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Marcher jusqu’à un Maitre de Kung Fu Wing Chun traditionnel

Montreuil, ce samedi 30 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

Marcher jusqu’à un Maitre de Kung Fu Wing Chun traditionnel

 

Me faire marcher

 

Cela doit faire deux semaines que je n’ai pratiqué le karaté avec Maitre Jean-Pierre Vignau. Le dojo est fermé. Jean-Pierre est actuellement à Agde où il dirige son stage de karaté estival jusqu’au début du mois d’aout. Et, ma dernière séance avec mon club d’apnée doit dater de bientôt un mois. 

A partir de 14h 15, ce samedi, j’ai  commencé à marcher depuis la gare du RER A de Vincennes. Il faisait trente degrés ou plus.

Cela a finalement duré plus que les dix minutes prévues. Parti de chez moi, à Argenteuil, un peu avant 13h30, sans déjeuner, j’ai fini par trouver l’endroit aux alentours de 15 heures. Je suis passé par la Croix de Chaveaux, la rue de Paris, devant la station de métro Robespierre de la ligne 9.

 

A Vincennes, les gens interrogés, bien que désireux de m’aider, ne savaient pas où se trouvait la rue Robespierre, à Montreuil.

 

Je me suis sûrement trompé d’itinéraire. Comme cela arrive souvent lors des « premières fois ».

 

Il y avait plus simple, plus facile et plus court pour arriver au 71, rue Robespierre. Le nom de cette rue me disait quelque chose. J’y étais sans doute déjà allé mais je n’arrivais pas à me rappeler les circonstances.

 

 

Mais je ne regrette pas toute cette marche.

 

 

Montreuil, ce samedi 30 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Je regrette plutôt de ne pas avoir fait plus tôt, et plus souvent, ce genre de démarche.

 

Je regrette de m’être trop souvent, trop facilement, contenté d’entrer dans des magasins. Il y en a tellement. Tout le temps. Et toujours. Et quand il n’y en n’a pas assez, on s’ennuie et on va là où il y en a plein à aller voir.

 

Je regrette d’avoir fait le même genre de rencontres : D’avoir joué plusieurs fois le même rôle devant des publics différents. Et semblables. De m’être rendu à des endroits ou à des soirées parce que cela se faisait d’y être. Et pour y être d’une façon qui, finalement, maintient la soif et le manque plus qu’elle ne l’apaise.

 

 

Je suis très dur avec moi-même ? Oui, en ce sens que j’ai vécu et vis aussi des moments très agréables. Non, lorsque je commence à entrevoir cette importance que j’ai pu donner et peux donner à certaines expériences.

 

Non, si je considère la façon dont peuvent être regardés les Arts Martiaux aujourd’hui.

 

Je suis désolé devant cette désaffection connue, en nombre de pratiquants, par les Arts Martiaux. Les chiffres de la baisse du nombre de pratiquants d’Arts Martiaux sont évoqués de temps à autre dans certains média spécialisés…dans les Arts Martiaux. Ce sujet ne sera pas évoqué au journal de 20 heures. Et encore moins sur Cnews ou dans des média-potins du type Gala, Closers ou Paris-Match.

 

Ce que « veulent » ces média, et, officiellement, la majorité d’entre nous, c’est du buzz et du spectacle. Du rapide. De l’anti-rides.

 

 Ce qui est efficace. Ce qui, en deux ou trois mouvements,  change tout de manière définitive. Et parfaite.

 

Problème : la perfection et la plénitude ne s’obtiennent pas exactement en deux-trois coups de reins ou de bistouris. Tous les niqueurs de la Terre, toutes les niqueuses de la Terre, quel que soit leur domaine d’expertise, et tous les adeptes de la chirurgie esthétique physique et mentale le savent.

 

L’effet obtenu ne dure pas.

 

Le sentiment de victoire totale et absolue reste provisoire. Il faut donc ravaler et recommencer  à un moment ou à un autre.

 

Soit parce-que l’on finit par s’apercevoir qu’il nous manque quelque chose. Ou parce-que quelqu’un arrive à faire ou à obtenir « mieux » ou plus que nous et, d’une certaine façon, menace notre « réussite ».

 

Réflexions d’un déprimé

 

 

Ce sont des remarques de déprimé. Et, j’étais déprimé hier après-midi. Mais j’étais normalement déprimé. Je savais – et sais- largement encore faire la différence entre le trépas et des vacances estivales. Et j’étais, et suis, encore en vacances pour à peu près une dizaine de jours.

 

Malgré le soleil et les sourires, la déprime ne se lit pas sur les visages ni dans le bronzage. Actuellement, il se trouve quantité de personnes en vacances qui s’exposent au soleil. Parmi elles se trouvent un certain nombre de personnes déprimées. Elles ont beau être tranquillement allongées sur le sable, reproduire une certaine quantité de coïts réguliers, ou rire à peu près tous les jours, la rentrée ne sera pas des plus faciles pour elles.

 

Et elles le savent.

 

Ce sont celles et ceux qui les entourent -et croient les connaître- qui le savent moins.

 

 

Je connaissais en effet la rue Robespierre, à Montreuil. Nous nous étions arrêtés dans cette rue, il y a un an ou deux, ou peut-être plus, ma compagne, ma fille et moi, en voiture. Pour aller faire des courses dans le magasin bio Les Nouveaux Robinsons. J’ai encore oublié d’où nous revenions.

 

A une centaine de mètres, environ, ou peut-être moins, de ce magasin bio, il y a cette académie de Kung Fu Wing Chun présente là depuis plusieurs années, ouverte et dirigée par Sifu Didier Beddar.

 

En 1993, Didier Beddar avait ouvert une première salle d’Arts Martiaux dans le 20ème arrondissement de Paris.

 

 

Je suis désolé que les gens, dans une grande majorité, se détournent des Arts Martiaux ou ne les voient que comme une activité folklorique fanée parce-que les Arts Martiaux aident à vivre. Et pour s’aider à vivre, il est devenu courant d’aller vers la facilité :

 

Il existe bien plus de pharmacies ayant pignon sur rue que de salles d’Arts martiaux  ou de dojos ouverts. Certains médicaments dispensés dans les pharmacies sont indispensables. D’autres, moins.

 

Mais on a beaucoup plus facilement accès à un médicament « délivré » sur ordonnance ou sans ordonnance qu’il suffit de se mettre dans la bouche tel un hostie qu’à une séance avec un Maitre d’Arts Martiaux.

 

Peut-être qu’hier, à ma place, au lieu de se rendre à l’académie de Kung Fu Wing Chun de Didier Beddar, que d’autres personnes se seraient contentées d’un comprimé de lexomil ou de lysanxia. Ou, pourquoi, pas de Prozac ? Ou de cannabis. Ou d’un peu de Vodka. Ou d’une partie de fesses avec la première personne disponible et volontaire.

Montreuil, samedi 30 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

On peut aller danser, aussi. Mais pour danser, il faut souvent attendre la nuit. Et on y va généralement avec un groupe d’amis ou de connaissances. Des années que cela n’est plus arrivé. Cela nous est passé sans même y penser. Et sans que cela ne nous manque non plus. 

Mais je n’exclue pas d’y retourner. J’écoute toujours de la musique. Du Konpa des années 70, c’est vrai. Mais aussi Hollie Cook ( Looking for real love) et aussi, dernièrement, Dua Lipa :

Hallucinate

Peut-être qu’hier, à ma place, d’autres personnes seraient parties faire du « shopping » pour se changer les idées. En journée, c’est possible. 

J’ai fait du « shopping » pendant des années. Depuis quelques mois, je m’aperçois que je me comporte différemment avec cet échappatoire. Mais aussi dans les magasins où je rentre.

 

Hier, sur le trajet pour aller à l’Académie de Didier Beddar, en sortant de la gare St Lazare, je suis tombé sur un nouveau magasin Doc Martens, dans la rue du Havre. Je « connais » cette rue. J’aime assez cette marque de chaussures. Ce magasin n’était pas là auparavant. Il avait ouvert la veille.

 

J’y suis entré. J’ai fait un tour pour voir. En ayant l’impression d’être un peu comme l’enfant assez facilement détourné de son intention de départ.

 

A l’intérieur du magasin, se trouvaient de jeunes vendeurs souriants, accueillants et très appliqués assurant la relève de toutes ces vendeuses et de tous ces vendeurs que nous avons rencontrés depuis l’enfance.

 

Ces vendeurs devaient avoir tour juste une vingtaine d’années. Pour eux, c’était sans aucun doute un poste à très haute responsabilité. Et c’est une très haute responsabilité.

 

Car c’est du travail que de savoir recevoir des clients différents, de tous les âges, de toutes les catégories sociales, directement, dans une grande ville comme Paris. Dans une rue aussi passante et commerçante.

 

Il s’agit de réussir.

 

De donner satisfaction à son employeur.  De parvenir à bien s’entendre avec ses collègues. De rester souriant et accueillant malgré les contrariétés diverses que l’on peut vivre personnellement.

Car on est une vitrine. Une image. On représente le magasin. La marque. Et on ne doit, en aucun cas, être un préjudice ou une menace, pour le magasin et la marque.

 

Il ne faut pas (se) rater.

Montreuil, près de l’Académie de Didier Beddar, ce samedi 30 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Esprit martial

 

 

J’étais dans l’Académie depuis moins de deux minutes. J’avais un peu discuté avec une dame qui assistait à la séance et qui venait de me dire que l’un des pratiquants, là, dont je voyais le dos, faisait partie des enseignants. Lorsqu’un autre enseignant est venu me voir. J’avais à peine commencé à lui parler que, du fond de la salle, alors qu’il s’entraînait avec quelqu’un, Sifu Didier Beddar m’a vu. J’ai vu qu’il m’avait vu. Le même regard, à travers la salle, malgré tous les pratiquants (une bonne quarantaine) qui occupaient l’espace que Maitre Léo Tamaki lorsque, sans le prévenir, j’étais venu assister à un de ses stages l’été dernier.

 

Le Maitre pratique ou enseigne à l’intérieur du dojo mais reste ouvert à ce qui arrive de l’extérieur. Ce n’est pas le résultat d’une angoisse particulière. Plutôt une forme d’hyper-vigilance et d’éveil ou d’attention à laquelle on peut parvenir lorsque l’on a suffisamment assimilé ce que l’on pratique. Le guitariste qui connaît sa gratte, lorsqu’il est rôdé, peut jouer, juste et bien, ou improviser, tout en voyant ce qui se passe dans la salle. Tout en discutant. Et si un de ses acolytes sur scène, à un moment ou à un autre, amène une variation, il va l’entendre et jouer en fonction de cette variation. S’il s’est suffisamment accordé avec ses acolytes. S’il est suffisamment maitre de ses doigts et de sa guitare.

 

Les Maitres d’Arts martiaux, mais aussi les enseignants et les professeurs de sports de combats, rappellent souvent qu’une arme blanche est une extension du corps.

 

Le dojo, aussi, est une extension du corps – et de l’esprit- du Maitre.

 

Un Maitre prend possession de l’espace dans lequel il enseigne ou pratique. Comme nous pouvons prendre possession de notre maison. Il est donc normal que Didier Beddar m’ait aperçu très vite après mon arrivée dans son académie. Même si cela m’a de nouveau surpris comme j’avais pu être surpris que Léo Tamaki m’ait vu arriver, alors que j’étais encore dans la cour intérieure précédant l’entrée du dojo. ( Dojo 5 ). 

 

Mais il est vrai que Léo Tamaki avait une vue directe, depuis là où il se trouvait, sur cette cour intérieure. Ce qui a peut-être aussi contribué aux choix de Léo Tamaki pour ce dojo…..

 

Maitre Jean-Pierre Vignau, avec lequel j’ai débuté le karaté cette année, lorsque j’entre dans le dojo, est souvent posté à un endroit stratégique depuis lequel, par un jeu de miroirs, il voit qui entre avant d’être vu lui-même. ( Le Dojo de Jean-Pierre Vignau). 

 

Ce n’est pas de la parano. Même si Maitre Jean-Pierre Vignau a pu me dire :

 

« Je suis parano ».

 

Pour moi, cet état d’esprit est de l’esprit martial. C’est être attentif à son environnement. Voire, à l’état ou aux intentions de celle ou de celui qui s’amène.

 

Je continue de penser qu’un Maitre ou une Maitresse d’Arts martiaux, lorsqu’il nous voit arriver la première fois. Lorsqu’il nous voit nous déplacer. Respirer. Lorsqu’il nous entend nous exprimer. Qu’il « sait », en grande partie, à qui elle ou il a affaire.

 

Qu’elle sait ou qu’il sait presque d’où nous venons. Qui nous sommes. La Maitresse ou le Maitre ne devine pas l’adresse de notre domicile. Ni notre date de naissance. Ni le prénom et le nom de notre premier Amour. Car, dans ce cas, ce serait de la voyance. Mais je crois que la Maitresse ou le Maitre a une idée, plutôt juste, de notre vécu. De notre personnalité. De nos intentions. En tant qu’être humain. En tant que pratiquant martial.

 

Nous aussi, les gens lambdas, nous « faisons » ça avec nos contemporains. En fait, nous les gens lambdas, nous essayons de faire ça lorsque nous rencontrons quelqu’un dans notre vie.

 

Mais la grande différence entre les Maitres et les gens lambdas, c’est que, le plus souvent, les Maitres et les Maitresses, eux, ne se trompent pas. Ou beaucoup moins que la majorité d’entre nous. Il suffit de peu de temps, de peu de situations où elles et ils nous voient à l’œuvre, pour que les Maitresses et les Maitres « sachent » où nous en sommes dans notre évolution personnelle.

 

 C’est ce que je crois encore pour l’instant.

Montreuil, ce samedi 30 juillet 2022 dans la rue Robespierre. Photo©️Franck.Unimon

 

Assister au stage de Kung Fu Wing Chun : Pa ni Problèm

 

«  Pa ni Problèm » m’a rapidement répondu Didier Beddar après lui avoir demandé à pouvoir assister au stage. Et, lui de m’indiquer un banc qui se trouvait à peine un mètre derrière moi.

 

J’ai pensé participer à ce cours qui est en fait un stage de quatre jours proposé et dirigé par Didier Beddar et plusieurs de ses élèves devenus ses assistants de 11h à 17h30.

Mais je n’ai pas les sous même si 65 euros pour une journée de stage est un tarif abordable.

 

Cet été, la priorité a été donnée aux vacances de ma fille en Guadeloupe chez mes parents avec ma sœur, mon beau-frère et ses enfants. Il m’en coûtera plus de 1200 euros. De quoi faire plusieurs stages de Kung Fu Wing Chun. De quoi largement payer une année de cours à l’académie de Kung Fu de Didier Beddar (700 ou 800 euros, licence incluse selon la formule choisie. Frais auxquels il faut rajouter ceux pour la tenue vestimentaire).

 

Mais je n’ai pas de regret dans le fait d’avoir donné la priorité au séjour de ma fille en Guadeloupe.  

 

Devant moi, à moins de deux mètres, un des enseignants de l’académie s’entraîne avec un stagiaire. Ce sont deux silhouettes antinomiques. Le premier est plus grand d’à peu près dix centimètres, longiligne. Le second est musclé, assez bodybuildé, trapu, a le bras tatoué et transpire beaucoup. Son maillot est mouillé. Dessus, en lisant, on peut deviner qu’il pratique ou a pratiqué l’Arnis, une escrime martiale philippine. A voir son côté déterminé, physique, je devine aussi l’homme qui  a pratiqué d’autres sports de combat ou d’Arts martiaux et qui « aime » ça. Qui « aime » se confronter. Qui est combattant.

 

Une meilleure connaissance et un meilleur usage de son corps

 

 

En face, l’enseignant est une horloge gestuelle. Les divers fuseaux horaires des mouvements de ses bras (les deux hommes travaillent les bras) semblent pouvoir se rejoindre presque indéfiniment. Alors qu’ils font une pause, il explique une spécificité biomécanique de l’avant bras qui permet la réalisation du geste.

 

Les Arts martiaux, bien enseignés, bien maitrisés, ainsi que d’autres disciplines, permettent une meilleure connaissance et un meilleur usage de son corps. Les achats dans un magasin ou sur le net, un comprimé de lexomil ou de lysanxia, un joint ou une bouteille de vodka ne nous apprennent pas ça. Même s’ils peuvent permettre de participer à certains événements festifs et sociaux. 

 

Le pratiquant d’Arnis, puissant, met plus de force. Il rencontre la précision constante de son partenaire qui ne donne pas l’impression de forcer. Mais, plutôt de pédaler. La géométrie de ses mouvements me paraît difficile à exécuter. Cependant, elle pare avec aisance les « attaques » adverses mais aussi les prend de vitesse plusieurs fois. Il y a à la fois de l’hypnose et du derviche tourneur dans ces enchainements de bras.

 

L’hypnose pour le fait d’attirer ou d’aspirer l’agresseur vers soi afin qu’il vienne en quelque sorte « déposer » ses offensives et ses armes dans un espace où leur destructivité s’efface.

 

Le derviche tourneur car cette succession de formes et de forces conjointes  forme une sorte d’aspiration vers le haut. Et, je me demande si lors de ce genre d’enchainements, on reste uniquement concentré sur celle ou celui qui nous fait face ou si, en même temps, on s’élève spirituellement en ayant la sensation ou l’impression d’être « hors » de l’attaque alors que celle-ci revient sans cesse vers nous. Un peu comme si on devenait une falaise et que l’on arrivait à s’extraire de l’assaut des vagues répétées, tout en bas, de notre adversaire.

 

C’est en les regardant faire que j’ai compris que l’acteur Keanu Reeves pratiquait du Kung Fu Wing Chun à la fin du premier Matrix en 1999. Un film que j’avais vu plusieurs fois à sa sortie. Dont une fois lors de mon séjour au Japon, toujours cette même année. Pour voir ce que cela faisait de voir ce film avec un public japonais à Tokyo.

L’extrait est malheureusement en Français mais c’est tout ce que j’ai pu trouver de disponible.

Démonstration du Sifu ( Maitre) :

 

Après chaque démonstration du Maitre, Didier Beddar, les pratiquants se sont exercés avec la même partenaire ou le même partenaire pendant une bonne dizaine de minutes voire davantage. Car il y a quelques femmes parmi les stagiaires.

 

Avant chaque démonstration et avant chaque interruption de pratique, par un appel ou un signal simple, pas particulièrement strident ou bruyant, tous les participants s’arrêtent.

 

A peu près au milieu du dojo, Didier Beddar fait la démonstration de la nouvelle variation avec un de ses élèves avancés, sans doute également un de ses assistants.

 

Décontraction, précision, maitrise, Didier Beddar est tel un poisson dans l’eau. Un poisson qui évolue dans l’eau, ou plutôt dans les océans, des Arts Martiaux depuis quarante ans et plus. Didier Beddar s’est rendu plusieurs fois à l’étranger pour apprendre. Et, il continue de le faire.

 

Lorsqu’il insiste sur l’importance de bien garder son pied avant d’attaque à l’extérieur des pieds de son adversaire, afin d’éviter d’être balayé, cela me rappelle ce qu’a pu nous dire aussi Jean-Pierre Vignau. Et cela me confirme que entre le Kung Fu Wing Chun et le Karaté, deux langues martiales aux règles et aux principes a priori différents voire opposés, qu’il existe, aussi, des grandes règles et des grands principes communs.

 

 

Comme cela peut exister, également, entre diverses disciplines martiales ou de combats. A cela, il y a une raison très simple :

 

 

Quel que soit l’Art Martial ou le sport de combat pratiqué, celui-ci reste pratiqué par des enfants, des femmes et des hommes, ayant tous pour particularité de faire partie de l’espèce des êtres humains. On a beau décliner de différentes façons la manière de se défendre et d’attaquer, un être humain reste un être humain avec ses possibilités, ses infirmités et ses limites. Il reste ensuite à cet être humain de choisir et de trouver cet Art martial ou cette discipline qui lui permettra de s’exprimer et de se sentir au mieux.

 

 

 

Une ambiance :

 

Je ne l’ai pas dit mais avant d’entrer dans l’Académie de Didier Beddar, je suis passé par une cour intérieure pavée. Après environ cinquante mètres de marche, l’Académie est là. Ouverte. Agréable.

 

Je n’ai pas pris de photo ni filmé car lorsque j’ai pensé à demander à Didier Beddar si je pouvais prendre des photos (j’avais même apporté ma petite caméra vidéo), il a réfléchi un peu puis, en souriant, il m’a répondu :

 

« Non ».

 

Ensuite, il a ajouté tout en faisant un demi-cercle autour de moi afin de continuer de me dire. « Des photos, des photos, des photos ! Aujourd’hui, on fait tout le temps des photos ». Il a poursuivi :

 

« Et puis, il y a des gens qui n’ont pas envie d’être pris en photo ».

 

 Il m’a désigné deux photos à l’entrée et a ajouté :

 

«  Vous voyez – qu’il a alterné quelques fois avec le tutoiement- là, je suis avec mon Maitre (il s’agissait peut-être de William Cheung mais je n’en suis plus sûr). Je suis resté dix ans avec lui ».

 

Il m’a aussi parlé de Dan Inosanto, 82 ans, qui a connu Bruce Lee et travaillait avec lui, qui continuait d’apprendre.

 

Je ne savais pas que Dan Inosanto était toujours en vie.

 

Il est vrai qu’aujourd’hui, nous faisons des photos et filmons pour tout. J’aurais voulu avoir quelques photos et vidéos pour cet article. J’ai bien vu que, de temps à autre, il y avait une personne ou deux (toujours les mêmes) qui filmait ou qui photographiait lors des démonstrations. Mais, en arrivant, en retard, je me suis d’abord présenté comme une personne voulant se rendre compte avant de peut-être venir s’inscrire à la rentrée.

 

Et, en soi, ne pas prendre de photo et ne pas filmer, ne m’empêche pas de donner un aperçu intérieur et personnel de cette expérience.

 

Il y avait de l’encens dans le dojo. Juste ce qu’il faut. Je me suis souvenu d’un copain vietnamien « chez » qui j’étais allé quelques fois, adolescent. Dans les grandes tours rondes du parc de Nanterre. A chaque fois, j’avais seulement franchi le seuil de la porte d’entrée et étais resté devant le salon. Lequel ressemblait à une jungle tropicale avec toutes ces plantes. Tous ces meubles. Un caddie de supermarché était aussi là, je crois.

 

Il y ‘avait cette forte odeur d’encens. Et l’oncle de ce copain, debout, au milieu de tout ça, à quelques mètres, montant la garde en quelque sorte. Mi-menaçant, mi-fou. Semblant, pouvoir, à tout moment, venir m’agresser. Le copain lui avait dit quelques mots en vietnamien en entrant, avait disparu dans sa chambre puis était réapparu quelques minutes plus tard. Et nous étions repartis.

 

Hier, pas d’oncle vietnamien montant la garde durant le stage. Une musique chinoise, apparemment, est passée en douceur durant toute la séance. Affamé, je buvais de l’eau fraîche de temps à autre. Je continuais de regarder devant moi l’un des assistants de Didier Beddar. Il était cette fois sans doute avec le benjamin des stagiaires. Un jeune garçon de 13 ans environ. Sa mère était la dame que j’avais croisée à mon arrivée.

 

De temps à autre, avec son téléphone portable, elle filmait ou photographiait son fils en pleine action.

 

D’abord assez intimidé par cet adulte plus grand que lui de vingt bons centimètres, le fils a fini par lâcher quelques coups de pied- contrôlés- à hauteur de visage qui m’ont beaucoup étonné. Il était souple et rapide.

 

Un autre homme était venu s’asseoir à côté de moi, quelques minutes plus tôt.

 

« C’est la première fois que vous venez ? ».

 

Il avait d’abord semblé surpris que je lui dise que c’était la première fois que je venais. Et, pourtant, oui. Et lui ? Il pratiquait avec Didier Beddar. Depuis quand ? 2010.

 

2010 ?! C’est bien lui avais-je répondu.

 

Lorsque je lui ai expliqué que j’étais venu voir afin de peut-être venir m’inscrire ensuite, il a trouvé que c’était une « bonne démarche ». Un peu comme si c’était une démarche assez inhabituelle et, qu’à la réflexion, il se disait que c’était vraiment une bonne démarche.

 

Je me suis dit qu’en fait, cela devrait toujours se passer comme ça. Mais comme souvent, nous voulons faire vite, aller au plus près de chez nous, nous prenons souvent le premier cours venu.

 

Ou le moins cher.

 

Lui, ne pratiquait pas car il s’était fait mal à l’épaule. Tendinite.

 

J’ai demandé :

 

Vous faites de la kiné ?

Oui.

Vous avez un bon kiné ?

J’espère que oui.

J’espère aussi.

 

Nous avons rigolé.

 

Il m’a ensuite appris qu’il avait commencé à enseigner. D’ailleurs, au mois d’aout, le dimanche, de 10h à 11h, il allait donner des cours au Parc Georges Brassens, dans le 15ème arrondissement. Puis, il a précisé : « Et, c’est gratuit, en plus ». Une initiative de la mairie. J’ai retenu l’information. Nous avons échangé nos prénoms.

 

Plusieurs pratiquants sont venus le saluer, lui donnant l’accolade.

 

Peu après, une jeune maman est arrivée, avec sa fille de quelques mois. La compagne de l’assistant de Didier Beddar que je voyais s’exercer devant moi depuis le début. Plusieurs personnes sont venues les voir. Dont Didier Beddar. Celui qui, en aout, va donner des cours d’initiation de Kung Fu Wing Chun au parc Georges Brassens, s’est levé. `

 

Ils se sont adressés à la petite. Didier Beddar a fait semblant d’attaquer le papa de la petite pour voir sa réaction. La petite est restée souriante et sans réaction. Le papa  s’en est amusé.

 

La maman et la petite se sont ensuite assises à côté de moi. La petite s’est mise à me regarder. Et à tendre la main vers moi. Mes lunettes sans doute. Elle a finalement accepté de prendre mon petit doigt dans sa main. On aurait presque dit qu’elle aurait voulu venir dans mes bras. «C’est vrai qu’elle n’est pas sauvage » m’a confirmé sa maman. Je n’avais pas prévu cette rencontre avec cette petite. D’une certaine manière, elle était peut-être une émissaire de ma fille alors en vacances à des milliers de kilomètres de là.

 

La maman a trouvé que ça faisait assez loin, pour moi, de venir jusqu’ici.

 

Mais si le Maitre est bon. S’il enseigne quelque chose, ou d’une façon, que l’on a du mal à trouver ailleurs….

 

Didier Beddar en couverture du Yashima de mars 2022.

 

Discussion avec Didier Beddar

 

J’allais partir en sortant des toilettes lorsque j’ai vu que c’était le moment du salut. Il était un peu plus de 17h30.

 

Après le salut, lorsqu’il est venu vers moi, Didier Beddar m’a alors appris qu’il avait une sciatique. On n’aurait pas dit.

 

Sans aucun doute que sa pratique affutée, acérée, et permanente des Arts Martiaux depuis des années est pour quelque chose dans cette sciatique. Ce genre de situation est rencontré par tous les Maitres mais aussi par tous les sportifs de haut niveau, à un moment ou à un autre. Et, malgré cela, ils continuent d’enseigner et de pratiquer. Ils ont des responsabilités et des engagements à tenir.

 

 

Alors qu’il était assis, en m’accroupissant devant lui, je me suis un peu mieux présenté.

 

J’étais venu là, sans être annoncé, avec mes dispositions personnelles, en plein stage, et Didier Beddar m’avait accepté. Mais je me suis aperçu en l’interrogeant que je ne lui avais peut-être même pas dit comment je m’appelais. Moi, en arrivant, je l’avais appelé par son prénom. Mais c’était facile pour moi, l’inconnu.

 

Je lui ai donc donné mon prénom. Et, même si je sais qu’il arrive que des Maitres soient en rivalité ou fâchés les uns les avec les autres, j’ai décidé de lui dire que je suis « un très jeune élève de Jean-Pierre Vignau ».

 

Didier Beddar a alors souri. S’est étonné que celui-ci enseigne encore. Il a quel âge maintenant ?

 

77 ans.

 

Didier Beddar a cinq ans de plus que moi. 59 ans. A mon avis, tant qu’il pourra enseigner, il le fera. Ce qui devrait bien nous amener facilement à 7O ans ou davantage.  

 

 Il situait à peu près où se trouvait le dojo de Jean-Pierre Vignau. Je peux d’autant plus le dire que j’ai beaucoup marché pour me rendre à l’Académie de Kung Fu de Didier Beddar :

 

Deux stations de métro séparent le dojo de Jean-Pierre Vignau de l’Académie de Kung Fu Wing Chun traditionnel de Didier Beddar.

 

Au lieu de descendre à la station Maraichers comme je l’ai fait pour me rendre au dojo de Jean-Pierre Vignau (actuellement fermé pour raisons économiques), il suffit de descendre à la station Robespierre pour se diriger vers l’Académie de Didier Beddar.

 

S’il est des Maitres qui se connaissent et se rencontrent, ce n’est pas la première fois que je constate que des Maitres d’Arts martiaux, pourtant ouverts sur le monde et les autres, peuvent enseigner à proximité les uns des autres sans pour autant se rencontrer.

 

Sans doute que la vraie frontière mentale  est surtout celle de l’Art martial choisi et enseigné. Même si la plupart des Maitres, avant de se destiner à l’enseignement d’un Art martial en particulier, ont souvent accumulé des expériences avancées dans plusieurs disciplines martiales, culturelles et mentales.

 

Maitre Jean-Pierre Vignau, bien que formé au judo, à l’Aïkido et à d’autres Arts martiaux et techniques de combat est un Maitre de Karaté. Sifu Didier Beddar, bien qu’également formé à divers Arts martiaux et formes de combats est avant tout un Maitre de Kung Fu Wing Chun traditionnel. Même s’il m’a expliqué hier faire profiter ses élèves, dans ses cours de Wing Chun, de ce qu’il avait appris, et de ce qu’il apprend, dans d’autres disciplines martiales ou de combats. Comme Jean-Pierre Vignau le fait également lors de ses enseignements.

 

J’avais aussi été étonné, en allant saluer un matin, Maitre Régis Soavi, il y a quelques mois, avant un cours avec Maitre Jean-Pierre Vignau, qu’ils ne se soient jamais rencontrés l’un et l’autre. Alors que pour se rendre au dojo où Maitre Régis Soavi enseigne avec sa fille Manon Soavi, on descend à la même station de métro que pour aller au dojo de Maitre Jean-Pierre Vignau :

 

La station Maraîchers, toujours  de la ligne 9 du métro. La même ligne qui permet de se rendre à l’Académie de Kung Fu Wing Chun de Didier Beddar.

 

 

 Jean-Pierre Vignau et Régis Soavi ont à peu près le même âge. Jean-Pierre Vignau doit avoir quelques années de plus que Régis Soavi. Je crois que Régis Soavi a 71 ou 72 ans et il ne pense pas tout à fait à prendre sa retraite martiale et spirituelle à ce que j’ai pu comprendre.

 

 

Avant de parler de « concurrence » ou de « conflits » entre deux Maitres, la principale et première frontière est sans doute encore martiale et mentale. Maitre Régis Soavi est Maitre d’Aïkido.

 

Ensuite, tous les Maitres ont tellement à faire afin d’enseigner, de pratiquer et de promouvoir leurs recherches, en faisant des millions de kilomètres au cours de leur vie, qu’ils peuvent, comme là, passer des années, à entendre parler les uns des autres, en certaines circonstances, sans se rencontrer. Alors qu’il existe une faible distance kilométrique entre leurs dojos.

 

 

Même si j’avais déjà entendu parler de lui bien avant cela, Didier Beddar a été interviewé récemment ( en mars de cette année) par Léo Tamaki dans le magazine Yashima. Hier, j’ai donc évoqué cette interview. Je lui ai aussi dit avoir rencontré Léo Tamaki une ou deux fois. Lequel Léo Tamaki, d’ailleurs, comme à chaque été, proposera un stage d’Aïkido à Paris, fin aout. Stage auquel j’espère cette fois pouvoir participer.

 

Après ces mots, devant Didier Beddar, je cessais un peu- en quelque sorte- d’être un inconnu complet. J’ai aussi parlé un peu de ma pratique du Judo. Du fait d’avoir un peu pratiqué de Ju Jitsu brésilien avec Patrick Bittan (il y a plus de vingt ans).

 

J’ai ensuite expliqué ce qui me donnait envie de venir recevoir les enseignements du Wing Chun dans son Académie. En continuant de recevoir ceux de Jean-Pierre Vignau.

 

Didier Beddar a compris mon projet. Lui-même porté sur la polyvalence, il m’a parlé de la nécessité de connaître plusieurs distances de combat et m’a appris que la rentrée se ferait à partir du 2 septembre.

 

 

Je me demande si je suis obligé de mentionner que je me sentais mieux et moins déprimé après avoir assisté à ce stage.

 

Montreuil, ce samedi 30 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Franck Unimon, ce dimanche 31 juillet 2022.

 

 

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