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The Batman-un film de Matt Reeves

Paris, mardi 1er mars 2022.

The Batman-un film de Matt Reeves

 

 

Ce matin, l’enfant occidental qui est en moi a voulu aller voir le film The Batman, sorti aujourd’hui.

 

Mais l’adulte que je suis l’avait prĂ©mĂ©ditĂ© bien avant d’emmener sa fille au centre de loisirs.  Pour cela, j’ai arrĂȘtĂ© la rĂ©daction de mon article Quelques voies   consacrĂ© aux Arts Martiaux.

 

« Plus sombre, plus cinglĂ© Â», c’est ce que j’ai pu lire sur une des affiches annonçant le film The Batman. Si c’était Ă©crit, c’était pour donner envie. Donc, ce qui est « sombre et cinglĂ© Â» augmente l’envie ou le dĂ©sir.

 

AprĂšs avoir dit au revoir Ă  ma fille au centre de loisirs, j’ai pris le chemin vers mon premier centre de loisirs pour adultes : la gare pour aller Ă  Paris.

 

J’ai commencĂ© par rater le train. J’en ai profitĂ© pour aller acheter des journaux. En dĂ©couvrant le dessin en premiĂšre page, le jeune vendeur s’est d’abord mis Ă  rire. Puis a commentĂ© :

 

« Ah, lui, il faut pas le frustrer
. Â». De qui parlait le jeune vendeur de journaux ĂągĂ© d’une vingtaine d’annĂ©es ? De Batman ?

 

Non, du PrĂ©sident russe Vladimir Poutine aprĂšs sa dĂ©cision d’agresser informatiquement d’abord puis militairement ( ce 24 fĂ©vrier 2022) l’Ukraine. Ce qui provoque une certaine rĂ©action en chaine de tensions internationales diverses. Sa caricature par le dessinateur et journaliste Riss fait la couverture du Charlie Hebdo sorti ce mercredi.

Couverture du journal ” Charlie Hebdo” sorti ce mercredi 2 mars 2022, montrant une caricature du PrĂ©sident russe Vladimir Poutine.

 

Les paroles les plus simples sont parfois les plus justes. Et ce jeune vendeur, que je voyais pour la premiùre fois à la gare d’Argenteuil, a dit beaucoup mieux- et plus- que bien des experts en une seule phrase.

 

Il y a plusieurs jours que nous sommes nombreux, au moins en occident, Ă  regarder le PrĂ©sident russe Poutine appliquer fin fĂ©vrier son plan de destruction de l’Ukraine. Un plan qui daterait au moins de fin dĂ©cembre 2021. Cette simple pensĂ©e me suffit pour admettre que lui et moi avons des centres de loisirs trĂšs diffĂ©rents.

 

Tous les Russes ne pensent pas comme le PrĂ©sident russe Vladimir Poutine. J’ai lu hier, comme d’autres journalistes de cinĂ©ma, envoyĂ© par des attachĂ©es de presse de cinĂ©ma,  un texte du rĂ©alisateur ukrainien SergueĂŻ Loznitsa. Dans ce texte, celui-ci raconte avoir reçu dĂšs le dĂ©but de l’invasion russe des messages de soutien d’autres rĂ©alisateurs russes lui disant leur honte devant cette invasion de l’Ukraine. 

 

Dans le métro parisien, ligne 9, ce jeudi 3 mars 2022.

 

«  Plus sombre et plus cinglĂ© Â», Le PrĂ©sident Poutine l’est sans aucun doute beaucoup plus que le nouveau Batman sorti ce mercredi. Mais je ne ferai pas partie des spectateurs pressĂ©s de voir de prĂšs  Ă  quoi peut ressembler la guerre en Ukraine.  

 

Et, il est sans aucun doute aussi d’autres personnalitĂ©s aussi sombres et cinglĂ©es que l’on ne voit plus ou que l’on n’entend pas, et qui agissent, tandis que nous nous fixons- Ă  raison- sur l’Ukraine depuis quelques jours. Et que nous essayons d’imaginer les consĂ©quences nĂ©fastes sur nos vies finalement trĂšs fragiles de ce conflit s’il se gĂ©nĂ©ralise.

 

C’est aussi parce-que nous n’avons pas toujours l’envie, la force ou le courage de regarder certaines horreurs en face que nous nous rĂ©fugions dans nos loisirs, qu’ils soient chimiques ou non.

Gare de Paris St Lazare, février 2022.

 

 

Remettons-nous « dans Â» Batman et dans la frustration. A la gare St Lazare, dĂšs la premiĂšre porte de validation, malgrĂ© mes prĂ©cautions, un homme s’engouffre derriĂšre moi. Il me « colle Â» pour passer avec et malgrĂ© moi. J’ai du mal Ă  supporter ces « ninjas Â» des transports (peut-ĂȘtre parce-que ce sont principalement des hommes) qui me comptent parmi leurs pigeons voyageurs. Je n’ai rien contre le fait d’aider quelqu’un Ă  passer. MĂȘme si je me doute que cette « complicitĂ© Â» pourrait m’ĂȘtre reprochĂ©e et me valoir un jour d’ĂȘtre sanctionnĂ© financiĂšrement. La fraude est le secret de ces usagers. Et je ne les juge pas pour cette action. Mais je n’aime pas ĂȘtre utilisĂ© sans mon accord. Instinctivement, souvent, alors, ma rĂ©action est un peu limitĂ©e. Je regarde voire dĂ©visage l’intrus. Quelques uns se dĂ©tournent et fuient. Certains, assez rares, ont un moment bref d’hostilitĂ© dans les yeux. Peut-ĂȘtre qu’un jour cela se passera mal entre l’un d’entre eux et moi. Mais je ne peux pas m’empĂȘcher de rĂ©agir Ă©tant donnĂ© la frĂ©quence de ce genre de comportement en rĂ©gion parisienne.

 

Avant hier, une dame africaine sans doute mon aĂźnĂ©e de plusieurs annĂ©es, m’a dit :

« Je passe avec toi Â». Je me suis fait un plaisir de la faire passer. Ensuite, alors que nous nous sĂ©parions, elle m’a remerciĂ©.

 

Le « ninja Â» de ce matin est un homme rĂ©glo. Alors que nous descendons l’escalator vers les lignes de mĂ©tro, Il se sent obligĂ© de m’expliquer que sa carte est « bloquĂ©e Â», commence Ă  sortir son portefeuille pour me prouver qu’il a bien son passe. Je lui rĂ©ponds :

 

 Â« Vous n’avez pas besoin de me montrer. Je ne suis pas contrĂŽleur Â». Et, amicalement, je pose ma main sur son Ă©paule pour le rassurer. Ce geste suffit. Il range aussitĂŽt son portefeuille et nous allons chacun dans notre direction.

Paris, les Halles, Mercredi 2 mars 2022.

 

Je prends une place pour la sĂ©ance de 9h45. Je montre mon billet Ă  l’entrĂ©e du cinĂ©ma. On me demande mon pass sanitaire devenu pass vaccinal. Devoir prĂ©senter son pass sanitaire ou vaccinal pour aller voir un homme-chauve souris sur un grand Ă©cran de cinĂ©ma est une expĂ©rience qu’il fallait assurĂ©ment vivre au moins une fois. Mais je ne fais aucun commentaire Ă  ce sujet.

On me confirme qu’il y avait bien une sĂ©ance Ă  9h. Mais que pour des « grandes productions comme Batman, il y a toujours deux sĂ©ances le matin Â».  

 

 

Je me dirige vers la salle lorsque je reconnais la voix et la musique de Jimi Hendrix. Que fait Jimi Hendrix  dans un complexe de cinĂ©ma UGC ? Une fois de plus, tous ces rebelles et marginaux, crĂ©atifs ou autres, qui se sont crĂ©Ă©s eux-mĂȘmes et ont pu ĂȘtre les Batman d’une autre vie font depuis longtemps partie de la marchandise dont on se sert pour appĂąter et fidĂ©liser le grand public dont je fais partie.

 

A peine vingt mĂštres plus loin, sur ma droite, j’aperçois une trentaine de personnes rassemblĂ©es prĂšs du bar. Non loin des photos d’acteurs et de rĂ©alisateurs prises par Eddy (Eddy BriĂšre). Des photos exposĂ©es maintenant dans ce cinĂ©ma depuis deux ou trois bonnes annĂ©es : Francis Ford Coppola, Mads Mikkelsen
.

 

Les personnes prĂšs du bar ne regardent pas, ne regardent plus ces photos. Elles ont une moyenne d’ñge de 30-35 ans. Elles semblent assez joyeuses, dĂ©tendues. Une femme, Ă  l’écart, Ă  une dizaine de mĂštres, la trentaine Ă©galement, les regarde, un talkie-walkie sous le bras. Elle porte une jupe.

 

Je lui demande : « Qu’est-ce qui se passe ? Â»

 

Elle me rĂ©pond, un peu de haut, assez pincĂ©e :

 

« Comme tous les mercredis, Monsieur, les chiffres des films qui sortent Â».

 

Moi, candide :

 

« Donc, il y a uniquement le personnel du cinĂ©ma
 Â».

 

Elle :

 

« Tout Ă  fait, Monsieur ! Â». Puis, une Ă  deux secondes plus tard, la voilĂ  qui part dans la direction opposĂ©e qui m’a vu arriver.

 

Un film, c’est aussi de la pub et des bandes annonces avant de le voir. Ce que l’on appelle la sĂ©ance. Dans ce cinĂ©ma, les sĂ©ances durent entre 15 et 20 minutes. On en parle rarement lorsque l’on parle d’un film que l’on est allĂ© voir. J’avais dĂ©jĂ  eu le projet d’en parler il y a un ou deux ans. Mais je ne l’avais pas fait. Or, cette pub et ces bandes annonces parlent aussi de notre Ă©poque. Peut-ĂȘtre autant voire davantage que le film que l’on va voir au cinĂ©ma. Donc, nous allons en parler. Avant de parler du film The Batman que je n’ai pas oubliĂ©. Et que j’ai bien vu ensuite.

 

 

Dans la salle de cinĂ©ma, d’abord, lorsque j’arrive avant que la sĂ©ance ne commence, il y a une quarantaine de personnes. Des hommes en majoritĂ©. Moyenne d’ñge : 35-40 ans. Je me rĂ©pĂšte avec la moyenne d’ñge du personnel du cinĂ©ma en train de cĂ©lĂ©brer les chiffres des entrĂ©es des films de la journĂ©e ? Cela peut dĂ©montrer que ce genre de film est peut-ĂȘtre regardĂ© et recherchĂ©  par un public qui ressemble Ă  ce personnel entrevu ou vice-versa. MĂȘme si dans la salle, sans me compter, j’aperçois aussi un homme et une femme, sĂ©parĂ©s par plusieurs rangs, qui doivent bien avoir une cinquantaine d’annĂ©es.

 

La premiÚre annonce qui me marque concerne le festival Série Mania qui se déroulera à nouveau à Lille, du 18 au 25 mars. Je ne suis jamais allé voir ce festival à Lille.

 

Puis la bande annonce pour le film Entre les vagues d’AnaĂŻs VolpĂ© retient mon attention. Il sortira le 16 mars.

 

Suit une pub pour la banque Le CrĂ©dit Agricole. Puis une pub pour le jeu vidĂ©o LĂ©gende PokĂ©mon Arceus «  seulement avec la Nintendo Switch Â». On nous parle ensuite du nouveau Multivan de Wolkswagen.

 

Le cinĂ©ma revient avec la bande annonce pour le film asiatique Moneyboys. On comprend qu’il est question d’un jeune homme qui, pour survivre Ă©conomiquement, devient escort et rencontre d’autres hommes. C’est la honte dans sa famille.

«  Tu mĂ©rites d’ĂȘtre aimĂ© Â» lui dit quelqu’un. Le film me paraĂźt bien.

 

La sĂ©rie Wonderworld nous informe que des femmes et des hommes agissent en toute conscience pour l’avenir de la planĂšte. Cela commence avec le documentaire intitulĂ© L’Arche de Tchernobyl.

 

« Je gĂšre Â», une campagne de sensibilisation du MinistĂšre (de la SantĂ© ou de l’IntĂ©rieur) nous parle de la prostitution des mineurs. Et nous dĂ©livre un numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone Ă  faire afin d’obtenir conseil et assistance : le 119.

 

Juste aprĂšs vient la bande annonce pour le film français Murder Party avec Eddy Mitchell. L’intrigue me fait penser au remake du film 8 femmes rĂ©alisĂ© par François Ozon il y a dix ou quinze ans (en 2002, en fait).

 

Pour faire passer ça, une pub pour le jeu vidĂ©o Horizon Forbidden West « seulement  sur Playstation Â». Et une pub pour le parfum Montblanc Legend Red.

 

AprĂšs, une nouvelle bande annonce pour le film Trois fois rien. Une pub pour la chaine Canal Plus «  Au cƓur de l’émotion Â» avec plein d’évĂ©nements sportifs, des cris et des grandes joies (Foot, course automobile, course moto, beaucoup d’hommes, quelques femmes). A nouveau une bande annonce pour un remake de Cyrano mais cette fois avec l’acteur nain devenu sans doute l’acteur nain le plus cĂ©lĂšbre du cinĂ©ma pour son rĂŽle dans Game of Thrones :

 

L’acteur Peter Dinklage que j’ai du plaisir Ă  revoir aprĂšs son rĂŽle de Tyrion Lannister dans Game of Thrones. La subtilitĂ© de son jeu fait que, dĂ©sormais, on le regarde lui au lieu de son nanisme. Quand je pense que je l’avais vu dans un rĂŽle secondaire au cinĂ©ma dans le film ça tourne Ă  Manhattan (rĂ©alisĂ© en 1995) de Tom DiCillo. A cette Ă©poque, je ne pouvais pas imaginer (et lui aussi sans doute) qu’il deviendrait l’acteur qu’il est aujourd’hui. PrĂšs de trente ans plus tard !

 

Une pub oĂč l’on voit une danseuse reprĂ©senter la joaillerie « Made in France Â» Gemmyo « jeune et joailler Â», une bande annonce pour le film français Goliath inspirĂ© de faits rĂ©els (avec les acteurs et rĂ©alisateurs Gilles Lellouche, Emmanuelle Bercot, Pierre Niney
) et une derniĂšre pub pour des crĂšmes HermĂšs Paris clĂŽturent la sĂ©ance.

 

Si cette description de la sĂ©ance d’avant film a semblĂ© fastidieuse Ă  lire avant d’avoir accĂšs Ă  mon compte-rendu proprement dit du film, cela signifie peut-ĂȘtre que l’on gobe rĂ©guliĂšrement- et depuis des annĂ©es- sans s’en rendre compte des quantitĂ©s d’informations autrement plus imposantes que celles-ci.

 

Le film The Batman, rĂ©alisĂ© par Matt Reeves, Ă  proprement parler, dure 2h56.

 

Je vais ĂȘtre gentil. Je vais Ă©crire tout de suite que ce film axĂ© sur le personnage de Batman, pour moi, n’est ni le meilleur. Ni le plus mauvais. Comme ça, celles et ceux qui n’en peuvent dĂ©jĂ  plus de lire cet article peuvent partir. Pour celles et ceux qui resteront, voici ce que je rajoute.

 

The Batman dĂ©bute par une vision floue. Cette vision floue joue avec nos souvenirs de l’histoire du personnage de Batman. On entend un air classique : L’AvĂ© Maria. Et une respiration Ă©touffĂ©e. On comprend ensuite qu’une maison bourgeoise, gardĂ©e par un policier paisible, est observĂ©e. Dans cette maison, un enfant dĂ©guisĂ©  joue avec une Ă©pĂ©e. Son pĂšre arrive et fait semblant de mourir en tombant lorsque l’enfant, un garçon, le tue avec son Ă©pĂ©e. C’est une scĂšne familiale heureuse. Le bonheur familial qui, on le sait, va disparaĂźtre brutalement. Puisque c’est le jour d’Halloween. «  Un Halloween maussade et joyeux Â».

 

On entend ensuite la voix, forcĂ©ment grave, de celui qui est Batman. Parce qu’une voix grave, c’est ce qui fait le mieux penser, dans un certain imaginaire, Ă  une voix d’outre-tombe. Au mĂȘme titre que la nuit est ce qui se rapproche aussi le plus de la mort. Nous apprenons donc que The Batman, jouĂ© par l’acteur Robert Pattinson,erre telle une Ăąme tourmentĂ©e depuis « deux annĂ©es Â», la nuit. Il se dĂ©mĂšne contre le crime. Mais il n’est qu’un homme et, Ă  ce titre, n’a pas le pouvoir d’ubiquitĂ© des divinitĂ©s.

 

Le crime a pris racine et est tentaculaire dans Gotham. Il se reproduit sans cesse. Batman, homme sans descendance, donc peut-ĂȘtre stĂ©rile, est attachĂ© Ă  cette ville qu’il ne peut quitter et dont la fertilitĂ© s’exprime par les pluies poissonneuses du crime. Mais seul Batman semble souffrir le plus de cette relation sans retour et assez sado-maso. MĂȘme s’il est celui qui cogne le plus fort, Batman souffre davantage que ceux qu’il combat et corrige.

Les malfrats sont comme des poissons dans l’eau dans cette ville croupie. Et les simples citoyens acceptent leur rĂŽle de croupiers et de victimes. Mais il y a pire.  

 

 

Il pleut beaucoup dans The Batman et il fait souvent assez sombre. Pour le rĂ©aliser, on dirait que Matt Reeves a au moins rĂ©visĂ© « son Â» Seven, la trilogie Blade avec l’acteur Wesley Snipes, « son Â» Dark Vador, son Matrix ou son The Crow

L’acteur Robert Pattinson dans le rĂŽle de Batman.

 

Je ne peux pas dire que Robert Pattinson soit ridicule dans le rĂŽle. Mais on dirait qu’il a forcĂ© sur l’écran total pour avoir cette pĂąleur de teint. Et puis, il y a comme une continuitĂ©, malgrĂ© lui, Ă  moins que ce ne soit souhaitĂ©, entre son rĂŽle de vampire qui l’a fait connaĂźtre dans Twilight et ce rĂŽle de chauve-souris humaine. Surtout si l’on se rappelle que le personnage de Dracula a aussi Ă  voir avec la chauve-souris.

On peut par instants trouver au visage de Bruce Wayne, lorsqu’il retire son masque de Batman, des reflets du Joker. Sauf que le jeu de Pattinson le laisse plutĂŽt sur la ligne du hĂ©ros « pur Â», faussement frĂȘle et assez romantique qu’il incarnait dans Twilight. On peut aussi trouver Ă  son cĂŽtĂ© grand enfant reclus et perdu dans son grand manoir des allures de MichaĂ«l Jackson.

 

«  Je suis la vengeance Â» rĂ©pond Batman Ă  quelques voyous qu’il vient rosser. Il y a des phrases bien choisies dans ce film. Des scĂšnes trĂšs bien rĂ©alisĂ©es. Une ville dont les Ă©lites sont Ă  la fois si gangrĂ©nĂ©es par la corruption mais aussi par l’impuissance et le dĂ©sespoir qu’elles font de Batman un homme de Foi religieuse. Et, je crois que je n’avais jamais regardĂ© le personnage de cette façon. CulpabilitĂ©, vengeance, rĂ©demption.

 

J’ai « aimĂ© Â» voir ces Ă©lites dĂ©foncĂ©es. Et l’une d’elle se confesser Ă  Batman : Le proc, qui semble ĂȘtre l’anagramme du porc « rĂ©vĂ©lĂ© Â» par le mouvement #MeToo.

 

Lorsque j’écris que j’ai « aimĂ© Â» : je veux dire que j’ai aimĂ© ce passage oĂč ces Ă©lites puissantes majoritairement blanches et masculines se rĂ©vĂšlent nues, simples, seules, dĂ©sarmĂ©es mais pas sans Ăąme au « club dans le club Â», sursis-purgatoire entre la comĂ©die des apparences Ă  la surface, et la derniĂšre marche vers le trĂ©pas. Dans Gotham, les Puissants sont finalement des morts vivants.

 

J’ai aussi cru apercevoir dans l’image du pĂšre assassinĂ© de Bruce Wayne/ Batman l’assassinat  du PrĂ©sident John F.Kennedy dont une partie de l’AmĂ©rique ne s’est visiblement pas toujours remise un demi-siĂšcle plus tard. Bien que JFK ait Ă©tĂ© moins vertueux qu’il ne l’ait montrĂ©.

Robert Pattinson/ Batman face Ă  Zoe Kravitz/Catwoman

 

Par contre, l’histoire d’amour platonique, car il faut bien une histoire impossible, entre Catwoman et Batman, ne passe pas. Ni l’éternelle course poursuite en voiture que j’ai trouvĂ©e mortellement longue. La Catwoman jouĂ©e par Zoe Kravitz m’a donnĂ© envie que l’on ressuscite celle jouĂ©e par Michelle Pfeiffer. OĂč sont passĂ©es les 7 ou 9 vies de Catwoman ? Je n’en vois que deux dans le film.

Je me demande la raison pour laquelle Zoe Kravitz a Ă©tĂ© choisie pour ce rĂŽle. J’ai plus vu en elle une actrice-mannequin faisant onduler sa voix et ses hanches pour faire « bien Â» lors de certaines partitions du film. Elle fait son travail mais je l’oublierai rapidement dans ce rĂŽle.  Je lui prĂ©fĂšre Michelle Pfeiffer, donc. Ou Carrie-Anne Moss, la Trinity de Matrix. Car il semble que Zoe Kravitz ait essayĂ© de rĂ©aliser un peu la synthĂšse des deux.

 

 

 

The Batman  est aussi un film oĂč il y a de gros roulements de tambour lorsqu’il s’agit d’entourer de musique certaines scĂšnes.

 

Mais le plus frustrant, pour moi, nous reparlons de la frustration, est que je m’attendais Ă  un Batman plus rude. Nous avons dĂ©jĂ  vu un Batman plus rude au cinĂ©ma. Mais je confonds peut-ĂȘtre avec la figure de Rorschach dans l’adaptation cinĂ©matographique de The Watchmen
 (2009).

 

MĂȘme le James Bond incarnĂ© par Daniel Craig dans Casino Royale ( 2006) est plus rugueux. Deux films qui ont plus de dix ans.

 

« Plus sombre et plus cinglĂ© Â», ce The Batman ? Pas tout Ă  fait pour moi.

 

Bon. Je ne regrette pas d’ĂȘtre allĂ© voir le film. Mais j’aurais aimĂ© plus. Mieux. MĂȘme s’il y a eu un gros et trĂšs bon travail rĂ©alisĂ© pour les dĂ©cors.

 

MĂȘme s’il y a des symboles forts : une Catwoman noire. Une maire de la ville de Gotham, hĂ©roĂŻque et noire. Un Lieutenant de police intĂšgre noir( l’acteur Jeffrey Wright). MĂȘme si on se demande comment fait-il, dans une ville aussi pourrie, pour travailler Ă  visage dĂ©couvert nuit et jour sans jamais se faire menacer de mort ? Mais, aussi, quand trouve-t’il le temps de dormir et, Ă©ventuellement, d’avoir une vie de famille ou de couple. Il encaisse aussi particuliĂšrement bien – mĂȘme pas une facture de la mĂąchoire- le crochet de pierre que lui assĂšne Batman. 

 

Peut-ĂȘtre que la faiblesse de ce film est de servir des situations entendues, d’une part, et, d’autre part, de ne pas avoir rĂ©ussi Ă  donner le tournis avec d’autres qui auraient pu faire la diffĂ©rence. Je pense par exemple Ă  ce moment oĂč Batman se rĂ©veille dans le commissariat de Gotham comme s’il Ă©tait dans une souriciĂšre. L’astuce pour s’en sortir fait trĂšs « cheap Â».

 

Vous reconnaissez l’acteur Colin Farell, vous, dans le rĂŽle de Oz/ Le Pingouin ?

 

Autrement, Colin Farrel est mĂ©connaissable et bon. Je ne l’ai pas reconnu. John Turturro est plutĂŽt bon. Paul Dano fait plus que bien mĂȘme s’il a dĂ©jĂ  jouĂ© des rĂŽles assez voisins ( Taking Lives-Destins violĂ©s ( 2004 ), There will be blood ( 2007).

 

 

Pour finir, Ă©couter certains spectateurs aprĂšs le film, dans la salle, m’a amusĂ©.

 

« Moi, je trouve que Catwoman, elle joue mal ! J’suis dĂ©solĂ© ! Â» a dit un jeune homme d’une vingtaine d’annĂ©es, voix grave, cheveux mi-longs, tee-shirt montrant le dessin d’une paire de seins, Ă  trois jeunes femmes avec lesquelles il se trouvait.

 

Plus tard, en sortant de la salle, le mĂȘme a poursuivi :

 

« J’aurais voulu que ce soit un vrai fils de pute ! Â» ; «  En fait, il y a pas de nuances ! ».

 

Peut-ĂȘtre que ce jeune homme, tout comme le jeune vendeur de journaux plus tĂŽt, Ă  propos du PrĂ©sident Vladimir Poutine, a-t’il Ă©tĂ© le plus juste, finalement, avec ses mots trĂšs simples ?

 

 

Dans le mĂ©tro qui m’a ramenĂ© Ă  la gare St Lazare, j’ai entendu un homme expliquer Ă  un autre qu’avec les « 14 jours de rĂ©traction Â» aprĂšs obtention d’un crĂ©dit, cela laissait un mois aux banques afin de placer l’argent et de percevoir des intĂ©rĂȘts. LĂ , aussi, c’étaient des mots trĂšs simples et trĂšs justes.

 

En rentrant chez moi, personne n’a essayĂ© de profiter de moi alors que je quittais la gare en passant la porte de validation. Peut-ĂȘtre Saint Batman me protĂšge-t’il.

 

Franck Unimon, ce mercredi 2 mars 2022.

 

 

 

 

 

 

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