’amuse bien. Bon, c’est vrai, ils ne sont pas très sérieux. Mais, au moins, c’est fun. Ils mettent de l’ambiance. Avec eux, c’est carnaval. On ne se prend pas la tête !

 

Alors qu’avec moi, on réfléchit. On s’analyse et on se scrute en temps réel. Pas un fantasme inconscient ne doit échapper à notre vigilance !

Au Spot 13, Paris, 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Je suis un militaire de l’affectif et de la vie amoureuse. Le champ-adverse- est localisé. Et délimité. J’effectue des rondes régulières autour de lui.

 

Que l’on se rappelle bien de cette expression :

 

« Un militaire de l’affectif et de la vie amoureuse ».

 

Parce-que cette expression va me servir plus tard.

 

 

Dans les faits, rencontrer quelqu’un n’est pas si simple que cela pour tout le monde.

 

 

Rencontrer quelqu’un : Aussi simple que lire une bande dessinée ?

 

Cet article doit avoir une fin pour des sujets qui, eux (l’Amour, les rencontres amoureuses, la vie amoureuse, la vie à deux ou à plus) sont sans fin pour un être humain. Je serai donc obligé de trancher et de passer sur certaines idées.

Mais je tiens à faire un petit retour en arrière.

 

 

En 2009, je découvrais le monde de Riad Sattouf en allant voir comment il avait transposé au cinéma sa bande dessinée :

 

Les Beaux Gosses.

 

J’avais déja 41 ans en 2009. Pourtant, dès les premières images, son film m’avait parlé. Et plu. Et fait rire. Parce-que j’ai eu l’âge de ses personnages ainsi que leurs inquiétudes.

J’écris « j’ai eu ». Mais cette formulation au passé est un piège caché. Ne l’oubliez pas. Car j’en reparlerai un peu plus tard.

 

En pensant à la deuxième partie de cet article, je me suis rappelé mes 13-14 ans lorsqu’avec un copain, j’avais discuté de la bonne façon d’embrasser une fille. Je ne l’avais jamais fait. Du moins pas comme les « grands ». J’avançais en âge et, à 13-14 ans, je me devais de dépasser l’étape des bisous. Mais comment bien rouler une pelle à une fille ? Comment savoir ? D’autant qu’il y avait cette certitude (qui persiste encore aujourd’hui, je trouve) que le garçon se doit de savoir.

 

Je me souviens encore de ce copain, X…., près d’une des grandes tours de notre cité HLM Fernand Léger, à Nanterre me dire que, lui, il savait ! Alors, je l’ai envié.

 

Moi, je ne savais pas. Evidemment, il n’allait pas me mettre sa langue dans la bouche pour me montrer. Il y avait comme une défaite pour moi, ce jour-là. A me retrouver devant ce copain qui avait ce Savoir inestimable et indestructible. Alors que moi, je ne voyais pas comment faire pour l’obtenir à mon tour. Apprendre à rouler une pelle à une fille, finalement, c’était un peu devenu l’équivalent d’apprendre à faire du feu. Ne pas savoir le faire revenait à se diriger vers une sorte de vie de perdition, de déchéance et de clochardisation. Comme si en parlant de quelqu’un que l’on avait connu dans le passé, on  disait de lui :

 

«Lui, il a vraiment très très mal tourné. Il ne sait même pas comment emballer une fille. Le pauvre ! ».

Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Aujourd’hui, je maintiens que même des adultes (femmes et hommes) peuvent être aussi embarrassés que je l’avais été à 13 ou 14 ans pour savoir comment embrasser une fille. Même avec ma mentalité de campagnard, j’ai appris que nos parcours personnels vers notre intimité corporelle mais aussi vers l’intimité de l’autre sont loin d’être aussi évidents que cela pour tout le monde. Malgré toutes les pubs ou peut-être justement parce-que toutes ces pubs dénudées, toutes ces images et ces œuvres visuelles érotiques, pornographiques ou suggestives pullulent dans notre environnement quotidien.

 

S’il était si simple que cela de rencontrer quelqu’un et de partager avec elle ou lui une intimité charnelle, émotionnelle, sentimentale et morale, toutes ces images érotico-pornographiques-suggestives, toutes ces discussions qui tournent autour de ces sujets et de ces fantasmes disparaîtraient d’eux-mêmes.

 

J’ai repensé tout à l’heure  à une ancienne collègue, plus jeune que moi de quelques années. Alors qu’elle allait bientôt se marier, celle-ci m’avait appris qu’elle ne savait plus comment rencontrer quelqu’un. Alors que plus jeune, avant d’être en couple, à l’écouter, elle « savait » comment faire pour rencontrer un homme. J’avais été intrigué par sa remarque. Car je n’ai jamais eu l’impression de « savoir » en particulier comment m’y prendre pour rencontrer quelqu’un d’autre. J’ai connu ou connais des personnes qui « savent » rencontrer. Des personnes qui, foncièrement, restent rarement seules ou savent ne pas rester seules. Peu importe leur âge, leur sexe ou leur situation personnelle.

 

Spot 13, Paris, 15 juin 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Séduire

 

Car il y a le fait de rencontrer. Et le fait de séduire et de savoir séduire. Je ne connais pas la situation personnelle de Victoire Tuaillon ou de Mona Chollet dans le domaine de la séduction. Mais séduire et savoir séduire n’est pas donné à tout le monde. Et, comme le fait d’embrasser, de (bien) faire l’amour, de se donner du plaisir, l’action de séduire et de plaire ne s’apprend ni dans les manuels, ni à l’école. On peut bien avoir quelques conseils, certaines lectures. Mais c’est quand même toujours avec l’expérience que l’on apprend à bien le faire.

 

On se rappelle de Ken Boothe qui fermait les yeux lorsqu’il s’agissait de chanter devant un public pour sa première participation à une compétition de chant tant il avait peur d’échouer mais aussi des moqueries. On peut imaginer que bien des personnes peuvent être dans le même état de stress lorsqu’il s’agit d’essayer de séduire quelqu’un. Sauf que j’ai du mal à concevoir que l’on puisse plaire à quelqu’un si on se met à fermer les yeux alors qu’on lui parle ou que l’on entame une conversation avec elle ou lui.

 

Alors que pour d’autres personnes, séduire, plaire, est un jeu. C’est une action légère et agréable qui agrémente le quotidien. J’ai connu quelqu’un, plutôt séducteur, qui m’avait raconté avoir plaisir à aller se balader dans le quartier du Marais, à Paris, afin d’être dragué et regardé par des homos. J’aime plutôt plaire. Mais chaque fois que je me suis rendu dans le Marais, cela n’a jamais été afin d’espérer allumer quelques homos de passage pour le « fun ».

 

Lorsque le site de rencontres Meetic s’est imposé comme la référence des sites de rencontres au début des années 2000, célibataire ayant du mal à rencontrer, j’avais fini par accepter l’expérience. Encouragé en cela par un copain qui en était très content et qui avait su me donner les arguments me permettant de me décider. J’avais d’abord eu honte de m’inscrire sur un tel site. Et si quelqu’un que je connaissais m’y voyait ?

 

« Mais dans ce cas-là, qu’est-ce qu’elle fait là, sur le site, cette personne ?! » m’avait répondu, ce copain, très pragmatique.

 

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

J’avais parlé plus tard de cette expérience Meetic à une copine. Pour moi, c’était tellement novateur. Aussitôt, cette copine m’avait alors exprimé sa désapprobation envers cette façon de rencontrer quelqu’un. Elle m’avait aussi parlé de sa plus jeune sœur qui avait eu la même attitude que moi. S’inscrire à Meetic !  Et, cela, aussi, elle ne le comprenait pas. Pour, elle, elle suffisait de rencontrer les gens. Je parle de quelqu’un qui évolue depuis des années dans le spectacle vivant : le théâtre. Comédienne, metteure en scène, prof de théâtre.

 

J’avais compris ce jour-là et essayé de lui expliquer, je crois, que, elle, n’avait pas de problème pour séduire. Et, cela s’est depuis vérifié à mon avis. Cette copine, devenue mère  de deux enfants par la suite, s’est plus tard séparée du père de ses deux enfants. Non seulement, elle a pu quitter la région où elle avait vécu avec lui, au soleil, avec son ancien compagnon et père de ses deux enfants. Mais, aux dernières nouvelles, elle avait rencontré un autre homme, lui même également père.

 

Je « sais » que ce type de famille recomposée existe. Seulement, je crois aussi que certaines personnes savent mieux s’y prendre que d’autres pour faire des rencontres amoureuses opportunes. Alors que leur situation personnelle (mère ou père d’un ou de plusieurs enfants) lorsqu’elle est vécue à l’identique par d’autres, constitue un obstacle frontal à une nouvelle histoire amoureuse.

 

L’âge peut sans doute, aussi, influer, sur les attentes exprimées envers le couple et une histoire d’Amour.

 

 

Une question d’âge :

 

On dit que l’Amour n’a pas d’âge. Je veux bien le croire. Mais notre époque a son âge. Et notre façon d’aimer se modifie aussi sans doute un peu avec notre époque. Comme avec le pays et la culture dans lesquels on vit et grandit.

 

 

Dans la première partie de mon article, j’ai parlé de l’âge de Victoire Tuaillon. 30 ans lors de la parution de son livre Les Couilles sur la table. 21 ans de moins que moi.

On a peut-être trouvé paternalistes certains de mes propos lorsque je parle de son livre ou lorsque j’évoque Victoire Tuaillon ou certaines femmes de son âge ou plus jeunes.

 

Là aussi, je ne vais pas essayer de me disculper de mon paternalisme s’il est avéré. Sans doute suis-je paternaliste par moments dans cet article :

 

Je suis le reflet de mon époque et des valeurs qui m’ont été transmises. Même si j’ai fait et fais des efforts pour essayer d’évoluer.

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Néanmoins dans le spécial dossier – le numéro 164 de juillet 2022- du journal Le Canard Enchainé  dont le titre est L’amour à tout prix ( Marché du mariage, boom des applis de rencontre, coachs de drague ou de sexe, love hotels, etc…) , je suis tombé sur cet article, page 22 et 23 :

 

Le Mariage, Une Affaire de sous Comptes et Mécomptes du conte de Fées (Vouées à disparaître à la fin du XXème siècle, les noces sont redevenues à la mode et génèrent un bizness très lucratif).

 

Plusieurs des articles de ce nouveau spécial dossier du journal Le Canard Enchainé m’ont bien plu. Mais dans cet article, il y a un passage qui m’a aussitôt fait penser à ce que traite Victoire Tuaillon dans son livre Les Couilles sur la table.

 

Je retranscris le passage de cet article, page 23 :

 

« (….) L’ascenseur social qu’il ( le mariage) constituait pour les candidates à l’hypergamie féminine ( fait de s’unir à un homme de la classe supérieure pour gagner en niveau de vie) ne fonctionne plus. Plus diplômées que les hommes depuis 2000, les femmes revendiquent surtout l’égalité. Le vieux mariage à la papa est mort, vive le mariage-association ! (….) ».

 

 

Je ne connaissais pas le terme « hypergamie » avant la lecture de cet article. En apprenant que depuis 2000, les femmes sont devenues « plus diplômées que les hommes », j’ai repensé à ce que Victoire Tuaillon mais aussi Mona Chollet disent elles-mêmes dans les premières pages de leur ouvrage. Elles ont fait de bonnes études et ont grandi dans un milieu socio-culturel mais aussi économique plutôt confortable.

 

Si Mona Chollet est ma « petite sœur » de cinq ans, Victoire Tuaillon, elle, encore plus, est pile dans cette époque à partir de laquelle les femmes sont devenues « plus diplômées que les hommes ».

Au Spot 13, Paris, fin mars 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Et pour corser un peu plus le constat de cet article, je fais partie de ces personnes (hommes comme femmes) qui auraient bien voulu faire des études longues mais qui, pour des raisons « familiales », n’ont pas pu les faire. Les études longues, le fait de ne pas avoir pu être « bien diplômé », constituent pour moi une blessure personnelle encore ouverte. Même si c’est sûrement du fait de la persistance de cette blessure, et de la présence de ce sentiment de manque, que j’écris comme je le fais depuis des années. 

 

Bien-sûr, on peut faire des études à tout âge. Mais je n’ai pas pu devenir ce jeune homme diplômé après des études longues comme je n’ai pas pu obtenir la reconnaissance sociale et éventuellement économique qui va avec. J’ai bien compris que Mona Chollet et Victoire Tuaillon, même bien diplômées, ont dû aussi se frayer leur chemin dans le monde du travail. Cependant, comme le dit, je crois, Mona Chollet dans les premières pages de son ouvrage Réinventer l’Amour, elle a longtemps cru que ses très bons résultats à l’école étaient tout ce qu’il y a de plus logique. Avant de s’apercevoir que si elle avait certes travaillé pour obtenir ses bonnes notes, qu’elle avait aussi toujours pu évoluer dans un univers socio-culturel univers, toujours entourée de livres et de certaines facilités d’accès à la culture. Et Victoire Tuaillon ne dit pas autre chose lorsqu’elle explique que même si elle a eu à vivre jeune le divorce de ses parents, qu’elle a toujours connu chez l’un comme chez l’autre, une demeure plutôt sécurisante…où il y avait des livres.

 

 

J’insiste sur ces points non par jalousie ou aigreur envers Mona Chollet et Victoire Tuaillon ou d’autres qui n’y sont pour rien dans ma trajectoire personnelle à propos des études. Mais pour rappeler que le sentiment de sécurité, de confiance en soi, de légitimité à se lancer dans certaines entreprises s’acquiert dès l’enfance. Et que ce sentiment de sécurité, de confiance en soi, de légitimité pour se lancer dans certaines entreprises nous incite, ensuite, à aller vers certains types de rencontres. Vers certaines personnes. Vers certaines expériences.

 

Je ne suis pas en train de dire qu’il suffit, lorsque l’on a fait de bonnes études, d’aller à la rencontre de quelqu’un qui a également fait de longues études (ou des études similaires aux nôtres) pour être heureux en Amour avec cette personne. Mais que cela nous « oriente » vers certaines rencontres plutôt que vers d’autres. J’ai cru comprendre que l’on rencontrait souvent son partenaire ou sa partenaire au moment de nos études, dans nos cercles amicaux et familiaux ou sur notre lieu de travail. Les sites de rencontres et les associations sportives ou culturelles peuvent ou pourraient un peu modifier la donne. Mais encore faut-il savoir comment s’y prendre pour rencontrer quelqu’un d’autre comme pour la séduire ou le séduire. Et, il faut apprendre à faire le tri sur le site des rencontres ou la mise en scène de la candidate ou du candidat pour se présenter peut être ce qu’elle ou qu’il a de mieux à proposer. Je n’ai pas encore lu les ouvrages de Judith Duportail ( L’Amour sous algorithme,  Dating Fatigue)  citée peut-être autant par Mona Chollet que Victoire Tuaillon mais j’ai prévu de le faire. Notons que Judith Duportail, née en 1986, a pratiquement le même âge que Victoire Tuaillon.

 

 

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

La lutte à la place de la turlutte  

 

 

Il y a quelques mois, maintenant, alors que j’ignorais que je lirais un jour un ouvrage de Mona Chollet et de Victoire Tuaillon, j’ai revu un extrait ou deux du film Extension du Domaine de la lutte de Philippe Harel d’après l’ouvrage de Michel Houellebecq. Lors de la sortie du film (1999, je crois), Houellebecq n’avait pas le statut qu’il a aujourd’hui. L’année 1999, c’est aussi l’année de la sortie du premier film Matrix des ex-frères Wachowski. Si l’on peut trouver asexué le héros joué par l’acteur Keanu Reeves mais aussi une absence totale d’érotisme dans Matrix où, finalement, tout est aseptisé et maitrisé et où aucun poil ne dépasse (serait-ce, déjà, une des diverses manifestations de la mentalité militaire que je citais un peu plus tôt ?), les deux univers sont quand même très opposés.

 

Dans Extension du domaine de la lutte, chaque jour de plus et chaque tentative de vie sentimentale, sociale et sexuelle est une corvée.

Dans Matrix, les héros se battent contre le totalitarisme. D’un côté, on déprime et on est vaincu d’avance. De l’autre côté, on se démène pour rattraper son retard sur l’existence après s’être aperçu que, pendant des années, on s’est fait balader. Et, qu’en plus, on l’avait accepté.

Sauf que dans Extension du domaine de la lutte, l’horizon est réservé à d’autres depuis longtemps. On a beau s’acquitter de ses diverses obligations, espérer, essayer de survivre, on est et on reste insignifiant. Indésirable.  

 

Mais ce qui m’a touché, c’est certains commentaires en bas d’un des extraits du film Extension du domaine de la lutte sur Youtube.

 

Trop souvent, et trop facilement, certain(es) internautes, comme certain(es ) automobilistes sur la route, en viennent à avoir des propos et des intentions très agressives et très dégradantes envers leurs contemporains  pour peu que ceux-ci ait émis un avis différent. C’est à la fois très risible de lire à quel point ça peut déraper très vite. Et pathétique.

 

Cette fois-ci, j’ai lu des commentaires ou quelqu’un disait qu’il n’avait jamais vu une scène aussi « violente ». De quoi parlait cet internaute ? De la scène, dans la boite de nuit, où Raphaël (le personnage joué par José Garcia), un cadre commercial de classe moyenne plutôt beauf, pas très « Francky Vincent », croit qu’il va pouvoir avoir ses chances avec une femme au moment des slows. Puis, il se fait éjecter par un autre homme ( un homme noir -sans doute antillais ou africain- puisque tout le monde sait que les noirs ont la musique « dans la peau » et leur sexe, ensuite, c’est la suite logique, dans le corps de toutes les femmes du monde…. ).

 

 

En lisant ce genre de commentaire, j’ai à nouveau vu, devant moi, ce sous-monde ou ce quart monde dépeint par Houellebecq et d’autres. Certes, Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte parle surtout de la misère sexuelle et sentimentale de deux mâles. Mais cette misère sexuelle et sentimentale concerne aussi les femmes. Et lorsque je parle de « quart monde » et de « sous-monde », je me reprends tout de suite :

 

Cette misère sentimentale et sexuelle touche aussi des personnes (des femmes comme des hommes) de milieux sociaux et économiques très favorisés. On peut être d’un très bon niveau social et économique et connaître une affreuse misère sentimentale et sexuelle. Et pas parce-que l’on est moche et stupide.  Mais plutôt parce-que l’on ne sait pas séduire. On ne sait pas « bien » choisir ses rencontres. On ne sait pas avoir une relation de bonne « qualité » avec quelqu’un d’autre.

 

Avoir un handicap

 

Parce-que l’on est très handicapé au moins affectivement et émotionnellement.

On croit souvent que le handicap est un handicap qui se voit. Un handicap physique. Un handicap mental. Un handicap intellectuel.

Mais il est d’autres handicaps plus graves qui passent sous les radars. Parce-que compensés par ce que l’on appelle la réussite sociale, économique ou politique.

Si l’on retirait à bon nombre des Puissants -ou des personnes modèles- que nous côtoyons ou que nous regardons via les media, les innombrables femmes et hommes de mains, conseillers et intermédiaires qui les entourent, on s’apercevrait rapidement que beaucoup d’entre eux (femmes comme hommes) une fois sortis du domaine où ils excellent, sont de grands handicapés. Ou qu’ils sont à peu près aussi handicapés que nous dans bien des secteurs de la vie courante.

 

 

Pourquoi est-ce que j’insiste autant sur tous ces sujets ?

Au spot 13, 28 avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Parce-que je crois que lorsque l’on se rappelle de ces sujets, il est plus facile de comprendre la raison pour laquelle certaines personnes, féministes, militantes, et brillantes acceptent ensuite de vivre des relations intimes avec des personnes dont, pourtant, elles condamnent les comportements et les jugements à propos des femmes…..

 

 

 

Notre rapport à la solitude :

C’est l’autre grand sujet, selon moi, trop oublié dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon. Etre féministe, c’est très bien. Je l’ai écrit dans la première partie de mon article :

 

Je suis évidemment contre les injustices et les violences diverses faites aux femmes. Féminicides, viols, surcharge mentale et physique quant aux tâches ménagères, salaire moindre qu’un homme pour un travail égal…..

 

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Mais, en pratique, si être féministe, que l’on soit une femme ou un homme, cela aboutit à vivre seul ( e ) ou à terminer sa vie seul ( e) , cela ne vaut peut-être pas le coup. Lorsque j’écris ça comme ça, j’ai l’impression de décrire un combat juste que certaines et certains trahiraient à un moment donné malgré leurs engagements. On retrouve ça dans certains combats politiques et idéologiques. Et le féminisme fait partie de ces combats politiques et idéologiques bien-sûr. Mais aussi dans le milieu artistique. Dans d’autres domaines. Untel est « pur » et « intègre » au début du combat, de sa carrière, et puis, finalement, bifurque, met de l’eau dans son vin, s’assagit, devient « commercial » et « vend » son âme.

 

 

Il y a un peu de ça, lorsque vers la fin de son livre, Victoire Tuaillon, « salue » les femmes féministes qui, paradoxalement, se « mettent » et restent avec des hommes qui ont les comportements qu’elles condamnent et combattent :

 

Les chaussettes sales qui traînent ; la machine à laver qui reste une terra incognita pour le compagnon ; le compagnon qui se sert de sa compagne comme d’un agenda, l’éducation des enfants ( et les devoirs) qui sont esquivés ; le mec macho et misogyne dont on s’entiche….

 

 

Les hommes domestiques

Gare du Nord, Paris, lundi 25 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Pour partie, je me dis que certains hommes contribuent plus que d’autres quand même aux tâches domestiques et ménagères. Même si je ne conteste pas les chiffres. Même dans le dossier spécial du Journal Enchainé, j’ai lu un article qui, comme l’affirme Victoire Tuaillon dans son livre, dit aussi que les hommes participent toujours aussi peu  à l’effort de guerre des tâches ménagères. Et, à titre personnel, je sais très bien que je passe nettement moins le balai que ma compagne ; que je cuisine nettement moins qu’elle ; que j’ai exceptionnellement (deux ou trois fois) lavé des fenêtres dans ma vie ; que je repasse très peu ( y compris mes propres vêtements). Et que lorsque nous partons en vacances avec notre fille, que c’est elle qui se charge généralement de préparer ses affaires et celles de notre fille.

 

Je ne peux que l’admettre. Comme je me rappelle aussi de ce jour où ma compagne a tenté de me proposer (ou de m’imposer ) un emploi du temps répartissant plus équitablement les tâches ménagères. J’ai alors rigolé et me suis étonné qu’à la place, elle ne me propose pas, plutôt, un emploi du temps d’activités que nous ferions ensemble, elle et moi. Cela n’a pas fait rire ma compagne. Et, depuis, elle s’est résignée à être celle qui passe le balai, qui cuisine et qui repasse plus que moi. Et moi, aussi.

 

Cette remarque peut soit beaucoup mettre en colère ou faire rire. Mais il n’y a aucune provocation de ma part. Et je ne perçois pas ma compagne comme ma domestique. Plus tôt, je parlais de militarisation de la vie affective et sentimentale.

 

 

La militarisation de la vie affective et sentimentale

 

Les attentes et les exigences envers le couple et l’Amour  « d’une » Victoire Tuaillon et d’une Mona Chollet nées en 1989 et en 1973, diplômées, indépendantes économiquement, socialement et sexuellement, sans doute citadines, bien insérées, et que je devine (et je le leur souhaite) bien entourées par un certain nombre d’amis et de collègues réellement bienveillants et disponibles sont évidemment différentes de celles qu’a pu avoir ma mère née en 1948 comme de moi-même, né en 1968.

 

Ce n’est pas uniquement une question d’époque. Même des personnes nées avant 1948 ou nées la même année que moi ont évidemment pu avoir des attentes et des exigences plus grandes que ma mère et moi vis-à-vis de l’Amour et du couple. Comme celles qu’expriment Victoire Tuaillon et Mona Chollet ainsi que celles-et ceux qui se retrouvent dans leurs réflexions.

 

Dans son ouvrage Réinventer l’Amour, je me rappelle que Mona Chollet  a pu citer en exemple le couple formé par le peintre et écrivain Serge Rezvani ( né en 1928) avec sa compagne Lula. Ceux-ci ont vécu ensemble pendant des années, dans leur maison, La Béate, sans eau ni électricité, dans le midi de la France. J’ai oublié l’autre couple cité par Mona Chollet. Mais je me suis alors aperçu que le couple d’Amour Rezvani-Lula cité en exemple par Mona Chollet vivait sans enfant. Je n’ai rien contre les couples amoureux sans enfant. Mais moi, j’ai une enfant. Et la naissance d’un enfant (ou de plusieurs) peut ajouter, avec la tournure du quotidien, certaines tensions bien caractéristiques dans un couple.

 

Plus récemment, j’ai pu tomber sur des propos attribués à Mona Chollet où celle-ci ne regrettait pas ses engagements féministes mais déplorait, en quelque sorte, le manque d’amour dans sa vie personnelle. J’ai cru comprendre que sa vie sentimentale et amoureuse subissait les contrecoups de ses engagements féministes. J’ai trouvé ça assez triste. Autant d’engagement pour bénéficier, en retour, d’une vie amoureuse déficitaire.

Mona Chollet n’est pas la seule femme devant ce constat. Dans son ouvrage Les Couilles sur la table, Victoire Tuaillon écrit aussi que devant l’énormité de la surcharge de travail domestique et invisible qui échoit à la femme lorsque celle-ci a une histoire d’Amour, qu’elle avait en quelque sorte décidé de refuser de se « mettre en ménage » pour une durée indéterminée. Je ne peux que comprendre sa décision si, pour elle, la décision de vivre dans le même logement que son compagnon l’oblige à se transformer en femme de ménage, d’intérieur et en coach émotionnel.

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Ensuite, je m’interroge. Je ne fais, bien-sûr, que des suppositions. Puisque je ne connais pas personnellement Victoire Tuaillon et ne la rencontrerai probablement jamais. Comme je ne rencontrerai probablement jamais Mona Chollet.

 

Je ne prétends pas détenir la formule magique qui permet de rencontrer la personne avec laquelle on pourra vivre heureux jusqu’à la fin de sa vie. Je ne possède pas cette formule.

 

Mais je me dis que l’Amour, le sujet de l’Amour, est, je crois, un idéal « très » féminin.

Par Amour et tant qu’une femme a de l’Amour pour sa compagne ou son compagnon, il semble qu’elle puisse tout ou trop accepter d’elle ou de lui. Qu’elle puisse tout ou trop espérer. Par Amour.

 

Dans les années 80, la chanteuse du groupe Kassav’, Jocelyne Béroard a chanté le titre Siwo. Dans cette chanson, qui avait bien marché, Jocelyne Béroard raconte- en Créole-,  qu’elle cherche un homme « doux comme le sirop ». Et, elle détaille que celui-ci n’est pas obligé d’être beau. Par contre, elle souhaite ( elle exige) qu’il soit régulièrement de bonne humeur, qu’il soit constamment en train de danser tout en étant capable par ailleurs de l’écouter lorsqu’elle lui parle mais aussi de s’affirmer lorsque la vie le nécessite. Jocelyne Béroard conclut sa chanson en disant qu’elle a déjà cherché cet homme partout dans le Monde mais ne l’a jamais trouvé. Et qu’elle « sait » qu’elle ne pourra le trouver qu’aux Antilles. Dans sa chanson, Jocelyne Béroard ne parle pas de la répartition des tâches domestiques et ménagères, des fenêtres à laver ni des devoirs des enfants. Alors que j’écoutais une nouvelle fois le titre Siwo avec entrain chez un de mes oncles, celui-ci, marié et déjà père, avait alors déclaré :

« Mais ce qu’elle dit-là, c’est impossible…. ». Je devais avoir 17 ou 18 ans. ( Le titre Siwo est sorti en 1986). Le commentaire de mon oncle m’avait arrêté pile. Je ne voyais pas de quoi il pouvait bien parler. Je me concentrais sur la musique et le rythme. Les paroles de la chanteuse tombaient directement dans le champ vide de mon inexpérience. Et j’étais incapable, comme mon oncle venait de le faire, de prendre la mesure concrète de ce qui était dit. Jocelyne Béroard aurait pu raconter tout autre chose, cela m’aurait tout autant convenu. Dans les faits, en tant que l’un des membres permanents du groupe Kassav’ depuis une quarantaine d’années dans le Monde entier, et en tant que femme, j’ai l’impression que Jocelyne Béroard n’a pas eu de vie couple au long cours.

 

 

Un homme me semble regarder l’Amour d’un autre œil. Comme il me semble l’exprimer autrement. J’emploie sans doute des clichés mais j’ai l’impression qu’un homme sera moins expressif même s’il aime sa compagne. Ou, il semblerait, à lire Victoire Tuaillon et Mona Chollet, que l’homme, par Amour, fasse moins d’efforts que sa compagne.

 

L’Amour, selon les chiffres et les constatations de Mona Chollet et Victoire Tuaillon, est une promotion principalement pour les hommes. Et un traquenard pour les femmes. Plus besoin de nous occuper de nos chaussettes sales, de nos repas, des devoirs et des vêtements des enfants si nous en avons, du repassage de nos vêtements. Et, en plus, même si nous frappons et violons notre compagne, il se pourrait qu’elle reste avec nous jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je deviens ici un peu provocateur. Mais ce n’est pas mon but, pourtant.

 

Le travail invisible des hommes

 

Victoire Tuaillon nous informe du travail invisible des femmes. Des chiffres le démontrent.

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Mais je me demande si les hommes fournissent aussi un travail invisible dont Victoire Tuaillon ne parle pas et ne peut parler. Soit parce-que peu d’hommes en ont témoigné. Soit parce qu’elle reste depuis une perspective de femme. En faisant un peu d’ironie, on dirait, en lisant l’ouvrage de Victoire Tuaillon, que le principal travail invisible des hommes consiste à saper le moral de leurs compagnes.

 

Lorsque je me décrivais en « militaire de la vie affective et amoureuse », je me moquais bien-sûr de moi-même. Il y a sûrement une part de vrai. Mais je crois aussi être un peu plus fréquentable que cela au quotidien et dans la vie réelle.

 

En « bon » élève qui a lu les ouvrages des Mona Chollet et de Victoire Tuaillon, Réinventer l’Amour et Les Couilles sur la Table ( elles ont écrit d’autres ouvrages), j’ai confirmé partager certains travers reprochés à beaucoup d’hommes dans la sphère conjugale.

 

Mais il est quelques uns de ces « travers » que je n’ai pas. Ma compagne a pu me dire que je faisais plus que d’autres hommes. Pour me dire cela, il a bien fallu qu’elle ait certaines discussions avec d’autres femmes qui ont un homme « à la maison ».

Je vais m’abstenir de faire la « liste » de courses des tâches domestiques auxquelles je prends spontanément part régulièrement. Car j’aurai trop l’impression de déposer ici une sorte d’annonce. Mais je peux écrire, je crois, que j’ai été présent dès la naissance de notre fille. Pour à peu près tout. Notre fille nous a beaucoup sollicité la nuit, bébé. Nous n’avons pas connu ce paradis qui consiste à avoir un enfant qui « fait ses nuits » au bout de deux mois. Je ne connais pas cette utopie. Je travaillais alors uniquement de nuit. Lorsque j’étais au travail, ma compagne s’occupait de notre fille. Mais lorsque j’étais de repos, ma compagne pouvait dormir tranquille. Plus d’une fois, j’ai entendu notre fille pleurer et suis allé m’occuper d’elle avant que ma compagne n’ait eu le temps de s’en apercevoir.

 

Certains parents parlent de temps à autre de la « super nounou » sur qui ils ont pu toujours compter. Pour la garde de leur enfant. Nous, c’est la nounou qui a pu compter sur nous à plusieurs reprises pour que nous gardions notre fille parce-que là, « Excusez-moi, excusez-moi de vous déranger mais… ». Et, c’est moi qui gardais notre fille que je sois de repos ou que je vienne de terminer une nuit de travail. A ce jour, je crois que ma compagne peut encore compter sur ses dix doigts le nombre de jours où elle a eu à s’arrêter pour cause de « enfant malade ». Moins de dix jours.

 

Ça, c’était pour donner un ou deux exemples concrets qui, je crois, peuvent parler à tout parent comme à toute compagne ou tout compagnon. Ou futur parent. Je ne prétends pas être un papa ou un conjoint parfait pour autant.

 

Le travail invisible d’un compagnon, cela peut être, aussi, de supporter la personnalité de sa compagne…..

Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

La juste répartition des tâches ménagères et domestiques, c’est un souhait louable. Mais si cela prend trop d’importance dans un couple, c’est peut-être aussi, certaines fois, parce-que cela devient une priorité qui n’a pas de raison d’être.

 

Je m’explique : faire le ménage, repasser, faire la cuisine, c’est important. Même si j’avais beaucoup aimé lire Truisme de Marie Darrieussecq, mon but dans la vie n’est pas de proclamer : « Chérie, vivons dans une porcherie comme des cochons et tout ira bien ! ».

 

Sauf que, il y a propreté et propreté. Je n’ai aucun problème avec le fait de passer le balai ou l’aspirateur. Ou de faire le repassage. Je comprends le principe qui consiste à faire le ménage régulièrement pour que cela prenne moins de temps et pour empêcher que la poussière ne s’entasse. Et, j’avais bien perçu l’incrédulité de ma compagne lorsque j’avais essayé de lui expliquer que je n’ai pas de problème avec le fait de passer le balai. Seulement, je ne me rends pas compte qu’il faut le passer. Je ne vois pas. J’ai d’autres priorités. Devant moi, ma compagne a manifestement cru que je la prenais pour une tarte et que je lui racontais des bobards. Mais non.

 

Je crois qu’il y a un sentiment d’urgence dans la réalisation de certaines tâches et de certaines actions que je ne partage pas avec ma compagne. Hier soir, nous sommes allés dîner chez des amis. Chez mon meilleur ami et sa compagne. Je connais mon meilleur ami depuis le collège. Il y a maintenant 40 ans. Je m’étais douché, habillé pour aller à ce dîner. Alors que nous partions, ma compagne m’a fait remarquer qu’il y avait un trou près du col de mon maillot de corps. Un maillot de corps propre, non repassé parce-que j’ai arrêté de le repasser. Mais propre. Ma compagne n’a pas insisté après sa remarque car, sans doute, a-t’elle compris que cela n’aurait rien changé. Que j’aurais gardé ( et j’ai gardé) mon maillot de corps. Mais il est très vraisemblable qu’à ma place, ma compagne se serait mise dans tous ses états et aurait changé illico de vêtement. Comme il est vraisemblable qu’une autre personne, à la place de ma compagne, m’aurait fait toute une histoire pour ce trou dans mon maillot de corps. Ou n’aurait pensé qu’à ça et aurait eu le sentiment d’effectuer une cascade périlleuse, toute la soirée, en faisant comme si ce trou n’existait pas alors qu’elle aurait continué d’y penser toute la soirée entre deux plats ou deux remarques.

 

On croit que j’exagère ? Hé bien, je pense que certaines femmes se comportent avec le ménage et certaines tâches domestiques comme d’autres auraient pu le faire avec ce trou dans mon maillot de corps. En insistant. En faisant un pataquès. En oubliant que le principal, c’est le moment détendu que l’on va passer avec ses amis.

 

Au Spot 13, Paris, 15 juin 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Je n’invite pas les femmes qui se mettent en ménage à accepter que leur compagnon les laisse se charger de leurs chaussettes sales et plus si affinités. N’exagérons rien. Mais je me demande si, certaines fois, qui se répètent, il est vrai, trop d’importance est accordée aux tâches domestiques plutôt qu’à d’autres.

 

Par ailleurs, je ne crois pas du tout que le fait d’être un homme « parfait » question ménage, tâches domestiques, préparation du repas, éducation des enfants, courses et autres suffise pour que l’histoire d’Amour du couple soit absolument épanouissante. Autrement, il suffirait à beaucoup de femmes se mettre en couple avec des hommes de ménage.

 

 

Ensuite, je l’ai aussi dit : je ne partage pas certains des « travers » attribués à une majorité d’hommes. Et, je ne me vois pas comme un homme exceptionnel.

 

Donc, je me dis qu’il doit y avoir d’autres hommes qui, comme moi, participent régulièrement, en partie, aux tâches domestiques, éducatives et ménagères.

J’ai l’impression que le niveau d’exigence et d’attente de certaines femmes a beaucoup augmenté et peut-être trop. Pas uniquement dans le domaine des tâches domestiques, éducatives et ménagères d’ailleurs. Parce-que si je prends à la lettre certains critères féministes, les femmes ont intérêt à changer de modèle d’homme idéal :

 

Il va falloir qu’elles se fassent à des multitudes d’Abbés Pierre et de Omar Sy. Or, je ne suis pas convaincu que toutes les femmes aimeraient vivre avec un Abbé Pierre ou un Omar Sy même si ce sont deux personnalités plutôt ou particulièrement sympathiques.

 

 

Cette amélioration du niveau de vie et de l’éducation des femmes a aussi une conséquence sur les relations hommes-femmes. Je ne la critique pas. Peut-être que c’est le fait d’être dans une société patriarcale et d’être un des nombreux rejetons de cette pensée patriarcale qui me fait d’abord souligner la conséquence plutôt que le bienfait de ce changement. Mais ce changement a divers effets. Bons et mauvais. Comme beaucoup de changements. Ce serait facile de dire pour simplifier que ce changement rompt un équilibre entre les femmes et les hommes : cependant, d’un point de vue légèrement féministe, on pourrait facilement répondre, et prouver, qu’il n’y a jamais eu de relation équilibrée entre les femmes et les hommes. Puisque c’est le principe même du patriarcat que d’imposer aux femmes une société dans laquelle elles sont inférieures aux hommes.

 

 

Mais j’ai l’impression que dans un couple, que l’on soit un homme ou une femme, il y aura toujours ce rapport de dominé-dominant. Même si l’équilibre relationnel se transforme. Parce qu’un équilibre parfait entre êtres humains, est-ce possible ?

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Dans le domaine de la séduction, je ne vois pas d’équilibre entre les êtres humains. Il est des personnes qui savent séduire. Et d’autres pas.

Vis à vis de la solitude, il est des personnes capables de bien vivre la solitude, voire de la rechercher. Et il en est d’autres qui en souffrent et qui feront leur possible pour essayer de s’en débarrasser presque par tous les moyens. Là aussi, je ne vois pas d’équilibre. Et il ne s’agit pas d’une opposition entre des femmes et des hommes. Ou alors, il faut, comme le disent aussi Mona Chollet et Victoire Tuaillon, un autre type de société. Mais pour faire en sorte que de manière à peu près équilibrée, tout le monde soit à même de plaire et de séduire mais aussi de composer avec sa solitude…j’ai quand même l’impression que l’on se rapproche là d’un mode de vie  militaire et totalitaire.

 

 

Je ne vois pourtant pas le livre de Victoire Tuaillon comme un manifeste militaire et totalitaire. Certes, elle s’est attardée sur nos couilles plus longuement que cela ne se fait d’habitude. Pour faire parler plusieurs personnes et témoins qui ont affaire à elles. Mais aussi pour les faire parler d’Amour. C’est une prouesse qui vaut le détour.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 27 juillet 2022.

 

 

 

 

Catégories
Cinéma

As Bestas, un film de Rodrigo Sorogoyen

As Bestas un film de Rodrigo Sorogoyen sorti en salles ce 20 juillet 2022.

 

 

Cet été, je ne partirai pas en vacances.

 

Notre vie est plus importante que les films que l’on voit. Mais il est plus facile de parler d’un film. Car il est plus facile d’intéresser quelqu’un avec un film s’il l’a vu ou compte aller le  voir. Pourtant, notre vie autour du film compte. Un énième soupçon de dopage dans le dernier tour de France cycliste après la victoire du Danois Jonas Vingegaard devant le Slovène Tadej Pogacar (vainqueur des deux Tours précédents). On parle un peu moins de la guerre en Ukraine. Comme de l’augmentation du prix de l’essence (1,84 euro le litre tout à l’heure dans une station essence affichant des « prix bas »). On s’éloigne aussi de cette supercherie qui a consisté à vouloir nous faire croire que les soignants non vaccinés contre le Covid pourraient être réintégrés dans les effectifs pour essayer d’atténuer la pénurie de personnel soignant encore plus critique que d’habitude cet été. Alors que l’obligation d’une quatrième dose de vaccin contre le Covid se profile sûrement pour la rentrée ou la fin de cette année.

 

Tout cela et d’autres nouvelles donnent envie de partir en vacances. De penser à d’autres univers. Mais, comme beaucoup d’autres, je ne le pourrai pas cette fois-ci.

 

Je ne me plains pas :

 

J’ai aperçu tout à l’heure des personnes ( sûrement étrangères) faisant la queue, sans se décourager, en plein soleil, devant la sous-préfecture de ma ville, sans doute pour régulariser leur situation administrative. Et je ne les envie pas.

J’ai aperçu, en revenant de Paris par le train, deux vendeurs de cigarettes à sauvette interpellés par la police à la gare d’Argenteuil. Même si l’un des deux vendeurs exhibait un sourire assez moqueur, je ne les envie pas. Cela fait plusieurs mois, maintenant, que ces vendeurs de cigarettes à la sauvette sont apparus devant la gare d’Argenteuil. Et que, régulièrement, s’engagent des courses-poursuites afin d’en attraper un ou deux. Quand ce ne sont pas des rondes policières pédestres qui sont organisées pour les chasser ou pour débusquer leur éventuel butin.

Par moments, et c’est un peu le cas ces derniers jours, la ville où j’habite me sort par les yeux.

 

Beaucoup de personnes ressentent ça un jour.

L’acteur Denis Ménochet ( Antoine) et l’actrice Marina Foïs ( Olga).

Olga et Antoine (l’actrice Marina Foïs et l’acteur Denis Ménochet) du film As Bestas font partie de ces personnes qui, un jour, sûrement, en ont eu assez de l’endroit où ils vivaient. Mais aussi de la vie qui… les menait. Et, ils ont décidé de s’en aller vraiment. De quitter la France pour partir vivre quelque part en Espagne. En Galicie. Dans une région dont ils parlaient plutôt mal la langue au départ.

Pour faire la vie telle qu’elle leur convient. Au lieu de se plaindre ou de refaire le monde avec des paroles et des hypothèses.

 

Pourquoi, mercredi dernier, suis-je allé voir, à sa sortie, à la première séance,  As Bestas ?

 

Au lieu du dernier film Marvel Thor : Love and Thunder  de Taika Watiti dont le Thor : Ragnarok ( 2017) m’avait particulièrement plu ?

 

Pourquoi ne suis-je pas allé voir Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux sorti déjà depuis le 15 juin de cette année ? Quentin Dupieux dont j’ai vu un certain nombre de films.

 

Ou La nuit du 12 de Dominik Moll sorti le 13 juillet ? Alors que le sujet me « plait ». J’avais beaucoup aimé le précédent film ( Seules les bêtes ) de Dominik Moll.

 

Sur l’affiche de As Bestas, on parle d’un « thriller ». Mais ce n’est pas ça qui me l’a fait choisir. D’abord, il y a Denis Ménochet qui m’avait marqué en particulier dans les films Jusqu’à la garde (2017) (mon article Jusqu’à la garde )de Xavier Legrand (développement de son court métrage Avant que de tout perdre – 2013- que j’avais aussi vu) et…. Seules les bêtes  (2019) de Dominik Moll.

 

La langue espagnole. L’ambiance du film dans l’extrait que j’en avais vu.  Marina Foïs. Et l’horaire de la séance. C’est ce qui m’a poussé à aller voir As Bestas. J’avais oublié que j’avais déja vu un film réalisé par Rodrigo Sorogoyen qui m’avait plutôt plu : El Reino ( 2019).

 

Ce mercredi 20 juillet, la séance de As Bestas était à 9h ou 9h10 et, réveillé depuis 4 heures du matin afin d’accompagner ma fille, ma sœur, son compagnon et leurs enfants à l’aéroport pour qu’ils y prennent leur avion pour la Guadeloupe, je n’avais pas envie d’attendre la séance de 9h30.

 

Comme souvent lorsque je vais voir un film au cinéma, je ne connaissais pratiquement rien de l’histoire.

Xan et Antoine. De dos, à droite, Lorenzo.

Très vite, pour moi, le sujet du film est le harcèlement. Lorsque l’on nous parle de harcèlement, c’est souvent pour aborder celui des jeunes ou des réseaux sociaux. Ou, un peu, au travail. Dans As Bestas, le harcèlement est le fait des voisins d’Olga et Antoine.

 

Marina Foïs et Denis Ménochet jouent très bien et cela a déjà été mentionné. Mais il faut aussi souligner qu’en face, Xan (l’acteur Luis Zahera) et son frère Lorenzo (l’acteur Diego Anido) ainsi que, dans une moindre mesure, l’actrice Marie Colomb qui joue le rôle de la fille d’Olga et Antoine, jouent particulièrement bien.

 

Que jouent Xan (l’acteur Luis Zahera) et son frère Lorenzo (l’acteur Diego Anido) ?

Xan et Lorenzo.

Ils jouent des hommes d’âge mur, qui ont toujours vécu dans cette région montagnarde isolée, qui ne peuvent plus la voir en peinture, qui n’ont jamais pu la quitter et qui croient que leur salut peut venir des éoliennes. En vendant leurs terres pour permettre leur installation. Or, Olga et Antoine, eux, sont contre ainsi que quelques voisins minoritaires. Puisqu’ils préfèrent continuer à vivre là.

 

 

 

As Bestas peut se traduire par « Comme des bêtes » mais une amie d’origine portugaise m’a appris que cela pouvait aussi signifier «  Les pestes ».

 

Plus que du thriller, je trouve qu’il y a du tragique dans As Bestas. Car le mot « thriller » se rapproche trop du spectaculaire.

Lorenzo, Xan et leur mère.

 

Dans As Bestas, deux forces vives s’opposent. Celles incarnées par Xan et son frère Lorenzo qui tournent en rond dans ce pays tout en y faisant la pluie et le beau temps (on le voit bien dans le bar du village où ce sont eux qui font la loi). Et celles apportées par Olga et Antoine qui, non seulement, développent un commerce bio moralement vertueux couronné par un succès économique, et qui, en plus, donnent l’image d’un couple heureux. Un peu comme si des figures (Xan, Lorenzo mais aussi leur mère de 73 ans) que le désamour laboure se trouvaient un beau jour de manière répétée face  à des tourtereaux du bonheur ( Olga et Antoine) arrivés d’on ne sait où ( Ah, oui, de la France !).

Ces tourtereaux que sont Olga et Antoine sont pour Xan et Lorenzo les miroirs de leurs barreaux.

Xan.

 

Si, moralement, devant les agressions répétées de Xan et de Lorenzo, on est plus tenté de prendre la défense d’Olga et d’Antoine, As Bestas nous demande aussi quelle est notre légitimité à aller imposer à d’autres notre « réussite » et notre idéal lorsque l’on décide d’aller s’établir près de chez eux.

Olga ( l’actrice Marina Foïs).

 

 

Tout bonheur nécessite un grand sacrifice semble nous dire le réalisateur. Et le sourire d’Olga à la fin du film est sans doute le fruit de ce sacrifice. Mais pour qu’il y ait bonheur, après un sacrifice, il faut qu’il y ait eu beaucoup d’Amour vécu auparavant semble aussi nous dire le réalisateur Rodrigo Sorogoyen.

 

Franck Unimon, ce lundi 25 juillet 2022.

 

 

 

 

Catégories
Puissants Fonds/ Livres

Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. Premières parties

Affiches aperçues ce 10 juillet 2022, sur les quais entre la gare d’austerlitz et la gare de Lyon. Photo©️Franck.Unimon

Les couilles sur la table un livre de Victoire Tuaillon Premières parties

 

 C’est ma première surprise partie

 

Il s’agit d’une espèce de pieuvres qui ne lève jamais l’ancre et que l’on retrouve partout où il peut y avoir des hommes sur la Terre. De multiples fois millénaires, transportée, ballotée, sous diverses latitudes, y compris dans les pires conditions, elle a connu l’âge de pierre, du fer, du bronze, du nucléaire et, désormais, celui du réchauffement de l’atmosphère.

 

Très fragile, sans volonté propre,  elle peut néanmoins s’imposer à celle des autres et se faire bienfaitrice, réconfortante, ou, au contraire, envahissante et destructrice.

 

Nous parlons bien d’une paire de couilles. S’il y en avait une seule peut-être que l’Histoire serait-elle différente. Mais habitué depuis ma naissance à en avoir deux, je n’ai pas envie d’essayer de finir ma vie avec une seule. Deux couilles, un jour, deux couilles, toujours.

 

Nos couilles seraient et sont des grandes prédatrices, agissant et disparaissant, en plein jour comme par temps de brouillard. Et, Victoire Tuaillon, avec cet ouvrage (publié en 2019), a décidé de se lancer dans l’étude de cette espèce particulière à laquelle beaucoup d’hommes sont rattachés comme bien des femmes peuvent être très rattachées à leur poitrine ou à leur chevelure.

 

J’ai entendu parler de Victoire Tuaillon et de ce livre en lisant Réinventer l’Amour de Mona Chollet qu’une collègue, Chamallow, m’a prêté il y a quelques mois. Un livre que j’ai eu plaisir à lire et à propos duquel j’ai écrit ensuite. ( J’ai lu Réinventer l’Amour de Mona Chollet ). 

 

Pour son ouvrage, Réinventer l’Amour, Mona Chollet a fourni un très gros travail de recherche et de réflexions et donne, aussi, une abondante bibliographie. Dont cet « objet » de Victoire Tuaillon que j’ai d’abord emprunté à la médiathèque puis finalement acheté afin de pouvoir le lire tranquillement.

 

Depuis, Warda, une collègue à peu près du même âge que Chamallow, m’a appris avoir déjà offert ce livre à plusieurs hommes qui l’ont ensuite remerciée. Sans qu’elle-même n’ait jamais lu une seule ligne de cet ouvrage. Warda, si tu lis cet article, sache donc que ce clin d’œil est pour toi. Je pense que tu sauras te reconnaître car tu m’avais demandé, amusée « Tu crois que je ne sais pas lire ?! » lorsque j’avais tenu à te prévenir que mon article sur le livre de Mona Chollet, Réinventer l’Amour, est « très » long. J’espère que tu as pu le lire, depuis. Warda n’est pas ton vrai prénom. Peut-être Nabilla….

 

Je ne connaissais pas du tout Victoire Tuaillon avant de lire Réinventer l’Amour de Mona Chollet. Alors que dans l’univers « féministe », Victoire Tuaillon compte parmi les jeunes auteures dont le travail engagé est d’importance. Victoire Tuaillon avait trente ans lors de la parution de son livre Les Couilles sur la table, en 2019. En 2019, j’avais 51 ans et, à ce jour, malgré mes prétentions et aspirations artistiques et littéraires, je n’ai pas publié un seul livre. Donc, bravo, aussi, pour avoir réussi à être publiée !

Pub aperçue à la gare St Lazare en juin ou juillet 2022. On parle de parfum, mais ça fait un peu penser à une orgie, non ? Et puis, une pub pour un parfum qui s’appelle Diesel, alors que le prix de l’essence et du diesel a augmenté depuis la guerre en Ukraine, ça fait un peu drôle. Même si c’est une coïncidence. Photo©️Franck. Unimon

Les Couilles sur la table a d’abord été un podcast décliné en plusieurs épisodes. Victoire Tuaillon l’explique au début de son livre. Je n’avais jamais entendu parler de ce podcast bien que devenu un adepte des podcast : ( La Clinique de l’Amour ( version courte)

 

Je trouve que l’écoute d’un sujet que l’on a cherché et choisi est bien plus « éducatif » et nourrissant que lorsque l’on se laisse attraper puis gaver comme des oies par des fleuves ininterrompus d’images sans but.

 

Actuellement, plus de 70 gigas de podcast m’attendent sur mon smartphone sur divers sujets. Mais je ne connaissais pas celui de Victoire Tuaillon. Et, lorsque j’ai fait la réservation de son livre dans une des médiathèques où je suis inscrit, j’ai eu le plaisir de voir la surprise monter sur le visage des trois bibliothécaires ( une femme et deux hommes) en leur donnant le titre, tout en ayant pris soin, au préalable, avec le sourire, de m’excuser pour ce que j’allais dire.

Juin ou juillet 2022, Paris. Photo©️Franck.Unimon

 

Victoire Tuaillon explique aussi au début de son livre que certaines personnes ont été choquées par ce titre et le lui ont en quelque sorte reproché. Je sais qu’il faut trouver un titre accrocheur pour attirer un public et que, régulièrement, nos instincts de voyeur (femme et homme) sont sollicités par différents média. Mais le titre Les Couilles sur la table m’a surtout et me fait surtout sourire et plutôt rire. Peut-être parce-que j’aime assez l’humour noir ( Desproges, la bonne époque de Dieudonné, Blanche Gardin, Fabrice Eboué, Thomas N’Gigol, le philosophe Cioran, le réalisateur Jean-Pierre Mocky, le réalisateur Joao César Monteiro, l’auteur Jean-Patrick Manchette…) autant comme spectateur, lecteur que comme auteur.

Peut-être parce-que, dès mon enfance, j’ai eu recours à la dérision et à l’autodérision.

 

 

Pour autant, je refuse de me voir comme un « féministe ».

 

Je ne suis pas féministe

 

Je ne suis pas féministe et je m’aperçois maintenant que quelques unes des personnalités que j’ai citées plus haut sont sûrement diversement appréciées dans le milieu féministe :

 

Jean-Pierre Mocky ? Qui avait pu se targuer de ne s’être jamais masturbé. Et qui, ouvertement, avait pu revendiquer le droit de pouvoir « baiser » dans une interview !

Mais il est vrai que Mocky était très provocateur.

Ces photos de pubs montrant des femmes dénudées sont bien-sûr là pour refléter la façon dont nous sommes constamment entourés de certaines images qui, même si, elles semblent ne pas nous toucher ont sans aucun doute une incidence sur nous ( femmes ou hommes). La couverture de l’hebdomadaire Le Point et son titre peut s’appliquer à cette normalisation de la nudité publique féminine. Nudité supposée être là pour attester de la “libération” de la femme…. ces images de femmes dénudées sont supposées me flatter. Elles me flattent. Mais pas comme un être humain. Plutôt comme si j’étais un gentil chien-chien et que, régulièrement, on me caressait le museau ainsi que ma paire de couilles….avec des images. Pour continuer de me tenir en laisse. Photo©️Franck.Unimon

 

 

J’ai aussi quelques doutes sur le féminisme d’un Cioran. Peu, importe, je ne suis et ne me sens pas féministe. Au moins pour ces raisons :

 

Même si, aujourd’hui, je « sais » qu’en France, tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint ; que des femmes sont bien souvent les principales victimes de viols ( pas uniquement lors des guerres comme en Ukraine depuis plusieurs mois), qu’à travail égal, les femmes touchent un salaire moindre que les hommes ; que les femmes sont bien plus surchargées, que les hommes, lorsqu’elles se mettent en ménage, par ces travaux invisibles que peuvent être les tâches ménagères, l’éducation des enfants, la cuisine, la présence émotionnelle….

 

 

Je suis évidemment désolé d’apprendre ces faits, ces chiffres, et je suis contre ces injustices.

 

Pourtant, je ne suis pas féministe.

Je trouve cette photo aussi aguichante que comique pour son caractère caricatural. Paris, près de la Gare du Nord, juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Même si je suis plus proche de ma mère que de mon père. Et que dès l’enfance, celle-ci, ainsi que mon père, m’ont mis à contribution pour faire la vaisselle, pour aller faire des courses. Pour garder et emmener à l’école ma petite sœur et mon petit frère nettement plus jeunes que moi. Même si, en Guadeloupe (j’aime raconter cette anecdote), à Pointe A Pitre, ma mère m’avait envoyé lui acheter une paire de collants. Ce que j’étais allé faire, comme d’autres courses auparavant, et que tout cela m’apparaissait parfaitement normal jusqu’à ce que certaines personnes, dans la rue, alors que je marchais, commencent à me regarder « bizarrement » :

Le sac en plastique dans lequel je transportais mon achat était transparent. Et, un jeune homme (j’avais environ 18 ans, je crois) se baladant là-bas avec une paire de bas était susceptible d’être un makoumé (un pédé). Ce qui, au pays du Zouk, des plages de rêve et du soleil, est plutôt une tare.

 

 

Je ne suis pas féministe même si, depuis des années, maintenant, j’évolue dans un milieu professionnel dans lequel j’ai souvent été entouré par une majorité de femmes. Dont certaines ont pu et sont mes supérieures hiérarchiques. Et, lorsqu’il a pu m’arriver d’avoir certains conflits avec quelques unes d’entre elles (collègues ou supérieures hiérarchiques), c’est, selon moi, plus en raison de leur personnalité que de leur appartenance au sexe dit féminin. Actuellement, où j’évolue dans un milieu professionnel majoritairement masculin, c’est avec quelques collègues masculins que j’ai quelques désaccords et conflits : ceux-ci me reprochent…de manquer de couilles. Je serais trop gentil, trop doux et incapable de me défendre tout seul.

Il y a quelques semaines, j’ai posé l’ouvrage de Victoire Tuaillon, bien en évidence, en m’asseyant à la table  dans la salle à manger du service, près d’un de ces collègues ( alors assis) qui estime que je manque de couilles pour le travail que nous faisons….

Ce collègue, je le sais, par réflexe, a jeté un coup d’œil sur la couverture et le titre.Sans rien dire. Toujours sans rien dire, quelques secondes plus tard, il s’est levé et a quitté la pièce.

Peut-être, un jour, apprendrai-je que ce collègue, par ailleurs plutôt réputé pour être un «homme à femmes » et qui aime raconter certains de ses exploits sexuels, qui a aimé me raconter certains de ses exploits à l’époque (l’année dernière) où nous étions “amis”,  a peu goûté ma petite provocation. C’est pourtant un mec très cool et très souvent souriant en général. Pour la galerie.

Couverture des Inrockuptibles dans lequel on peut trouver, aussi, des suggestions de lectures telle celle du livre “Les Argonautes” de Maggie Nelson que je n’ai pas encore lu.

 

Je ne suis pas féministe même si, en apprenant que j’allais être père d’une fille, née depuis, à aucun moment, je ne me suis catastrophé en me disant :

 

« Quel malheur ! Une fille ! Qu’est-ce que je vais pouvoir en faire ?! ».

 

Il est pour moi parfaitement normal d’avoir commencé à montrer à ma fille certains petits gestes d’Aïkido, de lui avoir acheté une paire de gants de boxe, des protèges tibias et un protège dents, et, certaines fois, de m’amuser à me battre avec elle.

 

 

Je ne suis pas féministe même si, visiblement, il a pu arriver que certaines amies femmes puissent se confier à moi. Et, même s’il a pu arriver ou peut sans doute encore arriver que l’on se demande, voire que l’on me demande, si je suis homo. Et je ne me sens pas insulté en particulier par ce genre de question. Mais plutôt amusé.

 

Je ne suis pas féministe même si je n’ai jamais été un « queutard » ou un de ces hommes capables d’embobiner une femme ou de jouer un rôle devant elle afin de pouvoir me vider les couilles et, ensuite, me glorifier auprès d’autres hommes de ma dernière « conquête ».  Si, bien-sûr, je trouve bien des femmes désirables et que j’ai des besoins affectifs et sexuels, je ne comprends pas la satisfaction que je pourrais tirer à recourir à des stratagèmes pour « lever » une fille.

 

Ce n’est pas une position morale de ma part. Je ne me dis pas forcément que c’est « vilain » ou « pas beau ». Ou « pas bien ». Mais simplement :

 

Que ce n’est pas moi. Que cela ne me correspond pas….à moins de me retrouver sur une île déserte, ou enfermé dans un ascenseur ou un endroit clos pour une durée indéterminée. Là, je veux bien croire que je puisse trouver spécifiquement désirable celle qui se trouvera avec moi. La sexualité se réduisant alors totalement à une sorte d’incantation ou de forme d’échappatoire en vue de tenter de se soustraire, de manière éphémère, aux barreaux de notre vaine condition humaine.

 

En dehors de ces circonstances extrêmes, je crois qu’il faut avoir la personnalité qui va avec, lorsque l’on est un séducteur ou un queutard « certifié ». On a une image particulière à donner de soi, un rôle à tenir, dès lors que l’on est un « sex machine ». Afin de vendre du rêve à celles et ceux qui ne demandent qu’à croire à cette arnaque et à essayer d’attraper ce rêve factice qui va, de toute façon, leur échapper. Et c’est ce qui, précisément sans doute, va les attirer et leur procurer excitation et adrénaline.

 

Je me sens incapable, mais aussi non volontaire, pour être comme le personnage de Tony ( très bien joué par l’acteur Salim Kechiouche) dans le film Mektoub, my love : canto uno ( sorti en 2018) du réalisateur abdellatif Kechiche.

Pourtant, le personnage de Amin (joué par l’acteur Shaïn Boumedine) censé être le véritable personnage principal du film ainsi que le double du réalisateur, m’exaspère pour son incapacité manifeste à séduire. Ou, d’abord, à vivre. Il est là, avec son sourire constant, dominé par les événements. Peut-être qu’il m’exaspère parce qu’il me ressemble un peu trop et que je sais, par expérience, que le gentil garçon poli, doux, sympathique, passif et « romantique » est plutôt voué à rester le spectateur puissant et impuissant de ses amours.

 

Paris, juin ou juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Je ne suis pas féministe tout simplement parce qu’aujourd’hui, en 2022, cela fait « bien », cela fait « hype », « branché », « cool », “Yes !”, ” Super !”  et  engagé de se dire féministe.

 

Je ne remets aucunement en cause, par contre, le féminisme de Victoire Tuaillon. J’écris simplement, à ma manière, que je n’ai pas envie de rejoindre toutes ces personnes pour lesquelles se dire « féministe », « cool », « ouvert », « tolérant » ou « gay friendly » sont principalement des expressions qui font joli. Ce sont peut-être des affirmations très sincères. Et puis, dans les faits, ces mêmes personnes prétendument « féministes », « cool », « ouvertes », « tolérantes » ou « gay friendly » peuvent se montrer beaucoup moins « open » que d’autres personnes a priori estimées comme très conservatrices ou de « l’ancien régime ».

 

Cette réclame pour un promoteur immobilier a bien été prise en juillet de cette année 2022 dans la ville de Cormeilles en Parisis, à une vingtaine de kilomètres de Paris, une ville pas particulièrement en retard sur son époque ! On notera néanmoins le côté assez vieux jeu dans ces rôles dévolus à la femme et à l’homme sur l’affiche.

 

Je veux bien passer pour quelqu’un de « l’ancien régime », de « old school », de « traditionnaliste » ou pour quelqu’un de « rigide » et “paternaliste”. De toutes façons, je suis sans doute un peu tout ça. Et même davantage. 

 

 

J’aime dans le film de Ken Loach, Raining Stones (réalisé en 1993) ce passage où un prêtre, absout Bob, catholique pratiquant, un père au chômage, culpabilisé, parce qu’il a utilisé de l’argent qui ne lui appartenait pas afin de pouvoir offrir à sa fille une très belle robe pour sa communion. Si le réalisateur Ken Loach, en tant que communiste, est sans doute athée, j’ai envie de croire que de tels prêtres puissent exister ou ont existé. Pourtant, au départ, on pourrait penser que n’importe quel prêtre catholique (ou d’une autre religion), devant une telle situation, aurait dénoncé ce père à la police ou contraint Bob de rendre la robe de sa fille au vendeur.

 

Certainement que des prêtres catholiques ont aussi aidé certaines femmes à avorter clandestinement au vu des circonstances dans lesquelles elles sont tombées enceintes. Et, je ne parle pas, ici, de femmes qui auraient été ou ont été les maitresses consentantes ou forcées de certains prêtres. Même si ces femmes existent ou ont existé.

 

 

Et puis, je ne suis pas féministe, parce-que, d’une certaine manière, je revendique presque le fait d’avoir été ou d’être, parfois, ou souvent, ou quelques fois, encore, le beauf, le lourdaud, le mec décrit dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon.

 

Je revendique presque le fait d’avoir été ou d’être, parfois, ou souvent, le beauf, le lourdaud, le mec pénible

 

 

Les hommes « féministes » ou qui se disent comme tels sont un peu trop parfaits pour moi. Un peu trop artificiels. Un peu trop beaux pour être vrais. Un peu trop « bios ».

 

 

Ces hommes ont le droit de se croire irréprochables et impeccables concernant les droits des femmes. Des femmes ont le droit de trouver ces hommes « féministes » exemplaires. Sauf que, moi, en pratique, je ne crois pas à cette exemplarité de tous les instants. De même que je ne crois pas que les femmes « féministes » soient, elles mêmes, exemptes de certaines contradictions ou exemplaires en toutes circonstances.

 

Dans son ouvrage, Victoire Tuaillon évoque bien certaines de ces contradictions rencontrées chez certaines femmes féministes. J’ai néanmoins l’impression qu’il est deux ou trois sujets qui sont oubliés dans son ouvrage, très documenté, que j’ai aimé lire.

 

Même si certains passages de son ouvrage sont plutôt à charge pour un « homo erectus » beauf comme moi.

Si je prends à la lettre ce que je vois, je pourrais croire qu’en prenant les bus 56 et 96, mais aussi en me rendant dans la rue J-P Timbaud, que je vais tomber sur ces plages où de jeunes et charmantes femmes s’étirent. En sortant du métro, je n’ai rien trouvé de cela. Une nouvelle fois, je me suis fait avoir…. Photo prise dans le métro à Paris, en juillet 2022. ©️Franck.Unimon

 

Plusieurs couches, plusieurs étapes et plusieurs strates chez l’ homme, pour vous, spécialement, les filles :

 

 

Pour conclure cette première partie de mon article, je dirais que je ne suis pas féministe et revendique presque le fait de faire partie, certaines fois, ou souvent, des mecs lourds parce-que je sais, aussi, que je suis différent de celui que j’ai pu être :

 

 

On est un homme différent selon que l’on vit chez papa et maman, que l’on est puceau, que l’on se regroupe entre garçons pour parler des filles qui nous attirent mais que l’on on a aussi plus ou moins peur de rencontrer dans l’intimité. C’est alors, à se demander, qui a le plus peur de se faire violer….

 

On est un homme différent selon que l’on a la possibilité, ou non, de discuter avec des personnes plus âgées que soi, mariées, divorcées, infidèles ou non.

 

On est un homme différent selon que l’on a connu quelques histoires d’amour, que l’on ait été amant d’une femme mariée et récemment maman, ou non.

 

On est un homme différent selon que l’on décide de rester uniquement dans un milieu hétéro cloisonné ou que l’on accepte, à certains moments, de s’en affranchir un peu pour rencontrer d’autres personnes différentes de nos « habitudes ».

 

On est un homme différent selon que l’on est célibataire, que l’on vit en célibataire chez soi pendant plusieurs années, que l’on a du mal à s’engager ou que l’on vit marié, sous le même toit que quelqu’un d’autre, avec ce quelqu’un d’autre avec lequel, après en avoir discuté et un peu hésité, on décide de devenir parent.

 

J’ai connu et continue de connaître ces différentes étapes. Ces différentes strates de moi-même me font avoir, je crois, un certain regard sur l’ouvrage de Victoire Tuaillon. Ce regard peut être féministe ou plus ou moins beauf.

Paris, juillet 2022 sans doute. Photo©️Franck.Unimon

 

Par exemple, Victoire Tuaillon, au départ, me fait sourire :

 

Aujourd’hui, il est très facile de trouver sur le net des photos de personnes un peu connues. On peut aussi avoir besoin de se faire une idée de la personne dont on va lire l’ouvrage.

A voir une photo ou deux de Victoire Tuaillon, à deviner aussi un peu ses aptitudes pour l’humour, et tout en songeant, toujours, au titre de son ouvrage Les Couilles sur la table, je suis tombé sur une de ses photos où on la voit, souriante, charmante, avec sa poitrine qui a commencé à m’opérer la tête.

 

Voilà le beauf ou le mec lourdaud en moi. Celui que les féministes, dont Victoire Tuaillon, en ont assez de se coltiner. Et, je les comprends dans une certaine mesure.

 

Je ne suis, hélas, et ne serai jamais que le 157 000ème homme ou garçon à m’émouvoir ou à faire des commentaires sur cette particularité de son anatomie.

 

Pourtant, quoi de plus « simple » et de plus « normal » que de remarquer ce caractère sexuel secondaire avantageux que constitue, aussi, cette belle poitrine ? Serait-il plus normal, plus sain et plus sincère de faire comme si on ne l’avait pas remarqué ?

 

C’est un des sujets, à propos duquel, en tant que beauf, mec lourdaud ou autre adjectif défavorable à la gente masculine, j’ai beaucoup de mal avec les féministes qu’ils soient hommes ou femmes.

Alors, Victoire Tuaillon, si elle ou d’autres, prennent très mal mes propos concernant sa poitrine, ne me fait plus sourire. Mais me fait peur. Même si, dans les premières pages, elle se veut rassurante et affirme :

 

« J’aime les hommes ».

 

 

Voici ce qu’il en est pour la première partie de cet article que j’ai préféré couper afin qu’il soit plus facile à lire.

 

Franck Unimon, ce dimanche 24 juillet 2022.

Catégories
self-défense/ Arts Martiaux Survie

Le Dojo de Jean-Pierre Vignau

Jean-Pierre Vignau, à l’entrée du Fair Play Sport, ce 5 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

Le Dojo de Jean-Pierre Vignau

 

Jean-Pierre Vignau, 77 ans, Maitre d’Arts Martiaux, et en particulier de Karaté, est une des personnes les plus libres que je connaisse. Mais pour cela, il lui faut un dojo.

 

Le dojo est un jardin. On y cultive celles et ceux qui sont volontaires pour venir y prendre racine en tant qu’élèves auprès d’un Maitre. Lorsque l’on a la possibilité et la chance d’avoir un Maitre disponible et qui nous accepte.

 

Dans un commerce, on « trouve » et on achète des outils, des produits ou des objets. Certains sont utiles et indispensables. D’autres pas.  Il est des outils dont il faut aussi apprendre à se servir et d’autres qui se révèlent défectueux.

 

Un Maitre est le contraire d’un commerce : Dans un commerce, tout est fait pour nous donner envie de tout acheter ou de vouloir « toujours » plus. Un Maitre, lorsqu’on le rencontre, a déja commencé à faire une grosse partie du tri. Et, il réserve ce qui est utile ou selon lui indispensable à ses élèves selon ce qu’il a compris d’eux afin qu’ils vivent au mieux dans le monde qui les entoure.

Couverture du journal “Le Parisien” du lundi 4 juillet 2022.

 

Je crois aussi que l’on choisit son Maitre. On choisit le commerce, le bling-bling, la carrière, la carotide, la vitrine ou le souffle. On peut réussir plus ou moins à concilier le tout mais, selon moi, un Maitre, c’est au minimum un souffle. Un souffle qui perdure et qui sert de socle alors que d’autres s’évaporent ou disparaissent.

 

Il y a des Maitres de l’abîme. Il ne faut pas hésiter à le penser ou à le dire. Puisque, de toutes façons, ils et elles existent. Ces Maitres de l’abîme, ainsi que leurs intermédiaires, ont leurs attraits et peuvent être irrésistibles. Qu’ils nous séduisent ou qu’ils soient fort présents en nous. Car l’être humain est multiple.

 

Dans le journal “Le Parisien” de ce 4 juillet 2022.

J’ai choisi Jean-Pierre Vignau pour ses vies. Pour son âge. Pour sa personnalité. ( Sensei Jean-Pierre Vignau : ” Mon but, c’est de décourager !” ) Pour son souhait de donner  à ses élèves de quoi se défendre sans s’illusionner. Pour ses cours du matin. Pour aller à Paris, moi qui n’ai été qu’un banlieusard de passage à Paris depuis ma naissance.

 

Cela fait soixante ans que Jean-Pierre Vignau est dans les Arts Martiaux. Et plus de vingt ans qu’il a ce dojo, le Fair Play, à Cité Champagne, dans le 20ème arrondissement de Paris. Auparavant, il avait eu un autre dojo, plus grand,  dans Paris. Plusieurs de ses élèves, présents avec lui depuis plus de dix ans, m’en ont parlé.

 

La pandémie du Covid nous a beaucoup fait parler depuis plus de deux ans. Et même lorsque l’on se tait à son sujet, elle réapparait. Elle, aussi, est un Maitre à sa façon et fait le tri ou nous oblige à le faire. Ces deux années de pandémie, nous a expliqué Jean-Pierre, ont fait chuter le nombre de pratiquants et d’adhérents. A 4500 euros le loyer, multiplié par deux ans, Jean-Pierre a à s’acquitter d’une somme proche de 100 000 euros. Il ne les a pas.

Annonce immobilière vue dans Paris ce 27 juin 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Jean-Pierre a donc dû annoncer il y a quelques semaines aux enfants à qui il enseigne que le dojo allait devoir fermer. Certains de ces enfants en ont parlé à leurs parents. Les mères de ces enfants ont entrepris des démarches pour empêcher cette fermeture.

 

Photo©️Franck.Unimon

 

Jean-Pierre n’est pas le seul Maitre d’Arts Martiaux concerné par ce risque économique. Avant lui, Maitre Léo Tamaki, avait dû trouver un autre lieu pour continuer d’enseigner ses cours d’Aïkido. Et, j’étais allé le voir enseigner l’année dernière, lors d’un stage d’été l’année dernière dans ce nouveau lieu d’enseignement : le Dojo 5. ( Dojo 5 ).

Les conséquences économiques de la pandémie du Covid (et, depuis six mois, de la guerre en Ukraine) ont aussi fait augmenter le prix d’un certain nombre de matières premières telles que le blé, la farine, le  pétrole,  mais aussi le papier…

 

Avant hier, Jean-Pierre m’a appelé pour me prévenir que son dojo, le Fair Play, serait fermé demain matin. Pour dépôt de bilan.  Et qu’il m’informerait dès qu’un autre endroit aurait pu être trouvé pour pratiquer de nouveau.

 

Un dojo est un endroit qui ne parle pas ou qui ne parle plus à beaucoup de gens. Le mot est aussi étranger donc extérieur à l’expérience de la vie courante de beaucoup de personnes. J’imagine donc que parmi les personnes qui ont pu passer devant ces banderoles ou qui ont lu cet article du journal Le Parisien, que cette « histoire » de dojo qui ferme évoque au mieux quelques souvenirs de judo ou de karaté dans l’enfance ou l’adolescence (« j’ai fait du judo ») ou qu’il est estimé qu’il y a des sujets plus prioritaires. Tels que le manque de personnel dans les hôpitaux ou dans les écoles publiques.

 

Si c’est le cas, en tant qu’infirmier en soins psychiatriques et en tant que père d’une enfant encore scolarisée dans une école publique, je peux témoigner du fait que pratiquer un Art martial auprès d’un Maitre contribue à la salubrité publique. C’est sans doute ignoré ou oublié mais pratiquer un Art Martial auprès d’un Maitre ne se résume pas à faire des gestes ou à répéter des formules comme on peut faire machinalement un certain nombre d’actions dans sa vie courante.

 

Finalement, si nous nous sentons de plus en plus oppressés et opprimés, c’est aussi parce-que ferment des endroits où une certaine liberté est accessible. Et que nous sont de plus en plus accessibles des endroits et des moyens où nos libertés sont supprimées.

 

Selon les circonstances et les étapes de notre vie, un dojo a des vertus complémentaires avec une médiathèque, une école publique, un lieu de soins ou d’action sociale et culturelle, un club de sport, une salle de danse, un cours de musique ou de dessin…

 

Soit des endroits où l’on apprend, où l’on se remet, où l’on s’éduque, où l’on se rencontre et où l’on vit.  

Photo©️Franck.Unimon

 

Franck Unimon, ce jeudi 21 juillet 2022.

Catégories
Cinéma

La vie de ma mère-un film de Maïram Guissé

La vie de ma mère, un film de Maïram Guissé.

 

La vie existe ailleurs que sur notre planète Terre. Quelle que soit sa forme, sa force, sa finalité, sa mémoire ou sa présentation.

 

Il y a quelques jours, grâce au télescope James Webb envoyé depuis Kourou, en Guyane, à plus de un million de kilomètres de la Terre, nous avons pu regarder des photos inédites de galaxies datant de 13 milliards d’années. Des scientifiques et des journalistes nous ont expliqué à quel point cette prouesse technologique, résultat d’une coopération internationale, était exceptionnelle. Et ce qu’elle va ou pourrait nous apprendre concernant la création de notre univers, où se trouve la Terre, mais aussi concernant notre propre existence.

 

Alors que notre planète se réchauffe, car nous continuons de la détruire dans ses différentes matières, et que nous semblons bander toutes nos forces afin de mieux attirer notre propre déclin, il semblerait que nous n’ayons peut-être jamais été aussi proches de connaître l’origine du tout premier souffle qui nous a fait advenir sur Terre. Mais il nous faudra attendre avant d’éprouver cette confirmation scientifique. Car il est prévu que durant vingt ans le télescope James Webb prenne cinq photos par jour.

Nous serons peut-être tous morts ou au bord de l’extinction lorsque James Webb nous fera parvenir les photos résolvant l’énigme de la Création. Des photos que pourront observer avec étonnement ou indifférence les milliards de mythologies de vers auxquels nos cadavres auront donné naissance ainsi que les diverses espèces végétales, animales ou minérales- et toutes les autres- qui nous auront survécu et qui se passeront très bien de nous.  

 

Pourtant, avant que ne nous parviennent ces clichés, j’affirme déjà que la vie existe ailleurs que sur notre planète Terre. Car il faut faire partie de l’espèce humaine pour être incapable de voir certaines évidences : Pour croire ou imaginer que nous serions les seuls  à « exister ».

Si, aujourd’hui, la vie ailleurs que sur Terre, n’a pas encore été démontrée, c’est tout simplement parce-que nous ne savons pas regarder où nous ne savons pas où et comment regarder. Comme depuis toujours. Le peu que nous savons de l’histoire de l’Humanité sur Terre me pousse à de telles certitudes :

 

L’histoire de l’Humanité est faite de plus de massacres, de génocides, de pillages, de carnages, de viols et de destructions que notre mémoire ne peut en rassembler. Souvent parce-que des êtres humains ont estimé ou estiment que d’autres existences, humaines ou autres, devaient leur céder toute la place.

 

Il n’y a pas un jour où un être humain, soit par négligence ou par souhait, n’en pousse un autre vers son dernier souffle.

L’expression «  L’homme est un loup pour l’homme » m’apparaît finalement beaucoup trop indulgente pour définir certaines des caractéristiques de notre espèce.

 

On croit que je digresse ? Que cette longue introduction n’a rien à voir avec le film La vie de ma mère de Maïram Guissé consacré au portrait de sa mère ?!

La mère de la réalisatrice Maïram Guissé avec celle-ci et une partie de son équipe technique, lors du tournage au Sénégal.

 

Combien de fois, déjà, avons-nous pu lire ou entendre, à propos de certaines vedettes de cinéma, des expressions telles que :

 

« Le cinéma vous aime » ; « La caméra l’aime » ; « Il ( ou elle) a une très belle cinégénie » ; « Elle (ou) il éclaire toute la ville » ?!

 

Depuis des années, je suis un cinéphile parmi des millions en France, pays où je suis né et ai toujours vécu à ce jour. La France est un pays plutôt bien doté dans le monde en salles de cinéma mais aussi en variété de films :

 

Il est beaucoup de films que l’on peut encore aller voir, plutôt facilement, dans certaines salles de cinéma françaises alors que ces mêmes films sont invisibles ou inaccessibles ailleurs. Et, comme beaucoup de cinéphiles, je me laisse faire ou prendre par un certain nombre de productions dans lesquelles se trouvent des « vedettes » ou des « futures étoiles montantes » que le cinéma « aime » ; que la caméra « aime » et qui, bientôt, ou pendant des années, capteront beaucoup d’attention tandis qu’en dehors de leur cercle et de leurs regards, l’amnésie, l’ignorance et l’anonymat continueront de conditionner la charpente des cercueils dans lesquels des quantités astronomiques de gens partiront se faire « aimer ».

 

Photo prise dans le métro parisien quelques jours avant la sortie du “nouveau” film de super-héros que j’irai sans doute voir comme d’autres films avant lui. Un film que je n’aurai aucune difficulté à trouver dans une salle de cinéma : Ce mercredi 20 juillet 2022, lorsque je suis allé voir à Paris, à l’UGC les Halles, le film ” As Bestas” réalisé par l’Espagnol Rodrigo Sorogoyen, le film ” Thor Love and Thunder” y était projeté dans deux salles une semaine après sa sortie. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Si l’on s’en tient à certains critères du cinéma que nous connaissons et que l’on voit le plus,  je pense au cinéma qui est le plus souvent et le plus facilement montré et distribué, un film comme La vie de ma mère de Maïram Guissé n’a aucune raison ou pratiquement aucune chance de se trouver devant nous, un jour.

 

Lors du tournage de ” La vie de ma mère” de Maïram Guissé, au Sénégal.

 

 

Je dois à un mail envoyé par la société de distribution SUDU Connexion le fait d’avoir entendu parler de La Vie de ma mère il y a deux ou trois jours. 

Pendant un an, j’ai été abonné au Média panafricain bilingue Français/Anglais  Awotele qui parle de ce cinéma que l’on voit “moins” :

Celui d’Afrique et de la Caraïbe et des Outremers. 

Awotele, édité par Sudu Connexion, parait trois fois par an. Après avoir couvert les journées cinématographiques de Carthage ( en Tunisie); le Fespaco ( au Burkina Faso) et le Durban International Film Festival ( en Afrique du Sud).Trois festivals de cinéma qui se déroulent en Afrique. Les films qui y passent sont ensuite distribués au compte gouttes en occident.

Awotele nous donne et nous montre donc des nouvelles d’un monde estimé comme peu “cinégénique” par les grands distributeurs qui nous approvisionnent régulièrement en oeuvres cinématographiques comme certaines régions du monde, ou du pays, peuvent être approvisionnées en riz, en lait, en méthodes de pensées, en oeuvres humanitaires et sanitaires. Ou en effectifs industriels, militaires ou policiers. 

Mais j’ai négligé et néglige la lecture d’Awotele. Je me comporte vis à vis du Média Awotele comme d’autres lorsqu’ils veulent se mettre au régime, à faire du sport à ou à arrêter de fumer :

Je prends des résolutions que j’ai beaucoup de mal ensuite à transcrire par des actes. Puis, je me sens coupable. Puis, j’oublie que je suis coupable de négligence. Car c’est tellement  facile, aussi, de se laisser guider-et conditionner- par les mêmes regards et éclairages familiers.

 

Maïram Guissé, un jour, s’est faite à peu près la même remarque. Mais en sens inverse. Un jour, nous raconte Maïram Guissé en voix off, dans son La Vie de ma mère, Maïram Guissé a regardé sa mère et s’est alors demandée :

 

Mais, qui est-elle ?

La mère de la réalisatrice Maïram Guissé dans ” La Vie de ma mère”.

 

 

Le réalisateur David Lynch, en partant de cette même question, nous parachuterait dans une autre atmosphère que Maïram Guissé. Parce-que la démarche identitaire est différente. La façon de se répondre est différente.

 

 

Maïram Guissé est une femme, noire, d’origine Sénégalaise, issue d’un milieu social modeste, née en France, et qui a toujours principalement vécu en France. Le Sénégal est une ancienne colonie française. Les réponses dont avait besoin Maïram Guissé en faisant son La Vie de ma mère ne pouvaient être que différentes de celles perçues par un David Lynch qui, en outre, avant de devenir réalisateur, avait un parcours, je crois, dans le milieu artistique. Le cinéma, pour Lynch, était un média ou un moyen d’expression sûrement moins sacralisé, plus abordable, que pour Maïram Guissé au départ :

Lynch s’est sûrement senti plus légitime que Maïram Guissé pour décider un jour de prendre une caméra et pour voir ce que « ça faisait ». Et ce que l’on pouvait raconter avec une caméra. Rien que cette attitude change tout dans la façon que l’on a d’aller vers une caméra comme de s’en servir. On peut soit se sentir libre de faire et de filmer ce que l’on veut avec une caméra ou avoir l’impression de devoir porter le marteau de Thor ainsi que toutes les responsabilités, et uniquement elles, qui vont avec.

Je ne crois pas que David Lynch, ou d’autres réalisateurs reconnus, se sentent tenus par le Devoir lorsqu’ils “font” un film. Alors, qu’à mon avis, il y a une forme de sentiment de Devoir dans ce qui a amené la réalisation de La Vie de ma mère. Même s’il y a pu y avoir, aussi, du plaisir à faire le film ( je persiste à écrire “film” alors que La Vie de ma mère est officiellement présenté comme un documentaire).

 

Qui aurait pu réaliser ce film, assorti de ses réponses, dont Maïram Guissé, et d’autres, avait envie et besoin ?

 

La Nasa ? La Comédie Française ? La banque la Société Générale ? Banque où, pendant vingt ans, la mère de la réalisatrice va aller faire le ménage dans l’une de ses agences, sans être remerciée pour quoi que ce soit lors de son départ à la retraite.

 

Une scène de ” La vie de ma mère” de Maïram Guissé.

 

Le fait d’être noir, « mais » d’origine antillaise, m’a bien sûr aidé à m’identifier rapidement à cette histoire, de sa mère, que nous raconte Maïram Guissé. Mais ce qu’elle raconte dans son La Vie de ma mère se trouve aussi dans des familles chypriotes, portugaises, asiatiques ou tout simplement bretonnes, normandes, alsaciennes, basques ou corses. Comme chez des pratiquants catholiques, juifs, bouddhistes, animistes ou musulmans. Sauf que ces histoires ne figurent pas dans les scripts de la Nasa, de la Comédie Française, des films dont on « parle beaucoup », ou dans les publicités des banques qu’il s’agisse de la Société Générale ou d’autres.

 

 

Qu’est-ce qui rend « ciné-génique » la mère de Maïram Guissé ? Sa seule personnalité ?

 

Il est vrai que la mère de la réalisatrice apparaît être une femme plus que robuste et déterminée. Durant le film, on n’entend pas parler de « burn out », de fatalisme ou de pessimisme, de colère ou de rancune. Malgré six enfants. Malgré des conditions de vie économique plutôt modestes. Malgré le fait d’avoir quitté le soleil natal, près de la mer, la famille mais aussi la musique et une grande maison au Sénégal, soit plutôt une certaine forme de liberté et de légèreté, que l’on a troquée pour un appartement exigu  dans une cité ; dans une région – à Canteleu, en Normandie, du côté de Rouen- et un pays ( la France) où il n’y a que des blancs, une autre musique, une autre religion dominante, d’autres façons de bouger sur la musique mais aussi dans la vie, d’autres façons de regarder les autres, de parler….

Le film ” La vie de ma mère” de Maïram Guissé.

 

Je me suis un petit peu amusé à penser à certaines de ces stars de cinéma, « qui prennent la lumière » et que « le cinéma aime », à la place de la mère de la réalisatrice. Avec un seau et une serpillère à la main. Avec six enfants dans un pays étranger et dans un appartement exigu. Avec un mari, qui, pendant des années, refuse qu’elle trouve un travail car il a peur qu’il la quitte ensuite…..

Scarlett Johansson. Isabelle Huppert. Adèle Exarchopoulos. Juliette Binoche. Vanessa Paradis. Léa Seydoux….

 

Ce que j’écris est bien sûr injuste pour elles ainsi que pour tous/toutes les autres (femmes comme hommes). Ce que j’écris est sans doute aussi très raciste. Mais c’est moins injuste et moins raciste que toutes ces absurdités dont on fait des vérités qui nous sont imposées à coups-répétés- de :

 

 « La caméra l’aime », « il (ou elle) est tellement ciné-génique ». Sans oublier, aussi, et peu importe que l’acteur ou l’actrice soit noir(e) ou arabe, l’insupportable :

 

« C’est l’un des acteurs (ou l’une des actrices) le/la plus doué(e) de sa génération ».

 

Quelle génération ?!

 

Lorsque l’on regarde et admire constamment telle actrice ou tel réalisateur, il en est combien d’autres que l’on empêche d’exister ou que l’on néglige depuis des générations ?!

 

La Vie de ma mère est un film qui parle de beaucoup de personnes, sans doute la majorité d’entre nous, femmes, hommes, quelles que soient nos origines, notre couleur de peau et nos croyances et qu’une minorité de personnes verra.

 

” La vie de ma mère” de Maïram Guissé.

 

Parce-que cette forme de vie-là, on ne sait pas la voir. Où on ne veut pas la voir. On la considère peu glamour. On estime que cette vie-là n’a rien à nous apprendre alors que, souvent, beaucoup ou tout part de ce genre, de ce type de vie-là. Y compris parmi les futures « stars » ou « vedettes » qu’une caméra va tant aimer plus tard alors que, sans doute, parmi leurs propres ascendants et ancêtres, certains ont pu être négligés, déclassés, humiliés, opprimés ou exterminés. Comme tant d’autres. Parmi d’autres.

 

Plus nos moyens technologiques deviennent performants et plus il semble que nous voyions et percevions de moins en moins notre environnement.

 

Mais aussi ce que nous sommes. Au delà de la forme. 

 

Pour une espèce comme la nôtre, émotionnellement, intellectuellement et psychologiquement  myope, presbyte, astigmate ou tout simplement autiste, aveugle – et sourde !-  un film comme La Vie de ma mère fait partie des films-remèdes. Mais il faut des médecins clairvoyants et reconnus pour le prescrire. Un traitement long et répété. Des endroits où délivrer le remède sur une durée longue. Et des malades conscients qu’ils ne vont pas (toujours) bien, qui décident de consulter, et qui, ensuite, vont accepter de prendre et suivre leur traitement- comme l’indique l’ordonnance- dans une salle ou ailleurs.

La réalisatrice Maïram Guissé assise à côté de sa mère, devant la mer au Sénégal dans ” La vie de ma mère”.

 

Pour recevoir son traitement, Le film est disponible du 29 juin jusqu’au 30 septembre 2022 sur France. Tv

 

Franck Unimon, ce dimanche 17 juillet 2022. (amélioré le 20 et le 21 juillet 2022). 

 

Catégories
Photos Vélo Taffe

Vélo Taffe dans Paris 7-10 juillet 2022

Photo©️Franck.Unimon

Vélo taffe dans Paris 7-10 juillet 2022

 

Après avoir réécouté le groupe Massive Attack en concert au Danemark en 2006, j’ai découvert aujourd’hui l’artiste Hoshi avec son album Sommeil Levant.

 

Je suis tombé sur son album dans la médiathèque de Cormeilles en Parisis il y a plusieurs jours. Je n’étais pas pressé de l’écouter. Je ne « connaissais » pas Hoshi. Aujourd’hui,  après avoir commencé à écouter son album, je crois que l’on peut vraiment dire qu’en France, les artistes ont rompu avec cette tradition de la peur de la danse. Ils n’ont plus peur d’associer l’émotion au « corps » de la danse. On me dira que cela fait maintenant au moins une bonne vingtaine d’années que c’est comme ça. Mais je ne l’avais peut-être pas compris jusqu’à cet album de Hoshi. Même si je « connais » des artistes comme Jain, Angèle, Aya Nakamura et ai entendu parler de Christine And the Queens, Ronisia… pour ne parler que de quelques artistes féminins. Il y a bien sûr beaucoup d’autres artistes musicaux français « actuels » à citer en ce moment. Mais ces derniers jours, j’ai beaucoup réécouté les titres Mission Speciale et Evenement ( Les Ambassadeurs) et Hommage aux Disparus ( Les Frères Dejean), des groupes haïtiens pourvoyeurs de la musique Kompa davantage connus dans les années 70-90. Une musique particulièrement engageante pour qui l’a connue enfant, sait l’écouter et…la danser.

 

Dans cet album d’Hoshi, j’aime sa sincérité, sa virtuosité verbale, et ses arrangements musicaux dans des titres tels que Amour Censure ; Fais Moi Signe ; Medicament. Mais aussi les titres Sommeil Levant ; Marche ou Rêve ;

Par moments, sa voix a quelques airs de Stromae ( le titre Ita Vita…). Cependant, Hoshi a bien sa propre voix.

C’est aussi en écoutant son album Sommeil Levant que cet article est rédigé. Avant de pouvoir m’occuper plus tard de l’article sur le livre Les Couilles sur la table de Victoire Tuaillon, terminé il y a plus d’une semaine maintenant. Je m’attends à ce que l’article sur ce livre de Victoire Tuaillon soit long. Plutôt que le bâcler, je préfère disposer de la latitude nécessaire pour l’écrire. Pour patienter, on peut déjà lire l’article sur le livre de Mona Chollet :

J’ai lu Réinventer l’Amour de Mona Chollet .

 

Ou regarder les photos de cet article ci. Je les ai prises à Paris entre le 7 et ce 10 juillet 2022.

 

J’ai aussi prévu d’écrire un article sur les Cinquante ans de Marmottan ( c’était en décembre dernier !), service spécialisé dans le traitement des addictions. 

Franck Unimon, ce dimanche 10 juillet 2022.

 

Photo©️Franck.Unimon

 

 

 

Photo©️Franck.Unimon

 

 

Photo©️Franck.Unimon

 

 

Photo©️Franck.Unimon

 

Bd Raspail, Paris. Photo©️Franck.Unimon

 

Rue de Rivoli. Photo©️Franck.Unimon

 

Chantier, près du Spot 13, ce dimanche 10 juillet 2022. Paris 13ème. Photo©️Franck.Unimon

 

Au Spot 13, ce dimanche 10 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Au Spot 13, ce dimanche 10 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Photo©️Franck.Unimon

 

Entre la Gare d’Austerlitz et la gare de Lyon. Photo©️Franck.Unimon

 

Photo©️Franck.Unimon

 

 

Photo©️Franck.Unimon

 

Dans le jardin des Tuileries ce dimanche 10 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Dans le jardin des Tuileries, ce dimanche 10 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Au Spot 13, ce dimanche 10 juillet 2022. Paris 13ème. Photo©️Franck.Unimon