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Eileen Myles au cinéma MK2 Bibliothèque ce jeudi 15 septembre 2022

Au cinĂ©ma MK2 Bibliothèque, ce jeudi 15 septembre 2022. Eileen Myles s’exprime au micro. Photo©️Franck.Unimon

Eileen Myles au Cinéma MK2 Bibliothèque ce jeudi 15 septembre 2022

 

Premier jour d’automne, ce vendredi 23 septembre. Je terminais mon petit-déjeuner ce matin lorsque j’ai commencé à penser à un article sur la conférence d’Eileen Myles la semaine dernière. Voici comment un certain nombre d’articles part dans ma tête. Ensuite, je décide de les suivre. Si j’estime avoir suffisamment de temps et de mots. Si j’ai suffisamment d’envie pour eux. Les mots sont ce qui contient l’incendie de mon esprit et pour les trouver, il faut que j’aie envie d’eux. Que je sois volontaire pour leur courir après afin de les rassembler.

 

J’ai envie d’écrire cet article sur Eileen Myles, l’auteur de Chelsea Girls, « figure majeure de la culture underground et LGBT aux Etats-Unis ». Un livre paru en 1994 dans sa version originale et rĂ©cemment traduit et publiĂ©, pour la première fois, en Français.  

 

Je ne connais rien Ă  l’univers d’Eileen Myles. MalgrĂ© ma bonne volontĂ©, Je vais donc Ă©crire et raconter dans cet article beaucoup de conneries rĂ©actionnaires et dĂ©verser au grand jour un certain nombre de ces jugements de valeurs dont je suis le rĂ©servoir.

 

Cet article, ce « coming out Â», n’était pas prĂ©vu. Bien des articles sont des « coming out Â». Le mien sera sĂ»rement celui de ma « beauferie Â».

 

 Initialement, ce matin, je pensais plutĂ´t Ă  faire le nĂ©cessaire afin d’aller voir le dernier film de Rebecca Zlototwski sorti avant hier :

 

Les enfants des autres.

 

Il y a plein d’autres films que j’aimerais aller voir bien avant celui-ci. Mais je fais de celui-ci une prioritĂ©. MĂŞme si l’interview par la journaliste Guillemette Odicino de la rĂ©alisatrice Zlotowski dans l’hebdomadaire TĂ©lĂ©rama -auquel je suis abonnĂ© depuis des annĂ©es- m’a plusieurs fois fait souffler d’agacement. En lisant, une nouvelle fois, telle une condamnation Ă  perpĂ©tuitĂ©, les termes-poncifs :

 

 Â«(….) elle ( Rebecca Zlotowski) est l’une des cinĂ©astes les plus brillantes de sa gĂ©nĂ©ration Â».

 

Ou, plus loin, pour parler de l’actrice LĂ©a Seydoux ( une actrice qui m’inspire des sentiments très contrariĂ©s au moins depuis sa polĂ©mique avec le rĂ©alisateur Abdelatif Kechiche après tournĂ© sous sa direction La vie d’Adèle, oĂą, pour moi, elle n’est pas la meilleure actrice du film mais aussi dans d’autres films par la suite) « irradiante de sensualitĂ© Â». LĂ©a Seydoux, « irradiante de sensualitĂ© Â» ? Sa première apparition- comme James Bond girl- dans le dernier James Bond avec l’acteur Daniel Craig cloue le film dans un cercueil.  

 

Pour parler du troisième film de Zlotowski, PlanĂ©tarium, la journaliste Guillemette Odicino Ă©crit : « son film maudit, incompris, elle osait une fresque Ă  la fois charnelle et spirituelle Â».

Bien-sĂ»r, j’ai dĂ» comprendre que la journaliste, elle, avait compris ce film que beaucoup n’avaient pas compris. Quant Ă  l’idĂ©e d’une « fresque Ă  la fois charnelle et spirituelle Â», j’ai trouvĂ© cette description bien cĂ©rĂ©brale, et, Ă  nouveau, très fuyante par rapport au corps. Dans ces relations que l’on peut avoir, quotidiennement et Ă©troitement, avec notre propre corps. Comme cela se pratique, je trouve, dans ces milieux très intello oĂą l’on brille beaucoup plus par les concepts, la pensĂ©e, que par l’usage que l’on peut faire et vivre de son propre corps :

 

Je reproche Ă  beaucoup d’intellectuels et Ă  beaucoup « d’acteurs Â» culturels dont j’espère faire le moins partie possible d’être des très grands handicapĂ©s de leur propre corps. Et, je lisais tellement ça, une fois de plus, je crois, dans cette introduction Ă  l’interview de Rebecca Zlotowski dans TĂ©lĂ©rama.

 

«  La chair, toujours, filmĂ©e comme une arme politique, et le questionnement sur la fĂ©minitĂ© moderne sont au cĹ“ur d’Une fille facile, son plus grand succès : en 2019, cette chronique ensoleillĂ©e enflammait la Croisette, imposant Zahia Dehar comme un corps fascinant de cinĂ©ma Â» poursuit la journaliste de TĂ©lĂ©rama (celui du 24 au 30 septembre 2022, le numĂ©ro 3793, page 4) toujours dans l’introduction de son interview de Zlotowski.

 

« enflammait la croisette Â» ; « comme un corps fascinant de cinĂ©ma Â», encore des stĂ©rĂ©otypes de langage.

 

Une fille facile est le seul film que j’ai vu de Rebecca Zlotowski. Et, malgrĂ© mes rĂ©ticences au dĂ©part, j’ai beaucoup aimĂ© ce film. J’en parle d’ailleurs dans mon blog. ( Une fille facile ). 

 

« Corps fascinant de cinĂ©ma ? Â». De quoi parle la journaliste  de TĂ©lĂ©rama ?!

 

Lorsque l’on regarde Zahia Dehar et que l’on sait « un peu Â», car cela avait Ă©tĂ© beaucoup mĂ©diatisĂ© quand mĂŞme !, qu’elle avait Ă©tĂ© « escort girl Â», on hĂ©site très peu Ă  trouver son corps « fascinant Â». Que ce soit au cinĂ©ma ou dans la vraie vie.

 

Je n’ai pas oubliĂ© ce mĂ©lange d’admiration et de sentiment de privilège qu’avait pu ressentir la journaliste « star Â» LĂ©a SalamĂ© lors de sa rencontre-interview avec la belle Zahia Dehar qui avait dĂ©frayĂ© la chronique. Cela m’avait rappelĂ© le rĂ´le de gigolo de Daniel Auteuil dans le film Mauvaise passe rĂ©alisĂ© par Michel Blanc en 1999. ( Tiens, Michel Blanc est homo. Et il avait Ă©crit le scĂ©nario avec Hanif Kureishi plutĂ´t portĂ© sur des sujets un peu tabous…).

 

Nous avons beau ĂŞtre des personnes responsables, prĂ©sentables, très bien Ă©duquĂ©es, bien maquillĂ©es,  nous exprimer de façon hautement civilisĂ©e… nous avons aussi besoin de notre giclĂ©e de sensations « premium Â» en tutoyant ce qui sort du stĂ©rile et du cadre. Ça flatte le cĂ´tĂ© rebelle ou « border line Â» en soi. On est ainsi rassurĂ© quant au fait que l’on est beaucoup plus grunge et beaucoup plus ouvert, plus libre et dĂ©mocrate qu’on peut le laisser croire.

 

Zahia Dehar n’est ni le premier ni le dernier corps – ou coup- vivant de femme que le cinĂ©ma servira comme plat pour attirer un public dans une salle. Et sans doute pas le dernier non plus qui inspirera bien des fantasmes et des branlettes empathiques Ă  certains officiels de la Croisette. Rappelons-nous qu’assez rĂ©cemment, des « influenceuses Â», Ă  DubaĂŻ, ont Ă©tĂ© payĂ©es par certaines grandes fortunes afin de se faire dĂ©fĂ©quer dans la bouche.

Ce que peut inspirer un corps dĂ©sirĂ©, dĂ©sirable -et aussi mĂ©diatique- dĂ©coule de ce qui se passe dans la tĂŞte ( et de son Pouvoir) de celle ou de celui qui peut disposer- et comment- de ce corps dĂ©sirĂ© et dĂ©sirable. 

 

Eileen Myles, elle, c’est le contraire de tout ça. Eileen Myles fait partie de ces personnes qui ont décidé d’assurer leur corps. Mais lorsque j’écris ça, je m’aperçois que, finalement, Eileen Myles est plus proche d’une Zahia Dehar ou de certaines influenceuses qui ont décidé de se servir de leur corps pour réussir que de celles et ceux qui se résignent à être les caissières, les domestiques et les secrétaires des autres.

 

Pourtant, lorsque l’on met côte à côte, une Eileen Myles et une Zahia Dehar, la proximité est loin d’être marquante. Mais je crois que l’une comme l’autre a pu adopter des modes de vie réprouvés à un moment donné par l’ordre et la vertu publiques.

 

J’avais prĂ©venu, dès le dĂ©but de cet article, que j’allais Ă©crire beaucoup de conneries. Et, c’est le moment, pour moi, de fournir mon mot d’excuse. Pour commencer, et c’est selon moi le principal et ce qui me pousse Ă  Ă©crire cet article :

Ce jeudi 15 septembre, j’aurais pu ( ou peut-ĂŞtre dĂ» ) rester dans ma ville, Ă  Argenteuil, afin d’aller rencontrer dans la librairie Presse Papier du centre ville, l’auteure Touhfat Mouhtare nĂ©e en 1986 Ă  Moroni aux Comores, pour son livre Le Feu du Milieu paru aux Ă©ditions Le bruit du monde. Aujourd’hui, Touhfat Mouhtare vit dans le Val d’Oise. 

A la place, je me suis Ă©loignĂ© de ma ville et du Val d’Oise. Je me suis vĂ©ritablement dĂ©placĂ© pour assister Ă  Paris Ă  cette confĂ©rence-interview de l’AmĂ©ricaine Eileen Myles. J’ai vraiment pris ces photos et filmĂ© ces quelques moments. 

 

 

J’ai entendu parler d’Eileen Myles rĂ©cemment. En commençant Ă  lire Les Argonautes ( paru en 2015) de Maggie Nelson. Une auteure de rĂ©fĂ©rence, au mĂŞme titre qu’Eileen Myles, son aĂ®nĂ©e de plus de vingt ans,  pour les personnes prĂ©occupĂ©es par les questions du genre, de dominations, comme par les violences engendrĂ©es par le patriarcat.

 

 

J’ai du mal Ă  avoir une lecture suivie de l’ouvrage de Maggie Nelson. J’ai bien plus de « facilitĂ©s» pour lire le premier volet de La Guerre d’AlgĂ©rie d’Yves Courrière.

 

 Les Argonautes  de Maggie Nelson ( nĂ©e en 1973) est un rĂ©cit de sa vie personnelle avec son (ex ?) compagnon, Harry, originellement nĂ©e femme, père d’un jeune fils dont Maggie Nelson, en tant que belle-mère, essaie de s’occuper au mieux (on voit mieux le rapprochement avec le dernier film de Rebbeca Zlotowski ? Je ne l’ai pas fait exprès) de rĂ©flexions critiques et thĂ©oriques poussĂ©es citant Butler, Winnicott, Foucault et d’autres, mais aussi  de certains moments de sa vie avant Harry comme de certaines de ses dĂ©cisions en rapport avec ses engagements (ou son activisme).

 

La partie thĂ©orique et intellectuelle de l’ouvrage de Maggie Nelson, par moments, me coupe les neurones Ă  dĂ©faut de me couper les jambes : je subis, par moments, des absences de comprĂ©hension. Et puis, le courant se rĂ©tablit. Dans ses Argonautes, Maggie Nelson (qui cite aussi Eileen Myles parmi ses rĂ©fĂ©rences) Ă©tablit que le mariage et l’armĂ©e comptent parmi les institutions historiques les plus rĂ©pressives.

 

Je suis mariĂ©. J’ai pu ou peux, par moments, me sentir proche de certaines valeurs militaires. Mon attachement aux valeurs des Arts martiaux, par exemple, se rapproche quand mĂŞme de l’attachement Ă  certaines valeurs militaires. Si on les applique aveuglement ou de façon fanatique. Je fais donc ou ferais donc partie de « l’ennemi Â» pour des personnes comme Maggie Nelson ou Eileen Myles. D’autant qu’il est deux autres institutions, pour lesquelles je travaille, qui sont, aussi, « historiquement rĂ©pressives Â» :

 

La psychiatrie et la pédopsychiatrie.

 

Donc, que faisais-je jeudi dernier Ă  cette confĂ©rence-interview d’Eileen Myles comme devant ce livre de Maggie Nelson – dont je ne connaissais pas l’existence avant cet Ă©tĂ©- au lieu de lire un des articles de mon TĂ©lĂ©rama hebdomadaire ?

 

Nous voyons du Monde ce qui nous intéresse, ce qui nous attire l’œil ou l’attention, ce à quoi nous sommes habitués ou ce qui nous gêne ou nous dérange.

 

Ensuite, nous faisons plus ou moins nos choix. Nous décidons de retourner à nos occupations bien connues de nous-mêmes. Ou nous choisissons de prendre l’option qui consiste à aller nous éduquer un peu. Car le Monde est souvent plus multiple que ce que nous en savons ou en percevons à première vue.

 

J’avais une vingtaine d’années lorsque, pour la première fois, en stage au cours de mes études d’infirmier, dans un service de chirurgie orthopédique dans la banlieue ouest parisienne, dans une ville de banlieue plus favorisée que celle dans laquelle j’avais grandi, j’avais rencontré un patient transexuel. Un homme d’origine espagnol qui s’était fait renverser par une voiture alors qu’il marchait sur la route, alcoolisé. Le conducteur avait pris la fuite.

Je me rappelle que cet homme tenait une sorte de boutique de vêtements. Et qu’au téléphone, sa sœur lui témoignait une certaine affection.

 

J’avais 19 ou 20 ans, lorsqu’après avoir assistĂ© Ă  une soirĂ©e cinĂ©ma Ă  Paris,  consacrĂ©e au rĂ©alisateur Jean-Pierre Mocky, je m’Ă©tais retrouvĂ© comme un idiot, dans la rue. Après avoir vu les films SoloUn Linceul n’a pas de poches et, en avant Première, le dernier film, alors, de Jean-Pierre Mocky :

Agent Double

Puis, dehors, j’avais regardĂ© la plus grande partie des spectateurs rentrer chez eux en voiture. Devant l’impossibilitĂ© de rentrer chez mes parents, Ă  Cergy-St-Christophe. Car il n’y avait plus de RER A Ă  deux heures du matin passĂ©es.

J’avais finalement Ă©tĂ© hĂ©bergĂ© par un inconnu, un homme un peu plus âgĂ© que moi, croisĂ© non loin du centre Pompidou vers 4 ou 5 heures du matin. Celui-ci, Ă©tudiant en Droit selon ses dires, avait pris ma dĂ©fense. Il m’avait proposĂ© de m’acheter un Kebab puis, en taxi, m’avait emmenĂ© dans son studio, dans une ville de banlieue que je ne connaissais pas. Cet homme m’avait fait des avances que j’avais dĂ©clinĂ©es.

Mon cul contre un Kebab ? 

Il faut tout essayer dans la vie” m’avait conseillĂ© cet homme “mĂ»r”. Je lui avais suggĂ©rĂ© de faire l’amour avec des plantes et des animaux. J’avais lu plein d’articles sur le sujet dans TĂ©lĂ©rama. Lui, avait trouvĂ© tout cela contre nature. Et il m’avait laissĂ© partir lorsqu’Ă©tait arrivĂ©e l’heure des premiers RER.

 

 J’ai dĂ» entendre le terme « Queer Â» pour la première fois il y a un peu plus de dix ans. Aujourd’hui encore, j’aurais du mal Ă  expliquer ce terme. « Queer Â» par ci, « Queer Â» par lĂ . Les activistes, les personnes engagĂ©es et/ou de mĂ©dia mais aussi les poètes, les artistes et les intellectuels savent que le langage, autant que le corps, est une arme.

 

Une arme de destruction, d’asservissement de dĂ©nigrement. Une arme d’ensemencement et de revitalisation de nos vies et de nos imaginaires. Pour cette dernière idĂ©e, je convoque Ă©videmment des personnalitĂ©s comme AimĂ© CĂ©saire, Frantz Fanon ou d’autres, dont je maitrise aussi mal les Ĺ“uvres et les pensĂ©es que je ne comprends vĂ©ritablement le terme « Queer Â». Et qui n’ont rien Ă  voir, au dĂ©part, avec quoique ce soit de « Queer Â» au sens oĂą l’entendent les activistes et penseurs LGBTQ+. Et, pourtant, d’un cĂ´tĂ© comme d’un autre, il s’agit toujours de s’affranchir comme de s’extraire du colonialisme, d’un certain conditionnement mais aussi des effets de toute forme d’esclavage et d’asservissement personnel, historique, culturel, social, Ă©conomique, politique et corporel.

 

Au cours d’un dĂ©bat auquel j’assistais, lors d’un festival de cinĂ©ma LGBTQ+, j’avais entendu un spectateur dire du rĂ©alisateur François Ozon ( qui a sans doute aussi Ă©tĂ© interviewĂ© par TĂ©lĂ©rama ou qui le sera un jour en tant que « l’un des cinĂ©astes les plus brillants de sa gĂ©nĂ©ration Â» ) :

 

« Il fait un cinĂ©ma Queer Â». Ou «  Il est Queer Â».

 

Au cinĂ©ma, j’ai vu un certain nombre des films de François Ozon, ses premiers films en particulier. Et, cela a Ă©tĂ© un peu pareil avec l’acteur et rĂ©alisateur Xavier Dolan jusqu’à Laurence Anyways (rĂ©alisĂ© en 2012).  Deux rĂ©alisateurs ouvertement homosexuels. Pourtant, en allant voir leurs films, que j’ai aimĂ©s voir, je ne me suis jamais dit que je regardais un film, un monde ou un mode de vie « Queer Â».

De la mĂŞme façon que je ne me suis pas dit, je crois, qu’ils essayaient, au travers de leurs films, de dĂ©construire(un verbe que j’ai dĂ©couvert sans doute Ă  peu près au mĂŞme moment que lorsque j’avais fait la connaissance du terme « Queer Â») certaines conceptions de « genre Â», certaines « identitĂ©s Â» imposĂ©es par le monde hĂ©tĂ©ro-normĂ©, patriarcal, occidental, capitaliste et blanc encore dominant dans le Monde.

 

Peut-ĂŞtre que tout ce programme de dĂ©construction mentale et « civilisationnelle Â» n’est pas le leur, tout simplement. Que tout ce qu’ils veulent, eux, Ozon et Dolan, c’est d’abord exister en tant que personnes et artistes et faire des films.

 

Eileen Myles a sûrement dû voir plusieurs des films de François Ozon et de Xavier Dolan. Jeudi dernier, le premier extrait de film choisi pour sa conférence a été un passage du film… Les 400 coups de François Truffaut.

Lorsque Les 400 coups de François Truffaut sort en 1959, Eileen Myles, née en 1949, a dix ans. Nous regardons l’extrait. Nous voyons Jean-Pierre Léaud, alors enfant, courir à petits pas, vers la plage. J’ai souvent entendu parler de ce film comme étant un grand classique à voir. Je connais bien-sûr de nom François Truffaut et ai vu un ou deux de ses films dont La femme d’à côté (1981) et Domicile conjugal (1970), deux films vus plusieurs années plus tard à la télé, que j’avais beaucoup aimés. Mais je n’ai jamais vu et n’ai jamais eu envie de voir Les 400 coups.

 

En citant Truffaut, Eileen Myles, pour moi, fait partie de toutes ces personnes étrangères, souvent engagées, qui, régulièrement, dans les œuvres françaises, citent des classiques comme Truffaut. Un peu plus tard, je crois aussi qu’elle citera Proust. Mais je n’en suis plus très sûr.

Ce dont je me souviens par contre, c’est qu’en voyant Les 400 coups de Truffaut, Eileen Myles s’était demandée s’il existait un équivalent féminin. Puisque Truffaut, après Les 400 coups suivra l’évolution du personnage d’Antoine Doinel, depuis son enfance jusqu’à l’âge adulte. Et, de là est venu le projet d’Eileen Myles de concevoir un équivalent féminin à Antoine Doinel. Puis, elle s’est demandée comment s’y prendre pour raconter ça par écrit. Et, elle s’est aperçue qu’elle pourrait écrire comme on raconte un film.

 

L’enfance d’Eileen Myles semble avoir Ă©tĂ© une enfance oĂą l’éducation artistique et culturelle a Ă©tĂ© prĂ©sente et consistante. Je suis Ă©tonnĂ© par la facilitĂ© avec laquelle, Eileen Myles, comme Maggie Nelson ensuite, peut se dĂ©clarer poĂ©tesse. Moi, plus jeune, j’ai bien essayĂ©. Mais comme cela ne m’a jamais permis de gagner ma vie convenablement, j’ai rapidement arrĂŞtĂ©. Ces derniers temps, je me suis mĂŞme fait la remarque qu’Ă  force de coller aussi près au quotidien depuis des annĂ©es, tant dans mon mĂ©tier que dans mes articles ou dans ma vie de père et de conjoint peut-ĂŞtre, que je m’Ă©tais beaucoup Ă©loignĂ© voire Ă©tais peut-ĂŞtre devenu incapable ou infirme. Infirme d’exprimer mon imaginaire comme auparavant. 

Eileen Myles, Ă  plusieurs reprises, nous a parlĂ© de l’importance de son père, dĂ©cĂ©dĂ© lorsqu’elle Ă©tait encore jeune, qu’elle perçoit a posteriori comme ayant Ă©tĂ© une personne « Queer Â». Elle a rĂ©pĂ©tĂ© plusieurs fois que son père Ă©tait « Queer Â». Il se travestissait en femme.

 

C’était aussi un père alcoolique mais qui avait le chic, chaque fois qu’elle manifestait un intérêt pour un sujet donné, d’apparaître avec un ouvrage ou deux en rapport avec ce sujet, de le(s) lui remettre. Puis, de disparaître.

 

D’autres extraits de films ont Ă©tĂ© montrĂ©s lors de la confĂ©rence. Un, montrant un milieu lesbien underground aujourd’hui disparu, dans les annĂ©es 70. Un autre au cours duquel, dans un film, s’inspirant des Ă©crits d’Eileen Myles, une femme souhaite que se prĂ©sente aux Ă©lections PrĂ©sidentielles une personne ayant tous les handicaps possibles :

 

HIV +, transgenre, chômeure /chômeuse, atteint( e) d’une maladie incurable, homosexuel( le), noir ( e), grosse….

 

Le public, dans la salle, était constitué d’une bonne centaine de personnes, sans doute assez familières avec l’œuvre, les engagements et/ou la personnalité d’Eileen Myles. J’ai compté deux ou trois personnes noires dans la salle en m’incluant dans le recensement. Pour la répartition hommes/femmes au sein du public, je ne saurais pas dire. Peut-être une légère prévalence féminine. Mais ce n’est pas sûr.

 

Par contre, la journaliste qui interviewait Eileen Myles était une femme. La traductrice était une femme.

 

La plupart des spectateurs ou spectatrices qui ont posé des questions à Eileen Myles étaient soit anglophones soit très à l’aise avec la langue anglaise ou américaine.

 

J’ai notĂ© en tout cas qu’une bonne partie du public Ă©tait particulièrement au fait avec la langue natale d’Eileen Myles. Puisqu’il a Ă©tĂ© capable Ă  plusieurs reprises – contrairement Ă  moi- de rire de ses blagues immĂ©diatement sans avoir Ă  en passer par leur traduction diffĂ©rĂ©e.

 

S’il y avait bien quelques personnes dĂ©passant la quarantaine d’annĂ©es dans la salle, j’ai trouvĂ© le public plutĂ´t jeune dans sa majoritĂ©. Autour des 30 ans. Ce qui atteste, pour moi, d’une certaine conscience plus visible ou plus affirmĂ©e, mais aussi plus « facile Â», Ă  propos des questions de genre comparativement Ă  il y a, disons, une vingtaine d’annĂ©es.

Je n’ai pas reconnu ou pas vu de « jeune Â» que je suis susceptible de croiser ou d’avoir croisĂ© dans un des services de pĂ©dopsychiatrie oĂą j’ai pu travailler et qui sont prĂ©occupĂ©s (comme beaucoup d’adolescentes et d’adolescents) par leur identitĂ© et/ou par leur genre ou qui l’affirment d’une certaine façon :

 

En se réclamant d’un sexe ou d’un genre opposé à celui qui leur a été assigné à leur naissance. En ayant une relation sentimentale homosexuelle.

 

 

 Pour ma part, je peine encore Ă  assimiler le fait qu’aujourd’hui, je devrais davantage, selon les milieux, afin d’éviter d’être perçu comme homophobe ou transphobe, me prĂ©senter comme une personne « cisgenre Â». Afin de ne pas heurter une personne faisant partie d’un genre minoritaire. Mais j’ai du mal avec cette obsession qui consiste Ă  se dĂ©finir par un vocabulaire obligĂ©. Comme si c’était une obligation de tendre notre genre ou nos Ă©ventuelles prĂ©fĂ©rences lorsque l’on se prĂ©sente Ă  quelqu’un :

 

« Je m’appelle Franck, je suis diabĂ©tique insulino-dĂ©pendant, hypertendu, farceur, cancĂ©reux en phase terminale, je chausse du 34, je suis abonnĂ© Ă  TĂ©lĂ©rama, je fais du Cross fit. J’adore les films de Emmanuel Mouret, le nouveau Rohmer. J’ai plein de posters XXL de l’actrice LĂ©a Seydoux dans ma chambre. Et je travaille Ă  la bourse. Et toi ? Â». 

 

Mais il est vrai que nous portons souvent des masques dans notre vie sociale. Et que certains de ces masques permettent à la fois des crimes (à l’image du Ku Klux Klan) mais aussi bien des mensonges.

 

 

Lorsque je regarde la photo d’Eileen Myles sur l’écran géant, j’ai l’impression de voir un équivalent féminin d’Iggy Pop. Pour moi, Eileen Myles est une sorte de Punk. Un Punk à visage et à allure masculine qui est une femme. Même si je me demande un peu si elle s’est faite opérer, je ne me le demande pas plus que ça.

Enfant, Eileen Myles avait rencontré un couple de femmes butch auquel ses parents avaient loué une partie leur maison. Lors de la conférence, Eileen Myles raconte que ce couple lesbien s’était vite avéré être un couple de locataires problématiques, alcoolique, je crois, se disputant souvent, et, qui plus est, très mauvaises artistes peintres. Soit une erreur de casting que la mère d’Eileen Myles avait très vite regretté. De son côté, Eileen Myles, elle, ne s’était pas sentie inspirée par ce modèle de femmes….

 

Plusieurs jours après cette confĂ©rence, sur internet, j’ai cherchĂ© et trouvĂ© quelques photos d’Eileen Myles, plus jeune. Si je l’ai trouvĂ©e belle, je lui ai aussi trouvĂ© un certain cĂ´tĂ© garçon manquĂ©. Ce qui, pour moi, veut dire « Butch Â». J’ai bien Ă©crit « Butch Â». Et non «  Bitch Â».

 

Eileen Myles nous a lu un extrait de son livre, Chelsea Girls. Sans doute parce-que je n’ai pas suffisamment compris ce qu’elle disait, cela ne m’a pas donné envie d’acheter son livre. Mais dans la salle, le public l’a écoutée de façon recueillie.

 

A la fin de la confĂ©rence, Eileen Myles nous a dit sa certitude que le patriarcat Ă©tait en train de mourir. Qu’il s’agissait de savoir si « nous Â» allions mourir avant lui ou s’il allait mourir d’abord. Mais qu’elle Ă©tait confiante quant au fait qu’il n’en n’avait plus pour longtemps. Aujourd’hui, je me peux m’empĂŞcher de penser que c’est aussi ce que dit une personnalitĂ© comme Pablo Servigne, un des collapsologues les plus connus en France, et aussi sans doute critiquĂ© pour cela car il la ramène trop avec ses propos de fin du monde. Lorsqu’il explique et rĂ©pète que nous sommes des « droguĂ©s du pĂ©trole Â», que notre système de vie Ă©conomique et de sociĂ©tĂ©, tel qu’il est, est en train de s’effondrer et que nous ne sommes plus dans l’ère dans « de la sobriĂ©tĂ© Â» mais dĂ©jĂ  dans celle qui nous rapproche du « sevrage Â».

 

 

Touhfat Mouhtare, Maggie Nelson, Rebecca Zlotowski, Zahia Dehar, Pablo Servigne, Peaux noires, masques blancs ( ou d’autres de ses oeuvrs) de Frantz Fanon, AimĂ© CĂ©saire, il est Ă©tonnant qu’Eileen Myles, aussi portĂ©e sur certains excès d’alcool en particulier, ait quelques  rapports, directs ou indirects, avec ces quelques « personnes Â», dĂ©cĂ©dĂ©es ou vivantes, et que certaines de ses rĂ©flexions et de ses expĂ©riences rejoignent les rĂ©flexions, les expĂ©riences mais aussi les Ĺ“uvres de certaines de ces premières personnes citĂ©es.

 

Mais c’est pourtant de cette façon-là que, souvent, notre vie se déroule. Car celle-ci est multipistes. Je me devais donc de me rendre à cette conférence d’Eileen Myles puis d’essayer d’en rendre compte. Même si, sans aucun doute, cet article comporte déja beaucoup d’erreurs, beaucoup de conneries et beaucoup de hors sujets.

 

Franck Unimon, ce vendredi 23 septembre 2022.

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Ligne 56

Baguette de pain au charbon actif de la boulangerie Utopie. On dirait une pirogue. Photo ©️Franck.Unimon

Ligne 56

 

Initialement, ce n’Ă©tait pas mon chemin. Pour rejoindre la Gare du Nord depuis la place de Nation, j’avais d’abord prĂ©vu de prendre le RER. Puis, j’ai pensĂ© au bus. J’ai trouvĂ© celui de la ligne 56. Il a fait très beau, aujourd’hui. Sauf que dans le bus, les gens Ă©taient Ă©nervĂ©s. Des femmes, principalement. Il y avait un certain nombre de poussettes avec des enfants. Des personnes en fauteuil, aussi. Tout le monde voulait prendre le bus et aller quelque part. 

Une place assise s’est libĂ©rĂ©e assez vite devant moi. Je me suis installĂ© en sens inverse de la circulation. Et j’ai sorti mon baladeur. J’ai cherchĂ© un titre de U-RoyControl Tower. J’avais envie d’aller ce soir au concert de Zenzile et de High Tone ( Zentone )Ă  l’ElysĂ©e Montmartre. J’ai aimĂ© plusieurs titres de leur album. Je les ai dĂ©ja vus sĂ©parĂ©ment en concert.

 

Je n’ai pas trouvĂ© U-Roy. Je me suis rabattu sur le titre Why de Tikiman/ Paul St Hilaire. Mais cela n’a changĂ© grand chose :

 

“Ne soyez pas raciste !”. Cela faisait des annĂ©es que je n’avais pas entendu ce genre de phrase. Celle qui, pour certaines personnes, est rapide Ă  attraper et Ă  lancer dès qu’on les contredit ou contrarie. 

 

“Au lieu de parler, vous feriez mieux de conduire” a continuĂ© la mĂŞme dame. Pour dĂ©velopper ensuite : “Sinon, vous allez faire un accident…”. Puis, dans le bus, Ă  destination du chauffeur, elle a rĂ©pĂ©tĂ© cette phrase quatre ou cinq fois comme un mantra ” Vous allez faire un accident”. Comme si elle l’espĂ©rait. Comme si les autres personnes autour d’elles ne comptaient pas. 

 

Le chauffeur est restĂ© calme. Comme il l’avait annoncĂ© Ă  plusieurs reprises, son terminus est arrivĂ© Ă  la station Strasbourg/Magenta.  Il n’y avait pas eu d’accident. Tout le monde est descendu. 

Je suis allĂ© voir le chauffeur, alors qu’il continuait de rĂ©pĂ©ter, professionnellement, que cet arrĂŞt Ă©tait terminus. Et qu’un autre bus, qui, lui, irait jusqu’Ă  la Porte de Clignancourt, allait arriver dans trois minutes. Il tenait Ă  ce que tout le monde ait bien entendu l’information.

Lorsqu’il a remarquĂ© que j’Ă©tais près de lui et que j’attendais, il s’est tournĂ© vers moi. Je lui ai dit :

“FĂ©licitations pour votre sang-froid !”.

Il m’a rĂ©pondu : ” Ah, merci ! Je ne sais pas ce qui se passe….je connais bien cette ligne et je ne sais pas pourquoi les gens sont Ă©nervĂ©s comme ça”.

 

J’ai marchĂ© jusqu’Ă  la gare de l’Est. En m’approchant, j’ai reconnu l’acteur Alex Descas, de dos. J’ai continuĂ© de marcher et j’ai hĂ©sitĂ©. 

Vous ne connaissez pas l’acteur Alex Descas ? Il est le futur dictateur Mobutu dans le film Lumumba de Raoul Peck. Son apparition Ă  la fin du film, après l’assassinat de son “ami” Lumumba Ă©tait glaciale. 

Alex Descas a aussi jouĂ© dans plusieurs films de Claire Denis. Vous ne le trouverez pas dans le dernier Top Gun avec Tom Cruise. Alex Descas a aussi jouĂ© dans Volontaire (2018) de HĂ©lène Fillières. 

 

C’est la seconde fois que je croise Alex Descas par hasard dans Paris. La première fois, c’Ă©tait avant l’existence de mon blog, près du centre Pompidou, non loin d’une salle de cinĂ©ma, le MK2 Beaubourg. LĂ , c’est Ă  la gare de l’Est. Qu’est-ce que je fais ?

 

J’attends un peu. Puis, alors qu’il se dirige vers la gare de l’est et me dĂ©passe, je me rapproche doucement :

“Bonjour, Monsieur Alex Descas…”.

Il s’arrĂŞte. C’est bien lui. Il me salue comme si nous nous Ă©tions dĂ©ja vus. Alors qu’il est impossible qu’il se souvienne de moi. 

Il m’Ă©coute patiemment. Je lui explique que j’aimerais bien faire son portrait pour mon blog. Sur le principe, il semble partant. 

Donc, je lui demande :

“Alors, comment on fait ?”. 

Il me rĂ©pond de contacter son agent, me donne son nom, m’apprend qu’il sera absent durant quelques semaines. 

Il s’agit maintenant de ne pas trop l’importuner. Mais, avant de le laisser, je lui demande s’il accepte que l’on fasse une photo, ensemble. Il accepte facilement. Les smartphones, aujourd’hui, permettent facilement de se photographier avec quelqu’un. 

L’acteur Alex Descas et moi, ce mercredi 1er juin 2022, Ă  la gare de l’Est. Avec nos lunettes, on pourrait presque croire que nous sommes de la mĂŞme famille. Photo©️Franck.Unimon

 

Après le deuxième cliché, je lui dis :

“Vous ĂŞtes plus beau que moi !”.

Il commence à répondre :

“Ce n’est pas une question d’ĂŞtre beau…”. Puis, il comprend que je le taquine.

Alors qu’il tire sa valise Ă  roulettes, je lui souhaite un bon voyage. Il me tape sur l’Ă©paule amicalement avant de s’en aller.

 

Rachida Dati

Article issu du journal “Le Parisien”.

 

 

Rachida Dati force mon admiration pour sa capacitĂ© Ă  s’imposer en politique. Elle ne m’est pas sympathique. Je lui reconnais des aptitudes hors normes dans cet univers très particulier de la politique. Elle est quand mĂŞme celle qui avait rĂ©ussi Ă  effrayer François Fillon alors qu’il Ă©tait encore Premier Ministre, lorsque celui-ci avait envisagĂ© de se prĂ©senter pour devenir maire d’un des arrondissements prestigieux de Paris ! Peut-ĂŞtre l’arrondissement dont Dati est dĂ©sormais la maire. Le 6ème ou le 7ème.

 

De toutes les femmes nommĂ©es Ministre par Nicolas SarkozyDati est, je crois, la seule Ă  s’en sortir. MĂŞme si ValĂ©rie PĂ©cresse ne s’en sort pas trop mal, surtout après ses rĂ©sultats aux dernières PrĂ©sidentielles. Car j’ai vu que, ça y’est, PĂ©cresse avait rĂ©ussi Ă  rembourser ses dettes dues aux Ă©lections PrĂ©sidentielles. Elle a “reçu” plus de trois millions d’euros de dons pour rembourser ses dettes. Elle s’est quand mĂŞme très bien dĂ©brouillĂ©e. Et cela signifie, pour moi, qu’elle survivra. Et si elle survit, cela veut dire qu’elle fera mal Ă  quelqu’un, Ă  un moment ou Ă  un autre. Comme Dati.

 

Cet article trouvĂ© dans le journal Le Parisien m’a très vite interpellĂ© car Dati avait choisi Anne Hidalgo pour ces dernières Ă©lections PrĂ©sidentielles.

En lisant les propos de Dati concernant Anne Hidalgo, je me suis dit :

” Dati, c’est vraiment un serpent !”. A part, bien-sĂ»r, envers Nicolas Sarkozy. On dirait qu’en dehors de celui-ci  ( Nicolas Sarkozy ) ou de celle ou de celui qu’il “soutient” ou “protège” que Dati a carte blanche pour Ă©triller qui bon lui semble. Pour moi, Dati fait partie des psychopathes qui ont rĂ©ussi. Elle injecte, sans hĂ©siter, une dose robuste de venin Ă  Anne Hidalgo qui pourrait dĂ©cimer une Ă©curie. 

Je sais que Dati cherche Ă  bâtir la mise Ă  mort, au moins politique, d’Hidalgo. Mais je me demande aussi si Anne Hidalgo persiste Ă  rester parce-qu’extrĂŞmement rigide. Et orgueilleuse. Ce qui ferait, aussi, de Dati une commentatrice lucide.

Si c’est le cas, ce serait un nouveau tour de magie stratĂ©gique de plus de celle-ci si elle parvenait, une fois Hidalgo partie, Ă  devenir maire de Paris Ă  sa place. Car on dirait que personne ne pourrait lui tenir tĂŞte pour devenir maire de Paris. A part peut-ĂŞtre….ValĂ©rie PĂ©cresse

 

Utopie

Pain de la boulangerie Utopie. Photo©️Franck.Unimon

 

C’est un nom bien choisi pour une boulangerie. J’avais arrĂŞtĂ© d’y aller. Et puis, en lisant un article rĂ©cemment sur la fabrication artisanale du pain, j’ai rĂ©entendu parler de la boulangerie Utopie. C’Ă©tait sur mon trajet de mĂ©tro, ce mardi. Alors, j’y suis retournĂ©. Je ne connaissais pas ce pain. Je l’ai goĂ»tĂ© ce matin. Très très bon. Je reviendrai.

 

Franck Unimon, ce mercredi 1er juin 2022. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Croisements/ Interviews

Caroline Vigneaux, humoriste.

Caroline Vigneaux, humoriste

 

 

« Pour dĂ©fendre une cause, l’avocat met sa robe, la femme l’enlève Â».

 

En Guadeloupe, j’étais à peine adulte lorsque j’avais lu cette phrase chez quelqu’un. J’ai oublié chez qui. Mon père nous faisait rencontrer tellement de monde. Et nous existions si peu. C’était lui qui parlait et qui nous menait là où bon lui semblait. C’était son territoire.

 

J’ai retenu la phrase. Notre mémoire est notre territoire. Et c’est à nous de le défendre, avec ou sans robe.

 

Pour parler de l’humoriste Caroline Vigneaux, il était facile pour moi de me rappeler de cette phrase.

 

Je n’ai jamais vu Caroline Vigneaux sur scène. J’ai Ă  peine vu un ou deux de ses sketches. Mais je sais qu’elle a Ă©tĂ© avocate. En Ă©crivant cet article, je me rappelle, qu’enfant, j’avais pu tenir Ă  dĂ©fendre quelqu’un d’autre. Et, qu’est-ce qu’un soignant, si ce n’est quelqu’un, qui, d’une façon ou d’une autre, Ă  un moment ou Ă  un autre, essaie, aussi, de dĂ©fendre quelqu’un d’autre qu’elle-mĂŞme ou que lui mĂŞme ? Ou peut-ĂŞtre, aussi, de dĂ©fendre une mĂ©moire.

 

« Pour dĂ©fendre une cause, l’avocat met sa robe, la femme l’enlève Â». La phrase est assez misogyne. Et pas toujours vĂ©rifiable. Mais je la garde quand mĂŞme.

 

Alors, j’ai Ă©coutĂ© ce podcast, tout Ă  l’heure :

 

Caroline Vigneaux : d’avocate Ă  la scène de l’Olympia, dans l’émission Hors-piste, sur France Inter, oĂą ce 24 avril 2022, Caroline Vigneaux est interviewĂ©e par Thomas Sotto.

 

Les humoristes, d’une façon gĂ©nĂ©rale, me font l’effet de personnes qui, souvent, en font -et soulèvent- des tonnes pour faire rire. C’est un travail ardu. Autant faire rire me plait, autant devoir constamment faire rire, devoir ĂŞtre souvent drĂ´le, est pour moi l’équivalent d’un supplice. Sans oublier le fait de passer pour le petit rigolo de service. 

 

Provoquer le rire, dĂ©pendre du rire des autres, quel risque ! Mais quelles aventures personnelles ! J’admire chez les humoristes au moins cette capacitĂ© imaginative que l’on perd Ă  mesure que l’on se “range” afin d’Ă©viter d’ĂŞtre jugĂ©. 

 

Dans ce podcast, Caroline Vigneaux parle de son premier bide sur scène devant….4000 personnes. Et d’une de ses premières tĂ©lĂ©s oĂą une personnalitĂ© mĂ©diatique l’a sĂ©chĂ©e en lui affirmant : « Vous ĂŞtes trop belle pour faire rire ! Â». Des trois semaines, ensuite, durant lesquelles elle est restĂ©e chez elle « en position fĹ“tale Â».

 

J’aurais aimé avoir l’indulgence de ce producteur qui, ensuite, l’a prise dans ses bras pour mieux l’inciter à remonter sur scène.

 

Dans ce podcast, Caroline Vigneaux parle aussi de sa décision de quitter son emploi, très bien payé, d’avocate pour l’inconnu de la carrière d’humoriste. Son interview peut être prise comme une incitation au développement personnel.

 

Je me suis dit que ce serait bien, en passant, d’écrire un article-même court- sur Caroline Vigneaux. En attendant d’aller la voir, elle et d’autres sur scène. Un jour.

 

En plus, pour écrire cet article, j’ai écouté de la très bonne musique :

 

Le titre Hotter Than Hot de High Tone et Zenzile feat Rod Taylor. 

 

 

Franck Unimon, jeudi 28 avril 2022.

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Croisements/ Interviews

Bilan de mes articles les plus lus

 

                                 Bilan de mes cinq articles les plus lus

J’ai traîné pour faire le bilan des cinq articles les plus lus, à ce jour, sur mon blog.

 

Même si vous êtes encore des milliers et des milliers et des milliers à ne pas lire mes articles, et que j’aurai sans doute tout oublié d’aujourd’hui lorsque vous le ferez, ce n’est pas une raison pour que je minimise ce que ce bilan me permet de découvrir, aujourd’hui, ce mardi 15 juin 2021.

 

Par ordre dĂ©croissant, voici les cinq articles actuellement les plus lus sur mon blog, balistiqueduquotidien.com :

 

 Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre Jean-Pierre Vignau   

 

Jacques Bral, l’indĂ©pendant

 

Interview des apnéistes Julie Gautier et Guillaume Néry en 2016

 

4 ) Redemption Day

5) Marche jusqu’au viaduc

 

Et, en sixième position, on trouve PrĂ©paratifs pour le stage d’apnĂ©e Ă  Quiberon, Mai 2021  

 

La première « place Â» de l’article consacrĂ© Ă  Maitre ou Sensei Jean-Pierre Vignau dĂ©boute certains principes.

 

On m’a dit et répété qu’il vaut mieux écrire court. Les gens veulent lire du court. Du rapide. Ou voir des images.

 

J’aime les images. Je peux écrire court. Mais lorsque je suis inspiré. Si je suis inspiré….

 

Cet article consacré à Maitre Jean-Pierre Vignau est un article long. Plus de 4000 mots. Quelques photos. Pas de vidéo.

 

Il y a sans doute un lectorat, déjà acquis à Maitre Jean-Pierre Vignau (Il enseigne le Karaté), qui a lu cet article et a su le trouver car correctement relayé. Néanmoins, le contenu, aussi, de cet article et le contexte de sa publication y est peut-être aussi pour quelque chose.

 

Après la sortie et le succès de son film Gravity,  le rĂ©alisateur  Alfonson Cuaron avait dit dans une interview quelque chose comme  :

 

«  Ce n’est pas parce qu’un film a moins de succès qu’il est moins bon Â». De Cuaron, je garde un souvenir particulier de son film Les Fils de l’homme. Un film passĂ© pratiquement inaperçu et sous-estimĂ© Ă  sa sortie.

 

Concernant les articles de mon blog, malgrĂ© leurs dĂ©fauts, je me dis aussi de temps Ă  autre, que mĂŞme s’ils sont beaucoup moins lus qu’ils le pourraient ou le « devraient Â», que cela ne signifie pas qu’ils soient moins bons qu’un certain nombre de commentaires  lus et relus ailleurs des milliers ou des millions de fois.

 

Pour écrire cet article consacré à Maitre Jean-Pierre Vignau, je m’étais déplacé jusqu’à chez lui en voiture. En m’affranchissant de la restriction kilométrique imposée pour causes de Covid. Ni Jean-Pierre ni sa femme, ni moi, n’avions ensuite contracté le Covid. Nous avions bien-sûr respecté certaines règles. Je n’ai serré la main à aucun des deux. Ni embrassé. Et, je me tenais à un bon mètre de Jean-Pierre.

 

Mes deux passages chez eux, en banlieue parisienne, puis dans son club, à Paris, ont sans doute inspiré à Jean-Pierre une certaine sympathie pour mon personnage. Car, depuis, il arrive, qu’assez régulièrement, il me laisse un message téléphonique. Pour avoir de mes nouvelles. Et de ma fille. Et pour s’assurer que tout va bien chez moi. Je le rappelle ensuite et lui laisse, à mon tour, un message téléphonique.

 

A mon deuxième passage chez lui, j’avais racontĂ© Ă  Jean-Pierre avoir croisĂ© rĂ©cemment par hasard Maitre LĂ©o Tamaki ( Maitre d’AĂŻkido) près des Galeries Lafayette, Ă  Paris. AussitĂ´t, Jean-Pierre m’avait dit : «  Il n’y a pas de hasard Â». Et, Jean-Pierre m’avait donnĂ© le numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone personnel de Maitre LĂ©o Tamaki. Il est prĂ©vu que je l’interviewe prochainement.

 

On peut donc dire que c’est une belle rencontre que j’ai faite avec Maitre Jean-Pierre Vignau.

 

Une autre sorte de rencontre :

 

Le deuxième article, consacré au réalisateur Jacques Bral, est une autre sorte de rencontre. C’est la rencontre avec sa mort. Sachant que rencontrer la mort d’un autre, c’est souvent, se rencontrer soi-même aussi.

 

Je n’étais pas supposé être présent à l’enterrement de Jacques Bral, au cimetière du Père Lachaise. Mais il se trouve que j’ai appelé ce matin-là, Jamila Ouzahir, l’attachée de presse. Comme ça. Par sympathie. J’étais dans ma voiture. Et, c’est là qu’elle m’a appris que Jacques Bral, dont j’avais appris le décès par la presse quelques jours plus tôt, allait être enterré (incinéré, plutôt) vers 10h.

 

Le peu que j’avais compris de Jacques Bral à travers un de ses films, m’a convaincu de venir.

Mais, alors que j’écris, je trouve que Jacques Bral, l’indépendant, cela va très bien, aussi, à Maitre Jean-Pierre Vignau. Il m’est bien sûr impossible de savoir si les deux hommes s’étaient rencontrés, s’ils se seraient entendus. Mais, l’un comme l’autre me semblent faits de cette absence de compromis qui les ont rendus ou les rendent indépendants.

 

Et, d’une façon ou d’une autre, mĂŞme si je suis sans doute moins radical qu’eux, et sois aussi moins « connu Â» qu’eux, il est probable, qu’à ma façon, je sois, aussi, un indĂ©pendant.

 

Interview des apnĂ©istes Julie Gautier et Guillaume NĂ©ry :

 

C’est une interview ( filmĂ©e) dont je reste très content. Cette interview dit tellement de choses. Et, grâce Ă  Eddy Brière, elle est si bien rĂ©alisĂ©e techniquement. J’ai aimĂ© le fait qu’Eddy et moi nous soyons très bien complĂ©tĂ©s. C’était et c’est Ă  ce jour le seul travail que nous avons faits ensemble depuis l’expĂ©rience journalistique pour le mensuel de cinĂ©ma Brazil qui nous avait permis de nous rencontrer : C’était, Place d’Italie, pour l’interview de l’acteur Reda Kateb Ă  propos de son rĂ´le dans le film Qu’un seul tienne et les autres suivront  de LĂ©a Fehner.

L’acteur Reda Kateb. Une des photos que j’ai prises de lui, ce jour oĂą je l’ai interviewĂ©, Place d’Italie, pour parler du film “Qu’un seul tienne et les autres suivront” de LĂ©a Fehner. Interview effectuĂ©e pour le mensuel papier “Brazil”.

 

Auparavant, Kateb s’était fait connaître dans Un Prophète d’Audiard ainsi que dans la série Engrenages.

 

Depuis  cette interview de Julie Gautier et de Guillaume NĂ©ry, l’apnĂ©e est devenue une pratique plus courante pour moi. Je  me suis ensuite inscrit dans un club, Ă  Colombes. J’ai parlĂ© un peu de mes expĂ©riences d’apnĂ©iste. En particulier dans l’article PrĂ©paratifs pour le stage d’apnĂ©e Ă  Quiberon, Mai 2021, sixième de la liste de mes articles les plus lus.

 

L’apnée a pour moi des points communs évidents avec les Arts Martiaux. Ne serait-ce que pour et par la respiration. La mort, aussi, d’ailleurs, si je fais un peu d’humour noir.

 

Je vais moins m’attarder sur l’interview de Julie Gautier et Guillaume Néry parce qu’ils ont moins besoin de couverture médiatique que mes articles ou les autres personnes que je peux citer dans un certain nombre de mes articles.

 

Mais leur interview reste selon moi une très bonne interview. Et, je ne serais pas surpris d’apprendre un jour que cette interview soit l’une des meilleures qui ait Ă©tĂ© faite d’eux, ensemble. En outre, habituellement, on interviewe « seulement Â» Guillaume NĂ©ry. Alors que, moi, j’ai tenu Ă  ce que sa compagne, Julie Gautier, soit prĂ©sente lors de l’interview. Il Ă©tait Ă©vident pour moi que cela donnerait un plus. Et, c’est plus que le cas.

 

Redemption Day

 

Cet article sur le projet de film de Hicham Hajji m’avait Ă©tĂ© demandĂ© par Jamila Ouzahir. «  Comme un service Â». Service rendu. Si je peux, en quelques lignes, rendre service, je le fais. Je ne sais pas oĂą en est le projet. Hicham Hajji, d’origine marocaine, a tentĂ© l’aventure hollywoodienne, mettant en hypothèque sa maison, je crois. Faire son possible pour rĂ©aliser son rĂŞve, je crois que cela justifie un petit coup de pouce. Si, d’une façon ou d’une autre, avec mon article, j’ai pu donner un (tout) petit coup de pouce Ă  Hijam Hajji dont le rĂŞve est de devenir rĂ©alisateur de cinĂ©ma, je le donne.

 

Marche jusqu’au viaduc :

 

Mon article peut-être le plus remuant. Peut-être, aussi, l’un de mes meilleurs.

 

Des larmes me montent aux yeux alors que j’écris. Pourtant, je n’ai plus touchĂ© Ă  cet article depuis un moment. J’ai Ă©crit bien d’autres articles depuis. Mais, c’est instinctif. Pour parler de ce fait divers survenu dans ma ville, Ă  Argenteuil, le 8 mars dernier, je me suis fait reporter, ce que j’étais dĂ©jĂ  sans doute. Mais, aussi, plus que ça :

Père, témoin, victime, éducateur, passeur…..

 

Passeur de quoi ?

 

Cet article-lĂ , je l’ai Ă©crit sans filet. Vraiment sans filet. C’est un très grand article. Très bien Ă©crit. Mais il ne devrait pas. Il n’aurait pas dĂ». Mais, Ă  tout prendre, alors que le meurtre avait eu lieu, autant, si possible, Ă©crire « bien Â» les choses. Sans dĂ©tourner les yeux. Sans banaliser l’évĂ©nement.

 

Il y a quelques jours, encore, alors que nous sortions du déconfinement et qu’il faisait beau, j’ai repensé aux parents de la jeune Alisha. Comme elle devait leur manquer par ces beaux jours. Je crois que lorsque l’on perd son enfant, ce serait plus simple si, dehors, il faisait moche et pleuvait tout le temps. Alors que, là, il faisait beau et il continue de faire beau. Et, les gens, et c’est bien normal, sont contents.

 

Lorsque j’ai mis Marche jusqu’au viaduc, sur ma page Facebook, il a eu un succès inhabituel. C’est aussi un article long. Mais, pour une raison un peu surprenante, plusieurs personnes l’ont lu et ont fait des commentaires pour l’approuver. Bien plus que pour mes autres articles en général.

 

Donc, en regardant ce « Top 5 Â», parmi mes articles, je me suis dit :

 

« Voici ce qui le marche le mieux pour mes articles dans mon blog. Voici lĂ , oĂą, je suis le mieux inspirĂ© apparemment : Les Arts Martiaux, le cinĂ©ma, L’apnĂ©e, Un fait divers, une interview Â».

 

Il n’y a pas de règle ni de recette pour réussir. Mais dans avec ces thèmes, soit il y a un lectorat prêt à venir, soit j’écris de manière suffisamment attractive pour que cela donne envie de lire mes articles.

 

Franck Unimon, ce mardi 15 juin 2021.

Du côté de Quiberon, Mai 2021.

 

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Corona Circus Croisements/ Interviews

Un supermarché pour tout

 

Un supermarché pour tout

Ce matin, je suis retourné dans un Décathlon. Je cherchais des mitaines pour faire du vélo. Les miennes commencent à être usées. Et un short, tendance cuissard, pour faire du vélo.

 

Aujourd’hui, on peut se rendre dans une enseigne de cette chaine – DĂ©cathlon– de grands magasins de sport comme chez le boulanger ou le marchand de primeurs. Trente ans plus tĂ´t, dans les annĂ©es 60, cela eut Ă©tĂ© inconcevable. C’était un autre monde.

 

C’est pareil pour certaines grandes enseignes de bricolage. Et d’autres enseignes telles que la Fnac qui agrège librairie, informatique, photographie, produits high tech, Cds, Blu-rays et autres. Il y a aussi Darty. S’y rendre est une formalitĂ©.

 

On entend encore parler de la mort des petits commerces et de l’artisanat. Mais on n’est pas à ça près. D’abord, on fait avec ce qui se trouve à proximité, ce qui est moins cher et le plus pratique. Les supermarchés offrent des grandes quantités, de la variété. Et nous sommes preneurs. Je suis preneur.

 

Avant d’aller Ă  DĂ©cathlon, j’ai confiĂ© mon vĂ©lo Ă  un petit magasin de cycles qui a ouvert Ă  quelques minutes de lĂ , il y a quelques mois :

La Roue Liber.

 Pour des nouveaux patins de frein. J’ai prĂ©fĂ©rĂ© passer par un petit magasin Ă  une chaine telle que DĂ©cathlon. Ceci afin de soutenir un peu Ă©conomiquement les petits commerces.

 

Je m’échappe de plus en plus des grandes surfaces. Sauf quand je n’ai pas le choix.

 

Dans le petit magasin de cycles, La Roue Liber,  j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© lorsque celle qui m’avait accueilli m’a demandĂ© :

« Vous voulez boire, quelque chose ? Â». J’étais en train de refermer mon sac Ă  dos et j’allais partir Ă  DĂ©cathlon.  

 

J’ai acceptĂ© de prendre un verre d’eau. En me l’apportant, cette mĂŞme personne m’a dit :

 

« Vous pouvez aller vous asseoir sur la terrasse. C’est Ă  nous Â». Devant le magasin de cycles, se trouve en effet une petite terrasse. Près de la route. Donc, Ă  portĂ©e des pots d’échappement des voitures des rues parisiennes. Mais, lorsque l’on passe du temps Ă  Paris, on est immunisĂ© contre ce genre de paradoxe. Et puis, une telle proposition dĂ©tonait dans,  pratiquement, toute ma vie de consommateur. 

 

Alors, mettons-ça sur le fait que ce magasin de cycles vient d’ouvrir. Qu’il se constitue sa clientèle. Et que dans d’autres commerces, telles les concessions automobiles ou certains opticiens, on fait aussi ce genre de proposition.

 

Après mon verre d’eau, je suis parti vers la grande enseigne du sport (DĂ©cathlon). J’avais Ă  peine fait quelques mètres que je suis passĂ© devant une pâtisserie tenue par un couple japonais. Je ne l’avais jamais vue auparavant. Le couple Chiba. AngĂ©lique, qui tient cette pâtisserie avec son mari, m’a parlĂ©. Mais j’avais « mon Â» DĂ©cathlon en tĂŞte. Alors, je lui ai rĂ©pondu que je reviendrais plus tard.

 

 

Sur le chemin, je suis passĂ© devant un autre magasin d’articles de sport. Une marque plutĂ´t cotĂ©e, assez technique, qui, depuis plusieurs annĂ©es, s’est ouverte au grand public : La marque Salomon. Avant, mĂŞme s’il y en a encore peu, aujourd’hui, en plein Paris, on trouvait moins ou pas de magasins reprĂ©sentant exclusivement cette marque.  

 

En vitrine, j’ai aperçu un pantalon qui m’a plu. Dans le magasin, j’ai demandé conseil à l’un des vendeurs. Le vendeur ne voyait pas de quel pantalon il s’agissait. Il a accepté de me suivre dans la rue où je le lui ai montré. Pour finalement m’apprendre qu’il s’agissait d’un article….pour femme

 

S’adressant Ă  moi comme si je comprenais  son langage, le vendeur m’a annoncĂ© qu’il s’agissait d’un pantalon « chino Â» et « wide Â».

 

Je n’ai pas compris tout de suite.  Je lui ai fait rĂ©pĂ©ter. J’ai mĂŞme compris « Wild Â».

Peut-ĂŞtre parce-que, dehors, face Ă  lui, je me suis senti un peu soupesĂ© par le vendeur en tant que valeur sur le marchĂ© du sexe. Car j’ai oubliĂ© de dire que je m’étais mis Ă  mon avantage pour cette sortie :  

Cycliste noir moulant, mi-cuisses, baskets, allure sportive. Puisque j’avais pris mon vĂ©lo et qu’il faisait chaud.  

 

Les femmes ont les jupes, les robes, les dĂ©colletĂ©s, les  bustiers, les les jambes nues et autres prompteurs Ă  cristaux liquides. Un retard d’acclimatation peut Ă©tourdir et faire perdre un peu le goĂ»t de l’heure et du temps qui passe. Cependant,  nous, les hommes, en Ă©tĂ©, ou lorsqu’il fait chaud, l’équivalent de notre panoplie Ă©rotique ou sensuelle peut-ĂŞtre une certaine allure sportive.  Avec ou sans marcel. Avec ou sans gamelle.

 

Le magasin Salomon n’avait pas encore reçu ce type de pantalon. Je pouvais en trouver sur le site internet. A voix haute, je me suis soudainement plongĂ© dans un abysse d’incertitudes inĂ©luctables :

Pouvais-je- en- tant -qu’homme-porter- un- tel- pantalon- puisqu’il- s’agissait- d’un article- fĂ©minin ?

Notre vendeur, empathique, et pragmatique, m’a alors dit :

« Il m’arrive de mettre des vĂŞtements pour femmes. Ça va passer crème ! Â». Il fallait juste que je me fasse Ă  l’idĂ©e que c’Ă©tait un pantalon “taille haute”. 

 

«  Passer Crème ! Â».  Cette expression, je l’ai dĂ©couverte par hasard en Ă©coutant un concours d’éloquence il y a un ou deux ans.

 

Au DĂ©cathlon, je n’ai pas trouvĂ© ce que je cherchais. Ni Ă©loquence. Ni crème. Les mitaines Ă©taient moches. Il n’y avait pas le short que je recherchais, non plus. Mais j’ai trouvĂ© un  vendeur qui a bien voulu m’aider. Pendant toutes ces annĂ©es, j’avais Ă©tĂ© suffisamment nĂ©gligent pour laisser le code barre sur mes mitaines usagĂ©es. Cet article ne se vend plus m’a appris le jeune vendeur. « C’est un vieil article Â» a-t’il continuĂ©  tel un expert qui, examinant au microscope les lignes de ma main, s’aperçoit qu’il a affaire Ă  un objet dĂ©suet. Puis, il m’a assurĂ©  que j’avais dĂ» le payer «  six euros Â». Les nouvelles- et moches- mitaines prĂ©sentes devant moi dans les rayons coĂ»tent dĂ©sormais 20 euros.  

 

Les employés des enseignes comme Décathlon sont désormais souvent de passage. Comme dans les banques. On se rappelle davantage du nom de l’enseigne, de l’article ou de la marque que l’on achète.

 

Après Décathlon, je me suis arrêté dans la pâtisserie tenue par le couple japonais. J’ai appris qu’elle existait depuis…42 ans.

 

« Tout est fait maison Â», concernant les pâtisseries, m’a appris AngĂ©lique. Celle-ci, la soixantaine, s’est affairĂ©e pour me servir. Il y avait sans doute le cĂ´tĂ© commercial qui consiste Ă  vouloir faire acheter le plus de produits. Mais, aussi, la volontĂ© de conseiller.

 

Un habituĂ© est arrivĂ©. Un homme en costume cravate. L’heure du dĂ©jeuner approchait. Comme AngĂ©lique s’occupait de moi, après l’avoir saluĂ©e, il s’est installĂ© tranquillement en terrasse. AngĂ©lique a continuĂ© Ă  me parler des autres thĂ©s disponibles. Fouillant dans ses placards, elle sortait des grands paquets de hojicha, de GemmaĂŻcha. Elle m’a parlĂ© d’un thĂ© Sencha qu’elle venait de recevoir et qu’elle allait goĂ»ter. Mais celui que j’avais pris Ă©tait très bon ! Elle vendait du Matcha, aussi. Mais, le matcha, lui ai-je dit, je ne sais pas le faire. Alors, AngĂ©lique de me dire :

 

« Un jour, si vous avez le temps, je vous montrerai Â». Je lui ai rĂ©pondu :

« Je prendrai le temps Â». Elle s’est mise Ă  rire. Approuvant sans doute ma conduite.

 

Au moment de partir, je l’ai remerciĂ©e en Japonais : « Arigato Gozaimasu Â». Alors, s’inclinant vers moi avec dĂ©fĂ©rence, AngĂ©lique m’a Ă©galement rĂ©pondu en Japonais.

 

J’ai rĂ©cupĂ©rĂ© mon vĂ©lo Ă  La Roue Liber. J’ai Ă©tĂ© content de la rapiditĂ© des « travaux Â». J’avais Ă©tĂ© informĂ© par sms -alors que j’étais encore au DĂ©cathlon- qu’il Ă©tait prĂŞt.

 

Ensuite, je suis passĂ© dans cette pharmacie, près de la gare de St Lazare, qui a, depuis peu,  changĂ© d’emplacement. Elle est s’est maintenant rapprochĂ©e d’un grand hĂ´tel : Le Hilton.

 

L’intĂ©rieur a Ă©tĂ© modifiĂ©. Très Ă©clairĂ©. Cela se veut modĂ©lisĂ©. Prestigieux. Mais, impossible de trouver les huiles essentielles. Une personne de la pharmacie, souriante, me rĂ©pond que, dĂ©sormais, il suffit de faire la commande en appuyant sur un grand Ă©cran. Et que le flacon arrive dans une sorte de boite. Mais ça ne marche pas. On ne peut pas sĂ©lectionner l’huile essentielle que je souhaite acheter. L’écran « cale Â»  Ă  la lettre « G Â». Je dois donc me passer de l’huile essentielle que je comptais acheter.

 

J’escompte trouver du dentifrice. On m’indique oĂą se trouvent les tubes de dentifrice. Parmi les diffĂ©rents dentifrices, je ne trouve pas le dentifrice que je cherche. « Avant Â» le dĂ©mĂ©nagement, je le trouvais facilement. Je sors de la pharmacie sans rien acheter. J’irai ailleurs, une autre fois, dans un supermarchĂ© oĂą je trouverai ce que je « cherche Â».

 

Il y a des supermarchĂ©s pour tout. Partout. BientĂ´t, il y aura aussi des supermarchĂ©s oĂą nous trouverons des premiers prix pour nos tombes. Bien-sĂ»r, tout n’est pas perdu. Puisqu’il y a eu des pauses  et des oasis tels que ce magasin de cycles et cette pâtisserie. Et, il en existe d’autres. Certaines de ces oasis viennent de se crĂ©er ou vont se crĂ©er. D’autres sont lĂ  depuis longtemps et sont seulement connues des habituĂ©s ou de leur proche voisinage.

 

A La Roue Liber, le réparateur, prévenant, m’a engagé à ne pas appuyer trop fort sur les freins. Afin, de me réhabituer au système de freinage. Je l’ai écouté avec approbation.

 

Le monde dans lequel nous vivons, auquel nous appartenons en grande partie, et qui nous consomme, autant que nous le consommons, n’aime pas freiner. Ses freins sont  dĂ©fectueux ou usĂ©s. Ou brutaux. Il faudrait sans doute partir loin de tout ça avant l’irrĂ©mĂ©diable. Savoir sortir, au bon moment, de ces supermarchĂ©s- et de leurs hiĂ©rarchies- depuis longtemps Ă©tablis dans notre tĂŞte. Cela peut sans doute s’apprendre au jour le jour. Car nous avons encore plus de pensĂ©es et de rĂŞves qu’il n’existe de supermarchĂ©s.

 

Franck Unimon, ce jeudi 3 juin 2021.  

 

 

 

 

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Faire son marché

 

 

                                                   Faire son marchĂ©

 

 

Lorsque l’on est assuré d’avoir le ventre plein, on peut trouver plus séduisant que l’étalage d’un stand de marché derrière des bâches en plastique.

 

En 1960, sur le marchĂ© d’HĂ©loĂŻse  de la ville d’Argenteuil, il y avait des moutons, des chèvres, de la volaille. Et une brocante.

 

C…, agriculteur et producteur, était présent. C’était avant l’édification de la salle des fêtes Jean Vilar aujourd’hui plus ou moins menacée de destruction selon les divers projets hôteliers – de luxe- et commerciaux du maire, Georges Mothron. Afin, officiellement, de tenter d’augmenter l’attractivité de la ville.

 

C…est le le doyen des commerçants. Il me raconte un peu avant tout ça.  Il y a deux ans maintenant, Ă  peu près, je le lui avais demandĂ©. Il avait acceptĂ© Ă  condition de ne pas faire de politique.  Puis, c’était moi, le jeune, qui, comme tous les jeunes, avait dĂ©laissĂ© ce qui lui avait prĂ©existĂ©.  J’avais toujours trouvĂ© mieux Ă  vivre, Ă  Ă©crire ou Ă  faire ailleurs.

 

En revenant quelques fois sur le marché, je venais lui dire bonjour et lui rappeler que je reviendrais. Comme une bouchée de politesse qu’on adresse à quelqu’un pour le faire patienter au bord d’une piste de danse. Alors que cette personne ne nous a rien demandé. Alors que l’on se croit le gardien de l’éternité. Mais on n’est jamais rien d’autre que le plus grand gardien de nos infirmités.

 

Puis, du temps est passĂ©. J’ai arrĂŞtĂ© de venir sur le marchĂ©. Ensuite, il y a eu cette mĂŞlĂ©e -ou cette Ă©pidĂ©mie- qui, plus vite que la Junk food, a rempli nos assiettes et nos viscères avec du mastic Ă  partir de mars 2020.  Toutes les pistes de danse se sont vidĂ©es. C’était l’annĂ©e dernière.

 

Heureusement, C…a encore tout son temps et toute sa tête. Peut-être plus que beaucoup d’autres qui ont pourtant moins que ses 84 ans.

 

Il fait 0°C, ce dimanche 10 janvier 2021, lorsqu’enfin, j’honore ce que je m’étais dit Ă  moi-mĂŞme. J’arrive un peu avant 9 heures. J’aurais voulu venir plus tĂ´t. Il y aura davantage de monde Ă  partir de 10 heures.  C…lui, s’est levĂ© Ă  4h30 et est sur le marchĂ© depuis 6h30. Il partira Ă  13h30 et m’annonce :

 

« Ceux dehors partent Ă  15 heures Â».

 

Je lui demande : « Comment faites-vous avec le froid ? Â».

C…rigole : «  Comme tout le monde ! Â».

 

Il est aussi sur le marchĂ© d’Ermont deux fois par semaine. Ses fils ont leur stand sur les marchĂ©s de St Denis, Puteaux, sur le marchĂ© des Bergères Ă  Nanterre et aussi Ă  Paris. Il me fait les Ă©loges du marchĂ© des Bergères. C’est celui de mon enfance. Je n’y suis pas retournĂ© depuis des dĂ©cennies.  A cette Ă©poque, dans les annĂ©es 70, cette partie de Nanterre Ă©tait sĂ»rement plus populaire qu’aujourd’hui. Il m’invite Ă  y aller.

 

Sur le marché d’Argenteuil, il paie son abonnement 250 euros pour 15 jours. Pour l’instant, personne ne peut prendre sa succession car la mairie tient absolument à trouver un producteur. Il y en a de moins en moins, m’affirme C. Il a connu le grand-oncle du maire d’Argenteuil actuel. Ce grand-oncle vendait des fruits et des légumes. Tout comme le grand-père.

Le grand-oncle a vendu son corps de ferme à Argenteuil puis est parti vivre dans le Vexin. Mothron, le maire actuel (précédemment déjà édile plusieurs fois de la ville) n’a pas pris la suite de son grand-père et de son grand-oncle. Il est devenu ingénieur. Et maire.

Le neveu du maire, m’apprend C, vend du café un peu plus loin, sur le marché.

 

Sur le marchĂ© d’Ermont, c’est diffĂ©rent. C a pris la suite de ses parents. Et, il tient Ă  « prolonger le plus longtemps possible Â».

 

Un habituĂ©, d’origine arabe, arrive. Il porte un liserĂ© de moustache. Après avoir saluĂ© C, il sort une bouteille dont il nous apprend la composition : de l’eau, du miel et des agrumes. Il dit en boire tous les jours :

« C’est ça, notre pharmacie ! Â» dĂ©clare-t’il en dĂ©signant les fruits vendus par C et la poissonnerie voisine. Il refusera de faire le vaccin anti-Covid quand il deviendra obligatoire ! Quitte Ă  rester chez lui !

 

C, avec un grand sourire tranquille, rĂ©pond : « Moi, je le ferai Â».

L’homme poursuit :

« J’ai plus de 60 ans. Je me porte bien… Â».

C s’esclaffe et me prend Ă  tĂ©moin : «  Il est jeune ! Â».

 

Une femme d’origine antillaise passe rapidement devant le stand :

« Salut Papy ! Â».

« Salut, ma belle ! Â» rĂ©pond C.

 

Après avoir pris quelques fruits, le client argumente :

« Je suis mĂ©decin….mĂŞme si je ne suis pas reconnu Â» ajoute-il un peu Ă  voix baisse comme Ă  lui-mĂŞme.

 

J’avais oublié toute cette dramaturgie que l’on peut obtenir dans un marché. Il suffit de s’y promener.

 

J’ai bien sĂ»r pris des fruits Ă  C. Des pommes, des poires, des kakis. Et je l’ai remerciĂ©. Il a acceptĂ© facilement que je prenne son stand en photo. Mais quand j’ai parlĂ© de le photographier, il a disparu. Au point que je me demande si je l’ai inventĂ©. Et aussi, si c’est bien lui qui m’a laissĂ© ce texte :

 

                                                      Vols ancrĂ©s

 

Même si ce sont souvent les mêmes, nos pensées sont des milliers d’oiseaux qui en enfantent d’autres. Il faut apprendre à regarder pour savoir, selon nos priorités, sur lesquels s’appuyer pour s’orienter. Ils ne se valent pas tous. Certains sont des leurres. D’autres, des impasses. Mais ils proviennent tous de nos cages et cherchent tous à retrouver l’atmosphère où ils étaient avant de nous rencontrer. Car nous les avons capturés. Nous avons besoin de nos pensées comme des oiseaux car ils savent toujours où se trouve le ciel. Et nous, sans eux, nous ne savons pas.

 

Ecrire, c’est dĂ©placer nos cages. C’est plonger dans la page certains oiseaux plutĂ´t que d’autres et permettre Ă  d’autres,  qui les regardent et les Ă©coutent, de trouver leur direction et, peut-ĂŞtre, de trouer certaines interdictions qui les clouaient Ă  l’impuissance.

Photo prise devant le conservatoire d’Argenteuil, ce lundi 25 janvier 2021.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 27 janvier 2021.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Sur le marché de Dieu

Le marchĂ© d’Argenteuil, Boulevard d’HĂ©loĂŻse, ce vendredi 8 janvier 2021.

 

                                                Sur le marchĂ© de Dieu                                                  

 

“Certains estiment avoir Ă©tĂ© secourus parce qu’ils ont Ă©tĂ© Ă©lus.

D’autres estiment avoir le droit de tuer parce qu’ils ont été élus.

MoralitĂ© : Dieu nous sauvera tous”.

 

Hier matin, j’avais quittĂ© ce dĂ©lirium très mince ainsi que ma colère envers Dieu et certains de ses adeptes, lorsqu’à l’entrĂ©e de l’école de ma fille, je me suis adressĂ© au directeur.

Celui-ci m’a rĂ©pondu qu’il partageait  mon inquiĂ©tude. Les absences rĂ©pĂ©tĂ©es de la maitresse depuis la rentrĂ©e au mois de septembre ne lui permettaient pas, jusqu’alors, de « visibilitĂ© Â». Mais, celle-ci Ă©tant dĂ©sormais officiellement en congĂ©, depuis ce mois de janvier, du fait de sa grossesse, il allait pouvoir vĂ©ritablement faire les dĂ©marches.  Pour obtenir une remplaçante ou un remplaçant attitrĂ© (e). Mais, impossible pour lui de savoir quand cette remplaçante ou ce remplaçant arriverait.

 

Il m’a conseillé de me rendre sur le site du CNED, en accès libre, afin de trouver des cours en rapport avec la scolarité de ma fille. Tout en reconnaissant que cela ne vaudrait pas la présence d’une maitresse ou d’un maitre. Il a ajouté que si la nomination d’une remplaçante ou d’un remplaçant traînait, qu’il solliciterait l’association des parents d’élèves ou FCPE dont il se trouve que je suis un des membres intermittents.

 

Malgré ses éléments de langage, j’ai cru en la sincérité du nouveau directeur de l’école publique où ma fille est scolarisée. Croisant la maitresse de l’année dernière de ma fille, nous nous sommes mutuellement adressés nos vœux de bonne année. Celle-ci m’a dit qu’elle espérait vraiment qu’il y aurait une remplaçante ou un remplaçant pour la classe de ma fille.

 

Après ça, je me suis rendu dans mon service, à Paris, à quarante cinq minutes de là en transports en commun. Pour mon pot de départ. Dans quelques jours, je commencerai dans un nouvel établissement.

J’étais en retard Ă  mon pot de dĂ©part mais j’ai choisi de prendre mon temps.  Au lieu de dĂ©buter Ă  10h comme je l’avais annoncĂ©, mon pot a plutĂ´t dĂ©butĂ© vers 10h50. Il devait se terminer pour midi.

 

En raison des mesures sanitaires dues Ă  la pandĂ©mie, nous Ă©tions un nombre limitĂ© de personnes dans la salle Ă  manger du service. Pas plus de quinze. Cela n’avait rien Ă  voir avec ces pots de dĂ©part d’ Â« avant Â», oĂą nous pouvions ĂŞtre une quarantaine ou beaucoup plus dans une mĂŞme salle et sans masques. Mais, alors, que courent angoisse et polĂ©miques Ă  propos de la nĂ©cessitĂ© –ou non- de la vaccination anti-covid, ce pot de dĂ©part, mĂŞme s’il signifiait la fin de mon histoire dans ce « pays Â» qu’ a Ă©tĂ© ce service, Ă©tait pour moi capital.  Dans ce contexte oĂą nos peurs deviennent nos plus vibrantes ambitions, ou nos nouveaux extrĂ©mismes, tout moment de rĂ©jouissance, en respectant les gestes barrières, est un acte de rĂ©sistance. Je crois que dans toute Ă©preuve, les fĂŞtes et les pĂ©riodes de pause permettent- en prenant  certaines prĂ©cautions- de passer des caps difficiles. Cela peut nĂ©cessiter parfois de l’entraĂ®nement ou de devoir produire certains efforts pour s’obliger Ă  continuer de vivre alors que notre premier rĂ©flexe- ou notre humeur- serait d’attendre dans un coin. 

 

A chaque fin d’annĂ©e, nous achetons des objets de « bonheur Â». Nous en offrons par affection. Mais nous en offrons aussi par obligation. 

Mon âge ou le corona circus fait que les cadeaux qui m’ont le plus portĂ© pendant mon pot de dĂ©part- et aussi en dehors de lui- ont d’abord Ă©tĂ© ces collègues prĂ©sents, leurs regards, leurs sourires, leurs rires ainsi que leurs mots en public ou en apartĂ©.

 

Je suis revenu le soir pour dire au revoir Ă  d’autres collègues. A nouveau, des moments qui comptent. MĂŞme si j’étais fatiguĂ© en rentrant chez moi, pendant les horaires du couvre-feu. A la gare St-Lazare, en attendant l’affichage de la voie de mon train de 23h43, il y avait pratiquement autant voire plus d’agents de sĂ©curitĂ© que de « voyageurs Â».  Je me suis partiellement endormi dans le train comme d’autres fois. Mais je me suis rĂ©veillĂ© au bon endroit et au bon moment.

 

Ce matin, après avoir emmenĂ© Ă  nouveau ma fille Ă  l’école, je suis retournĂ© au marchĂ© d’Argenteuil.  Pour la première fois depuis le premier confinement de mi-mars 2020. Dehors, il faisait un degrĂ© celsius. 

Sur le marchĂ© d’Argenteuil, Bd HĂ©loĂŻse, ce vendredi 8 janvier 2021.

 

 

J’ai été content de le revoir. Lui, le doyen du marché, avec ses plus de 80 ans. Il connaît le marché d’Argenteuil depuis environ cinquante ans. Il y a bientôt deux ans maintenant, je lui avais dit que je reviendrais l’interroger. Pour mon blog. Il avait accepté. Mais je ne l’avais pas fait. Nous avons pris rendez-vous pour ce dimanche où il sera sur le marché à partir de 6h30.

 

Devant la poissonnerie, une femme m’a interpellé, tout sourire. Je l’avais connue quelques années plus tôt à l’atelier d’écriture animé à la médiathèque d’Argenteuil. Il était arrivé de nous recroiser par la suite dans la ville. Avec son masque sur le visage, je ne l’avais pas reconnue. Infirmière anesthésiste à la retraite, elle m’a appris continuer de faire quelques vacations à l’hôpital d’Ermont. Elle avait pris sa retraite après quinze ans et quelques mois d’activité professionnelle après avoir été maman trois fois.

Elle m’a expliqué, un peu ironique, que son nombre de vacations était limité. Plus on a travaillé en tant qu’infirmière durant sa carrière et plus on peut faire de vacations, une fois à la retraite. Elle se trouve dans la situation inverse.

 

Elle m’a dit que les noix de st Jacques se congelaient très bien. Qu’elle les faisait décongeler dans du lait de vache et un peu d’eau, la veille pour le lendemain.

 

Plus loin, la commerçante Ă  qui j’achetais des pains aux dattes ainsi que des Msemen m’a appris que son père Ă©tait dĂ©cĂ©dĂ© en avril. Il avait 75 ans. Elle m’a prĂ©cisĂ© qu’il n’était pas mort du coronavirus. Avant de mourir, celui-ci lui a dit de continuer son commerce :

 

« MĂŞme si c’est un euro, gagne-le avec ton travail Â». Je voyais bien qui Ă©tait son père, assez souvent lĂ , avec deux de ses frères et, quelques fois, une de ses jeunes sĹ“urs.

 

Trente ans qu’elle est là. Je me souviens que deux ou trois ans plus tôt, elle m’avait expliqué comme le froid lui rentrait dedans alors qu’elle travaillait sur le marché. Je lui avais conseillé de se procurer l’équivalent d’une polaire. Elle m’avait écouté avec attention. Mais je doute qu’elle n’ait fait le déplacement pour s’acheter le vêtement en question.

 

La dame qui faisait les Msemen et les pains aux dattes a arrĂŞtĂ©. C’était dĂ©jĂ  le cas avant la pandĂ©mie.  Je m’étais dĂ©placĂ© une ou deux fois en vain jusqu’au marchĂ©.

La pâtissière,  Ă˘gĂ©e de 66 ans, que je n’ai jamais vue, a des problèmes de santĂ© avec son bras. Notre «virtuose Â» des pains aux dattes et des Msemen, ai-je appris ce matin, les faisait bĂ©nĂ©volement, sans rien dire. Pour aider des pauvres. L’argent donnĂ© pour acheter ses pains aux dattes et ses Msemen permettait d’aider des pauvres.

 

Sur le marché, d’autres personnes font aussi des Msemen continue la commerçante, qui vend aussi du pain et des croissants, mais ce n’est pas fait de façon traditionnelle et c’est moins bon. J’acquiesce.

 

Avant de la quitter, elle me demande si ça va bien pour moi. Ma famille. Si j’ai une famille. Et, elle me souhaite le meilleur et de prendre soin de moi, Inch Allah. Je pars en la saluant.

 

Alors que, mes courses contre moi, je me rapproche de l’avenue Gabriel Péri, je laisse passer un homme derrière moi. Casquette type béret, baskets Nike, Jeans, manteau type redingote, l’homme élégant me remercie rapidement. Un sac de pain à la main, il revient vraisemblablement aussi du marché. C’est alors que je vois sa silhouette s’éloigner devant moi que je crois le reconnaître.

Quelques annĂ©es plus tĂ´t, cet homme tenait une boulangerie-pâtisserie, de l’autre cĂ´tĂ© de l’ avenue Gabriel PĂ©ri, quelques dizaines de mètres devant nous. Issu d’un milieu modeste peut-ĂŞtre de la ville d’Argenteuil oĂą il est sans doute nĂ© et a vĂ©cu bien plus longtemps que moi, il avait rĂ©ussi Ă  faire une Ă©cole dans la restauration plutĂ´t prestigieuse. Son portrait avait Ă©tĂ© fait dans le magazine local – gratuit- quelques mois après l’ouverture de son commerce.

Je faisais partie de « ses Â» clients. Ses produits Ă©taient bons voire très bons. Pourtant, chaque fois que j’avais essayĂ© de nouer une forme de contact un peu personnel avec lui, il avait toujours esquivĂ©, mĂ©fiant. Etrange pour un commerçant qui a plutĂ´t intĂ©rĂŞt Ă  fidĂ©liser sa clientèle. Chez le marchand de primeurs du centre ville oĂą j’ai mes habitudes, et oĂą il avait les siennes, je l’avais vu, une fois, s’empiffrer comme un crevard, de quelques bouchĂ©es d’un fruit. Hilare, il avait Ă©tĂ© content de son coup. Comme celui qui, gamin, avait beaucoup manquĂ©. Sauf qu’il Ă©tait alors un commerçant respectĂ© et plutĂ´t en bons termes avec le marchand de primeurs.

 

A Argenteuil, le bail commercial de la première annĂ©e est offert par la ville. A la fin de cette première annĂ©e, « notre Â» boulanger-pâtissier avait disparu. Un jour, on avait retrouvĂ© son commerce fermĂ©. Le marchand de primeurs m’avait appris que notre homme aurait Ă©tĂ© infidèle Ă  sa femme. Laquelle tenait rĂ©gulièrement la caisse.

Ce matin, alors que je marche derrière notre homme, je le vois qui regarde une première femme, de l’autre cĂ´tĂ© de la rue. Alors qu’il traverse le boulevard Gabriel PĂ©ri et s’arrĂŞte au milieu afin de laisser passer les voitures,  Ă  quelques mètres, sur sa droite, une femme lui fait face. Nouveau regard très concernĂ© de notre boulanger-pâtissier.

 

Il m’arrive aussi de regarder les femmes de façon aussi pavlovienne. Mais je repense Ă  l’historique de       « notre Â» homme.  A la façon dont il a coulĂ© sa propre entreprise -qui ne demandait qu’à marcher- pour s’enfuir.  Puis, pour rĂ©apparaĂ®tre plus tard dans la ville, incognito, comme s’il lui Ă©tait impossible de s’en dissocier. Tout ça, pour mater comme un affamĂ© ou un mendiant la moindre femme qu’il aperçoit. PrĂ©fĂ©rer les miettes Ă  un festin. PrĂ©fĂ©rer les oubliettes Ă  un destin…. Je me dis que cela est pour lui une addiction. On ne peut pas bien nourrir les autres avec sa boulangerie et sa pâtisserie si l’on pĂ©trit en soi -en permanence- un gouffre. 

 

Pourtant, il a une belle allure et marche bien plus vite que moi. A cause de mon masque et de mon souffle, j’ai de la buĂ©e sur mes lunettes. Je ne fais donc que l’apercevoir pour la dernière fois avant qu’il n’entre dans un immeuble qui borde le boulevard Gabriel PĂ©ri oĂą se trouvait son commerce.  Je ne peux pas affirmer que c’était vĂ©ritablement lui. Cependant, Dieu, lui,  n’a jamais de buĂ©e devant les yeux. Et, il le sauvera aussi.

Sur le marchĂ© d’Argenteuil, Bd HĂ©loĂŻse, ce vendredi 8 janvier 2021.

 

Franck Unimon, ce vendredi 8 janvier 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Sensei Jean-Pierre Vignau : Un Monde Ă  part

 

Sensei J-Pierre Vignau, ce lundi 21 décembre 2020 dans sa salle de musculation.

 

 

Sensei Jean-Pierre Vignau : Un monde Ă  part

 

 

Il pleuvait ce lundi 21 dĂ©cembre 2020 lorsque je suis retournĂ© voir Sensei Jean-Pierre Vignau Ă  son domicile. Depuis notre première rencontre fin novembre, j’avais lu ses deux livres Corps d’Acier ( 1974) et Construire sa lĂ©gende   (2020)  distants de 26 ans. ( Corps d’Acier/ un livre de MaĂ®tre Jean-Pierre Vignau ). 

 

 

J’avais aussi rappelé Jean-Pierre plusieurs fois. A chaque fois, il avait pris le temps de me répondre.

 

Cependant, la veille ou le matin de cette seconde rencontre, Jean-Pierre m’apprend qu’il a eu entre-temps des ennuis de santĂ©. Un AVC.  Qu’il a Ă©tĂ© hospitalisĂ© quelques jours. Mais que ça va mieux maintenant. Je m’en Ă©tonne :

 

« Et tu ne m’as rien dit ?! Â».

Jean-Pierre : « C’est que je suis un peu cachottier…. Â».

 

Ce 21 dĂ©cembre,  sa femme Tina est en tĂ©lĂ©travail.  Aussi, Jean-Pierre me reçoit-il cette fois dans sa salle de musculation qu’il m’avait prĂ©sentĂ©e la dernière fois.

 

Dès que je sors de ma voiture, je lui explique que la « dernière fois Â» j’avais enlevĂ© mon masque chirurgical de prĂ©vention anti-covid. Mais qu’au vu de ses ennuis de santĂ© rĂ©cents, je prĂ©fère le garder. Lui, toujours Ă  visage dĂ©couvert, sa casquette sur la tĂŞte, me rĂ©pond :

 

« Je m’en fous ! Â».

 

Ma rĂ©action est immĂ©diate : « Mais, moi, je ne m’en fous pas ! Â». Sourire de Jean-Pierre.

 

J’ai donc gardé mon masque. Ce qui donne à ma voix ce son un peu étouffé alors que je tiens mon caméscope lors de l’interview.

 

Celle-ci dĂ©bute en parlant de celui qu’il cite comme son Maitre de KaratĂ© : Sensei Kase.

 

Cette interview filmĂ©e aurait pu s’appeler ” 3553 mouvements de base. ” Savoir ce qu’on est”. “Tu rĂ©ussis ou tu te tues” .” Mettre les ego de cĂ´tĂ©”. “Ce n’est pas Ă  moi d’exclure ou d’interdire”. “Le plus important, c’est de savoir tenir sa place”. “La compète, c’est un faux jugement”. “En six mois ou deux ans, tu n’as pas le temps de comprendre“.

 

Mais, finalement, j’ai trouvĂ© que le titre  Un Monde Ă  part correspondait très bien Ă  Sensei Jean-Pierre Vignau et aussi qu’il incluait ces autres titres « dĂ©laissĂ©s Â».

 

 

A la fin de l’interview,  alors que j’ai Ă©teint mon camĂ©scope, je parle Ă  Jean-Pierre de ma rencontre fortuite de Sensei LĂ©o Tamaki quelques jours plus tĂ´t.  j’en parle dans mon article L’Apparition . AussitĂ´t, Jean-Pierre relève la tĂŞte et me dit :

 

« On croit que l’on dĂ©cide dans la vie mais c’est le hasard qui choisit Â».

 

Je lui parle de mon projet de solliciter Léo Tamaki pour une interview. Jean-Pierre cherche alors le numéro de téléphone de celui-ci et me le donne.

 

Je joins LĂ©o Tamaki au tĂ©lĂ©phone le lendemain ou le surlendemain. Nous convenons, lui et moi de nous rencontrer dĂ©but ou fin janvier 2021. Depuis, j’ai achetĂ© le dernier numĂ©ro du magazine Yashima dans lequel il interviewe Richard DouĂŻeb, plus haut reprĂ©sentant du Krav Maga en France. J’ai d’abord Ă©tĂ© un peu surpris de voir Richard DouĂŻeb en couverture de Yashima, magazine qui traite «  des Arts Martiaux et de la Culture du Japon Â».

 

 

Cependant, le Krav Maga est une discipline Ă  laquelle je me suis aussi intĂ©ressĂ© sans que je me dĂ©cide Ă  « l’essayer Â». Il y a trois ans maintenant environ,  ou peut-ĂŞtre plus, je m’étais ainsi dĂ©placĂ© au club de Krav Maga dans le 9ème arrondissement de Paris oĂą il arrive que Richard DouĂŻeb intervienne. A « l’époque Â», pratiquer un sport de combat ne me suffisait plus. Je cherchais dĂ©jĂ  un Maitre.

 

Aujourd’hui, ce samedi 26 décembre, j’irai voir Sensei Jean-Pierre Vignau dans son club, le Fair Play Sport, dans le 20ème arrondissement de Paris avec ma fille. Si les enfants peuvent depuis quelques jours reprendre une activité physique en club (en raison du contexte de la pandémie du Covid) , les adultes, eux, doivent encore patienter. C’est donc ma fille qui découvrira avant moi le Maitre sur le tatamis.

 

Franck Unimon, ce samedi 26 décembre 2020.

 

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L’Apparition

 

L’Apparition

 

 

J’étais très content de devoir aller dans une agence de l’opérateur Orange. Il fallait faire tester la livebox. Eventuellement en avoir une nouvelle qui marcherait mieux que celle que j’avais depuis des années.

 

Et me faire tester aussi, peut-être. J’étais parfois saisi de microcoupures. Alors, j’avais du mal à me connecter. Quand on me parlait, j’avais la parole vide. Cela devenait une idée fixe.

 

Au bout du fil, quelques jours plus tôt, Anissa, la technicienne que j’avais contactée, avait fait son possible. Elle avait fait des tests à distance. Pour conclure qu’il me fallait me rapprocher physiquement d’une agence de l’opérateur Orange. Celle de ma ville, et peut-être de ma vie, avait fermé deux ou trois ans plus tôt.

 

J’ai pris le train.

 

Cela m’a semblĂ© plus pratique d’aller Ă  l’agence d’OpĂ©ra. Près de l’OpĂ©ra Garnier. Internet et la tĂ©lĂ©phonie mobile cĂ´toyaient la musique classique.  Nous habitons dans ces paradoxes en permanence. Et cela nous semble normal.

 

 

Très vite, en arrivant à Paris, je me suis retrouvé dans les décors de Noël. Il y avait du monde dans les rues et devant les magasins. Les achats de Noël. C’était une seconde raison d’être content. Cette obligation de faire la fête sur commande. De faire des achats.

 

Impossible de changer de cerveau. Aussi, tout ce que je voulais, c’était que l’on me change ma livebox. Mais le manager m’a très vite contrarié. Il m’a expliqué qu’il me fallait un bon. La technicienne ne m’en avait pas fourni. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était tester la livebox. Il m’a demandé de patienter. Cela pouvait prendre cinq ou dix minutes.

 

Nous Ă©tions dans un sous-sol sans fenĂŞtres et surchauffĂ©. Un Ă©clairage veillait Ă  simuler la lumière du jour mais elle Ă©chouait Ă  faire oublier notre enfermement. Enfermement auquel les  employĂ©s semblaient indiffĂ©rents. Quelques ordinateurs, quelques stands, l’esprit d’équipe et une fonction dĂ©finie pour quelques heures suffisaient pour oublier.

Moi, je n’oubliais pas. J’avais dû me déplacer.

 

Je suis reparti avec ma livebox. Elle marchait très bien. Le manager m’a remis le bordereau du test. Par geste commercial ou par diplomatie, il m’a remis une clĂ© 4 G wifi provisoire valable deux mois. Il m’en a expliquĂ© le fonctionnement très simple :

 

«  On allume lĂ  oĂą on Ă©teint Â».

 

La bonne nouvelle, c’est que j’avais peu attendu dans l’agence.

 

Dans une rue que je n’avais aucune raison de prendre dans ce sens vu qu’elle m’éloignait de la gare du retour, j’ai croisĂ© un homme.  Le magasin Le Printemps Ă©tait sur ma gauche de l’autre cĂ´tĂ© de la rue.

 

Plus petit que moi, l’homme avançait masquĂ© comme nous tous en cette pĂ©riode Covid. Il portait un catogan. Ce que j’ai perçu de son visage m’était familier. Le temps que son identitĂ© se forge dans mes pensĂ©es, il m’avait presque passĂ©. Je me suis retournĂ© et l’ai regardĂ© marcher. Ses jambes Ă©taient très arquĂ©es. Alors qu’il s’éloignait, j’ai imaginĂ© les moqueries, plus jeune, et une de ses phrases :

« J’ai eu une jeunesse un peu compliquĂ©e Â» qui laissait supposer qu’il avait dĂ» beaucoup se bagarrer, enfant.

 

Son sac sur le dos, un repas de l’enseigne Prêt à manger à la main, le voilà qui s’arrête à cinquante mètres. Il a enlevé son masque et commence à boire à la paille ce qui est peut-être une soupe. Je me rapproche.

 

Mon masque sur le visage, je le salue et lui demande :

 

« Vous ĂŞtes LĂ©o Tamaki ? Â». Mais avant mĂŞme qu’il ne me le confirme, je savais.

 

Je lui ai parlĂ© de son blog, de Jean-Pierre Vignau ( Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre Jean-Pierre Vignau). Il m’a Ă©coutĂ©. Je me demandais s’il Ă©tait encore dans son Ă©cole vu que j’avais cru comprendre qu’il Ă©tait souvent en voyage. Avec le sourire, il acquiesce concernant ses voyages frĂ©quents. Puis, me prĂ©cise qu’il est toujours prĂ©sent dans son Ă©cole qui se trouve «  Ă  quinze minutes Ă  pied d’ici Â». Qu’il espère rouvrir en janvier.

 

Sa question arrive vite : «  Vous avez dĂ©jĂ  pratiquĂ© ? Â». «  J’ai pratiquĂ© un peu de judo Â».

Lorsque je lui parle de mes horaires de travail de nuit, je retrouve le tranchant de sa pensée telle que je l’ai perçue dans une vidéo où il est face à Greg MMA. Mais aussi dans ses articles pour les magazines Yashima et Self& Dragon. C’est un homme qui réagit avant même que l’on ait eu le temps de saisir les conséquences de ce que l’on formule. On imagine facilement que c’est pareil en cas d’attaque.

 

L’échange est bref. Un moment, j’enlève mon masque afin qu’il voie mon visage lorsque je me prĂ©sente. Je me dis souvent que cela doit ĂŞtre insolite de se faire aborder par un inconnu masquĂ©. Mais cela ne semble pas le dĂ©sarmer plus que ça. C’est une question de contexte et de tranquillitĂ© d’esprit peut-ĂŞtre. Nous sommes en plein jour, dans une grande avenue frĂ©quentĂ©e. Et, je suis venu calmement. Il y a quelques annĂ©es, assis dans un recoin de la rue de Lappe, en soirĂ©e, j’avais aperçu l’acteur Jalil Lespert qui passait avec ses deux enfants.  C’est un acteur dont j’aime beaucoup le jeu. Dont la carrière est Ă©tonnamment discrète. Je l’avais saluĂ© Ă  distance. Mais, Ă  sa façon de faire avancer ses enfants, j’avais compris que je l’avais surpris et un peu effrayĂ©. Ça m’a Ă©tonnĂ© d’apprendre rĂ©cemment que Jalil Lespert, le discret, vit dĂ©sormais une idylle avec Laeticia Halliday, la « veuve Â» de Johnny. Celle qui pleurait son « homme Â» il y a encore deux ans. Mais on a le droit de vivre.

 

LĂ©o Tamaki, c’est un autre monde que Johnny, Laeticia, Jalil Lespert et le cinĂ©ma. C’est le monde de l’AĂŻkido et des Arts martiaux. Les deux mondes peuvent se concilier : show « bises Â» et Arts Martiaux. Mais pour cela, dans le dĂ©sordre, il  faut avoir quelque chose de particulier qui rĂ©pond Ă  une nĂ©cessitĂ© voire des affinitĂ©s et, avant cela, des lieux de frĂ©quentation communs.

 

Franck Unimon, ce vendredi 18 décembre 2020.

 

 

 

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Corps d’Acier/ un livre de MaĂ®tre Jean-Pierre Vignau

 

 

Corps d’Acier(La Force conquise La violence maîtrisée)un livre de J-Pierre Vignau

 

Les Fêtes de ce Noël 2020 se rapprochent. Comme chaque année, nous achèterons des objets du bonheur que nous offrirons. Nous sommes souvent prêts à payer de notre personne pour celles et ceux que nous aimons. Et pas uniquement à Noël.

 

La pandĂ©mie du Covid que nous connaissons depuis plusieurs mois, avec ses masques, ses restrictions, ses consĂ©quences sociĂ©tales, affectives, Ă©conomiques, culturelles et ses « feuilletons Â» concernant la course aux vaccins, leur fabrication et leur distribution, donne encore plus de poids Ă  ce que nous vivons de « bien Â» avec les autres.

 

Pourtant, le bonheur ne s’achète pas.

 

« Avant Â», la vie Ă©tait plus dure. « Avant Â», les clavicules obnubilĂ©es par l’étape de ma survie ou de ma libertĂ© immĂ©diate, je n’aurais pas pu m’offrir le luxe de m’épancher sur mon clavier d’ordinateur.

 

Mais, aujourd’hui, un sourire comme une décoration de Noël peut aussi être le préliminaire d’un carnage futur.

 

Avant, comme aujourd’hui, cependant, le bonheur existe.

 

Parce-que le bonheur ne s’achève pas.

 

La lecture après la rencontre :

 

 

Sauf qu’en tant qu’adultes, nous sommes souvent coupables. Soit de ne pas assez nous mouvoir. Soit d’être forts d’un Pouvoir que nous ne savons pas voir.  De mal nous protĂ©ger et de mal protĂ©ger notre entourage et notre environnement. Comme de tenir de fausses promesses. Et lorsque nous agissons et prenons certaines dĂ©cisions, nous agissons souvent comme des enfants. Les fĂŞtes de NoĂ«l et d’autres rĂ©jouissances officielles nous permettent de l’oublier. Sans doute prĂ©fĂ©rons-nous croire que c’est seulement en ces circonstances que nous nous comportons comme des enfants…..

 

Le livre Corps d’Acier La Force Conquise La violence MaitrisĂ©e de jean-Pierre Vignau publiĂ© en 1984 m’a parlĂ© parce-que le « petit Â» Vignau nĂ© en 1945 a parlĂ© Ă  l’enfant que je suis restĂ©.

 

D’ailleurs, c’est souvent comme ça lorsque l’on rencontre quelqu’un. L’enfant qu’il est ou qu’il a été parle d’abord à nos rêves près de la frontière de notre squelette.

C’est instinctif. ViscĂ©ral. C’est seulement après, lorsque c’est possible, que, nous, les « civilisĂ©s Â», laissons Ă  nos lèvres et Ă  nos oreilles le temps de parler et d’écouter.

Et, assez généralement, alors, on finit par se reconnaître un peu dans l’autre.

 

 

J’ai lu ce livre après avoir rencontrĂ© et interviewĂ© Maitre ( ou Sensei) Jean-Pierre Vignau comme je l’ai racontĂ©. ( Arts Martiaux) A Toute Ă©preuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vigneau ) Puis, juste après ce livre, j’ai lu son dernier ouvrage, paru en 2020, Construire sa lĂ©gende Croire en soi, ne rien lâcher et aller jusqu’au bout, qu’il a acceptĂ© de me dĂ©dicacer.

 

 Chacun ses Maitres :

Certaines et certains trouveront leurs Maitresses et leurs Maitres dans l’exemple et le parcours de personnalitĂ©s diverses. Aya Nakamura, Camille Chamoux, Booba, Kylian MbappĂ©, Donald Trump, Nicolas Sarkozy, Lilian Thuram, Zinedine Zidane, Benoit Moitessier, Olivier de Kersauson, Alain Mabanckou, Samuel Jackson, Miles Davis, Denzel Washington, Krzysztof Kieslowski, Damso, Blanche Gardin, Laure Calamy, Frantz Fanon, Robert Loyson, Jacob Desvarieux, Danyel Waro, Ann O’Aro, Cheick Tidiane Seck, Tony Allen, Amadou HampatĂ© Ba, Tony Leung Chiu Wai…

 

Certaines des quelques personnes que je viens de citer ne font pas partie de mes références mais elles le sont pour d’autres. Des artistes, des sportifs de haut niveau, des femmes et des hommes politiques….

 

On peut aussi trouver ses Maitresses ou ses Maitres chez des Maitres d’Arts Martiaux.

 

Si je suis sĂ©duit et sensible au parcours de bien des « personnalitĂ©s Â» d’hier et d’aujourd’hui, comme Ă  celui de Maitres d’Arts martiaux, j’ai, je crois, assez vite- et toujours- fait une distinction entre le titre et la personne.

 

Je choisirai toujours d’abord, si j’en ai la possibilité, la personne qui me parle personnellement. Correctement. Même si elle est sévère et exigeante. Dès l’instant où elle ou il me semblera juste.

 

Et, cela, avant son titre ou ses titres. Pour moi, une Maitresse ou un Maitre, c’est aussi celle ou celui qui a vécu. Qui a traversé des frontières. Qui a peut-être morflé. Qui s’est aussi trompé. Qui en est revenu. Qui s’en souvient. Qui peut faire corps. Et qui peut être disponible pour transmettre à d’autres ce qu’il a compris, vécu. Afin que celles-ci et ceux-ci vivent mieux, comprennent, s’autonomisent ou souffrent moins.

 

Dès les premières pages de Corps d’acier,  on apprend que Jean-Pierre Vignau, placĂ© enfant Ă  l’assistance publique, a Ă©tĂ© le dernier mĂ´me Ă  trouver une famille d’accueil dans une ferme dans le Morvan.

 

Cette famille qui l’a alors accepté, ou intercepté, c’était un peu la famille de la dernière chance. Jean-Pierre Vignau était le plus chétif du lot. Or, les familles d’accueil étaient plutôt portées sur les enfants d’apparence robuste pour aider dans les diverses tâches de la maison.

 

Vignau raconte comment, conscient que c’était sa dernière chance, il accourt vers cette femme qu’il voit pour la première fois pour plaider sa cause et la convaincre.

Il se rétame alors devant elle et le directeur, embarrassé, de l’assistance publique. Pour se relever et se plaquer contre cette adulte inconnue et, quasiment, l’implorer de le prendre….

 

 

Une fois adoptĂ© par cette femme, les ennuis mĂ©dicaux de Jean-Pierre Vignau s’amoncellent. Cirrhose du foie, problèmes pulmonaires, dĂ©calcification, colonne vertĂ©brale en dĂ©licatesse…. On est donc très loin du portrait de l’enfant « parfait Â» ou douĂ©.

 

La greffe prend entre Vignau et ses parents « nourriciers Â». Mais pas avec l’école. Il sera analphabète jusqu’à ses 28 ans et apprendra Ă  lire en prison.

 

Lors de ma rencontre avec lui fin novembre chez lui, un demi-siècle plus tard,  nous avons surtout parlĂ© d’Arts martiaux ;  un peu de son expĂ©rience de videur (durant huit ans). Et de son accident lors d’une de ses cascades qui lui a valu la pose d’une prothèse de hanche alors qu’il Ă©tait au sommet de sa forme physique.

Nous avons peu parlé de son enfance. Pourtant, il est évident que celle-ci, de par les blessures qu’elle lui a infligées, mais aussi grâce au bonheur connu près de ses parents nourriciers, l’a poussé dans les bras de bien des expériences, bonnes et mauvaises, qu’il raconte dans son Corps d’acier.

 

Je n’ai aucune idĂ©e de ce que cela peut faire de lire d’abord Construire sa lĂ©gende, son dernier ouvrage. Mais en le lisant après Corps d’acier, j’ai vu dans Construire sa lĂ©gende une forme de synthèse intellectualisĂ©e et actualisĂ©e de ce que l’on peut trouver, de façon « brute Â», dans Corps d’acier.

 

Construire sa lĂ©gende a Ă©tĂ© co-Ă©crit par Jean-Pierre Vignau et Jean-Pierre Leloup «  formateur en relations humaines en France et au Japon Â».

Jean-Pierre Leloup « anime des confĂ©rences sur le dĂ©veloppement personnel Â» nous apprend entre autres la quatrième de couverture. L’ouvrage est plus rapide Ă  lire que Corps d’Acier et le complète. Corps d’Acier, lui, compte plus de pages ( 231 contre 159) a Ă©tĂ© publiĂ© par les Ă©ditions Robert Laffont  dans la collection VĂ©cu.

 

Donc, avec Corps d’Acier, on a un récit direct d’un certain nombre d’expériences de vie de Jean-Pierre Vignau ( Assistance publique, ses parents nourriciers, sa mère, son beau-père, la découverte des Arts Martiaux, son passé d’apprenti charcutier, de serveur, de mercenaire en Afrique, son flirt avec le SAC de l’Extrême droite etc…). Dans un climat social qui peut rappeler la France de Mesrine – qu’il ne cite pas- ou du mercenaire Bob Denard qu’il ne cite pas davantage. Mais aussi à l’époque du Président Valéry Giscard D’estaing (Président de 1974 à 1981) décédé récemment voire du Président Georges Pompidou qui l’avait précédé.

 

Cette Ă©poque peut sembler Ă©trangère et très lointaine Ă  beaucoup. Et puis, on arrive Ă  des passages oĂą on se dit que, finalement, ce qui existait Ă  cette Ă©poque peut encore se retrouver aujourd’hui. Exemples :

 

Page 89 (sur son expérience de mercenaire)

 

« L’Afrique, je n’ai pas grand chose Ă  en dire (….). J’étais lĂ  pour me battre, pour oublier, si c’était possible. Pour me lancer Ă  corps perdu dans des combats auxquels, politiquement, je ne comprenais rien mais dont la violence effacerait peut-ĂŞtre Claudine de ma mĂ©moire Â».

 

Page 90 :

«  La grande majoritĂ© des gars du camp cherchaient Ă  anĂ©antir leur peur par tous les moyens, surtout grâce Ă  l’alcool. Parfois, c’était Ă  se demander pourquoi ils Ă©taient lĂ . 80% d’entre eux faisaient croire aux autres qu’ils Ă©taient lĂ  pour la paye. Les autres 20% Ă©taient lĂ , paraĂ®t-il, pour « casser du Nègre Â». En rĂ©alitĂ© tous ces bonshommes qui Ă©taient loin d’être des « supermen Â», Ă©taient larguĂ©s dans cette jungle pour des motivations semblables aux miennes. C’est-Ă -dire qu’une femme les avait laissĂ©s tomber, leur femme, leur mère, leur sĹ“ur etc…Et par dĂ©pit, ils s’étaient embarquĂ©s, comme moi, dans cette galère Â».

 

Sur sa violence au travers de son expĂ©rience de videur :

Page 173 :

 

« Donc, tous les soirs, bagarre (… ) C’était le n’importe quoi intĂ©gral, dans cette ambiance bizarre de trois quatre heures du matin, dans cette jungle pas africaine du tout ».

 

«  Quelque chose ne tournait pas rond en moi, aussi (….). Je sentais que je commençais Ă  prendre du plaisir Ă  taper sur les emmerdeurs. La violence accumulĂ©e toutes ces annĂ©es Â».

 

« Ces soirĂ©es oĂą je risquais ma vie pour que les noctambules puissent s’agiter tranquillement sur les pistes de danse Â».

 

« J’étais devenu une sorte de machine parfaitement rodĂ©e et huilĂ©e, toujours en progrès. Une machine Ă  dĂ©molir. Une machine Ă  tuer. MĂŞme quand je dormais je ne rĂŞvais que de bagarres, coups, courses dans les rues de mes rĂŞves Â».

 

Jusqu’au jour oĂą un Ă©vĂ©nement « l’éveille Â» particulièrement et l’amène Ă  changer d’attitude.  (L’évĂ©nement est relatĂ© dans le livre). A partir de lĂ , la pacification de soi qui est au cĹ“ur de la pratique des Arts Martiaux prend le dessus. Mais comme on le comprend en lisant Corps d’Acier, il a fallu que Jean-Pierre Vignau vive un certain nombre d’épreuves et d’expĂ©riences auxquelles il a survĂ©cu. Et, il lui a fallu beaucoup de travail effectuĂ© au travers des Arts Martiaux – qu’il dĂ©bute Ă  13 ou 14 ans- tel qu’il en parle, page 190.

 

 

L’importance de persĂ©vĂ©rer dans le travail sur soi :

Page 190 :

 

«  La deuxième forme de recherche, celle Ă  laquelle je consacre mon temps et ma vie, est une esthĂ©tique du mouvement. Ce qui amène Ă  une forme de logique spirituelle. Pour obtenir un rĂ©sultat, il faut travailler, travailler encore et toujours. On forme donc son corps, son endurance et la volontĂ© de son esprit. Et, sans mĂŞme la chercher, on obtient l’efficacitĂ© Â».

 

Dans ce passage, Vignau explicite que la voie martiale est assez longue. C’est donc un mode de vie. La voie martiale est le contraire d’une mode, d’un spectacle, d’un raccourci vers le chaos comme une dictature, le banditisme ou le terrorisme par exemple.

 

Par manque de travail sur soi, nos existences peuvent facilement devenir stĂ©rĂ©otypĂ©es et stĂ©riles mĂŞme si nous avons l’impression de « faire quelque chose Â» ou d’être «  quelqu’un Â». Vignau le dit Ă  sa manière, page 192 :

 

« Ici, quand je m’entrainais, c’était uniquement pour moi et pas pour aller frapper les images parlantes qui viendraient «  foutre la merde Â» le soir dans les boites Â».

Conclusion :

Pour conclure, dans Construire sa lĂ©gende Croire en soi, ne rien lâcher et aller jusqu’au bout, page 42, il y a ce passage :

 

« La rĂ©action aux situations stressantes sont de trois ordres : combat, fuite, blocage, respectivement 15%, 15%, 70 % chez l’individu lambda. Les policiers du RAID, par exemple, inversent ce rapport avec 70% pour la rĂ©action de combat. Appliquons cela Ă  Vignau Ă  travers quelques unes de ses expĂ©riences Â».

 

 

Dans Construire sa lĂ©gende, il est aussi prĂ©cisĂ© plusieurs fois qu’il est inutile d’essayer de ressembler Ă  Vignau. Ou Ă  un policier du RAID, d’abord sĂ©lectionnĂ© pour des aptitudes mentales, psychologiques et physiques particulières. Puis formĂ© et surentraĂ®nĂ© Ă  diverses mĂ©thodes de combat.  Avec et sans armes.

 

Chacune et chacun fait comme il peut. Cependant, certaines personnes, sans faire partie du RAID, savent très bien combattre. Mamoudou Gassama, le jeune Malien sans papiers, qui, le 26 Mai 2018,  avait sauvĂ© le gamin accrochĂ© dans le vide Ă  un balcon d’immeuble dans le 18ème, avait selon moi combattu. Sans pour autant faire partie du RAID. Et je ne sais mĂŞme pas s’il Ă©tait pratiquant d’Arts Martiaux.

Ce 26 Mai 2018, Mamoudou Gassama avait au moins combattu l’impuissance et l’inaction devant la chute prĂ©visible de l’enfant suspendu dans le vide. Mais aussi  certains prĂ©jugĂ©s sur les migrants sans papiers.

 

Mais seule une minoritĂ© de personnes est capable de rĂ©agir spontanĂ©ment comme l’avait fait Mamoudou Gassama en risquant sa vie ce jour-lĂ . D’ailleurs, il avait Ă©tĂ© le seul, parmi les « badauds Â» prĂ©sents, Ă  pratiquer l’escalade jusqu’au gamin. 

 

On peut trouver des Maitres, des coaches, des thérapeutes ou autres personnes de confiance et bienveillantes qui peuvent nous permettre d’inverser un peu ces pourcentages lors de situations stressantes dans notre vie quotidienne. Pas nécessairement lors d’un combat ou d’une agression dans la rue.

 

On peut aussi diversifier nos expériences pratiques et sportives dans des disciplines qui, a priori, nous effraient ou nous semblent inaccessibles. Et se découvrir, avec de l’entraînement, certaines aptitudes que l’on ignorait.

 

Le combat, cela peut être, et c’est souvent, d’abord vis-à-vis de nous mêmes qu’il se déroule. Vis-à-vis de nos propres peurs que nous acceptons de combattre ou devant lesquelles nous fuyons ou nous bloquons. Si nous acceptons de combattre certaines de nos peurs, nous pouvons changer de vie pour le meilleur au lieu de subir.

 

Corps d’Acier La force conquise La violence maitrisée et Construire sa légende Croire sa légende Ne rien lâcher et aller jusqu’au bout parlent au moins de ça. Ou, alors, j’ai lu de travers et raté mon explication de texte.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 11 décembre 2020.