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En concert avec Hollie Cook au Trabendo

En concert avec Hollie Cook au Trabendo

 

Trois jours aprÚs avoir vu Zentone à la Maroquinerie dans le 20Úme arrondissement de Paris ( En concert avec Zentone à la Maroquinerie), le concert de Hollie Cook arrive ce vendredi soir au Trabendo dans le 19 Úme arrondissement. Prix de la place en prévente :

29,90 euros. 

 

Dans le mĂ©tro, ligne 5, jusqu’à la porte de Pantin, la mixitĂ© sociale et culturelle saute aux yeux comparativement Ă  trois jours plus tĂŽt.

 

Se rendre Ă  la gare du Nord et dans certains endroits du 19Ăšme arrondissement, c’est aussi passer dans des « juridictions Â» oĂč augmente le nombre de personnes addicts et SDF. Je parle de celles et ceux qui n’en sont plus Ă  se demander quand part le dernier mĂ©tro.

 

Mais le 19Ăšme arrondissement, c’est aussi des lieux culturels dont le ZĂ©nith, la Philarmonie de Paris, la Villette et le Conservatoire de musique. Il y a Ă©galement la salle de concert, le Trabendo. C’est en me dirigeant vers lui que je me rappelle y ĂȘtre allĂ© une premiĂšre fois pour voir Brinsley Forde et Vincent Segal en concert, il y a environ dix ans. Un trĂšs bon souvenir. 

 

 

Avec Hollie Cook, mon histoire a connu un effet rebond. Au dĂ©part, il y a eu le titre Far from me sur l’album Vessel of love, sorti en 2018, peut-ĂȘtre Ă©coutĂ© aprĂšs avoir lu un article Ă©logieux sur elle.

Il y avait aussi eu le titre Sugar Water (Look at my face). Et puis, plus rien. Je ne pensais plus particuliĂšrement Ă  Hollie Cook. Je ne me rappelle pas si j’avais lu, comme je l’ai dĂ©jĂ  beaucoup relu depuis, que Hollie Cook est la fille d’un des membres des Sex Pistols et d’une des membres du groupe The Belle Stars.

J’avais beaucoup aimĂ© le titre Sign Of  The Times des The Belle Star qui avait Ă©tĂ© un tube Ă  sa sortie en 1983.  Un tube que tout le monde, moi y compris, avait dĂ©ja oubliĂ© lorsque Prince avait sorti son album et titre Sign « O Â» Times seulement quatre ans plus tard en 1987.

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Ce vendredi 28 octobre 2022, lorsque je marche vers Hollie Cook, mon histoire a changĂ© avec elle. Car j’ai Ă©coutĂ© l’album Twice deux ou trois ans aprĂšs Vessel of love. Je ne savais pas, alors, que Twice Ă©tait antĂ©rieur (sorti en 2014) Ă  l’album  Vessel of love.  Cependant, plusieurs titres m’ont trĂšs vite captivĂ© dans l’album Twice :

99, Looking for real love et Superfast.

 

Et, lorsque j’ai dĂ©couvert la vidĂ©o officielle de Looking for real love, j’ai Ă©tĂ© suis sĂ©duit par la grĂące de Hollie Cook. Laquelle, avec trĂšs peu de gestes, est habile pour happer notre attention. Sur une autre vidĂ©o, je l’ai vue interprĂ©ter Sugar Water (Look at my face) en concert Ă  Montreux avec Horseman Ă  la batterie et Ă  la voix. Sur une autre, 99. Et, j’en redemande. Je la cite d’ailleurs dans mon article sur l’ouvrage de Judith Duportail (L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail )

 

Hollie Cook a sorti un dernier album en 2022, Happy Hour, que je n’ai pas encore Ă©coutĂ©.

 

Si les chansons de Hollie Cook parlent beaucoup d’Amour, la douceur de sa voix se plante dans un Reggae robuste. Et, cela me parle. Et, comme cela me parle, j’ai fait des recherches et vu qu’Hollie Cook Ă©tait passĂ©e en concert Ă  Paris il y a quelques annĂ©es. Je l’avais donc manquĂ©e
. jusqu’à ce vendredi soir.

 

 

Ce soir, je ne saurais pas dire, comme j’avais pu le faire lors du concert de Zentone, quelle Ă©tait la proportion de femmes et d’hommes dans le public. Car je me suis tout de suite mis devant la scĂšne. Mais le public m’a paru un peu plus jeune en moyenne. Et les squaws Ă©taient bien plus prĂ©sentes tout prĂšs de la scĂšne. Des squaws qui connaissaient les paroles des chansons de Hollie Cook.

 

Hollie Cook, au Trabendo, ce vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

 

 

DĂšs son entrĂ©e sur scĂšne, Hollie Cook nous a charmĂ© par son sourire et son envie. DerriĂšre elle et sur ses cĂŽtĂ©s, un guitariste, un batteur, un bassiste et un claviĂ©riste, parfois dans les chƓurs, ont tournĂ© avec elle la clĂ© du concert.

 

Hollie Cook est plus qu’une voix agrĂ©able et un sourire sympathique. C’est aussi un corps heureux qui laisse s’échapper la musique jusqu’au Dub. C’est aussi une professionnelle trĂšs concentrĂ©e.

Depuis des annĂ©es, dans le Reggae, la basse m’attire le plus. Mais cela fait deux concerts de suite oĂč le batteur, parmi les musiciens, a ma prĂ©fĂ©rence. Pourtant, les autres musiciens Ă©taient bien prĂ©sents.

 

Hollie Cook, au Trabendo, ce vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Le concert a Ă©tĂ© si agrĂ©able et si lĂ©ger, que, plusieurs fois, j’ai eu l’impression de vivre un rĂȘve prolongĂ©.

 

A la fin, Hollie Cook nous a nouveau remerciĂ© pour les bonnes vibrations et pour l’énergie que nous lui avions donnĂ©e. Elle nous a aussi dit que, dĂšs le dĂ©but de sa carriĂšre, elle avait Ă©tĂ© trĂšs bien accueillie Ă  Paris.

 

AprĂšs le concert, je l’ai aperçue Ă  quelques mĂštres en compagnie de personnes qu’elle connaissait. Je me suis dit que je n’allais pas faire ma groupie. J’ai commencĂ© Ă  m’en aller tout en regardant. J’ai vu quelques personnes aller la voir et se faire prendre en photo avec elle. Je me suis dit que je ne pouvais pas partir comme ça.

 

J’ai redescendu les marches.

 

Lorsqu’est venu mon tour, je lui ai demandĂ© :

 

« Hi, Hollie, May I ? Â». Hollie a acquiescĂ©. Si je recommence Ă  me faire prendre en photo avec des artistes, il va falloir que je me dĂ©tende un peu. LĂ , sur la photo, j’ai une tĂȘte d’assassin.

Avec Hollie Cook aprĂšs le concert, au Trabendo, ce vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 AprĂšs la photo, je lui ai dit :

 

« I Took some pictures of you Â». Tout en gardant le sourire, elle a fait « oui Â». J’avais bien vu qu’elle m’avait vu la prendre en photo durant le concert. Puis, elle m’a demandĂ© de lui en envoyer sur instagram.

 

Je lui ai rĂ©pondu :

 

« I will try my best Â».

 

Dans l’article prĂ©cĂ©dent sur le concert de Zentone, j’avais oubliĂ© la pandĂ©mie du Covid. Je me suis davantage rappelĂ© des attentats terroristes qui l’avaient prĂ©cĂ©dĂ©e car, en plus de massacrer des personnes et de vouloir effrayer le monde,  l’un d’entre eux a aussi eu pour projet de dĂ©truire la musique. Et, aussi, parce-que, d’une façon ou d’une autre j’ai vu les morts de ces attentats.

 

J’ai eu la chance de n’avoir perdu personne du Covid.

 

Pendant le confinement dĂ©cidĂ© lors de la pandĂ©mie du Covid les manifestations publiques telles que les concerts ont Ă©tĂ© annulĂ©es. Se retrouver comme hier ou mardi soir, avec des inconnus, Ă  visage dĂ©couvert, sans avoir Ă  fournir de passe sanitaire, dans une salle fermĂ©e Ă  Ă©couter la mĂȘme musique, Ă  danser voire Ă  rĂȘver ensemble grĂące Ă  la musique et des artistes  Ă©tait devenu impossible. C’était il y a deux ans. Il n’y a pas si longtemps. ( Panorama 18 mars-19 avril 2020, Coronavirus Circus 2Ăšme Panorama 15 avril-18 Mai 2020 par Franck Unimon). 

 

Ce à quoi nous tenons, ce que nous vivons, est éphémÚre. La musique renoue avec cet éphémÚre.

 

Voici mon « best of Â» des photos du concert d’Hollie Cook au Trabendo, ce vendredi 28 octobre 2022.

 

Franck Unimon, ce samedi 29 octobre 2022.

 

Hollie Cook, au Trabendo, ce vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, au Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Au concert de Hollie Cook, au Trabendo, ce vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, au Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Hollie Cook, Trabendo, vendredi 28 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

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En concert avec Zentone Ă  la Maroquinerie

En concert avec Zentone Ă  la Maroquinerie

 

Un de mes collÚgues, ancien animateur radio, compte parmi ses amis, un homme, célibataire, lequel, tous les soirs, se rend à un concert.

En une annĂ©e, c’est beaucoup plus que le nombre de fois oĂč je suis allĂ© voir un groupe ou un artiste sur scĂšne.

 

Un concert raconte souvent un bout de notre vie. Et, je crois aussi, comme quelqu’un l’a dit ou Ă©crit, que la musique est une des meilleures machines Ă  remonter le temps que nous ayons Ă  notre portĂ©e. Elle piĂšge aussi celle et ceux qui acceptent de s’en approcher qu’ils soient musiciens, chanteurs ou « simples Â» auditeurs. Car elle porte en elle une partie de la promesse que chacune et chacun a en soi et qu’elle peut lui apprendre Ă  mieux connaĂźtre ou Ă  dĂ©couvrir. Et puis, mirage ou prodige, la musique nous autorise une jeunesse et une enfance renouvelĂ©es. On commence sans doute Ă  se (b)rider lorsque l’on commence Ă  dĂ©cider que la musique, le jeu et le rire sont des activitĂ©s de colonie de vacances qui ont fait leur temps, qu’il faut passer Ă  tout autre chose, se mettre au travail pour de bon, et devenir, sans jamais dĂ©vier de la ligne, une personne en tout point de vue irrĂ©prochable, sĂ©rieuse et adulte.

La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022, avant le dĂ©but du concert de Zentone. Photo©Franck.Unimon

 

 

J’avais dix neuf ans lorsque je suis allĂ© seul, pour la premiĂšre fois, Ă  un concert. C’était pour aller voir Miles Davis, dĂ©jĂ  mon musicien prĂ©fĂ©rĂ©, dĂ©couvert alors que j’avais 17 ans. GrĂące Ă  un copain, d’origine franco-polonaise, par l’album Star People, sur sa platine disque vinyle. Un ami, un peu plus ĂągĂ© que moi d’un an ou deux, que je connaissais de vue avant de vĂ©ritablement faire sa connaissance dans le club d’athlĂ©tisme de notre ville. Club oĂč il me rapprocha de quelqu’un, devenu mon meilleur ami, d’origine algĂ©rienne, qui avait connu les bidonvilles de Nanterre, que j’avais eu dans ma classe au collĂšge, et que j’avais toujours Ă©vitĂ© en raison de sa nervositĂ© et de son impulsivitĂ©.

  

Ce premier copain, franco-polonais, plus grand que moi de dix Ă  quinze centimĂštres, habitait avec sa mĂšre, divorcĂ©e, quatre Ă©tages en dessous de l’appartement oĂč j’habitais avec mes parents, ma sƓur et mon frĂšre dans un F3, dans une tour HLM de 18 Ă©tages, Ă  Nanterre. En face de l’école maternelle et primaire, Robespierre. A cĂŽtĂ© de l’usine CitroĂ«n.

 

J’ai connu les concerts, les cafĂ©s et les restaurants au cours desquels on se faisait enfumer par ses voisins et oĂč l’on rentrait chez soi, avec sur ses vĂȘtements, l’odeur du tabac. Ce qui n’a jamais Ă©tĂ© ma volontĂ© mais c’était un passage obligĂ© lorsque l’on souhaitait sortir de chez soi.

 

 

Beaucoup a changĂ© depuis. Pourtant, beaucoup, aussi, est restĂ© identique. Comme les enfants d’il y a quarante ans, les enfants d’aujourd’hui continuent d’aimer manger des frites. Et, des gens d’aujourd’hui continuent d’aimer Ă©couter de la musique, d’en jouer ou d’en dĂ©couvrir. La musique reste la musique. Seules ses dĂ©clinaisons et la façon dont on est allĂ© vers elle la premiĂšre fois, et oĂč l’on retourne vers elle, peut avoir changĂ© un peu ou beaucoup lorsque l’on est aujourd’hui « plus jeune Â». Mais la musique continue de nous toucher. Et, il nous reste aussi la mĂ©moire ainsi que la transmission.

 

La Maroquinerie, avant le dĂ©but du concert de Zentone, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Combien de personnes « jeunes Â», aujourd’hui, Ă©coutent une musique qu’ont pu Ă©couter leurs parents ou leurs grands parents, en mĂȘme temps que d’autres musiques. Car si la musique peut ĂȘtre une transition dans nos vies, elle est aussi une mĂ©moire, une transmission et une acquisition.

 

 

Hier soir, lorsque je suis allĂ© voir Zentone Ă  la Maroquinerie, mon dernier concert dans une salle datait de plus de cinq annĂ©es. C’était peut-ĂȘtre pour aller voir Marc Ribot Ă  la cave DimiĂšre d’Argenteuil. AprĂšs Arno et Danyel Waro au Figuier blanc, Ă©galement Ă  Argenteuil. Des trĂšs bons concerts.

 

J’étais alors devenu pĂšre ou allais le devenir.

 

En prenant de l’ñge mais aussi en changeant de « statut Â», en passant de fils « d’employĂ© Â» Ă©tudiant idĂ©aliste plus ou moins puceau Ă  pĂšre et conjoint employĂ© et imposable, on sort, sans vraiment s’en souvenir ou s’en apercevoir d’un certain circuit. Pour, quelques annĂ©es plus tard, assez facilement se convaincre que ce circuit nous est Ă  tout jamais interdit. On serait devenu trop vieux ou infrĂ©quentable ou tout juste bon pour  rester chez soi.

 

Sauf que rien ne nous interdit de reprendre des Ă©tudes, de refaire connaissance ou d’acheter un billet d’entrĂ©e pour aller Ă  un concert. Et, rien ne nous interdit non plus d’y aller seul si la majoritĂ© des personnes que nous connaissons, et qui nous ressemblent, sont indisponibles ou n’ont pas cette envie ou ce besoin-lĂ .

 

 

En musique et en concert, je crois avoir ratĂ© l’aventure du Rap parce-que, dans les annĂ©es 90, j’avais un travail qui me plaisait, enfin, et qui me permettait de gagner suffisamment ma vie. J’avais donc commencĂ© Ă  m’insĂ©rer socialement et entrevoyais la possibilitĂ© concrĂšte d’un avenir. MĂȘme si mes projets d’avenir restaient approximatifs.

 

Mais j’ai sans doute aussi ratĂ© l’aventure du Rap, parce-que, dans les annĂ©es 90, j’étais bien plus entraĂźnĂ© dans le Dub et le Reggae, ou, Ă©ventuellement, dans une certaine forme de techno.

 

Si Miles a bien fait un album inspirĂ© du Rap, sorti aprĂšs sa mort en 1991, cet album n’a pas suffi. Et, si j’étais allĂ© voir MC Solaar au ZĂ©nith (un concert trĂšs correct mais frustrant) et I AM Ă  l’Olympia (un de mes meilleurs souvenirs de concert), le Rap, qui, aujourd’hui, en France, dĂ©sherbe « tout Â», ne m’a pas parlĂ© aussi bien que le Dub, par exemple.

 

High Tone et Zenzile avaient dĂ©jĂ  jouĂ© ensemble en 2006 a rappelĂ© un des musiciens hier soir. Cela ne m’a pas marquĂ©. J’ai dĂ» le savoir et l’écouter « Ă  l’époque Â» mais sans donner suite car je ne m’en souviens pas.

Pendant des annĂ©es, j’ai eu beaucoup de mal avec « les Â» Zenzile de Angers. La voix de leur chanteuse, Jamika, ne passait pas pour moi. High Tone, j’aimais davantage. Mais je trouvais leurs titres trop longs ou trop expĂ©rimentaux.

 

La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022, pendant le concert de Zentone. Photo©Franck.Unimon

 

J’ai aimĂ© High Tone lorsqu’ils ont jouĂ© avec le groupe Improvisators Dub, dans le groupe Highvisators. C’était en 2004. Les Improvisators Dub de Bordeaux, avec « feu Â» Manutention, Ă©taient lestĂ©s de Dub. Avec eux, impossible de rater la percussion Dub. J’ai eu la chance de voir les Improvisators Dub Ă  un concert Ă  la salle de concerts l’Observatoire Ă  Cergy St Christophe, la mĂȘme soirĂ©e oĂč j’ai dĂ©couvert le groupe Brain Damage de St Etienne, alors conduit par Martin Nathan et le bassiste RaphaĂ«l Talis, parti par la suite.  

 

Depuis, Manutention est dĂ©cĂ©dĂ© et le groupe Improvisators Dub n’existe plus, ce qui me rend assez nostalgique. Hier soir, sur scĂšne, Ă  la Maroquinerie, aucun des artistes sur scĂšne n’a mentionnĂ© les Improvisators Dub parce-que le temps est passĂ©. Mais dans les annĂ©es 1990-2000, les Improvisators Dub faisaient partie, avec High Tone et Zenzile des groupes français pionniers pour jouer du Dub sur scĂšne «  avec des instruments Â» comme l’a dit un des spectateurs, hier soir.

 

Les groupes français Le Peuple de l’Herbe, Dubphonic ou Lab° ont aussi su faire partie ou font peut-ĂȘtre encore partie de la surface de rĂ©paration du Dub en France mais je les connais moins bien, ne les ai pas vus sur scĂšne, ou leur prestation sur scĂšne (telle celle de Lab° Ă  Saint Germain en Laye) m’avait moins transportĂ©.

 

J’ai aussi aimĂ© High Tone lorsqu’il a croisĂ© Brain Damage « de Â» Martin Nathan (aprĂšs le dĂ©part de RaphaĂ«l Talis) pour former le groupe High Damage. J’étais allĂ© les voir Ă  l’EMB de Sannois.

 

Enfin, j’ai aimĂ© High Tone lorsque, cette fois, il a retrouvĂ© Zenzile pour Zentone.

 

J’avais ratĂ© cette deuxiĂšme « version Â» de Zentone en concert en juin Ă  Paris. Je n’avais pas pu aller l’écouter sur scĂšne Ă  Lille fin septembre. Aussi, est-ce avec un grand plaisir qu’en tapant Zentone sur internet, machinalement, il  y a quelques semaines, que j’ai appris qu’ils allaient passer, Ă  nouveau pour une date unique, cette fois Ă  la Maroquinerie, salle de concerts dont j’avais dĂ©jĂ  entendu parler mais qui m’était toujours restĂ©e inconnue. Je ne savais pas oĂč la situer.

 

 

Se rendre seul à un concert, dans une salle que l’on ne connaüt pas, ressemble un peu à un pùlerinage.

 

La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022, avant le concert de Zentone. Photo©Franck.Unimon

 

Pour ce pĂšlerinage, il m’a fallu me transplanter, vers 19h ce mardi soir, dans un mĂ©tro bondĂ©, ligne 3, depuis Paris St Lazare, avec une femme-parachutiste criant et se jetant presque dans mon dos, alors que les portes allaient se fermer :

 

« Mettez-vous dans les couloirs, s’il vous plait ! C’est pas vrai ! Tout le monde pourrait entrer si les gens se mettaient dans les couloirs ! Â».

 

La station de mĂ©tro suivante, la mĂȘme « parachutiste Â» a prĂ©fĂ©rĂ© se cramponner Ă  l’intĂ©rieur de la voiture, gĂȘnant le passage des personnes qui souhaitaient descendre.

 

L’atmosphĂšre s’est ensuite pacifiĂ©e dans le mĂ©tro alors que celui-ci s’est un peu vidĂ©. J’ai alors pris le temps de regarder ces personnes qui Ă©taient dans le mĂ©tro. Il y avait un peu moins de monde sur son Ă©cran de smartphone que d’habitude.

 

A la station Gambetta, beaucoup de voyageurs sont descendus. On aurait presque dit qu’ils se rendaient tous à la Maroquinerie.

 

Dans les faits, non, bien-sûr.

 

AprĂšs un passage Ă  la boulangerie La Gambette Ă  Pain oĂč j’ai dĂ» me passer de Mamouna, car il n’y en n’avait plus, j’ai demandĂ© mon chemin pour la Maroquinerie, rue Boyer.

 

C’est loin ! Vous n’y ĂȘtes pas du tout ! Je crois qu’il faut monter vers MĂ©nilmontant
.

Vous n’avez pas un tĂ©lĂ©phone ?

 

J’ai rĂ©pondu : « Je suis archaĂŻque. Je prĂ©fĂšre demander aux gens
 Â».

 

Enfin, une dame d’une soixantaine d’annĂ©es, la quatriĂšme personne que j’interrogeais, et de loin plus ĂągĂ©e que les trois hommes que j’avais questionnĂ© prĂ©cĂ©demment, m’a confirmĂ© :

 

« Vous continuez tout droit,  vous descendez la rue Villiers Adam. Jusqu’à la rue de la Bidassoa
vous en avez pour 15 minutes ou peut-ĂȘtre moins si vous marchez plus vite que moi Â».

 

Dans la rue Boyer, ce mardi 25 octobre 2022, non loin de la Maroquinerie. Photo©Franck.Unimon

 

Moins de quinze minutes plus tard, je passais devant les Tonton Bringueurs oĂč se tenait un certain nombre de consommateurs, ainsi qu’à l’intĂ©rieur. Dans la rue Boyer, je suis aussi passĂ© devant un club de Pilates ( «  En dix sĂ©ances, vous sentez la diffĂ©rence Â») et un futur projet de construction d’appartements luxueux.

 

Puis, la Bellevilloise et la Maroquinerie.

Devant la Maroquinerie, aprĂšs le concert de Zentone ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

La Maroquinerie est le type de salle de concert que je prĂ©fĂšre. Je suis allĂ© une fois ou deux Ă  Bercy. C’est trop grand mĂȘme si j’y ai de trĂšs bons souvenirs :

 

Burning Spear et les Gladiators avec « feu Â» Albert Griffith.

 

Je suis allĂ© une fois Ă  la DĂ©fense Arena, c’était pour Kassav’. Je ne le regrette pas mais j’avais prĂ©fĂ©rĂ©, ensuite, retourner voir Kassav’ Ă  la fĂȘte de l’Huma. J’ai ainsi pu voir « feu Â» Jacob Desvarieux avec le groupe, une derniĂšre fois sur scĂšne, sans le savoir.

 

 

Et puis, il y ‘a le prix de la place. 21,99 euros pour Zentone, hier soir. Je prends. A partir de 30 euros, il me faut une bonne raison. Je ne vais plus Ă  un concert de Björk, que j’avais pu voir lors de son passage Ă  l’ElysĂ©e Montmartre aprĂšs son premier album, Debut, depuis que les places montent Ă  des tarifs auxquels je prĂ©fĂšre ne pas penser. La derniĂšre fois que j’ai vue Björk, sur scĂšne, c’était en clĂŽture du festival Rock en Seine. Un trĂšs trĂšs bon concert. C’était il y a environ 15 ans. J’étais alors cĂ©libataire et sans enfant.

 

J’ai acceptĂ© de mettre prĂšs de 40 euros pour aller voir en dĂ©cembre Rodolphe Burger au New Morning. Parce-que c’est Rodolphe Burger, que je ne l’ai jamais vu sur scĂšne. Et, parce-qu’il sera accompagnĂ© des deux pointures que sont Medhi Haddab, dont je connais un petit peu l’univers,  et Sofiane SaĂŻdi que je ne connais pas du tout.

 

Pour moi, le prix d’une place de concert ne dit rien de la valeur d’un artiste. En novembre, Ă  Massy, il sera possible de voir en concert la plus que trĂšs grande chanteuse Oumou SangarĂ© pour moins de trente euros. C’est bien moins que d’autres artistes, dont les concerts sont plus chers, et dont la voix, Ă  cĂŽtĂ© d’elle, est une brindille.

 

Je n’ai jamais vu Rodolphe Burger en concert mais cela fait des annĂ©es que je l’écoute par morceaux. RĂ©cemment, j’ai aimĂ© revoir et rĂ©Ă©couter sa reprise du Billie Jean de MichaĂ«l Jackson. OĂč Burger joue avec Sarah Murcia, une artiste que je ne connaissais pas il y a encore deux mois et que j’ai aperçue en photo, collĂ©e Ă  sa contrebasse,  pour la premiĂšre fois, en me rendant Ă  une exposition de tableaux d’une ancienne collĂšgue au restaurant-cafĂ©-salle de concerts le Triton.

 

Pour moi, parler de tout ça a aussi Ă  voir avec le concert d’hier soir. Hier soir, un des guitaristes du groupe Zentone portait un tee-shirt sur lequel on pouvait lire :

 

New Order.

La Maroquinerie, concert de Zentone, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Nous avons Ă©coutĂ© du Dub et du Reggae hier soir. Mais les musiciens que nous avons vus et Ă©coutĂ©s viennent d’horizons multiples et multipistes. Tout comme un certain nombre des spectateurs prĂ©sents, sans doute.

 

La salle Ă©tait pleine.

 

La Maroquinerie, au dĂ©but du concert de Zentone, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Je me demande certaines fois qui je vais voir, parmi les spectateurs. Quel sera leur profil. MĂȘme si un profil, une apparence, ne dit rien de dĂ©finitif ou de notre humeur vĂ©ritable. Hier soir, le public Ă©tait un peu plus masculin que fĂ©minin. Je dirais Ă  peu prĂšs 55 pour cent d’hommes pour 45 pour cent de femmes.

Un public plutĂŽt blanc. Nous devions ĂȘtre dix noirs, en comptant trĂšs large, dans la salle. Pour l’ñge, je dirais que cela commençait Ă  25 ans pour monter jusqu’à 50 ans et plus. Mais j’ai aussi vu une enfant d’une douzaine d’annĂ©es qui devait ĂȘtre avec son pĂšre au fond de la salle de concert. J’ai vu une femme d’une bonne vingtaine d’annĂ©es avec une casquette posĂ©e Ă   l’envers de façon recherchĂ©e, portant un blouson type Bombers, jeans trouĂ© aux genoux, baskets, le dos voutĂ©, accompagnĂ©e au moins d’un homme d’à peu prĂšs du mĂȘme Ăąge, une pinte de biĂšre Ă  la main, allure de geek (ou de skateur), avec casquette, lunettes et barbe de plusieurs jours.

 

Mais j’ai aussi vu un homme d’une cinquantaine d’annĂ©es, presque habillĂ© comme un cadre sup, au bras de sa compagne Ă©namourĂ©e.

 

Les biĂšres Ă©taient de sortie dans la salle. Elles avaient remplacĂ© les cigarettes et les joints. MĂȘme si une personne ou deux a pu tirer des lattes sur sa cigarette Ă©lectronique sans inquiĂ©tude.

 

D’abord plutĂŽt au fond de la salle, devant la console de son, je me suis rapidement aperçu que j’étais trop loin pour prendre des photos. Alors que ce que j’aimerais, autant que possible, lors des quelques concerts oĂč j’ai prĂ©vu de me rendre, c’est de pouvoir proposer des photos prĂ©sentables. Des photos qui donnent envie d’aller Ă  un concert, des photos qui donnent envie d’écouter de la musique dans un endroit public.Alors, suivant l’exemple de quelques personnes, que j’avais vu se faufiler vers la scĂšne, je me suis mis Ă  sillonner au sein du public. Et, trĂšs facilement, j’ai pu me rapprocher….

La Maroquinerie, pendant le concert de Zentone, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Au dĂ©but du concert, je n’ai pas pu m’empĂȘcher de penser aux attentats terroristes islamistes « du Â» Bataclan en novembre 2015. Peut-ĂȘtre que c’est la premiĂšre fois ou l’une des premiĂšre fois que je retourne dans une salle de concert depuis ces attentats. Ce n’est pas une histoire de peur.  Je crois que c’est parce-que j’avais Ă©tĂ© occupĂ© par d’autres Ă©vĂ©nements. Mais tout en Ă©tant lĂ , devant Zentone, avec d’autres personnes dans la salle, je me suis dit que nous contribuions, aussi, Ă  nous Ă©loigner de ce trauma.

 

Ensuite, sur scĂšne, Zentone a tenu toutes ses promesses. Le bassiste de Zenzile et celui de High Tone, toujours  devant au milieu de la scĂšne, ont jouĂ© par alternance. Celui de Zenzile avait une Ă©nergie punk tandis que celui de High Tone Ă©tait plutĂŽt roots.

 

Le bassiste de Zenzile, pendant le concert de Zentone, ce mardi 25 octobre Ă  la Maroquinerie. DerriĂšre lui, Jolly Joseph. Photo©Franck.Unimon

 

Le bassiste de High Tone, Ă  la Maroquinerie pendant le concert de Zentone ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Trois ou quatre personnes Ă©taient aux claviers, dont le chanteur Jolly Joseph.

 

Au premier plan, le chanteur Jolly Joseph, Ă  cĂŽtĂ© de lui, le bassiste de Zenzile, au fond, le guitariste de High Tone. Maroquinerie, concert de Zentone, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Jolly Joseph aux claviers, au milieu, le musicien des instruments Ă  vent et claviers, Ă  droite, le guitariste de Zenzile. La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022 pendant le concert de Zentone. Photo©Franck.Unimon

 

Deux guitaristes Ă©taient en lice. Un autre musicien tenait la partition des instruments Ă  vent et de la percussion. A l’arriĂšre scĂšne, au milieu, le batteur a Ă©tĂ© le ferment d’un Dub intraitable.

Le batteur de Zentone, ferment d’un Dub intraitable. La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Un des bassistes et le batteur de Zentone. La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

La Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Concert de Zentone. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, ce mardi 25 octobre 2022, Ă  la Maroquinerie. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Concert de Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Zentone, Ă  la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Zentone, la Maroquinerie, ce mardi 25 octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 26 octobre 2022.

 

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Puissants Fonds/ Livres

L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail

L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail.

 

 

AppĂąt ou Ă©tat, son apparition change la donne. Seconde peau de premiĂšre main, l’Amour est une assez vieille croyance que, quel que soit l’ñge, un jour, beaucoup mangent.

 

La journaliste indĂ©pendante Judith Duportail a 28 ans lorsqu’elle tĂ©lĂ©charge en 2014 l’application de rencontres Tinder. On apprend dans son livre que cette application, disponible en France en 2013, a Ă©tĂ© cofondĂ©e par Sean Rad – qui voulait ĂȘtre acteur initialement- en 2012 aux Etats Unis.

 

Judith Duportail est une jeune parisienne qui, lorsqu’elle Ă©crit ce livre, pourrait ĂȘtre dĂ©crite comme « Ă©mancipĂ©e Â», urbaine, Ă©duquĂ©e (un niveau d’études plutĂŽt Ă©levĂ©, Anglais courant) et pourvue d’humour.

 

Sur le papier, Judith Duportail est une personne suffisamment armĂ©e pour ĂȘtre aimĂ©e.

 

Cela pourra Ă©tonner de voir rapprochĂ©, ici, le terme « arme Â» de celui qui consiste Ă  trouver ou Ă  ĂȘtre trouvĂ© par l’ñme sƓur
 mais lorsqu’il s’agit de sĂ©duire la personne qui s’aventure Ă  nous plaire, un simple sourire pour elle  est dĂ©jĂ  une tentative de capture. MĂȘme si sourire n’empĂȘche pas la rupture. Hollie Cook hante cette vĂ©ritĂ© dans son titre 99 :

 

« Please, don’t give me your smile I Adore cause I can’t touch you no more
. Â» (« Je t’en supplie, ne m’adresse plus ce sourire que j’adore car je ne peux plus me rapprocher de  toi Â»).

 

 

Hollie Cook passe cette semaine en concert au Trabendo ce vendredi 28 octobre. Il est possible que j’aille la voir.

 

Le fait que L’Amour sous algorithme ait Ă©tĂ© Ă©crit par une femme (apparemment en 2019) et ait Ă©tĂ© citĂ© par d’autres femmes (Mona Chollet et Victoire Tuaillon) prĂ©occupĂ©es Ă©galement par les relations amoureuses entre les ĂȘtres humains a son importance. Car officiellement, les hommes hĂ©tĂ©rosexuels sont des larves de l’Amour.

Et, en tant que larves des sentiments et de l’engagement, ils font beaucoup souffrir les femmes qui sont des ĂȘtres beaucoup plus Ă©voluĂ©s en matiĂšre d’engagement et de sentiment. Je l’écris ici avec un peu de provocation misogyne. Mais je rĂ©sume aussi, je crois, une partie du sujet principal. Parce qu’il y a l’algorithme.  Puis il y a celles et ceux qui l’utilisent et qui sont, en principe, tous, des ĂȘtres responsables.

 

Une Digital Native

 

La spĂ©cificitĂ© de Judith Duportail, qui a Ă©crit L’Amour sous algorithme est d’ĂȘtre, sans doute comme Victoire Tuaillon (conceptrice du podcast et auteure du livre Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. PremiĂšres partiesLes Couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. 2Ăšme partie. Ego Trip.) qui a Ă  peu prĂšs le mĂȘme Ăąge, ce que l’on appelle une Digital Native.

 

Soit une personne nĂ©e Ă  partir des annĂ©es 80 et trĂšs tĂŽt familiarisĂ©e avec les environnements numĂ©riques et qui, par consĂ©quent, peut ĂȘtre quotidiennement rivĂ©e Ă  un Ă©cran d’ordinateur, de tablette numĂ©rique, de smartphone ou attachĂ©e Ă  une console de jeux donnant gĂ©nĂ©ralement accĂšs Ă  internet avec un dĂ©bit illimitĂ©.

 

Pour une personne Digital Native, télécharger une application telle que Tinder pour faire des rencontres fait partie du décor de son quotidien. Mais cela fait aussi partie de la norme sociale.

Paris, Place de la Concorde. DĂ©but octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

L’Aprùs Meetic

 

Lorsque le site de rencontres Meetic fut crĂ©Ă© en 2001, cela fut davantage un Ă©vĂ©nement d’un point de vue sociĂ©tal que de s’y inscrire. Car c’était nouveau de s’y prendre de cette maniĂšre pour faire des rencontres. C’était plutĂŽt une pratique secrĂšte et honteuse. Il pouvait ĂȘtre plus facile de s’afficher comme une personne cĂ©libataire dans la vie ordinaire que de raconter que l’on avait passĂ© plusieurs heures de sa journĂ©e ou de sa nuit Ă  Ă©cluser un site de rencontres.

 

Dans les annĂ©es 2000, le site Meetic Ă©tait le site de rencontres dont on parlait le plus. Le site existe toujours et serait toujours un site de rencontres qui compte. Sauf que, depuis 2001, les sites de rencontres, les rĂ©seaux sociaux, la technologie informatique mais aussi la tĂ©lĂ©phonie mobile se sont beaucoup dĂ©veloppĂ©s et ont transformĂ© la façon de se rencontrer mais aussi d’interagir avec les autres tant d’un point vue professionnel, administratif, Ă©conomique, amical qu’amoureux. En 2001, par exemple, il Ă©tait impossible de consulter son compte bancaire sur son smartphone. Et, il Ă©tait plutĂŽt rare d’organiser des rĂ©unions ou des « rencontres Â» Ă  distance sur Skype.

 

Judith Duportail, amatrice de Tinder

 

 

Judith Duportail, nĂ©e en 1986, Digital Native, a voulu en savoir plus sur ce qu’il y avait dans le ventre de l’application Tinder qui a le pouvoir de retourner les tripes de ses usagers. CĂ©libataire et en perte d’amour lorsqu’elle tĂ©lĂ©charge l’application Tinder, elle a ce rĂ©flexe Ă  la fois fĂ©ministe, personnel mais aussi journalistique.

 

Quand paraĂźt son livre, nous sommes aussi dans l’ùre des « lanceurs d’alerte Â». Et, Judith Duportail a sans aucun doute eu connaissance de l’affaire mondialement mĂ©diatisĂ©e en 2013 de l’AmĂ©ricain Edward Snowden (son aĂźnĂ© de 3 ans) ou de l’affaire Wikileaks, d’abord, en 2006 avec Julian Assange.

 

Des « affaires Â» comme l’affaire Wikileaks et l’affaire Snowden mais aussi des Ɠuvres cinĂ©matographiques comme Matrix ( rĂ©alisĂ© en 1999) qui ont eu des retentissements mĂ©diatiques mondiaux auront dĂ©montrĂ© que le monde numĂ©rique a non seulement des failles mais peut aussi servir des intentions malveillantes.

 

Une personne Digitale Native un peu soucieuse et critique vis Ă  vis de cet environnement numĂ©rique qui lui est aussi familier que peut l’ĂȘtre une forĂȘt pour un garde champĂȘtre, peut avoir Ă  cƓur de mieux connaĂźtre ce site de rencontres Ă  qui elle confie sa vie sentimentale mais aussi son avenir. Mais aussi disposer de suffisamment de compĂ©tences et de culture technique pour mieux comprendre comment cette entreprise numĂ©rique et commerciale marche.

 

En plus de ces compĂ©tences et de cette culture numĂ©rique, Judith Duportail, devenue journaliste indĂ©pendante aprĂšs avoir travaillĂ© pour Le Figaro, fait aussi montre d’une grande crĂ©ativitĂ© tant relationnelle que journalistique pour rencontrer certains reprĂ©sentants de Tinder France. Elle  rĂ©ussira mĂȘme Ă  obtenir une interview-prĂ©-programmĂ©e- mĂȘme le cofondateur de Tinder, Sean Rad, qui est encore alors le PDG de Tinder.  Mais aussi de Whitney Wolfe, ex-cofondatrice de Tinder. Celle qui, «  a eu l’idĂ©e d’appeler l’application Tinder, qui se traduirait par « allume-feu Â» en Français Â». (L’Amour sous algorithme, page 183).

 

Judith Duportail nous apprend que Whitney Wolfe, aprĂšs avoir dĂ» quitter Tinder a crĂ©Ă© Bumble «  une application de rencontre qui se prĂ©sente comme fĂ©ministe. Avec ses 36 millions d’utilisateurs, l’appli est maintenant le principal concurrent de Tinder, et le groupe Match cherche Ă  la racheter. Sur Bumble, ce sont les femmes seulement qui peuvent prendre l’initiative d’engager la conversation avec les hommes Â». ( page 181, de L’Amour sous algorithme).

 

La salle ovale de la BibliothĂšque Nationale Richelieu, octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

Le rĂȘve sous algorithme

 

 

Si Duportail nous parle de Tinder et de la façon dont ce site de rencontres peut collecter une quantitĂ© invraisemblable d’informations personnelles de ses usagers, puis les revendre Ă  d’autres entreprises, on comprend ( ou l’auteure nous l’explique) que cette « mĂ©thode Â» de siphonage des informations personnelles est aussi utilisĂ©e par un certain nombre des sites de rencontres et des rĂ©seaux sociaux qu’il est dĂ©sormais courant d’utiliser quel que soit notre Ăąge, notre sexualitĂ©, notre poids, notre religion, notre catĂ©gorie socio-professionnelle ou nos origines.

 

Le titre du livre de Judith Duportail s’appelle L’Amour sous algorithme mais il aurait pu aussi s’intituler Le rĂȘve sous algorithme. Et le mot « algorithme Â» peut bien des fois se faire remplacer par le mot « cloche Â».

 

Car l’auteure nous dĂ©montre comment sur Tinder, qui se veut dĂ©mocratique,  les rencontres sont orientĂ©es et quadrillĂ©es selon les rĂ©sultats de certains « Ă©changes Â» entre usagers mais aussi selon certaines valeurs plutĂŽt
conventionnelles.

MalgrĂ© la prĂ©sentation « jeune Â» et « dĂ©contractĂ©e Â» affichĂ©e par les reprĂ©sentants et le discours de la « boite Â» Tinder, les entrailles des algorithmes, lorsque passĂ©es au scalpel de l’enquĂȘte de Duportail se montrent beaucoup moins novatrices.

 

Lorsque l’auteure questionne Sean Rad, alors PDG de Tinder, quant Ă  la tendance consumĂ©riste des rencontres sur le site d’applications, celui-ci rĂ©pond que beaucoup de personnes leur Ă©crivent pour les remercier de leur avoir permis de trouver leur bonheur sur Tinder. Ce genre d’histoires existe bien-sĂ»r. Mais pas pour d’autres et, cela, dans une proportion difficile Ă  dĂ©finir. Car des millions d’usagers persistent Ă  se connecter telles des souris de laboratoire enfermĂ©es dans une cage- ou sous une cloche- qui continuent de faire tourner la mĂȘme roue qui est la route du cash pour un site comme Tinder.

 

« Chaque jour, se produisent 2 milliards de matchs sur Tinder. L’application, prĂ©sente dans 190 pays revendique ĂȘtre Ă  la base d’un million de dates par semaine. Un million ! Le succĂšs de Tinder est indĂ©niable. C’est un outil incroyable Â». ( page 219 de L’Amour sous algorithme ).

 

L’addiction à la connexion

 

 

 

Dans L’Amour sous algorithme, Duportail nous parle de l’addiction Ă  la connexion au site qu’elle compare entre-autres Ă  celle des joueurs de casino. TrĂšs vite, elle nous a parlĂ©, lors de ses dĂ©buts sur Tinder, du fait que son ego a pu ĂȘtre rapidement boostĂ© Ă  recevoir un certain nombre de matches. Avant ensuite de dĂ©chanter devant ce besoin recomposĂ© de recevoir de nouveaux shoots de matches mais aussi devant la dĂ©sillusion que lui font vivre ses rencontres. Lorsqu’elle nous raconte certaines de ses rencontres et dĂ©confitures, on se croit par moments dans un mauvais sketch de Blanche Gardin, de Tania Dutel ou de Marina Rollman.

 

Boire, fumer, draguer et coucher avec qui, quand et comme on veut, plus ou moins bien  gagner sa vie, vivre chez soi ou en coloc, conduire une moto ou une voiture, avoir son rĂ©seau d’amis, sortir la nuit, dĂ©coucher, danser, voyager, dire des gros mots ou ce que l’on pense quand on le pense, bien s’exprimer, avoir de la rĂ©partie et un humour supersonique, avoir un trĂšs bon niveau d’études, une certaine rĂ©ussite sociale, cela ressemble Ă  une vie d’adulte Ă©mancipĂ©e. Mais cela n’empĂȘche pas la claudication alternative devant l’alerte de La rencontre.

  

La dépendance affective

 

AprĂšs nous avoir parlĂ© de l’addiction au site,  Judith Duportail fait bien de souligner  l’engrenage de la dĂ©pendance affective qu’entretient un site (tout site ?) de rencontres. Car les comportements d’addiction et la dĂ©pendance affective sont attachĂ©s. Et, lorsque l’on se retrouve imbriquĂ© entre les deux, on peut avoir du mal Ă  rĂ©ellement s’émanciper de certaines conduites d’échecs lors de nos rencontres sentimentales :

 

« (
.) Selon John Bowlby, la moitiĂ© des adultes dans le monde occidental souffrent d’un trouble de l’attachement plus ou moins prononcĂ©. Certains arriveront Ă  bien vivre avec, ou n’en seront pas trop handicapĂ©s. Car attention, toute relation sentimentale Ă  un autre, tout attachement, induit une forme de dĂ©pendance. On dit bien Ă  ses amis :

« Je peux compter sur toi Â» ou « Je suis lĂ  pour toi Â», ce qui signifie qu’on a besoin les uns des autres, qu’on se fĂ©licite d’honorer cette interdĂ©pendance. Une dĂ©pendance consentie, cadrĂ©e. Dans le cas des dĂ©pendants affectifs, le regard de l’autre prend trop de place, trop d’importance. Car ils cherchent Ă  l’extĂ©rieur d’eux-mĂȘmes comment soigner leur blessure initiale Â». (page 139 de L’Amour sous algorithme).

 

 

A ce jour, je n’ai pas lu d’ouvrage de John Bowlby. Mais j’aimerais bien savoir quelles sont les causes, selon lui, de ce « trouble de l’attachement plus ou moins prononcĂ© Â» dont « la moitiĂ© des adultes dans le monde occidental souffrent Â». J’imagine que certains modes de vie doivent y ĂȘtre pour quelque chose. MĂȘme si le trouble de l’attachement « plus ou moins prononcĂ© Â» a sans doute toujours existĂ© en occident mais aussi ailleurs.

 

La salle ovale de la BibliothĂšque nationale Richelieu, octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Faire le ménage dans nos méninges et nos névroses

 

 

Le mirage des sites de rencontres et des rĂ©seaux sociaux, qui sont des mĂ©dia plutĂŽt extraordinaires Ă  l’origine, c’est de nous abonner Ă  la croyance qu’ils peuvent trĂšs facilement « nous aider Â» Ă  gommer ce qui nous dĂ©range dans notre vie ordinaire et nous faire vivre des miracles rĂ©pĂ©tĂ©s. En nous offrant leurs « services Â».

 

Alors qu’il faudrait d’abord, au prĂ©alable, vĂ©rifier dans quelle disposition mentale et affective on se trouve, et faire le mĂ©nage dans nos mĂ©ninges et nos nĂ©vroses, lorsque l’on se rend dans ce genre d’endroits :

 

Les sites de rencontres et les réseaux sociaux.

 

AprĂšs tout, toute personne qui va se lancer dans une aventure vĂ©rifie d’abord son matĂ©riel, sa condition physique et mentale, mais aussi la viabilitĂ© de son projet auparavant. Et, pour cela, le plus souvent, mĂȘme si ensuite elle dĂ©cide de tenter l’aventure, elle sait d’abord se faire entourer et conseiller par des spĂ©cialistes, des professionnels ou par des personnes qui ont tentĂ©  cette aventure avant elle.

 

C’est pourtant le contraire qui se passe avec les sites de rencontres. AppĂątĂ©s par le miracle qui nous attend aprĂšs quelques mouvements de doigts, nous nous muons en Indiana Jones de la rencontre et sautons les Ă©tapes.

 

Lorsque j’avais connu l’expĂ©rience du site de rencontres Meetic Ă  la fin des annĂ©es 2000, j’étais cĂ©libataire, plus ou moins dĂ©primĂ© et en recherche d’une histoire d’Amour. Mais j’allais bien mieux que d’autres. Je n’étais ni sous anti dĂ©presseurs et pas sous le coup d’une rupture toute fraiche de quelques minutes. J’avais besoin d’élargir mon cercle de rencontres. Et Meetic Ă©tait une nouvelle façon pour peut-ĂȘtre Ă©largir ce cercle.

En outre, le fait d’ĂȘtre actif dans la recherche, avait au dĂ©part quelque chose de sans doute valorisant. Agir plutĂŽt que subir. Essayer cette nouvelle façon de faire au lieu de la dĂ©nigrer d’emblĂ©e. Pour ces raisons, au dĂ©part, l’expĂ©rience Meetic fut une expĂ©rience d’ouverture. Car toutes mes rencontres jusqu’alors s’étaient faites sans passer par un  site.

 

J’ai oubliĂ© combien de temps j’étais restĂ© inscrit sur Meetic. Peut-ĂȘtre Ă  peu prĂšs deux ans. A l’époque, le site de rencontres Ă©tait exclusivement payant pour les hommes. Et gratuit pour les femmes. Cela m’a toujours paru injustifiĂ©.

 

J’ai toujours eu le sentiment que le fait de pouvoir s’inscrire gratuitement maintenait la plupart des femmes du site dans la position passive des princesses qui passaient leur temps  Ă  attendre le prĂ©tendu prince charmant. Car j’avais Ă©tĂ© Ă©difiĂ© de lire sur bien des annonces de femmes inscrites, qui se prĂ©sentaient comme des femmes ayant la trentaine tout au plus, qu’elles recherchaient le « prince charmant Â».

 

Que ce soit dans la vraie vie ou sur un site de rencontres, pour moi, celle ou celui qui recherche le prince charmant, consciemment ou inconsciemment, ne le trouvera pas.

En tout cas, moi, je ne me vois pas comme un prince charmant. Et, je perçois cette attente comme une dictature. Une telle attente me donne plutÎt envie de me comporter de maniÚre trÚs provocante.

 

Et, j’avais peut-ĂȘtre eu tort alors, mais chaque fois que j’avais vu mentionnĂ©e cette quĂȘte ou cette attente du « prince charmant Â», j’avais fui. Je ne correspondais ni au portrait-robot ni au portrait-mental d’un prince charmant. Et, c’est toujours le cas aujourd’hui. 

 

Pourtant, je cherchais vĂ©ritablement une histoire d’Amour sur Meetic. Et je sais qu’il y a des hommes qui cherchent aussi Ă  vivre une sincĂšre histoire d’Amour avec des femmes. Il reste donc Ă©nigmatique pour moi que des femmes instruites comme Duportail, Tuaillon et Chollet, et celles qui leur ressemblent, puissent avoir eu tant de mal Ă  croiser ces hommes qu’elles ont cherchĂ© ou cherchent.

 

Pour moi, l’explication ne tient pas uniquement dans le patriarcat. Mais aussi dans le fait que certaines femmes dites Ă©mancipĂ©es le sont bien moins qu’elles ne le croient ou l’affirment. Et, un certain nombre d’entre elles continuent de suivre celle ou celui qui sera le mieux douĂ©(e) pour leur jouer la comĂ©die. Puisque dĂšs lors que quelqu’un nous « fait quelque chose Â» ou nous « fait vibrer Â», on aime bien se raconter, mĂȘme si assez vite cette personne honore trĂšs mal ses promesses ou ses engagements, que, malgrĂ© tout, cela vaut le coup. Et que cela vaut aussi le cul, par la mĂȘme occasion.

 

 

Le grand remplacement

 

 

Sur Meetic, j’avais connu une histoire de cinq mois qui m’a fait un effet durable puisque je me rappelle toujours du prĂ©nom et du nom de cette personne comme de certains moments vĂ©cus avec elle prĂšs de quinze ans plus tard.

 

Mais j’avais aussi Ă©tĂ© trĂšs influencĂ© par le cĂŽtĂ© supermarchĂ© du site.

 

Et, lorsque Ă©taient apparues des tensions entre elle et moi, j’avais Ă©tĂ© rapidement agacĂ© par ce que je voyais comme des caprices de petite fille. Me disant que si notre relation se terminait que je retrouverais rapidement- sur le site- quelqu’un d’autre de « bien Â» qui me ferait moins chier. Ma future ex de Meetic s’était sĂ»rement comportĂ©e comme une personne capricieuse, quelque peu immature et tyrannique, exigeant de moi des gages d’Amour qui me dĂ©concertaient mais aussi mettant en doute la sincĂ©ritĂ© de mon attachement. Peut-ĂȘtre que notre relation Ă©tait-elle rĂ©ellement privĂ©e de futur. NĂ©anmoins, si elle et moi nous Ă©tions rencontrĂ©s dans mes conditions de vie habituelles (ce qui aurait Ă©tĂ© assez peu probable Ă©tant donnĂ© que nous Ă©voluions et avons sans doute continuĂ© d’évoluer dans des univers culturels, Ă©conomiques et professionnels trĂšs diffĂ©rents ), je crois que j’aurais Ă©tĂ© plus tolĂ©rant.

Je n’aurais pas eu ce rĂ©flexe, trĂšs vite acquis en Ă©tant inscrit sur le site alors que je n’avais pas rencontrĂ© tant de personnes que ça avant elle, de me dire que je pourrais trĂšs vite la remplacer. Et, lorsqu’elle m’avait fait sa « crise Â» d’autoritĂ© ou de caprice, je l’avais dĂ©posĂ©e en voiture lĂ  oĂč elle me l’avait demandĂ©/exigĂ©. Afin de lui laisser cette assurance que, oui, je la considĂ©rais vraiment. Elle, qui aurait voulu qu’à notre retour de Normandie, je la dĂ©pose devant chez elle, Ă  Paris, rue du Bac, en voiture. Pour qu’ensuite, je retourne chez moi toujours en voiture chez moi Ă  Cergy le Haut oĂč j’habitais alors. J’avais refusĂ© de me retrouver infĂ©odĂ© au rĂŽle de l’homme qui conduit sa compagne jusqu’au pas de sa porte et qui ne compte pas les kilomĂštres, le temps et l’essence pour ensuite retourner chez lui. Cette erreur-lĂ , en plus de celle d’avoir refusĂ© de rencontrer sa mĂšre, me fut fatale.

 

Ma future ex de Meetic eut quelques pleurs. M’affirma sans doute que je n’avais pas de sentiments pour elle. De mon cĂŽtĂ©, je refusais que nous restions « amis Â» comme elle me le proposait. Nouvelle erreur stratĂ©gique de ma part. On croit que je parle d’une jeune femme d’Ă  peine 18 ans ? Si j’avais bien 7 ou 8 ans de plus qu’elle, ma future ex avait alors prĂšs de trente ans. Ce qui n’excluait pas, visiblement, de pouvoir se comporter en certaines circonstances comme une adolescente d’Ă  peine 18 ans.

 

Notre sĂ©paration devint dĂ©finitive. Sans doute par orgueil, ainsi que dans la douleur, elle s’emmura dans sa dĂ©cision, “conseillĂ©e”, je crois, au moins par certaines de ses amies qui pensaient comme elle.  Nous nous revĂźmes elle et moi au moins deux fois, dont une fois dans cet appartement qu’elle avait achetĂ© dans le 14Ăšme arrondissement et qui faisait deux fois la superficie de mon studio de banlieue. Une autre fois, lorsque nous allĂąmes ensemble au festival de musique Rock en Seine clĂŽturĂ© avec maestria par Björk, elle avait rencontrĂ© quelqu’un.

Plusieurs annĂ©es plus tard, j’appris par hasard sur Facebook qu’elle s’était mariĂ©e. Elle me rĂ©pondit une premiĂšre fois pour ne plus me rĂ©pondre.

 

Hors bord relationnel

 

AprĂšs elle, je ne connus pas d’autre relation aussi notable d’un point de vue affectif en passant par Meetic. J’en avais aussi assez de passer mon temps sur le site telle une personne en recherche permanente d’emploi devant adresser d’innombrables CV qui ne dĂ©bouchaient sur rien.

Pour ĂȘtre suffisamment inspirĂ© et susciter l’intĂ©rĂȘt d’une femme, il me fallait avoir le moral et ĂȘtre inspirĂ© lorsque j’écrivais un message que je devais multiplier pour pouvoir, mathĂ©matiquement, provoquer une rĂ©action ou deux favorables. Or, pour cela, il fallait passer du temps sur le site. Et, plus je passais du temps sur le site,  plus je me dĂ©moralisais devant le vide numĂ©rique qui revenait constamment Ă  ma rencontre. En prenant son temps, c’est Ă  dire le mien.  Mon temps qui Ă©tait associĂ© Ă  mon espoir de « trouver Â» quelqu’un.

 

Je peux imaginer que mon ex de Meetic, apprenant cela, aurait vu dans mes dĂ©boires un chĂątiment juste et mĂ©ritĂ© pour mon « comportement Â» Ă  son Ă©gard. Alors que je crois qu’il y a surtout eu de l’incomprĂ©hension entre elle et moi. Mais aussi, pour moi, une sorte de dĂ©calage, ou une forme de sentiment de dissociation, entre la rĂ©alitĂ© de cette relation sentimentale, car j’avais des sentiments pour elle contrairement Ă  ce qu’elle a cru ou eu besoin de croire, et sa soudainetĂ©.

 

Les rencontres via les sites abrĂšgent beaucoup la durĂ©e du temps de rencontre. Si certaines personnes sont des adeptes du coup de foudre ou des rencontres flash, j’ai plutĂŽt besoin d’une certaine « maturation Â» de la rencontre et du sentiment pour ĂȘtre « dans Â» l’histoire. Si j’avais Ă©tĂ© bien sĂ»r content de rencontrer mon ex de Meetic et que nous avions une rĂ©elle connivence, je crois, sur certains sujets, le fait d’avoir « obtenu Â» cette rencontre aussi improbable, aussi « facilement Â», m’a empĂȘchĂ© de me mettre dans les vraies conditions de la rencontre. Pour employer une image grossiĂšre, une fois la rencontre faite, j’avais sans doute l’impression que notre relation Ă©tait une pĂ©niche, qu’il y avait le temps. Alors que j’étais sur un hors bord.

 

Je fus aussi trÚs étonné par le gùchis fait par ces usagÚres du site soit par manque de sincérité ou par manque de maturité. Car le cÎté supermarché des sites de rencontre vaut aussi pour les femmes. Ce ne sont pas seulement certains hommes qui vont sur les sites de rencontres comme on se rend dans un supermarché.

Paris. Photo©Franck.Unimon

Les croyances d’un vieux à propos des rencontres

 

PrĂšs de quinze annĂ©es environ aprĂšs mon expĂ©rience Meetic, la lecture facile et plaisante de l’ouvrage de Judith Duportail confirme mes anciennes impressions. Et, cela ne me donne pas du tout envie de retourner faire le mur un jour sur un site de rencontres.

Aujourd’hui, pour rencontrer quelqu’un, je recommanderais plutĂŽt le cercle de connaissances et d’amis ; la dĂ©couverte de nouvelles associations ou de clubs culturels sportifs ; le lieu de travail ou les voyages ; ou la frĂ©quentation rĂ©pĂ©tĂ©e de tout endroit qui permet des rencontres sociales et personnelles viables, agrĂ©ables et autres que celles que l’on connaĂźt dĂ©ja.

Je connais par exemple un couple qui s’est formĂ© dans mon club d’apnĂ©e. Tous deux sĂ©parĂ©s de leur cĂŽtĂ©, chacun mĂšre et pĂšre. Je sais qu’elle, qui faisait au dĂ©part de la plongĂ©e dans le club a ensuite rejoint la section apnĂ©e lorsqu’elle l’a aperçu. C’est elle qui me l’a racontĂ©.

 

 

Mais avant toute rencontre, il y a d’abord le prĂ©alable indispensable d’ĂȘtre d’abord vĂ©ritablement « disposĂ© Â» pour s’engager dans une relation intime. Parce-que si l’on a peur de partager son intimitĂ© ou si l’on prĂ©fĂšre conserver exclusivement son territoire Ă  soi et pour soi, on peut rencontrer un certain nombre de personnes tout Ă  fait recommandables et trĂšs bien s’arranger pour leur tourner leur dos ou les dissuader de s’approcher.  

 

Je crois que ces derniĂšres prĂ©cautions restes valables mĂȘme si l’on prĂ©fĂšre ou si l’on ajoute les sites de rencontres, les forums ou les rĂ©seaux sociaux pour accroĂźtre ses chances de rencontrer quelqu’un et ainsi dĂ©jouer l’algorithme de l’accablement sentimental.

 

Franck Unimon, ce lundi 24 octobre 2022. 

 

 

 

 

 

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Rien ne dure vraiment longtemps, un livre de Matthieu Seel

Rien ne dure vraiment longtemps, un livre de Matthieu Seel.

 

Matthieu Seel, le mĂ©tis adoptĂ©, a Ă©tĂ© la voix de la sĂ©rie podcast Crackopolis. Dans cette sĂ©rie, il racontait le hijack que peut-ĂȘtre le crack en plein Paris, en outre dans le 19Ăšme arrondissement oĂč il a d’ailleurs grandi et oĂč, plus jeune, il avait eu Peter ChĂ©rif et les frĂšres Kouachi comme copains de primaire et de collĂšge.

 

Certains veulent voir, Matthieu Seel a tout vu sauf l’histoire de ses origines dont les barreaux, par condensation, lui rĂ©sistent. C’est peut-ĂȘtre pour cette histoire qu’il ne connaĂźt pas qu’il commence par fumer des paquets de joints dĂšs l’ñge de dix puis qu’il finit, plus tard, par consulter le caillou.

 

Matthieu Seel ne nous raconte pas tout. Pour cela, il faudrait absolument se souvenir et il a aussi besoin d’oublier. Mais il y en a assez pour dix dans ce qu’il nous dit. Celle ou celui dont la vie dĂ©vie pour dealer et pour attraper du caillou se surpasse jusqu’à un point culminant qui se dĂ©place sans cesse et qui est Ă  peine imaginable.  

 

Il y a des existences beaucoup plus simples et beaucoup plus reposantes. Mais pour cela, il faut ĂȘtre assez robot. Matthieu Seel n’en n’est pas un et il connaĂźt difficilement le repos depuis assez tĂŽt. Artiste photo un temps, vivant la nuit, il finit par vendre son appareil et par connaĂźtre des journĂ©es de 96 heures sans dormir lorsque le crack est devenu son mĂ©tronome. Combien de personnes, ou plutĂŽt de formes, a-t’il rencontrĂ©es parmi lui et qui, comme lui, pointaient vers les mĂȘmes usages ? De toute façon, ces formes de rencontres ne tenaient pas.

 

Sa mĂšre ( adoptive) fait partie de celles et ceux qui ont tenu. Et, je comprends qu’une Virginie Despentes ait cru en lui pour ce livre car il aurait pu avoir un rĂŽle dans son film Baise moi. Comme je comprends aussi qu’une personnalitĂ© comme Slimane Dazi soit ce parrain qu’il remercie, ainsi que beaucoup d’autres, Ă  la fin de son livre. J’aurais Ă©tĂ© beaucoup plus Ă©tonnĂ© si Guillaume Canet ou AndrĂ© Dujardin l’avait parrainĂ©.

 

Dans Rien ne dure vraiment longtemps , sorti en septembre 2022, Seel raconte les mauvais passeurs d’histoires, les arnaques, les guet-apens, l’entraide, la survie dans la rue, les Ă©checs sentimentaux, la paranoĂŻa, sa famille, l’hĂŽpital, les tentatives de sevrage Ă  Pierre Nicole, le centre thĂ©rapeutique de la Croix Rouge, et Ă  Marmottan ( La ferveur de Marmottan). EduquĂ©, autodidacte, il est loin d’ĂȘtre idiot. D’autres sont comme Matthieu Seel mais leurs mots, leur nom et leur visage ne nous parviendront pas.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 18 octobre 2022.

 

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Les Argonautes, un livre de Maggie Nelson

Les Argonautes, un livre de Maggie Nelson.

 

 

Maggie Nelson est une femme de l’ĂȘtre. Debout dans mon train, que j’ai attrapĂ© de justesse, alors que je suis en transit entre ma ville de banlieue parisienne et la gare de Paris St Lazare, je me rĂ©pĂšte cette phrase.

 

Maggie Nelson est une femme de l’ĂȘtre.

 

D’aprĂšs sa photo en mĂ©daillon au dĂ©but du livre, Maggie Nelson est l’AmĂ©ricaine « typique Â», blonde, yeux clairs, regard direct, sourire Ă©vident, plutĂŽt jolie, svelte, fit.

 

Cette fille, née en 1973, respire la vie.

 

Mais les Etats-Unis, c’est de lĂ  que « vient Â» Maggie Nelson, est aussi le pays des positions extrĂȘmes. Et, Maggie nous jette dans le refrain de ses extrĂȘmes dĂšs la premiĂšre page de son livre coupĂ©e en deux. Une partie autobiographique oĂč elle nous encule en nous parlant de son Amour pour son compagnon Harry, nĂ©e femme, pĂšre d’un petit garçon. Puis, une autre, thĂ©orique ou conceptuelle, oĂč elle nous parle de Wittgenstein :

 

« Avant notre rencontre, j’avais consacrĂ© ma vie Ă  l’idĂ©e de Wittgenstein selon laquelle l’inexpressible est contenu – d’une maniĂšre inexpressible ! dans l’exprimĂ© (
.) Â».

 

C’est ce que l’on appelle ĂȘtre une fille bordĂ©e par une cĂ©rĂ©bralitĂ© plutĂŽt exacerbĂ©e. Et, dĂšs ce passage, l’intellectualitĂ© poing fermĂ© de Maggie Nelson me bouscule. Son compagnon Harry a donc vraiment quelque chose de particulier pour avoir non seulement pu la rendre hautement amoureuse mais aussi pour ĂȘtre capable de lui donner la rĂ©partie lors de leurs dĂ©bats. Car, durant son livre de plus de deux cents pages, Maggie Nelson va alterner avec des passages de sa vie et des rĂ©fĂ©rences poussĂ©es aux Ɠuvres de diverses personnalitĂ©s pour nous parler d’identitĂ©, de « genre Â», du « queer Â», de « binaritĂ© Â», « non-binaritĂ© Â» mais aussi de la famille, de la norme, l’Amour, de la solitude, du deuil, de la sexualitĂ©, du couple, du mariage, de la parentalitĂ©, de la grossesse et de la maternité  :

 

Eula Biss, Deleuze, Eve Kosofsky Sedgwick, Susan Fraiman, Lee Edelman, Michel Foucault, Judith Butler, Anne Carson, Luce Irigaray, D.W Winicott, Pema Chödrön, Leo Bersani, Elizabeth Weed, Susan Sontag, Jane Gallop, Rosalind Krauss, Jacques Lacan, Janet Malcolm, Kaja Silverman, Eileen Myles, Beatriz Preciado, Alice Notley, Audre Lord, Deborah Hay, Sara Ahmed, Roland Barthes 
.

 

Les travaux mais aussi les noms de ces auteurs et de ces personnalitĂ©s sont sĂ»rement familiers Ă  des universitaires comme Maggie Nelson entraĂźnĂ©s Ă  les triturer ainsi qu’à celles et ceux dont la vie personnelle requiert la comprĂ©hension et la connaissance des ouvrages de ces personnalitĂ©s. Maggie Nelson et son compagnon Harry sont de ces personnes qui possĂšdent cette double caractĂ©ristique.

 

Pour ma part, jusqu’à maintenant, j’ai plutĂŽt vĂ©cu Ă  cĂŽtĂ© de l’expĂ©rience de toutes ces personnalitĂ©s. Aussi, en lisant  Les Argonautes, j’ai connu bien des absences de comprĂ©hension. Bien des fois, il m’aurait presque fallu, comme lorsque l’on fait des mots croisĂ©s, un endroit oĂč l’on peut trouver et vĂ©rifier les bonnes rĂ©ponses.  Cela ne figure pas dans Les Argonautes. Pour cette raison, sa lecture m’a Ă©tĂ© difficile et m’a pris du temps.

 

Plus de deux mois. Et, je prĂ©fĂšre (me) dire que j’ai peu compris ce que Maggie Nelson a pu extraire des diverses rĂ©flexions de ces auteurs qu’elle cite plutĂŽt que de me ridiculiser en affirmant m’y ĂȘtre senti comme chez moi. Et d’ouvrir le gaz alors que je crois allumer la lumiĂšre. PremiĂšre conclusion immĂ©diate, jamais, je n’aurais pu convenir Ă  une Maggie Nelson et la sĂ©duire.

 

La tranche autobiographique de Les Argonautes, elle, m’a par contre Ă©tĂ© plus « facile Â» Ă  suivre, page 37 :

 

« (
.) Mon beau-pĂšre avait ses dĂ©fauts, mais tout ce que j’avais pu dire contre lui est revenu me hanter, maintenant que je sais ce que c’est que de se tenir dans cette position, d’ĂȘtre tenue par elle.

Quand tu es une belle-mĂšre, peu importe Ă  quel point tu es merveilleuse, peu importe l’amour que tu as Ă  donner, peu importe Ă  quel point tu es mĂ»re ou sage ou accomplie ou intelligente ou responsable, tu es structurellement vulnĂ©rable Ă  la haine ou au mĂ©pris ; et il y a si peu de choses que tu puisses faire contre ça, sinon endurer et t’employer Ă  cultiver le bien-ĂȘtre et la bonne humeur malgrĂ© toute la merde qui te sera balancĂ©e Ă  la gueule Â».

 

Je lisais encore Les Argonautes, je crois, lorsque je suis allĂ© voir le film Les enfants des autres de Rebecca Zlotowski. Le personnage interprĂ©tĂ© par l’active actrice Virginie Efira ( inspirĂ© de la vie personnelle de la rĂ©alisatrice) se reconnaĂźtrait dans ce passage.

 

Le rĂŽle jouĂ© par Virgine Efira dans Les enfants des autres est celui d’une femme qui ne peut pas ou ne peut plus enfanter mais qui est disposĂ©e Ă  (se) donner son amour maternel Ă  la fille de celui qu’elle aime, interprĂ©tĂ© par l’acteur Roschdy Zem.

 

Maggie Nelson, elle, est aimĂ©e de Harry qu’elle n’a pas Ă  partager avec un ex ou une ex. Et, elle est aussi une Ɠuvre d’endurance et de bien-ĂȘtre. Entre son rĂŽle de fille qui a perdu son pĂšre, de belle-mĂšre du fils de Harry, de compagne amoureuse qui entoure son mari (Harry) « en cours de transition Â», de personne et d’universitaire queer qui refuse de faire la retape de la norme patriarcale et hĂ©tĂ©rosexuelle puis de femme qui, la trentaine passĂ©e, aspire Ă  devenir mĂšre en recourant Ă  l’insĂ©mination artificielle, Maggie Nelson porte beaucoup.

 

Y compris, je trouve, une partie de la « masculinitĂ© Â» de son mari, Harry Dodge, un artiste, qui est pourtant avant leur rencontre une personne qui s’affirme dĂ©jĂ  comme un homme.

Cependant, Maggie Nelson nous parle de Harry de telle façon que nous voyons un homme, chaque fois qu’elle le mentionne. Avant mĂȘme que celui-ci ne soit opĂ©rĂ© et lorsqu’elle nous raconte ensuite lui faire ses injections de testostĂ©rone. En cela, et je peux imaginer que cela pourrait dĂ©plaire au couple que forment Harry et Maggie, il me semble que Maggie Nelson, en tant que « femme Â», contribue aussi Ă  faire de sa moitiĂ© un homme. Son regard et sa pensĂ©e de femme sur sa moitiĂ© (Harry) me fait un peu l’effet du pollen sur la fleur.

 

PhĂ©nomĂšne plutĂŽt courant, finalement, car la biologie ne peut se suffire Ă  elle-mĂȘme pour former ou Ă©tablir des rĂŽles durables entre ĂȘtre humains :

Il ne suffit pas d’ĂȘtre une femme et un homme biologiquement fertiles pour ĂȘtre instinctivement mĂšre et pĂšre lorsque le bĂ©bĂ© naĂźt. Il faut aussi suffisamment de volontĂ©  mais aussi la capacitĂ© ou la soliditĂ© Ă©motionnelle et affective pour l’ĂȘtre.

 

A la fin de son livre, Maggie Nelson nous le dĂ©montrera autrement que thĂ©oriquement en nous parlant des parents biologiques de Harry que celui-ci recherchera. Harry, vers la trentaine, retrouvera sa mĂšre biologique, lesbienne sĂ©parĂ©e de son pĂšre, ainsi qu’un de ses frĂšres restĂ© vivre avec leur pĂšre, dĂ©crit comme un homme violent. On apprendra qu’Harry, nĂ©e fille, Ă©duquĂ©e avec amour par ses parents adoptifs, s’en est bien mieux sorti, que son frĂšre ( Ă©levĂ© par leur pĂšre biologique) devenu toxico cumulant les incarcĂ©rations, et, sans doute, leur propre mĂšre biologique.

 

 

La pensĂ©e trĂšs technique de Maggie Nelson, lorsqu’elle cite certains auteurs, m’a plusieurs fois distancĂ© mais elle m’a, aussi, plus d’une fois averti.

Lorsqu’elle parle du film X-Men, le commencement, regardĂ© avec Harry, on voit par exemple ce film commercial grand public, inspirĂ© de comics amĂ©ricains lus par des millions d’enfants et d’adolescents de par le monde depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations, autrement que comme nous pousse gĂ©nĂ©ralement Ă  le faire, la pensĂ©e « mainstream Â», superficielle et hĂ©tĂ©ro.

 

A la fin de Les Argonautes, l’autobiographique et un certain humour prennent le dessus comme elle nous raconte sa grossesse puis son accouchement et sa maternitĂ©, concomitante, avec  la « testostĂ©ronisation Â» d’Harry. Il est alors trĂšs drĂŽle de voir Harry adopter certains traits caricaturaux prĂȘtĂ©s aux hommes. Des traits dont bien des femmes « fĂ©ministes Â» se plaignent.

 

Et, paradoxalement, alors que Maggie Nelson, durant tout son livre,  s’est opposĂ©e- avec Harrry- Ă  certaines normes de genre, on peut se demander si ĂȘtre une femme et un homme se rĂ©sume Ă  une somme d’hormones, page 206 :

 

« (
.) J’ai une phobie de la salle de bain. Jessica veut sans cesse que je fasse pipi, mais m’asseoir ou m’accroupir est impensable. Elle me rĂ©pĂšte que je ne peux pas arrĂȘter les contractions en restant immobile, mais je pense que je peux. Je suis allongĂ©e sur le cĂŽtĂ©, je serre la main de Harry ou celle de Jessica. Debout comme pour danser un slow avec Harry, je fais pipi sans le vouloir, puis encore une fois dans le bain, oĂč des secrĂ©tions de mucus rouge sombre commencent Ă  flotter. Incroyable : Harry et Jessica se commandent de la nourriture et mangent Â».

 

Les Argonautes, paru en 2015 dans sa version originale, publiĂ© en Français en 2017, est un livre qu’il faut prendre le temps de lire et de relire.

 

Franck Unimon, ce mardi 18 octobre 2022.