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Dissociation

L’artiste Rosalia en concert au festival Lollapalooza, ce samedi 22 juillet 2023. Photo©Franck.Unimon

Dissociation

 

Les algorithmes puissants d’internet ou de youtube m’ont amenĂ© cette nuit Ă  regarder un documentaire d’une trentaine de minutes en replay sur Arte consacrĂ© au sujet des addictions Ă  la pornographie. J’y ai dĂ©couvert le tĂ©moignage de quelques jeunes  Allemands (des hommes exclusivement), plutĂŽt d’un bon milieu socio-culturel apparemment ( journaliste
.) qui ont dĂ©veloppĂ© cette addiction.

Ps : Concernant notre addiction Ă  nos Ă©crans et aux vidĂ©os qui nous sont trĂšs facilement proposĂ©es sur nos ordinateurs, tablettes et smartphones via internet, et aux consĂ©quences possibles de cette addiction, je vous invite Ă  lire l’ouvrage Algocratie (vivre libre Ă  l’heure des algorithmes) d’Arthur Grimonpont, paru en 2022.

Cette nuit, aprĂšs avoir studieusement regardĂ© ce documentaire sur l’addiction Ă  la pornographie, toujours sur « recommandation» des algorithmes, parmi plusieurs propositions manifestement aiguisĂ©es par mes navigations prĂ©cĂ©dentes, j’ai regardĂ© un second documentaire d’une trentaine de minutes (c’est la durĂ©e Ă  laquelle je me suis limitĂ©, que je me suis astreint cette nuit Ă  ne pas dĂ©passer) consacrĂ© Ă  ces personnes ( des “hippies”)  venant se «rĂ©fugier Â» sur l’ile des Canaries afin d’y changer de vie.

Dans ce documentaire, nous voyons quatre personnes vivant dans une grotte ou ayant vĂ©cu dans une grotte. Des personnes de 30-45 ans (mĂȘme si un homme de 62 ans, devenu riche aprĂšs avoir travaillĂ© dans l’immobilier, est ensuite venu se joindre Ă  eux) sans enfants.

On pourrait se dire : aprĂšs avoir prĂ©tendu s’intĂ©resser aux addictions en regardant un documentaire tout de mĂȘme consacrĂ© Ă  la pornographie, voilĂ  que maintenant il se mate un documentaire sur un mode de vie inspirĂ© des hippies. Alors que  l’on sait trĂšs bien que les hippies ne sont pas les derniers pour s’envoyer en l’air et partouzer. 

 

Comme on peut se dire, aussi, que “Changer de vie, les addictions”, ces deux sujets semblent peut-ĂȘtre ne rien avoir en commun.

Il est vrai que ce ne sont pas ces deux documentaires “nocturnes” abordant le sujet de l’addiction Ă  la pornographie et de la volontĂ© de changer de vie  qui m’ont inspirĂ© le titre de « dissociation Â» pour ce chapitre. Chapitre, qui, pour ce blog, se rĂ©sumera Ă  cet article. 

 

En revanche, il y a une forme de dissociation dans le fait, d’une part, que des algorithmes prennent le relais de multiples et incessantes incantations ou sollicitations sociales, culturelles, Ă©conomiques, publicitaires, mensongĂšres, informationnelles, politiques ou autres pour   tenter de tirer parti -et profit- de nos failles psychologiques afin de nous faire adopter des comportements qui nous contredisent, nous nuisent et nous font ignorer nos besoins les plus Ă©vidents. Et, d’autre part, le fait qu’un mĂ©tier comme celui d’infirmier consiste plutĂŽt Ă  ĂȘtre au chevet de celles et ceux qui ont des failles psychologiques et autres sans volontĂ© voire sans espoir d’en tirer un quelconque profit Ă©conomique et/ou politique.

 

D’un cĂŽtĂ©, une sociĂ©tĂ© qui « s’enrichit Â»  Ă©conomiquement avec mĂ©thode en vampirisant les forces vives d’une majoritĂ© d’ĂȘtres humains. En lui faisant payer le prix fort en termes de santĂ© physique, mentale, Ă©conomique et autre.

D’un autre cĂŽtĂ©, des infirmiĂšres et des infirmiers (pour ne parler que de ces « acteurs Â» de la santĂ© sociale mais aussi mentale et physique) qui puisent ou ont constamment Ă  puiser dans leurs ressources et leurs rĂ©serves personnelles ( qui peut encore croire que la seule application d’horaires Ă  la minute, de protocoles, de slogans, de « trucs Â», de « recettes Â», de sĂ©ances de mĂ©ditation et de yoga et de cours appris Ă  l’école suffisent pour s’appliquer Ă  veiller sur les autres pendant une bonne quarantaine d’annĂ©es ?! ) pour en soutenir d’autres, et qui, parallĂšlement Ă  cela, trinquent et subissent comme la majoritĂ© les coĂ»ts et les coups de la vie sans s’enrichir matĂ©riellement Ă  l’image de ces nouvelles grandes fortunes ou de ces milliardaires qui passent souvent pour des gĂ©nies, des pionniers, des visionnaires, ou des personnes d’autant plus respectables, exemplaires et indispensables qu’elles ont :

« rĂ©ussi Â».

 

Qu’est-ce que la rĂ©ussite ? Pour moi, ce serait de ne pas ĂȘtre pris , d’abord,  pour une serpillĂšre ou un domestique. Mais, Ă©galement, de ne pas ĂȘtre essorĂ©, bousillĂ©, cancĂ©risĂ© et dĂ©primĂ© alors que je suis  jeune et dĂ©sireux de vivre. De parvenir Ă  me maintenir, le plus longtemps possible, en bonne ou en trĂšs bonne santĂ© mentale et physique. Ou que, en cas de dĂ©faillance de ma part, qu’il se trouvera suffisamment de personnes autour de moi pour intervenir rapidement afin de veiller sur moi afin de me sauver, de me protĂ©ger et de m’aider Ă  me remettre sur pied.

 

Mais aussi pour me conseiller, me guider voire m’escorter hors de ce qui peut m’ atteindre ou me nuire.

 

Au vu de ces quelques critĂšres, je ne suis pas sĂ»r que la rĂ©ussite soit au rendez-vous pour beaucoup de monde y compris pour moi-mĂȘme.

Et, cela, malgrĂ© tous les efforts ou sacrifices consentis, jour aprĂšs jour, annĂ©e aprĂšs annĂ©e en Ă©change d’une Ă©ventuelle, future ou hypothĂ©tique reconnaissance sociale, Ă©conomique et personnelle.

Amen. 

 

La reconnaissance faciale est peut-ĂȘtre plus certainement ce qui risque de m’attendre au lieu de la grande reconnaissance sociale attendue par tous aprĂšs bien des annĂ©es d’efforts, de responsabilitĂ©s, de sacrifice et de travail. 

Pourtant, constamment, nous baignons dans une sorte de liquide et d’ambiance amniotique, pour ne pas dire hypnotique, qui nous laisse croire ou entrevoir que  rĂ©ussite et bonheur crĂ©pitent, gisent – voire, rugissent- et se rĂ©pandent Ă  nos pieds telles des cascades auxquelles il suffirait de s’abreuver.  Alors mĂȘme que la rĂ©ussite et le bonheur nous glissent entre les doigts ou que nous n’en apercevons que les reflets sans cesse difractĂ©s et qui, bien-sĂ»r, s’éloignent “un peu” lorsque nous en approchons. 

 

Ma vision, lors de ce dernier dimanche du mois de juillet, un mois de grandes vacances estivales, est sans doute trop pessimiste. Pourtant, je n’ai pas promis de me tuer cette nuit ou avant l’arrivĂ©e du mois d’aout 2023. Et encore moins de me muter en grand gourou ou en marabout.

Ni gourou, ni loup-garou, j’aimerais seulement ĂȘtre sĂ»r de pouvoir et de savoir quand arrĂȘter de m’agiter lorsque l’on me prĂ©sente, comme cela arrive frĂ©quemment, toutes sortes d’opportunitĂ©s, d’affaires Ă  ne pas manquer et des bons coups qui sont, finalement, des plans foireux ou stĂ©riles, pour ne pas dire des plans de dĂ©sespoir, des pertes de temps, d’argent et d’énergie.

Dire qu’il faut apprendre à faire le tri ne suffit pas.

Je crois qu’il faut aussi ĂȘtre disciplinĂ©. Savoir ĂȘtre disciplinĂ©. Apprendre Ă  se discipliner. Apprendre Ă  rester lucide et concentrĂ©. Et clairvoyant. Ne pas partir dans tous les sens.

C’est Ă  dire :  

Savoir rester suffisamment attentif et permĂ©able Ă  ce qui nous entoure sans pour autant se laisser ou se faire embarquer n’importe oĂč et vers n’importe quoi, n’importe qui.

Savoir rester ancré.

En se mettant dans un Ă©tat finalement assez proche d’une certaine
dissociation.

Je sais que ce terme de “dissociation” fait partie des symptĂŽmes d’une maladie psychiatrique. Mais je sais aussi que ce terme est employĂ©, selon moi Ă  bon escient, au moins par LĂ©o Tamaki, un expert en AĂŻkido qui se reconnaĂźtra s’il parcourt les lignes de cet article et qui en sourira certainement ( lire Les 24 heures du SamouraĂŻ au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2Ăšme Ă©dition ).

Nous ne parlons sans doute pas de la mĂȘme dissociation, bien-sĂ»r.  Au sens psychiatrique, la dissociation emporte ou dĂ©vie son sujet ou sa victime. Un peu comme un sous-marin qui, par cinquante ou cent mĂštres de fond, prendrait l’eau par ses Ă©coutilles et qui tenterait de rester maitre de sa trajectoire et de sa vitesse malgrĂ© la force des courants et les grands volumes d’eau qui le perturbent de plus en plus.

Le terme “dissociation” employĂ© par cet expert en AĂŻkido pourrait aussi ĂȘtre employĂ© par un musicien, un batteur par exemple, lorsque celui-ci est capable, avec sa main droite de rĂ©aliser de façon  rĂ©pĂ©tĂ©e et harmonieuse un geste diffĂ©rent de celui de sa main gauche. Et l’on pourrait dire ça, bien-sĂ»r, d’une pianiste. Ou d’une personne adepte du jonglage. 

 

Un exemple simple de cette action trĂšs difficile Ă  maitriser- la dissociation-  me suffira, je pense, pour l’illustrer. 

 

RĂ©cemment, j’ai revu sur youtube ( dont les sĂ©duisants et puissants algorithmes savent nous retenir pendant des heures devant des vidĂ©os qu’ils nous proposent) un extrait de ce concert du bassiste Foley McCreary avec le batteur Chris Dave. Ils Ă©taient accompagnĂ©s du saxophoniste Zhenya Strigalev. Voici la vidĂ©o en question. Si “sa majestĂ© ” Youtube accepte que je la partage : 

https://youtu.be/2ZaMEGnI5iQ

C’était Ă  Londres aux alentours de 2009 dans une reprise spĂ©ciale de You are under arrest, un titre interprĂ©tĂ© par Miles Davis dans les annĂ©es 80.

 

Au dĂ©but du titre, Foley McCreary dĂ©cide d’une ligne de basse qu’il rĂ©pĂšte. Une ligne de basse qu’on pourra estimer comme « simple Â» si l’on fait abstraction du fait que Foley est un exceptionnel joueur de basse et que, nous, nous sommes surtout les spectateurs moyens d’un concert de musique ou, plus simplement :

 

Nous sommes des amateurs de musique qui regardons des professionnels qui sont, gĂ©nĂ©ralement, aussi, des passionnĂ©s ou des “fous” de musique.

Je ne suis pas certain que je pourrais vraiment supporter de passer plusieurs jours de suite avec ces musiciennes et musiciens que j’admire. De suivre leur rythme de vie intĂ©gralement. Car celles-ci et ceux-ci, probablement, me parleraient de musique, parleraient de musique et joueraient de la musique bien au delĂ  de ce que je serais capable de supporter. Et sans doute, cette analogie est-elle possible avec d’autres artistes ou des Maitres d’Arts martiaux comme avec toute personne passionnĂ©e par et pour….sa discipline. Peut-ĂȘtre aussi peut-on se dire que cette passion serait aussi envahissante et dĂ©vorante que certains dĂ©lires, mal maitrisĂ©s et mal canalisĂ©s, qui amĂšnent certaines personnes Ă  se retrouver enfermĂ©es…dans un service de psychiatrie. Ou isolĂ©es de leurs proches.

 

Dans cette vidĂ©o, neuf minutes durant, Foley ” le mutant” va tenir sa ligne de basse malgrĂ© les « attaques Â» rythmiques variĂ©es de Chris Dave et ses chorus avec le saxophoniste Zhenya Strigalev.

 

On pourrait s’amuser Ă  imaginer que Chris Dave et Zhenya Strigalev sont des algorithmes qui font tout pour dĂ©tourner Foley McCreary de ses limites et de sa ligne de basse. Pour nous, spectateurs et amateurs de musique, ces neuf minutes de musique sont une expĂ©rience hors norme. Et un trĂšs grand plaisir si l’on aime ce genre de musique. Foley McCreary rĂ©alise devant nous la dissociation parfaite.

 

Sauf que dans la vraie vie, nous sommes rarement des Foley McCreary. Et, en plus, il nous faut tenir bien plus que neuf minutes par vingt quatre heures pour tenir notre propre cap. Celui qui nous assure de nous rapprocher véritablement de ce qui nous convient véritablement.

 

Franck Unimon, ce dimanche 30 juillet 2023. 

 

 

 

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Addictions

Marc Valleur nous parle du jeu pathologique

 

 

Marc Valleur nous parle du jeu pathologique

De gauche Ă  droite avec le micro, Mario Blaise, l’actuel mĂ©decin chef de Marmottan, Marc Valleur, le prĂ©cĂ©dent mĂ©decin chef de Marmottan, Jan Kounen, rĂ©alisateur, Marc Batard, alpiniste et Ă©crivain lors du cinquantenaire de Marmottan Ă  la Cigale, dĂ©cembre 2021. Photo©Franck.Unimon

 

Introduction

Ce samedi 14 janvier 2023, Ă  l’hĂŽpital Sainte Anne, nous sommes une petite dizaine Ă  ĂȘtre venus Ă©couter et rencontrer Marc Valleur. Marc Valleur, psychiatre retraitĂ©, est aussi celui qui Ă©tait devenu mĂ©decin chef de Marmottan, dans le 17Ăšme arrondissement de Paris, Ă  la suite de Claude Olievenstein (1933-2008) qu’il a bien connu.

 

Marmottan, situĂ© rue ArmaillĂ© entre l’avenue des Ternes et des Champs ElysĂ©es, qui compte aussi un CMP et un hĂŽpital de jour pour public adulte, Ă  cĂŽtĂ© du musĂ©e Marmottan, s’est fait connaĂźtre internationalement pour ses services de consultation et d’hospitalisation spĂ©cialisĂ©s dans le traitement des addictions.

 

Marmottan, le service spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions, avait Ă©tĂ© ouvert en 1971 par Claude Olievenstein (aussi surnommĂ© « Olive Â» ou « Monsieur Drogue Â») et dĂ©pendait Ă  l’origine administrativement du centre hospitalier Perray-Vaucluse ouvert en 1869 dans l’Essonne (d’abord asile puis hĂŽpital psychiatrique). Marmottan a fĂȘtĂ© son cinquantenaire  Ă  la salle de concerts la Cigale ainsi que par des portes ouvertes, des expositions et diverses manifestations lors du premier week-end de dĂ©cembre 2021.( La ferveur de Marmottan)

 

Ce matin du 14 janvier 2023, Marc Valleur est devant nous lors de ce sĂ©minaire proposĂ© un samedi par mois par Claude Orsel, Ă  l’hĂŽpital Sainte Anne, dans le 14 Ăšme arrondissement de Paris.

 

Avec Claude Olievenstein, psychiatre, Claude Orsel (nĂ© en 1937), psychiatre et psychanalyste, a Ă©tĂ© un des pionniers du traitement des toxicomanies en France en fondant l’Abbaye en 1969 Ă  St Germain des PrĂ©s.

 

Un samedi matin par mois, Ă  l’hĂŽpital Sainte Anne, dans le service du Dr Xavier Laqueille, psychiatre, Claude Orsel propose ce sĂ©minaire PsychothĂ©rapies, Psychanalyse et Addictions ( P. P. A) Transfert et Contre-Transfert.

 

L’accĂšs Ă  ce sĂ©minaire – qui se dĂ©roule de 9h30 Ă  12h30- est libre aprĂšs avoir pris  contact au prĂ©alable avec Claude Orsel.

 

S’il s’y trouve gĂ©nĂ©ralement des professionnels trĂšs expĂ©rimentĂ©s- voire retraitĂ©s- dans le traitement des addictions, dont plusieurs ont connu Claude Orsel et travaillĂ© avec lui, il arrive aussi que des patients de celui-ci y soient prĂ©sents et participent.

 

Un certain nombre des participants et des intervenants amĂšne avec lui un imposant abattage thĂ©orique, conceptuel mais aussi pratique. La moyenne d’ñge avoisine la bonne cinquantaine d’annĂ©es.

 

Mentionner la prĂ©sence de tous ces « psy Â» (psychiatres, psychothĂ©rapeutes, psychologues, psychanalystes
) pourrait donner l’impression que ces sĂ©minaires – filmĂ©s par Claude Orsel- sont des cercueils marbrĂ©s d’ennui et de thĂ©ories. Alors qu’ils sortent plutĂŽt des clous et des colonnes.

 

La psychiatrie et la sociĂ©tĂ© semblent dotĂ©es de moyens pour s’accroĂźtre en prioritĂ© comme des technologies et des pharmacies ombilicales par lesquelles et vers lesquelles nous sommes constamment entraĂźnĂ©s, faisant de nous des sidĂ©rurgies sidĂ©rĂ©es et jamais Ă  jour malgrĂ© nos libertĂ©s.

 

Un tel sĂ©minaire est une pause dans ces processus de constitution de notre cĂ©citĂ© que nous connaissons tous. D’autant plus que chaque fois que je peux y assister, j’ai l’impression de recueillir une toute petite parcelle de cette trĂšs grande Histoire et de  cette grande Culture de la pensĂ©e, du soin, de la psychiatrie, de la psychanalyse et de la SantĂ© mentale inaperçues par et pour la majoritĂ©. Ce sĂ©minaire fait partie de ces moments oĂč j’ai l’impression de me retrouver au pied de certaines immensitĂ©s de connaissances et d’expĂ©riences trop largement ignorĂ©es.

 

Des immensitĂ©s ou des personnalitĂ©s, dans diverses disciplines (pas seulement dans le domaine de la SantĂ© mentale comme lors de ce sĂ©minaire autour de Marc Valleur ) Ă  cĂŽtĂ© desquelles je suis aussi beaucoup passĂ© moi-mĂȘme, en m’en remettant beaucoup Ă  l’habitude, Ă  la facilitĂ© de mes certitudes mais aussi au hasard oĂč Ă  mon volontariat lĂ  oĂč l’on a bien voulu de moi. 

 

Alors que ces immensités nous aident ou peuvent nous aider à vivre.

 

 

Ce matin, je marque un temps d’arrĂȘt en voyant posĂ© sur la table, devant Claude Orsel, l’ouvrage La lionne du barreau de Clarisse Serre (aux Ă©ditions Sonatine) accompagnĂ© de cette accroche sur la page de couverture :

 

« Je suis une femme, je fais du pĂ©nal, j’exerce dans le 9-3, et alors?”.

 

Fin dĂ©cembre, dans la librairie de ma ville, aprĂšs avoir rĂ©cupĂ©rĂ© mes livres, j’étais tombĂ© sur cet ouvrage dans les rayons. Je l’avais un peu feuilletĂ©, tentĂ© de le prendre avant de me dĂ©cider finalement Ă  diffĂ©rer son acquisition


 

AmusĂ© par mon intĂ©rĂȘt soudain pour ce livre, ce samedi matin, Claude Orsel, m’a lancĂ© :

 

« Vous pouvez le prendre si vous le voulez. Je ne sais pas combien je l’ai acheté  Â».

 

J’ai optĂ© pour partir m’asseoir en laissant le livre Ă  sa place et Ă  son propriĂ©taire.

 

Marc Valleur prend la parole

 

Marc Valleur est arrivĂ© Ă  Marmottan en 1974. Au dĂ©part, il s’occupait spĂ©cifiquement des toxicomanes :

HĂ©roĂŻne, CocaĂŻne, Crack.

 

En 1974, l’Abbaye et Marmottan Ă©taient les services pilotes pour s’occuper des toxicomanes.

 

En 1981, il a commencé à parler de conduite ordalique. AprÚs la mort de plusieurs patients par overdose qui ont beaucoup éprouvé les soignants, Marc Valleur a commencé à penser à la notion de conduite ordalique.

Dans la conduite ordalique, il y a une perception positive et subjective de la conduite Ă  risque : Le risque et le danger Ă©taient attirants.

Les toxicomanes prenaient des produits car c’était dangereux.

 

Marc Valleur cite l’ouvrage Sorcellerie et ordalies  (paru en 1974) d’Anne Retel-Laurentin (mĂ©decin et ethnologue dĂ©cĂ©dĂ©e) pour parler des Ă©preuves par le poison.

 

 

Marc Valleur :

 

« Dans le jeu de l’argent, on ne s’injecte pas le produit mais le joueur est reprĂ©sentĂ© par son enjeu Â».

 

Marc Valleur cite Le Joueur et Les FrĂšres Karamazov de DostoĂŻevski ainsi que l’ouvrage Figures du crime chez DostoĂŻevski  (paru en 1990) de Vladimir Marinov (psychologue et psychanalyste).

En 1991-1992, le jeu est alors peu abordé en psychanalyse.

 

En 1997, Marc Valleur Ă©crit un Que sais-je ? sur le jeu. AprĂšs la parution de ce livre, des joueurs ont commencĂ© Ă  demander Ă  consulter Ă  Marmottan. Des joueurs ont pu dire :

« Le crack, j’arrĂȘte quand je veux. Moi, c’est le jeu que je n’arrive pas Ă  arrĂȘter Â».

 

Cette nouvelle attention portĂ©e aux joueurs pathologiques a d’abord suscitĂ© du scepticisme au sein des Pouvoirs publics. Un scepticisme partagĂ© au sein de Marmottan lorsque les soignants ont appris qu’ils allaient ĂȘtre amenĂ©s Ă  s’occuper aussi de joueurs pathologiques.

 

Marc Valleur relate qu’un soignant du service d’hospitalisation de Marmottan avait d’abord Ă©clatĂ© de rire lorsqu’il lui avait annoncĂ© la venue d’un patient joueur pathologique. Le soignant avait cru que c’était une blague.

 

Marc Valleur explique : « Le toxicomane faisait peur. Cela donnait un cĂŽtĂ© sulfureux Ă  Marmottan. Le joueur, ça faisait rire Â».

 

Marc Valleur ajoute qu’il existait aussi des images prĂ©conçues du toxicomane et du joueur.

 

Le toxicomane Ă©tait vu comme quelqu’un « de gauche (politiquement), maigre et qui s’opposait au systĂšme Â». Alors que le joueur, lui, Ă©tait vu comme quelqu’un « de droite (politiquement), gros, bourgeois et portant de grosses bagues
 Â».

 

Et, puis, trĂšs vite, les soignants du service d’hospitalisation de Marmottan se sont aperçus que c’était plus dur avec les joueurs qu’avec les toxicomanes.

 

En 2006, les Pouvoirs publics montrent leurs premiers signes d’intĂ©rĂȘt pour les joueurs pathologiques.

 

En 2008, une Ă©tude de l’INSERM parle du jeu pathologique.

 

A partir de 2006-2008, le regard sur les joueurs a commencé à changer.

 

2010 marque le dĂ©but de la libĂ©ralisation des jeux en ligne. A partir de lĂ , les joueurs addict commencent Ă  vĂ©ritablement ĂȘtre pris en considĂ©ration.

 

« Le joueur tente Dieu en lui posant des questions Â» selon une perception thĂ©ologique du jeu.

 

En 2010, le poker et les paris en ligne se dĂ©veloppent. Mais, contrairement aux prĂ©visions (sauf pendant le confinement dĂ» Ă  la pandĂ©mie du Covid ) le poker en ligne s’est peu dĂ©veloppĂ©. Ce sont plutĂŽt les paris sportifs qui ont connu un grand essor sur internet.

 

Robert Ladouceur (nĂ© en 1945), psychologue, auteur et chercheur quĂ©becois, spĂ©cialisĂ© dans les jeux d’argent et de hasard, souligne les problĂšmes de croyance chez les joueurs. (croyances et cognitions erronĂ©es des joueurs)

« Il faut que je rejoue pour que je me refasse Â». Les joueurs croient avoir la prĂ©science.

Il existe une illusion de contrîle chez les joueurs alors que le hasard l’emporte souvent.

 

Marc Valleur cite un article psychanalytique datant de 1914 intitulĂ© Le plaisir de la peur et l’érotisme anal. Marc Valleur dit que cet article « n’est pas gĂ©nial Â» mais qu’il est une premiĂšre tentative de comprendre le jeu.

 

Selon la vision freudienne, en 1928, la chance et la malchance peuvent représenter les puissances parentales.

 

DostoĂŻevski, lui-mĂȘme, a Ă©tĂ© un joueur pathologique. Il est donc trĂšs pointu pour parler du jeu.

 

En 1945, Fenichel (psychiatre et psychanalyste autrichien décédé en 1946) parle des addictions sans substances.

 

En 1954, Skinner (psychologue et penseur amĂ©ricain dĂ©cĂ©dĂ© en 1990) Ă©crit un article sur les machines Ă  sous qu’il dĂ©crit comme « le meilleur conditionnement pour faire payer les gens Â».

 

Erving Goffman (sociologue et linguiste amĂ©ricain d’origine canadienne, 1922-1982) a Ă©crit sur le jeu.

Le joueur s’imagine qu’il va influer sur le destin.

On aime jouer car on se retrouve dans un monde magique et dans un espace qui n’est pas la vie quotidienne. Le jeu est quelque chose de trĂšs sĂ©rieux.

 

Le contraire du jeu, c’est la rĂ©alitĂ© quotidienne.

Les croyances erronĂ©es font partie de l’intĂ©rĂȘt du jeu.

Marc Valleur cite l’ouvrage En passant par hasard Ă©crit en 1999 par Gilles PagĂšs (mathĂ©maticien) et Claude Bouzitat.

Les gens jouent « pour le vertige du risque Â». Les joueurs non pathologiques arrivent Ă  faire en sorte que le jeu n’ait pas d’incidence sur leur vie.

 

R, un des patients de Claude Orsel, assis Ă  droite de Marc Valleur, se prĂ©sente comme « joueur depuis 35 ans Â». R
parle de sa frustration, de son Ă©chec. Et de son amertume. Il parle de ses expĂ©riences prĂ©coces du jeu qu’il a faites trĂšs tĂŽt.

 

R : «  On essaie de se convaincre qu’on est bon Ă  quelque chose Â». R dit que sa premiĂšre addiction a Ă©tĂ© une addiction aux Ă©crans Ă  l’ñge de 8 ans.

Marc Valleur commente :

« La tĂ©lĂ©vision est la grande addiction mondiale
mais personne n’en parle Â». « Il y a une seule personne en 50 ans qui est venue Ă  Marmottan pour une addiction Ă  la tĂ©lĂ©vision.. Â».

 

Pour soigner une addiction, Marc Valleur insiste sur :

 

Une approche multimodale (sociale, familiale et autre
)

La qualitĂ© de l’accueil (« Ce qui se passe au premier entretien est dĂ©terminant Â» ; « Une thĂ©rapie, c’est l’exĂ©gĂšse de ce qui s’est dit au premier entretien Â»)

La qualité de la relation

Marc Valleur poursuit :

« Le but de l’Abbaye et de Marmottan, c’était de crĂ©er
de recevoir les personnes sans conception canonique du traitement et du soin
De recevoir la personne et, Ă  partir de lĂ , aprĂšs l’avoir Ă©coutĂ©e, de voir ce que l’on peut faire Â».

 

Marc Valleur nous recommande particuliĂšrement de lire The Great Psychotherapy Debate Ă©crit par Wampold et Imel (paru en 2015).

Marc Valeur prĂ©cise que toutes les mĂ©thodes thĂ©rapeutiques « marchent Â» et ont de trĂšs bons rĂ©sultats. Et qu’il n’existe pas une mĂ©thode thĂ©rapeutique meilleure qu’une autre.

(Je m’abstiens de dire que l’on peut sĂ»rement transposer cela dans beaucoup de disciplines comme dans les mĂ©thodes de combats et les Arts Martiaux : la personnalitĂ© du combattant importe plus que les techniques de combats ou les Arts martiaux qu’il a « appris Â» ou pratique. La personnalitĂ© du Maitre ou du professeur importe plus que les techniques ou les Arts martiaux qu’il enseigne
).

 

Marc Valleur souligne qu’il est des mauvais thĂ©rapeutes qui, pourtant, sont « trĂšs compĂ©tents Â» en termes de formation et de connaissances.

 

Marc Valleur me confirme que, plus que les thĂ©rapies, le plus important, c’est la rencontre. La qualitĂ© de l’accueil. La qualitĂ© de la relation thĂ©rapeutique.

 

Marc Valleur parle aussi de ces patients qui en savent beaucoup plus sur l’objet de leur addiction que le thĂ©rapeute lui-mĂȘme. Il cite l’exemple d’un patient addict aux jeux vidĂ©os qui ne sortait plus de chez lui et qui refusait de rencontrer psychiatre ou psychologue. Marc Valleur a demandĂ© aux parents de ce patient de lui dire qu’il n’y connaissait rien en jeux vidĂ©os et qu’il aimerait bien qu’il vienne lui expliquer ce que c’est. (Marc Valleur confirme qu’il avait un rĂ©el intĂ©rĂȘt pour ce que pouvaient lui dire ses patients). Le patient Ă©tait venu rencontrer Marc Valleur et lui avait en quelque sorte fait  cours.

Marc Valleur me confirme que le dogmatisme (thĂ©rapeutique) va souvent de pair avec l’excĂšs de thĂ©orie thĂ©rapeutique.

(A ce moment du séminaire, comme à son habitude, Claude Orsel fait passer un paquet de chouquettes achetées à la boulangerie)

Marc Valleur me confirme l’importance de l’engagement du corps du thĂ©rapeute dans sa rencontre avec le patient. Il se remĂ©more qu’un patient lui avait dit s’ĂȘtre attachĂ© Ă  lui lors du premier entretien car, Ă  un moment donnĂ©, il (Marc Valleur) lui avait touchĂ© le genou.

R, patient de Claude Orsel, dit :

« Le jeu n’est pas un amusement. C’est un exutoire Â» ; « Entre joueurs, on s’intoxique. C’est aussi ce qui nous fait rester dans le jeu Â» ; « Si, lui, il joue aussi, ça veut dire que je ne suis pas fou Â».

(Plus tĂŽt, R
nous a aussi dit avoir consultĂ© un addictologue pendant dix ans avant que celui-ci ne lui parle de Claude Orsel qu’il voit maintenant depuis 2013 ou 2014. Selon R, l’addictologue, pourtant plutĂŽt rĂ©putĂ©, ne l’écoutait pas. En Ă©coutant R parler en termes Ă©logieux de Claude Orsel, j’ai eu l’impression que celui-ci trouvait Claude Orsel « plus puissant Â» en tant que thĂ©rapeute, que son thĂ©rapeute prĂ©cĂ©dent).

 

Marc Valleur rĂ©pond Ă  Claude Orsel qu’il existe diffĂ©rents profils dans la biographie des toxicomanes.

 

Marc Valleur cite Michel Foucault ( Philosophe français, 1926-1984) :

« Le but de la transgression, c’est de glorifier ce qu’elle paraĂźt exclure Â». ( Dits et Ă©crits de Michel Foucault, de 1954 Ă  1988, deux tomes de plus de 1700 pages chacun ).

Marc Valleur rĂ©pond que chez les consommateurs de crack, souvent, la protection maternelle s’est arrĂȘtĂ©e trĂšs tĂŽt (viols dans l’enfance, traumas rĂ©pĂ©tĂ©s
).

R..dit : « La probabilitĂ©, c’est la vĂ©ritĂ© Â». « La probabilitĂ© ne ment pas Â».

Le livre Dans le jardin de l’ogre (citĂ© par qui ?) de LeĂŻla Slimani est mentionnĂ© pour Ă©voquer l’addiction sexuelle fĂ©minine.

 

Conclusions

Avec le micro, Marc Valleur, le prĂ©cĂ©dent mĂ©decin chef de Marmottan Ă  droite, Jan Kounen, rĂ©alisateur. Lors du cinquantenaire de Marmottan Ă  la Cigale. Photo©Franck.Unimon

 

Je demande Ă  Marc Valleur et Claude Orsel comment  ils font pour ne pas se dĂ©courager face Ă  des patients dont les addictions sont longues Ă  soigner. Mais aussi pour vivre dans un monde comme le nĂŽtre oĂč une « guerre Â» quotidienne nous est faite afin de nous rendre addict.

Marc Valleur rĂ©pond que, bien que retraitĂ©, il a encore des contacts par mail avec d’anciens patients qui lui donnent de leurs nouvelles et qui vont mieux. Lors de son intervention, Marc Valleur nous a aussi parlĂ© d’anciens patients qui ont trĂšs bien rĂ©ussi leur vie par la suite y compris mieux que lui-mĂȘme a-t’il ajoutĂ© dans un sourire. Et, tout en gardant le sourire, Marc Valleur a convenu qu’en effet, tout est fait dans notre sociĂ©tĂ© pour que l’on soit « accrochĂ© Â» et que cela est assez dĂ©sespĂ©rant. Il a ainsi citĂ© les producteurs d’alcool qui, malgrĂ© leurs discours empathiques, prospĂšrent grĂące Ă  toutes les personnes dĂ©pendantes qui consomment leurs produits.

 

(Un peu plus tĂŽt, R
avait fait rĂ©fĂ©rence Ă  ces joueurs de PMU, un lieu qu’il connaĂźt et dont il observe les usagers Ă  l’écouter, qui, dĂšs qu’ils gagnent un ou deux euros au jeu le rejouent alors qu’ils vivent dĂ©ja dans des conditions trĂšs prĂ©caires).

 

Claude Orsel, rĂ©pond en souriant, qu’il a envie de « connaĂźtre la suite Â». A l’entendre, lui comme Marc Valleur, cela semble trĂšs simple de s’occuper de personnes addict. Au point que je me demande pour quelle raison seule une minoritĂ© de personnes, Ă  laquelle je n’appartiens pas, parvient comme eux Ă  s’occuper de personnes addict sur du long terme :

Le travail qui peut ĂȘtre effectuĂ© dans un service de psychiatrie institutionnelle lambda- mĂȘme si cela peut aussi ĂȘtre sur du trĂšs long terme- est trĂšs diffĂ©rent de celui que j’ai pu voir pratiquĂ© Ă  Marmottan lors des quelques remplacements ( une quinzaine) que j’ai pu y faire. La distance relationnelle entre le patient/client et le soignant, par exemple, est trĂšs diffĂ©rente. Si, en psychiatrie adulte, la psychose des patients peut effrayer certains, l’absence de psychose, comme c’est souvent le « cas Â» Ă  Marmottan peut dĂ©stabiliser, enrayer certaines frontiĂšres et les rendre assez floues entre le patient/client et le soignant. Pour ne parler que de ça. Alors, si, en plus, dans le domaine de l’addiction, le patient/client en sait plus que le soignant, il peut y avoir de quoi ĂȘtre troublĂ©.

 

Claude Orsel m’apprend qu’il est possible que Patrick Declerck (philosophe, ethnologue, psychanalyste et Ă©crivain nĂ© en 1953) intervienne Ă  nouveau lors d’un prochain sĂ©minaire. Claude Orsel m’apprend aussi qu’il n’y a eu aucun article dans la presse Ă©crit sur le dernier ouvrage de Patrick Declerck, paru en 2022, Sniper en Arizona, dans lequel, celui-ci raconte sa formation de sniper aux Etats-Unis.

 

R, qui ne demandait qu’à parler, qui a beaucoup Ă  dire, entre-autres sur le poker, et qui a plusieurs fois pris la parole de façon assez intempestive au cours de l’intervention de Marc Valleur, m’a d’abord agacĂ© comme d’autres personnes assistant Ă  ce sĂ©minaire. Il fallait entendre R, arrivĂ© avec un peu de retard, dire ensuite Ă  Marc Valleur, Ă  un moment donnĂ©, avec une certaine autoritĂ© :

« Ce que vous avez oubliĂ© de dire
 Â».

Devant l’attitude rĂ©pĂ©tĂ©e de R, j’ai d’abord regardĂ© ces vieux briscards que sont Marc Valleur et Claude Orsel qui n’en n’étaient pas une interruption prĂšs. Lesquels ont poliment invitĂ© R,  Ă  tour de rĂŽle, Ă  attendre que Marc Valleur ait fini de s’exprimer. Ce qui n’a pas empĂȘchĂ© R de recommencer.

Ensuite, j’ai compris que R Ă©tait celui qui Ă©tait annoncĂ© par Claude Orsel comme le joueur venant nous faire part de son expĂ©rience. Et que R rĂ©agissait car Marc Valleur parlait de sa vie.

Puis, j’ai saisi que R Ă©tait porteur de connaissances dont j’étais dĂ©pourvu.

 

 Ce samedi, alors que Marc Valleur est dĂ©jĂ  parti aprĂšs nous avoir saluĂ© en nous disant que c’était « bien Â», je suis plus disposĂ© pour Ă©couter R qui, en plus, avait « contre lui Â», en prime abord, le fait de me rappeler un ancien collĂšgue qui a pu avoir tendance Ă  une Ă©poque Ă  me sortir par les yeux. Au travers de R, sans doute ai-je mieux perçu ce samedi, de maniĂšre consciente, la dimension addict et sub-agressive de la personnalitĂ© de cet ancien collĂšgue


 

R m’explique avoir connu un joueur de poker, « parti de rien Â», et qui, aujourd’hui « est millionnaire Â». R m’explique que, durant des annĂ©es, ce joueur a acceptĂ© de « ne rien gagner Â». En s’en tenant Ă  des rĂšgles de conduite- et Ă  des limites- qu’il s’était fixĂ©, acceptant de gagner petit et Ă©vitant de perdre de l’argent. En somme, ce joueur est restĂ© prudent, patient et persĂ©vĂ©rant. R, Ă  ce que je comprends, n’est ni patient ni prudent bien qu’intelligent et persĂ©vĂ©rant. Et, il est sĂ»rement aussi convaincu. Et convaincant. Lorsque R m’apprend qu’il a travaillĂ© pendant des annĂ©es dans « le phoning Â» et qu’il sent les gens, j’ai tendance Ă  le croire.

 

Franck Unimon, ce lundi 16 janvier 2023.

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Addictions Puissants Fonds/ Livres

Rien ne dure vraiment longtemps, un livre de Matthieu Seel

Rien ne dure vraiment longtemps, un livre de Matthieu Seel.

 

Matthieu Seel, le mĂ©tis adoptĂ©, a Ă©tĂ© la voix de la sĂ©rie podcast Crackopolis. Dans cette sĂ©rie, il racontait le hijack que peut-ĂȘtre le crack en plein Paris, en outre dans le 19Ăšme arrondissement oĂč il a d’ailleurs grandi et oĂč, plus jeune, il avait eu Peter ChĂ©rif et les frĂšres Kouachi comme copains de primaire et de collĂšge.

 

Certains veulent voir, Matthieu Seel a tout vu sauf l’histoire de ses origines dont les barreaux, par condensation, lui rĂ©sistent. C’est peut-ĂȘtre pour cette histoire qu’il ne connaĂźt pas qu’il commence par fumer des paquets de joints dĂšs l’ñge de dix puis qu’il finit, plus tard, par consulter le caillou.

 

Matthieu Seel ne nous raconte pas tout. Pour cela, il faudrait absolument se souvenir et il a aussi besoin d’oublier. Mais il y en a assez pour dix dans ce qu’il nous dit. Celle ou celui dont la vie dĂ©vie pour dealer et pour attraper du caillou se surpasse jusqu’à un point culminant qui se dĂ©place sans cesse et qui est Ă  peine imaginable.  

 

Il y a des existences beaucoup plus simples et beaucoup plus reposantes. Mais pour cela, il faut ĂȘtre assez robot. Matthieu Seel n’en n’est pas un et il connaĂźt difficilement le repos depuis assez tĂŽt. Artiste photo un temps, vivant la nuit, il finit par vendre son appareil et par connaĂźtre des journĂ©es de 96 heures sans dormir lorsque le crack est devenu son mĂ©tronome. Combien de personnes, ou plutĂŽt de formes, a-t’il rencontrĂ©es parmi lui et qui, comme lui, pointaient vers les mĂȘmes usages ? De toute façon, ces formes de rencontres ne tenaient pas.

 

Sa mĂšre ( adoptive) fait partie de celles et ceux qui ont tenu. Et, je comprends qu’une Virginie Despentes ait cru en lui pour ce livre car il aurait pu avoir un rĂŽle dans son film Baise moi. Comme je comprends aussi qu’une personnalitĂ© comme Slimane Dazi soit ce parrain qu’il remercie, ainsi que beaucoup d’autres, Ă  la fin de son livre. J’aurais Ă©tĂ© beaucoup plus Ă©tonnĂ© si Guillaume Canet ou AndrĂ© Dujardin l’avait parrainĂ©.

 

Dans Rien ne dure vraiment longtemps , sorti en septembre 2022, Seel raconte les mauvais passeurs d’histoires, les arnaques, les guet-apens, l’entraide, la survie dans la rue, les Ă©checs sentimentaux, la paranoĂŻa, sa famille, l’hĂŽpital, les tentatives de sevrage Ă  Pierre Nicole, le centre thĂ©rapeutique de la Croix Rouge, et Ă  Marmottan ( La ferveur de Marmottan). EduquĂ©, autodidacte, il est loin d’ĂȘtre idiot. D’autres sont comme Matthieu Seel mais leurs mots, leur nom et leur visage ne nous parviendront pas.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 18 octobre 2022.

 

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Addictions

La ferveur de Marmottan

A la Cigale, le vendredi 3 dĂ©cembre 2021. Le poing levĂ©, Alain, un des accueillants de Marmottan. Photo©Franck.Unimon

La ferveur de Marmottan

 

( en cliquant sur ce lien , Ă  droite, une petite vidĂ©o apparaĂźt ) Hommage de M.Hautefeuille aux anc de Marmottan .   

Cet article fait suite Ă  Les cinquante Temps de Marmottan. 

 

Marmottan, le service d’accueil et d’hospitalisation spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions, situĂ© dans le 17 Ăšme arrondissement de Paris, rue ArmaillĂ©, prĂšs des Champs ElysĂ©es, a longtemps fait partie, pour moi, de ces services connus pour eux-mĂȘmes. Porteurs d’un nom et d’une identitĂ© qui se suffisent Ă  eux-mĂȘmes pour parler d’eux. Un peu comme cela a pu ĂȘtre le cas pour Miles, qui reste mon musicien prĂ©fĂ©rĂ©, mĂȘme plus de trente annĂ©es aprĂšs sa mort. MĂȘme aprĂšs avoir, depuis, aimĂ© dĂ©couvrir et Ă©couter d’autres artistes. Tout est fonction de la pĂ©riode de notre vie au cours de laquelle on a effectuĂ© certaines rencontres et du tournant que, pour nous, ces rencontres ont permis.

 

Je sais que Miles avait Ă©tĂ© un temps hĂ©roĂŻnomane et alcoolique. « Comme Â» d’autres artistes de son Ă©poque, avant ou aprĂšs lui. Et, pour moi, Miles et Marmottan Ă©taient nĂ©anmoins deux bras et deux endroits bien distincts, l’un de l’autre. Puisque Miles, lui, officiellement, s’en Ă©tait sorti.

 

 

Le service Marmottan, placĂ© prĂšs du musĂ©e Marmottan  (qui, a priori, ne lui est pas apparentĂ©), faisait de toute façon partie, pour moi, de ces Ă©clats de la SantĂ© mentale. J’en avais entendu parler, moi le jeune infirmier diplĂŽmĂ© d’Etat qui, malgrĂ© ma culpabilitĂ© dans le fait d’abandonner la souverainetĂ© technique des services de mĂ©decine et de chirurgie, avait choisi, finalement, de venir travailler en psychiatrie adulte.

 

J’avais sĂ»rement entendu parler de Marmottan par des collĂšgues, infirmiers diplĂŽmĂ©s en soins psychiatriques, plus ĂągĂ©s et plus expĂ©rimentĂ©s que moi.

 

Comme j’avais aussi entendu parler, par eux, du CPOA, des quatre UMD (UnitĂ©s pour malades difficiles) qui existaient alors : Cadillac, Sarreguemines, Mont Favet, Carhaix. Mais aussi, sans doute ou peut-ĂȘtre, de la clinique La Borde….

 

Plus tard, j’entendrais parler d’éthno-psychiatrie de Tobie Nathan et de Devereux, de pĂ©dopsychiatrie, d’unitĂ©s mĂšres-bĂ©bĂ©, d’Anzieu et d’autres.  Avant de dĂ©couvrir des lieux et des personnes, ce sont souvent, d’abord,  des noms.

 

Et puis, j’avais d’abord Ă  apprendre Ă  me dĂ©bourrer de certaines pensĂ©es, de certaines croyances et certitudes mais aussi de certaines ignorances. Et, pour cela, le premier service d’hospitalisation en psychiatrie adulte oĂč je commençais Ă  apprendre un peu plus Ă  devenir adulte Ă  Pontoise fut un grand bienfait.

 

Et un mal.

 

Car la psychiatrie institutionnelle, selon les Ă©poques, les tournants, les orientations et les Ă©quipes peut Ă  la fois construire mais aussi enfermer. Et, on peut aussi aimer s’enfermer si cela nous protĂšge et nous rassure. MĂȘme si on s’en plaint peu Ă  peu.

Photo prise Ă  Marmottan le samedi 4 DĂ©cembre 2021, lors du week-end portes ouvertes de Marmottan. Photo©Franck.Unimon

 

D’autant que, plus jeune, mĂȘme si l’on est supposĂ© avoir la vie devant soi et que l’on aime la littĂ©rature de Romain Gary, on est aussi trĂšs myope, trĂšs Ă©troit d’esprit et on peut manquer de curiositĂ©. Ou on peut ĂȘtre trĂšs ou trop inquiet Ă  l’idĂ©e de devoir changer de vie, de s’éloigner de ce que l’on connaĂźt. On se laisse donc envelopper et Ă©treindre par les contours des cercles qui nous ressemblent et qui nous permettent d’entrer, ou  de stagner, entre amis ou connaissances, dans un monde d’adultes qui nous rassure. Sans prendre trop de risques. Ou seulement ceux qui nous apparaissent connus et mesurĂ©s. On peut avoir dĂ©jĂ  tellement peur du monde et de la vie adulte que l’on ne va pas en rajouter avec certaines de ces substances dont on avait entendu parler ou commencĂ© Ă  cĂŽtoyer, un peu, Ă  partir de l’adolescence :

 

Le cannabis, principalement, un peu l’hĂ©roĂŻne. Le tabac et l’alcool ayant des statuts soit plus acceptables soit plus familiers. Et puis, si l’overdose puis la transmission du VIH pouvaient faire peur pour leur possible immĂ©diatetĂ©, entre 12 et 20 ans et encore aprĂšs, on ne pensait pas nĂ©cessairement au cancer ou Ă  la cirrhose du foie tandis que d’autres fumaient devant nous ou se prenaient des cuites, terminant leurs soirĂ©es Ă  quatre pattes tels des lĂ©vriers en fin de course prĂšs d’un Ă©vier ou les deux pattes surĂ©levĂ©es au dessus d’une cuvette des toilettes pour ne pas sombrer dans ce que l’on y rejetait.

 

Lorsque l’on entre dans l’ñge adulte, on est, alors, dans la force de l’ñge. Sexuellement, physiquement, socialement, intellectuellement. Aussi, peut-on, doit-on mĂȘme, se permettre quelques petits excĂšs. Car ensuite, il sera trop tard. Et puis, si on ne peut pas un peu s’amuser


 

A Marmottan, lors du week-end portes ouvertes le 3 et 4 décembre 2021.

 

 

Le service Marmottan est sans doute restĂ© longtemps « loin Â» de moi, physiquement et psychologiquement, parce-que, de cette maniĂšre, sans doute, je restais Ă  une distance prudente – et mesurĂ©e- de l’aiguille de certaines de mes peurs et inquiĂ©tudes. Car gĂ©ographiquement, toutes les fois oĂč je me suis rendu sur les Champs ElysĂ©es, pour aller au cinĂ©ma ou au Virgin MĂ©gastore, oĂč mĂȘme lorsque j’étais allĂ© Ă  la Fnac lorsqu’elle se trouvait avenue de Wagram, je n’étais pas trĂšs loin de Marmottan.

Mais, aussi, à aucun moment, je ne fis le rapprochement entre ce Francis Curtet que ma prof principale de 3Úme nous avait un jour proposé de rencontrer dans notre collÚge Evariste Galois de Nanterre, en 1982 ou 1983
et Marmottan.

 

M.Hautefeuille parle d’anciens de Marmottan ( en cliquant sur ce lien Ă  gauche, vidĂ©o). 

 

En dĂ©cembre dernier, en 2021, j’ai pu faire le rapprochement entre Francis Curtet et Marmottan.

 

En dĂ©cembre dernier, Marmottan a fĂȘtĂ© ses cinquante ans Ă  la salle de concerts de la Cigale. Entre-temps, des annĂ©es avaient passĂ©. Et j’avais appris, depuis, oĂč se trouvait Marmottan dans Paris. J’y avais effectuĂ© quelques remplacements et j’y avais mĂȘme postulĂ© afin d’y travailler.

 

La salle de la Cigale, ce vendredi 3 dĂ©cembre 2021 avant que ne dĂ©bute le cinquantenaire de Marmottan. Photo©Franck.Unimon

 

C’était la premiĂšre fois que je me rendais au cinquantenaire d’un service. Je n’ai pas pu m’empĂȘcher de penser que le choix d’une salle de concert avait Ă©tĂ© fait aussi pour bien fĂȘter cet Ă©vĂ©nement historique. Car j’appris lors du cinquantenaire que lors de la crĂ©ation et de l’ouverture de Marmottan, en 1971, que Claude Olievenstein, son premier mĂ©decin chef -qui fut novateur dans le traitement des addictions – pensait que le service aurait une existence brĂšve.

 

Photo©Franck.Unimon

 

Marmottan n’est pas mort

 

Lorsque j’écris maintenant qu’en ouvrant Marmottan, Claude Olievenstein et ceux qui furent alors Ă  ses cĂŽtĂ©s, furent novateurs dans le traitement des addictions, cela peut ĂȘtre abstrait pour beaucoup de personnes. Car, d’abord, qu’est-ce qu’une addiction ?

 

Il faudrait déjà commencer par le savoir.

 

Pour ma part, je prĂ©fĂšre sourire lorsque je repense au fait que, trĂšs sĂ»r de moi, il y a environ trois ou quatre ans maintenant, j’avais rĂ©pondu Ă  Mario Blaise (dĂ©ja mĂ©decin chef  de Marmottan) qui venait de me demander si j’avais des addictions :

 

« Non ! Je n’ai pas d’addiction ! Â».

 

J’aurais pu rĂ©pondre «  Pas de ça entre nous ! Â» que cela aurait Ă©tĂ© pareil.

 

 

Mais j’ai un autre exemple de cet esprit novateur de Marmottan. J’aime lire de temps Ă  autre la trĂšs bonne revue bimestrielle, assez peu connue finalement, Sport & Vie. Dans le dernier numĂ©ro de Sport & Vie, le numĂ©ro 194 de Septembre/Octobre 2022 l’article intitulĂ© L’amour chimique nous parle de « Chemsex Â». Dans cet article, selon moi trĂšs bien rĂ©digĂ©, le rĂ©dacteur, Olivier Soichot, prĂ©cise dans un passage :

 

« (
.) Dans le livre de Jean-Luc Romero-Michel, plusieurs phĂ©nomĂšnes se tĂ©lescopent douloureusement. Notamment la mĂ©connaissance presque totale qui caractĂ©rise encore le chemsex en France. Avant le dĂ©cĂšs de son mari, l’auteur lui-mĂȘme confesse qu’il en avait vaguement entendu parler mais sans se douter une seconde que son compagnon y avait recours Â».

 

L’article de la revue Sport & Vie consacrĂ© au chemsex.

 

Peut-ĂȘtre qu’un certain nombre des lectrices et lecteurs de Sport & Vie, pour celles et ceux qui connaissent ce bimestriel,  ou que plusieurs lectrices et lecteurs de mon article, dĂ©couvriront en cet automne 2022 ce qu’est le chemsex.

 

De mon cĂŽtĂ©, cela fait dĂ©sormais deux ou trois ans que  j’ai dĂ©couvert l’existence du chemsex. Lors de mes remplacements Ă  Marmottan. A Marmottan, plus que dans un service de psychiatrie ou de pĂ©dopsychiatrie, je trouve, les patients informent les soignants de certaines de leurs pratiques. C’est aussi de cette façon que l’on peut apprendre son mĂ©tier en tant que soignant et en tant qu’accompagnateur. Et, ensuite, mieux aider celles et ceux dont on « s’occupe Â». Cet Ă©change de Savoirs contribue Ă  instaurer plus facilement une relation de confiance mais aussi une certaine Ă©galitĂ© entre le patient et le soignant.

 

Dans un service de psychiatrie ou de pĂ©dopsychiatrie, une relation de confiance avec le patient ( ou le client ) est aussi nĂ©cessaire et recherchĂ©e. Mais elle diffĂšre de celle qui peut se dĂ©velopper Ă  Marmottan.  Sans pour autant idĂ©aliser la relation patient/soignant,  usager/soignant ou client/soignant Ă  Marmottan ( j’ai oubliĂ© le vocabulaire exact employĂ© Ă  Marmottan ). Car il existe des ratĂ©s Ă  Marmottan. Et, aider Ă  la cure d’une addiction peut ĂȘtre trĂšs long.

Patient:client

 

Mais j’ai l’impression que l’échange des Savoirs entre patients et soignants, en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie, Ă  moins de faire partie d’une association permettant ces Ă©changes, est davantage asymĂ©trique qu’à Marmottan.

 

A Marmottan, lors du week-end portes ouvertes, le samedi 4 décembre 2021.

 

Cela peut aussi peut-ĂȘtre s’expliquer par le fait que les personnes addict sont actives lorsqu’elles ont des conduites Ă  risques. Tant pour prendre des substances que pour certains comportements. De ce fait, les personnes addict acquiĂšrent certaines compĂ©tences pharmaceutiques ou mĂ©dicales. Une ancienne collĂšgue infirmiĂšre qui avait travaillĂ© plusieurs annĂ©es Ă  Marmottan m’avait ainsi appris :

 

« Ce sont les patients qui m’ont appris Ă  faire des prises de sang
 Â».

 

Ici, on se doute que les patients en question, à force de se chercher réguliÚrement une veine pour se piquer en intraveineuse avaient développé une dextérité hors du commun dépassant de loin celle de bien des infirmier ( es).

 

A Marmottan, ce samedi 4 dĂ©cembre 2021, lors du week-end portes ouvertes. Installation faite pour la circonstance. Photo©Franck.Unimon

 

 En comparaison, en psychiatrie adulte ou en pĂ©dopsychiatrie, lorsqu’il m’est arrivĂ© de faire des prises de sang, je n’ai aucun souvenir de patient m’indiquant oĂč le piquer ou comment m’y prendre si j’avais du mal Ă  lui faire son prĂ©lĂšvement sanguin.

 

 

Mais pour revenir au contexte de l’ouverture de Marmottan, 1971, Le dĂ©but des annĂ©es 70, c’est la prĂ©sidence de Georges Pompidou. Jimi Hendrix, Janis Joplin et Jim Morrisson sont morts d’overdose rĂ©cemment. Et, Georges Pompidou, qui va bientĂŽt mourir aussi, n’y est pour rien.

 

Aujourd’hui, seulement, je fais un peu le rapprochement entre l’annĂ©e d’ouverture de Marmottan et les dĂ©cĂšs rapprochĂ©s de cĂ©lĂ©britĂ©s comme Hendrix, Joplin et Morrisson.

 

Auparavant, lorsque je pensais Ă  Marmottan les premiers temps, je ne le faisais pas. Puisque, d’ailleurs, j’ignorais la date exacte de crĂ©ation et d’ouverture de Marmottan. Marmottan Ă©tait dĂ©jĂ  « lĂ  Â» lorsque j’ai commencĂ© Ă  travailler en psychiatrie au dĂ©but des annĂ©es 90. Et Hendrix, Joplin et Morrisson Ă©taient pour moi des noms et des expĂ©riences musicales imprĂ©cises.

 

Cependant, en dĂ©cembre 2021, je fais un autre rapprochement. C’est une intuition. A Marmottan, tout acte et tout propos raciste et homophobe de la part d’un patient vaut exclusion du service. Mais aussi tout acte de violence.

 

Maison de tolérance

 

C’est la premiĂšre fois, dans un service, que j’ai pu voir afficher aussi explicitement de tels  interdits ou de telles limites. Dans tous les autres services oĂč j’ai pu travailler, en psychiatrie adulte, en pĂ©dopsychiatrie ou mĂȘme en soins gĂ©nĂ©raux, ces agissements et ces propos (racistes, homophobes, actes de violence) font plutĂŽt partie du mĂ©tier. Au point que certaines de ces caractĂ©ristiques (risques de violence contre autrui, risques de troubles musculo-squelettiques
.) peuvent mĂȘme ĂȘtre stipulĂ©es dans les profils de poste de certaines offres d’emploi.

 

 

A Marmottan, le refus de ces comportements et de ces propos renseigne quant au fait que ses services d’hospitalisation et d’accueil s’adressent ou peuvent s’adresser Ă  toutes sortes de publics. DĂšs lors qu’ils ont  des problĂšmes d’addiction et qu’ils sont estimĂ©s suffisamment volontaires, coopĂ©rants, et encore assez valides physiquement, pour ne pas nĂ©cessiter des soins d’urgence ou de rĂ©animation mĂ©dicale, sauf exception.

Car il existe des services d’addictologie oĂč des patients sont perfusĂ©s par exemple.

 

Pas Ă  Marmottan.

 

L’un des principes du service d’hospitalisation de Marmottan (lĂ  oĂč j’ai fait mes quelques remplacements) est l’hospitalisation libre, mais avec le principe et le contrat moral, que, durant son hospitalisation, de trois semaines en moyenne, le patient ne sortira pas du service et n’aura aucun contact direct avec l’extĂ©rieur. Il n’aura donc pas accĂšs Ă  son tĂ©lĂ©phone portable ou Ă  son ordinateur ou Ă  sa tablette.  A la place, il bĂ©nĂ©ficiera de la disponibilitĂ© du personnel, mais aussi de celles d’autres patients, par le biais d’entretiens, de mĂ©diations et de moments passĂ©s ensemble. Que ce soit lors de la prise des mĂ©dicaments ou lors des repas, du petit dĂ©jeuner au dĂźner. Ou, en regardant la tĂ©lĂ©. Ou, en discutant dans la salle « de thĂ© Â». Et l’on parle vraiment de thĂ© ou de cafĂ© et de quelques gĂąteaux , de goĂ»ters ou d’eau.  

 

 

Et puis, en dĂ©cembre 2021, « connaissant Â» un petit peu la culture engagĂ©e et militante de Marmottan, je me suis dit que la salle de concert de la Cigale, pour fĂȘter ce cinquantenaire, Ă©tait sans doute un hommage aux victimes des attentats terroristes de Novembre 2015, Bataclan, inclus.

 

 

Je n’ai pas (encore) demandĂ© confirmation. C’est une intuition.  Par contre, j’ai observĂ©, Ă  nouveau, ce jour-lĂ , l’engagement des personnels de Marmottan. PassĂ©s et prĂ©sents. Je le rĂ©pĂšte :

 

Je n’ai pas, Ă  ce jour, connu d’équivalent en matiĂšre de commĂ©moration de l’existence d’un service de santĂ© mentale. Ou, alors, je ne peux comparer cette commĂ©moration qu’avec celle des cinquante ans d’un groupe de musique, donc, dans le domaine artistique :

 

Pour moi, ce sera le groupe Kassav’. Puisque j’étais prĂ©sent au concert de leur cinquantenaire Ă  la DĂ©fense Arena. Avant le dĂ©cĂšs de Jacob Desvarieux.  

 

Mais je ne serais pas surpris qu’à Marmottan, musicalement, l’esprit soit plus Rock ou Punk que Zouk. Du reste, le lendemain, et le surlendemain de cette journĂ©e Ă  la Cigale, lors d’une des deux journĂ©es portes ouvertes de Marmottan, il y aura une exposition de pochettes de disques du mĂ©decin chef depuis quelques annĂ©es de Marmottan, Mario Blaise. Une exposition trĂšs bien intitulĂ©e « A vos disques et pĂ©rils Â» oĂč il sera possible de voir Ă©tablie une certaine valorisation des addictions avec substances.

A Marmottan, lors du week-end portes ouvertes du 4 et 5 décembre 2021.

 

 

Et,  si mes souvenirs sont exacts, aucune pochette de disque de Zouk ne figurait sur les murs de la piĂšce. Au contraire de pochettes de disque ayant plutĂŽt trait au Rock. MĂȘme si je me souviens d’une pochette d’un disque de U-Roy, chanteur de Reggae qui venait de dĂ©cĂ©der rĂ©cemment.

 

 

 

Il y avait donc, plutĂŽt, Ă  mon sens, une certaine vitalitĂ© Rock, ou punk, dans la tenue de ce cinquantenaire. Voire, free Jazz. Car il m’a semblĂ© qu’à Marmottan, que, mĂȘme si une certaine ligne de conduite Ă©tait nĂ©cessaire, qu’il importait, aussi, de savoir et de pouvoir improviser entre les lignes. Et de tenir sa partition. Avec les autres.

 

 

 

Cinquante ans plus tard, on peut dire que Marmottan a fait bien plus que tenir. J’ai vu dans cette salle de la Cigale des personnels de Marmottan qui y avaient travaillĂ© et qui sont revenus pour l’occasion. Certains Ă  la retraite. Je pense Ă  l’un d’entre eux, en particulier, un infirmier Ă  la retraite depuis les annĂ©es 2010 qui m’a rĂ©pondu avoir travaillĂ© Ă  Marmottan pendant une bonne vingtaine d’annĂ©es. Il Ă©tait aux cĂŽtĂ©s d’une ancienne de Marmottan. Celle que j’avais rencontrĂ©e dans mon service prĂ©cĂ©dent et qui m’avait dit que les patients lui avaient appris Ă  faire des prises de sang.

Sur la droite, portant un masque blanc, si je ne me trompe, il s’agit d’AurĂ©lie Wellenstein, la documentaliste de Marmottan. Photo©Franck.Unimon

 

J’ai revu des personnels de Marmottan que j’avais croisĂ©s lors de mes quelques remplacements: AurĂ©lie Wellenstein, la documentaliste qui m’avait permis d’assister Ă  l’évĂ©nement, en charge de l’organisation de celui-ci comme des diverses formations proposĂ©es Ă  Marmottan. Des infirmiers, mĂ©decins, accueillants, psychologues, assistantes sociales. Mais aussi des mĂ©decins ou autres intervenants qui avaient connu Olievenstein et travaillĂ© avec lui avant de quitter Marmottan ou lui ayant succĂ©dĂ©. Je pense, ici, Ă  Marc Valleur qui avait succĂ©dĂ© Ă  Olivenstein avant que Mario Blaise, ensuite, ne lui succĂšde en tant que mĂ©decin-chef de Marmottan.

De gauche Ă  droite, Mario Blaise, mĂ©decin chef de Marmottan, Marc Valleur, le prĂ©cĂ©dent mĂ©decin chef de Marmottan, Jan Kounen, rĂ©alisateur, Marc Batard, alpiniste. A la Cigale, ce vendredi 3 dĂ©cembre 2021. Photo©Franck.Unimon

 

Marc Valleur au micro

Marc Valleur, prĂ©cĂ©dent mĂ©decin chef de Marmottan avec Jan Kounen, rĂ©alisateur. Photo©Franck.Unimon

 

 

Je pense aussi à ces praticiens partis travailler ailleurs, toujours dans le domaine des addictions, et qui, comme les invités, se sont exprimés.

 

Mario Blaise et Marc Batard au micro

 

De gauche Ă  Droite, Mario Blaise, Marc Valleur, Jan Kounen et Marc Batard. La Cigale, vendredi 3 dĂ©cembre 2021. Photo©Franck.Unimon

 

Tout comme d’anciens patients.

 

Marmottan m’a aidĂ© Ă  avoir une vie

 

Cela, devant une salle pleine de professionnels venant de la rĂ©gion parisienne ou d’ailleurs ( une psychologue assise Ă  cĂŽtĂ© de moi venait de la rĂ©gion de Rennes).

La Cigale, ce vendredi 3 dĂ©cembre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Dans ces tĂ©moignages d’anciens de Marmottan, on entendait et on sentait certains de ces engagements maintenus annĂ©e aprĂšs annĂ©e, en dĂ©pit d’une certaine adversitĂ©. Mais aussi malgrĂ© ou Ă  cause de certains conflits internes. On percevait une observation affutĂ©e du monde et de la sociĂ©tĂ© qui nous entoure et qui, surtout, nous opprime. On recevait une partie de cette mĂ©moire commune de ce qui avait pu ĂȘtre rĂ©ussi envers et contre tout ainsi que, pour moi, une certaine forme de regret de n’avoir pas vĂ©cu cette histoire.

 

La Cigale, ce vendredi 3 dĂ©cembre 2021. Photo©Franck.Unimon

 

Maison de fous. Pas

 

Il y a eu au moins quatre mots en particulier qui m’ont marquĂ© lors de ce cinquantenaire Ă  la Cigale. Des mots qui, pour moi, expliquent Marmottan mais aussi la raison pour laquelle Marmottan a survĂ©cu et continue d’inspirer.

 

Photo©Franck.Unimon

 

 

La Folie.

 

Plusieurs des professionnelles et professionnels venus tĂ©moigner de leur expĂ©rience de Marmottan, sur la scĂšne, ont racontĂ© que lors de leur entretien d’embauche avec Olievenstein, celui-ci, avait pu plus ou moins leur/lui dire :

 

« Je crois que vous ĂȘtes folle. Donc, je vous embauche Â».

Photo©Franck.Unimon

 

 

Par « folie Â», bien-sĂ»r, il fallait, ici, comprendre que ces professionnelles et professionnels qui postulaient ne se contenteraient pas d’ĂȘtre des petits soldats ou des exĂ©cutants de la morale bien-pensante. Et qu’ils seraient impliquĂ©s dans leur travail bien plus qu’une personne venant juste pour faire ses heures de travail et pour toucher sa paie Ă  la fin du mois. C’est en tout cas comme ça que je l’ai dĂ©cryptĂ©.

 

Car, oui, la folie peut aussi aider Ă  vivre. Et Ă  travailler. 

 

La folie créatrice de Marmottan

 

A cette folie s’associe un humour. Il y a donc eu de l’humour lors de ce cinquantenaire comme il en a existĂ© et en existe Ă  Marmottan.

 

M.Hautefeuille avec sa clé USB à air pulsé

 

Le mot Plaisir a Ă©tĂ© employĂ© par Mario Blaise, le mĂ©decin chef actuel de Marmottan. Par ce mot, le principe est d’éviter de juger le mode de vie des uns et des autres. Ou ce qu’ils sont. DĂšs lors qu’ils n’agressent pas leur entourage.

 

Un autre mot m’a, d’un seul coup, fait comprendre la raison pour laquelle, Marmottan est un service Ă  part. Et que c’est pour cela que j’avais senti, quelques fois, que lorsque je m’exprimais avec mes instruments de mesure psychiatriques, que cela avait fait flop et que quelques uns de mes collĂšgues de Marmottan m’avaient alors regardĂ© comme si j’appartenais Ă  une espĂšce insolite :

 

Antipsychiatrie

 

 L’antipsychiatrie a Ă©tĂ© un courant dont j’ai pu entendre parler. Mais un peu. Comme d’une Ă©poque passĂ©e depuis longtemps. Bien avant que je ne commence Ă  venir travailler en psychiatrie au dĂ©but des annĂ©es 90. Encore, qu’à cette Ă©poque, la psychiatrie n’avait rien Ă  voir avec la psychiatrie actuelle en matiĂšre de moyens et de culture de pensĂ©e mais, aussi, de transmission.

 

GrossiĂšrement, aujourd’hui, je dirais que la psychiatrie telle qu’elle a pu ĂȘtre argumentĂ©e par Frantz Fanon, lors de la guerre d’AlgĂ©rie, avait Ă  voir avec l’antipsychiatrie. Il s’agissait alors de libĂ©rer les individus, ou de contribuer Ă  les aider Ă  se sortir de leur asservissement. A Marmottan, pour commencer, il s’agit d’essayer d’aider des personnes Ă  se sortir de leur asservissement Ă  certaines pratiques lorsque celles-ci sont devenues dangereuses pour leur santĂ©. Cet asservissement a une histoire. La rencontre avec cette pratique s’est faite Ă  un moment particulier de leur histoire.

Le mode relationnel que j’ai pu « voir Â» Ă  Marmottan entre patients et soignants Ă©tait diffĂ©rent de celui que j’avais pu connaĂźtre ailleurs. On n’était pas, on n’est ni potes, ni amis. Cependant, la distance entre le soignant et le patient est diffĂ©rente comparativement Ă  ce que j’ai pu connaĂźtre dans d’autres services de psychiatrie et de pĂ©dopsychiatrie. Et, je ne parle pas, ici, de l’absence de la blouse pour le soignant. Car j’avais dĂ©jĂ  connu l’expĂ©rience de l’absence de blouse en tant qu’infirmier.

Fille ou garçon de joie à Marmottan

 

Mais la façon de parler du traitement Ă  Marmottan avec le patient, de l’accompagner comme on dit, est diffĂ©rente. Peut-ĂȘtre que cela se faisait aussi un peu de cette façon dans la psychiatrie des annĂ©es 60 et 70. Lorsque la sociĂ©tĂ© Ă©tait diffĂ©rente ? Et que certains nouveaux neuroleptiques permettaient Ă  certains patients d’aller mieux ?

 

 

Mais on ne parle pas des mĂȘmes publics de patients. J’ai croisĂ© assez peu de patients psychotiques lors de mes quelques remplacements dans le service d’hospitalisation de Marmottan. Et, on ne s’adresse pas de la mĂȘme façon Ă  une personne non-psychotique mĂȘme si celle-ci rĂ©pĂšte des comportements extrĂȘmes du fait de ses addictions.

 

 

 

Un autre mot, depuis dĂ©cembre, revient par intermittences, lorsque je repense Ă  ce cinquantenaire de Marmottan. Et, cela, d’autant plus que je n’ai pas vu le visage ni le corps de son locuteur, apparu soudainement hors-champ, Ă  aucun moment prĂ©sent sur la scĂšne puis disparu aussi rapidement.

 

Et pourtant, cet homme Ă©tait  bien conscient de l’histoire de Marmottan comme porteur d’une partie de sa mĂ©moire. Le fait que cet homme, qui devait avoir dans les 70 ans, ait un accent antillais, a certainement eu sur moi un effet particulier. Celui d’un certain rĂ©veil de mes origines antillaises. Peut-ĂȘtre, mais je n’en suis pas sĂ»r, que ce mot sur lequel il a insistĂ© m’a autant parlĂ© parce-que, dedans, j’ai entendu du Gro-Ka, cette musique traditionnelle, trĂšs lointaine, rattachĂ©e Ă  la mĂ©moire de soi, Ă  la permanence d’une certaine vitalitĂ© malgrĂ© les trajectoires et qui a besoin de ça pour exister :

 

La Ferveur ( en cliquant sur le lien Ă  gauche, une vidĂ©o apparaĂźt).

 

Photo©Franck.Unimon

 

Franck Unimon, ce samedi 24 septembre 2022.

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Addictions

Au bĂątiment 21 avec Pierre Sabourin et Claude Orsel

Depuis le pont d’Argenteuil, ce 29 Mai 2022, au matin. Photo ©Franck.Unimon

 

              Au bĂątiment 21 avec Pierre Sabourin et Claude Orsel

 

La semaine derniĂšre, le groupe de Rap PNL (aucun rapport a priori avec la Programmation Neuro Linguistique )  a jouĂ© plusieurs jours de suite au Palais Omnisports de Bercy. AprĂšs avoir Ă©coutĂ© cinq titres de leur album Dans la LĂ©gende (sorti en 2016), j’ai changĂ© de Cd pour leur prĂ©fĂ©rer celui de Kool Shen, Sur le Fil du rasoir qui, bien que datĂ© (sorti Ă©galement en 2016), m’a offert deux titres que j’ai rĂ©Ă©coutĂ© :

Déclassé et Debout.

Auparavant, le titre Ska du Cap de Marion Canonge, sur son album Mitan (sorti en 2011) m’avait beaucoup parlĂ©. De mĂȘme que la sincĂ©ritĂ© Ă  peu prĂšs infaillible de Diam’s dans son album Brut de Femme (sorti en 2003) ainsi que dans ces quelques minutes que j’ai regardĂ©es de son interview rĂ©cente par le journaliste Augustin Trapenard Ă  propos de son documentaire sur sa carriĂšre et sa vie, projetĂ© cette annĂ©e au festival de Cannes, festival- prĂ©sidĂ© cette annĂ©e par l’acteur Vincent Lindon– qui s’est terminĂ© ce samedi 28 Mai.  

 

 

Mais, il m’a nĂ©anmoins fallu Ă©couter l’album solo du pianiste cubain Bebo ValdĂšs (sorti en 2005) – et peut-ĂȘtre aussi dĂ©buter la lecture de Notre corps ne ment jamais d’Alice Miller (paru en 2004)- pour me dĂ©cider Ă  raconter un peu le sĂ©minaire PsychothĂ©rapies, Psychanalyse et Addictions ( P.P.A) Transfert et Contre Transfert  proposĂ© un samedi ( ou deux ?) par mois  par Claude Orsel.

 

A moins que ce ne soit, tout simplement, le fait d’avoir discutĂ© la veille ou l’avant veille, avec un de mes cousins, dont l’ex beau-pĂšre a Ă©tĂ© condamnĂ©, Ă  plus de 60 ans, Ă  12 ans de prison, pour agression sexuelle sur l’une des filles de sa compagne. Cela fait deux ou trois fois, maintenant, qu’alors que nous discutons de tout autre chose, que mon cousin a “besoin” de faire allusion Ă   son ex-beau pĂšre, qui, dĂ©sormais, est en prison pour ces faits. Lui, qui se donnait en exemple. Mon cousin a du mal Ă  l’admettre, mais, plus de trente ans aprĂšs avoir atteint sa majoritĂ© et ĂȘtre parti vivre chez lui, il en veut encore Ă  son ex-beau pĂšre. Quelques annĂ©es plus tĂŽt, avant tout « Ă§a Â», avant cette condamnation, mon cousin m’avait un jour rĂ©pondu, sĂ»r de lui :

« Tout ça, c’est le passĂ© Â». Comme s’il avait tirĂ© un trait. Un trait ?! Le voici, le trait tirĂ© par mon cousin, cela fait deux ou trois fois, maintenant, en Ă  peu prĂšs deux ans, qu’il faut qu’il mentionne, Ă  un moment ou Ă  un autre, le fait que son ex beau-pĂšre est en prison


J’ai de quoi comprendre. J’ai Ă©tĂ©, lĂ , enfant, chez lui. Si son ex- beau-pĂšre avait toujours Ă©tĂ© gentil – ou indulgent plutĂŽt- avec moi, j’avais aussi Ă©tĂ© quelque peu tĂ©moin de certaines humiliations qu’il lui avait infligĂ©es. Et, j’ai au moins Ă  peu prĂšs un souvenir d’un jour oĂč mon cousin, Ă  dix ou douze ans, s’était dĂ©menĂ© pour se faire aimer de cet homme qui soufflait le chaud et le froid dans cette maison. Mais, moi, je n’étais pas directement concernĂ© par cette tyrannie. Et puis, ça me dispensait de celle de mon propre pĂšre, Ă  la maison, alors, je n’avais pas Ă  me plaindre
.

Rue de Rivoli, Paris, le 29 Mai 2022 vers 20h50. Photo ©Franck.Unimon

La derniĂšre fois que j’avais vu l’ex-beau pĂšre de mon cousin, c’était, par hasard, Ă  la DĂ©fense, il y a Ă  peu prĂšs dix ans. Il ne vivait plus avec ma tante, la mĂšre de mon cousin, depuis des annĂ©es. Il  allait bien. Il vivait avec quelqu’un d’autre. Peut-ĂȘtre avec celle dont la fille, ensuite, s’est plainte d’agressions sexuelles


 

L’invitĂ© de Claude Orsel, ce samedi 19 Mars 2022, c’était Pierre Sabourin. Son nom me disait quelque chose. Je savais que c’était quelqu’un d’important. Mais c’était flou.

 

Pierre Sabourin, psychiatre et psychanalyste, a cofondĂ©, il y a trente ans, le Centre des Buttes Chaumont. Dans ce centre, on reçoit des victimes d’inceste et on « s’occupe Â» des violences intrafamiliales et des thĂ©rapies familiales.

 

Inutile de dire que durant toute  mon enfance et mon adolescence, jamais les mots «psychiatre Â» et « psychanalyste Â» n’ont Ă©tĂ© prononcĂ©s devant moi par quelqu’un de la famille, ou un proche, faisant autoritĂ© ou d’à peu prĂšs respectĂ©. Au mieux, « la psychiatrie Â», ça allait avec la folie de celle ou de celui qui avait mal tournĂ©. Et c’était tout ce qui pouvait nous y attendre, Ă  la limite :

Nous retrouver du cĂŽtĂ© des fous. En quelque sorte ensorcelĂ©s par cette croyance, notre destin Ă©tait ainsi scellĂ©. Mais, chez moi, nous ne pensions pas Ă  la psychiatrie de toute façon. Ou alors, un peu en secret, plus tard, lorsque ma mĂšre Ă©voquerait le fait que mon pĂšre Ă©tait devenu fou au moment de partir faire son service militaire. Mais cela restait un mystĂšre. On pouvait donc devenir fou comme ça ou aprĂšs avoir Ă©tĂ© ensorcelĂ©. Comme on attrape un rhume
.

Dans l’hĂŽpital Ste Anne, Paris 14Ăšme, ce samedi 19 Mars 2022 au matin. ©Franck.Unimon

 

Ce samedi 19 mars 2022, un peu avant 9h30, pour assister Ă  ce sĂ©minaire Ă  l’hĂŽpital Ste Anne, Ă  Paris, dans le 14 Ăšme arrondissement, il y avait presque autant de monde qui attendait devant le bĂątiment 21 qu’au festival de Cannes ou avant un des concerts du groupe PNL.  

 

Il faisait neuf degrés. Il faisait donc, un peu frais.

 

Bien que Claude Orsel ait appelĂ© l’hĂŽpital, avant son arrivĂ©e, ce samedi matin, l’entrĂ©e du bĂątiment 21 Ă©tait toujours close Ă  notre arrivĂ©e.

 

Claude Orsel est nĂ© en 1937. Praticien depuis les annĂ©es 60, il est l’un des  pionniers, en France, dans le traitement des addictions. C’est seulement depuis deux ou trois ans, que j’ai commencĂ© Ă  rencontrer Claude Orsel. En cherchant Ă  me former aux addictions. En tant que soignant.

La premiĂšre fois que je me suis rendu aux sĂ©minaires qu’il organise, Monique Isambart est venue raconter son parcours ainsi que cette Ă©poque oĂč, avec Claude, et d’autres, ils s’étaient occupĂ©s de patients toxicomanes, Ă  l’Abbaye, en 1969, dans les beaux quartiers de St-Germain des PrĂ©s. Deux ans avant que Olivenstein ne crĂ©e Marmottan dans le 17Ăšme arrondissement. Je ne connaissais pas du tout l’Abbaye. Je connais un petit peu mieux Marmottan. J’y ai mĂȘme fait quelques remplacements en tant qu’infirmier. Marmottan a fĂȘtĂ© ses cinquante ans Ă  la Cigale en dĂ©cembre de l’annĂ©e derniĂšre. J’y Ă©tais mais je n’ai pas encore pris le temps d’en rendre vĂ©ritablement compte dans un article. ( pour patienter, on peut lire Les cinquante Temps de Marmottan). 

 

Ce samedi 19 Mars 2022,  j’ai Ă©tĂ© admiratif de voir comme Claude Orsel et Pierre Sabourin ont pris ce contretemps, dehors, avec lĂ©gĂšretĂ© ; discutant, attendant avec nous que l’on vienne nous ouvrir. Et, pour cela, se mettant au soleil avec nous pour se rĂ©chauffer un peu. Ils n’étaient pas Ă  ça prĂšs. A plus de 80 ans ! AprĂšs tant d’annĂ©es Ă  percevoir des histoires dans tous les sens mais aussi Ă  vivre des expĂ©riences cliniques de fond
.

 

Nous pouvons supposer que toutes les portes de ce bĂątiment auraient Ă©tĂ© ouvertes avant mĂȘme l’arrivĂ©e du groupe PNL ou de n’importe quelle vedette du festival de Cannes.  Nous pouvons aussi supposer que Claude Orsel et Pierre Sabourin ont dĂ» en rencontrer, des cĂ©lĂ©britĂ©s. Tant dans le monde du spectacle que de la clinique et de la pensĂ©e. Mais ce samedi 19 mars 2022, j’ai sĂ»rement Ă©tĂ© plus contrariĂ© que l’un et l’autre que l’on nous fasse autant attendre pour accĂ©der Ă  l’intĂ©rieur de ce bĂątiment. Eux deux semblent avoir Ă  peine remarquĂ© l’incongruitĂ© de notre « sort Â». Et puis, cela ne valait pas la peine de s’attarder sur ce genre de dĂ©tail.

 

Par terre, avant d’entrer dans ce bĂątiment 21, j’ai aperçu un article de Georg Simmel : Les grandes villes et la vie de l’esprit.

 

En tout, dans la salle, nous Ă©tions huit en incluant Claude Orsel. Quatre femmes et quatre hommes, dont une patiente de Claude Orsel. Ce n’est pas la premiĂšre fois qu’un patient ou une patiente de Claude Orsel vient assister Ă  ce sĂ©minaire. Je le souligne car je suis habituĂ©, dans mon travail, Ă  ce que patients et soignants soient sĂ©parĂ©s.

 

Pierre Sabourin et Claude Orsel se sont connus en TroisiĂšme et en Seconde. Pierre Sabourin a un ou deux ans de plus que Claude Orsel.

 

D’emblĂ©e, Pierre Sabourin, encore debout dans la salle, nous a interrogĂ© Ă  propos des transgenres. « C’est une question Ă  laquelle on n’est pas habituĂ© Â».

 

« J’ai envie de prendre un peu de testostĂ©rone Â» a pu dire une jeune patiente.

 

Le terme « maltraitance Â» n’existait pas dans le vocabulaire lorsque Claude Orsel et Pierre Sabourin faisaient leurs Ă©tudes de mĂ©decine.

 

Direct, voire assez directif, avec la volontĂ© sans doute de trancher afin d’aller Ă  l’essentiel, Pierre Sabourin nous recommande certains ouvrages :

 

La violence impensable, « Introuvable Â» nous dit Sabourin.

 

Quand la famille marche sur la tĂȘte qu’il a co-Ă©crit avec Martine Nisse, autre cofondatrice, avec lui, du Centre des Buttes Chaumont.

 

Sandor Ferenczi, un pionnier de la clinique

 

Puis, Sabourin nous recommande « trois livres sans complexe Â» :

 

Mort de honte, la BD m’a sauvĂ© dans lequel Serge Tisseron raconte son viol par sa mĂšre.

 

Le Consentement de Vanessa Springora.

 

La Familia Grande de Camille Kouchner.

 

AsniĂšres sur Seine, ce 29 Mai 2022, au matin. Photo©Franck.Unimon

 

 

Dans le Petit chaperon rouge de Charles Perrault, «  les loups les plus doucereux sont les plus dangereux Â» nous dit Sabourin. Mais, aussi, «  la menace de mort est toujours prĂ©sente dans les incestes Â» :

 L’auteur(e) de l’agression menace soit la victime de mort ou de se suicider si elle parle pour dĂ©noncer.

 

Sabourin Ă©voque « l’effet hypnotique Â» de la menace de mort sur les victimes. Et poursuit :

« Le mĂ©decin doit ĂȘtre le dĂ©fenseur de l’enfant Â». Le mĂ©decin a devoir de signalement s’il constate un danger pour l’enfant dans son entourage.

 

Sabourin parle de Marceline Gabel, ancienne secrétaire de Serge Lebovici, psychiatre et psychanalyste, décédé. Celle-ci a écrit des livres.

 

Il est fait mention du numĂ©ro 154 de la revue Coq-HĂ©ron (revue scientifique d’orientation psychanalytique crĂ©Ă©Ă© en 1969).

 

Sabourin recommande le livre Dans la maison de l’ogre- quand la famille maltraite ses enfants de Bernard Lempert, « Une merveille d’écriture Â» selon Pierre Sabourin.

 

Sabourin explique :

 

« L’absence d’amour entraĂźne l’absence de don qui amĂšne la dette Â».

 

Sabourin parle ensuite, chez la victime de « l’autosacrifice de sa propre intĂ©gritĂ© de pensĂ©e pour sauver ses parents Â».

 

Je dĂ©couvre que Sabourin connaĂźt trĂšs bien des cliniciens hongrois. Ainsi, il est capable de nous donner l’orthographe exacte de Boszormenyi-Nagy Ivan, psychiatre qui a Ă©crit l’ouvrage Invisible Loyalties.

 

Sabourin recommande de relire :

 

 SĂĄndor Ferenczi, un pionnier de la clinique 

 

Totem et Tabou de Freud

 

« La loi de Lacan, c’est la loi du langage Â» nous dit Sabourin. « On fait appel Ă  la police quand la loi symbolique n’a plus d’effet Â».

 

Sabourin nous recommande la lecture de Le Petit homme-coq de SĂĄndor Ferenczi.

 

Est-ce en parlant de Le Petit homme-coq de Ferenczi et/ou de Le petit Hans de Freud que Sabourin parle « d’identification Ă  l’agresseur Â» ?

 

Il est demandĂ© Ă  Sabourin quels sont quelques uns des signes qui peuvent faire penser qu’un enfant a Ă©tĂ© abusĂ©. La rĂ©ponse de Sabourin :

 

Lorsque l’enfant se masturbe tout le temps, tape, frappe, tripote les gens…

 

 

Un dessin d’enfant peut ĂȘtre une preuve clinique et peut ĂȘtre envoyĂ© au procureur.

 

Autrefois, l’enfant Ă©tait le « domaine Â» de la femme et de la mĂšre. Il y avait une grande importance de la nounou.

 

« Le silence structure les familles Â» nous dit Sabourin. « Du ciment dans lequel on met les pieds ? Â» remarque une des participantes du sĂ©minaire.

 

 

«  La Terre a marchĂ© sur un certain nombre de mensonges Â» nous dit Claude Orsel.

 

Sabourin nous recommande l’ouvrage Le MystĂšre Freud, psychanalyse et violence familiale de Giovanna Stoll et Maurice Hurni, aux Ă©ditions L’Harmattan.

 

 

Sur le site de la sĂ©curitĂ© sociale, depuis quelques mois, une attention est portĂ©e en matiĂšre de prĂ©vention sur les 1000 premiers jours de l’enfant est-il dit lors de ce sĂ©minaire.

 

« La haine de l’amour Â». Cette expression est employĂ©e par quelqu’un toujours lors de ce sĂ©minaire mais j’ai oubliĂ© l’auteur(e) de cette expression. 

J’ai parlĂ© de l’artiste et chanteuse rĂ©unionnaise, Ann O’Aro, abusĂ©e par son pĂšre et qui en parle dans son premier album ( Ann O’Aro). Quelques personnes ont pris ses “rĂ©fĂ©rences”. 

Cependant, je ne connaissais aucun des ouvrages citĂ©s par Sabourin. Et n’en n’avais, et n’en n’ai encore lu aucun. Je connaissais Ferenczi, Freud et Tisseron de nom. J’ai peut-ĂȘtre lu un ouvrage  ou deux de Tisseron

Sabourin m’a toutefois confirmĂ© que le livre Le Berceau des dominations de Dorothee Dussy, livre dont j’avais entendu parler rĂ©cemment, et que je venais de commander, est Ă  lire.

Sabourin me confirme aussi que, souvent, lorsque des professionnels de la SantĂ© se retrouvent face Ă  une situation d’inceste qu’ils se demandent en quelque sorte :

“Pourquoi, c’est tombĂ© sur moi ?!”. Tant ces professionnels peuvent ĂȘtre dĂ©semparĂ©s devant ce genre de situation. Je ne me sens pas particuliĂšrement Ă  l’aise, personnellement, devant des situations d’inceste que je pourrais rencontrer au travail. 

L’inceste ( au mĂȘme titre, sans doute, que la pĂ©dophilie, mais pour d’autres raisons) est une “particularitĂ©” de la clinique qui peut dĂ©sarmer ou Ă©garer bien des professionnels de la SantĂ©. 

Je comprends que la pratique d’un Pierre Sabourin ou d’un Claude Orsel repose, aussi, sur un armement intellectuel « lourd Â». Armement ou ossature dont je suis dĂ©pourvu, contrairement sans aucun doute Ă  plusieurs des autres participantes et participants de ce sĂ©minaire. Sur les 8 personnes prĂ©sentes ce samedi 19 Mars 2022, 6 sont des thĂ©rapeutes (psychothĂ©rapeutes, psychanalystes, psychiatres), 1 est une patiente. Je suis infirmier en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie. Je lis mais assez peu ces ouvrages citĂ©s par Sabourin. Et je ne suis pas formĂ© Ă  la psychanalyse. 

 

Il faudrait aussi parler de la moyenne d’ñge des participantes et participants. J’aurai 54 ans, cette annĂ©e. L’ensemble des participantes et participants m’a semblĂ© plus ĂągĂ© que moi en moyenne de quelques annĂ©es. Certaines des participantes connaissent Claude Orsel depuis vingt, trente ans, voire davantage.

 

La psychanalyse, un peu comme l’AĂŻkido, a perdu de sa reconnaissance mĂ©diatique. Son nombre d’adhĂ©rents diminue. En plus, il s’agit d’une discipline difficile Ă  « maitriser Â» comme Ă  intellectualiser.

Il lui est prĂ©fĂ©rĂ© des « protocoles Â» ou des techniques prĂ©sentĂ©es comme plus rapides Ă  utiliser, plus efficaces et aux rĂ©sultats plus concrets.

Je sais que lire et la thĂ©orie ne font pas tout. On peut ĂȘtre trĂšs « bon Â» en thĂ©orie ou pour un travail administratif. Et ĂȘtre complĂštement inadĂ©quat pour la pratique. Pourtant, lorsque la psychanalyse est servie par des personnes comme Pierre Sabourin ou Claude Orsel, il me semble plus difficile de la contredire ou de la dĂ©shĂ©riter.

 

Le prochain sĂ©minaire proposĂ© par Claude Orsel se dĂ©roulera ce samedi 4 juin 2022 avec Patrick Declerck qui vient d’écrire Sniper en Arizona.

 

J’aurais d’autant plus voulu ĂȘtre prĂ©sent que Patrick Declerck – formĂ© Ă  la psychanalyse- avait donnĂ© un cours Ă  ma promotion. Il me reste des souvenirs de son intervention. C’Ă©tait il y a plus de trente ans. A la fin des annĂ©es 80, en pleine Ă©pidĂ©mie du Sida, Ă  l’Ă©poque oĂč François Mitterand Ă©tait PrĂ©sident de la RĂ©publique. L’hĂŽpital de Nanterre s’appelait peut-ĂȘtre encore la maison de Nanterre. 

 

Mais je serai en stage avec mon club d’apnĂ©e, ce samedi 4 juin.

Rue de Rivoli, Paris, 30 avril 2022. Photo ©Franck.Unimon

 

Franck Unimon, ce mercredi 1er juin 2022.

 

 

 

 

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Addictions

Les cinquante Temps de Marmottan

A la Cigale, décembre 2021.

 

Les Cinquante Temps de Marmottan

 

 

 

C’est venu avec le temps.

 

 

De temps Ă  autre, dans une Ɠuvre ou parce-que nous sommes les porte-frontiĂšres d’une certaine « curiositĂ© Â», nous parviennent quelques informations sur des systĂšmes et des planĂštes Ă©loignĂ©es. Des endroits et des histoires survenues avant nous, qui nous survivront, et oĂč nous n’avons pas le souvenir ou l’expĂ©rience d’avoir jamais mis les pieds.

 

Nous entendons alors parler de cycles, de satellites en orbite, de révolutions autour du soleil, de conditions particuliÚres et hors normes qui seraient pour nous, les communs des mortels, impossibles à vivre ou à approcher.

 

A moins de l’imaginer.

 

Marmottan m’a peut-ĂȘtre fait cet effet-lĂ . Parce-que je ne savais pas ce que je savais. Parce-que, pour savoir, il faut partir  un peu de soi.

 

Partir un peu de soi : Qui est Marmottan ?

 

 

Marmottan a fĂȘtĂ© ses cinquante ans l’annĂ©e derniĂšre, en dĂ©cembre 2021.

 

 

Qui est Marmottan ?

 

Pendant des annĂ©es, pour moi, Marmottan Ă©tait un personnage Ă  part entiĂšre de l’Histoire de la Psychiatrie.

 

C’était aussi un nom : Olivenstein.

 

Un texte écrit par un patient de Marmottan, visible à Marmottan lors des journées portes ouvertes qui ont suivi le cinquantenaire à la Cigale.

 

Lorsque j’ai commencĂ© Ă  travailler de maniĂšre Ă©tablie en psychiatrie Ă  Pontoise, en 1992-1993, Olivenstein Ă©tait encore vivant.

 

Infirmier DiplĂŽmĂ© d’Etat en 1989, en 1992, j’avais dĂ©cidĂ© de rompre avec les services de soins gĂ©nĂ©raux (mĂ©decine, chirurgie
) ainsi qu’avec une certaine culpabilitĂ© de les quitter.

 

Parce qu’ĂȘtre un vĂ©ritable infirmier, cela consistait Ă  se rendre utile dans les services de soins gĂ©nĂ©raux. A  ĂȘtre capable de performer, de faire et de rĂ©pĂ©ter quelque chose de concret et d’immĂ©diatement vĂ©rifiable :

 

Poser des perfusions, poser des sondes urinaires, faire des pansements et des prises de sang.  Transfuser. Faire, poser, reproduire.  Surveiller. RĂ©aliser les prescriptions.

Mais aussi : se taire. Suivre. Subir. ExĂ©cuter. ObĂ©ir.

 

AprĂšs trois annĂ©es de tentatives variĂ©es dans les services de soins gĂ©nĂ©raux ou soins somatiques, par intĂ©rim, ou par vacations, jusqu’à Margate, en Angleterre, durant pendant un mois,  la psychiatrie adulte avait fini par rĂ©apparaĂźtre, de façon idĂ©alisĂ©e, comme Ă©tant plutĂŽt l’opposĂ©.

 

Comme une expĂ©rience qui m’avait plu.

 

En psychiatrie, j’avais le sentiment d’ĂȘtre moi-mĂȘme. De me rĂ©unifier. De me retrouver. De me reconstituer. De me dĂ©couvrir. Et cela m’étonnait que ce mĂ©tier d’infirmier qui, depuis ma formation, avait sans scrupules piĂ©tinĂ© mes thĂ©ories de lycĂ©en pour me dĂ©charger  dans la benne du monde du travail et de celui des adultes devienne
.agrĂ©able. Tant dans mes relations avec les patients qu’avec plusieurs de mes collĂšgues plus ĂągĂ©s et majoritairement diplĂŽmĂ©s en soins psychiatriques.

 

Ma rencontre avec ce service de psychiatrie adulte en tant qu’infirmier, alors que j’avais 24 ans, a selon moi dĂ©cidĂ© de la continuitĂ© de ma carriĂšre. Je crois encore que sans cette expĂ©rience en tant qu’infirmier, dans ce service de psychiatrie adulte oĂč j’avais effectuĂ© un stage lors de ma troisiĂšme annĂ©e d’étude d’infirmier, que j’aurais trouvĂ© en moi la ressource de changer de mĂ©tier.

 

 

Aujourd’hui, en 2022, certaines personnes ont « besoin Â» d’un livre comme Les Fossoyeurs de Victor Castanet pour apprendre que les conditions de travail dans les Ă©tablissements de santĂ© peuvent ĂȘtre de plus en plus Ă©pouvantables. Alors que pour moi, dĂšs mes Ă©tudes d’infirmier entre 1986 et 1989, le travail d’un infirmier dans les services d’hospitalisation de soins gĂ©nĂ©raux s’apparentait dĂ©jĂ  beaucoup Ă  du travail Ă  la chaine, comme sur les chaines de montage dans une usine.

 

On peut aimer « Ă§a Â»  par tempĂ©rament ou Ă  un moment de sa vie personnelle et professionnelle. Lorsque l’on aime ou que l’on veut que « Ă§a bouge Â». Lorsque l’on ne supporte pas d’ĂȘtre lĂ  Ă  « rien faire Â».

 

Sachant que pour certains, le fait d’écouter et de penser ; ou d’apprendre Ă  penser par soi-mĂȘme ou de prendre du temps face Ă  quelqu’un d’autre qui se comporte ou se prĂ©sente de maniĂšre « Ă©trange», « bizarre Â», « anormale Â», « incomprĂ©hensible Â» voire « dangereuse Â» pour lui mĂȘme ou pour autrui, c’est ne « rien faire Â».

 

 

Un DJ dĂ©cĂ©dĂ© l’annĂ©e derniĂšre ou l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, a Ă©crit dans un livre quelque chose comme : «  En fait, j’ai commencĂ© Ă  dĂ©tester tout ce qui pouvait m’empĂȘcher ou empĂȘcher de danser Â».

 

HĂ© bien, pour ma part, j’ai commencĂ© Ă  travailler en psychiatrie et eu besoin d’y travailler car, Ă  24 ans, j’avais commencĂ© Ă  dĂ©tester tout ce qui pouvait m’empĂȘcher de penser. Sauf qu’alors, je ne pouvais pas l’exprimer de cette maniĂšre. Il n’y a qu’aujourd’hui que je peux l’écrire comme ça. Presque trente ans plus tard. C’est venu avec le temps.

 

 

Un certain apprentissage de la psychiatrie et de la Santé Mentale

 

 

Au lycĂ©e, j’aimais apprendre. J’aimais aussi comprendre ce que j’apprenais. Le par cƓur sans comprĂ©hension de ce que j’apprenais m’était insupportable y compris lorsque je le voyais chez les autres.

 

Mes Ă©tudes d’infirmier en soins gĂ©nĂ©raux ont Ă©tĂ© trĂšs Ă©prouvantes. Intellectuellement, je trouvais assez peu mon compte. Ni en stage, ni lors des cours thĂ©oriques. Et je devais apprendre des notions mĂ©dicales vers lesquelles, spontanĂ©ment, je ne serais jamais allĂ©. Mais impossible de faire autrement car, pour pouvoir protĂ©ger et sauver des vies, il faut bien apprendre certaines notions de l’anatomie et de la physiologie. Et, pour me sauver de la dĂ©chĂ©ance du chĂŽmage et gagner ma vie, il me fallait trouver un emploi.

 

J’ai donc dĂ» ingurgiter des connaissances par cƓur durant ces Ă©tudes d’infirmier. Des  connaissances dont nos propres monitrices nous ont dit un jour que nous n’en retiendrions qu’à peu prĂšs « dix pour cent Â». Fort heureusement, j’ai rencontrĂ© dans mon Ă©cole d’infirmiĂšres des personnes qui, humainement, m’ont fait du bien. Dont une amie avec laquelle je suis toujours en contact.

 

J’ai appris Ă  travailler en psychiatrie en partant de moi. En vivant des situations. En regardant et en Ă©coutant faire. En me trouvant des modĂšles parmi mes collĂšgues. En discutant avec des collĂšgues en lesquels j’avais confiance. En les interrogeant. En gambergeant. En faisant des erreurs et en m’en rappelant. En lisant certaines fois Ă  droite ou Ă  gauche. Mais pas toujours des ouvrages ou des articles rĂ©servĂ©s Ă  la psychiatrie. 

 

Je n’ai pas appris la psychiatrie par cƓur.  Et j’ai beaucoup de mal avec ces professionnels capables de vous rĂ©citer par cƓur certaines thĂ©ories psychanalytiques et autres, si, par ailleurs, je les trouve ou les pressens « mauvais Â» en situation clinique.

 

Mais il y a bien évidemment certaines connaissances théoriques et autres à mémoriser. Que ce soit concernant certains effets possibles des traitements ou à propos de certaines attitudes à savoir éviter ou à développer en soi.

 

Entendre parler de Marmottan

 

J’ai appris des autres. Et je continue d’apprendre des autres chaque fois que c’est possible.

C’est comme cela que j’ai entendu parler de Marmottan, je pense, dans les annĂ©es 90. J’avais entendu parler de Francis Curtet au collĂšge, en 3Ăšme, par ma prof de Français. Mais je n’avais pas retenu qu’il avait un rapport avec Marmottan.

 

Marmottan, pour moi, faisait partie de ces services emblématiques de la psychiatrie en France. Avec le CPOA, la clinique de La Borde, les UMD


 

Et lorsque j’écris « emblĂ©matiques Â», cela signifie que ces endroits se distinguaient des services de psychiatrie traditionnels. Il s’y dĂ©roulait quelque chose de particulier. D’assez hors norme. Je croyais mĂȘme que Marmottan Ă©tait en quelque sorte un hĂŽpital Ă  lui tout seul. Et le savoir me suffisait et m’a suffi pendant longtemps.

 

Jamais, dans les annĂ©es 90, je n’ai fait la moindre dĂ©marche afin d’en savoir plus sur Marmottan, situĂ© rue ArmaillĂ©, pas trĂšs loin des Champs ElysĂ©es oĂč je pouvais me rendre assez facilement. Ne serait-ce que pour aller au cinĂ©ma ou pour me rendre au Virgin Megastore qui existait encore.

 

Aujourd’hui, je crois avoir choisi d’aller travailler en psychiatrie pour ne pas devenir fou. Mais, aussi, pour mieux comprendre ma propre folie. Et mieux comprendre d’oĂč elle venait. Certains ont peur d’aller travailler en psychiatrie pensant que cela va les perturber irrĂ©mĂ©diablement. Et cela peut en effet perturber, ou plutĂŽt dĂ©stabiliser, la conscience comme les connaissances que l’on a de soi que d’aller travailler dans un service de psychiatrie :

A Marmottan, lors de la journée Portes Ouvertes.

Nos certitudes, nos croyances, nos apparences, aussi, peuvent se retrouver contestĂ©es ou abattues face aux divers miroirs de la psychiatrie. Surtout lorsque l’on ne « fait rien Â» et qu’il devient plus difficile de se fuir, et de fuir nos propres pensĂ©es, Ă©motions et sentiments, dans une certaine activitĂ© frĂ©nĂ©tique. Il  peut ĂȘtre  plus facile de couler dans du mouvement certaines Ă©motions et certaines pensĂ©es plutĂŽt que de les laisser remonter jusqu’Ă  affluer Ă  la surface de soi. Surtout si l’on a une image et une de soi monstrueuse ou dĂ©sastreuse.

 

Et, aujourd’hui, je crois avoir dĂ©cidĂ©, Ă  un moment donnĂ©, d’avoir tentĂ© de travailler Ă  Marmottan parce-qu’il y a des annĂ©es que je crois que, de mĂȘme que j’aurais pu ĂȘtre un psychotique hospitalisĂ© en psychiatrie, j’aurais aussi pu devenir une personne dĂ©pendante Ă  des substances. Mon histoire personnelle, selon mes croyances, aurait pu me faire converger vers ce genre d’état. Or, Ă  ce jour, mĂȘme si j’ai pu redouter de devenir addict Ă  des substances, plus que de devenir psychotique, cela n’est pas arrivĂ©.

 

J’ai cĂŽtoyĂ© et rencontrĂ© des personnes qui ont connu des dĂ©pendances dĂšs l’enfance (l’alcoolisme d’un oncle plutĂŽt bien tolĂ©rĂ© dans la famille ) puis ensuite Ă  l’adolescence et adulte. Des personnes dont j’ai pu ĂȘtre proche (une ex qui avait besoin de fumer cinq Ă  dix joints par jour) ou moins. Cependant, j’étais le « SuĂ©dois Â» de service comme m’avait affectueusement surnommĂ© un ami infirmier psy, ancien hĂ©roĂŻnomane, et assez portĂ© sur la boisson festive. Sobre, dans la maitrise ou le contrĂŽle permanent selon l’analyse que l’on en fait.

 

Sobre, oui, en ce qui concerne les substances. Mais pas pour d’autres addictions.

 

 

Addictions sans substance

 

 

Lorsque j’ai postulĂ© pour travailler Ă  Marmottan, j’étais sĂ»r de moi. J’allais ĂȘtre pris. J’avais des annĂ©es d’expĂ©rience en psychiatrie adulte et en pĂ©dopsychiatrie. J’étais un homme. Et je savais, pour ĂȘtre passĂ© auparavant Ă  Marmottan et y avoir discutĂ© avec certains professionnels qui y travaillaient alors,  qu’il n’était pas nĂ©cessaire d’avoir une expĂ©rience en tant que consommateur de substances ou en addictologie pour y ĂȘtre embauchĂ© comme infirmier. Marmottan recrutait des profils divers. Cependant, il y avait des rĂšgles trĂšs strictes Ă  Marmottan sur certains sujets.

 

Tout comportement violent ou considĂ©rĂ© inacceptable ( relations sexuelles…) , toute consommation de substance dans le service ou tout propos homophobe vaudrait exclusion de ce service ouvert. Cela me convenait.

 

Pourtant, je n’ai pas Ă©tĂ© retenu pour le poste. De mon entretien, dans la bibliothĂšque, face Ă  deux mĂ©decins et Ă  la cadre de pole d’alors, je me rappelle entre-autres de cette question posĂ©e par Mario Blaise, dĂ©jĂ  mĂ©decin chef de Marmottan :

 

« Avez-vous des addictions ? Â».

Paris, le magasin Printemps, ce mardi 2 mars 2022 vers 21h.

 

Pour toute personne un peu formĂ©e ou sensibilisĂ©e aux addictions, c’est une question banale. Comme demander l’heure Ă  quelqu’un. La rĂ©ponse est facile.

 

Pourtant, j’ai rĂ©pondu “superbement” :

 

« Non, je n’ai pas d’addictions ! Â». J’étais sĂ»r de moi. Bien qu’un peu dĂ©contenancĂ©, et aussi un peu mal Ă  l’aise, j’étais sĂ»r de moi. Je n’avais pas d’addictions. Pas de ça avec moi ! J’étais le “SuĂ©dois”. Celui qui, au milieu de personnes dans un Ă©tat d’ébriĂ©tĂ© avancĂ©, ou qui, face Ă  quelqu’un qui fumait son joint, ne se sentait pas incommodĂ©. Celui qui ne faisait pas de cauchemars aprĂšs avoir « frayĂ© Â» avec des patients psychotiques
.

 

Paris, fin février 2022.

 

Pour moi, addictions rimait encore exclusivement, consciemment, avec les substances. J’avais pourtant bien compris que, dans ma propre vie, certaines situations contraignantes ou douloureuses avaient pu se rĂ©pĂ©ter ou pouvaient encore se rĂ©pĂ©ter sans que je parvienne vĂ©ritablement Ă  m’en dĂ©barrasser. Mais je n’avais pas encore fait le rapprochement. Pour moi, Ă  ce moment-lĂ , les addictions avaient plus Ă  voir avec leur forme la plus visible physiquement mais aussi la plus renommĂ©e et la plus condamnĂ©e moralement et pĂ©nalement :

 

Les addictions avec substances.

On a peut-ĂȘtre du mal Ă  lire, mais dans cet article, Olivenstein dĂ©monte le film ” Moi, Christiane F…”. Il en veut en particulier au fait d’avoir choisi David Bowie pour jouer dans le film. Car celui-ci, en tant que Rock star, valorise/hĂ©roĂŻse la consommation de substances. ( A Marmottan, Ă©galement lors des journĂ©es portes ouvertes).

 

 

Cette nuit encore, alors que  je finissais d’Ă©couter un podcast dans lequel tĂ©moigne une jeune Française qui, sous l’effet d’une radicalisation islamiste, est partie vivre dans l’Etat Islamique en Syrie en 2013, ma bĂ©vue m’est Ă  nouveau apparue Ă©vidente. Lorsque celle-ci a parlĂ© de “cage”. Cette jeune femme, dans ce podcast qui comporte quatre Ă©pisodes, raconte comment, pour elle, partir en Syrie, avait d’abord Ă©tĂ© un moyen de quitter la cage dans laquelle elle se trouvait dans sa famille. En espĂ©rant trouver mieux ailleurs. En rencontrant quelqu’un, Ă  un moment donnĂ© de sa vie, qui lui a promis le meilleur en Syrie en venant vivre dans l’Etat Islamique. Cette rencontre aurait pu ĂȘtre un proxĂ©nĂšte, une mĂšre maquerelle, un dealer. Pour elle, cette rencontre a Ă©tĂ© une personne qui l’a sĂ©duite. Cela a Ă©tĂ© rapide et facile.

 

Car elle Ă©tait “disponible” pour ce genre de rencontre Ă  cette pĂ©riode de sa vie.  Parce-que cette croyance idĂ©ologique collait bien, Ă  cette pĂ©riode de sa vie,  avec son patrimoine personnel et culturel. Et que cette croyance idĂ©ologique, mais aussi cette fuite en Syrie, lui apparaissaient ĂȘtre la bonne dĂ©cision.

Cette jeune femme, devenue mĂšre en Syrie est revenue en France six ans plus tard ( en 2019). Et  s’est officiellement dĂ©tournĂ©e de cette croyance islamiste. Elle a pu dire qu’en quittant la France et sa famille, elle avait finalement quittĂ© une cage pour une autre cage. Mais aussi que partir de chez ses parents Ă©tait la “bonne dĂ©cision” mais que la destination choisie Ă©tait “mauvaise”. Elle s’en est rendue compte une fois sur place, en Syrie. 

 Je me suis dit que c’est exactement ce qui peut se passer pour une personne dĂ©pendante avec une substance. MĂȘme si on peut chercher une substance avant tout pour le plaisir. Le mot plaisir a Ă©tĂ© prononcĂ© lors du cinquentenaire de Marmottan.  

Au dĂ©but, c’est trĂšs bien, c’est merveilleux, c’est exceptionnel, on vibre. La suite est moins agrĂ©able. Rencontre. PersonnalitĂ©. Cage. On peut remplacer le produit par une croyance ou par une pratique lorsque l’on parle d’addiction. 

 

Il y a sĂ»rement d’autres raisons que mon “incapacitĂ©” Ă  rĂ©pondre favorablement Ă  cette question sur “mes” Ă©ventuelles addictions pour expliquer mon Ă©chec Ă  cet entretien lorsque j’ai postulĂ© pour Marmottan. Comme le simple fait d’avoir envie ou non de travailler avec moi ou de se sentir Ă  l’aise en ma prĂ©sence. Mais mon ignorance hardie, bien qu’assumĂ©e car j’ai ouvertement dit que je ne connaissais pas grand chose dans le domaine des addictions, m’a peu aidĂ© Ă  convaincre de m’embaucher. Puis, par la suite, devant ces Ă©checs ( j’ai postulĂ© trois fois), j’ai dĂ©veloppĂ© une ambivalence Ă  l’idĂ©e de travailler Ă  Marmottan. Peut-ĂȘtre une ambivalence qui peut se retrouver chez toute personne envers son addiction.

 Chaque fois que je suis retournĂ© travailler en remplacement Ă  Marmottan, je m’apercevais que je me sentais suffisamment appropriĂ© : je ne regardais pas ma montre en Ă©tant pressĂ© que ça se termine. Tout en sachant que j’avais beaucoup Ă  apprendre. Je m’y sentais suffisamment bien. Pourtant, il m’est aussi arrivĂ© de me dire que ce n’Ă©tait pas pour moi. Que je n’Ă©tais peut-ĂȘtre pas fait pour y travailler. Que j’allais me faire rouler dans la farine. Ou que je ne saurais pas conseiller ou accompagner comme il se devait certains patients. Que je ne saurais pas leur rĂ©pondre.

 

 

Marmottan, le service spécialisé dans le traitement des addictions

 

 

J’ai nĂ©anmoins eu la chance de venir faire des remplacements, avant et aprĂšs ma postulation Ă  Marmottan, Ă  peu prĂšs une quinzaine de fois en tant qu’infirmier. Et, lorsque j’écris Marmottan, car il faut le prĂ©ciser, je parle bien-sĂ»r du service spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions.

 

Parce-que si le service spĂ©cialisĂ© (hospitalisation et accueil) dans les addictions est connu sous le nom de Marmottan, Marmottan est aussi un endroit oĂč se trouvent un CMP pour patients adultes oĂč se trouve une consultation pour adultes pĂ©dophiles. Ainsi qu’un hĂŽpital de jour de psychiatrie adulte. Deux services (le CMP et l’hĂŽpital de jour) qui sont indĂ©pendants du service consacrĂ© au traitement des addictions. MĂȘme si ces deux services (le CMP adulte et l’hĂŽpital de jour) sont aussi situĂ©s dans le mĂȘme bĂątiment, rue ArmaillĂ© dans le 17 Ăšme arrondissement de Paris.

 

Il  y a aussi le musĂ©e Marmottan qui se trouve Ă  cĂŽtĂ©. Un musĂ©e bien rĂ©fĂ©rencĂ© que l’on peut visiter et qui n’a rien Ă  voir avec le service.

 

Le Marmottan dont je parle, initialement, faisait partie de l’hĂŽpital psychiatrique Perray-Vaucluse. HĂŽpital par lequel j’ai Ă©tĂ© recrutĂ© en juillet 2009. C’est Ă  cette occasion que j’ai compris que « le Â» Marmottan dont j’avais entendu parler depuis des annĂ©es Ă©tait un service. Et que ce service faisait partie du mĂȘme hĂŽpital que celui qui m’employait.

 

Lorsque l’on parlait de grands Ă©tablissements psychiatriques en rĂ©gion parisienne, les Ă©tablissements hospitaliers auxquels je pensais principalement  Ă©taient :

 

Maison Blanche ; Ville-Evrard ;  Ste-Anne ; Voire Villejuif ou Paul Guiraud. 

 

J’ai dĂ©couvert l’existence du groupe hospitalier psychiatrique Perray-Vaucluse tardivement. Et par hasard. Vers la fin des annĂ©es 2000. Il y a une explication gĂ©ographique Ă  cette ignorance. L’Etablissement Perray-Vaucluse est situĂ© dans l’Essonne. Soit dans un dĂ©partement oĂč je n’ai jamais eu d’attache ou de domiciliation. Puis mon ignorance culturelle, comme celle de mes collĂšgues, de la Psychiatrie a fait le reste.  J’ai connu la psychiatrie de Pontoise parce-que j’habitais Ă  Cergy Pontoise durant mes Ă©tudes d’infirmier et que j’y rĂ©sidais encore lorsque j’avais commencĂ© Ă  y travailler en psychiatrie adulte.

 

L’hĂŽpital psychiatrique Perray-Vaucluse, comme les autres, est au moins centenaire. AbsorbĂ© par Maison Blanche il y a quelques annĂ©es, il fait dĂ©sormais partie du GHU Paris Ste Anne qui comporte la fusion des Ă©tablissements Perray-Vaucluse, Maison Blanche et Ste Anne. Soit un ensemble de services intra-hospitaliers mais aussi extra-hospitaliers de santĂ© mentale ( psychiatrie adulte, addictions, soins gĂ©nĂ©raux ou somatiques, pĂ©dopsychiatrie
).

 

A la Cigale, lors du centenaire de Marmottan. Assis, Ă  gauche, le Dr Mario Blaise, chef du PĂŽle Marmottan-La Terrasse, GHU Paris. Sur sa droite, un des praticiens de Marmottan, le Dr Bertrand. Tout au bout Ă  droite, un des anciens praticiens de Marmottan, Aram Kavciyan, dĂ©sormais psychiatre chef du service d’addictologie au CH de Montfavet depuis des annĂ©es. Je crois que la personne debout en train de parler est une accueillante de Marmottan. J’ai oubliĂ© la fonction de la dame assise.

 

Marmottan/ Olivenstein/ Personnalité/ Antipsychiatrie

 

 

Marmottan a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 1971, par Claude Olivenstein. Lors du cinquentenaire, j’ai appris qu’il y avait deux ou trois autres mĂ©decins avec lui pour fonder Ă  Marmottan le service spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions. Mais lorsque l’on dit Marmottan, encore aujourd’hui, pour beaucoup d’un certain Ăąge, on pense aussitĂŽt : Olivenstein.  

 

Son nom et une partie de sa mĂ©moire -comme de sa prĂ©sence- habitent encore l’endroit pour le peu que j’ai entrevu. MĂȘme si, aprĂšs lui, Marc Valleur a pris sa suite et a, depuis, transmis le relais Ă  Mario Blaise.  

 

A la Cigale, Ă  gauche, Mario Blaise, chef du PĂŽle Marmottan-La Terrasse, GHU Paris. A sa droite, le Dr Marc Valleur, le prĂ©cĂ©dent mĂ©decin chef de Marmottan-La Terrasse qui continue de consulter Ă  Marmottan. Jan Kounen, rĂ©alisateur, venu, entre-autres, parler de son expĂ©rience de l’Ayahuesca. Tout Ă  droite, l’alpiniste Marc Batard venu parler de son addiction aux sommets.

 

 

Le service Marmottan, spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions, a une personnalitĂ© que j’ai rarement trouvĂ©e ailleurs. Par personnalitĂ©, je pense Ă  une volontĂ© assez farouche de maintenir son autonomie et/ ou son indĂ©pendance de pensĂ©e, de façon de travailler, qui tranche avec cette façon assez unanime qu’ont eu les services de psychiatrie- que je connais- de s’aligner sur les diffĂ©rents diktats imposĂ©s ces vingt derniĂšres annĂ©es en matiĂšre de soin et de façon de soigner. Ou de transmettre. Par exemple, alors que depuis une bonne dizaine d’annĂ©es maintenant, la majoritĂ© des services de santĂ© mentale – et autres- Ă©crivent leurs transmissions et leurs prescriptions sur ordinateur, Ă  Marmottan, on Ă©crivait- et on Ă©crit sans doute encore- les transmissions comme les prescriptions mĂ©dicales sur papier.

 

 

Bien-sûr, mes principaux repÚres de comparaison sont ici sont ceux de la psychiatrie que je connais.

La psychiatrie que je connais en rĂ©gion parisienne telle qu’elle se pratique aujourd’hui dans la plupart des services est trĂšs diffĂ©rente de celle qui est Ă©tait pratiquĂ©e il y a encore vingt ou trente ans. Par bien des aspects, la psychiatrie d’aujourd’hui a dĂ©figurĂ© ce qui se faisait de « bien Â» il y a vingt ou trente ans. Moins de moyens, moins de personnels, plus d’heures de travail
plus d’informatique


 

L’ouvrage de Victor Castanet, Les Fossoyeurs qui a fait l’actualitĂ© il y a quelques semaines, avant d’ĂȘtre dĂ©passĂ© par l’actualitĂ© de l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie « de Â» Vladimir Poutine, scrute, si j’ai bien retenu, les conditions de travail dans les EHPAD. Malheureusement, sous d’autres formes, les conditions de travail en psychiatrie publique se sont aussi dĂ©tĂ©riorĂ©es puisqu’elles doivent dĂ©sormais se calquer sur le modĂšle du privĂ©. Et le peu que j’ai vu dans deux cliniques de psychiatrie adulte il y a une dizaine d’annĂ©es, lorsque j’y avais effectuĂ© des vacations, ne m’a pas donnĂ© envie d’y postuler.

 

 

Aussi, lorsque durant le cinquantenaire de Marmottan, en dĂ©cembre, le mot « Antipsychiatrie Â» a Ă©tĂ© prononcĂ© par un ou une des intervenants, il m’est tout de suite apparu Ă©vident que cela expliquait en partie l’une des raisons pour lesquelles Marmottan, le service des addictions, dĂ©tonait et dĂ©tone encore dans le milieu de la SantĂ© Mentale.

 

D’une part parce que le travail qui s’effectue dans un service spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions se distingue du travail effectuĂ© dans un service de psychiatrie. Mais aussi parce qu’il s’y pratique un certain esprit, une certaine façon de travailler, pour le peu que j’ai vu sur place, auxquels un professionnel familier avec la psychiatrie n’est pas habituĂ©.

 

 

Cet article devait ĂȘtre unique. Mais je m’aperçois que le poursuivre maintenant le rendrait trop long. Et qu’il vaut mieux que je m’arrĂȘte sur cette introduction avant, dans un prochain article, de raconter et de montrer davantage comment c’était lors du cinquentenaire de Marmottan Ă  la salle de concert de la Cigale en dĂ©cembre dernier. Mais aussi dans le service ( d’accueil et d’hospitalisation) lors d’une des deux journĂ©es portes ouvertes qui a suivi la journĂ©e Ă  la Cigale.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 28 février 2022.

 

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Addictions Corona Circus Echos Statiques self-défense/ Arts Martiaux

La Clinique de l’Amour-d’aprĂšs un Podcast de France Inter

 

                   La Clinique de l’Amour, d’aprĂšs un podcast  de France Inter

C’est devenu une obsession. AprĂšs quelques autres obsessions. Car je fais partie des obsessionnels anonymes. Nous sommes des millions et peut-ĂȘtre des milliards Ă  porter ce type de tablier :

 

La personne « obsessionnelle Â» Ă  laquelle je pense est souvent appelĂ©e « maniaque Â» dans le langage quotidien. Dans le langage quotidien, la personne « obsessionnelle Â» ou « maniaque Â» Ă  laquelle je fais allusion est celle ou celui dont la vie semble souvent dĂ©pendre de deux ou trois dĂ©tails qui (le) tuent presque :

 

Madame ou Monsieur a trĂšs bien prĂ©parĂ© son repas. Les invitĂ©s vont arriver. Tout est parfait.  La table est mise. Tous les couverts assortis sont disposĂ©s Ă  angle droit avec des variations chromatiques Ă©tudiĂ©es selon le thĂšme astral ou le chakra de chaque convive. Un petit cadeau personnalisĂ© attend chacun. La musique frĂŽle l’intime et le sublime au vu de la crĂ©ativitĂ© des enchaĂźnements. Mais aussi du fait de l’onctuositĂ© de la restitution sonore. Le mobilier a Ă©tĂ© cirĂ©. Le mĂ©nage a Ă©tĂ© bien fait. Les meubles sont disposĂ©s selon des prĂ©ceptes bouddhistes qui invitent Ă  la dĂ©tente et Ă  la mĂ©ditation. D’ailleurs, un bĂąton d’encens se consume Ă  la façon d’un phare qui assurerait la sĂ©rĂ©nitĂ© ainsi que l’impossibilitĂ© du naufrage formel comme spirituel. Tout va bien. Madame ou Monsieur est exactement zen. Et puis, arrive le court-circuit.

 

En passant la porte de la salle de bain pour aller ouvrir aux invitĂ©s qui viennent de sonner Ă  l’interphone, Madame ou Monsieur s’aperçoit de la prĂ©sence d’une boursouflure sur le mur adjacent. C’est trois fois rien. Un demi-centimĂštre de boursouflure que personne ne remarquera. Mais, Ă  partir de ce moment, une bombe Ă  retardement s’enclenche. Bombe que Madame ou Monsieur ne parviendra pas Ă  dĂ©samorcer. Car, Madame ou Monsieur ne pensera plus qu’à cette boursouflure. Et non plus Ă  cette invitĂ©e ou cet invitĂ© qui lui a tant plu lors d’une prĂ©cĂ©dente soirĂ©e et qu’elle ou qu’il espĂšre sĂ©duire en sortant le grand jeu.

 

 Avant que le premier invitĂ© ou la premiĂšre invitĂ©e n’arrive, Madame ou Monsieur aura peut-ĂȘtre dĂ©foncĂ© le mur Ă  la masse et recevra alors dans la poussiĂšre et les gravats
..

 

 

Je caricature bien-sĂ»r lorsque je donne cet exemple « d’obsession Â». Dans cette anecdote que je viens d’inventer ce matin, il s’agit bien-sĂ»r d’une « obsession Â» grave. D’ordre psychiatrique. Mais j’ai illustrĂ© ça de cette façon, en grossissant le trait, pour mieux me faire comprendre lorsque je parle d’obsession. Mes obsessions sont bien-sĂ»r plus lĂ©gĂšres que celle que je viens de raconter. On peut reprendre son souffle ou se mettre Ă  rire.

 

 

Les Maitres, les Experts, les amis
.et les faussaires :

 

DĂ©sormais, pratiquement chaque fois que je lis les propos d’un grand Maitre d’Arts Martiaux, d’une PersonnalitĂ© ou de tout autre individu dont l’itinĂ©raire me « plait Â», je me soumets Ă  cette question :

 

Quel genre de personne est-ce lorsque son enfant, comme tous les enfants, le prend au dĂ©pourvu et dĂ©range son superbe agencement mental et moral ? La nuit ? Le jour ? Pendant qu’il est au volant ? Alors qu’il est occupĂ© ? Tandis qu’il lui parle et essaie de le convaincre ou de lui transmettre quelque chose ?

 

 

Lorsque l’on lit les interviews ou que l’on assiste Ă  des dĂ©monstrations de Maitres, d’experts ou autres, on a souvent l’impression que tout coule de source pour eux, sur le tatamis comme dans la ratatouille du quotidien. On dirait que leurs Ă©motions sont toujours leurs alliĂ©es ou leurs domestiques. Ou, qu’au pire, elles se prennent une bonne branlĂ©e lorsqu’elles tentent de les entraĂźner dans un mauvais kata ou dans un mauvais plan. Mais je sais que c’est impossible. Je sais que c’est faux. Sauf que je n’ai pas de preuves.

 

Je pourrais me rabattre sur les amis. Mais j’ai compris que parmi mes amis, connaissances, collĂšgues et autres, passĂ©s, prĂ©sents et futurs se cachent beaucoup de faussaires :

 

Du cĂŽtĂ© des mecs ou des hommes, si l’on prĂ©fĂšre, cette faussetĂ© est un composĂ© d’ignorance, de prudence et de conformisme. Je n’ai pas oubliĂ©, et sans doute ne l’ai-je toujours pas digĂ©rĂ©e, cette sorte d’hypocrisie sociale et faciale, Ă  laquelle j’ai participĂ©, de bien des hommes qui, plus jeunes, savaient me parler de cul, de leurs coups, de nanas
.alors que, secrĂštement, ils aspiraient Ă  se marier et Ă  faire des enfants.

 

Un article lu par quelles femmes et quels hommes ? :

 

 

Bien-sĂ»r, cette caricature sociale peut faire rire. Et, elle doit faire rire. Ce qui me fait faire la grimace, c’est que cette caricature et ce conformisme social nous font souvent, hommes comme femmes, passer Ă  cĂŽtĂ© du principal concernant notre vie personnelle. Voire concernant notre vie tout court. Un exemple :

 

Cet article long (comme beaucoup de mes articles) sera, Ă  mon avis, plus lu – et apprĂ©ciĂ©- par des femmes que par des hommes. Alors que les hommes ou les mecs (hĂ©tĂ©ros comme homos) sont Ă  mon avis autant concernĂ©s que les femmes par les sujets de cet article. Puisque, tous, Ă  un moment ou Ă  un autre, nous nous postons devant le sujet de l’Amour et essayons d’y rĂ©pondre avec nos moyens.

Et si des hommes lisent cet article, je m’attends Ă  ce qu’ils soient en majoritĂ© ĂągĂ©s de plus de trente ans. Parce qu’en dessous de 30 ans- c’est trĂšs schĂ©matique- mĂȘme si les hommes peuvent ĂȘtre des sentimentaux ( je suis un sentimental), nous sommes nombreux, je crois, Ă  ĂȘtre obsĂ©dĂ©s par le fait d’ĂȘtre performants sexuellement. Que ce soit en termes de nombre de conquĂȘtes ou en termes d’aptitudes particuliĂšres (longueur du pĂ©nis, durĂ©e de l’érection, capacitĂ© Ă  s’accoupler dans telle position et dans tel type d’environnement etc
.), on dirait que notre valeur personnelle est indexĂ©e ( vraiment) sur notre valeur boursiĂšre. Et, ce qui est troublant, c’est que plus un homme est « connu Â» pour ĂȘtre un tombeur, plus sa cĂŽte augmente auprĂšs d’une certaine gente fĂ©minine. Gente fĂ©minine qui peut ĂȘtre tout Ă  fait Ă©duquĂ©e, cultivĂ©e et aisĂ©e socialement et matĂ©riellement. Dans le film Extension du domaine de la lutte adaptĂ© par Philippe Harel  (avec lui-mĂȘme et JosĂ© Garcia d’aprĂšs le livre de Michel Houellebecq) il est clairement dĂ©montrĂ© que l’homme sans conquĂȘte fĂ©minine, dĂ©primĂ©, laborieux et terne est souvent cĂ©libataire contrairement Ă  celui qui « besogne Â» les femmes pour ĂȘtre direct.

 

S’il existe des couples de dĂ©primĂ©s, il est aussi assez courant que l’un des deux aille chercher de la lĂ©gĂšretĂ© et du rĂ©confort ailleurs. MĂȘme si c’est pour, ensuite, revenir au domicile par sĂ©curitĂ©, par espoir ou par devoir.

 

Mieux se comprendre, mieux se choisir et mieux s’aimer :

 

Je crois nĂ©anmoins que certaines femmes n’ont pas besoin qu’on leur promette des Ă©toiles (comme m’avait dit un jour un de mes cousins Don Juan il y a plusieurs annĂ©es) pour « faire le grand soleil Â» comme dirait le romancier RenĂ© Depestre.

 

Ou pour se mettre en couple.

 

Pourtant, Ă  propos du sujet de l’Amour, je crois les femmes plus sincĂšres entre elles. Pour l’aborder. Mais je ne vais pas non plus en faire des anges de clairvoyance et de droiture. Car, comme je l’ai dit ce matin avec humour et provocation devant plusieurs de mes collĂšgues femmes :

 

« Cela peut ĂȘtre difficile d’ĂȘtre d’un homme devant une femme Â». Et je ne parlais pas de compĂ©tences sexuelles en particulier. Pour ĂȘtre un homme devant une femme, il faut dĂ©jĂ  savoir ce que cette femme attend d’un homme. Mais aussi ce qu’ĂȘtre femme signifie pour elle. Et quels sont leurs vĂ©ritables projets Ă  tous les deux dans la vie. Et si ça concorde suffisamment pour tous les deux.  

 

Ça paraĂźt simple Ă©crit comme ça. Mais si c’était si simple que cela, les gens se choisiraient mieux, se comprendraient mieux et s’aimeraient mieux.

 

Je crois que, gĂ©nĂ©ralement, on continue de croire qu’il « suffit Â» de s’aimer et de se dĂ©sirer pour qu’une histoire dure.

 

Il existe, aussi, une sorte de mĂ©fiance instinctive, donc animale, entre l’homme et la femme, mais aussi entre deux personnes, dĂšs qu’elles se rencontrent, qui fait, bien des fois, que certaines personnes qui pourraient s’allier se rejettent. Pendant que d’autres qui auraient mieux fait de s’ignorer dĂ©cident de s’amalgamer.

 

Les Hommes, tous des salauds ?! Et les Femmes, toutes des salopes ?!

 

 

Comme tout le monde, j’ai entendu certaines femmes dire des hommes qu’ils sont « tous des salauds!». Et certains hommes dire que les femmes «  sont toutes des salopes ! Â».

 

Ce qui m’étonne, de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e, mĂȘme s’il y a bien-sĂ»r des « salauds Â» parmi les hommes et des « salopes Â» parmi les femmes, c’est que ces mĂȘmes personnes (femmes et hommes), lorsqu’elles croisent des gens « bien Â», les zappent ou les ignorent. C’est une constante. Je n’écris rien d’extraordinaire, ici.

 

 

Des couples volontaires : Se dire oui
et non.

 

 

Et puis, il y a cette ambivalence ou cette particularitĂ©, propre, je crois, Ă  tous les couples :

 

Lorsque l’on dĂ©cide de se mettre ensemble, on est souvent l’un et l’autre trĂšs volontaire. Car on est au moins soutenu par l’Amour, le dĂ©sir ainsi que par le souhait de rompre notre solitude.

 

Cependant, dans chaque couple, je crois, mĂȘme si l’on se dit « oui Â» (que l’on se marie ou non), il est des domaines sensibles oĂč l’on se dit non.

 

Mais on le banalise ou on l’ignore parce-que le regard et le corps de l’autre produisent alors des atomes qui propulsent notre univers personnel dans un espace-temps qui s’ouvre seulement pour nous. Et cela nous rend extraordinairement optimistes. Ou exaltĂ©s.

 

Et, nous aussi, nous produisons des atomes auxquels l’autre est alors particuliĂšrement sensible. Cela la rend ou le rend aussi extraordinairement optimiste ou exaltĂ©( Ă©).

 

 Alors, nous dĂ©collons ensemble vers un ailleurs sans toujours bien prendre le temps de bien vĂ©rifier la validitĂ© de tout l’équipement affectif que nous emportons. Mais aussi ses rĂ©elles compatibilitĂ©s avec l’équipement affectif, moral et psychologique de l’autre. Car notre vie est ainsi faite :

 

De vĂ©rifications mais aussi d’élans et de spontanĂ©itĂ©s. Certains de nos Ă©lans et de nos spontanĂ©itĂ©s sont inspirĂ©s par des reflets de nous-mĂȘmes
.sauf qu’un reflet, c’est le contraire de l’autre. C’est notre regard sur lui.

SĂ©rie ” La Flamme” sur la chaine Canal + que je n’ai malheureusement pas encore pu voir.

 

 

Moi, thĂ©rapeute de couple ?!

 

 

A ce stade de cet article, on peut peut-ĂȘtre croire que je ma la pĂšte :

 

Que j’ai tout vu et tout entendu. Et que je sais tout concernant le couple. Que je maitrise mon sujet. Ce serait plutĂŽt, un peu le contraire. Je m’applique seulement Ă  ĂȘtre aussi sincĂšre que possible. Aux potins, ragots et autres articles de psychologie « de cuisine Â» oĂč l’on donne des « trucs Â»,  je prĂ©fĂšre  donner la prioritĂ© Ă  un certain vĂ©cu, Ă  certaines rĂ©flexions. Et Ă  les transmettre. Parce-que j’ai aussi eu la chance, quand mĂȘme, d’avoir des discussions ouvertes, ou d’ĂȘtre le tĂ©moin direct de certaines situations affectives sensibles.

 

NĂ©anmoins, j’ai aussi lu des articles de psychologie « facile Â». Et, j’en lirai sans doute d’autres. J’ai aussi Ă©coutĂ© des potins et des ragots mĂȘme si ce n’est pas mon point fort.

 

Car, évidemment, comme pour tout le monde, tout a commencé dans mon enfance.

 

 

 

Le modĂšle de mes parents :

Je suis largement l’aĂźnĂ© des enfants de mes parents. A voir mes relations passionnelles et rapidement explosives avec mon pĂšre, je reste devant un mystĂšre. Je me demande encore quel genre de pĂšre il Ă©tait lorsque je ne m’en souviens pas :

 

Lors de mes quatre premiĂšres annĂ©es de vie. Lorsque j’écoute ma mĂšre, que j’ai dĂ©jĂ  questionnĂ©e et re-questionnĂ©e, mon pĂšre aurait Ă©tĂ© un pĂšre tout ce qu’il y a de plus « ordinaire Â» Ă  mon Ă©gard. Mais je ne le crois pas. Je crois que ma mĂšre, pour dĂ©fendre l’image de mon pĂšre et aussi parce qu’elle s’y retrouvait en tant que femme et en tant que mĂšre, avec moi, n’attendait pas trop de « choses Â» de mon pĂšre, lorsque j’étais petit.

 

Si bien des femmes se sentent peu maternelles, il existe aussi nĂ©anmoins beaucoup de femmes, sans doute selon un certain modĂšle traditionnel, qui se sentent d’autant plus femmes qu’elles deviennent mĂšres. Et qu’elles s’occupent de la petite ou du petit. Ce modĂšle de mĂšre ou de maman n’attendra pas de l’homme ou du pĂšre qu’il se lĂšve la nuit lorsque le bĂ©bĂ© ou l’enfant se rĂ©veille. Ni que l’homme ou le pĂšre change les couches, prĂ©pare les biberons ou garde l’enfant Ă  la maison. Pour ce « genre Â» de maman, si le pĂšre ou le papa est important, en pratique, celui-ci est un personnage assez secondaire lors des premiĂšres annĂ©es de vie.  Or, les relations que l’on a dĂšs les premiĂšres annĂ©es de vie avec notre enfant mais aussi avec nos frĂšres et nos sƓurs engagent nos relations futures.

 

Lorsque je vois Ă  quel point et avec quelle rapiditĂ©, quelques Ă©changes avec mon pĂšre suffisent Ă  ce que nous soyons chien et chat, ou, plutĂŽt, deux coqs face Ă  face, j’ai beaucoup de mal Ă  croire qu’il ait pu ĂȘtre si « affectueux Â» Ă  mon Ă©gard lors de mes premiĂšres annĂ©es de vie. MĂȘme si je ne doute pas de son amour comme de son implication- musclĂ©e et obsessionnelle- ensuite dans mon Ă©ducation.

 

 

L’enfance est une carrosserie : diffĂ©rences entre la chirurgie et la psychiatrie

 

 

AĂźnĂ© de mes parents, par contre, je me rappelle bien avoir Ă©tĂ© le tĂ©moin direct et contraint de leurs diffĂ©rends. Et ce n’était pas toujours trĂšs beau. Des propos tenus en ma prĂ©sence.

Des confidences que ma mĂšre a pu me faire. Confidences qui m’ont appris le sens et l’importance de la discrĂ©tion et des mots. Ainsi que la solidaritĂ©. Sauf que j’étais trop jeune lorsque cet apprentissage a dĂ©butĂ©. J’avais moins de dix ans.

 

L’enfance, c’est une carrosserie. Pendant des annĂ©es, l’enfance permet d’absorber un certain nombre de chocs et d’accidents. Les parents parfaits n’existent pas. MĂȘme si chaque parent, je crois, essaie de rĂ©parer et de faire mieux ou un peu mieux que ses propres parents.

 

Mais la vie parfaite n’existe pas. Et nous sommes faits et constituĂ©s de maniĂšre Ă  pouvoir encaisser un certain nombre d’accrochages. Sauf que les coups que nous prenons sont invisibles et laissent des traces invisibles. C’est une des grosses diffĂ©rences entre la chirurgie et la psychiatrie et la psychologie.

 

Lorsque l’on se fracture une jambe en faisant du ski, de la danse, de la Gym ou du Foot, on a des signes physiques visibles. Cela se voit Ă  la radio. On peut rĂ©parer. Je crois de plus en plus que beaucoup de nos blessures sportives arrivent souvent , aussi, dans un certain contexte affectif et psychologique mĂȘme si la fatigue physique et le surentraĂźnement ou la mĂ©forme peuvent augmenter les risques de blessures. Mais, retenons dans notre exemple ce que je veux surtout dĂ©montrer. La chirurgie permet de rĂ©parer et de rĂ©duire des dommages physiques et physiologiques « visibles Â», dĂ©tectables. Incontestables. Le terme « incontestables Â» a une grande importance.

Le terme « DĂ©montrables Â», aussi. On se fracture une jambe, il est trĂšs facile de le dĂ©montrer. Il suffit de toucher. De regarder Ă  l’Ɠil nu. C’est souvent gonflĂ©, chaud, froid, etc
.

 

En psychiatrie et en psychologie, il y a aussi des signes cliniques variĂ©s :

 

Perte d’appĂ©tit, perte de sommeil, boulimie, anorexie, conduites Ă  risques, pensĂ©es particuliĂšres,  idĂ©es de mort, dĂ©lires etc
.

Sauf qu’entre le moment oĂč un Ă©vĂ©nement traumatique a lieu et « dĂ©clenche Â» l’état psychiatrique ou psychologique- physique et social- visible et dĂ©tectable, il peut se passer plusieurs annĂ©es. En pĂ©dopsychiatrie, on a des mĂŽmes de dix, onze ans voire moins. Ça fait trĂšs « petit Â» pour ĂȘtre hospitalisĂ© dans des services de pĂ©dopsychiatrie ou pour consulter dans un centre mĂ©dico-psychologique ou dans un CMPP. Ou pour rencontrer un psychologue. Mais ça fait combien d’annĂ©es que la « carrosserie Â» de ces mĂŽmes se mange des chocs et des accrochages ? Depuis leur naissance ? Avant leur naissance ?

 

Dans un garage, on peut vous dire : ça fera tant et tel nombre d’heures pour rĂ©parer la carrosserie. La voiture est un objet inerte. L’ĂȘtre humain est le contraire d’un objet. Et l’ĂȘtre humain est tout sauf inerte. L’ĂȘtre humain, c’est de la matiĂšre vivante. RĂ©ceptive Ă  ce qui l’environne, qu’elle s’en rende compte ou non. Partout, tout le temps. Lorsqu’elle dort. Lorsqu’elle Ă©coute de la musique. Lorsqu’elle passe devant une rĂ©clame publicitaire. Lorsqu’on la touche. Ça n’a rien Ă  voir avec une carrosserie de voiture ou avec une fracture que l’on va rĂ©duire au bout de quelques semaines ou quelques mois.

 

Le couple, continuitĂ© de  notre enfance :

Le couple, c’est la continuitĂ© de notre enfance. MĂȘme adultes, nous restons des enfants.

Beaucoup de personnes croient qu’une fois adultes, elles se sont complĂštement sĂ©parĂ©es de leur enfance. Elles ont Ă©voluĂ©, oui. Si on leur propose une tĂ©tine ou un biberon pour bĂ©bĂ©, c’est Ă©vident, qu’elles n’en voudront pas. Mais les tĂ©tines et les biberons ont aussi Ă©voluĂ©. Eux aussi sont devenus grands. Mais avant de devenir adultes, on passe par l’adolescence. Une pĂ©riode assez critique. On critique le monde, les autres, soi. On fait les comptes de ce que l’on a compris et assimilĂ© de la vie, les bons aspects comme les mauvais.

 

Il existe un Ăąge thĂ©orique pour l’adolescence, grossiĂšrement entre 12 et 20 ans, selon les personnes, les sexes et les cultures. Mais c’est trĂšs thĂ©orique. Cela varie selon les expĂ©riences de vie, les tempĂ©raments et les personnes.

L’adolescence est la pĂ©riode des virages sensibles. On n’est plus un enfant physiquement, mentalement, intellectuellement au sens oĂč les adultes n’ont plus le mĂȘme pouvoir d’autoritĂ© ou de dissuasion sur nous. Ils n’ont plus le monopole de l’expĂ©rience et du Savoir aussi, et c’est encore plus vrai avec l’informatique et les nouvelles technologies qui ringardisent de plus en plus rapidement les plus « vieux Â».

 

MĂȘme si, en tant qu’ados,  on craint certains ” vieux”. MĂȘme si on en admire d’autres. MĂȘme si on recherche d’autres. Ouvertement ou secrĂštement.

 

Le couple, qui, en principe, est l’un des « trophĂ©es Â» ou l’apanage de l’adulte, permet Ă  l’adolescente et Ă  l’adolescent de passer Ă  l’action. De mettre en pratique sa vision du monde. Ses convictions. L’adolescente ou l’adolescent se croit souvent plus libre que l’adulte qui peut ĂȘtre criblĂ© de dĂ©fauts. Du cĂŽtĂ© des adultes, on peut aussi trĂšs mal vivre ou trĂšs mal supporter ces « jeunes Â» qui nous dĂ©rangent, qui nous cherchent ou nous provoquent. Mais il y a de l’adolescent en chaque adulte et de l’adulte en chaque adolescent. Et, bien-sĂ»r, il y a de l’enfance dans les deux. Sauf que cette enfance n’est pas vĂ©cue, protĂ©gĂ©e ou sacrifiĂ©e de la mĂȘme maniĂšre selon les circonstances et les choix des uns et des autres. Il est ados qui font des  choix de vie dont bien des adultes seront incapables. Il est aussi des ados qui font des choix de vie qui feront d’eux des adultes suppliciĂ©s et dĂ©primĂ©s alors qu’ils avaient pour eux certains atouts. D’autres, ados ou adultes, deviendront des criminels, des SDF
je ne vais pas rĂ©inventer la vie. Elle est devant nous, tous les jours.

Un Adolescent :

 

 

Adolescent, je voulais devenir pĂšre Ă  vingt ans. Comme ma « mĂšre Â». Tout est parti de la naissance de ma sƓur, neuf ans aprĂšs moi. Puis de celle de notre frĂšre, cinq ans plus tard.

 

Au dĂ©part, j’avais trĂšs mal supportĂ© la prĂ©sence de ma petite sƓur ainsi que ses diverses sollicitations. Puis, je m’étais « acclimatĂ© Â». De toute façon, je n’avais pas le choix :

 

Lorsque ma mĂšre partait Ă  l’hĂŽpital pendant douze heures dans le service de rĂ©animation oĂč elle Ă©tait aide-soignante, et que c’était le week-end, notre pĂšre considĂ©rait qu’il avait mieux Ă  faire. Et, il me laissait m’occuper de ma sƓur et de mon frĂšre Ă  la « place Â» de maman.

 

J’y ai pris goĂ»t. MĂȘme si, certaines fois, j’aurais bien aimĂ© pouvoir sortir pour m’amuser avec les copains ou pour aller Ă  mon club d’athlĂ©tisme. Un de mes cousins m’avait surnommĂ©, en se marrant : «  La nounou ! Â».

 

La Nounou

 

 

A vingt ans, Ă©tudiant infirmier, comme ma mĂšre aurait souhaitĂ© le devenir, j’ai croisĂ© une femme dans un mes stages Ă  l’hĂŽpital. Elle Ă©tait aide-soignante, Ă©tait plus ĂągĂ©e que moi de six ans et avait un enfant. Simplement, sincĂšrement, elle m’a fait comprendre qu’elle aimerait bien avoir une histoire avec moi. Elle Ă©tait plutĂŽt jolie. Elle m’était sympathique et rassurante. J’avais Ă©tĂ© touchĂ© par sa dĂ©claration. Elle m’avait expliquĂ© que le pĂšre de son enfant, dont elle Ă©tait sĂ©parĂ©e, Ă©tait quelqu’un de gentil mais de pas trĂšs adulte.

 

 

Son offre Ă©tait tentante. Jeune adulte assez rĂ©cemment dĂ©niaisĂ© sexuellement et bien Ă©videmment tournĂ© vers les prodigieux gisements de l’orgasme, j’ai probablement entrevu le trĂšs grand potentiel sexuel d’une union avec elle. Mais je savais aussi ce que celle-ci impliquait :

Avec elle, je n’avais aucun doute quant au fait que je serais rapidement devenu pĂšre. Et, elle,  Ă  nouveau, une mĂšre.

 

Enfant, puis ado, j’avais pu voir et revoir ce schĂ©ma trĂšs courant parmi bien des couples de ma famille antillaise, Ă  commencer par mes propres parents :

 

Des jeunes adultes, qui, trĂšs vite, dĂšs qu’ils commencent Ă  travailler, font des enfants. Des femmes qui, jeunes, Ă©taient belles et sveltes, et qui, en devenant mĂšres, s’alourdissaient de kilos en kilos avec les annĂ©es. Des hommes qui, gĂ©nĂ©ralement, Ă©taient plutĂŽt machos et se prĂ©occupaient assez peu de psychologie. Contrairement Ă  moi, on l’aura compris.

 

 

Je tiens Ă  prĂ©ciser que lorsque cette femme, plus mĂ»re que moi, m’avait abordĂ©, je n’avais pas d’intention particuliĂšre Ă  son sujet. Si je regardais les femmes au point d’ĂȘtre amoureux de certaines, j’étais beaucoup dans l’idĂ©alisation de la femme. J’avais aussi un sacrĂ© handicap, voire plusieurs, pour rencontrer des femmes et avoir des relations intimes avec elles.

 

 

Mes handicaps au sortir de l’adolescence :

 

Au dessus de ma tĂȘte et dans ma tĂȘte, Ă©tait plantĂ©e l’interdiction paternelle de la Femme blanche. Dans un pays oĂč les gens sont majoritairement blancs, ça compliquait un peu la donne.

 

Ma mĂšre, aide-soignante dans un service de rĂ©animation, m’avait plantĂ© dans la tĂȘte l’interdiction de la mobylette et de la moto. Interdiction dont je ne me suis toujours pas relevĂ© mĂȘme si j’ai pu ĂȘtre passager plutĂŽt facilement et avec plaisir derriĂšre des conducteurs de deux roues. Mais, mon pĂšre, lui, c’était l’interdiction de la Femme blanche.

 

Si j’avais Ă©tĂ© un « queutard Â», j’aurai pu contourner l’interdit. Parce-que Monsieur Papa, lui-mĂȘme, a bien aimĂ© “rencontrer” quelques femmes blanches. Mais, peut-ĂȘtre du fait de ma solidaritĂ© enfantine avec ma mĂšre, je ne suis pas un queutard. Or, un queutard s’intĂ©resse avant tout Ă  son propre plaisir. Et, n’importe qui, n’importe quand, voire, dans n’importe quelles circonstances peut-ĂȘtre, lui « va Â».

 

J’avais peur de mettre une femme enceinte. MĂȘme si la contraception (pilule et prĂ©servatif) existait bien-sĂ»r et Ă©tait dĂ©jĂ  normalisĂ©e. Sauf que j’avais sans doute une mentalitĂ© de campagnard traditionnel Ă  l’image de mes propres parents. Et, je savais dĂ©jĂ  assez concrĂštement qu’avoir un enfant ou faire un enfant Ă©tait une responsabilitĂ©. On comprend assez facilement vu ce que j’ai pu raconter de mon adolescence. Si plusieurs de mes amis (femmes et hommes) ont dĂ©couvert vers 25 ou 26 ans, ou plus tard, ont dĂ©couvert, en devant mĂšres ou pĂšres, ce que ça faisait de s’occuper d’un bĂ©bĂ©, moi, je l’avais dĂ©couvert environ dix ans plus tĂŽt. Et quelque peu par la contrainte. J’en ai eu des bĂ©nĂ©fices. Si, aujourd’hui, j’ai plutĂŽt de bonnes relations avec ma sƓur et mon frĂšre, aujourd’hui adultes et mĂšres et pĂšres de famille, cela vient sans aucun doute de mes « aptitudes Â» Ă©galement maternelles lorsque je me suis occupĂ© d’eux. NĂ©anmoins, une partie de mon adolescence a Ă©tĂ© un peu malmenĂ©e, en particulier lorsque notre pĂšre m’imposait de tenir  son rĂŽle lorsque notre mĂšre Ă©tait au travail et qu’il partait vadrouiller pour son bon plaisir pendant l’intĂ©gralitĂ© du week-end. Soit un homme et un adulte trĂšs exigeant mais pas trĂšs juste avec moi. Ce qui explique ma colĂšre assez facilement « Ă©rectile Â» envers lui encore aujourd’hui.

 

« Enfin Â», et c’est Ă  peu prĂšs tout,  j’avais aussi peur du Sida. Car la fin des annĂ©es 80, c’était l’épidĂ©mie du Sida. EpidĂ©mie qui existe toujours mais face Ă  laquelle, aujourd’hui, nous disposons de plus d’armes. Aujourd’hui, ce serait plutĂŽt la pandĂ©mie du Coronavirus et celle du terrorisme jihadiste vis-Ă -vis desquels nous manquons d’armes. Ainsi que face au rĂ©chauffement climatique et Ă  la montĂ©e des extrĂ©mismes du maniĂšre gĂ©nĂ©rale, politiques comme religieux. Cela fait aujourd’hui partie de notre routine de la peur.

 

 

Une femme et un homme : routine ou normalitĂ© sociale et conjugale

 

AprĂšs avoir croisĂ© cette femme plus ĂągĂ©e que moi, j’ai bien-sĂ»r appris que la « routine Â» ou normalitĂ© conjugale et sociale qu’elle m’avait proposĂ©e  se retrouve dans bien d’autres cultures.

 

Mais cette femme Ă©tait d’origine antillaise comme moi. Sans doute que cela m’a d’autant plus alertĂ© et poussĂ© Ă  dĂ©serter. J’avais donc dĂ©clinĂ© poliment ses propositions malgrĂ© l’insistance, aussi, de sa jeune sƓur, laquelle me plaisait encore plus mais avait dĂ©jĂ  un compagnon.

 

J’avais dĂ©clinĂ© sa proposition car, depuis mon adolescence, je savais que je ne voulais pas faire partie de ces hommes qui font des mĂŽmes sans penser Ă  l’avenir. Et, je savais aussi, sans doute, que je refusais une relation de mensonge :

 

J’aurais pu faire mine d’accepter le projet conjugal de cette femme, coucher avec elle pendant un certain temps, me faire dorloter par elle. Puis m’enfuir. C’est un classique. S’il est assez classique que des hommes quittent une femme aprĂšs lui avoir fait un ou plusieurs enfants, il est aussi certaines femmes dont la prioritĂ© est d’ « avoir Â» un ou plusieurs enfants. Comme si l’enfant prĂ©sent permettait de remplacer un ou plusieurs membres qui manquent Ă  la mĂšre.

 

La psychiatrie adulte Ă  vingt cinq ans :

AprĂšs mon diplĂŽme d’infirmier, ma mĂšre a essayĂ© un temps de me dissuader d’aller travailler en psychiatrie. Elle avait peur que je devienne fou. Cette fois-ci, sa peur de la psychiatrie m’a moins parlĂ© que sa peur de la moto.

 

 

A vingt cinq ans,  aprĂšs mon service militaire que j’avais rĂ©ussi effectuer en tant qu’infirmier dans un service de psychiatrie adulte, j’ai commencĂ© Ă  travailler dans un service de psychiatrie adulte.

 

Depuis l’obtention de mon diplĂŽme d’Etat d’infirmier, quatre ans plus tĂŽt, je m’étais  aperçu que cela ne me correspondait pas d’aligner des tĂąches Ă  la chaĂźne dans un hĂŽpital dans un service de soins gĂ©nĂ©raux. Comme si je travaillais sur une chaĂźne de montage dans une usine. C’était au dĂ©but des annĂ©es 1990.

 

Si l’on Ă©tait en pleine Ă©pidĂ©mie du Sida, on ne parlait pas, alors, de la pandĂ©mie du Covid qui a atterri dans notre systĂšme solaire et mental en mars 2020. Mais on parlait dĂ©jĂ  de pĂ©nurie infirmiĂšre. Avant de devenir infirmier titulaire Ă  vingt cinq ans dans ce service de psychiatrie adulte, j’avais aussi Ă©tĂ© vacataire et infirmier intĂ©rimaire dans des cliniques mais aussi dans des hĂŽpitaux publics en Ăźle de France. De jour comme de nuit.

 

 

Dans mon « nouveau Â» service, en psychiatrie adulte, j’ai Ă©tĂ© le plus jeune infirmier pendant deux ou trois ans. Plusieurs de mes collĂšgues Ă©taient mariĂ©s avec enfants ou vivaient en couple. J’étais tout le contraire mais j’avais des principes et des certitudes concernant l’amour et le couple.

 

J’avais donc Ă©tĂ© trĂšs choquĂ© en apprenant que tel collĂšgue, mariĂ©, avait trompĂ© sa femme avec telle autre collĂšgue, mariĂ©e Ă©galement mais aussi mĂšre de famille. J’avais Ă©tĂ© si choquĂ© moralement  que j’avais envisagĂ© de quitter le service devant cette dĂ©bauche morale, pour moi,  Ă©vidente.

 

Puis, j’étais restĂ©. Je me sentais trĂšs bien professionnellement et humainement dans ce service. Je m’y sentais si bien que j’ai d’ailleurs fini par m’y sentir comme chez moi. Au point de devenir incapable de le quitter mĂȘme si je sentais que c’était pourtant ce qu’il fallait faire.  Cela  a eu plus tard des incidences personnelles et professionnelles qui m’ont obligĂ© et poussĂ© plus tard- enfin- Ă  partir. Et Ă  comprendre que l’affectif, mĂȘme s’il est important avec nos collĂšgues, doit rester secondaire sur notre lieu de travail.

 

Mais, dans ce service, en apprenant Ă  connaĂźtre ces collĂšgues, je compris un peu plus que la vie adulte et la vie de couple avaient leurs impasses.

 

Couper le cordon avec nos parents :

 

 

Le modĂšle du couple de mes parents et de membres de ma famille m’avait bien-sĂ»r dĂ©jĂ  donnĂ© des indices. Mais on ne fait pas toujours le rapprochement entre le modĂšle de nos parents et de notre famille et celui que l’on va suivre pour notre propre vie affective. Assez souvent, on suit Ă  peu prĂšs le mĂȘme modĂšle que nos parents. MĂȘme si, en apparence, on a l’impression d’ĂȘtre diffĂ©rent. D’avoir coupĂ© le cordon avec nos parents. Et cela se comprend facilement : 

MĂȘme si nous pouvons nous montrer aussi critiques que des ados envers nos parents, ceux-ci n’ont pas tout ratĂ© dans leur vie. Il est mĂȘme des aspects de leur vie que nous serions incapables de supporter ou de rĂ©aliser. Je me suis dĂ©ja demandĂ© par exemple, si, Ă  la place de mes parents, j’aurais eu la capacitĂ©, comme eux, de quitter mon pays natal pour la France.  A la fin des annĂ©es 60, mon pĂšre et ma mĂšre ont quittĂ© la Guadeloupe. Ils ont ainsi rompu avec une certaine tradition ainsi qu’une partie du cordon qui les reliait Ă  leurs aĂźnĂ©s depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations depuis l’arrivĂ©e de leurs ancĂȘtres, du fait de l’esclavage, en Guadeloupe. Esclavage qui a Ă©tĂ© aboli en Guadeloupe en 1848. Je le rappelle. Car il est encore des personnes instruites et de bonne foi en France qui ignorent que la prĂ©sence de la majoritĂ© des Antillais par exemple en Guadeloupe ou en Martinique rĂ©sulte de la traite nĂ©griĂšre occidentale qui a durĂ© environ deux cents ans. 

En 1966 et 1967,  mon pĂšre avait 22 ans et ma mĂšre, 19 ans.  MĂȘme s’ils sont arrivĂ©s en “MĂ©tropole” avec la nationalitĂ© française, il existait alors un tel dĂ©calage culturel- qui subsiste- entre la Guadeloupe et la France, ainsi qu’un certain handicap de couleur de peau, que, pour moi, leur venue “en” France a bien des points communs avec celle de beaucoup d’immigrĂ©s. C’est comme cela que je m’explique ma comprĂ©hension assez “intuitive” de certaines difficultĂ©s d’intĂ©grations de jeunes français d’origine arabe ou maghrĂ©bine par exemple. Et, je ne vois aucun hasard dans le fait que mon meilleur ami soit d’origine algĂ©rienne. MĂȘme si j’ai appris depuis que dans certains quartiers, il arrive qu’Arabes et noirs ( africains ou antillais) soient les pires ennemis les uns pour les autres. 

 

 

Et puis, il y a une frontiĂšre que l’on ne franchit pas vis Ă  vis de ses parents lorsque l’on est mature :

 

Leur sexualitĂ© nous est interdite. Ce n’est pas Auchan ou une salle de cinĂ©ma. Nous n’avons pas de droit de regard dessus. Alors que l’on peut plus facilement s’autoriser Ă  franchir cette frontiĂšre en « regardant Â» ou en imaginant la sexualitĂ© de tels collĂšgues ensemble. J’ai dĂ©jĂ  entendu parler de ragots Ă  propos des coucheries ou de la relation sentimentale entre deux collĂšgues. Je n’ai jamais entendu parler de ragots Ă  propos de la sexualitĂ© de mes parents lorsqu’ils s’accouplaient :

 

 Il doit ĂȘtre trĂšs rare que des enfants, entre eux, se racontent les derniers potins concernant les derniers vibratos Ă©jaculatoires et clitoridiens de leurs parents.

 

 

En quittant ce premier service de psychiatrie, quelques annĂ©es plus tard,  pour un autre service, mon regard sur le couple, l’amour et certaines normes conjugales avait changĂ©. J’avais par exemple compris, je crois, que dĂ©sirer et aimer quelqu’un ne suffit pas pour ĂȘtre heureux ensemble. MĂȘme si ce dĂ©sir et cet amour sont partagĂ©s. Et qu’ils comptent bien-sĂ»r dans la construction d’un couple ou d’une relation. Du moins, Ă  mon avis.

 

Un quasi-expert dans les relations sentimentales Ă  la mords-moi-le-nƓud :

 

 

Pour  apprendre ça, j’avais payĂ© de ma personne :

 

J’étais devenu un quasi-expert dans les relations sentimentales Ă  la « mords-moi-le-nƓud Â».

 

Si j’ai connu des histoires d’amour avant de travailler dans ce service puis ensuite, j’ai aussi vĂ©cu l’échec final : ce que l’on appelle la rupture sentimentale. J’ai connu la rupture sentimentale, les ruptures sentimentales. Mais je n’avais toujours pas coupĂ© le cordon avec mes parents. Donc, j’étais dans ce que l’on appelle
la rĂ©pĂ©tition.

 

 J’ai Ă©tĂ© quittĂ©. J’ai aussi quittĂ©. Peu importe la sincĂ©ritĂ© de dĂ©part de l’un ou de l’autre.

 

A celles et ceux qui ont pu me dire, Ă  un moment donnĂ© que je manquais de chance, j’ai fini par rĂ©pondre :

 

« Non ! Je ne suis pas douĂ© pour le bonheur Â».

 

 

A une collĂšgue, en couple, qui avait pu me dire que cela l’angoissait d’ĂȘtre seule, j’avais rĂ©pondu :

 

« Moi, c’est d’ĂȘtre en couple qui m’angoisse Â».

 

 

Et, c’est vrai que, cĂ©libataire, j’ai connu un certain nombre de moments oĂč j’étais vraiment trĂšs content d’ĂȘtre tout seul chez moi.

Mais il y a eu aussi d’autres moments moins drĂŽles. OĂč je devais partir Ă  la chasse d’affection. Au point qu’un certain nombre de fois, j’ai pu ĂȘtre trop prĂ©sent auprĂšs de certaines personnes. Aux mauvais moments. De la mauvaise façon. Avec les « mauvaises Â» personnes : celles qui Ă©taient indisponibles.

 

Une certaine addiction :

 

A la RĂ©pĂ©tition d’histoires sentimentales Ă  la mords-moi le nƓud, s’est ajoutĂ©e sa cousine ou sa jumelle : Une certaine Addiction aux histoires Ă  la mords-moi-le-nƓud.

 

 

Aujourd’hui, je peux parler « d’addiction Â» parce-que depuis que je m’intĂ©resse d’un peu plus prĂšs au sujet des addictions depuis environ quatre ans, j’ai compris que l’on peut ĂȘtre aussi « addict Â» Ă  un certain type de comportements qui nous sont nĂ©fastes. Parce-que ces comportements nous dirigent et nous transportent vers des situations que l’on connaĂźt bien. MĂȘme si ces situations nous dĂ©posent toujours, Ă  un moment ou Ă  un autre, sur un matelas hĂ©rissĂ© de tessons ou de clous dans lequel on s’enroule, seul.

 

 

Entre l’obsession et l’addiction, il y a aussi des points communs. Nous sommes nombreux Ă  avoir des obsessions. Nous sommes aussi nombreux Ă  avoir certaines addictions. Mais nous nous en sortons diffĂ©remment selon les lieux, selon notre entourage et aussi selon notre capacitĂ© Ă  le voir ou Ă  le nier.

 

 

Je me maintenais dans des histoires Ă  la mords-moi-le-nƓud parce-que l’inconnu me faisait peur. L’inconnu d’ĂȘtre dans une histoire sentimentale stable et simple. La peur de me conformer Ă  une histoire conjugale « normale Â» et routiniĂšre comme mes parents oĂč le Devoir et le sacrifice semblent l’emporter, l’ont emportĂ©, avant tout.

 

Avant que les gens ne prennent de l’ñge, de l’arthrose, ne s’avachissent sous les kilos, le poids de leurs artĂšres et de leurs colĂšres contre l’autre, ils ont Ă©tĂ© beaux. Ils ont Ă©tĂ© souriants en rencontrant l’autre. Et, ils ont cru Ă  leur histoire mĂȘme si celle-ci a peu durĂ© et que l’artifice a trĂšs vite disparu. Dans le monde animal, il n’y a aucun drame car c’est comme ça que cela doit se passer. Il n’y a pas de rancune particuliĂšre, je crois. Mais dans le monde des ĂȘtres humains, cela se passe diffĂ©remment. Il y a de la mĂ©moire, des rancunes, des espoirs et  des comptes Ă  rendre Ă  l’autre :

 

 A soi-mĂȘme, Ă  notre entourage ainsi qu’à nos aĂźnĂ©s mais aussi Ă  notre descendance.

 

Ça fait beaucoup. Et cette histoire se perpĂ©tue.

 

Le mensonge et les normes sociales :

 

 

Je suis devenu pĂšre et me suis mariĂ© tard. J’avais quarante cinq ans. Je connaissais dĂ©jĂ  la sĂ©curitĂ© sociale et Ă©conomique. En me mariant avec ma compagne mais aussi en devenant pĂšre, j’ai dĂ©couvert la sĂ©curitĂ© affective :

 

Cette prĂ©sence quotidienne et aimante qui vous attend et vous reçoit quelle que soit la journĂ©e que vous avez passĂ©e. Quels que soient vos travers et vos humeurs. Tout ce que vous avez Ă  faire pour cela, c’est rentrer chez vous, passer un coup de tĂ©lĂ©phone ou envoyer un sms et quelqu’un, votre compagnon ou votre compagne, voire votre enfant, gĂ©nĂ©ralement, vous rĂ©pond plutĂŽt favorablement. Vous ĂȘtes souvent le bienvenu ou la bienvenue. Vous bĂ©nĂ©ficiez assez souvent d’une attention particuliĂšre.

 

 

En dĂ©couvrant cette expĂ©rience, j’ai aussi eu la confirmation que certains de mes proches et de mes connaissances qui m’affirmaient avoir moins de temps pour me voir ou me rappeler, m’avaient menti. Le mensonge fait aussi partie des normes sociales. Le mensonge envers les autres. Mais aussi vis Ă  vis de soi-mĂȘme :

 

Si l’on a moins de temps lorsque l’on se met en couple et que l’on dĂ©cide ensuite de « faire Â» un enfant, on peut, si on le veut vĂ©ritablement, joindre untel ou untel. Ou prendre le temps de le rencontrer. Cela nĂ©cessite plus de prĂ©paration pour une durĂ©e plus courte. Mais c’est possible.

 

Cet article est imparfait et biaisé bien-sûr mais je le crois sincÚre. Je le vois comme le contraire de certains mensonges sociaux.

 

 

Mais il y a d’autres mensonges qui subsistent. Lorsque l’on se met en couple, que l’on se marie ou non, on se dit oui. Sauf que, mĂȘme en se disant ouvertement oui, il y a d’autres points sur lesquels on se dit non. Mais comme on est plein d’amour et de dĂ©sir l’un pour l’autre, on n’y fait pas attention. On banalise ces quelques points qui peuvent ou vont devenir beaucoup plus sensibles Ă  mesure que l’on va se rapprocher l’un de l’autre dans le quotidien mais aussi dans la vie intime.

 

 

La Clinique de l’Amour : une Ă©mission de France Inter

 

 

Cette trĂšs longue introduction pour expliquer ce qui a pu me donner envie de dĂ©couvrir et d’écouter cette Ă©mission de France Inter appelĂ©e La Clinique de l’Amour. Une Ă©mission qui raconte en plusieurs Ă©pisodes (cinq ou six) d’une vingtaine de minutes l’évolution de plusieurs couples qui font une thĂ©rapie.

 

L’émission m’a « plu Â». MĂȘme si je lui reprocherais le fait que, par moments, pour moi, les thĂ©rapeutes sont trop intervenus. Cela peut faire sourire aprĂšs tout ce que j’ai Ă©crit avant de vous parler, finalement, de ce podcast de France Inter qui date de fĂ©vrier 2020.

 

Le thĂ©rapeute masculin par exemple. Il est certaines fois oĂč, Ă  mon avis, les deux thĂ©rapeutes auraient dĂ» davantage « protĂ©ger Â» la parole de celle ou de celui qui s’exprime  et le laisser parler. Au lieu de le laisser ou de la laisser se faire « pilonner Â» verbalement par l’autre.

 

Je crois que ça aurait Ă©tĂ© « bien Â» d’expliciter :

 

De dire par exemple Ă  telle personne qu’elle semble trĂšs déçue ; qu’elle avait apparemment une trĂšs haute vision ou une vision diffĂ©rente de ce que son mari ou sa compagne allait ĂȘtre dans la vie de couple ou de famille.

 

 

Un des couples a trois enfants. Je crois que cela aurait Ă©tĂ© bien de demander pourquoi trois enfants ? Pourquoi pas deux ? Pourquoi pas un seul ?

Vu que j’ai compris que bien des couples font des enfants en pensant que faire des enfants rapproche et va aider le couple Ă  se « soigner Â».

 

Alors que je crois que cela peut ĂȘtre le contraire : lorsque l’on fait un enfant, nos tripes prennent facilement ou peuvent facilement prendre le dessus sur tout ce que l’on essaie d’ĂȘtre ou de faire de maniĂšre rationnelle. Et l’on peut alors s’apercevoir Ă  quel point on est trĂšs diffĂ©rent de sa « moitiĂ© Â» voire opposĂ© Ă  elle. MĂȘme si on peut aussi devenir complĂ©mentaire.

 

 

J’ai aussi Ă©tĂ©  Ă  nouveau assez agacĂ© par certaines phrases typiques du vocabulaire professionnel de mes « collĂšgues Â»:

 

Ma remarque est sĂ»rement trĂšs dĂ©placĂ©e. Car le principal est bien-sĂ»r que ces thĂ©rapeutes aient fourni leur prĂ©sence, leur constance et leur empathie Ă  ces couples. Mais je vois Ă  nouveau dans ces tics de vocabulaire et de langage de mes « collĂšgues Â» thĂ©rapeutes un certain manque de spontanĂ©itĂ© : un trop haut degrĂ© d’intellectualisation ; une certaine carence affective. Comme s’ils s’en tenaient Ă  un texte ou Ă  un protocole appris par cƓur qui les empĂȘche d’improviser. Comme s’ils s’exprimaient de maniĂšre scolaire.

 

 

Hormis ces quelques remarques, j’ai bien aimĂ© cette Ă©mission.

 

 

J’aimerais pouvoir ensuite traduire cet article en Anglais voire peut-ĂȘtre en Espagnol quand je le pourrai.

 

Apparemment, pour l’instant, je n’arrive pas Ă  intĂ©grer le lien vers ce podcast dans cet article. Mais on le trouve facilement. DĂšs que je le pourrai, je l’intĂ©grerai Ă  l’article.

https://podcasts.apple.com/fr/podcast/1-partir-ou-rester/id1498194259?i=1000465403252

 

 

Je le prĂ©cise assez peu dans mes articles mais la plupart des photos prises dans la rue ou dans le mĂ©tro sont de moi.  

Franck Unimon, ce jeudi 29 octobre 2020. Puis, ce lundi 2 novembre 2020 oĂč j’ai ajoutĂ© un certain nombre de propos et de pages depuis l’article initial.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Déconnecté

 

                                                 DĂ©connectĂ©

Tous les jours, nous avons des dĂ©sirs, des souhaits, des occasions, des circonstances. Et nous prenons de trĂšs grandes dĂ©cisions. Cracher un gros mollard sur la tĂȘte d’untel. Raconter deux ou trois secrets que l’on a appris Ă  son sujet. Aller aux toilettes. Violer la fourmi que l’on avait repĂ©rĂ©e il y a plusieurs semaines en allant faire nos courses. Eteindre ou allumer la tĂ©lĂ©. Faire une recherche sur internet. Se brosser les dents. Confectionner un gĂąteau. Manger des bonbons. DĂ©passer de dix kilomĂštres la vitesse autorisĂ©e sur la route. Boire. Fumer. Avoir des relations sexuelles. Trucider. Elucider. DĂ©boucher l’évier avec de la javel ou avec du percarbonate de soude. Apprendre Ă  lire. Sourire. Plomber une ambiance. Aller se promener. Enfanter. Se suicider. DĂ©missionner. Voler. Sulfater. DĂ©capiter. Etrangler. Dissoudre. Dessouder. Carboniser.

 

 

Une Histoire

 

J’ai lu ou entendu que l’animal n’a pas d’Histoire. Le genre humain, lui, a une Histoire. Et, certaines fois, une conscience. Du moins en est-il persuadĂ© grĂące Ă  cette pensĂ©e que nous avons tous eue un jour ou l’autre :

 

«  Je sais ce que je fais ! Â».

 

Au nom d’une Histoire, d’une Ă©ducation, d’une religion, d’une tradition, d’un nom, d’un parti, d’une croyance, par anticipation, par automatisme, par intĂ©rĂȘt ou par principe, l’ĂȘtre humain est capable de tout. De faire les soldes. Comme de rĂ©inventer le nĂ©ant. Quelle que soit l’action, une fois sa dĂ©cision prise, il aura toujours raison. Ensuite…

 

Ensuite
.celles et ceux qu’il croisera le conforteront ou lui feront comprendre, s’ils le peuvent, qu’il n’est pas tout seul. Qu’il fait partie d’un gigantesque puzzle qu’il avait Ă  peine aperçu contrairement Ă  tout ce qu’il « sait Â» et Ă  tout ce qu’il « croit Â».  Et que ce puzzle, comme les icebergs, les arbres et les plantes centenaires, voire millĂ©naires, a de trĂšs profondes et de puissantes histoires et origines. Que ces histoires et ces origines nous concernent et nous relient tous. Et qu’il reste donc beaucoup  plus d’une Ă©nigme ne serait-ce qu’à entrevoir avant d’espĂ©rer la rĂ©soudre- si on en a les facultĂ©s- avant de vĂ©ritablement savoir ce que l’on fait !

 

Je n’ai aucun problĂšme particulier avec la religion comme avec  toute autre forme d’autoritĂ©. Mais ce qui m’importe, c’est ce qu’on en fait !

 

Une espĂšce, comme la nĂŽtre, capable Ă  la fois de trucider pour manger les bonbons de son voisin, ou afin de lui prendre sa console de playstation, a bien Ă©videmment besoin de rĂšgles et de « guides Â». Mais j’ai besoin de gages d’ouvertures, de pouvoir choisir celle ou celui que je dĂ©cide de suivre pour une durĂ©e donnĂ©e, mĂȘme si c’est  pour quelques secondes. On appelle ça le libre arbitre, je crois.  Le choix. Ou le consentement Ă©clairĂ©.

 

La confiance

 

Lorsque je dĂ©cide de monter dans un bus ou dans un mĂ©tro, c’est parce-que je fais confiance Ă  la conductrice et au conducteur comme Ă  la sociĂ©tĂ© qui l’emploie. Bien-sĂ»r, je ne connais ni l’un ni l’autre et serais incapable de dire leur nom comme de dire Ă  quoi ils ressemblent physiquement et oĂč ils habitent.

Mais c’est nĂ©anmoins une des rĂ©ussites accomplies par l’ĂȘtre humain : pouvoir obtenir certains services bien pratiques, moyennant finances ou non, en se rapprochant d’inconnus dont, spontanĂ©ment, il y a plusieurs gĂ©nĂ©rations, il aurait mieux valu d’abord se mĂ©fier afin de s’assurer au prĂ©alable de leurs rĂ©elles intentions.

 

Si je me rends dans un hĂŽpital, dans une administration, dans une Ă©cole ou dans une association, c’est pareil. Idem pour un club de sport et pour les manifestations qu’il organise et auxquelles je dĂ©cide de participer. A priori, les personnes qui y oeuvrent veulent mon bien. Et sont compĂ©tentes.

 

Bien-sĂ»r, nous savons tous au quotidien qu’il nous arrive de connaĂźtre des dĂ©convenues et des contrariĂ©tĂ©s. Et nous savons aussi que tout dĂ©pend de l’orientation de l’institution, de l’association – et beaucoup des personnes qui la dirigent- Ă  laquelle nous nous en remettons.

 

 Mais le principe est qu’il nous est possible dans un certain nombre de cas de figures de vivre en «sociĂ©tĂ© Â» et de nous sentir en sĂ©curitĂ© mĂȘme lorsque nous sortons de chez nous. Ce qui est plutĂŽt une avancĂ©e.

 

Ça, c’est une partie du puzzle. L’autre partie du puzzle est faite de dogmes et d’obĂ©issances absolues. Lorsque l’on parle de fanatisme, religieux, politique, Ă©conomique ou autre, il existe au moins deux Ă©cueils. Celles et ceux qui s’identifient Ă  ce fanatisme, le justifient et en sont fiers car ils sont persuadĂ©s qu’ils « savent ce qu’ils font ! Â». Et rien ni personne a priori ne les fera changer d’avis. Ou alors, il faut avoir la personnalitĂ© d’un Daryl Davis ( auteur de Klan-Destine relationships ) peut-ĂȘtre. Ce qui est hors du commun.   

 

Et puis, il y a les fanatiques potentiels qui s’ignorent et que l’on ignore. D’une part parce qu’eux mĂȘmes ne savent pas de quoi ils sont capables dans certaines circonstances. Mais aussi parce-que le fanatisme, pour ĂȘtre « dĂ©tectĂ© Â», nĂ©cessite certaines capacitĂ©s d’écoute et d’observation. Ou certains moyens humains et logistiques. Des moyens sans doute surhumains faits aussi de psychologie, de patience, d’intuition voire, quasiment, de dons de « voyance Â».

 

 

La Peur

 

Faut-il avoir peur ? On choisit rarement ses peurs ou d’avoir peur. On a peur ou on n’a pas peur. On rĂ©ussit Ă  surmonter ses peurs ou non. Mais pour qu’un dogme s’impose et rende « servile Â», il a besoin d’instaurer la peur ne serait-ce que machinalement. Instinctivement.

Avoir peur, prendre peur, n’écouter que sa peur, vivre de sa peur et dans la peur, c’est donc, Ă  un moment ou Ă  un autre, se soumettre Ă  une institution, Ă  un ordre ou Ă  quelqu’un mĂȘme lorsque celle-ci ou celui-ci est absent, inactif ou dĂ©faillant. C’est donc perdre notre libre arbitre ou notre consentement Ă©clairĂ©.  C’est devenir la chose, le « membre Â» ou l’extension fidĂšle, loyal ou zĂ©lĂ© d’une institution, d’un ordre, d’une pensĂ©e. On croit peut-ĂȘtre ĂȘtre libre et savoir exactement ce que l’on fait. On sauve sĂ»rement sa peau- et son Ăąme- ou on a peut-ĂȘtre le sentiment de les sauver. Mais, en contrepartie, c’est quelqu’un d’autre ou quelque chose d’autre supposĂ© nous “protĂ©ger” et nous “guider” qui pense pour nous. On est comme sous hypnose. Une autohypnose consentie.

 

 

La Matrice

 

 

Et les rĂ©elles intentions de cette institution ou de cet autre qui pense pour nous nous sont inconnues. Les intentions de Google, de Facebook, d’Amazon ou D’Apple, par exemple, je ne les connais pas vraiment Ă  part d’établir et de maintenir une sorte de monopole.

Je n’ai jamais rencontrĂ© leurs dirigeants. Je ne connais pas ces personnes. Je ne vis pas avec elles. Pourtant, tous les jours, Google, Facebook, Apple, Microsoft et Amazon ( des entreprises amĂ©ricaines) influent sur ma vie directement ou indirectement. Tous les jours, d’une façon ou d’une autre, je contribue Ă  leur richesse et Ă  leur puissance. Puisque j’ai du mal Ă  m’en passer comme une majoritĂ© de personnes. Je suis incapable de savoir aujourd’hui si je suis encore suffisamment en  bonne santĂ© si je dĂ©cide de vivre sans ces entitĂ©s. Mais je sais que passer par Google, Facebook, Microsoft, Apple ou Amazon fait dĂ©sormais- et pour l’instant- partie d’une  normalitĂ©.

 

Je repense de temps à autre au film Matrix des ex-frÚres Wachowski, film transgenres. Les deux réalisateurs ont changé de genre pour devenir femmes. Comme pour essayer de mieux échapper à un certain conditionnement.

 

C’est pareil pour certaines dĂ©cisions politiques. Il s’y trouve un certain mĂ©lange des genres. Pourtant, mĂȘme si je suis hĂ©bĂ©tĂ© et distancĂ©, je ne peux me passer de continuer d’assister Ă  certaines dĂ©monstrations politiques.  

 

C’est encore pire lorsque je regarde un certain fanatisme religieux. DĂ©capiter Ă  Conflans Ste-Honorine un professeur ( Samuel Paty) qui parlait de Charlie Hebdo  Ă  ses Ă©lĂšves, ça fait trĂšs peur. J’ai travaillĂ© Ă  Conflans Ste Honorine il y a quelques annĂ©es. Je connais un peu cette ville. Une de mes Ex y a habitĂ© ou y habite encore. A Conflans Ste Honorine, j’avais aussi vu John Mc Laughlin en concert. C’était une toute autre ambiance que cette dĂ©capitation et cet attentat. Le soir de ce concert de John Mc Laughlin Ă  Conflans Ste-Honorine, comme tous les autres spectateurs aprĂšs le concert, j’Ă©tais reparti avec ma tĂȘte. Et j’espĂšre l’avoir encore bien avec moi alors que j’Ă©cris cet article. 

 

 

Harry Potter

 

J’ai appris la nouvelle par une collĂšgue vendredi soir (avant hier) au travail. Elle s’inquiĂ©tait du fait que les jeunes hospitalisĂ©s dans notre service soient effrayĂ©s par la nouvelle. Nous avons « rassurĂ© Â» cette collĂšgue :

 

Les jeunes n’en n’avaient pas entendu parler. Ils Ă©taient plutĂŽt concentrĂ©s sur le fait de  revoir un dvd de Harry Potter, un film oĂč l’on parle aussi de fanatisme. Mais oĂč des enfants, puis des adolescents, les hĂ©ros, en murissant, en se rappelant certains souvenirs, en remportant certaines Ă©preuves, en souffrant aussi, et en s’entraidant, parviennent finalement Ă  tuer le Mal absolu incarnĂ© par un adulte : « celui que l’on ne nomme pas Â».

 

Plusieurs fois, dĂ©jĂ , j’ai exprimĂ© mon Ă©tonnement devant le rĂŽle des adultes dans Harry Potter :

Ces mĂŽmes sont confiĂ©s, par leurs parents, Ă  une Ă©cole hautement rĂ©putĂ©e sans doute privĂ©e – et secrĂšte- de sorcellerie. Or,  bien que ces mĂŽmes soient sous la surveillance et la protection d’adultes formĂ©s et puissants, ils sont rĂ©guliĂšrement exposĂ©s au danger et Ă  la mort. Je trouve donc les parents de ces mĂŽmes soit trĂšs crĂ©dules soit irresponsables et suicidaires. A la limite du signalement. Quant aux professeurs, aussi charismatiques soient-ils, plus d’une fois, selon moi, ils devraient au minimum passer devant une commission de discipline pour manquement Ă  leurs devoirs de protection.

 

Mais, chaque fois que j’ai abordĂ© ce sujet, on m’a Ă©coutĂ© avec indulgence. Comme si le principal Ă©tait ailleurs. Comme si on en savait beaucoup plus que moi.  Harry Potter me laisse donc perplexe au moins pour cette raison. MĂȘme si je peux avoir plaisir Ă  regarder certains Ă©pisodes. Le Prisonnier d’Azkaban- rĂ©alisĂ© (en 2004) par Alfonso Cuaron plusieurs annĂ©es avant Gravity– est pour l’instant mon prĂ©fĂ©rĂ© parmi ceux que j’ai pu voir. Je me rappelle avoir vu le premier volet Ă  sa sortie au cinĂ©ma, Harry Potter Ă  l’école des sorciers, en 2001. Si j’avais plutĂŽt bien aimĂ© regarder le film, Ă  aucun moment, je n’avais envisagĂ© qu’il y aurait d’autres films aprĂšs celui-lĂ  et qu’ils deviendraient- comme l’Ɠuvre littĂ©raire originelle- le phĂ©nomĂšne mondial qu’ils sont devenus. Encore aujourd’hui, j’ai du mal Ă  retenir le nom de l’auteure de Harry Potter alors que je la sais mondialement connue.

 

Lors des « attentats du bataclan Â» et du « Stade de France Â» en novembre 2015, j’étais Ă©galement au travail. Et, lĂ  encore, les jeunes hospitalisĂ©s dans le service ce soir-lĂ  avaient baignĂ© dans le «fantastique Â» mais d’une autre façon :

Nous avions Ă©coutĂ© un conte avec eux, en avions discutĂ©, avant qu’ils n’aillent tranquillement se coucher. Puis, tandis qu’ils dormaient, mes deux collĂšgues et moi avions appris les Â« nouvelles Â».

 

 

 

La violence, notre addiction favorite

 

 

Que l’on parle de Harry Potter ou de contes (je propose des contes du monde entier : SĂ©nĂ©gal, Mali, Tunisie, Tahiti, Nouvelle OrlĂ©ans, BrĂ©sil, Japon, Bretagne
.). Ou que l’on parle de pandĂ©mie du Covid-19; du couvre-feu dĂ©cidĂ© rĂ©cemment par le gouvernement Macron-Castex pour rĂ©pondre Ă  la reprise de la pandĂ©mie du Covid; de la montĂ©e des eaux -qui semble s’inspirer de la montĂ©e des extrĂ©mismes religieux, politiques et Ă©conomiques- du rĂ©chauffement climatique ; de la pollution atmosphĂ©rique ; des Ă©lections prĂ©sidentielles amĂ©ricaines Trump-Biden ; de l’emprise croissante des rĂ©seaux sociaux et des GAFAM ; des crimes racistes ; des guerres en sĂ©rie ou d’autres tragĂ©dies, j’ai l’impression que nous sommes beaucoup de grands enfants qui assistons Ă  un spectacle trĂšs violent qui nous dĂ©passe. Spectacle qui explose devant nos yeux en emportant parfois nos bras ou l’une de nos connaissances.

Parce que la violence, sous toutes ses formes, est devenue notre addiction favorite.

 

 

Les Adultes face Ă  leur enfance

 

 

Je ne sais pas oĂč sont les adultes. Ce qu’ils font et ce qu’ils attendent pour remettre de l’ordre et de l’autoritĂ© dans tout ça. Peut-ĂȘtre parce-que c’est encore trop tĂŽt. Peut-ĂȘtre parce-que, comme n’importe quel gamin, je reste dĂ©connectĂ© du lourd travail que rĂ©alisent quantitĂ© d’adultes. Et que ce travail, s’il se fait devant moi-  voire, mĂȘme si j’y prends aussi ma part – avec d’autres dans un champ invisible, tous les jours,  est abstrait. Lent. Et cela me donne peut-ĂȘtre l’impression de servir Ă  rien.  

Peut-ĂȘtre, aussi, que certaines personnes ignorent encore Ă  quel point elles sont et peuvent ĂȘtre adultes en certaines circonstances. Face au danger et Ă  la mort. 

Beaucoup d’adultes restent des enfants qui, lorsqu’ils ont peur, se cachent sous une couverture. Cependant, la peur peut pousser vers deux extrĂȘmes : la paralysie ou l’attaque.

Donc, tout commence souvent par la façon dont on traite l’enfance. Que ce soit la nĂŽtre, celle de notre descendance mais aussi celle des autres. Ainsi que par la façon dont, en tant qu’adultes, on se comporte et on s’exprime devant cette enfance et par rapport Ă  elle. Par la façon dont on lui apprend Ă  regarder la vie, le monde et les autres. C’est toujours la mĂȘme Histoire qui se rĂ©pĂšte et que l’ĂȘtre humain semble avoir beaucoup de mal Ă  retenir, Ă  connaĂźtre et Ă  comprendre, si pressĂ© de grandir et d’exposer ses certitudes pour se faire admirer qu’il reste petit. 

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 18 octobre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Olivier de Kersauson- Le Monde comme il me parle

 

                    Olivier de Kersauson- Le Monde comme il me parle

« Le plaisir est ma seule ambition Â».

 

 

Parler d’un des derniers livres de Kersauson

 

Parler d’un des derniers livres de Kersauson, Le Monde comme il me parle,  c’est presque se dĂ©vouer Ă  sa propre perdition. C’est comme faire la description de notre dentition de lait en dĂ©cidant que cela pourrait captiver. Pour beaucoup, ça manquera de sel et d’exotisme. Je m’aperçois que son nom parlera spontanĂ©ment aux personnes d’une cinquantaine d’annĂ©es comme Ă  celles en Ăąge d’ĂȘtre en EHPAD.

 

Kersauson est sĂ»rement assez peu connu voire inconnu du grand public d’aujourd’hui. Celui que j’aimerais concerner en prioritĂ© avec cet article. Je parle du public compris grosso modo entre 10 et 35 ans. Puisque internet et les rĂ©seaux sociaux ont contribuĂ© Ă  abaisser l’ñge moyen du public lambda. Kersauson n’est ni Booba, ni Soprano, ni Kenji Girac. Il n’est mĂȘme pas le journaliste animateur Pascal Praud, tentative de croisement tĂȘte Ă  claques entre Donald Trump et Bernard Pivot, martelant sur la chaine de tĂ©lĂ© Cnews ses certitudes de privilĂ©giĂ©. Et Ă  qui il manque un nez de clown pour complĂ©ter le maquillage.

 

Le MĂ©rite

 

Or, aujourd’hui, nous sommes de plus en plus guidĂ©s par et pour la dictature de l’audience et du like. Il est plus rentable de faire de l’audience que d’essayer de se faire une conscience.  

 

Que l’on ne me parle pas du mĂ©rite, hĂ©ritage incertain qui peut permettre Ă  d’autres de profiter indĂ©finiment de notre crĂ©dulitĂ© comme de notre « gĂ©nĂ©rositĂ© Â» ! Je me rappelle toujours de cette citation que m’avait professĂ©e Spock, un de mes anciens collĂšgues :

 

« Il nous arrive non pas ce que l’on mĂ©rite mais ce qui nous ressemble Â».

Une phrase implacable que je n’ai jamais essayĂ© de dĂ©tourner ou de contredire.

 

Passer des heures sur une entreprise ou sur une action qui nous vaut peu de manifestations d’intĂ©rĂȘt ou pas d’argent revient Ă  se masturber ou Ă  Ă©chouer. 

Cela Ă©quivaut Ă  demeurer  une personne indĂ©sirable.

Si, un jour, mes articles comptent plusieurs milliers de lectrices et de lecteurs, je deviendrai une personne de « valeur Â».  Surtout si ça rapporte de l’argent. Beaucoup d’argent. Quelles que soient l’originalitĂ© ou les vertus de ce que je produis.

 

Mais j’ai beaucoup de mal Ă  croire Ă  cet avenir. Mes Ă©crits manquent par trop de poitrine, de potins, d’images ad hoc, de sex-tapes, de silicone et de oups ! Et ce n’est pas en parlant de Kersauson aujourd’hui que cela va s’amĂ©liorer. Kersauson n’a mĂȘme pas fait le nĂ©cessaire pour intĂ©grer  l’émission de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© Les Marseillais !

 

Rien en commun

 

Mais j’ai plaisir Ă  Ă©crire cet article.

 

Kersauson et moi n’avons a priori rien Ă  voir ensemble. Il a l’ñge de mon pĂšre, est issu de la bourgeoisie catholique bretonne. Mais il n’a ni l’histoire ni le corps social (et autre) de mon pĂšre et de ma mĂšre. MĂȘme si, tous les deux, ont eu une Ă©ducation catholique tendance campagnarde et traditionnelle. Ma grand-mĂšre maternelle, originaire des Saintes, connaissait ses priĂšres en latin.  

 

Kersauson a mis le pied sur un bateau de pĂȘche Ă  l’ñge de quatre ans et s’en souvient encore. Il a appris « tĂŽt Â» Ă  nager, sans doute dans la mer, comme ses frĂšres et soeurs.

Je devais avoir entre 6 et 9 ans lorsque je suis allĂ© sur mon premier bateau. C’était dans le bac Ă  sable Ă  cĂŽtĂ© de l’immeuble HLM oĂč nous habitions en banlieue parisienne. A quelques minutes du quartier de la DĂ©fense Ă  vol d’oiseau.

 

J’ai appris Ă  nager vers mes dix ans dans une piscine. Le sel et la mer pour lui, le chlore et le bĂ©ton pour moi comme principaux dĂ©cors d’enfance.

 

Moniteur de voile Ă  13 ans, Kersauson enseignait le bateau Ă  des parisiens (sĂ»rement assez aisĂ©s) de 35 Ă  40 ans. Moi, c’est plutĂŽt vers mes 18-20 ans que j’ai commencĂ© Ă  m’occuper de personnes plus ĂągĂ©es que moi : c’était des patients  dans les hĂŽpitaux et les cliniques. Changer leurs couches, vider leur  bassin, faire leur toilette, prendre soin d’eux
.

 

J’ai pourtant connu la mer plus tĂŽt que certains citadins. Vers 7 ans, lors de mon premier sĂ©jour en Guadeloupe. Mais si, trĂšs tĂŽt, Kersauson est devenu marin, moi, je suis un ultramarin. Lui et moi, ne sommes pas nĂ©s du mĂȘme cĂŽtĂ© de la mer ni pour les mĂȘmes raisons.

La mer a sĂ»rement eu pour lui, assez tĂŽt, des attraits qui ont mis bien plus de temps  Ă  me parvenir.  Je ne vais pas en rajouter sur le sujet. J’en ai dĂ©jĂ  parlĂ© et reparlĂ©. Et lui, comme d’autres, n’y sont pour rien.

 

Kersauson est nĂ© aprĂšs guerre, en 1944, a grandi dans cette ambiance (la guerre d’Indochine, la guerre d’AlgĂ©rie, la guerre du Vietnam) et n’a eu de cesse de lui Ă©chapper.

Je suis nĂ© en 1968. J’ai entendu parler des guerres. J’ai vu des images. J’ai entendu parler de l’esclavage. J’ai vu des images. J’ai plus connu la crise, la peur du chĂŽmage, la peur du racisme, l’épidĂ©mie du Sida, la peur d’une guerre nuclĂ©aire, les attentats. Et, aujourd’hui, le rĂ©chauffement climatique, les attentats, les serres d’internet, l’effondrement, le Covid.

 

Kersauson, et moi, c’est un peu la matiùre et l’antimatiùre.

 

En cherchant un peu dans la vase

 

Pourtant, si je cherche un peu dans la vase, je nous trouve quand mĂȘme un petit peu de limon en commun.

L’ancien collĂšgue Spock que j’ai connu, contrairement Ă  celui de la sĂ©rie Star Trek, est Breton.

C’est pendant qu’il fait son service militaire que Kersauson, Breton, rencontre Eric Tabarly, un autre Breton.

 

C’est pendant mon service militaire que j’entends parler pour la premiĂšre fois de Kersauson. Par un Ă©tudiant en psychologie qui me parle rĂ©guliĂšrement de Brautigan, de Desproges et de Manchette sĂ»rement. Et qui me parle de la culture de Kersauson lorsque celui-ci passe aux Grosses TĂȘtes de Bouvard. Une Ă©mission radiophonique dont j’ai plus entendu parler que je n’ai pris le temps de l’écouter.

 

Je crois que Kersauson a bien dĂ» priser l’univers d’au moins une de ces personnes :

Desproges, Manchette, Brautigan.

 

Pierre Desproges et Jean-Patrick Manchette m’ont fait beaucoup de bien Ă  une certaine pĂ©riode de ma vie. Humour noir et polar, je ne m’en dĂ©fais pas.

 

C’est un Breton que je rencontre une seule fois (l’ami de ChrystĂšle, une copine bretonne de l’école d’infirmiĂšre)  qui m’expliquera calmement, alors que je suis en colĂšre contre la France, que, bien que noir, je suis Français. J’ai alors entre 20 et 21 ans. Et je suis persuadĂ©, jusqu’à cette rencontre, qu’il faut ĂȘtre blanc pour ĂȘtre Français. Ce Breton, dont j’ai oubliĂ© le prĂ©nom, un peu plus ĂągĂ© que moi, conducteur de train pour la SNCF, me remettra sur les rails en me disant simplement :

« Mais
tu es Français ! Â».

C’était Ă  la fin des annĂ©es 80. On n’entendait pas du tout  parler d’un Eric Zemmour ou d’autres. Il avait beaucoup moins d’audience que depuis quelques annĂ©es. Lequel Eric Zemmour, aujourd’hui, a son trĂŽne sur la chaine Cnews et est la pierre philosophale de la PensĂ©e selon un Pascal Praud. Eric Zemmour qui se considĂšre frĂ©quemment comme l’une des personnes les plus lĂ©gitimes pour dire qui peut ĂȘtre Français ou non. Et Ă  quelles conditions. Un de ses vƓux est peut-ĂȘtre d’ĂȘtre le Montesquieu de la question de l’immigration en France.

 

Dans son livre, Le Monde comme il me parle, Kersauson redit son attachement Ă  la PolynĂ©sie française. Mais je sais que, comme lui, le navigateur Moitessier y Ă©tait tout autant attachĂ©. Ainsi qu’Alain Colas. Deux personnes qu’il a connues. Je sais aussi que Tabarly, longtemps cĂ©libataire et sans autre idĂ©e fixe que la mer, s’était quand mĂȘme  achetĂ© une maison et mariĂ© avec une Martiniquaise avec laquelle il a eu une fille. MĂȘme s’il a fini sa vie en mer. Avant d’ĂȘtre repĂȘchĂ©.

 

Ce paragraphe vaut-il Ă  lui tout seul la rĂ©daction et la lecture de cet article ? Toujours est-il que Kersauson est un inconnu des rĂ©seaux sociaux.

 

Inconnu des rĂ©seaux sociaux :

 

 

 

Je n’ai pas vĂ©rifiĂ© mais j’ai du mal Ă  concevoir Kersauson sur Instagram, faisant des selfies ou tĂ©lĂ©chargeant des photos dĂ©nudĂ©es de lui sur OnlyFans. Et il ne fait pas non plus partie du dĂ©cor du jeu The Last of us dont le deuxiĂšme volet, sorti cet Ă©tĂ©,  une des exclusivitĂ©s pour la console de jeu playstation, est un succĂšs avec plusieurs millions de vente.

 

Finalement, mes articles sont peut-ĂȘtre trop hardcore pour pouvoir attirer beaucoup plus de public. Ils sont peut-ĂȘtre aussi un peu trop « mystiques Â». J’ai eu cette intuition- indirecte- en demandant Ă  un jeune rĂ©cemment ce qu’il Ă©coutait comme artistes de Rap. Il m’a d’abord citĂ© un ou deux noms que je ne connaissais pas. Il m’avait prĂ©venu. Puis, il a mentionnĂ© Dinos. Je n’ai rien Ă©coutĂ© de Dinos mais j’ai entendu parler de lui. J’ai alors Ă©voquĂ© Damso dont j’ai Ă©coutĂ© et rĂ©Ă©coutĂ© l’album LithopĂ©dion (sorti en 2018) et mis plusieurs de ses titres sur mon baladeur.  Le jeune m’a alors fait comprendre que les textes de Damso Ă©taient en quelque sorte trop hermĂ©tiques pour lui.

Mais au moins Damso a-t’il des milliers voire des millions de vues sur Youtube. Alors que Kersauson
. je n’ai pas fouillĂ© non plus- ce n’est pas le plus grave- mais je ne vois pas Kersauson avoir des milliers de vues ou lancer sa chaine youtube. Afin de nous vendre des mĂ©duses (les sandales en plastique pour la plage) signĂ©es Balenciaga ou une crĂšme solaire bio de la marque Leclerc.

 

J’espĂšre au moins que « Kersau Â», mon Bernard Lavilliers des ocĂ©ans, est encore vivant. Internet, google et wikipĂ©dia m’affirment que « oui Â». Kersauson a au moins une page wikipĂ©dia. Il a peut-ĂȘtre plus que ça sur le net. En Ă©crivant cet article, je me fie beaucoup Ă  mon regard sur lui ainsi que sur le livre dont je parle. Comme d’un autre de ses livres que j’avais lu  il y a quelques annĂ©es, bien avant l’effet « Covid».

 

L’effet « Covid Â»

 

Pourvu, aussi, que Kersauson se prĂ©serve du Covid.  Il a 76 ans cette annĂ©e. Car, alors que la rentrĂ©e (entre-autre, scolaire)  a eu lieu hier et que bien des personnes rechignent Ă  continuer de porter un masque (dont le trĂšs inspirĂ© journaliste Pascal Praud sur Cnews), deux de mes collĂšgues infirmiĂšres sont actuellement en arrĂȘt de travail pour suspicion de covid. La premiĂšre collĂšgue a une soixantaine d’annĂ©es. La seconde, une trentaine d’annĂ©es. Praud en a 54 si j’ai bien entendu. Ou 56.

Un article du journal ” Le Canard EnchainĂ©” de ce mercredi 2 septembre 2020.

 

Depuis la pandĂ©mie du Covid-19, aussi appelĂ© de plus en plus « la Covid Â», la vente de livres a augmentĂ©. Jeff Bezos, le PDG du site Amazon, premier site de ventes en ligne, (aujourd’hui, homme le plus riche du monde avec une fortune estimĂ©e Ă  200 milliards de dollars selon le magazine Forbes US  citĂ© dans le journal Le Canard EnchaĂźnĂ© de ce mercredi 2 septembre 2020) n’est donc pas le seul Ă  avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© de la pandĂ©mie du Covid qui a par ailleurs mis en faillite d’autres Ă©conomies.

 

Donc, Kersauson, et son livre, Le Monde comme il me parle, auraient pu profiter de « l’effet Covid Â». Mais ce livre, celui dont j’ai prĂ©vu de vous parler, est paru en 2013.

 

Il y a sept ans.  C’est Ă  dire, il y a trĂšs trĂšs longtemps pour beaucoup Ă  l’époque.

 

Mon but, aujourd’hui, est de vous parler d’un homme de 76 ans pratiquement inconnu selon les critĂšres de notoriĂ©tĂ© et de rĂ©ussite sociale typiques d’aujourd’hui. Un homme qui a fait publier un livre en 2013.

Nous sommes le mercredi 2 septembre 2020, jour du dĂ©but du procĂšs des attentats de Charlie Hebdo et de L’Hyper Cacher.

 

 

Mais nous sommes aussi le jour de la sortie du film Police d’Anne Fontaine avec Virginie Efira, Omar Sy et GrĂ©gory Gadebois. Un film que j’aimerais voir. Un film dont je devrais plutĂŽt vous parler. Au mĂȘme titre que le film Tenet de Christopher Nolan, sorti la semaine derniĂšre. Un des films trĂšs attendus de l’étĂ©, destinĂ© Ă  relancer la frĂ©quentation des salles de cinĂ©ma aprĂšs leur fermeture due au Covid. Un film d’autant plus dĂ©sirĂ© que Christopher Nolan est un rĂ©alisateur reconnu et que l’autre grosse sortie espĂ©rĂ©e, le film Mulan , produit par Disney, ne sortira pas comme prĂ©vu dans les salles de cinĂ©ma. Le PDG de Disney prĂ©fĂ©rant obliger les gens Ă  s’abonner Ă  Disney+ (29, 99 dollars l’abonnement aux Etats-Unis ou 25 euros environ en Europe) pour avoir le droit de voir le film. Au prix fort, une place de cinĂ©ma Ă  Paris peut coĂ»ter entre 10 et 12 euros.

 

 

Tenet, qui dure prĂšs de 2h30,  m’a contrariĂ©. Je suis allĂ© le voir la semaine derniĂšre. Tenet est selon moi la bande annonce des films prĂ©cĂ©dents et futurs de Christopher Nolan dont j’avais aimĂ© les films avant cela. Un film de James Bond sans James Bond. On apprend dans Tenet qu’il suffit de poser sa main sur la pĂ©dale de frein d’une voiture qui file Ă  toute allure pour qu’elle s’arrĂȘte au bout de cinq mĂštres. J’aurais dĂ» m’arrĂȘter de la mĂȘme façon avant de choisir d’aller le regarder. Heureusement qu’il y a Robert Pattinson dans le film ainsi que Elizabeth Debicki que j’avais beaucoup aimĂ©e dans Les Veuves rĂ©alisĂ© en 2018 par Steve McQueen.

 

Distorsions temporelles

 

Nolan affectionne les distorsions temporelles dans ses films. Je le fais aussi dans mes articles :

 

 

En 2013, lorsqu’est paru Le Monde comme il me parle de Kersauson, Omar Sy, un des acteurs du film Police, sorti aujourd’hui,  Ă©tait dĂ©jĂ  devenu un « grand acteur Â».

GrĂące Ă  la grande audience qu’avait connue le film Intouchables rĂ©alisĂ© en
2011 par Olivier Nakache et Eric Toledano. PrĂšs de vingt millions d’entrĂ©es dans les salles de cinĂ©ma seulement en France. Un film qui a permis Ă  Omar Sy de jouer dans une grosse production amĂ©ricaine. Sans le succĂšs d’Intouchables, nous n’aurions pas vu Omar Sy dans le rĂŽle de Bishop dans un film de X-Men (X-Men : Days of future past rĂ©alisĂ© en 2014 par Bryan Singer).

 

J’ai de la sympathie pour Omar Sy. Et cela, bien avant Intouchables. Mais ce n’est pas un acteur qui m’a particuliĂšrement Ă©patĂ© pour son jeu pour l’instant. A la diffĂ©rence de Virginie Efira et de GrĂ©gory Gadebois.

Virginie Efira, d’abord animatrice de tĂ©lĂ©vision pendant une dizaine d’annĂ©es, est plus reconnue aujourd’hui qu’en 2013, annĂ©e de sortie du livre de Kersauson.

J’aime beaucoup le jeu d’actrice de Virginie Efira et ce que je crois percevoir d’elle. Son visage et ses personnages ont une allure plutĂŽt fade au premier regard : ils sont souvent le contraire.

GrĂ©gory Gadebois, passĂ© par la comĂ©die Française, m’a « eu Â» lorsque je l’ai vu dans le AngĂšle et Tony rĂ©alisĂ© par Alix Delaporte en 2011. Je ne me souviens pas de lui dans Go Fast rĂ©alisĂ© en 2008 par Olivier Van Hoofstadt.

 

Je ne me défile pas en parlant de ces trois acteurs.

 

Je continue de parler du livre de Kersauson. Je parle seulement, à ma façon, un petit peu du monde dans lequel était sorti son livre, précisément.

 

Kersauson est Ă©videmment un Ă©minent pratiquant des distorsions temporelles. Et, grĂące Ă  lui, j’ai sans doute compris la raison pour laquelle, sur une des plages du Gosier, en Guadeloupe, j’avais pu ĂȘtre captivĂ© par les vagues. En Ă©tant nĂ©anmoins incapable de l’expliquer Ă  un copain, Eguz, qui m’avait surpris. Pour lui, mon attitude Ă©tait plus suspecte que d’ignorer le corps d’une femme nue. Il y en avait peut-ĂȘtre une, d’ailleurs, dans les environs.

 

Page 12 de Le Monde comme il me parle :

 

« Le chant de la mer, c’est l’éternitĂ© dans l’oreille. Dans l’archipel des Tuamotu, en PolynĂ©sie, j’entends des vagues qui ont des milliers d’annĂ©es. C’est frappant. Ce sont des vagues qui brisent au milieu du plus grand ocĂ©an du monde. Il n y  a pas de marĂ©e ici, alors ces vagues tapent toujours au mĂȘme endroit Â».

 

Tabarly

 

A une Ă©poque, adolescent, Kersauson lisait un livre par jour. Il le dit dans Le Monde comme il me parle.

 

J’imagine qu’il est assez peu allĂ© au cinĂ©ma. Page 50 :

 

« (
.) Quand je suis dĂ©mobilisĂ©, je reste avec lui ( Eric Tabarly). Evidemment. Je tombe sur un mec dont le seul programme est de naviguer. Il est certain que je n’allais pas laisser passer ça Â».

 

Page 51 :

 

«  Tabarly avait, pour moi, toutes les clĂ©s du monde que je voulais connaĂźtre. C’était un immense marin et, en mer, un homme dĂ©licieux Ă  vivre Â».

 

Page 54 :

« C’est le temps en mer qui comptait. Et, avec Eric, je passais neuf mois de l’annĂ©e en mer Â».

 

A cette Ă©poque, Ă  la fin des annĂ©es 60, Kersauson avait 23 ou 24 ans. Les virĂ©es entre « potes Â» ou entre « amies Â» que l’on peut connaĂźtre dans les soirĂ©es ou lors de certains sĂ©jours de vacances, se sont dĂ©roulĂ©es autour du monde et sur la mer pour lui. Avec Eric Tabarly, rĂ©fĂ©rence mondiale de la voile.

 

Page 51 :

 

« (
..) Il faut se rendre compte qu’à l’époque, le monde industriel français se demande comment aider Eric Tabarly- tant il est crĂ©atif, ingĂ©nieux. Il suscite la passion. C’est le bureau d’études de chez Dassault qui rĂšgle nos problĂšmes techniques ! Â».

 

 

Le moment des bilans

 

 

Il est facile de comprendre que croiser un mentor comme Tabarly Ă  24 ans laisse une trace. Mais Kersauson Ă©tait dĂ©jĂ  un tĂ©nor lorsqu’ils se sont rencontrĂ©s. Il avait dĂ©ja un aplomb lĂ  ou d’autres avaient des implants. Et, aujourd’hui, en plus, on a besoin de tout un tas d’applis, de consignes et de protections pour aller de l’avant.

J’avais lu MĂ©moires du large, paru en Mai 1998 (dont la rĂ©daction est attribuĂ©e Ă  Eric Tabarly) quelques annĂ©es aprĂšs sa mort. Tabarly est mort en mer en juin 1998.

 Tabarly Ă©tait aussi intraitable que Kersauson dans son rapport Ă  la vie. Kersauson Ă©crit dans Le Monde comme il me parle, page 83 :

«  Ce qui m’a toujours sidĂ©rĂ©, chez l’ĂȘtre humain, c’est le manque de cohĂ©rence entre ce qu’il pense et ce qu’il fait (
). J’ai toujours tentĂ© de vivre comme je le pensais. Et je m’aperçois que nous ne sommes pas si nombreux dans cette entreprise Â».

 

Tabarly avait la mĂȘme vision de la vie. Il  l’exprimait avec d’autres mots.

 

Que ce soit en lisant Kersauson ou en lisant Tabarly, je me considĂšre comme faisant partie du lot des ruminants. Et c’est peut-ĂȘtre aussi pour cela que je tiens autant Ă  cet article. Il me donne sans doute l’impression d’ĂȘtre un petit peu moins mouton mĂȘme si mon intrĂ©piditĂ© sera un souvenir avant mĂȘme la fin de la rĂ©daction de cet article.

 

« DiffĂ©rence entre la technologie et l’esclavage. Les esclaves ont pleinement conscience qu’ils ne sont pas libres Â» affirme Nicholas Nassim Taleb dont les propos sont citĂ©s par le Dr Judson Brewer dans son livre Le Craving ( Pourquoi on devient accro et comment se libĂ©rer), page 65.

 

Un peu plus loin, le Dr Judson Brewer rappelle ce qu’est une addiction, terme qui n’a Ă©tĂ© employĂ© par aucun des intervenants, hier, lors du « dĂ©bat Â» animĂ© par Pascal Praud sur Cnews Ă  propos de la consommation de Cannabis. Comme Ă  propos des amendes qui seront dĂ©sormais infligĂ©es automatiquement Ă  toute personne surprise en flagrant dĂ©lit de consommation de cannabis :

D’abord 135 euros d’amende. Ou 200 euros ?

En Ă©coutant Pascal Praud sur Cnews hier ( il a au moins eu la sincĂ©ritĂ© de confesser qu’il n’avait jamais fumĂ© un pĂ©tard de sa vie)  la solution Ă  la consommation de cannabis passe par des amendes dissuasives, donc par la rĂ©pression, et par l’autoritĂ© parentale.

 

Le Dr Judson Brewer rappelle ce qu’est une addiction (page 68 de son livre) :

 

«  Un usage rĂ©pĂ©tĂ© malgrĂ© les consĂ©quences nĂ©gatives Â». 

 

Donc, rĂ©primer ne suffira pas Ă  endiguer les addictions au cannabis par exemple. RĂ©primer par le porte-monnaie provoquera une augmentation des agressions sur la voie publique. Puisqu’il faudra que les personnes addict ou dĂ©pendantes se procurent l’argent pour acheter leur substance. J’ai rencontrĂ© au moins un mĂ©decin addictologue qui nous a dit en formation qu’il lui arrivait de faire des prescriptions de produits de substitution pour Ă©viter qu’une personne addict n’agresse des personnes sur la voie publique afin de leur soutirer de l’argent en vue de s’acheter sa dose. On ne parlait pas d’une addiction au cannabis. Mais, selon moi, les consĂ©quences peuvent ĂȘtre les mĂȘmes pour certains usagers de cannabis.

 

Le point commun entre une addiction (avec ou sans substance) et cette « incohĂ©rence Â» par rapport Ă  la vie que pointe un Kersauson ainsi qu’un Tabarly avant lui, c’est que nous sommes trĂšs nombreux Ă  maintenir des habitudes de vie qui ont sur nous des « consĂ©quences nĂ©gatives Â». Par manque d’imagination. Par manque de modĂšle. Par manque de courage ou d’estomac. Par manque d’accompagnement. Par manque d’estime de soi. Par Devoir. Oui, par Devoir. Et Par peur.

 

La Peur

On peut bien-sĂ»r penser Ă  la peur du changement. Comme Ă  la peur partir Ă  l’aventure.

 

Kersauson affirme dans son livre qu’il n’a peur de rien. C’est lĂ  oĂč je lui trouve un cĂŽtĂ© Bernard Lavilliers des ocĂ©ans. Pour sa façon de rouler des mĂ©caniques. Je ne lui conteste pas son courage en mer ou sur la terre. Je crois Ă  son autoritĂ©, Ă  sa dĂ©termination comme ses trĂšs hautes capacitĂ©s d’intimidation et de commandement.

 

Mais avoir peur de rien, ça n’existe pas. Tout le monde a peur de quelque chose, Ă  un moment ou Ă  un autre. Certaines personnes sont fortes pour transcender leur peur. Pour  s’en servir pour accomplir des actions que peu de personnes pourraient rĂ©aliser. Mais on a tous peur de quelque chose.

 

Kersauson a peut-ĂȘtre oubliĂ©. Ou, sĂ»rement qu’il a peur plus tardivement que la majoritĂ©. Mais je ne crois pas Ă  une personne dĂ©pourvue totalement de peur. MĂȘme Tabarly, en mer, a pu avoir peur. Je l’ai lu ou entendu. Sauf que Tabarly, comme Kersauson certainement, et comme quelques autres, une minoritĂ©, font partie des personnes (femmes comme hommes, mais aussi enfants) qui ont une aptitude Ă  se reprendre en main et Ă  fendre leur peur.

 

Je pourrais peut-ĂȘtre ajouter que la personne qui parvient Ă  se reprendre alors qu’elle a des moments de peur est plus grande, et sans doute plus forte, que celle qui ignore complĂštement ce qu’est la peur. Pour moi, la personne qui ignore la peur s’aperçoit beaucoup trop tard qu’elle a peur. Lorsqu’elle s’en rend compte, elle est dĂ©jĂ  bien trop engagĂ©e dans un dĂ©nouement qui dĂ©passe sa volontĂ©.

 

Cette remarque mise Ă  part, je trouve Ă  Kersauson, comme Ă  Tabarly et Ă  celles et ceux qui leur ressemblent une parentĂ© Ă©vidente avec l’esprit chevaleresque ou l’esprit du sabre propre aux SamouraĂŻ et Ă  certains aventuriers. Cela n’a rien d’étonnant.

 

L’esprit du samouraï

 

Dans une vidĂ©o postĂ©e sur Youtube le 13 dĂ©cembre 2019, GregMMA, ancien combattant de MMA, rencontre LĂ©o Tamaki, fondateur de l’école Kishinkai Aikido.

 

GregMMA a rencontrĂ© d’autres combattants d’autres disciplines martiales ou en rapport avec le Combat. La particularitĂ© de cette vidĂ©o (qui compte 310 070 vues alors que j’écris l’article) est l’érudition de LĂ©o Tamaki que j’avais entrevue dans une revue. Erudition Ă  laquelle GregMMA se montre heureusement rĂ©ceptif. L’un des attraits du MMA depuis quelques annĂ©es, c’est d’offrir une palette aussi complĂšte que possible de techniques pour se dĂ©fendre comme pour survivre en cas d’agression. C’est La discipline de combat du moment. MĂȘme si le Krav Maga a aussi une bonne cote.  Mais, comme souvent, des comparaisons se font entre tel ou telle discipline martiale, de Self-DĂ©fense ou de combat en termes d’efficacitĂ© dans des conditions rĂ©elles.

 

Je ne donne aucun scoop en Ă©crivant que le MMA attire sĂ»rement plus d’adhĂ©rents aujourd’hui que l’AĂŻkido qui a souvent l’ image d’un art martial dont les postures sont difficiles Ă  assimiler, qui peut faire penser «  Ă  de la danse Â» et dont l’efficacitĂ© dans la vie rĂ©elle peut ĂȘtre mise en doute  :

 

On ne connaĂźt pas de grand champion actuel dans les sports de combats, ou dans les arts martiaux, qui soit AĂŻkidoka. Steven Seagal, c’est au cinĂ©ma et ça date des annĂ©es 1990-2000. Dans les combats UFC, on ne parle pas d’AĂŻkidoka mĂȘme si les combattants UFC sont souvent polyvalents ou ont gĂ©nĂ©ralement cumulĂ© diffĂ©rentes expĂ©riences de techniques et de distances de combat.

 

Lors de cet Ă©change avec GregMMA, LĂ©o Tamaki confirme que le niveau des pratiquants en AĂŻkido a baissĂ©. Ce qui explique aussi en partie le discrĂ©dit qui touche l’AĂŻkido. Il explique la raison de la baisse de niveau :

 

Les derniers grands Maitres d’AĂŻkido avaient connu la Guerre. Ils l’avaient soit vĂ©cue soit en Ă©taient encore imprĂ©gnĂ©s. A partir de lĂ , pour eux, pratiquer l’AĂŻkido, mĂȘme si, comme souvent, ils avaient pu pratiquer d’autres disciplines martiales auparavant, devait leur permettre d’assurer leur survie. C’était immĂ©diat et trĂšs concret. Cela est trĂšs diffĂ©rent de la dĂ©marche qui consiste Ă  aller pratiquer un sport de combat ou un art martial afin de faire « du sport Â», pour perdre du poids ou pour se remettre en forme.

 

Lorsque Kersauson explique au dĂ©but de son livre qu’il a voulu Ă  tout prix faire de sa vie ce qu’il souhaitait, c’était en rĂ©ponse Ă  la Guerre qui Ă©tait pour lui une expĂ©rience trĂšs concrĂšte. Et qui aurait pu lui prendre sa vie.

Lorsque je suis parti faire mon service militaire, qui Ă©tait encore obligatoire Ă  mon « Ă©poque Â», la guerre Ă©tait dĂ©jĂ  une probabilitĂ© Ă©loignĂ©e. Bien plus Ă©loignĂ©e que pour un Kersauson et les personnes de son Ăąge. MĂȘme s’il a vĂ©cu dans un milieu privilĂ©giĂ©, il avait 18 ans en 1962 lorsque l’AlgĂ©rie est devenue indĂ©pendante. D’ailleurs, je crois qu’un de ses frĂšres est parti faire la Guerre d’AlgĂ©rie.

 

On retrouve chez lui comme chez certains adeptes d’arts martiaux , de self-dĂ©fense ou de sport de combat, cet instinct de survie et de libertĂ© qui l’a poussĂ©, lui, Ă  prendre le large. Quitte Ă  perdre sa vie, autant la perdre en  choisissant de faire quelque chose que l’on aime faire. Surtout qu’autour de lui, il s’aperçoit que les aĂźnĂ©s et les anciens qui devraient ĂȘtre Ă  mĂȘme de l’orienter ont dĂ©gustĂ© (Page 43) :

« Bon, l’ancien monde est mort. S’ouvre Ă  moi une pĂ©riode favorable (
.). J’ai 20 ans, j’ai beaucoup lu et je me dis qu’il y a un loup dans la combine :

Je m’aperçois que les vieux se taisent, ne parlent pas. Et comme ils ont fait le trajet avant, ils devraient nous donner le mode d’emploi pour l’avenir, mais rien ! Ils sont vaincus. Alors, je sens qu’il ne faut surtout pas s’adapter Ă  ce qui existe mais crĂ©er ce qui vous convient Â».

 

Nous ne vivons pas dans un pays en guerre.

 

Jusqu’à maintenant, si l’on excepte le chĂŽmage,  certains attentats et les faits divers, nous avons obtenu une certaine sĂ©curitĂ©. Nous ne vivons pas dans un pays en guerre. MĂȘme si, rĂ©guliĂšrement, on nous parle « d’embrasement Â» des banlieues, « d’insĂ©curitĂ© Â» et «  d’ensauvagement Â» de la France. En tant que citoyens, nous n’avons pas Ă  fournir un effort de guerre en dehors du territoire ou Ă  donner notre vie dans une armĂ©e. En contrepartie, nous sommes une majoritĂ© Ă  avoir acceptĂ© et Ă  accepter  certaines conditions de vie et de travail. Plusieurs de ces conditions de vie et de travail sont discutables voire insupportables.

Face Ă  cela, certaines personnes dĂ©veloppent un instinct de survie lĂ©gal ou illĂ©gal. D’autres s’auto-dĂ©truisent ( par les addictions par exemple mais aussi par les accidents du travail, les maladies professionnelles ou les troubles psychosomatiques). D’autres prennent sur eux et se musĂšlent par Devoir
.jusqu’à ce que cela devienne impossible de prendre sur soi. Que ce soit dans les banlieues. Dans certaines catĂ©gories socio-professionnelles. Ou au travers des gilets jaunes.  

 

Et, on en revient Ă  la toute premiĂšre phrase du livre de Kersauson.

 

Le plaisir est ma seule ambition

 

J’ai encore du mal Ă  admettre que cette premiĂšre phrase est/soit peut-ĂȘtre la plus importante du livre. Sans doute parce-que je reste moins libre que Kersauson, et d’autres, question plaisir.

 

Plus loin, Kersauson explicite aussi la nĂ©cessitĂ© de l’engagement et du Devoir. Car c’est aussi un homme d’engagement et de Devoir.

 

Mais mettre le plaisir au premier plan, ça dĂ©limite les Mondes, les ĂȘtres, leur fonction et leur rĂŽle.

 

Parce- qu’il y a celles et ceux qui s’en remettent au mĂ©rite – comme certaines religions, certaines Ă©ducations et certaines institutions nous y entraĂźnent et nous habituent- et qui sont prĂȘts Ă  accepter bien des sacrifices. Sacrifices qui peuvent se rĂ©vĂ©ler vains. Parce que l’on peut ĂȘtre persĂ©vĂ©rant (e ) et mĂ©ritant ( e) et se faire arnaquer. Moralement. Physiquement. Economiquement. Affectivement. C’est l’histoire assez rĂ©pĂ©tĂ©e, encore toute rĂ©cente, par exemple, des soignants comme on l’a vu pendant l’épidĂ©mie du Covid. Ainsi que l’histoire d’autres professions et de bien des gens qui endurent. Qui prennent sur eux. Qui croient en une Justice divine, Ă©tatique ou politique qui va les rĂ©compenser Ă  la hauteur de leurs efforts et de leurs espoirs.

 

Mais c’est aussi l’histoire rĂ©pĂ©tĂ©e de ces spectateurs chevronnĂ©s que nous sommes tous plus ou moins de notre propre vie. Une vie que nous recherchons par Ă©crans interposĂ©s ou Ă  travers celle des autres. Au lieu d’agir. Il faut se rappeler que nous sommes dans une sociĂ©tĂ© de loisirs. Le loisir, c’est diffĂ©rent du plaisir.

 

Le loisir, c’est diffĂ©rent du plaisir

 

 

Le loisir, ça peut ĂȘtre la pause-pipi, la pause-cigarette ou le jour de formation qui sont accordĂ©s parce-que ça permet ensuite Ă  l’employĂ© de continuer d’accepter des conditions de travail inacceptables.

 

Ça peut aussi consister Ă  laisser le conjoint ou la conjointe sortir avec ses amis ou ses amies pour pouvoir mieux continuer de lui imposer notre passivitĂ© et notre mauvaise humeur rĂ©siduelle.

 

C’est les congĂ©s payĂ©s que l’on donne pour que les citoyens se changent les idĂ©es avant la rentrĂ©e oĂč ils vont se faire imposer, imploser et contrĂŽler plus durement. Bien des personnes qui se prendront une amende pour consommation de cannabis seront aussi des personnes adultes et responsables au casier judiciaire vierge, insĂ©rĂ©es socialement, payant leurs impĂŽts et effectuant leur travail correctement. Se contenter de les matraquer Ă  coups d’amende en cas de consommation de cannabis ne va pas les inciter Ă  arrĂȘter d’en consommer. Ou alors, elles se reporteront peut-ĂȘtre sur d’autres addictions plus autorisĂ©es et plus lĂ©gales (alcool et mĂ©dicaments par exemple
.).

 

Le plaisir, c’est l’intĂ©gralitĂ© d’un moment, d’une expĂ©rience comme d’une rencontre. Cela a Ă  voir avec le libre-arbitre. Et non avec sa version fantasmĂ©e, rabotĂ©e, autorisĂ©e ou diluĂ©e.

 

Il faut des moments de loisirs, bien-sûr. On envoie bien nos enfants au centre de loisirs. Et on peut y connaßtre des plaisirs.

 

Mais dire et affirmer «  Le plaisir est ma seule ambition Â», cela signifie qu’à un moment donnĂ©, on est une personne libre. On dĂ©pend alors trĂšs peu d’un gouvernement, d’un parti politique, d’une religion, d’une Ă©ducation, d’un supĂ©rieur hiĂ©rarchique. Il n’y a, alors, pas grand monde au dessus de nous. Il s’agit alors de s’adresser Ă  nous en consĂ©quence. Faute de quoi, notre histoire se terminera. Et chacun partira de son cĂŽtĂ© dans le meilleur des cas.

 

Page 121 :

 

« Je suis indiffĂ©rent aux fĂ©licitations. C’est une force Â».

 

Page 124 :

 

« Nos contemporains n’ont plus le temps de penser (
.) Ils se sont inventĂ© des vies monstrueuses dont ils sont responsables-partiellement Â». Olivier de Kersauson.

 

 

Article de Franck Unimon, mercredi 2 septembre 2020.

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Addictions Puissants Fonds/ Livres

Ma vie en réalité

 

                                                     Ma vie en rĂ©alitĂ©

Magali Berdah est la crĂ©atrice et dirigeante de Shauna Events :

 

« La plus importante agence de mĂ©dia-influenceurs de France Â».  Nabilla, Jessica Thivenin, Julien Tanti et Ayem Nour font partie de ses « protĂ©gĂ©s Â».

 

Un livre publié en 2018

 

Dans ce livre publiĂ© en 2018 (il y a deux ans), Magali Berdah raconte son histoire jusqu’à sa rĂ©ussite professionnelle, Ă©conomique et personnelle dans l’univers de la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© et de la tĂ©lĂ©. Pourtant, Il y a encore Ă  peu prĂšs cinq ans, Magali Berdah ne connaissait rien Ă  la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© comme au monde de la tĂ©lĂ©. Elle ne faisait pas partie du sĂ©rail. Son histoire est donc celle d’une personne qui, partie de peu, s’est sortie des ronces. C’est sĂ»rement ça et le fait qu’elle nous parle de la tĂ©lĂ© et de la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© qui m’a donnĂ© envie d’emprunter son livre Ă  la mĂ©diathĂšque de ma ville. En mĂȘme temps que des livres comme Le Craving Pourquoi on devient accro du Dr Judson Brewer ; Tout bouge autour de moi de Dany Laferriere; DĂ©veloppement (im)personnel de Julia De FunĂšs.

 

 

Un homme du vingtiĂšme siĂšcle

 

Je me la pĂšte sĂ»rement avec ces titres parce-que je suis un homme du 20Ăšme siĂšcle. J’ai Ă©tĂ© initiĂ© Ă  l’ñge de 9 ans aux bĂ©nĂ©fices de  ce que peut apporter une mĂ©diathĂšque :

 

Ouverture sur le monde, culture, lien social, tranquillitĂ©, recueillement. Des vertus que l’on peut retrouver ailleurs et que Magali Berdah, dans son enfance, comme elle le raconte, a connues par Ă -coups.

 

Une femme du vingtiĂšme siĂšcle

 

Magali Berdah, née en 1981, est aussi une femme du 20Úme siÚcle.

 

Son enfance, c’est celle du divorce, du deuil et de plusieurs sĂ©parations. D’un pĂšre plus maltraitant que sĂ©curisant ; d’une mĂšre qui a Ă©tĂ© absente pendant des annĂ©es puis qui est rĂ©apparue. C’est aussi une enfance dans le sud, sur la CĂŽte d’azur, du cĂŽtĂ© de Nice et de St Tropez oĂč elle a pu vivre plus Ă  l’air libre, au bord de la nature. Loin de certains pavĂ©s HLM, stalactites immobiliĂšres et langagiĂšres qui  semblent figer bien des fuseaux horaires.

 

Les Ă©claircies qu’elle a pu connaĂźtre, elle les doit en grande partie Ă  ses grands-parents maternels, tenants d’un petit commerce. Mais aussi Ă  ses aptitudes scolaires et personnelles. Son sens de la dĂ©brouille et son implication s’étalonnent sur ses premiers jobs d’étĂ© qu’elle dĂ©croche alors qu’elle a Ă  peine dix huit ans. FĂȘtarde la nuit et travailleuse le jour, elle apprend auprĂšs d’aĂźnĂ©s et de professionnels qu’elle s’est choisie. Cela l’emmĂšnera Ă  devenir une trĂšs bonne commerciale, trĂšs bien payĂ©e, dans les assurances et les mutuelles. C’est sĂ»rement une jolie fille, aussi, qui prĂ©sente bien, qui a du culot et qui a le contact social facile. Mais retenons que c’est une bosseuse. Elle nous le rappelle d’ailleurs aprĂšs chacun de ses accouchements (trois, sans compter son avortement) oĂč elle a repris le travail trĂšs vite. Elle nous parle aussi de journĂ©es au cours desquelles elle travaille 16 heures par jour. Et quand elle rentre chez elle, son mari et ses enfants l’attendent.

 

 

Le CV et le visage au moins d’une guerriĂšre et d’une rĂ©siliente

 

 

Si l’on s’en tient Ă  ce rĂ©sumĂ©, Magali Berdah a le CV et le visage au moins d’une guerriĂšre et d’une rĂ©siliente. Mais elle officie dĂ©sormais dans le pot au feu de la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, de la tĂ©lĂ©, et est proche de personnalitĂ©s comme Cyril Hanouna. On est donc trĂšs loin ou assez loin de ce que l’on appelle la culture « noble Â» ou « propre sur elle Â». Et Magali Berdah critique l’attitude et le regard mĂ©prisants portĂ©s gĂ©nĂ©ralement sur la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© et une certaine tĂ©lĂ©.

 

 

Le début de la téléréalité

 

 

La tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, pour moi, en France, ça commence avec le « Loft Â» : Loana, Steevy, Jean-Edouard
.

 

J’avais complĂštement oubliĂ© que ça s’était passĂ© en 2001, l’annĂ©e du 11 septembre, de l’attentat des «  Twin Towers Â» et de l’émergence mĂ©diatique de Ben Laden, et, avec lui, des attentats islamistes. Dans son livre, Magali Berdah nous le rappelle. A cette Ă©poque, elle avait 20 ans et commençait Ă  s’assumer professionnellement et Ă©conomiquement ou s’assumait dĂ©jĂ  trĂšs bien.

 

Un monde en train de changer

 

 

En 2001, je vivais dĂ©jĂ  chez moi et je n’avais pas de tĂ©lĂ©, par choix. Mais dans le service de pĂ©dopsychiatrie oĂč je travaillais alors, il y avait la tĂ©lĂ©. J’ai des souvenirs d’avoir regardĂ© Loft Story dans le service ainsi que des images, quelques mois plus tard, de l’attentat du 11 septembre. Et d’en avoir discutĂ© sans doute avec des jeunes mais, surtout, avec mes collĂšgues de l’époque. On Ă©tait en train de changer de monde d’une façon comme une autre avec le Loft et les attentats du 11 septembre. Comme, depuis plusieurs mois, nous sommes en train de changer de monde avec le Covid-19.

 

Une image

 

Une image, ça vous prend dans les bras. La tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© est pleine d’images. Il y a quelques jours, j’ai tĂątĂ© le terrain en parlant de Magali Berdah et de  Julien Tanti Ă  deux jeunes du service oĂč je travaille. Cela leur disait vaguement quelque chose. Puis l’une des deux a dĂ©clarĂ© :

 

« Quand je me sens bĂȘte, je regarde. Ça me permet de me vider la tĂȘte Â». L’autre jeune prĂ©sente a abondĂ© dans son sens. J’ai fini par comprendre que cela leur servait de dĂ©fouloir moral. Que cela leur remontait le moral de voir Ă  la tĂ©lĂ© des personnes qu’elles considĂ©raient comme plus « bĂȘtes Â» qu’elles.

Pour l’avoir vu, je sais que des adultes peuvent aussi regarder des Ă©missions de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©. Ça m’a fait drĂŽle de voir des NigĂ©rians musulmans d’une trentaine d’annĂ©e, en banlieue parisienne, regarder Les Marseillais. Mais pour eux, venus travailler en France, une Ă©mission comme Les Marseillais offre peut-ĂȘtre quelque chose d’exotique et d’osĂ©. Et puis, ce que l’on voit dans cette Ă©mission est facile Ă  suivre et Ă  comprendre pour toute personne qui a envie de se distraire et qui est dĂ©pourvue de prĂ©tentions intellectuelles ou culturelles apparentes.

 

 

Magali Berdah défend ses protégés

 

 

Lorsque l’on lit Magali Berdah, celle-ci dĂ©fend ses « protĂ©gĂ©s Â». On pourrait se dire :

 

«  Evidemment, elle les dĂ©fend car ils sont un peu ses poules aux Ɠufs d’or. Ils lui permettent de trĂšs bien gagner sa vie. Les millions de followers sur les rĂ©seaux sociaux de plusieurs de ses « poulains Â» permettent bien des placements de produits et lui assurent aussi une trĂšs forte visibilitĂ© sociale dans un monde oĂč, pour rĂ©ussir Ă©conomiquement, il est indispensable d’ĂȘtre trĂšs connu Â».

 

Mais quand on a lu le dĂ©but de son livre, on perçoit une sincĂšre identification de Magali Berdah envers ses « protĂ©gĂ©s Â» :

 

Le destin de la plupart des candidats du Loft de 2001 mais aussi de bien d’autres candidats d’autres Ă©missions de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© ou similaires telles The Voice ou autres, c’est de retourner ensuite au « vide Â», « Ă  l’abandon Â», et  Ă  l’anonymat de leur existence de dĂ©part. Et ça se retrouvait dĂ©ja dans le monde du cinĂ©ma, de la chanson ou du thĂ©Ăątre mĂȘme avant l’arrivĂ©e du Covid.

 

Dominique Besnehard, ancien agent d’acteurs et crĂ©ateur de la sĂ©rie Dix pour cent,  parlait un peu dans son livre Casino d’hiver de ces actrices et acteurs, qui, faute de s’ĂȘtre reposĂ©s uniquement sur leur physique et sur leur jolie frimousse avaient fini par disparaĂźtre du milieu du cinĂ©ma. Et je me rappelle ĂȘtre tombĂ© un jour sur un des anciens acteurs du film L’Esquive d’Abdelatif Kechiche. D’accord, cet acteur avait un rĂŽle trĂšs secondaire dans L’Esquive mais ça m’avait mis assez mal Ă  l’aise de le retrouver, quelques annĂ©es plus tard, Ă  faire le caissier Ă  la Fnac de St Lazare, dans l’indiffĂ©rence la plus totale. Il Ă©tait un caissier parmi d’autres.

 

 

Un certain nombre d’acteurs et d’humoristes que l’on aime « bien Â», avaient un autre mĂ©tier avant de s’engager professionnellement et de percer dans le milieu du cinĂ©ma, du stand up, du thĂ©Ăątre, de l’art et de la culture en gĂ©nĂ©ral. Si je me rappelle bien, MickaĂ«l Youn Ă©tait commercial.

 

Etre Ă  leur place

 

Si on peut se bidonner ou se navrer devant les comportements et les raisonnements de beaucoup de candidats de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, qui sont souvent jeunes, il faut aussi se rappeler que tant d’autres personnes, parmi nous, secrĂštement, honteusement ou non, aimeraient ĂȘtre Ă  leur place. Et gagner, comme certains d’entre eux, les plus cĂ©lĂšbres, cinquante mille euros par mois. Magali Berdah fournit ce chiffre dans son livre.

 

C’est un peu comme l’histoire du dopage dans le sport : le dopage persistera dans le sport et ailleurs car certaines personnes resteront prĂȘtes Ă  tout tenter pour « rĂ©ussir Â». Surtout si elles sont convaincues que leur existence est une dĂ©charge publique. Et que le dopage est un moyen comme un autre qui peut leur permettre de se sortir de ce sentiment d’ĂȘtre une dĂ©charge publique.

 

Pour d’autres, le sexe aura la mĂȘme fonction que le dopage. MĂȘme en pleine Ă©poque de Me Too et de Balance ton porc, je crois que certaines personnes (femmes comme hommes) seront prĂȘtes Ă  coucher si elles sont convaincues que cela peut leur permettre de rĂ©ussir.  Et de rĂ©ussir vite et bien. Quel que soit le milieu professionnel, ces personnes se feront seulement un peu plus discrĂštes et un peu plus prudentes.

 

 

Concernant Loft Story et l’intĂ©rĂȘt que la premiĂšre saison avait suscitĂ©, mais aussi les sarcasmes, je me souviens que l’acteur Daniel Auteuil, dont la carriĂšre d’acteur Ă©tait alors bien plantĂ©e, avait dit qu’il aurait fait Le Loft ou tentĂ© d’y participer s’il avait Ă©tĂ© un jeune acteur qui cherchait Ă  se lancer et Ă  se faire connaĂźtre.

 

 

Compromettre son image

 

Lorsque l’on est optimiste, raisonnable, raisonnĂ©, patient mais aussi fataliste, docile et obĂ©issant, on refuse le dopage ainsi que certaines conduites Ă  risques.  Comme on peut refuser de  prendre le risque de « compromettre Â» son image en participant Ă  une Ă©mission de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© ou Ă  une autre Ă©mission.

 

Mais lorsque l’on recherche l’immĂ©diatetĂ©, l’action, le rĂ©sultat et que l’on tient Ă  sortir du lot, on peut bifurquer vers la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, une certaine tĂ©lĂ© et une certaine cĂ©lĂ©britĂ©. Il y aura d’une part des producteurs, des vendeurs de rĂȘves (proxĂ©nĂštes ou non) et d’autre part un public qui sera demandeur.

 

Magali Berdah, Ă  la lire, s’intercale entre les deux parties : c’est elle qui a permis aux vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© de tirer le meilleur parti financiĂšrement de leur exposition mĂ©diatique. Et lorsqu’on la lit, on se dit « qu’avant elle Â», les vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© Ă©taient vraiment traitĂ©es un peu comme ces belles filles que l’on voit sur le podium du Tour de France avec leur bouquet de fleurs Ă  remettre au vainqueur.

 

L’évolution du statut financier des vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©

 

 

L’évolution du statut financier des vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© fait penser Ă  celle qu’ont pu connaĂźtre des sportifs professionnels ou des artistes par exemple. Avant l’athlĂšte amĂ©ricain Carl Lewis, un sprinter de haut niveau gagnait moins bien sa vie. Usain Bolt et bien d’autres athlĂštes de haut niveau peuvent « remercier Â» un Carl Lewis pour l’augmentation de leur train de vie. On peut sans doute faire le mĂȘme rapprochement pour le Rap ainsi que pour la techno. Ou pour certains photographes ou peintres. Entre ce qu’ils peuvent toucher aujourd’hui et il y a vingt ou trente ans. Certains diront sans doute qu’ils gagnent nettement moins d’argent aujourd’hui qu’il y a vingt ou trente ans avec le mĂȘme genre de travail. Mais d’autres gagnent sĂ»rement plus d’argent aujourd’hui que s’ils s’étaient faits connaĂźtre il y a vingt ou trente ans. Pour les vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, il est manifeste que d’un point de vue salarial il vaut mieux ĂȘtre connu aujourd’hui qu’à l’époque de Loft story en 2001.

 

 

Une motivation aussi trĂšs personnelle

 

Cependant, la motivation de Magali Berdah est aussi trĂšs personnelle. Disponible pratiquement en permanence via son tĂ©lĂ©phone portable, malgrĂ© ses trois enfants et son mari, elle reçoit aussi chez elle plusieurs de ses « protĂ©gĂ©s Â», les week-end.  C’est bien-sĂ»r une trĂšs bonne façon d’apprendre Ă  connaĂźtre ses clients et de crĂ©er avec eux un lien trĂšs personnel.

 

Toutefois, dans mon mĂ©tier, en pĂ©dopsychiatrie, on crierait au manque de distance relationnelle et affective. On parlerait d’un mĂ©lange des genres, vie privĂ©e/vie publique. On Ă©voquerait un cocktail Ă©motionnel addictif. On parlerait aussi des consĂ©quences qu’une telle proximitĂ© – voire une telle fusion- peut causer ou cause. Parmi elles, une forte dĂ©pendance affective qui peut dĂ©boucher sur des Ă©vĂ©nements plus qu’indĂ©sirables lorsque la relation se termine ou doit s’espacer ou se terminer pour une raison ou une autre. Que ce soit la relation Ă  la cĂ©lĂ©britĂ© et Ă  l’exposition mĂ©diatique constante. Ou une relation Ă  une personne Ă  laquelle on s’est beaucoup trop attachĂ©e affectivement.

 

Il y a donc du pour et du contre dans ma façon de voir ce type de relation que peut avoir Magali Berdah avec ses « protĂ©gĂ©s Â».

 

«  Pour Â» : une relation affective n’est pas une science exacte. Bien des personnes sont consentantes, quoiqu’elles disent, pour une relation de dĂ©pendance affective rĂ©ciproque. Que ce soit envers un public ou avec des personnes. Et on peut avoir plus besoin de quelqu’un Ă  mĂȘme de savoir nous prendre dans les bras et nous rĂ©conforter rĂ©guliĂšrement, comme un bĂ©bĂ©, que de quelqu’un qui nous « raisonne Â». MĂȘme si, Magali Berdah, visiblement, donne les deux : elle rĂ©conforte et raisonne ses « poulains Â».

 

Loyauté et vertu morale

 

En lisant Ma vie en rĂ©alitĂ© , je crois aussi au fait que l’on peut faire une carriĂšre dans des programmes tĂ©lĂ© auxquels, a priori, je ne souscris pas, et, pourtant ĂȘtre une personne vĂ©ritablement loyale dans la vie.

Je ne crois pas que les participants, les producteurs et les animateurs d’émissions de tĂ©lĂ©, de thĂ©Ăątre ou de cinĂ©ma plus « nobles Â» soient toujours des modĂšles de vertu morale. Surtout qu’ils peuvent Ă©galement ĂȘtre « ambidextres Â» et parfaitement Ă©voluer dans les diffĂ©rents univers.

 

Le Tsadik

 

J’ai beaucoup aimĂ© ce passage dans son livre, ou, alors surendettĂ©e, et dĂ©primĂ©e, et avant de travailler dans la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, elle va rencontrer un rabbin sur les conseils d’une amie.

Juive par ses grands-parents maternels, Magali Berdah apprend par le Rabbin qu’elle est sous la protection d’un Tsadik, un de ses ancĂȘtres.

Dans le hassidisme, le Tsadik est un « homme juste Â», un «  Saint Â», un «  maĂźtre spirituel Â» qui n’est pas rĂ©compensĂ© de son vivant mais qui peut donner sa protection Ă  un de ses descendants.

J’ai aimĂ© ce passage car il me plait d’imaginer- mĂȘme si je ne suis pas juif ou alors, je l’ignore- qu’un de mes ancĂȘtres puisse me protĂ©ger. Mais aussi que les soignants (je suis soignant) sont sans doute des Ă©quivalents d’un Tsadik et que s’ils en bavent, aujourd’hui, que plus tard, ils pourront peut-ĂȘtre assurer la protection d’un de leurs descendants. Ça peut faire marrer de me voir croire en ce genre de « chose Â». Mais je prĂ©fĂšre aussi croire Ă  ça plutĂŽt que croire Ă  un complot, faire confiance Ă  un dirigeant opportuniste ou Ă  un dealer.

 

J’ai d’abord cru que Magali Berdah Ă©tait juive non-pratiquante. Mais sa rencontre avec le rabbin et sa façon de tomber enceinte « coup sur coup Â» me fait quand mĂȘme penser Ă  l’attitude d’une croyante qui «laisse Â» le destin dĂ©cider. Je parle de ça sans jugement. J’ai connu une catholique pratiquante qui avait la mĂȘme attitude avec le fait d’enfanter. Je souligne ce rapport Ă  la croyance parce qu’il est important pour Magali Berdah. Et que sa « foi Â» lui a sĂ»rement permis de tenir moralement Ă  plusieurs moments de sa vie.

 

Je prĂ©cise Ă©galement que, pour moi, cette protection d’un Tsadik peut se transposer dans n’importe quelle autre religion ainsi que dans bien d’autres cultures.

 

Incapable d’une telle proximitĂ© affective

 

«  Contre Â» : Je m’estime et me sens incapable d’une telle proximitĂ© affective Ă  l’image d’une Magali Berdah avec ses «  vedettes Â». Donc celle qu’elle instaure avec ses protĂ©gĂ©s m’inquiĂšte.  Une des vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© dont elle s’occupe l’appelle «  Maman Â». MĂȘme si je comprends l’attitude de Magali Berdah au vu de son histoire personnelle, je m’interroge quant aux retombĂ©es de relations personnelles aussi Ă©troites :

 

Il est impossible de sauver quelqu’un malgrĂ© lui. Et ça demande aussi beaucoup de prĂ©sence et d’énergie. Une telle implication peut ĂȘtre destructrice pour soi-mĂȘme ou pour son entourage. Donc, croire, vouloir ou penser que l’on peut, tout( e)   seul (e), sauver ou soutenir quelqu’un, c’est prendre de grands risques. Mais peut-ĂȘtre que Magali Berdah prend-t’elle plus de prĂ©cautions qu’elle ne le dit pour elle et sa famille. Il est vrai que le fait qu’elle soit mariĂ©e et mĂšre lui impose aussi des limites.  Il lui est donc impossible, si elle Ă©tait tentĂ©e de le faire, de se dĂ©vouer exclusivement Ă  ses « protĂ©gĂ©s Â».

La Norme :

 

NĂ©anmoins, au milieu de ce « pour Â» et de ce « contre, je comprends que ce « support Â» affectif est la Norme dans le milieu de la tĂ©lĂ© et des cĂ©lĂ©britĂ©s en gĂ©nĂ©ral. Et ce qui est peut-ĂȘtre plus effrayant encore, c’est d’apprendre en lisant son livre que lorsque la « mode Â» des influenceurs est apparue en France (il y a environ cinq ans), que, subitement, ses « protĂ©gĂ©s Â» sont devenus attractifs Ă©conomiquement. Et  des producteurs se sont manifestĂ©s pour venir placer leurs billes. Les vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© avaient peut-ĂȘtre la tĂȘte « vide Â» mais s’il y avait- beaucoup- de fric Ă  se faire avec eux maintenant qu’ils Ă©taient devenus des influenceuses et des influenceurs. GrĂące Ă  leurs placements de produits via les rĂ©seaux sociaux avec leurs millions de followers, on voulait bien en profiter. Magali Berdah n’en parle pas comme je le fais  avec une certaine ironie. Car cet intĂ©rĂȘt des producteurs pour les vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© a permis Ă  sa carriĂšre et Ă  sa notoriĂ©tĂ© de prendre l’ascenseur.

 

Le Buzz ou le mur du son de la Notoriété

 

En 2001, Ă  l’époque du Loft et des attentats de Ben Laden, on Ă©tait trĂšs loin de tout ça. Les rĂ©seaux sociaux n’en n’étaient pas du tout Ă  ce niveau et on ne parlait pas du tout de « followers Â». Je me rappelle d’un des candidats du Loft Ă  qui, aprĂšs l’émission, on avait proposĂ© de travailler
dans un cirque. Il avait fait la gueule.

 

En 2020, Ă  l’époque du Covid-19, on est en plein dans l’ùre des followers et des rĂ©seaux sociaux. Et on peut penser que la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© et le pouvoir des rĂ©seaux sociaux va continuer de s’amplifier. Sans forcĂ©ment simplifier le climat social et gĂ©nĂ©ral :

Parmi toutes les rumeurs, toutes les certitudes absolues, tous les emballements mĂ©diatiques et toutes les peurs qui sont semĂ©es de maniĂšre illimitĂ©e, j’ai un tout “petit peu ” de mal Ă  croire que l’Ă©poque des followers et des rĂ©seaux sociaux soit une Ă©poque oĂč l’on court totalement et librement vers l’apaisement et la nuance. 

 

 D’autres empires, aujourd’hui timides voire modĂ©rĂ©s, vont sĂ»rement s’imposer d’ici quelques annĂ©es. Ça me rappelle les premiers tubes du groupe Indochine et de MylĂšne Farmer dans les annĂ©es 80. Vous les trouvez peut-ĂȘtre ringards. Pourtant, Ă  l’époque de leurs tubes Bob Morane et Maman a tort, j’aurais Ă©tĂ© incapable de les imaginer devenir les « icones Â» qu’ils sont devenus. Et puis, il y a sans doute pire comme dictature et comme intĂ©grisme que celle et celui d’un monde oĂč nous devrions tous chanter et danser Ă  des heures imposĂ©es sur  Bob Morane et sur Maman a tort. MĂȘme si ces deux titres sont loin d’ĂȘtre mes titres de chevet.

 

Se rendre incontournable

 

Il est trĂšs difficile de pouvoir dire avec exactitude qui, devenu un peu connu ou encore inconnu aujourd’hui, sera une sommitĂ© dans une vingtaine d’annĂ©es. Les candidates et les candidats du Loft, et les suivants, Ă©taient souvent perçus comme ringards. DĂšs qu’un marchĂ© se crĂ©e, et que l’on en est la cause ou que l’on est prĂ©sent dĂšs l’origine, et que l’on sait se rendre incontournable, la donne change et l’on devient dĂ©sirable et frĂ©quentable. C’est le principe du buzz. Principe qui existait dĂ©jĂ  avant les rĂ©seaux sociaux et la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© mais qui s’est accĂ©lĂ©rĂ© et dĂ©multipliĂ©. On peut dire que le buzz, c’est le mur du son de la notoriĂ©tĂ©. Faire le buzz cela revient Ă  vivre Ă  Mach 1 ou Ă  Mach 2 ou 3. Ça peut faire vibrer. Mais ça fait aussi trembler. AprĂšs avoir lu le livre de Dany LaferriĂšre, Tout bouge autour de moi,  dans lequel il raconte le tremblement de terre Ă  HaĂŻti le 12 janvier 2010 ( il y Ă©tait), on comprend qu’un tremblement, ça change aussi un monde et des personnes. ça ne fait pas que les tuer et les dĂ©truire. 

 

Une histoire déjà vue

 

L’histoire que nous raconte Magali Berdah est une histoire qui s’est dĂ©jĂ  vue et qui se verra encore : une personne crĂ©e un concept. Peu importe qui est cette personne et si ce concept est moralement acceptable ou non. Il suffit que ce concept soit porteur Ă©conomiquement et tout un tas de commerciaux s’en emparent pour le faire connaĂźtre – et monnayer-par le plus grand nombre, ce qui gĂ©nĂšre un intĂ©rĂȘt et un chiffre d’affaires grandissant. Ce faisant, ces commerciaux et celles et ceux qui sont proches d’eux prennent du galon socialement et s’enrichissent Ă©conomiquement.

 

A La recherche du scoop et du popotin du potin

 

J’ai aimĂ© lire Ma vie en rĂ©alitĂ© pour ces quelques raisons. Il se lit trĂšs facilement. Et vite. Si Ă  la fin de son livre, Magali Berdah parle bien-sĂ»r de plusieurs de « ses Â» vedettes, la lectrice ou le lecteur qui serait Ă  la recherche du scoop et du popotin du potin Ă  propos d’Adixia, AnaĂŻs Camizuli, Anthony MatĂ©o, Astrid, AurĂ©lie Dotremont, Jessica Errero, Nikola Lozina, Manon Marsault, Paga, Ricardo, Jaja, Ayem Nour, Nabilla, Milla Jasmine et d’autres sera mieux inspirĂ©(e) de concentrer ses recherches ailleurs. De mon cĂŽtĂ©, j’ai dĂ©couvert la plupart de ces prĂ©noms et de ces noms en lisant ce livre.

 

Franck Unimon, vendredi 21 août 2020.