The Batman-un film de Matt Reeves
Ce matin, lâenfant occidental qui est en moi a voulu aller voir le film The Batman, sorti aujourdâhui.
Mais lâadulte que je suis lâavait prĂ©mĂ©ditĂ© bien avant dâemmener sa fille au centre de loisirs. Pour cela, jâai arrĂȘtĂ© la rĂ©daction de mon article Quelques voies consacrĂ© aux Arts Martiaux.
« Plus sombre, plus cinglĂ© », câest ce que jâai pu lire sur une des affiches annonçant le film The Batman. Si câĂ©tait Ă©crit, câĂ©tait pour donner envie. Donc, ce qui est « sombre et cinglĂ© » augmente lâenvie ou le dĂ©sir.
AprĂšs avoir dit au revoir Ă ma fille au centre de loisirs, jâai pris le chemin vers mon premier centre de loisirs pour adultes : la gare pour aller Ă Paris.
Jâai commencĂ© par rater le train. Jâen ai profitĂ© pour aller acheter des journaux. En dĂ©couvrant le dessin en premiĂšre page, le jeune vendeur s’est d’abord mis Ă rire. Puis a commentĂ© :
« Ah, lui, il faut pas le frustrerâŠ. ». De qui parlait le jeune vendeur de journaux ĂągĂ© dâune vingtaine dâannĂ©es ? De Batman ?
Non, du PrĂ©sident russe Vladimir Poutine aprĂšs sa dĂ©cision dâagresser informatiquement d’abord puis militairement ( ce 24 fĂ©vrier 2022) lâUkraine. Ce qui provoque une certaine rĂ©action en chaine de tensions internationales diverses. Sa caricature par le dessinateur et journaliste Riss fait la couverture du Charlie Hebdo sorti ce mercredi.
Les paroles les plus simples sont parfois les plus justes. Et ce jeune vendeur, que je voyais pour la premiĂšre fois Ă la gare dâArgenteuil, a dit beaucoup mieux- et plus- que bien des experts en une seule phrase.
Il y a plusieurs jours que nous sommes nombreux, au moins en occident, Ă regarder le PrĂ©sident russe Poutine appliquer fin fĂ©vrier son plan de destruction de lâUkraine. Un plan qui daterait au moins de fin dĂ©cembre 2021. Cette simple pensĂ©e me suffit pour admettre que lui et moi avons des centres de loisirs trĂšs diffĂ©rents.
Tous les Russes ne pensent pas comme le PrĂ©sident russe Vladimir Poutine. Jâai lu hier, comme dâautres journalistes de cinĂ©ma, envoyĂ© par des attachĂ©es de presse de cinĂ©ma, un texte du rĂ©alisateur ukrainien SergueĂŻ Loznitsa. Dans ce texte, celui-ci raconte avoir reçu dĂšs le dĂ©but de lâinvasion russe des messages de soutien dâautres rĂ©alisateurs russes lui disant leur honte devant cette invasion de lâUkraine.
« Plus sombre et plus cinglĂ© », Le PrĂ©sident Poutine lâest sans aucun doute beaucoup plus que le nouveau Batman sorti ce mercredi. Mais je ne ferai pas partie des spectateurs pressĂ©s de voir de prĂšs Ă quoi peut ressembler la guerre en Ukraine.
Et, il est sans aucun doute aussi dâautres personnalitĂ©s aussi sombres et cinglĂ©es que lâon ne voit plus ou que lâon nâentend pas, et qui agissent, tandis que nous nous fixons- Ă raison- sur lâUkraine depuis quelques jours. Et que nous essayons dâimaginer les consĂ©quences nĂ©fastes sur nos vies finalement trĂšs fragiles de ce conflit sâil se gĂ©nĂ©ralise.
Câest aussi parce-que nous nâavons pas toujours lâenvie, la force ou le courage de regarder certaines horreurs en face que nous nous rĂ©fugions dans nos loisirs, quâils soient chimiques ou non.
Remettons-nous « dans » Batman et dans la frustration. A la gare St Lazare, dĂšs la premiĂšre porte de validation, malgrĂ© mes prĂ©cautions, un homme sâengouffre derriĂšre moi. Il me « colle » pour passer avec et malgrĂ© moi. Jâai du mal Ă supporter ces « ninjas » des transports (peut-ĂȘtre parce-que ce sont principalement des hommes) qui me comptent parmi leurs pigeons voyageurs. Je nâai rien contre le fait dâaider quelquâun Ă passer. MĂȘme si je me doute que cette « complicitĂ© » pourrait mâĂȘtre reprochĂ©e et me valoir un jour dâĂȘtre sanctionnĂ© financiĂšrement. La fraude est le secret de ces usagers. Et je ne les juge pas pour cette action. Mais je nâaime pas ĂȘtre utilisĂ© sans mon accord. Instinctivement, souvent, alors, ma rĂ©action est un peu limitĂ©e. Je regarde voire dĂ©visage lâintrus. Quelques uns se dĂ©tournent et fuient. Certains, assez rares, ont un moment bref dâhostilitĂ© dans les yeux. Peut-ĂȘtre quâun jour cela se passera mal entre lâun dâentre eux et moi. Mais je ne peux pas mâempĂȘcher de rĂ©agir Ă©tant donnĂ© la frĂ©quence de ce genre de comportement en rĂ©gion parisienne.
Avant hier, une dame africaine sans doute mon aĂźnĂ©e de plusieurs annĂ©es, mâa dit :
« Je passe avec toi ». Je me suis fait un plaisir de la faire passer. Ensuite, alors que nous nous sĂ©parions, elle mâa remerciĂ©.
Le « ninja » de ce matin est un homme rĂ©glo. Alors que nous descendons lâescalator vers les lignes de mĂ©tro, Il se sent obligĂ© de mâexpliquer que sa carte est « bloquĂ©e », commence Ă sortir son portefeuille pour me prouver quâil a bien son passe. Je lui rĂ©ponds :
« Vous nâavez pas besoin de me montrer. Je ne suis pas contrĂŽleur ». Et, amicalement, je pose ma main sur son Ă©paule pour le rassurer. Ce geste suffit. Il range aussitĂŽt son portefeuille et nous allons chacun dans notre direction.
Je prends une place pour la sĂ©ance de 9h45. Je montre mon billet Ă lâentrĂ©e du cinĂ©ma. On me demande mon pass sanitaire devenu pass vaccinal. Devoir prĂ©senter son pass sanitaire ou vaccinal pour aller voir un homme-chauve souris sur un grand Ă©cran de cinĂ©ma est une expĂ©rience quâil fallait assurĂ©ment vivre au moins une fois. Mais je ne fais aucun commentaire Ă ce sujet.
On me confirme quâil y avait bien une sĂ©ance Ă 9h. Mais que pour des « grandes productions comme Batman, il y a toujours deux sĂ©ances le matin ».
Je me dirige vers la salle lorsque je reconnais la voix et la musique de Jimi Hendrix. Que fait Jimi Hendrix dans un complexe de cinĂ©ma UGC ? Une fois de plus, tous ces rebelles et marginaux, crĂ©atifs ou autres, qui se sont crĂ©Ă©s eux-mĂȘmes et ont pu ĂȘtre les Batman dâune autre vie font depuis longtemps partie de la marchandise dont on se sert pour appĂąter et fidĂ©liser le grand public dont je fais partie.
A peine vingt mĂštres plus loin, sur ma droite, jâaperçois une trentaine de personnes rassemblĂ©es prĂšs du bar. Non loin des photos dâacteurs et de rĂ©alisateurs prises par Eddy (Eddy BriĂšre). Des photos exposĂ©es maintenant dans ce cinĂ©ma depuis deux ou trois bonnes annĂ©es : Francis Ford Coppola, Mads MikkelsenâŠ.
Les personnes prĂšs du bar ne regardent pas, ne regardent plus ces photos. Elles ont une moyenne dâĂąge de 30-35 ans. Elles semblent assez joyeuses, dĂ©tendues. Une femme, Ă lâĂ©cart, Ă une dizaine de mĂštres, la trentaine Ă©galement, les regarde, un talkie-walkie sous le bras. Elle porte une jupe.
Je lui demande : « Quâest-ce qui se passe ? »
Elle me répond, un peu de haut, assez pincée :
« Comme tous les mercredis, Monsieur, les chiffres des films qui sortent ».
Moi, candide :
« Donc, il y a uniquement le personnel du cinéma⊠».
Elle :
« Tout Ă fait, Monsieur ! ». Puis, une Ă deux secondes plus tard, la voilĂ qui part dans la direction opposĂ©e qui mâa vu arriver.
Un film, câest aussi de la pub et des bandes annonces avant de le voir. Ce que lâon appelle la sĂ©ance. Dans ce cinĂ©ma, les sĂ©ances durent entre 15 et 20 minutes. On en parle rarement lorsque lâon parle dâun film que lâon est allĂ© voir. Jâavais dĂ©jĂ eu le projet dâen parler il y a un ou deux ans. Mais je ne lâavais pas fait. Or, cette pub et ces bandes annonces parlent aussi de notre Ă©poque. Peut-ĂȘtre autant voire davantage que le film que lâon va voir au cinĂ©ma. Donc, nous allons en parler. Avant de parler du film The Batman que je nâai pas oubliĂ©. Et que jâai bien vu ensuite.
Dans la salle de cinĂ©ma, dâabord, lorsque jâarrive avant que la sĂ©ance ne commence, il y a une quarantaine de personnes. Des hommes en majoritĂ©. Moyenne dâĂąge : 35-40 ans. Je me rĂ©pĂšte avec la moyenne dâĂąge du personnel du cinĂ©ma en train de cĂ©lĂ©brer les chiffres des entrĂ©es des films de la journĂ©e ? Cela peut dĂ©montrer que ce genre de film est peut-ĂȘtre regardĂ© et recherchĂ© par un public qui ressemble Ă ce personnel entrevu ou vice-versa. MĂȘme si dans la salle, sans me compter, jâaperçois aussi un homme et une femme, sĂ©parĂ©s par plusieurs rangs, qui doivent bien avoir une cinquantaine dâannĂ©es.
La premiÚre annonce qui me marque concerne le festival Série Mania qui se déroulera à nouveau à Lille, du 18 au 25 mars. Je ne suis jamais allé voir ce festival à Lille.
Puis la bande annonce pour le film Entre les vagues dâAnaĂŻs VolpĂ© retient mon attention. Il sortira le 16 mars.
Suit une pub pour la banque Le Crédit Agricole. Puis une pub pour le jeu vidéo Légende Pokémon Arceus « seulement avec la Nintendo Switch ». On nous parle ensuite du nouveau Multivan de Wolkswagen.
Le cinĂ©ma revient avec la bande annonce pour le film asiatique Moneyboys. On comprend quâil est question dâun jeune homme qui, pour survivre Ă©conomiquement, devient escort et rencontre dâautres hommes. Câest la honte dans sa famille.
« Tu mĂ©rites dâĂȘtre aimĂ© » lui dit quelquâun. Le film me paraĂźt bien.
La sĂ©rie Wonderworld nous informe que des femmes et des hommes agissent en toute conscience pour lâavenir de la planĂšte. Cela commence avec le documentaire intitulĂ© LâArche de Tchernobyl.
« Je gĂšre », une campagne de sensibilisation du MinistĂšre (de la SantĂ© ou de lâIntĂ©rieur) nous parle de la prostitution des mineurs. Et nous dĂ©livre un numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone Ă faire afin dâobtenir conseil et assistance : le 119.
Juste aprĂšs vient la bande annonce pour le film français Murder Party avec Eddy Mitchell. Lâintrigue me fait penser au remake du film 8 femmes rĂ©alisĂ© par François Ozon il y a dix ou quinze ans (en 2002, en fait).
Pour faire passer ça, une pub pour le jeu vidéo Horizon Forbidden West « seulement sur Playstation ». Et une pub pour le parfum Montblanc Legend Red.
AprĂšs, une nouvelle bande annonce pour le film Trois fois rien. Une pub pour la chaine Canal Plus « Au cĆur de lâĂ©motion » avec plein dâĂ©vĂ©nements sportifs, des cris et des grandes joies (Foot, course automobile, course moto, beaucoup dâhommes, quelques femmes). A nouveau une bande annonce pour un remake de Cyrano mais cette fois avec lâacteur nain devenu sans doute lâacteur nain le plus cĂ©lĂšbre du cinĂ©ma pour son rĂŽle dans Game of Thrones :
Lâacteur Peter Dinklage que jâai du plaisir Ă revoir aprĂšs son rĂŽle de Tyrion Lannister dans Game of Thrones. La subtilitĂ© de son jeu fait que, dĂ©sormais, on le regarde lui au lieu de son nanisme. Quand je pense que je lâavais vu dans un rĂŽle secondaire au cinĂ©ma dans le film ça tourne Ă Manhattan (rĂ©alisĂ© en 1995) de Tom DiCillo. A cette Ă©poque, je ne pouvais pas imaginer (et lui aussi sans doute) quâil deviendrait lâacteur quâil est aujourdâhui. PrĂšs de trente ans plus tard !
Une pub oĂč lâon voit une danseuse reprĂ©senter la joaillerie « Made in France » Gemmyo « jeune et joailler », une bande annonce pour le film français Goliath inspirĂ© de faits rĂ©els (avec les acteurs et rĂ©alisateurs Gilles Lellouche, Emmanuelle Bercot, Pierre NineyâŠ) et une derniĂšre pub pour des crĂšmes HermĂšs Paris clĂŽturent la sĂ©ance.
Si cette description de la sĂ©ance dâavant film a semblĂ© fastidieuse Ă lire avant dâavoir accĂšs Ă mon compte-rendu proprement dit du film, cela signifie peut-ĂȘtre que lâon gobe rĂ©guliĂšrement- et depuis des annĂ©es- sans sâen rendre compte des quantitĂ©s dâinformations autrement plus imposantes que celles-ci.
Le film The Batman, réalisé par Matt Reeves, à proprement parler, dure 2h56.
Je vais ĂȘtre gentil. Je vais Ă©crire tout de suite que ce film axĂ© sur le personnage de Batman, pour moi, nâest ni le meilleur. Ni le plus mauvais. Comme ça, celles et ceux qui nâen peuvent dĂ©jĂ plus de lire cet article peuvent partir. Pour celles et ceux qui resteront, voici ce que je rajoute.
The Batman dĂ©bute par une vision floue. Cette vision floue joue avec nos souvenirs de lâhistoire du personnage de Batman. On entend un air classique : LâAvĂ© Maria. Et une respiration Ă©touffĂ©e. On comprend ensuite quâune maison bourgeoise, gardĂ©e par un policier paisible, est observĂ©e. Dans cette maison, un enfant dĂ©guisĂ© joue avec une Ă©pĂ©e. Son pĂšre arrive et fait semblant de mourir en tombant lorsque lâenfant, un garçon, le tue avec son Ă©pĂ©e. Câest une scĂšne familiale heureuse. Le bonheur familial qui, on le sait, va disparaĂźtre brutalement. Puisque câest le jour dâHalloween. « Un Halloween maussade et joyeux ».
On entend ensuite la voix, forcĂ©ment grave, de celui qui est Batman. Parce quâune voix grave, câest ce qui fait le mieux penser, dans un certain imaginaire, Ă une voix dâoutre-tombe. Au mĂȘme titre que la nuit est ce qui se rapproche aussi le plus de la mort. Nous apprenons donc que The Batman, jouĂ© par lâacteur Robert Pattinson,erre telle une Ăąme tourmentĂ©e depuis « deux annĂ©es », la nuit. Il se dĂ©mĂšne contre le crime. Mais il nâest quâun homme et, Ă ce titre, nâa pas le pouvoir dâubiquitĂ© des divinitĂ©s.
Le crime a pris racine et est tentaculaire dans Gotham. Il se reproduit sans cesse. Batman, homme sans descendance, donc peut-ĂȘtre stĂ©rile, est attachĂ© Ă cette ville quâil ne peut quitter et dont la fertilitĂ© sâexprime par les pluies poissonneuses du crime. Mais seul Batman semble souffrir le plus de cette relation sans retour et assez sado-maso. MĂȘme sâil est celui qui cogne le plus fort, Batman souffre davantage que ceux quâil combat et corrige.
Les malfrats sont comme des poissons dans lâeau dans cette ville croupie. Et les simples citoyens acceptent leur rĂŽle de croupiers et de victimes. Mais il y a pire.
Il pleut beaucoup dans The Batman et il fait souvent assez sombre. Pour le rĂ©aliser, on dirait que Matt Reeves a au moins rĂ©visĂ© « son » Seven, la trilogie Blade avec lâacteur Wesley Snipes, « son » Dark Vador, son Matrix ou son The Crow.
Je ne peux pas dire que Robert Pattinson soit ridicule dans le rĂŽle. Mais on dirait quâil a forcĂ© sur lâĂ©cran total pour avoir cette pĂąleur de teint. Et puis, il y a comme une continuitĂ©, malgrĂ© lui, Ă moins que ce ne soit souhaitĂ©, entre son rĂŽle de vampire qui lâa fait connaĂźtre dans Twilight et ce rĂŽle de chauve-souris humaine. Surtout si lâon se rappelle que le personnage de Dracula a aussi Ă voir avec la chauve-souris.
On peut par instants trouver au visage de Bruce Wayne, lorsquâil retire son masque de Batman, des reflets du Joker. Sauf que le jeu de Pattinson le laisse plutĂŽt sur la ligne du hĂ©ros « pur », faussement frĂȘle et assez romantique quâil incarnait dans Twilight. On peut aussi trouver Ă son cĂŽtĂ© grand enfant reclus et perdu dans son grand manoir des allures de MichaĂ«l Jackson.
« Je suis la vengeance » rĂ©pond Batman Ă quelques voyous quâil vient rosser. Il y a des phrases bien choisies dans ce film. Des scĂšnes trĂšs bien rĂ©alisĂ©es. Une ville dont les Ă©lites sont Ă la fois si gangrĂ©nĂ©es par la corruption mais aussi par lâimpuissance et le dĂ©sespoir quâelles font de Batman un homme de Foi religieuse. Et, je crois que je nâavais jamais regardĂ© le personnage de cette façon. CulpabilitĂ©, vengeance, rĂ©demption.
Jâai « aimĂ© » voir ces Ă©lites dĂ©foncĂ©es. Et lâune dâelle se confesser Ă Batman : Le proc, qui semble ĂȘtre lâanagramme du porc « rĂ©vĂ©lĂ© » par le mouvement #MeToo.
Lorsque jâĂ©cris que jâai « aimĂ© » : je veux dire que jâai aimĂ© ce passage oĂč ces Ă©lites puissantes majoritairement blanches et masculines se rĂ©vĂšlent nues, simples, seules, dĂ©sarmĂ©es mais pas sans Ăąme au « club dans le club », sursis-purgatoire entre la comĂ©die des apparences Ă la surface, et la derniĂšre marche vers le trĂ©pas. Dans Gotham, les Puissants sont finalement des morts vivants.
Jâai aussi cru apercevoir dans lâimage du pĂšre assassinĂ© de Bruce Wayne/ Batman lâassassinat du PrĂ©sident John F.Kennedy dont une partie de lâAmĂ©rique ne sâest visiblement pas toujours remise un demi-siĂšcle plus tard. Bien que JFK ait Ă©tĂ© moins vertueux quâil ne lâait montrĂ©.
Par contre, lâhistoire dâamour platonique, car il faut bien une histoire impossible, entre Catwoman et Batman, ne passe pas. Ni lâĂ©ternelle course poursuite en voiture que jâai trouvĂ©e mortellement longue. La Catwoman jouĂ©e par Zoe Kravitz mâa donnĂ© envie que lâon ressuscite celle jouĂ©e par Michelle Pfeiffer. OĂč sont passĂ©es les 7 ou 9 vies de Catwoman ? Je nâen vois que deux dans le film.
Je me demande la raison pour laquelle Zoe Kravitz a Ă©tĂ© choisie pour ce rĂŽle. Jâai plus vu en elle une actrice-mannequin faisant onduler sa voix et ses hanches pour faire « bien » lors de certaines partitions du film. Elle fait son travail mais je lâoublierai rapidement dans ce rĂŽle. Je lui prĂ©fĂšre Michelle Pfeiffer, donc. Ou Carrie-Anne Moss, la Trinity de Matrix. Car il semble que Zoe Kravitz ait essayĂ© de rĂ©aliser un peu la synthĂšse des deux.
The Batman est aussi un film oĂč il y a de gros roulements de tambour lorsquâil sâagit dâentourer de musique certaines scĂšnes.
Mais le plus frustrant, pour moi, nous reparlons de la frustration, est que je mâattendais Ă un Batman plus rude. Nous avons dĂ©jĂ vu un Batman plus rude au cinĂ©ma. Mais je confonds peut-ĂȘtre avec la figure de Rorschach dans lâadaptation cinĂ©matographique de The Watchmen⊠(2009).
MĂȘme le James Bond incarnĂ© par Daniel Craig dans Casino Royale ( 2006) est plus rugueux. Deux films qui ont plus de dix ans.
« Plus sombre et plus cinglé », ce The Batman ? Pas tout à fait pour moi.
Bon. Je ne regrette pas dâĂȘtre allĂ© voir le film. Mais jâaurais aimĂ© plus. Mieux. MĂȘme sâil y a eu un gros et trĂšs bon travail rĂ©alisĂ© pour les dĂ©cors.
MĂȘme sâil y a des symboles forts : une Catwoman noire. Une maire de la ville de Gotham, hĂ©roĂŻque et noire. Un Lieutenant de police intĂšgre noir( lâacteur Jeffrey Wright). MĂȘme si on se demande comment fait-il, dans une ville aussi pourrie, pour travailler Ă visage dĂ©couvert nuit et jour sans jamais se faire menacer de mort ? Mais, aussi, quand trouve-tâil le temps de dormir et, Ă©ventuellement, dâavoir une vie de famille ou de couple. Il encaisse aussi particuliĂšrement bien – mĂȘme pas une facture de la mĂąchoire- le crochet de pierre que lui assĂšne Batman.
Peut-ĂȘtre que la faiblesse de ce film est de servir des situations entendues, dâune part, et, dâautre part, de ne pas avoir rĂ©ussi Ă donner le tournis avec dâautres qui auraient pu faire la diffĂ©rence. Je pense par exemple Ă ce moment oĂč Batman se rĂ©veille dans le commissariat de Gotham comme sâil Ă©tait dans une souriciĂšre. Lâastuce pour sâen sortir fait trĂšs « cheap ».
Autrement, Colin Farrel est mĂ©connaissable et bon. Je ne lâai pas reconnu. John Turturro est plutĂŽt bon. Paul Dano fait plus que bien mĂȘme sâil a dĂ©jĂ jouĂ© des rĂŽles assez voisins ( Taking Lives-Destins violĂ©s ( 2004 ), There will be blood ( 2007).
Pour finir, Ă©couter certains spectateurs aprĂšs le film, dans la salle, mâa amusĂ©.
« Moi, je trouve que Catwoman, elle joue mal ! Jâsuis dĂ©solĂ© ! » a dit un jeune homme dâune vingtaine dâannĂ©es, voix grave, cheveux mi-longs, tee-shirt montrant le dessin dâune paire de seins, Ă trois jeunes femmes avec lesquelles il se trouvait.
Plus tard, en sortant de la salle, le mĂȘme a poursuivi :
« Jâaurais voulu que ce soit un vrai fils de pute ! » ; « En fait, il y a pas de nuances ! ».
Peut-ĂȘtre que ce jeune homme, tout comme le jeune vendeur de journaux plus tĂŽt, Ă propos du PrĂ©sident Vladimir Poutine, a-tâil Ă©tĂ© le plus juste, finalement, avec ses mots trĂšs simples ?
Dans le mĂ©tro qui mâa ramenĂ© Ă la gare St Lazare, jâai entendu un homme expliquer Ă un autre quâavec les « 14 jours de rĂ©traction » aprĂšs obtention dâun crĂ©dit, cela laissait un mois aux banques afin de placer lâargent et de percevoir des intĂ©rĂȘts. LĂ , aussi, câĂ©taient des mots trĂšs simples et trĂšs justes.
En rentrant chez moi, personne nâa essayĂ© de profiter de moi alors que je quittais la gare en passant la porte de validation. Peut-ĂȘtre Saint Batman me protĂšge-t’il.
Franck Unimon, ce mercredi 2 mars 2022.