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Les Couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. 2ème partie. Ego Trip.

Au Spot 13, 15 janvier 2022. Photo©️Franck.Unimon

Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon, 2ème partie : ego trip.

 

Cet article est la suite de Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. Premières parties

 

Ego Trip :

 

Je crois que nous aimons ces instants où nous retrouvons en nous des endroits faits sur mesure où l’on se sent à l’abri de tout. Ces endroits sont ce qui restent des meilleurs moments de nos origines. Et nous sommes contents, ou heureux, qu’ils soient toujours là malgré les épreuves et le temps passé ou traversé.

 

Il n’est pas nécessaire d’aller très loin, de soulever de très lourdes haltères ou d’avoir recours à des substances chimiques pour parvenir à ce genre d’endroit, ce genre d’état et d’instant.

 

Ecouter ou entendre un titre de musique. Une simple promenade. Un « voyage » dans un métro ou dans un train. Un parfum. Un regard. Une impression. Un sentiment.

Au Spot 13, 15 janvier 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Chacun a sa « recette » ou ses « trucs ». Certains y arrivent plus facilement et plus fréquemment que d’autres. Nous sommes souvent des exilés de nous-mêmes. Amenés à faire certaines compromissions. Obligés d’accepter de multiples contraintes. Et la « récompense » n’est pas toujours au bout de nos – très nombreux et très oubliables – efforts.

 

On pourrait penser que notre existence consiste à pousser de bout en bout afin d’accoucher de nous-mêmes. Sauf que la date prévue pour notre accouchement et notre véritable délivrance est un mystère et peut, finalement, se résumer à l’heure et à la date du constat de notre mort cérébrale et médicale :

 

On peut très bien satisfaire à nos très nombreuses obligations de toutes sortes. Etre une personne plus ou moins impliquée et exemplaire compte-tenu de toutes ces obligations familiales, économiques et sociales et, dans les faits, ne jamais avoir véritablement accouché de soi-même.

 

Une histoire d’Amour nous offre la possibilité, pendant quelques temps «  de retrouver en nous ces endroits faits sur mesure où l’on se sent à l’abri de tout…. ». Et, pendant un temps, nous allons vivre ça avec quelqu’un d’autre, le plus longtemps possible, nous l’espérons.

 

Au spot 13, l’artiste Clément Herrmann, ce 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Ce que j’écris, là, n’a rien d’exceptionnel. D’autres l’ont écrit et vont l’écrire beaucoup mieux que moi.

 

Selon moi, à condition bien-sûr de rencontrer d’abord quelqu’un dont les sentiments et le désir sont réciproques, il n’y a rien de plus de simple que de tomber amoureux de quelqu’un et de ressentir du désir pour lui ou elle, peu importe son genre. Pourtant, ce sujet de la « rencontre » est, à mon avis, un des thèmes qui manque dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon ainsi que dans celui de Mona Chollet (Réinventer l’Amour) : J’ai lu Réinventer l’Amour de Mona Chollet . 

 

Je trouve que l’une comme l’autre escamote un peu trop ce sujet de la rencontre. Car avant toute histoire d’Amour, il y a nécessité d’une rencontre. Que celle-ci soit spirituelle, physique ou autre. Il me semble que notre rapport à la rencontre de quelqu’un d’autre a de grandes incidences pour la suite d’une histoire d’Amour.

 

 

Le sujet de la rencontre

 

Dans le film documentaire Inna de Yard : The Soul of Jamaica  réalisé en 2018 par Peter Webber, Ken Boothe, une des grandes vedettes du Reggae Jamaïcain montrées dans le film, dit à un moment  qu’il s’est longtemps comporté comme un « campagnard » alors qu’il avait déjà du succès ( un succès mondial).

Ken Boothe est originaire d’un milieu social modeste, voire pauvre en Jamaïque. Lors de sa première compétition de chant toujours en Jamaïque, il était très timide. Au point de fermer les yeux pour chanter face au public. La compétition était très dure. Se retrouver face à un public. Et, cette compétition comptait d’autres candidats, qui, comme lui, espéraient pouvoir s’extraire de la misère, mais aussi de la violence, par le chant et la musique. Aujourd’hui, ce sont les Rappeuses et les rappeurs qui s’en « sortent » qui ont ce genre de parcours. Comme bien des chanteuses et des chanteurs de Rock avant eux.

 

En se qualifiant de « Campagnard », Ken Boothe évoquait en fait ses grandes difficultés pour pratiquer les urbanités sociales :

 

Cette aptitude nécessaire, lorsque l’on veut réussir, à entrer en relation avec les personnes qui comptent dans un certain milieu. A établir avec elles une sorte de contact ou de « connexion » qui va leur donner envie de nous aider à développer notre carrière.

 

Pour l’anecdote, et pour rester encore un peu en Jamaïque, l’athlète jamaïcain Usain Bolt, plusieurs fois recordman du monde et plusieurs fois champion olympique- et du monde- du 100 mètres et du 200 mètres, aujourd’hui à la retraite (alors que Ken Boothe continue de chanter) lui, est le contraire du garçon timide.

L’ancien athlète Usain Bolt, en plus d’avoir été le sprinteur le plus rapide du monde pendant plusieurs années, était à l’aise, lui, pour entrer en contact avec les personnes qui comptent parmi les officiels importants de l’Athlétisme mondial.

 

38 ans séparent Ken Boothe de Usain Bolt.  

 

On ne voit pas où je veux en venir ? Je connais bien plus la carrière de Usain Bolt ( né en 1986) que celle de Ken Boothe dont j’avais déjà entendu parler avant ce documentaire de Peter Webber. Pourtant, lorsque j’ai entendu Ken Boothe s’exprimer et se taxer de « campagnard », je me suis subitement beaucoup reconnu en lui.

Problème : nous étions alors en 2019. Année où a été publié le livre Les Couilles sur la Table de Victoire Tuaillon, trentenaire. J’avais alors « déjà » 51 ans, étais marié et père depuis quelques années.

 

Je suis né à Nanterre en 1968. Donc, on lit bien :

 

1968, année en France de la « révolte étudiante », de la « révolution des mœurs », du très profond bouleversement qui s’est opéré dans la société française à cette époque. En pleine période de décolonisation de l’Afrique et de l’Asie, des mouvements de contestation noire aux Etats-Unis, du mouvement hippie, des mouvements de libération de la femme ; de la croissance économique- et du plein emploi- dont on nous parle dans les manuels d’histoire.

Et si la ville de Nanterre, en 1968, a aussi été la ville des bidonvilles, elle n’en n’était déjà pas moins une ville, du département des Hauts de Seine (le département le plus riche de France !) proche de Paris et du futur ou du déjà existant quartier d’affaires de la Défense présenté comme un des plus grands, si ce n’est le plus grand quartier d’affaires d’Europe !

 

 

Ajoutons à cela que Ken Boothe, né en 1948, en Jamaïque, sûrement dans un quartier pauvre, donc dans des conditions nettement plus défavorisées que celles que j’ai pu connaître à ma naissance à Nanterre (de mes parents qui s’étaient exilés de leur Guadeloupe natale en 1966 et en 1967) a ni plus ni moins…l’âge de ma mère, également née en 1948.

 

Au spot 13, Paris, ce vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Par quel tour de passe-passe, moi, né en 1968 à Nanterre, qui ai toujours vécu en ville, et qui a ensuite, après mes études d’infirmier, obtenu un DEUG d’Anglais à la fac de Nanterre ( celle de 1968 !), j’ai pu, en 2019, m’identifier à Ken Boothe né en 1948 dans un quartier défavorisé de la Jamaïque plutôt qu’à Usain Bolt, né en 1986 en Jamaïque, mais ( à ce que j’ai compris) dans un environnement plus favorable que Ken Boothe ?!

 

 

La réponse est simple et connue : la transmission. L’héritage familial. Inconscient et conscient.

Héritage conscient : je sais d’où viennent mes parents. Je suis déjà allé en Guadeloupe avec eux mais aussi sans eux. Je connais et comprends leur langue natale, le Créole. Je mange antillais. J’écoute la musique antillaise de mes parents et danse sur la musique antillaise. Ces derniers jours, j’écoute régulièrement des titres de musique Kompa datant des années 70, une des fonderies de mon enfance.

Héritage inconscient : je n’imagine pas à quel point les enseignements de mes parents, leurs modèles relationnels et leur façon de voir la vie et le monde, même si j’ai pu et peux les critiquer ont pu et peuvent m’influencer. Voire, me conforter dans mes idées mais aussi dans mes préjugés et mes appréhensions.

 

Et nous sommes nombreux à être dans ce genre de situation. On parle de « conflit de loyauté ». De « double lien ». D’ambivalence. Tout cela fait partie du genre humain. Et cela nous conditionne beaucoup lors de nos rencontres avec les autres. Peu importe la sincérité de nos sentiments amoureux pour quelqu’un d’autre.

 

Au cinéma, j’ai pensé au film Nocturnal Animals réalisé en 2016 par Tom Ford. Dans ce film, Susan Morrow, galeriste d’Art à Los Angeles (l’actrice Amy Adams) a une position sociale forte dans le prolongement de son éducation et de ses origines sociales. Elle vit mariée avec un homme qui a également une situation sociale forte. Sauf que quelques années, plus tôt, Susan s’était détourné de son Amoureux de l’époque, Edward (l’acteur Jake Gyllenhaal) qui était plutôt du genre fauché et sans avenir économique bien défini….

 

Au spot 13, fin mars 2022. La deuxième oeuvre est de Clément Herrmann en hommage à l’Ukraine attaquée par l’armée militaire russe le 24 février 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Concrètement, pour moi, une femme « française », c’est souvent une femme blanche, citadine qui fume des cigarettes ou/ et qui boit de l’alcool.

J’ai des amies françaises blanches, citadines, qui fument des cigarettes et qui boivent de l’alcool. J’ai pu être amoureux de femmes françaises qui fumaient des cigarettes (et ou/ du shit). Pourtant, le tabac et la consommation de l’alcool ne font pas du tout partie de mon « idéal » féminin en termes de pratiques. Ni de mon éducation.

 

Comme on dit, on « s’adapte », on « s’accommode », on « évolue ». Par Amour. C’est vrai. Mais jusqu’à un certain point, seulement, à mon avis. Car si, de notre côté, on est prêt à faire certains efforts vers l’autre qui diffère de nous. L’autre, elle ou lui, peut avoir moins d’aplomb pour faire le « grand écart » entre ses origines et nous.

Au spot 13, Paris, 28 avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Ce que je raconte est-il hors sujet ? Suis-je, ni plus, ni moins, en train de raconter ma vie une fois de plus alors que cela ne regarde personne et n’a aucun rapport avec le sujet du livre de Victoire Tuaillon ?

 

Moi, je crois que je suis bien dans le sujet du livre de Victoire Tuaillon comme de celui de Mona Chollet. Celui de la relation, celui du couple, celui de l’Amour. Seulement, si on « oublie » de parler de certaines de ces –grandes- étapes qui précèdent une relation d’Amour, je me dis que c’est comme si on voulait envoyer une fusée dans l’espace en oubliant tout ce qui peut permettre la meilleure mise à feu possible avec la meilleure trajectoire possible.

 

 

Le sujet de la rencontre est vaste. Dans la première partie de mon article, je revendiquais mon droit à être, aussi, « Beauf », « pénible » et « lourdaud ». Maintenant, je revendique mon droit à être « campagnard » dans son sens péjoratif :

Celui qui est vraiment « vieux jeu », conservateur, pas dans le coup,  terre à terre, qui a des idées arrêtées, rigide, pas drôle. Déprimant.

 

Rien à voir avec le profil festif, souriant et sautillant de plusieurs de mes compatriotes antillais ou de mes cousins africains et latins. Avec eux, au moins, on s’amuse bien. Bon, c’est vrai, ils ne sont pas très sérieux. Mais, au moins, c’est fun. Ils mettent de l’ambiance. Avec eux, c’est carnaval. On ne se prend pas la tête !

 

Alors qu’avec moi, on réfléchit. On s’analyse et on se scrute en temps réel. Pas un fantasme inconscient ne doit échapper à notre vigilance !

Au Spot 13, Paris, 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Je suis un militaire de l’affectif et de la vie amoureuse. Le champ-adverse- est localisé. Et délimité. J’effectue des rondes régulières autour de lui.

 

Que l’on se rappelle bien de cette expression :

 

« Un militaire de l’affectif et de la vie amoureuse ».

 

Parce-que cette expression va me servir plus tard.

 

 

Dans les faits, rencontrer quelqu’un n’est pas si simple que cela pour tout le monde.

 

 

Rencontrer quelqu’un : Aussi simple que lire une bande dessinée ?

 

Cet article doit avoir une fin pour des sujets qui, eux (l’Amour, les rencontres amoureuses, la vie amoureuse, la vie à deux ou à plus) sont sans fin pour un être humain. Je serai donc obligé de trancher et de passer sur certaines idées.

Mais je tiens à faire un petit retour en arrière.

 

 

En 2009, je découvrais le monde de Riad Sattouf en allant voir comment il avait transposé au cinéma sa bande dessinée :

 

Les Beaux Gosses.

 

J’avais déja 41 ans en 2009. Pourtant, dès les premières images, son film m’avait parlé. Et plu. Et fait rire. Parce-que j’ai eu l’âge de ses personnages ainsi que leurs inquiétudes.

J’écris « j’ai eu ». Mais cette formulation au passé est un piège caché. Ne l’oubliez pas. Car j’en reparlerai un peu plus tard.

 

En pensant à la deuxième partie de cet article, je me suis rappelé mes 13-14 ans lorsqu’avec un copain, j’avais discuté de la bonne façon d’embrasser une fille. Je ne l’avais jamais fait. Du moins pas comme les « grands ». J’avançais en âge et, à 13-14 ans, je me devais de dépasser l’étape des bisous. Mais comment bien rouler une pelle à une fille ? Comment savoir ? D’autant qu’il y avait cette certitude (qui persiste encore aujourd’hui, je trouve) que le garçon se doit de savoir.

 

Je me souviens encore de ce copain, X…., près d’une des grandes tours de notre cité HLM Fernand Léger, à Nanterre me dire que, lui, il savait ! Alors, je l’ai envié.

 

Moi, je ne savais pas. Evidemment, il n’allait pas me mettre sa langue dans la bouche pour me montrer. Il y avait comme une défaite pour moi, ce jour-là. A me retrouver devant ce copain qui avait ce Savoir inestimable et indestructible. Alors que moi, je ne voyais pas comment faire pour l’obtenir à mon tour. Apprendre à rouler une pelle à une fille, finalement, c’était un peu devenu l’équivalent d’apprendre à faire du feu. Ne pas savoir le faire revenait à se diriger vers une sorte de vie de perdition, de déchéance et de clochardisation. Comme si en parlant de quelqu’un que l’on avait connu dans le passé, on  disait de lui :

 

«Lui, il a vraiment très très mal tourné. Il ne sait même pas comment emballer une fille. Le pauvre ! ».

Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Aujourd’hui, je maintiens que même des adultes (femmes et hommes) peuvent être aussi embarrassés que je l’avais été à 13 ou 14 ans pour savoir comment embrasser une fille. Même avec ma mentalité de campagnard, j’ai appris que nos parcours personnels vers notre intimité corporelle mais aussi vers l’intimité de l’autre sont loin d’être aussi évidents que cela pour tout le monde. Malgré toutes les pubs ou peut-être justement parce-que toutes ces pubs dénudées, toutes ces images et ces œuvres visuelles érotiques, pornographiques ou suggestives pullulent dans notre environnement quotidien.

 

S’il était si simple que cela de rencontrer quelqu’un et de partager avec elle ou lui une intimité charnelle, émotionnelle, sentimentale et morale, toutes ces images érotico-pornographiques-suggestives, toutes ces discussions qui tournent autour de ces sujets et de ces fantasmes disparaîtraient d’eux-mêmes.

 

J’ai repensé tout à l’heure  à une ancienne collègue, plus jeune que moi de quelques années. Alors qu’elle allait bientôt se marier, celle-ci m’avait appris qu’elle ne savait plus comment rencontrer quelqu’un. Alors que plus jeune, avant d’être en couple, à l’écouter, elle « savait » comment faire pour rencontrer un homme. J’avais été intrigué par sa remarque. Car je n’ai jamais eu l’impression de « savoir » en particulier comment m’y prendre pour rencontrer quelqu’un d’autre. J’ai connu ou connais des personnes qui « savent » rencontrer. Des personnes qui, foncièrement, restent rarement seules ou savent ne pas rester seules. Peu importe leur âge, leur sexe ou leur situation personnelle.

 

Spot 13, Paris, 15 juin 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Séduire

 

Car il y a le fait de rencontrer. Et le fait de séduire et de savoir séduire. Je ne connais pas la situation personnelle de Victoire Tuaillon ou de Mona Chollet dans le domaine de la séduction. Mais séduire et savoir séduire n’est pas donné à tout le monde. Et, comme le fait d’embrasser, de (bien) faire l’amour, de se donner du plaisir, l’action de séduire et de plaire ne s’apprend ni dans les manuels, ni à l’école. On peut bien avoir quelques conseils, certaines lectures. Mais c’est quand même toujours avec l’expérience que l’on apprend à bien le faire.

 

On se rappelle de Ken Boothe qui fermait les yeux lorsqu’il s’agissait de chanter devant un public pour sa première participation à une compétition de chant tant il avait peur d’échouer mais aussi des moqueries. On peut imaginer que bien des personnes peuvent être dans le même état de stress lorsqu’il s’agit d’essayer de séduire quelqu’un. Sauf que j’ai du mal à concevoir que l’on puisse plaire à quelqu’un si on se met à fermer les yeux alors qu’on lui parle ou que l’on entame une conversation avec elle ou lui.

 

Alors que pour d’autres personnes, séduire, plaire, est un jeu. C’est une action légère et agréable qui agrémente le quotidien. J’ai connu quelqu’un, plutôt séducteur, qui m’avait raconté avoir plaisir à aller se balader dans le quartier du Marais, à Paris, afin d’être dragué et regardé par des homos. J’aime plutôt plaire. Mais chaque fois que je me suis rendu dans le Marais, cela n’a jamais été afin d’espérer allumer quelques homos de passage pour le « fun ».

 

Lorsque le site de rencontres Meetic s’est imposé comme la référence des sites de rencontres au début des années 2000, célibataire ayant du mal à rencontrer, j’avais fini par accepter l’expérience. Encouragé en cela par un copain qui en était très content et qui avait su me donner les arguments me permettant de me décider. J’avais d’abord eu honte de m’inscrire sur un tel site. Et si quelqu’un que je connaissais m’y voyait ?

 

« Mais dans ce cas-là, qu’est-ce qu’elle fait là, sur le site, cette personne ?! » m’avait répondu, ce copain, très pragmatique.

 

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

J’avais parlé plus tard de cette expérience Meetic à une copine. Pour moi, c’était tellement novateur. Aussitôt, cette copine m’avait alors exprimé sa désapprobation envers cette façon de rencontrer quelqu’un. Elle m’avait aussi parlé de sa plus jeune sœur qui avait eu la même attitude que moi. S’inscrire à Meetic !  Et, cela, aussi, elle ne le comprenait pas. Pour, elle, elle suffisait de rencontrer les gens. Je parle de quelqu’un qui évolue depuis des années dans le spectacle vivant : le théâtre. Comédienne, metteure en scène, prof de théâtre.

 

J’avais compris ce jour-là et essayé de lui expliquer, je crois, que, elle, n’avait pas de problème pour séduire. Et, cela s’est depuis vérifié à mon avis. Cette copine, devenue mère  de deux enfants par la suite, s’est plus tard séparée du père de ses deux enfants. Non seulement, elle a pu quitter la région où elle avait vécu avec lui, au soleil, avec son ancien compagnon et père de ses deux enfants. Mais, aux dernières nouvelles, elle avait rencontré un autre homme, lui même également père.

 

Je « sais » que ce type de famille recomposée existe. Seulement, je crois aussi que certaines personnes savent mieux s’y prendre que d’autres pour faire des rencontres amoureuses opportunes. Alors que leur situation personnelle (mère ou père d’un ou de plusieurs enfants) lorsqu’elle est vécue à l’identique par d’autres, constitue un obstacle frontal à une nouvelle histoire amoureuse.

 

L’âge peut sans doute, aussi, influer, sur les attentes exprimées envers le couple et une histoire d’Amour.

 

 

Une question d’âge :

 

On dit que l’Amour n’a pas d’âge. Je veux bien le croire. Mais notre époque a son âge. Et notre façon d’aimer se modifie aussi sans doute un peu avec notre époque. Comme avec le pays et la culture dans lesquels on vit et grandit.

 

 

Dans la première partie de mon article, j’ai parlé de l’âge de Victoire Tuaillon. 30 ans lors de la parution de son livre Les Couilles sur la table. 21 ans de moins que moi.

On a peut-être trouvé paternalistes certains de mes propos lorsque je parle de son livre ou lorsque j’évoque Victoire Tuaillon ou certaines femmes de son âge ou plus jeunes.

 

Là aussi, je ne vais pas essayer de me disculper de mon paternalisme s’il est avéré. Sans doute suis-je paternaliste par moments dans cet article :

 

Je suis le reflet de mon époque et des valeurs qui m’ont été transmises. Même si j’ai fait et fais des efforts pour essayer d’évoluer.

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Néanmoins dans le spécial dossier – le numéro 164 de juillet 2022- du journal Le Canard Enchainé  dont le titre est L’amour à tout prix ( Marché du mariage, boom des applis de rencontre, coachs de drague ou de sexe, love hotels, etc…) , je suis tombé sur cet article, page 22 et 23 :

 

Le Mariage, Une Affaire de sous Comptes et Mécomptes du conte de Fées (Vouées à disparaître à la fin du XXème siècle, les noces sont redevenues à la mode et génèrent un bizness très lucratif).

 

Plusieurs des articles de ce nouveau spécial dossier du journal Le Canard Enchainé m’ont bien plu. Mais dans cet article, il y a un passage qui m’a aussitôt fait penser à ce que traite Victoire Tuaillon dans son livre Les Couilles sur la table.

 

Je retranscris le passage de cet article, page 23 :

 

« (….) L’ascenseur social qu’il ( le mariage) constituait pour les candidates à l’hypergamie féminine ( fait de s’unir à un homme de la classe supérieure pour gagner en niveau de vie) ne fonctionne plus. Plus diplômées que les hommes depuis 2000, les femmes revendiquent surtout l’égalité. Le vieux mariage à la papa est mort, vive le mariage-association ! (….) ».

 

 

Je ne connaissais pas le terme « hypergamie » avant la lecture de cet article. En apprenant que depuis 2000, les femmes sont devenues « plus diplômées que les hommes », j’ai repensé à ce que Victoire Tuaillon mais aussi Mona Chollet disent elles-mêmes dans les premières pages de leur ouvrage. Elles ont fait de bonnes études et ont grandi dans un milieu socio-culturel mais aussi économique plutôt confortable.

 

Si Mona Chollet est ma « petite sœur » de cinq ans, Victoire Tuaillon, elle, encore plus, est pile dans cette époque à partir de laquelle les femmes sont devenues « plus diplômées que les hommes ».

Au Spot 13, Paris, fin mars 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Et pour corser un peu plus le constat de cet article, je fais partie de ces personnes (hommes comme femmes) qui auraient bien voulu faire des études longues mais qui, pour des raisons « familiales », n’ont pas pu les faire. Les études longues, le fait de ne pas avoir pu être « bien diplômé », constituent pour moi une blessure personnelle encore ouverte. Même si c’est sûrement du fait de la persistance de cette blessure, et de la présence de ce sentiment de manque, que j’écris comme je le fais depuis des années. 

 

Bien-sûr, on peut faire des études à tout âge. Mais je n’ai pas pu devenir ce jeune homme diplômé après des études longues comme je n’ai pas pu obtenir la reconnaissance sociale et éventuellement économique qui va avec. J’ai bien compris que Mona Chollet et Victoire Tuaillon, même bien diplômées, ont dû aussi se frayer leur chemin dans le monde du travail. Cependant, comme le dit, je crois, Mona Chollet dans les premières pages de son ouvrage Réinventer l’Amour, elle a longtemps cru que ses très bons résultats à l’école étaient tout ce qu’il y a de plus logique. Avant de s’apercevoir que si elle avait certes travaillé pour obtenir ses bonnes notes, qu’elle avait aussi toujours pu évoluer dans un univers socio-culturel univers, toujours entourée de livres et de certaines facilités d’accès à la culture. Et Victoire Tuaillon ne dit pas autre chose lorsqu’elle explique que même si elle a eu à vivre jeune le divorce de ses parents, qu’elle a toujours connu chez l’un comme chez l’autre, une demeure plutôt sécurisante…où il y avait des livres.

 

 

J’insiste sur ces points non par jalousie ou aigreur envers Mona Chollet et Victoire Tuaillon ou d’autres qui n’y sont pour rien dans ma trajectoire personnelle à propos des études. Mais pour rappeler que le sentiment de sécurité, de confiance en soi, de légitimité à se lancer dans certaines entreprises s’acquiert dès l’enfance. Et que ce sentiment de sécurité, de confiance en soi, de légitimité pour se lancer dans certaines entreprises nous incite, ensuite, à aller vers certains types de rencontres. Vers certaines personnes. Vers certaines expériences.

 

Je ne suis pas en train de dire qu’il suffit, lorsque l’on a fait de bonnes études, d’aller à la rencontre de quelqu’un qui a également fait de longues études (ou des études similaires aux nôtres) pour être heureux en Amour avec cette personne. Mais que cela nous « oriente » vers certaines rencontres plutôt que vers d’autres. J’ai cru comprendre que l’on rencontrait souvent son partenaire ou sa partenaire au moment de nos études, dans nos cercles amicaux et familiaux ou sur notre lieu de travail. Les sites de rencontres et les associations sportives ou culturelles peuvent ou pourraient un peu modifier la donne. Mais encore faut-il savoir comment s’y prendre pour rencontrer quelqu’un d’autre comme pour la séduire ou le séduire. Et, il faut apprendre à faire le tri sur le site des rencontres ou la mise en scène de la candidate ou du candidat pour se présenter peut être ce qu’elle ou qu’il a de mieux à proposer. Je n’ai pas encore lu les ouvrages de Judith Duportail ( L’Amour sous algorithme,  Dating Fatigue)  citée peut-être autant par Mona Chollet que Victoire Tuaillon mais j’ai prévu de le faire. Notons que Judith Duportail, née en 1986, a pratiquement le même âge que Victoire Tuaillon.

 

 

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

La lutte à la place de la turlutte  

 

 

Il y a quelques mois, maintenant, alors que j’ignorais que je lirais un jour un ouvrage de Mona Chollet et de Victoire Tuaillon, j’ai revu un extrait ou deux du film Extension du Domaine de la lutte de Philippe Harel d’après l’ouvrage de Michel Houellebecq. Lors de la sortie du film (1999, je crois), Houellebecq n’avait pas le statut qu’il a aujourd’hui. L’année 1999, c’est aussi l’année de la sortie du premier film Matrix des ex-frères Wachowski. Si l’on peut trouver asexué le héros joué par l’acteur Keanu Reeves mais aussi une absence totale d’érotisme dans Matrix où, finalement, tout est aseptisé et maitrisé et où aucun poil ne dépasse (serait-ce, déjà, une des diverses manifestations de la mentalité militaire que je citais un peu plus tôt ?), les deux univers sont quand même très opposés.

 

Dans Extension du domaine de la lutte, chaque jour de plus et chaque tentative de vie sentimentale, sociale et sexuelle est une corvée.

Dans Matrix, les héros se battent contre le totalitarisme. D’un côté, on déprime et on est vaincu d’avance. De l’autre côté, on se démène pour rattraper son retard sur l’existence après s’être aperçu que, pendant des années, on s’est fait balader. Et, qu’en plus, on l’avait accepté.

Sauf que dans Extension du domaine de la lutte, l’horizon est réservé à d’autres depuis longtemps. On a beau s’acquitter de ses diverses obligations, espérer, essayer de survivre, on est et on reste insignifiant. Indésirable.  

 

Mais ce qui m’a touché, c’est certains commentaires en bas d’un des extraits du film Extension du domaine de la lutte sur Youtube.

 

Trop souvent, et trop facilement, certain(es) internautes, comme certain(es ) automobilistes sur la route, en viennent à avoir des propos et des intentions très agressives et très dégradantes envers leurs contemporains  pour peu que ceux-ci ait émis un avis différent. C’est à la fois très risible de lire à quel point ça peut déraper très vite. Et pathétique.

 

Cette fois-ci, j’ai lu des commentaires ou quelqu’un disait qu’il n’avait jamais vu une scène aussi « violente ». De quoi parlait cet internaute ? De la scène, dans la boite de nuit, où Raphaël (le personnage joué par José Garcia), un cadre commercial de classe moyenne plutôt beauf, pas très « Francky Vincent », croit qu’il va pouvoir avoir ses chances avec une femme au moment des slows. Puis, il se fait éjecter par un autre homme ( un homme noir -sans doute antillais ou africain- puisque tout le monde sait que les noirs ont la musique « dans la peau » et leur sexe, ensuite, c’est la suite logique, dans le corps de toutes les femmes du monde…. ).

 

 

En lisant ce genre de commentaire, j’ai à nouveau vu, devant moi, ce sous-monde ou ce quart monde dépeint par Houellebecq et d’autres. Certes, Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte parle surtout de la misère sexuelle et sentimentale de deux mâles. Mais cette misère sexuelle et sentimentale concerne aussi les femmes. Et lorsque je parle de « quart monde » et de « sous-monde », je me reprends tout de suite :

 

Cette misère sentimentale et sexuelle touche aussi des personnes (des femmes comme des hommes) de milieux sociaux et économiques très favorisés. On peut être d’un très bon niveau social et économique et connaître une affreuse misère sentimentale et sexuelle. Et pas parce-que l’on est moche et stupide.  Mais plutôt parce-que l’on ne sait pas séduire. On ne sait pas « bien » choisir ses rencontres. On ne sait pas avoir une relation de bonne « qualité » avec quelqu’un d’autre.

 

Avoir un handicap

 

Parce-que l’on est très handicapé au moins affectivement et émotionnellement.

On croit souvent que le handicap est un handicap qui se voit. Un handicap physique. Un handicap mental. Un handicap intellectuel.

Mais il est d’autres handicaps plus graves qui passent sous les radars. Parce-que compensés par ce que l’on appelle la réussite sociale, économique ou politique.

Si l’on retirait à bon nombre des Puissants -ou des personnes modèles- que nous côtoyons ou que nous regardons via les media, les innombrables femmes et hommes de mains, conseillers et intermédiaires qui les entourent, on s’apercevrait rapidement que beaucoup d’entre eux (femmes comme hommes) une fois sortis du domaine où ils excellent, sont de grands handicapés. Ou qu’ils sont à peu près aussi handicapés que nous dans bien des secteurs de la vie courante.

 

 

Pourquoi est-ce que j’insiste autant sur tous ces sujets ?

Au spot 13, 28 avril 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Parce-que je crois que lorsque l’on se rappelle de ces sujets, il est plus facile de comprendre la raison pour laquelle certaines personnes, féministes, militantes, et brillantes acceptent ensuite de vivre des relations intimes avec des personnes dont, pourtant, elles condamnent les comportements et les jugements à propos des femmes…..

 

 

 

Notre rapport à la solitude :

C’est l’autre grand sujet, selon moi, trop oublié dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon. Etre féministe, c’est très bien. Je l’ai écrit dans la première partie de mon article :

 

Je suis évidemment contre les injustices et les violences diverses faites aux femmes. Féminicides, viols, surcharge mentale et physique quant aux tâches ménagères, salaire moindre qu’un homme pour un travail égal…..

 

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Mais, en pratique, si être féministe, que l’on soit une femme ou un homme, cela aboutit à vivre seul ( e ) ou à terminer sa vie seul ( e) , cela ne vaut peut-être pas le coup. Lorsque j’écris ça comme ça, j’ai l’impression de décrire un combat juste que certaines et certains trahiraient à un moment donné malgré leurs engagements. On retrouve ça dans certains combats politiques et idéologiques. Et le féminisme fait partie de ces combats politiques et idéologiques bien-sûr. Mais aussi dans le milieu artistique. Dans d’autres domaines. Untel est « pur » et « intègre » au début du combat, de sa carrière, et puis, finalement, bifurque, met de l’eau dans son vin, s’assagit, devient « commercial » et « vend » son âme.

 

 

Il y a un peu de ça, lorsque vers la fin de son livre, Victoire Tuaillon, « salue » les femmes féministes qui, paradoxalement, se « mettent » et restent avec des hommes qui ont les comportements qu’elles condamnent et combattent :

 

Les chaussettes sales qui traînent ; la machine à laver qui reste une terra incognita pour le compagnon ; le compagnon qui se sert de sa compagne comme d’un agenda, l’éducation des enfants ( et les devoirs) qui sont esquivés ; le mec macho et misogyne dont on s’entiche….

 

 

Les hommes domestiques

Gare du Nord, Paris, lundi 25 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Pour partie, je me dis que certains hommes contribuent plus que d’autres quand même aux tâches domestiques et ménagères. Même si je ne conteste pas les chiffres. Même dans le dossier spécial du Journal Enchainé, j’ai lu un article qui, comme l’affirme Victoire Tuaillon dans son livre, dit aussi que les hommes participent toujours aussi peu  à l’effort de guerre des tâches ménagères. Et, à titre personnel, je sais très bien que je passe nettement moins le balai que ma compagne ; que je cuisine nettement moins qu’elle ; que j’ai exceptionnellement (deux ou trois fois) lavé des fenêtres dans ma vie ; que je repasse très peu ( y compris mes propres vêtements). Et que lorsque nous partons en vacances avec notre fille, que c’est elle qui se charge généralement de préparer ses affaires et celles de notre fille.

 

Je ne peux que l’admettre. Comme je me rappelle aussi de ce jour où ma compagne a tenté de me proposer (ou de m’imposer ) un emploi du temps répartissant plus équitablement les tâches ménagères. J’ai alors rigolé et me suis étonné qu’à la place, elle ne me propose pas, plutôt, un emploi du temps d’activités que nous ferions ensemble, elle et moi. Cela n’a pas fait rire ma compagne. Et, depuis, elle s’est résignée à être celle qui passe le balai, qui cuisine et qui repasse plus que moi. Et moi, aussi.

 

Cette remarque peut soit beaucoup mettre en colère ou faire rire. Mais il n’y a aucune provocation de ma part. Et je ne perçois pas ma compagne comme ma domestique. Plus tôt, je parlais de militarisation de la vie affective et sentimentale.

 

 

La militarisation de la vie affective et sentimentale

 

Les attentes et les exigences envers le couple et l’Amour  « d’une » Victoire Tuaillon et d’une Mona Chollet nées en 1989 et en 1973, diplômées, indépendantes économiquement, socialement et sexuellement, sans doute citadines, bien insérées, et que je devine (et je le leur souhaite) bien entourées par un certain nombre d’amis et de collègues réellement bienveillants et disponibles sont évidemment différentes de celles qu’a pu avoir ma mère née en 1948 comme de moi-même, né en 1968.

 

Ce n’est pas uniquement une question d’époque. Même des personnes nées avant 1948 ou nées la même année que moi ont évidemment pu avoir des attentes et des exigences plus grandes que ma mère et moi vis-à-vis de l’Amour et du couple. Comme celles qu’expriment Victoire Tuaillon et Mona Chollet ainsi que celles-et ceux qui se retrouvent dans leurs réflexions.

 

Dans son ouvrage Réinventer l’Amour, je me rappelle que Mona Chollet  a pu citer en exemple le couple formé par le peintre et écrivain Serge Rezvani ( né en 1928) avec sa compagne Lula. Ceux-ci ont vécu ensemble pendant des années, dans leur maison, La Béate, sans eau ni électricité, dans le midi de la France. J’ai oublié l’autre couple cité par Mona Chollet. Mais je me suis alors aperçu que le couple d’Amour Rezvani-Lula cité en exemple par Mona Chollet vivait sans enfant. Je n’ai rien contre les couples amoureux sans enfant. Mais moi, j’ai une enfant. Et la naissance d’un enfant (ou de plusieurs) peut ajouter, avec la tournure du quotidien, certaines tensions bien caractéristiques dans un couple.

 

Plus récemment, j’ai pu tomber sur des propos attribués à Mona Chollet où celle-ci ne regrettait pas ses engagements féministes mais déplorait, en quelque sorte, le manque d’amour dans sa vie personnelle. J’ai cru comprendre que sa vie sentimentale et amoureuse subissait les contrecoups de ses engagements féministes. J’ai trouvé ça assez triste. Autant d’engagement pour bénéficier, en retour, d’une vie amoureuse déficitaire.

Mona Chollet n’est pas la seule femme devant ce constat. Dans son ouvrage Les Couilles sur la table, Victoire Tuaillon écrit aussi que devant l’énormité de la surcharge de travail domestique et invisible qui échoit à la femme lorsque celle-ci a une histoire d’Amour, qu’elle avait en quelque sorte décidé de refuser de se « mettre en ménage » pour une durée indéterminée. Je ne peux que comprendre sa décision si, pour elle, la décision de vivre dans le même logement que son compagnon l’oblige à se transformer en femme de ménage, d’intérieur et en coach émotionnel.

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Ensuite, je m’interroge. Je ne fais, bien-sûr, que des suppositions. Puisque je ne connais pas personnellement Victoire Tuaillon et ne la rencontrerai probablement jamais. Comme je ne rencontrerai probablement jamais Mona Chollet.

 

Je ne prétends pas détenir la formule magique qui permet de rencontrer la personne avec laquelle on pourra vivre heureux jusqu’à la fin de sa vie. Je ne possède pas cette formule.

 

Mais je me dis que l’Amour, le sujet de l’Amour, est, je crois, un idéal « très » féminin.

Par Amour et tant qu’une femme a de l’Amour pour sa compagne ou son compagnon, il semble qu’elle puisse tout ou trop accepter d’elle ou de lui. Qu’elle puisse tout ou trop espérer. Par Amour.

 

Dans les années 80, la chanteuse du groupe Kassav’, Jocelyne Béroard a chanté le titre Siwo. Dans cette chanson, qui avait bien marché, Jocelyne Béroard raconte- en Créole-,  qu’elle cherche un homme « doux comme le sirop ». Et, elle détaille que celui-ci n’est pas obligé d’être beau. Par contre, elle souhaite ( elle exige) qu’il soit régulièrement de bonne humeur, qu’il soit constamment en train de danser tout en étant capable par ailleurs de l’écouter lorsqu’elle lui parle mais aussi de s’affirmer lorsque la vie le nécessite. Jocelyne Béroard conclut sa chanson en disant qu’elle a déjà cherché cet homme partout dans le Monde mais ne l’a jamais trouvé. Et qu’elle « sait » qu’elle ne pourra le trouver qu’aux Antilles. Dans sa chanson, Jocelyne Béroard ne parle pas de la répartition des tâches domestiques et ménagères, des fenêtres à laver ni des devoirs des enfants. Alors que j’écoutais une nouvelle fois le titre Siwo avec entrain chez un de mes oncles, celui-ci, marié et déjà père, avait alors déclaré :

« Mais ce qu’elle dit-là, c’est impossible…. ». Je devais avoir 17 ou 18 ans. ( Le titre Siwo est sorti en 1986). Le commentaire de mon oncle m’avait arrêté pile. Je ne voyais pas de quoi il pouvait bien parler. Je me concentrais sur la musique et le rythme. Les paroles de la chanteuse tombaient directement dans le champ vide de mon inexpérience. Et j’étais incapable, comme mon oncle venait de le faire, de prendre la mesure concrète de ce qui était dit. Jocelyne Béroard aurait pu raconter tout autre chose, cela m’aurait tout autant convenu. Dans les faits, en tant que l’un des membres permanents du groupe Kassav’ depuis une quarantaine d’années dans le Monde entier, et en tant que femme, j’ai l’impression que Jocelyne Béroard n’a pas eu de vie couple au long cours.

 

 

Un homme me semble regarder l’Amour d’un autre œil. Comme il me semble l’exprimer autrement. J’emploie sans doute des clichés mais j’ai l’impression qu’un homme sera moins expressif même s’il aime sa compagne. Ou, il semblerait, à lire Victoire Tuaillon et Mona Chollet, que l’homme, par Amour, fasse moins d’efforts que sa compagne.

 

L’Amour, selon les chiffres et les constatations de Mona Chollet et Victoire Tuaillon, est une promotion principalement pour les hommes. Et un traquenard pour les femmes. Plus besoin de nous occuper de nos chaussettes sales, de nos repas, des devoirs et des vêtements des enfants si nous en avons, du repassage de nos vêtements. Et, en plus, même si nous frappons et violons notre compagne, il se pourrait qu’elle reste avec nous jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je deviens ici un peu provocateur. Mais ce n’est pas mon but, pourtant.

 

Le travail invisible des hommes

 

Victoire Tuaillon nous informe du travail invisible des femmes. Des chiffres le démontrent.

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

 

Mais je me demande si les hommes fournissent aussi un travail invisible dont Victoire Tuaillon ne parle pas et ne peut parler. Soit parce-que peu d’hommes en ont témoigné. Soit parce qu’elle reste depuis une perspective de femme. En faisant un peu d’ironie, on dirait, en lisant l’ouvrage de Victoire Tuaillon, que le principal travail invisible des hommes consiste à saper le moral de leurs compagnes.

 

Lorsque je me décrivais en « militaire de la vie affective et amoureuse », je me moquais bien-sûr de moi-même. Il y a sûrement une part de vrai. Mais je crois aussi être un peu plus fréquentable que cela au quotidien et dans la vie réelle.

 

En « bon » élève qui a lu les ouvrages des Mona Chollet et de Victoire Tuaillon, Réinventer l’Amour et Les Couilles sur la Table ( elles ont écrit d’autres ouvrages), j’ai confirmé partager certains travers reprochés à beaucoup d’hommes dans la sphère conjugale.

 

Mais il est quelques uns de ces « travers » que je n’ai pas. Ma compagne a pu me dire que je faisais plus que d’autres hommes. Pour me dire cela, il a bien fallu qu’elle ait certaines discussions avec d’autres femmes qui ont un homme « à la maison ».

Je vais m’abstenir de faire la « liste » de courses des tâches domestiques auxquelles je prends spontanément part régulièrement. Car j’aurai trop l’impression de déposer ici une sorte d’annonce. Mais je peux écrire, je crois, que j’ai été présent dès la naissance de notre fille. Pour à peu près tout. Notre fille nous a beaucoup sollicité la nuit, bébé. Nous n’avons pas connu ce paradis qui consiste à avoir un enfant qui « fait ses nuits » au bout de deux mois. Je ne connais pas cette utopie. Je travaillais alors uniquement de nuit. Lorsque j’étais au travail, ma compagne s’occupait de notre fille. Mais lorsque j’étais de repos, ma compagne pouvait dormir tranquille. Plus d’une fois, j’ai entendu notre fille pleurer et suis allé m’occuper d’elle avant que ma compagne n’ait eu le temps de s’en apercevoir.

 

Certains parents parlent de temps à autre de la « super nounou » sur qui ils ont pu toujours compter. Pour la garde de leur enfant. Nous, c’est la nounou qui a pu compter sur nous à plusieurs reprises pour que nous gardions notre fille parce-que là, « Excusez-moi, excusez-moi de vous déranger mais… ». Et, c’est moi qui gardais notre fille que je sois de repos ou que je vienne de terminer une nuit de travail. A ce jour, je crois que ma compagne peut encore compter sur ses dix doigts le nombre de jours où elle a eu à s’arrêter pour cause de « enfant malade ». Moins de dix jours.

 

Ça, c’était pour donner un ou deux exemples concrets qui, je crois, peuvent parler à tout parent comme à toute compagne ou tout compagnon. Ou futur parent. Je ne prétends pas être un papa ou un conjoint parfait pour autant.

 

Le travail invisible d’un compagnon, cela peut être, aussi, de supporter la personnalité de sa compagne…..

Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

La juste répartition des tâches ménagères et domestiques, c’est un souhait louable. Mais si cela prend trop d’importance dans un couple, c’est peut-être aussi, certaines fois, parce-que cela devient une priorité qui n’a pas de raison d’être.

 

Je m’explique : faire le ménage, repasser, faire la cuisine, c’est important. Même si j’avais beaucoup aimé lire Truisme de Marie Darrieussecq, mon but dans la vie n’est pas de proclamer : « Chérie, vivons dans une porcherie comme des cochons et tout ira bien ! ».

 

Sauf que, il y a propreté et propreté. Je n’ai aucun problème avec le fait de passer le balai ou l’aspirateur. Ou de faire le repassage. Je comprends le principe qui consiste à faire le ménage régulièrement pour que cela prenne moins de temps et pour empêcher que la poussière ne s’entasse. Et, j’avais bien perçu l’incrédulité de ma compagne lorsque j’avais essayé de lui expliquer que je n’ai pas de problème avec le fait de passer le balai. Seulement, je ne me rends pas compte qu’il faut le passer. Je ne vois pas. J’ai d’autres priorités. Devant moi, ma compagne a manifestement cru que je la prenais pour une tarte et que je lui racontais des bobards. Mais non.

 

Je crois qu’il y a un sentiment d’urgence dans la réalisation de certaines tâches et de certaines actions que je ne partage pas avec ma compagne. Hier soir, nous sommes allés dîner chez des amis. Chez mon meilleur ami et sa compagne. Je connais mon meilleur ami depuis le collège. Il y a maintenant 40 ans. Je m’étais douché, habillé pour aller à ce dîner. Alors que nous partions, ma compagne m’a fait remarquer qu’il y avait un trou près du col de mon maillot de corps. Un maillot de corps propre, non repassé parce-que j’ai arrêté de le repasser. Mais propre. Ma compagne n’a pas insisté après sa remarque car, sans doute, a-t’elle compris que cela n’aurait rien changé. Que j’aurais gardé ( et j’ai gardé) mon maillot de corps. Mais il est très vraisemblable qu’à ma place, ma compagne se serait mise dans tous ses états et aurait changé illico de vêtement. Comme il est vraisemblable qu’une autre personne, à la place de ma compagne, m’aurait fait toute une histoire pour ce trou dans mon maillot de corps. Ou n’aurait pensé qu’à ça et aurait eu le sentiment d’effectuer une cascade périlleuse, toute la soirée, en faisant comme si ce trou n’existait pas alors qu’elle aurait continué d’y penser toute la soirée entre deux plats ou deux remarques.

 

On croit que j’exagère ? Hé bien, je pense que certaines femmes se comportent avec le ménage et certaines tâches domestiques comme d’autres auraient pu le faire avec ce trou dans mon maillot de corps. En insistant. En faisant un pataquès. En oubliant que le principal, c’est le moment détendu que l’on va passer avec ses amis.

 

Au Spot 13, Paris, 15 juin 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Je n’invite pas les femmes qui se mettent en ménage à accepter que leur compagnon les laisse se charger de leurs chaussettes sales et plus si affinités. N’exagérons rien. Mais je me demande si, certaines fois, qui se répètent, il est vrai, trop d’importance est accordée aux tâches domestiques plutôt qu’à d’autres.

 

Par ailleurs, je ne crois pas du tout que le fait d’être un homme « parfait » question ménage, tâches domestiques, préparation du repas, éducation des enfants, courses et autres suffise pour que l’histoire d’Amour du couple soit absolument épanouissante. Autrement, il suffirait à beaucoup de femmes se mettre en couple avec des hommes de ménage.

 

 

Ensuite, je l’ai aussi dit : je ne partage pas certains des « travers » attribués à une majorité d’hommes. Et, je ne me vois pas comme un homme exceptionnel.

 

Donc, je me dis qu’il doit y avoir d’autres hommes qui, comme moi, participent régulièrement, en partie, aux tâches domestiques, éducatives et ménagères.

J’ai l’impression que le niveau d’exigence et d’attente de certaines femmes a beaucoup augmenté et peut-être trop. Pas uniquement dans le domaine des tâches domestiques, éducatives et ménagères d’ailleurs. Parce-que si je prends à la lettre certains critères féministes, les femmes ont intérêt à changer de modèle d’homme idéal :

 

Il va falloir qu’elles se fassent à des multitudes d’Abbés Pierre et de Omar Sy. Or, je ne suis pas convaincu que toutes les femmes aimeraient vivre avec un Abbé Pierre ou un Omar Sy même si ce sont deux personnalités plutôt ou particulièrement sympathiques.

 

 

Cette amélioration du niveau de vie et de l’éducation des femmes a aussi une conséquence sur les relations hommes-femmes. Je ne la critique pas. Peut-être que c’est le fait d’être dans une société patriarcale et d’être un des nombreux rejetons de cette pensée patriarcale qui me fait d’abord souligner la conséquence plutôt que le bienfait de ce changement. Mais ce changement a divers effets. Bons et mauvais. Comme beaucoup de changements. Ce serait facile de dire pour simplifier que ce changement rompt un équilibre entre les femmes et les hommes : cependant, d’un point de vue légèrement féministe, on pourrait facilement répondre, et prouver, qu’il n’y a jamais eu de relation équilibrée entre les femmes et les hommes. Puisque c’est le principe même du patriarcat que d’imposer aux femmes une société dans laquelle elles sont inférieures aux hommes.

 

 

Mais j’ai l’impression que dans un couple, que l’on soit un homme ou une femme, il y aura toujours ce rapport de dominé-dominant. Même si l’équilibre relationnel se transforme. Parce qu’un équilibre parfait entre êtres humains, est-ce possible ?

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©️Franck.Unimon

 

Dans le domaine de la séduction, je ne vois pas d’équilibre entre les êtres humains. Il est des personnes qui savent séduire. Et d’autres pas.

Vis à vis de la solitude, il est des personnes capables de bien vivre la solitude, voire de la rechercher. Et il en est d’autres qui en souffrent et qui feront leur possible pour essayer de s’en débarrasser presque par tous les moyens. Là aussi, je ne vois pas d’équilibre. Et il ne s’agit pas d’une opposition entre des femmes et des hommes. Ou alors, il faut, comme le disent aussi Mona Chollet et Victoire Tuaillon, un autre type de société. Mais pour faire en sorte que de manière à peu près équilibrée, tout le monde soit à même de plaire et de séduire mais aussi de composer avec sa solitude…j’ai quand même l’impression que l’on se rapproche là d’un mode de vie  militaire et totalitaire.

 

 

Je ne vois pourtant pas le livre de Victoire Tuaillon comme un manifeste militaire et totalitaire. Certes, elle s’est attardée sur nos couilles plus longuement que cela ne se fait d’habitude. Pour faire parler plusieurs personnes et témoins qui ont affaire à elles. Mais aussi pour les faire parler d’Amour. C’est une prouesse qui vaut le détour.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 27 juillet 2022.

 

 

 

 

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