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L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail

L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail.

 

 

AppĂąt ou Ă©tat, son apparition change la donne. Seconde peau de premiĂšre main, l’Amour est une assez vieille croyance que, quel que soit l’ñge, un jour, beaucoup mangent.

 

La journaliste indĂ©pendante Judith Duportail a 28 ans lorsqu’elle tĂ©lĂ©charge en 2014 l’application de rencontres Tinder. On apprend dans son livre que cette application, disponible en France en 2013, a Ă©tĂ© cofondĂ©e par Sean Rad – qui voulait ĂȘtre acteur initialement- en 2012 aux Etats Unis.

 

Judith Duportail est une jeune parisienne qui, lorsqu’elle Ă©crit ce livre, pourrait ĂȘtre dĂ©crite comme « Ă©mancipĂ©e Â», urbaine, Ă©duquĂ©e (un niveau d’études plutĂŽt Ă©levĂ©, Anglais courant) et pourvue d’humour.

 

Sur le papier, Judith Duportail est une personne suffisamment armĂ©e pour ĂȘtre aimĂ©e.

 

Cela pourra Ă©tonner de voir rapprochĂ©, ici, le terme « arme Â» de celui qui consiste Ă  trouver ou Ă  ĂȘtre trouvĂ© par l’ñme sƓur
 mais lorsqu’il s’agit de sĂ©duire la personne qui s’aventure Ă  nous plaire, un simple sourire pour elle  est dĂ©jĂ  une tentative de capture. MĂȘme si sourire n’empĂȘche pas la rupture. Hollie Cook hante cette vĂ©ritĂ© dans son titre 99 :

 

« Please, don’t give me your smile I Adore cause I can’t touch you no more
. Â» (« Je t’en supplie, ne m’adresse plus ce sourire que j’adore car je ne peux plus me rapprocher de  toi Â»).

 

 

Hollie Cook passe cette semaine en concert au Trabendo ce vendredi 28 octobre. Il est possible que j’aille la voir.

 

Le fait que L’Amour sous algorithme ait Ă©tĂ© Ă©crit par une femme (apparemment en 2019) et ait Ă©tĂ© citĂ© par d’autres femmes (Mona Chollet et Victoire Tuaillon) prĂ©occupĂ©es Ă©galement par les relations amoureuses entre les ĂȘtres humains a son importance. Car officiellement, les hommes hĂ©tĂ©rosexuels sont des larves de l’Amour.

Et, en tant que larves des sentiments et de l’engagement, ils font beaucoup souffrir les femmes qui sont des ĂȘtres beaucoup plus Ă©voluĂ©s en matiĂšre d’engagement et de sentiment. Je l’écris ici avec un peu de provocation misogyne. Mais je rĂ©sume aussi, je crois, une partie du sujet principal. Parce qu’il y a l’algorithme.  Puis il y a celles et ceux qui l’utilisent et qui sont, en principe, tous, des ĂȘtres responsables.

 

Une Digital Native

 

La spĂ©cificitĂ© de Judith Duportail, qui a Ă©crit L’Amour sous algorithme est d’ĂȘtre, sans doute comme Victoire Tuaillon (conceptrice du podcast et auteure du livre Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. PremiĂšres partiesLes Couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. 2Ăšme partie. Ego Trip.) qui a Ă  peu prĂšs le mĂȘme Ăąge, ce que l’on appelle une Digital Native.

 

Soit une personne nĂ©e Ă  partir des annĂ©es 80 et trĂšs tĂŽt familiarisĂ©e avec les environnements numĂ©riques et qui, par consĂ©quent, peut ĂȘtre quotidiennement rivĂ©e Ă  un Ă©cran d’ordinateur, de tablette numĂ©rique, de smartphone ou attachĂ©e Ă  une console de jeux donnant gĂ©nĂ©ralement accĂšs Ă  internet avec un dĂ©bit illimitĂ©.

 

Pour une personne Digital Native, télécharger une application telle que Tinder pour faire des rencontres fait partie du décor de son quotidien. Mais cela fait aussi partie de la norme sociale.

Paris, Place de la Concorde. DĂ©but octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

L’Aprùs Meetic

 

Lorsque le site de rencontres Meetic fut crĂ©Ă© en 2001, cela fut davantage un Ă©vĂ©nement d’un point de vue sociĂ©tal que de s’y inscrire. Car c’était nouveau de s’y prendre de cette maniĂšre pour faire des rencontres. C’était plutĂŽt une pratique secrĂšte et honteuse. Il pouvait ĂȘtre plus facile de s’afficher comme une personne cĂ©libataire dans la vie ordinaire que de raconter que l’on avait passĂ© plusieurs heures de sa journĂ©e ou de sa nuit Ă  Ă©cluser un site de rencontres.

 

Dans les annĂ©es 2000, le site Meetic Ă©tait le site de rencontres dont on parlait le plus. Le site existe toujours et serait toujours un site de rencontres qui compte. Sauf que, depuis 2001, les sites de rencontres, les rĂ©seaux sociaux, la technologie informatique mais aussi la tĂ©lĂ©phonie mobile se sont beaucoup dĂ©veloppĂ©s et ont transformĂ© la façon de se rencontrer mais aussi d’interagir avec les autres tant d’un point vue professionnel, administratif, Ă©conomique, amical qu’amoureux. En 2001, par exemple, il Ă©tait impossible de consulter son compte bancaire sur son smartphone. Et, il Ă©tait plutĂŽt rare d’organiser des rĂ©unions ou des « rencontres Â» Ă  distance sur Skype.

 

Judith Duportail, amatrice de Tinder

 

 

Judith Duportail, nĂ©e en 1986, Digital Native, a voulu en savoir plus sur ce qu’il y avait dans le ventre de l’application Tinder qui a le pouvoir de retourner les tripes de ses usagers. CĂ©libataire et en perte d’amour lorsqu’elle tĂ©lĂ©charge l’application Tinder, elle a ce rĂ©flexe Ă  la fois fĂ©ministe, personnel mais aussi journalistique.

 

Quand paraĂźt son livre, nous sommes aussi dans l’ùre des « lanceurs d’alerte Â». Et, Judith Duportail a sans aucun doute eu connaissance de l’affaire mondialement mĂ©diatisĂ©e en 2013 de l’AmĂ©ricain Edward Snowden (son aĂźnĂ© de 3 ans) ou de l’affaire Wikileaks, d’abord, en 2006 avec Julian Assange.

 

Des « affaires Â» comme l’affaire Wikileaks et l’affaire Snowden mais aussi des Ɠuvres cinĂ©matographiques comme Matrix ( rĂ©alisĂ© en 1999) qui ont eu des retentissements mĂ©diatiques mondiaux auront dĂ©montrĂ© que le monde numĂ©rique a non seulement des failles mais peut aussi servir des intentions malveillantes.

 

Une personne Digitale Native un peu soucieuse et critique vis Ă  vis de cet environnement numĂ©rique qui lui est aussi familier que peut l’ĂȘtre une forĂȘt pour un garde champĂȘtre, peut avoir Ă  cƓur de mieux connaĂźtre ce site de rencontres Ă  qui elle confie sa vie sentimentale mais aussi son avenir. Mais aussi disposer de suffisamment de compĂ©tences et de culture technique pour mieux comprendre comment cette entreprise numĂ©rique et commerciale marche.

 

En plus de ces compĂ©tences et de cette culture numĂ©rique, Judith Duportail, devenue journaliste indĂ©pendante aprĂšs avoir travaillĂ© pour Le Figaro, fait aussi montre d’une grande crĂ©ativitĂ© tant relationnelle que journalistique pour rencontrer certains reprĂ©sentants de Tinder France. Elle  rĂ©ussira mĂȘme Ă  obtenir une interview-prĂ©-programmĂ©e- mĂȘme le cofondateur de Tinder, Sean Rad, qui est encore alors le PDG de Tinder.  Mais aussi de Whitney Wolfe, ex-cofondatrice de Tinder. Celle qui, «  a eu l’idĂ©e d’appeler l’application Tinder, qui se traduirait par « allume-feu Â» en Français Â». (L’Amour sous algorithme, page 183).

 

Judith Duportail nous apprend que Whitney Wolfe, aprĂšs avoir dĂ» quitter Tinder a crĂ©Ă© Bumble «  une application de rencontre qui se prĂ©sente comme fĂ©ministe. Avec ses 36 millions d’utilisateurs, l’appli est maintenant le principal concurrent de Tinder, et le groupe Match cherche Ă  la racheter. Sur Bumble, ce sont les femmes seulement qui peuvent prendre l’initiative d’engager la conversation avec les hommes Â». ( page 181, de L’Amour sous algorithme).

 

La salle ovale de la BibliothĂšque Nationale Richelieu, octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

Le rĂȘve sous algorithme

 

 

Si Duportail nous parle de Tinder et de la façon dont ce site de rencontres peut collecter une quantitĂ© invraisemblable d’informations personnelles de ses usagers, puis les revendre Ă  d’autres entreprises, on comprend ( ou l’auteure nous l’explique) que cette « mĂ©thode Â» de siphonage des informations personnelles est aussi utilisĂ©e par un certain nombre des sites de rencontres et des rĂ©seaux sociaux qu’il est dĂ©sormais courant d’utiliser quel que soit notre Ăąge, notre sexualitĂ©, notre poids, notre religion, notre catĂ©gorie socio-professionnelle ou nos origines.

 

Le titre du livre de Judith Duportail s’appelle L’Amour sous algorithme mais il aurait pu aussi s’intituler Le rĂȘve sous algorithme. Et le mot « algorithme Â» peut bien des fois se faire remplacer par le mot « cloche Â».

 

Car l’auteure nous dĂ©montre comment sur Tinder, qui se veut dĂ©mocratique,  les rencontres sont orientĂ©es et quadrillĂ©es selon les rĂ©sultats de certains « Ă©changes Â» entre usagers mais aussi selon certaines valeurs plutĂŽt
conventionnelles.

MalgrĂ© la prĂ©sentation « jeune Â» et « dĂ©contractĂ©e Â» affichĂ©e par les reprĂ©sentants et le discours de la « boite Â» Tinder, les entrailles des algorithmes, lorsque passĂ©es au scalpel de l’enquĂȘte de Duportail se montrent beaucoup moins novatrices.

 

Lorsque l’auteure questionne Sean Rad, alors PDG de Tinder, quant Ă  la tendance consumĂ©riste des rencontres sur le site d’applications, celui-ci rĂ©pond que beaucoup de personnes leur Ă©crivent pour les remercier de leur avoir permis de trouver leur bonheur sur Tinder. Ce genre d’histoires existe bien-sĂ»r. Mais pas pour d’autres et, cela, dans une proportion difficile Ă  dĂ©finir. Car des millions d’usagers persistent Ă  se connecter telles des souris de laboratoire enfermĂ©es dans une cage- ou sous une cloche- qui continuent de faire tourner la mĂȘme roue qui est la route du cash pour un site comme Tinder.

 

« Chaque jour, se produisent 2 milliards de matchs sur Tinder. L’application, prĂ©sente dans 190 pays revendique ĂȘtre Ă  la base d’un million de dates par semaine. Un million ! Le succĂšs de Tinder est indĂ©niable. C’est un outil incroyable Â». ( page 219 de L’Amour sous algorithme ).

 

L’addiction à la connexion

 

 

 

Dans L’Amour sous algorithme, Duportail nous parle de l’addiction Ă  la connexion au site qu’elle compare entre-autres Ă  celle des joueurs de casino. TrĂšs vite, elle nous a parlĂ©, lors de ses dĂ©buts sur Tinder, du fait que son ego a pu ĂȘtre rapidement boostĂ© Ă  recevoir un certain nombre de matches. Avant ensuite de dĂ©chanter devant ce besoin recomposĂ© de recevoir de nouveaux shoots de matches mais aussi devant la dĂ©sillusion que lui font vivre ses rencontres. Lorsqu’elle nous raconte certaines de ses rencontres et dĂ©confitures, on se croit par moments dans un mauvais sketch de Blanche Gardin, de Tania Dutel ou de Marina Rollman.

 

Boire, fumer, draguer et coucher avec qui, quand et comme on veut, plus ou moins bien  gagner sa vie, vivre chez soi ou en coloc, conduire une moto ou une voiture, avoir son rĂ©seau d’amis, sortir la nuit, dĂ©coucher, danser, voyager, dire des gros mots ou ce que l’on pense quand on le pense, bien s’exprimer, avoir de la rĂ©partie et un humour supersonique, avoir un trĂšs bon niveau d’études, une certaine rĂ©ussite sociale, cela ressemble Ă  une vie d’adulte Ă©mancipĂ©e. Mais cela n’empĂȘche pas la claudication alternative devant l’alerte de La rencontre.

  

La dépendance affective

 

AprĂšs nous avoir parlĂ© de l’addiction au site,  Judith Duportail fait bien de souligner  l’engrenage de la dĂ©pendance affective qu’entretient un site (tout site ?) de rencontres. Car les comportements d’addiction et la dĂ©pendance affective sont attachĂ©s. Et, lorsque l’on se retrouve imbriquĂ© entre les deux, on peut avoir du mal Ă  rĂ©ellement s’émanciper de certaines conduites d’échecs lors de nos rencontres sentimentales :

 

« (
.) Selon John Bowlby, la moitiĂ© des adultes dans le monde occidental souffrent d’un trouble de l’attachement plus ou moins prononcĂ©. Certains arriveront Ă  bien vivre avec, ou n’en seront pas trop handicapĂ©s. Car attention, toute relation sentimentale Ă  un autre, tout attachement, induit une forme de dĂ©pendance. On dit bien Ă  ses amis :

« Je peux compter sur toi Â» ou « Je suis lĂ  pour toi Â», ce qui signifie qu’on a besoin les uns des autres, qu’on se fĂ©licite d’honorer cette interdĂ©pendance. Une dĂ©pendance consentie, cadrĂ©e. Dans le cas des dĂ©pendants affectifs, le regard de l’autre prend trop de place, trop d’importance. Car ils cherchent Ă  l’extĂ©rieur d’eux-mĂȘmes comment soigner leur blessure initiale Â». (page 139 de L’Amour sous algorithme).

 

 

A ce jour, je n’ai pas lu d’ouvrage de John Bowlby. Mais j’aimerais bien savoir quelles sont les causes, selon lui, de ce « trouble de l’attachement plus ou moins prononcĂ© Â» dont « la moitiĂ© des adultes dans le monde occidental souffrent Â». J’imagine que certains modes de vie doivent y ĂȘtre pour quelque chose. MĂȘme si le trouble de l’attachement « plus ou moins prononcĂ© Â» a sans doute toujours existĂ© en occident mais aussi ailleurs.

 

La salle ovale de la BibliothĂšque nationale Richelieu, octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Faire le ménage dans nos méninges et nos névroses

 

 

Le mirage des sites de rencontres et des rĂ©seaux sociaux, qui sont des mĂ©dia plutĂŽt extraordinaires Ă  l’origine, c’est de nous abonner Ă  la croyance qu’ils peuvent trĂšs facilement « nous aider Â» Ă  gommer ce qui nous dĂ©range dans notre vie ordinaire et nous faire vivre des miracles rĂ©pĂ©tĂ©s. En nous offrant leurs « services Â».

 

Alors qu’il faudrait d’abord, au prĂ©alable, vĂ©rifier dans quelle disposition mentale et affective on se trouve, et faire le mĂ©nage dans nos mĂ©ninges et nos nĂ©vroses, lorsque l’on se rend dans ce genre d’endroits :

 

Les sites de rencontres et les réseaux sociaux.

 

AprĂšs tout, toute personne qui va se lancer dans une aventure vĂ©rifie d’abord son matĂ©riel, sa condition physique et mentale, mais aussi la viabilitĂ© de son projet auparavant. Et, pour cela, le plus souvent, mĂȘme si ensuite elle dĂ©cide de tenter l’aventure, elle sait d’abord se faire entourer et conseiller par des spĂ©cialistes, des professionnels ou par des personnes qui ont tentĂ©  cette aventure avant elle.

 

C’est pourtant le contraire qui se passe avec les sites de rencontres. AppĂątĂ©s par le miracle qui nous attend aprĂšs quelques mouvements de doigts, nous nous muons en Indiana Jones de la rencontre et sautons les Ă©tapes.

 

Lorsque j’avais connu l’expĂ©rience du site de rencontres Meetic Ă  la fin des annĂ©es 2000, j’étais cĂ©libataire, plus ou moins dĂ©primĂ© et en recherche d’une histoire d’Amour. Mais j’allais bien mieux que d’autres. Je n’étais ni sous anti dĂ©presseurs et pas sous le coup d’une rupture toute fraiche de quelques minutes. J’avais besoin d’élargir mon cercle de rencontres. Et Meetic Ă©tait une nouvelle façon pour peut-ĂȘtre Ă©largir ce cercle.

En outre, le fait d’ĂȘtre actif dans la recherche, avait au dĂ©part quelque chose de sans doute valorisant. Agir plutĂŽt que subir. Essayer cette nouvelle façon de faire au lieu de la dĂ©nigrer d’emblĂ©e. Pour ces raisons, au dĂ©part, l’expĂ©rience Meetic fut une expĂ©rience d’ouverture. Car toutes mes rencontres jusqu’alors s’étaient faites sans passer par un  site.

 

J’ai oubliĂ© combien de temps j’étais restĂ© inscrit sur Meetic. Peut-ĂȘtre Ă  peu prĂšs deux ans. A l’époque, le site de rencontres Ă©tait exclusivement payant pour les hommes. Et gratuit pour les femmes. Cela m’a toujours paru injustifiĂ©.

 

J’ai toujours eu le sentiment que le fait de pouvoir s’inscrire gratuitement maintenait la plupart des femmes du site dans la position passive des princesses qui passaient leur temps  Ă  attendre le prĂ©tendu prince charmant. Car j’avais Ă©tĂ© Ă©difiĂ© de lire sur bien des annonces de femmes inscrites, qui se prĂ©sentaient comme des femmes ayant la trentaine tout au plus, qu’elles recherchaient le « prince charmant Â».

 

Que ce soit dans la vraie vie ou sur un site de rencontres, pour moi, celle ou celui qui recherche le prince charmant, consciemment ou inconsciemment, ne le trouvera pas.

En tout cas, moi, je ne me vois pas comme un prince charmant. Et, je perçois cette attente comme une dictature. Une telle attente me donne plutÎt envie de me comporter de maniÚre trÚs provocante.

 

Et, j’avais peut-ĂȘtre eu tort alors, mais chaque fois que j’avais vu mentionnĂ©e cette quĂȘte ou cette attente du « prince charmant Â», j’avais fui. Je ne correspondais ni au portrait-robot ni au portrait-mental d’un prince charmant. Et, c’est toujours le cas aujourd’hui. 

 

Pourtant, je cherchais vĂ©ritablement une histoire d’Amour sur Meetic. Et je sais qu’il y a des hommes qui cherchent aussi Ă  vivre une sincĂšre histoire d’Amour avec des femmes. Il reste donc Ă©nigmatique pour moi que des femmes instruites comme Duportail, Tuaillon et Chollet, et celles qui leur ressemblent, puissent avoir eu tant de mal Ă  croiser ces hommes qu’elles ont cherchĂ© ou cherchent.

 

Pour moi, l’explication ne tient pas uniquement dans le patriarcat. Mais aussi dans le fait que certaines femmes dites Ă©mancipĂ©es le sont bien moins qu’elles ne le croient ou l’affirment. Et, un certain nombre d’entre elles continuent de suivre celle ou celui qui sera le mieux douĂ©(e) pour leur jouer la comĂ©die. Puisque dĂšs lors que quelqu’un nous « fait quelque chose Â» ou nous « fait vibrer Â», on aime bien se raconter, mĂȘme si assez vite cette personne honore trĂšs mal ses promesses ou ses engagements, que, malgrĂ© tout, cela vaut le coup. Et que cela vaut aussi le cul, par la mĂȘme occasion.

 

 

Le grand remplacement

 

 

Sur Meetic, j’avais connu une histoire de cinq mois qui m’a fait un effet durable puisque je me rappelle toujours du prĂ©nom et du nom de cette personne comme de certains moments vĂ©cus avec elle prĂšs de quinze ans plus tard.

 

Mais j’avais aussi Ă©tĂ© trĂšs influencĂ© par le cĂŽtĂ© supermarchĂ© du site.

 

Et, lorsque Ă©taient apparues des tensions entre elle et moi, j’avais Ă©tĂ© rapidement agacĂ© par ce que je voyais comme des caprices de petite fille. Me disant que si notre relation se terminait que je retrouverais rapidement- sur le site- quelqu’un d’autre de « bien Â» qui me ferait moins chier. Ma future ex de Meetic s’était sĂ»rement comportĂ©e comme une personne capricieuse, quelque peu immature et tyrannique, exigeant de moi des gages d’Amour qui me dĂ©concertaient mais aussi mettant en doute la sincĂ©ritĂ© de mon attachement. Peut-ĂȘtre que notre relation Ă©tait-elle rĂ©ellement privĂ©e de futur. NĂ©anmoins, si elle et moi nous Ă©tions rencontrĂ©s dans mes conditions de vie habituelles (ce qui aurait Ă©tĂ© assez peu probable Ă©tant donnĂ© que nous Ă©voluions et avons sans doute continuĂ© d’évoluer dans des univers culturels, Ă©conomiques et professionnels trĂšs diffĂ©rents ), je crois que j’aurais Ă©tĂ© plus tolĂ©rant.

Je n’aurais pas eu ce rĂ©flexe, trĂšs vite acquis en Ă©tant inscrit sur le site alors que je n’avais pas rencontrĂ© tant de personnes que ça avant elle, de me dire que je pourrais trĂšs vite la remplacer. Et, lorsqu’elle m’avait fait sa « crise Â» d’autoritĂ© ou de caprice, je l’avais dĂ©posĂ©e en voiture lĂ  oĂč elle me l’avait demandĂ©/exigĂ©. Afin de lui laisser cette assurance que, oui, je la considĂ©rais vraiment. Elle, qui aurait voulu qu’à notre retour de Normandie, je la dĂ©pose devant chez elle, Ă  Paris, rue du Bac, en voiture. Pour qu’ensuite, je retourne chez moi toujours en voiture chez moi Ă  Cergy le Haut oĂč j’habitais alors. J’avais refusĂ© de me retrouver infĂ©odĂ© au rĂŽle de l’homme qui conduit sa compagne jusqu’au pas de sa porte et qui ne compte pas les kilomĂštres, le temps et l’essence pour ensuite retourner chez lui. Cette erreur-lĂ , en plus de celle d’avoir refusĂ© de rencontrer sa mĂšre, me fut fatale.

 

Ma future ex de Meetic eut quelques pleurs. M’affirma sans doute que je n’avais pas de sentiments pour elle. De mon cĂŽtĂ©, je refusais que nous restions « amis Â» comme elle me le proposait. Nouvelle erreur stratĂ©gique de ma part. On croit que je parle d’une jeune femme d’Ă  peine 18 ans ? Si j’avais bien 7 ou 8 ans de plus qu’elle, ma future ex avait alors prĂšs de trente ans. Ce qui n’excluait pas, visiblement, de pouvoir se comporter en certaines circonstances comme une adolescente d’Ă  peine 18 ans.

 

Notre sĂ©paration devint dĂ©finitive. Sans doute par orgueil, ainsi que dans la douleur, elle s’emmura dans sa dĂ©cision, “conseillĂ©e”, je crois, au moins par certaines de ses amies qui pensaient comme elle.  Nous nous revĂźmes elle et moi au moins deux fois, dont une fois dans cet appartement qu’elle avait achetĂ© dans le 14Ăšme arrondissement et qui faisait deux fois la superficie de mon studio de banlieue. Une autre fois, lorsque nous allĂąmes ensemble au festival de musique Rock en Seine clĂŽturĂ© avec maestria par Björk, elle avait rencontrĂ© quelqu’un.

Plusieurs annĂ©es plus tard, j’appris par hasard sur Facebook qu’elle s’était mariĂ©e. Elle me rĂ©pondit une premiĂšre fois pour ne plus me rĂ©pondre.

 

Hors bord relationnel

 

AprĂšs elle, je ne connus pas d’autre relation aussi notable d’un point de vue affectif en passant par Meetic. J’en avais aussi assez de passer mon temps sur le site telle une personne en recherche permanente d’emploi devant adresser d’innombrables CV qui ne dĂ©bouchaient sur rien.

Pour ĂȘtre suffisamment inspirĂ© et susciter l’intĂ©rĂȘt d’une femme, il me fallait avoir le moral et ĂȘtre inspirĂ© lorsque j’écrivais un message que je devais multiplier pour pouvoir, mathĂ©matiquement, provoquer une rĂ©action ou deux favorables. Or, pour cela, il fallait passer du temps sur le site. Et, plus je passais du temps sur le site,  plus je me dĂ©moralisais devant le vide numĂ©rique qui revenait constamment Ă  ma rencontre. En prenant son temps, c’est Ă  dire le mien.  Mon temps qui Ă©tait associĂ© Ă  mon espoir de « trouver Â» quelqu’un.

 

Je peux imaginer que mon ex de Meetic, apprenant cela, aurait vu dans mes dĂ©boires un chĂątiment juste et mĂ©ritĂ© pour mon « comportement Â» Ă  son Ă©gard. Alors que je crois qu’il y a surtout eu de l’incomprĂ©hension entre elle et moi. Mais aussi, pour moi, une sorte de dĂ©calage, ou une forme de sentiment de dissociation, entre la rĂ©alitĂ© de cette relation sentimentale, car j’avais des sentiments pour elle contrairement Ă  ce qu’elle a cru ou eu besoin de croire, et sa soudainetĂ©.

 

Les rencontres via les sites abrĂšgent beaucoup la durĂ©e du temps de rencontre. Si certaines personnes sont des adeptes du coup de foudre ou des rencontres flash, j’ai plutĂŽt besoin d’une certaine « maturation Â» de la rencontre et du sentiment pour ĂȘtre « dans Â» l’histoire. Si j’avais Ă©tĂ© bien sĂ»r content de rencontrer mon ex de Meetic et que nous avions une rĂ©elle connivence, je crois, sur certains sujets, le fait d’avoir « obtenu Â» cette rencontre aussi improbable, aussi « facilement Â», m’a empĂȘchĂ© de me mettre dans les vraies conditions de la rencontre. Pour employer une image grossiĂšre, une fois la rencontre faite, j’avais sans doute l’impression que notre relation Ă©tait une pĂ©niche, qu’il y avait le temps. Alors que j’étais sur un hors bord.

 

Je fus aussi trÚs étonné par le gùchis fait par ces usagÚres du site soit par manque de sincérité ou par manque de maturité. Car le cÎté supermarché des sites de rencontre vaut aussi pour les femmes. Ce ne sont pas seulement certains hommes qui vont sur les sites de rencontres comme on se rend dans un supermarché.

Paris. Photo©Franck.Unimon

Les croyances d’un vieux à propos des rencontres

 

PrĂšs de quinze annĂ©es environ aprĂšs mon expĂ©rience Meetic, la lecture facile et plaisante de l’ouvrage de Judith Duportail confirme mes anciennes impressions. Et, cela ne me donne pas du tout envie de retourner faire le mur un jour sur un site de rencontres.

Aujourd’hui, pour rencontrer quelqu’un, je recommanderais plutĂŽt le cercle de connaissances et d’amis ; la dĂ©couverte de nouvelles associations ou de clubs culturels sportifs ; le lieu de travail ou les voyages ; ou la frĂ©quentation rĂ©pĂ©tĂ©e de tout endroit qui permet des rencontres sociales et personnelles viables, agrĂ©ables et autres que celles que l’on connaĂźt dĂ©ja.

Je connais par exemple un couple qui s’est formĂ© dans mon club d’apnĂ©e. Tous deux sĂ©parĂ©s de leur cĂŽtĂ©, chacun mĂšre et pĂšre. Je sais qu’elle, qui faisait au dĂ©part de la plongĂ©e dans le club a ensuite rejoint la section apnĂ©e lorsqu’elle l’a aperçu. C’est elle qui me l’a racontĂ©.

 

 

Mais avant toute rencontre, il y a d’abord le prĂ©alable indispensable d’ĂȘtre d’abord vĂ©ritablement « disposĂ© Â» pour s’engager dans une relation intime. Parce-que si l’on a peur de partager son intimitĂ© ou si l’on prĂ©fĂšre conserver exclusivement son territoire Ă  soi et pour soi, on peut rencontrer un certain nombre de personnes tout Ă  fait recommandables et trĂšs bien s’arranger pour leur tourner leur dos ou les dissuader de s’approcher.  

 

Je crois que ces derniĂšres prĂ©cautions restes valables mĂȘme si l’on prĂ©fĂšre ou si l’on ajoute les sites de rencontres, les forums ou les rĂ©seaux sociaux pour accroĂźtre ses chances de rencontrer quelqu’un et ainsi dĂ©jouer l’algorithme de l’accablement sentimental.

 

Franck Unimon, ce lundi 24 octobre 2022. 

 

 

 

 

 

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