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Les cinquante Temps de Marmottan

A la Cigale, décembre 2021.

 

Les Cinquante Temps de Marmottan

 

 

 

C’est venu avec le temps.

 

 

De temps Ă  autre, dans une Ɠuvre ou parce-que nous sommes les porte-frontiĂšres d’une certaine « curiositĂ© Â», nous parviennent quelques informations sur des systĂšmes et des planĂštes Ă©loignĂ©es. Des endroits et des histoires survenues avant nous, qui nous survivront, et oĂč nous n’avons pas le souvenir ou l’expĂ©rience d’avoir jamais mis les pieds.

 

Nous entendons alors parler de cycles, de satellites en orbite, de révolutions autour du soleil, de conditions particuliÚres et hors normes qui seraient pour nous, les communs des mortels, impossibles à vivre ou à approcher.

 

A moins de l’imaginer.

 

Marmottan m’a peut-ĂȘtre fait cet effet-lĂ . Parce-que je ne savais pas ce que je savais. Parce-que, pour savoir, il faut partir  un peu de soi.

 

Partir un peu de soi : Qui est Marmottan ?

 

 

Marmottan a fĂȘtĂ© ses cinquante ans l’annĂ©e derniĂšre, en dĂ©cembre 2021.

 

 

Qui est Marmottan ?

 

Pendant des annĂ©es, pour moi, Marmottan Ă©tait un personnage Ă  part entiĂšre de l’Histoire de la Psychiatrie.

 

C’était aussi un nom : Olivenstein.

 

Un texte écrit par un patient de Marmottan, visible à Marmottan lors des journées portes ouvertes qui ont suivi le cinquantenaire à la Cigale.

 

Lorsque j’ai commencĂ© Ă  travailler de maniĂšre Ă©tablie en psychiatrie Ă  Pontoise, en 1992-1993, Olivenstein Ă©tait encore vivant.

 

Infirmier DiplĂŽmĂ© d’Etat en 1989, en 1992, j’avais dĂ©cidĂ© de rompre avec les services de soins gĂ©nĂ©raux (mĂ©decine, chirurgie
) ainsi qu’avec une certaine culpabilitĂ© de les quitter.

 

Parce qu’ĂȘtre un vĂ©ritable infirmier, cela consistait Ă  se rendre utile dans les services de soins gĂ©nĂ©raux. A  ĂȘtre capable de performer, de faire et de rĂ©pĂ©ter quelque chose de concret et d’immĂ©diatement vĂ©rifiable :

 

Poser des perfusions, poser des sondes urinaires, faire des pansements et des prises de sang.  Transfuser. Faire, poser, reproduire.  Surveiller. RĂ©aliser les prescriptions.

Mais aussi : se taire. Suivre. Subir. ExĂ©cuter. ObĂ©ir.

 

AprĂšs trois annĂ©es de tentatives variĂ©es dans les services de soins gĂ©nĂ©raux ou soins somatiques, par intĂ©rim, ou par vacations, jusqu’à Margate, en Angleterre, durant pendant un mois,  la psychiatrie adulte avait fini par rĂ©apparaĂźtre, de façon idĂ©alisĂ©e, comme Ă©tant plutĂŽt l’opposĂ©.

 

Comme une expĂ©rience qui m’avait plu.

 

En psychiatrie, j’avais le sentiment d’ĂȘtre moi-mĂȘme. De me rĂ©unifier. De me retrouver. De me reconstituer. De me dĂ©couvrir. Et cela m’étonnait que ce mĂ©tier d’infirmier qui, depuis ma formation, avait sans scrupules piĂ©tinĂ© mes thĂ©ories de lycĂ©en pour me dĂ©charger  dans la benne du monde du travail et de celui des adultes devienne
.agrĂ©able. Tant dans mes relations avec les patients qu’avec plusieurs de mes collĂšgues plus ĂągĂ©s et majoritairement diplĂŽmĂ©s en soins psychiatriques.

 

Ma rencontre avec ce service de psychiatrie adulte en tant qu’infirmier, alors que j’avais 24 ans, a selon moi dĂ©cidĂ© de la continuitĂ© de ma carriĂšre. Je crois encore que sans cette expĂ©rience en tant qu’infirmier, dans ce service de psychiatrie adulte oĂč j’avais effectuĂ© un stage lors de ma troisiĂšme annĂ©e d’étude d’infirmier, que j’aurais trouvĂ© en moi la ressource de changer de mĂ©tier.

 

 

Aujourd’hui, en 2022, certaines personnes ont « besoin Â» d’un livre comme Les Fossoyeurs de Victor Castanet pour apprendre que les conditions de travail dans les Ă©tablissements de santĂ© peuvent ĂȘtre de plus en plus Ă©pouvantables. Alors que pour moi, dĂšs mes Ă©tudes d’infirmier entre 1986 et 1989, le travail d’un infirmier dans les services d’hospitalisation de soins gĂ©nĂ©raux s’apparentait dĂ©jĂ  beaucoup Ă  du travail Ă  la chaine, comme sur les chaines de montage dans une usine.

 

On peut aimer « Ă§a Â»  par tempĂ©rament ou Ă  un moment de sa vie personnelle et professionnelle. Lorsque l’on aime ou que l’on veut que « Ă§a bouge Â». Lorsque l’on ne supporte pas d’ĂȘtre lĂ  Ă  « rien faire Â».

 

Sachant que pour certains, le fait d’écouter et de penser ; ou d’apprendre Ă  penser par soi-mĂȘme ou de prendre du temps face Ă  quelqu’un d’autre qui se comporte ou se prĂ©sente de maniĂšre « Ă©trange», « bizarre Â», « anormale Â», « incomprĂ©hensible Â» voire « dangereuse Â» pour lui mĂȘme ou pour autrui, c’est ne « rien faire Â».

 

 

Un DJ dĂ©cĂ©dĂ© l’annĂ©e derniĂšre ou l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente, a Ă©crit dans un livre quelque chose comme : «  En fait, j’ai commencĂ© Ă  dĂ©tester tout ce qui pouvait m’empĂȘcher ou empĂȘcher de danser Â».

 

HĂ© bien, pour ma part, j’ai commencĂ© Ă  travailler en psychiatrie et eu besoin d’y travailler car, Ă  24 ans, j’avais commencĂ© Ă  dĂ©tester tout ce qui pouvait m’empĂȘcher de penser. Sauf qu’alors, je ne pouvais pas l’exprimer de cette maniĂšre. Il n’y a qu’aujourd’hui que je peux l’écrire comme ça. Presque trente ans plus tard. C’est venu avec le temps.

 

 

Un certain apprentissage de la psychiatrie et de la Santé Mentale

 

 

Au lycĂ©e, j’aimais apprendre. J’aimais aussi comprendre ce que j’apprenais. Le par cƓur sans comprĂ©hension de ce que j’apprenais m’était insupportable y compris lorsque je le voyais chez les autres.

 

Mes Ă©tudes d’infirmier en soins gĂ©nĂ©raux ont Ă©tĂ© trĂšs Ă©prouvantes. Intellectuellement, je trouvais assez peu mon compte. Ni en stage, ni lors des cours thĂ©oriques. Et je devais apprendre des notions mĂ©dicales vers lesquelles, spontanĂ©ment, je ne serais jamais allĂ©. Mais impossible de faire autrement car, pour pouvoir protĂ©ger et sauver des vies, il faut bien apprendre certaines notions de l’anatomie et de la physiologie. Et, pour me sauver de la dĂ©chĂ©ance du chĂŽmage et gagner ma vie, il me fallait trouver un emploi.

 

J’ai donc dĂ» ingurgiter des connaissances par cƓur durant ces Ă©tudes d’infirmier. Des  connaissances dont nos propres monitrices nous ont dit un jour que nous n’en retiendrions qu’à peu prĂšs « dix pour cent Â». Fort heureusement, j’ai rencontrĂ© dans mon Ă©cole d’infirmiĂšres des personnes qui, humainement, m’ont fait du bien. Dont une amie avec laquelle je suis toujours en contact.

 

J’ai appris Ă  travailler en psychiatrie en partant de moi. En vivant des situations. En regardant et en Ă©coutant faire. En me trouvant des modĂšles parmi mes collĂšgues. En discutant avec des collĂšgues en lesquels j’avais confiance. En les interrogeant. En gambergeant. En faisant des erreurs et en m’en rappelant. En lisant certaines fois Ă  droite ou Ă  gauche. Mais pas toujours des ouvrages ou des articles rĂ©servĂ©s Ă  la psychiatrie. 

 

Je n’ai pas appris la psychiatrie par cƓur.  Et j’ai beaucoup de mal avec ces professionnels capables de vous rĂ©citer par cƓur certaines thĂ©ories psychanalytiques et autres, si, par ailleurs, je les trouve ou les pressens « mauvais Â» en situation clinique.

 

Mais il y a bien évidemment certaines connaissances théoriques et autres à mémoriser. Que ce soit concernant certains effets possibles des traitements ou à propos de certaines attitudes à savoir éviter ou à développer en soi.

 

Entendre parler de Marmottan

 

J’ai appris des autres. Et je continue d’apprendre des autres chaque fois que c’est possible.

C’est comme cela que j’ai entendu parler de Marmottan, je pense, dans les annĂ©es 90. J’avais entendu parler de Francis Curtet au collĂšge, en 3Ăšme, par ma prof de Français. Mais je n’avais pas retenu qu’il avait un rapport avec Marmottan.

 

Marmottan, pour moi, faisait partie de ces services emblématiques de la psychiatrie en France. Avec le CPOA, la clinique de La Borde, les UMD


 

Et lorsque j’écris « emblĂ©matiques Â», cela signifie que ces endroits se distinguaient des services de psychiatrie traditionnels. Il s’y dĂ©roulait quelque chose de particulier. D’assez hors norme. Je croyais mĂȘme que Marmottan Ă©tait en quelque sorte un hĂŽpital Ă  lui tout seul. Et le savoir me suffisait et m’a suffi pendant longtemps.

 

Jamais, dans les annĂ©es 90, je n’ai fait la moindre dĂ©marche afin d’en savoir plus sur Marmottan, situĂ© rue ArmaillĂ©, pas trĂšs loin des Champs ElysĂ©es oĂč je pouvais me rendre assez facilement. Ne serait-ce que pour aller au cinĂ©ma ou pour me rendre au Virgin Megastore qui existait encore.

 

Aujourd’hui, je crois avoir choisi d’aller travailler en psychiatrie pour ne pas devenir fou. Mais, aussi, pour mieux comprendre ma propre folie. Et mieux comprendre d’oĂč elle venait. Certains ont peur d’aller travailler en psychiatrie pensant que cela va les perturber irrĂ©mĂ©diablement. Et cela peut en effet perturber, ou plutĂŽt dĂ©stabiliser, la conscience comme les connaissances que l’on a de soi que d’aller travailler dans un service de psychiatrie :

A Marmottan, lors de la journée Portes Ouvertes.

Nos certitudes, nos croyances, nos apparences, aussi, peuvent se retrouver contestĂ©es ou abattues face aux divers miroirs de la psychiatrie. Surtout lorsque l’on ne « fait rien Â» et qu’il devient plus difficile de se fuir, et de fuir nos propres pensĂ©es, Ă©motions et sentiments, dans une certaine activitĂ© frĂ©nĂ©tique. Il  peut ĂȘtre  plus facile de couler dans du mouvement certaines Ă©motions et certaines pensĂ©es plutĂŽt que de les laisser remonter jusqu’Ă  affluer Ă  la surface de soi. Surtout si l’on a une image et une de soi monstrueuse ou dĂ©sastreuse.

 

Et, aujourd’hui, je crois avoir dĂ©cidĂ©, Ă  un moment donnĂ©, d’avoir tentĂ© de travailler Ă  Marmottan parce-qu’il y a des annĂ©es que je crois que, de mĂȘme que j’aurais pu ĂȘtre un psychotique hospitalisĂ© en psychiatrie, j’aurais aussi pu devenir une personne dĂ©pendante Ă  des substances. Mon histoire personnelle, selon mes croyances, aurait pu me faire converger vers ce genre d’état. Or, Ă  ce jour, mĂȘme si j’ai pu redouter de devenir addict Ă  des substances, plus que de devenir psychotique, cela n’est pas arrivĂ©.

 

J’ai cĂŽtoyĂ© et rencontrĂ© des personnes qui ont connu des dĂ©pendances dĂšs l’enfance (l’alcoolisme d’un oncle plutĂŽt bien tolĂ©rĂ© dans la famille ) puis ensuite Ă  l’adolescence et adulte. Des personnes dont j’ai pu ĂȘtre proche (une ex qui avait besoin de fumer cinq Ă  dix joints par jour) ou moins. Cependant, j’étais le « SuĂ©dois Â» de service comme m’avait affectueusement surnommĂ© un ami infirmier psy, ancien hĂ©roĂŻnomane, et assez portĂ© sur la boisson festive. Sobre, dans la maitrise ou le contrĂŽle permanent selon l’analyse que l’on en fait.

 

Sobre, oui, en ce qui concerne les substances. Mais pas pour d’autres addictions.

 

 

Addictions sans substance

 

 

Lorsque j’ai postulĂ© pour travailler Ă  Marmottan, j’étais sĂ»r de moi. J’allais ĂȘtre pris. J’avais des annĂ©es d’expĂ©rience en psychiatrie adulte et en pĂ©dopsychiatrie. J’étais un homme. Et je savais, pour ĂȘtre passĂ© auparavant Ă  Marmottan et y avoir discutĂ© avec certains professionnels qui y travaillaient alors,  qu’il n’était pas nĂ©cessaire d’avoir une expĂ©rience en tant que consommateur de substances ou en addictologie pour y ĂȘtre embauchĂ© comme infirmier. Marmottan recrutait des profils divers. Cependant, il y avait des rĂšgles trĂšs strictes Ă  Marmottan sur certains sujets.

 

Tout comportement violent ou considĂ©rĂ© inacceptable ( relations sexuelles…) , toute consommation de substance dans le service ou tout propos homophobe vaudrait exclusion de ce service ouvert. Cela me convenait.

 

Pourtant, je n’ai pas Ă©tĂ© retenu pour le poste. De mon entretien, dans la bibliothĂšque, face Ă  deux mĂ©decins et Ă  la cadre de pole d’alors, je me rappelle entre-autres de cette question posĂ©e par Mario Blaise, dĂ©jĂ  mĂ©decin chef de Marmottan :

 

« Avez-vous des addictions ? Â».

Paris, le magasin Printemps, ce mardi 2 mars 2022 vers 21h.

 

Pour toute personne un peu formĂ©e ou sensibilisĂ©e aux addictions, c’est une question banale. Comme demander l’heure Ă  quelqu’un. La rĂ©ponse est facile.

 

Pourtant, j’ai rĂ©pondu “superbement” :

 

« Non, je n’ai pas d’addictions ! Â». J’étais sĂ»r de moi. Bien qu’un peu dĂ©contenancĂ©, et aussi un peu mal Ă  l’aise, j’étais sĂ»r de moi. Je n’avais pas d’addictions. Pas de ça avec moi ! J’étais le “SuĂ©dois”. Celui qui, au milieu de personnes dans un Ă©tat d’ébriĂ©tĂ© avancĂ©, ou qui, face Ă  quelqu’un qui fumait son joint, ne se sentait pas incommodĂ©. Celui qui ne faisait pas de cauchemars aprĂšs avoir « frayĂ© Â» avec des patients psychotiques
.

 

Paris, fin février 2022.

 

Pour moi, addictions rimait encore exclusivement, consciemment, avec les substances. J’avais pourtant bien compris que, dans ma propre vie, certaines situations contraignantes ou douloureuses avaient pu se rĂ©pĂ©ter ou pouvaient encore se rĂ©pĂ©ter sans que je parvienne vĂ©ritablement Ă  m’en dĂ©barrasser. Mais je n’avais pas encore fait le rapprochement. Pour moi, Ă  ce moment-lĂ , les addictions avaient plus Ă  voir avec leur forme la plus visible physiquement mais aussi la plus renommĂ©e et la plus condamnĂ©e moralement et pĂ©nalement :

 

Les addictions avec substances.

On a peut-ĂȘtre du mal Ă  lire, mais dans cet article, Olivenstein dĂ©monte le film ” Moi, Christiane F…”. Il en veut en particulier au fait d’avoir choisi David Bowie pour jouer dans le film. Car celui-ci, en tant que Rock star, valorise/hĂ©roĂŻse la consommation de substances. ( A Marmottan, Ă©galement lors des journĂ©es portes ouvertes).

 

 

Cette nuit encore, alors que  je finissais d’Ă©couter un podcast dans lequel tĂ©moigne une jeune Française qui, sous l’effet d’une radicalisation islamiste, est partie vivre dans l’Etat Islamique en Syrie en 2013, ma bĂ©vue m’est Ă  nouveau apparue Ă©vidente. Lorsque celle-ci a parlĂ© de “cage”. Cette jeune femme, dans ce podcast qui comporte quatre Ă©pisodes, raconte comment, pour elle, partir en Syrie, avait d’abord Ă©tĂ© un moyen de quitter la cage dans laquelle elle se trouvait dans sa famille. En espĂ©rant trouver mieux ailleurs. En rencontrant quelqu’un, Ă  un moment donnĂ© de sa vie, qui lui a promis le meilleur en Syrie en venant vivre dans l’Etat Islamique. Cette rencontre aurait pu ĂȘtre un proxĂ©nĂšte, une mĂšre maquerelle, un dealer. Pour elle, cette rencontre a Ă©tĂ© une personne qui l’a sĂ©duite. Cela a Ă©tĂ© rapide et facile.

 

Car elle Ă©tait “disponible” pour ce genre de rencontre Ă  cette pĂ©riode de sa vie.  Parce-que cette croyance idĂ©ologique collait bien, Ă  cette pĂ©riode de sa vie,  avec son patrimoine personnel et culturel. Et que cette croyance idĂ©ologique, mais aussi cette fuite en Syrie, lui apparaissaient ĂȘtre la bonne dĂ©cision.

Cette jeune femme, devenue mĂšre en Syrie est revenue en France six ans plus tard ( en 2019). Et  s’est officiellement dĂ©tournĂ©e de cette croyance islamiste. Elle a pu dire qu’en quittant la France et sa famille, elle avait finalement quittĂ© une cage pour une autre cage. Mais aussi que partir de chez ses parents Ă©tait la “bonne dĂ©cision” mais que la destination choisie Ă©tait “mauvaise”. Elle s’en est rendue compte une fois sur place, en Syrie. 

 Je me suis dit que c’est exactement ce qui peut se passer pour une personne dĂ©pendante avec une substance. MĂȘme si on peut chercher une substance avant tout pour le plaisir. Le mot plaisir a Ă©tĂ© prononcĂ© lors du cinquentenaire de Marmottan.  

Au dĂ©but, c’est trĂšs bien, c’est merveilleux, c’est exceptionnel, on vibre. La suite est moins agrĂ©able. Rencontre. PersonnalitĂ©. Cage. On peut remplacer le produit par une croyance ou par une pratique lorsque l’on parle d’addiction. 

 

Il y a sĂ»rement d’autres raisons que mon “incapacitĂ©” Ă  rĂ©pondre favorablement Ă  cette question sur “mes” Ă©ventuelles addictions pour expliquer mon Ă©chec Ă  cet entretien lorsque j’ai postulĂ© pour Marmottan. Comme le simple fait d’avoir envie ou non de travailler avec moi ou de se sentir Ă  l’aise en ma prĂ©sence. Mais mon ignorance hardie, bien qu’assumĂ©e car j’ai ouvertement dit que je ne connaissais pas grand chose dans le domaine des addictions, m’a peu aidĂ© Ă  convaincre de m’embaucher. Puis, par la suite, devant ces Ă©checs ( j’ai postulĂ© trois fois), j’ai dĂ©veloppĂ© une ambivalence Ă  l’idĂ©e de travailler Ă  Marmottan. Peut-ĂȘtre une ambivalence qui peut se retrouver chez toute personne envers son addiction.

 Chaque fois que je suis retournĂ© travailler en remplacement Ă  Marmottan, je m’apercevais que je me sentais suffisamment appropriĂ© : je ne regardais pas ma montre en Ă©tant pressĂ© que ça se termine. Tout en sachant que j’avais beaucoup Ă  apprendre. Je m’y sentais suffisamment bien. Pourtant, il m’est aussi arrivĂ© de me dire que ce n’Ă©tait pas pour moi. Que je n’Ă©tais peut-ĂȘtre pas fait pour y travailler. Que j’allais me faire rouler dans la farine. Ou que je ne saurais pas conseiller ou accompagner comme il se devait certains patients. Que je ne saurais pas leur rĂ©pondre.

 

 

Marmottan, le service spécialisé dans le traitement des addictions

 

 

J’ai nĂ©anmoins eu la chance de venir faire des remplacements, avant et aprĂšs ma postulation Ă  Marmottan, Ă  peu prĂšs une quinzaine de fois en tant qu’infirmier. Et, lorsque j’écris Marmottan, car il faut le prĂ©ciser, je parle bien-sĂ»r du service spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions.

 

Parce-que si le service spĂ©cialisĂ© (hospitalisation et accueil) dans les addictions est connu sous le nom de Marmottan, Marmottan est aussi un endroit oĂč se trouvent un CMP pour patients adultes oĂč se trouve une consultation pour adultes pĂ©dophiles. Ainsi qu’un hĂŽpital de jour de psychiatrie adulte. Deux services (le CMP et l’hĂŽpital de jour) qui sont indĂ©pendants du service consacrĂ© au traitement des addictions. MĂȘme si ces deux services (le CMP adulte et l’hĂŽpital de jour) sont aussi situĂ©s dans le mĂȘme bĂątiment, rue ArmaillĂ© dans le 17 Ăšme arrondissement de Paris.

 

Il  y a aussi le musĂ©e Marmottan qui se trouve Ă  cĂŽtĂ©. Un musĂ©e bien rĂ©fĂ©rencĂ© que l’on peut visiter et qui n’a rien Ă  voir avec le service.

 

Le Marmottan dont je parle, initialement, faisait partie de l’hĂŽpital psychiatrique Perray-Vaucluse. HĂŽpital par lequel j’ai Ă©tĂ© recrutĂ© en juillet 2009. C’est Ă  cette occasion que j’ai compris que « le Â» Marmottan dont j’avais entendu parler depuis des annĂ©es Ă©tait un service. Et que ce service faisait partie du mĂȘme hĂŽpital que celui qui m’employait.

 

Lorsque l’on parlait de grands Ă©tablissements psychiatriques en rĂ©gion parisienne, les Ă©tablissements hospitaliers auxquels je pensais principalement  Ă©taient :

 

Maison Blanche ; Ville-Evrard ;  Ste-Anne ; Voire Villejuif ou Paul Guiraud. 

 

J’ai dĂ©couvert l’existence du groupe hospitalier psychiatrique Perray-Vaucluse tardivement. Et par hasard. Vers la fin des annĂ©es 2000. Il y a une explication gĂ©ographique Ă  cette ignorance. L’Etablissement Perray-Vaucluse est situĂ© dans l’Essonne. Soit dans un dĂ©partement oĂč je n’ai jamais eu d’attache ou de domiciliation. Puis mon ignorance culturelle, comme celle de mes collĂšgues, de la Psychiatrie a fait le reste.  J’ai connu la psychiatrie de Pontoise parce-que j’habitais Ă  Cergy Pontoise durant mes Ă©tudes d’infirmier et que j’y rĂ©sidais encore lorsque j’avais commencĂ© Ă  y travailler en psychiatrie adulte.

 

L’hĂŽpital psychiatrique Perray-Vaucluse, comme les autres, est au moins centenaire. AbsorbĂ© par Maison Blanche il y a quelques annĂ©es, il fait dĂ©sormais partie du GHU Paris Ste Anne qui comporte la fusion des Ă©tablissements Perray-Vaucluse, Maison Blanche et Ste Anne. Soit un ensemble de services intra-hospitaliers mais aussi extra-hospitaliers de santĂ© mentale ( psychiatrie adulte, addictions, soins gĂ©nĂ©raux ou somatiques, pĂ©dopsychiatrie
).

 

A la Cigale, lors du centenaire de Marmottan. Assis, Ă  gauche, le Dr Mario Blaise, chef du PĂŽle Marmottan-La Terrasse, GHU Paris. Sur sa droite, un des praticiens de Marmottan, le Dr Bertrand. Tout au bout Ă  droite, un des anciens praticiens de Marmottan, Aram Kavciyan, dĂ©sormais psychiatre chef du service d’addictologie au CH de Montfavet depuis des annĂ©es. Je crois que la personne debout en train de parler est une accueillante de Marmottan. J’ai oubliĂ© la fonction de la dame assise.

 

Marmottan/ Olivenstein/ Personnalité/ Antipsychiatrie

 

 

Marmottan a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 1971, par Claude Olivenstein. Lors du cinquentenaire, j’ai appris qu’il y avait deux ou trois autres mĂ©decins avec lui pour fonder Ă  Marmottan le service spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions. Mais lorsque l’on dit Marmottan, encore aujourd’hui, pour beaucoup d’un certain Ăąge, on pense aussitĂŽt : Olivenstein.  

 

Son nom et une partie de sa mĂ©moire -comme de sa prĂ©sence- habitent encore l’endroit pour le peu que j’ai entrevu. MĂȘme si, aprĂšs lui, Marc Valleur a pris sa suite et a, depuis, transmis le relais Ă  Mario Blaise.  

 

A la Cigale, Ă  gauche, Mario Blaise, chef du PĂŽle Marmottan-La Terrasse, GHU Paris. A sa droite, le Dr Marc Valleur, le prĂ©cĂ©dent mĂ©decin chef de Marmottan-La Terrasse qui continue de consulter Ă  Marmottan. Jan Kounen, rĂ©alisateur, venu, entre-autres, parler de son expĂ©rience de l’Ayahuesca. Tout Ă  droite, l’alpiniste Marc Batard venu parler de son addiction aux sommets.

 

 

Le service Marmottan, spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions, a une personnalitĂ© que j’ai rarement trouvĂ©e ailleurs. Par personnalitĂ©, je pense Ă  une volontĂ© assez farouche de maintenir son autonomie et/ ou son indĂ©pendance de pensĂ©e, de façon de travailler, qui tranche avec cette façon assez unanime qu’ont eu les services de psychiatrie- que je connais- de s’aligner sur les diffĂ©rents diktats imposĂ©s ces vingt derniĂšres annĂ©es en matiĂšre de soin et de façon de soigner. Ou de transmettre. Par exemple, alors que depuis une bonne dizaine d’annĂ©es maintenant, la majoritĂ© des services de santĂ© mentale – et autres- Ă©crivent leurs transmissions et leurs prescriptions sur ordinateur, Ă  Marmottan, on Ă©crivait- et on Ă©crit sans doute encore- les transmissions comme les prescriptions mĂ©dicales sur papier.

 

 

Bien-sûr, mes principaux repÚres de comparaison sont ici sont ceux de la psychiatrie que je connais.

La psychiatrie que je connais en rĂ©gion parisienne telle qu’elle se pratique aujourd’hui dans la plupart des services est trĂšs diffĂ©rente de celle qui est Ă©tait pratiquĂ©e il y a encore vingt ou trente ans. Par bien des aspects, la psychiatrie d’aujourd’hui a dĂ©figurĂ© ce qui se faisait de « bien Â» il y a vingt ou trente ans. Moins de moyens, moins de personnels, plus d’heures de travail
plus d’informatique


 

L’ouvrage de Victor Castanet, Les Fossoyeurs qui a fait l’actualitĂ© il y a quelques semaines, avant d’ĂȘtre dĂ©passĂ© par l’actualitĂ© de l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie « de Â» Vladimir Poutine, scrute, si j’ai bien retenu, les conditions de travail dans les EHPAD. Malheureusement, sous d’autres formes, les conditions de travail en psychiatrie publique se sont aussi dĂ©tĂ©riorĂ©es puisqu’elles doivent dĂ©sormais se calquer sur le modĂšle du privĂ©. Et le peu que j’ai vu dans deux cliniques de psychiatrie adulte il y a une dizaine d’annĂ©es, lorsque j’y avais effectuĂ© des vacations, ne m’a pas donnĂ© envie d’y postuler.

 

 

Aussi, lorsque durant le cinquantenaire de Marmottan, en dĂ©cembre, le mot « Antipsychiatrie Â» a Ă©tĂ© prononcĂ© par un ou une des intervenants, il m’est tout de suite apparu Ă©vident que cela expliquait en partie l’une des raisons pour lesquelles Marmottan, le service des addictions, dĂ©tonait et dĂ©tone encore dans le milieu de la SantĂ© Mentale.

 

D’une part parce que le travail qui s’effectue dans un service spĂ©cialisĂ© dans le traitement des addictions se distingue du travail effectuĂ© dans un service de psychiatrie. Mais aussi parce qu’il s’y pratique un certain esprit, une certaine façon de travailler, pour le peu que j’ai vu sur place, auxquels un professionnel familier avec la psychiatrie n’est pas habituĂ©.

 

 

Cet article devait ĂȘtre unique. Mais je m’aperçois que le poursuivre maintenant le rendrait trop long. Et qu’il vaut mieux que je m’arrĂȘte sur cette introduction avant, dans un prochain article, de raconter et de montrer davantage comment c’était lors du cinquentenaire de Marmottan Ă  la salle de concert de la Cigale en dĂ©cembre dernier. Mais aussi dans le service ( d’accueil et d’hospitalisation) lors d’une des deux journĂ©es portes ouvertes qui a suivi la journĂ©e Ă  la Cigale.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 28 février 2022.

 

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