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Tenir le rythme

 

 

Tenir le rythme :

Hier, j’Ă©tais avec ma fille. Sa mĂšre travaillait. Au retour de ma compagne, j’ai eu le sentiment d’avoir Ă©tĂ© un bon pĂšre. Hier.

Quelques heures plus tĂŽt, nous allions dĂ©jeuner notre fille et moi lorsqu’elle avait voulu nĂ©gocier :

Ce qu’elle allait manger. Ainsi que la quantitĂ©. Des pĂątes. Et une demie-cuillĂšre de petits pois. Je lui ai rĂ©pondu :

« Tu sais ce que je vais te donner ? A manger ! ».

Et, je lui ai servi environ deux Ă  trois cuillĂšres Ă  soupe de petits pois cuisinĂ©s la veille par sa maman.  Ainsi qu’un peu de riz. La suite viendrait aprĂšs.

Si on écoutait notre fille, elle mangerait du riz et des pùtes ou des pùtes et du riz à tous les repas. Et des frites. Il faut parvenir à se faufiler dans la file active de ses préférences alimentaires. Chacun son style entre sa maman et moi.

Mon style est de ne pas laisser le choix. Et de servir d’abord ce que je veux qu’elle mange. Sa mĂšre aussi essaie de faire pareil. Mais il doit y avoir une habitude entre notre fille et sa mĂšre : sur certains sujets, notre fille doit dĂ©jĂ  savoir, Ă  son Ăąge, qu’elle peut en quelque sorte faire flĂ©chir sa mĂšre. Ou lui rĂ©sister.

Mais j’aurais tort de fanfaronner : Notre fille a ses limites. Elle a mangĂ© hier les petits pois servis parce qu’ils faisaient nĂ©anmoins sans doute partie de sa juridiction alimentaire et de celles de ses humeurs. Il y’a d’autres fois oĂč sa mĂšre s’en sort mieux que moi avec elle : avec calme.

AprÚs le déjeuner, nous sommes partis chercher mon vélo.

La veille ou le matin, ma fille m’avait fait savoir qu’elle souhaitait sortir :

Au cinĂ©ma, dans un parc ou ailleurs. Assez souvent, elle me formule ce genre de demande. Faire une sortie Ă  un moment de la journĂ©e. Cela peut consister Ă  aller faire des courses, passer Ă  la mĂ©diathĂšque, aller Ă  la librairie puis rentrer au bout d’environ deux heures.

Hier, je n’étais pas inspirĂ© pour l’emmener Ă  la piscine. Les tempĂ©ratures se sont un peu rafraĂźchies. Elle s’est enrhumĂ©e.

Elle a rapidement choisi d’aller faire une promenade Ă  vĂ©lo derriĂšre moi, le long de la Seine.

Ce genre de promenade faisait partie de ce que j’avais prĂ©vu de faire cet Ă©tĂ© avec elle :

La piscine et ce genre de promenade à vélo.

Nous avons donc fait une promenade Ă  vĂ©lo Ă  partir de 14h30, heure oĂč nous sommes partis de chez nous. Pour rentrer vers 18h30. Bien-sĂ»r, nous n’avons pas roulĂ© durant quatre heures. Mais nous avons fait une bonne promenade jusqu’à Nanterre, jusqu’au Chemin de l’üle, je pense. Un coin oĂč, ado, il m’était arrivĂ© de me rendre  Ă  pied depuis l’ancien domicile de mes parents situĂ© au 17, allĂ©e Fernand LĂ©ger, prĂšs du grand parc de Nanterre, pour aller chez un copain de lycĂ©e : Lakhdar. Celui chez qui j’allais Ă©couter de la musique et qui m’avait fait dĂ©couvrir des titres de James Brown, de Soul. Celui avec lequel j’avais Ă©coutĂ© du Reggae en buvant du lait de vache frais. Celui que j’avais accompagnĂ© un jour, par curiositĂ©, non loin de mon ancien collĂšge, afin d’acheter du shit pour un de ses bons copains.

Lakhdar m’avait demandé :

« Tu veux venir avec moi ? ». J’étais disponible et j’avais acceptĂ©. Je voyais bien oĂč se trouvait l’endroit oĂč il avait rendez-vous.

La double particularitĂ© de cet achat est que Lakhdar connaissait bien la vendeuse. C’était une de ses ex-copines de classe que je connaissais de vue. PlutĂŽt mignonne, plus ĂągĂ©e et plus grande que moi donc intimidante et intouchable. VĂȘtue Ă  cette Ă©poque et ce jour-lĂ  avec des vĂȘtements de couleur noire, un Jeans, un genre plutĂŽt Hard-Rock. Une jeune femme blanche, souriante, plutĂŽt « cool » Ă  sa façon, et visiblement Ă  l’aise.  En tout cas plus que  moi.

En ce sens oĂč j’Ă©tais un puceau qui marchait droit.

J’ai oubliĂ© si elle consommait. Mais par Lakhdar, j’avais su que cette ex-copine de classe au lycĂ©e Ă©tait une revendeuse rĂ©guliĂšre. Elle avait Ă©tĂ© aperçue vendant du shit Ă  des gamins Ă  la sortie d’un collĂšge. Ce qui avait bien dĂ©plu Ă  un des bons copains de Lakhdar, Ali, qui Ă©tait un militant en faveur de la jeunesse.

La seconde particularitĂ© de cette course tout de mĂȘme, c’était que ni Lakhdar ni moi n’étions fumeurs. Nous Ă©tions donc deux idiots qui, s’ils s’étaient faits « gauler » avec la barrette de shit, auraient eus quelques difficultĂ©s Ă  expliquer ce qu’ils  faisaient avec ce genre de produit. Et le coin de vente Ă©tait plus proche de chez moi que du domicile de la famille de Lakhdar. Puisque c’était prĂšs de mon ancien collĂšge que j’avais quittĂ© pour le lycĂ©e oĂč j’avais rencontrĂ© Lakhdar. Aujourd’hui, je peux en sourire. C’était il y’a plus de trente ans. AprĂšs le Bac, nous vivons une accĂ©lĂ©ration du temps qui nous Ă©loigne d’un certain nombre de personnes. Soit de notre fait. Soit suite Ă  la dĂ©cision des autres. Je n’ai pas revu Lakhdar depuis environ trente ans. Et cette revendeuse, je n’ai pas essayĂ© de mesurer son trajet ou de savoir de quoi il avait pu ĂȘtre fait par la suite. Aujourd’hui, je pencherais plutĂŽt pour une trajectoire moins “cool” qu’elle me paraissait alors en la voyant. Mais on peut ĂȘtre- agrĂ©ablement-surpris.

Hier, ma fille a bien aimĂ© notre sortie. Moi aussi. J’avais prĂ©vu ce qu’il fallait question sandwich, eau. Au retour, nous nous sommes arrĂȘtĂ©s Ă  une aire de jeux oĂč se trouvaient quelques enfants et leurs parents.   Prenant exemple sur une adulte qui venait de faire de la balançoire Ă  cĂŽtĂ© d’elle, Je lui ai montrĂ© comment faire de la balançoire toute seule. Puis,  elle s’est entraĂźnĂ©e alors que je l’encourageais. En pratiquant, elle y arrivera. Je l’ai aussi un peu poussĂ©e.

Alors que nous allions partir pour rentrer, j’ai entendu de la musique qui venait d’un peu plus haut, dans le parc LagravĂšre que nous longions. Les gens que nous apercevions n’avaient pas l’air de s’en prĂ©occuper plus que cela. Mais pour moi, il Ă©tait Ă©vident que c’était un « groupe » qui jouait en Live. Nous nous sommes rapprochĂ©s de l’endroit Ă  vĂ©lo.

Un jeune avait installĂ© sa batterie devant l’entrĂ©e du parc LagravĂšre et jouait du Police ou du Sting. A la batterie. Seul. C’était bien. Quelques personnes Ă©taient lĂ . Deux ou trois adultes. Cinq ou six enfants.

AprĂšs quelques minutes, le batteur a permis Ă  un enfant noir de faire de la batterie.

Le « petit » s’est installĂ© avec ses tongs aux pieds, son short et son tee-shirt Ă  manches courtes. Je m’attendais Ă  ce qu’il dĂ©couvre l’instrument grĂące Ă  la gentillesse du batteur qui devait avoir une vingtaine d’annĂ©es Ă  peine.

Le mĂŽme de 8 ans s’est avĂ©rĂ© trĂšs douĂ©. L’Afrique. L’Afrique et ses paradoxes. Dans le livre La peur a changĂ© de camp, FrĂ©dĂ©ric Ploquin rĂ©vĂšle au cours de son enquĂȘte que dans certaines citĂ©s et certains quartiers, selon l’expĂ©rience de certains flics, des Noirs et des Arabes sont les principaux fauteurs de troubles. D’oĂč un certain racisme de certains flics qui doivent se farcir les infractions Ă  rĂ©pĂ©tition, ainsi que les insultes, les agressions et les provocations des mĂȘmes dĂ©linquants souvent trĂšs vite relĂąchĂ©s- donc abonnĂ©s Ă  un sentiment d’impunitĂ©- et qui voient leur citĂ© ou leur quartier comme leur territoire. Et les flics comme un gang ou une autre bande rivale qu’il convient de dĂ©bouter.

Ce mîme de 8 ans, hier, rappelait que l’Afrique, noire ou du Maghreb, a aussi autre chose à offrir au monde et à la vie, pour peu qu’on lui en donne les moyens.

Je me suis tournĂ© vers ma fille, toujours assise derriĂšre moi. A la fin, je lui ai demandĂ© si cela lui avait plu. Elle a acquiescĂ© Ă  voix basse. Avec ses lunettes de soleil aux verres noir, son casque Ă  vĂ©lo sur la tĂȘte et son air sĂ©rieux, j’avais du mal Ă  percevoir si cela lui avait vĂ©ritablement plu. MĂȘme si, quelques minutes plus tĂŽt, elle m’avait demandĂ© de nous rapprocher. Alors que moi, par prudence pour ses oreilles, j’avais optĂ© pour nous tenir Ă  une distance de sĂ©curitĂ©.

Devant mon insistance pour savoir, elle m’a alors rĂ©pondu :

« J’ai envie de pleurer tellement c’était bien ».

AprĂšs son solo, le jeune noir a pris sa trottinette et s’est dirigĂ© vers le parc LagravĂšre, c’est-Ă -dire dans notre direction. Il Ă©tait suivi par deux filles noires un peu plus ĂągĂ©es que j’avais vues danser un peu plus tĂŽt. J’ai appris par ces deux filles un peu plus ĂągĂ©es qui le suivaient (ses sƓurs ?) qu’il avait commencĂ© seul. En tapant sur des casseroles et des branches d’arbre. Et que, maintenant, il en en avait ” un…”. Un vrai instrument de musique. Une batterie.

J’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© en Ă©coutant ces deux filles de comprendre que le Français semblait ĂȘtre leur seconde langue.

Le batteur, lui, Ă  deux ou trois mĂštres, est restĂ© silencieux. Il m’a regardĂ© et Ă©coutait tandis que les deux filles me rĂ©pondaient avec le sourire. On aurait dit, dĂ©jĂ , deux agents s’occupant de leur artiste. Mais elles avaient 12 ans tout au plus, les deux agents d’artistes. L’Afrique, encore, et cette belle prĂ©cocitĂ© qui nous livre Ă  de si grandes perplexitĂ©s, nous, les occidentaux, moi, dont les ancĂȘtres, comme le reste de l’HumanitĂ© ( jusqu’à preuve du contraire) viennent de lĂ -bas. De ce continent que je ne connais pas et qui contient pourtant tant d’échecs et aussi tant de Savoirs.

Je n’ai pas entendu la voix de ce mĂŽme. Lorsque j’ai restituĂ© Ă  ces trois gamins les propos de ma fille, ce sont les deux jeunes filles qui ont rĂ©agi en s’émouvant. Le mĂŽme, lui, n’a rien rĂ©pondu. Mais lorsque j’ai dit :

« C’est bien ! Il faut continuer ! ». J’ai bien vu qu’il m’a Ă©coutĂ© avec attention. Et que mes mots comptaient pour lui, moi l’adulte qui, Ă  ce moment-lĂ , question musique aurait pu, tout aussi bien, ĂȘtre son Ă©lĂšve, trĂšs peu douĂ©, malgrĂ© les quarante annĂ©es qui nous sĂ©paraient.

Puis, je les ai laissĂ©s partir. En pensant malgrĂ© moi que j’espĂ©rais que ce gamin tiendrait le rythme. Qu’il ne s’égarerait pas en cours de route dans la dĂ©linquance.

Il n’existe sans doute aucune statistique, ou alors occulte, de ce genre, mais il est vraisemblable que parmi tous ces gamins dĂ©linquants multirĂ©cidivistes dont se « plaignent » certains flics dans le livre de FrĂ©dĂ©ric Ploquin, qu’il en est un certain nombre dont la courbe des dons a Ă©tĂ© stoppĂ©e ou braquĂ©e Ă  un moment ou Ă  un autre. « Who knows » ? Comme aurait pu dire Jimi Hendrix.

Who knows ?

Dans le livre de Ploquin, j’ai appris que des gamins de 12 ans pouvaient toucher 150 euros par jour pour faire les guetteurs. Afin d’avertir les trafiquants de drogue ou les dealers de l’arrivĂ©e de la police.

150 euros par jour, ça peut faire jusqu’à 4500 euros par mois. Pour des gamins qui ne savent rien du trafic de drogue en lui-mĂȘme. D’oĂč il vient, quelle quantité .

150 euros par jour, c’est une somme largement suffisante pour dĂ©tourner un gamin de 12 ans de l’école. Qui plus est s’il est dĂ©jĂ  en Ă©chec scolaire. 4500 euros par mois pour accepter d’ĂȘtre un simple exĂ©cutant. Je crois que beaucoup de personnes, mĂȘme adultes (on serait surpris) accepteraient ce genre de job moyennant une telle somme.

En reprenant la route, j’ai dit Ă  ma fille que j’aurais dĂ» demander au mĂŽme son prĂ©nom. C’est une mauvaise habitude, lorsque l’on s’adresse amicalement Ă  un inconnu, de ne pas se prĂ©senter. Et « d’oublier » de lui demander son prĂ©nom.

Ma fille m’a demandĂ© pourquoi j’aurais voulu connaĂźtre son prĂ©nom. J’ai essayĂ© de lui expliquer. Elle m’a Ă©coutĂ©. Mais pendant que je pĂ©dalais, j’avais l’impression que ce que je disais se perdait dans le vent. Mais le principal, sans doute, c’était que, pour le moment, elle soit encore bien attachĂ©e derriĂšre moi tandis que je nous ramenais Ă  la maison. Et que le retour se dĂ©roule sans encombre.

Franck Unimon, mardi 20 aout 2019.

Ps : La photo de cet article n’est pas une erreur. Compte tenu de l’ñge des protagonistes principaux croisĂ©s hier dont je parle dans  cet article, j’ai prĂ©fĂ©rĂ© m’abstenir de montrer un clichĂ© les reprĂ©sentant. Et, ce, afin de les prĂ©server de certains alĂ©as de notre vie « moderne » et « civilisĂ©e ».

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Journée Portes Ouvertes au Qu4tre à Argenteuil 2Úme et derniÚre partie

Oeuvres de l’artiste Chemmane.

 

 

 

 

 

On se souvient que les 25 et 26 Mai derniers se dĂ©roulaient les journĂ©es portes ouvertes au Qu4tre, Ă  Argenteuil, dans le quartier du croissant ferrĂ©. J’en avais donnĂ© un aperçu dans mon article JournĂ©es Portes Ouvertes au Qu4tre Ă  Argenteuil les 25 et 26 Mai 2019.

J’avais laissĂ© d’autres photos Ă  quai. Il Ă©tait temps de les laisser (re) prendre le chemin des regards et des pensĂ©es.

 

 

Oeuvres de l’artiste CĂ©cile Thonus.

 

 

Sculptures, photos, peintures, ĂȘtres imaginaires ou invisibles aux ossatures Ă©closes. Ils se sont entendus avec leurs “rĂ©vĂ©lateurs” pour ĂȘtre Ă©pandus.

 

 

Photos de l’Association ” Vues d’En Bas” qui a pour but de rendre Ă  nouveau visibles les personnes invisibles et prĂ©caires.

 

 

Courroies de distribution, figures de bitume que triturent des esprits-proies, des écrits au trot recommencé, effiloché, sur la pointe des pieds.

 

 

Oeuvre de Virginie Jacquette.

 

 

Corps arrĂȘtĂ©s, coeurs vitrĂ©s.

 

 

 

Photos de Xavier L comme Lahache.

 

 

Instants donnés. Instantanés.

 

 

Oeuvre de l’artiste Hopare.

 

Sous la tente, entre un soleil couchant qui maintient éveillé(e).

 

 

Photo Xavier L.

 

 

L’Indienne Patti. C’est elle qui est prise, c’est elle qui nous prend.

 

 

Oeuvres de CĂ©cile Thonus.

 

 

ModĂšles rĂ©duits de ces explorations que l’on fait avec les doigts, bronze et bois.

 

 

 

FigĂ©es de vie, connues d’une lave sortie.

 

Photos de l’association ” Vues d’en Bas”.

 

Au fond de la cuisine.

 

 

“Je n’habite pas ici” ( L’artiste Virgine Jacquette).

 

 

Photo Xavier L.

 

Cherche petit studio meublĂ© avec un bon couloir oĂč se dĂ©fouler. Et plus, si Ă©ternitĂ©…

 

 

 

” Je ne suis vraiment pas photogĂ©nique”. ( L’artiste Chemmane).

 

 

Assise dans le canapĂ©, Ă  contre-jour, l’artiste Virginie Jacquette.

 

Dans une salle d’attentes.

 

 

Oeuvres de CĂ©cile Thonus.

 

Mais que font-ils ?

 

 

 

Oeuvres de l’artiste Chemmane.

 

Nous sommes prĂȘtes, Toni.

 

 

Oeuvre de CĂ©cile Thonus.

 

 

Textes et photos de Franck Unimon ( exceptions faites des photos de l’association ” Vues d’en bas” et de  Xavier L comme mentionnĂ©es).

 

Franck Unimon, ce mercredi 7 aout 2019.

 

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Journées Portes Ouvertes au Qu4tre à Argenteuil les 25 et 26 Mai 2019

 

ArrivĂ© Ă  Argenteuil en 2007, j’avais entendu parler de ces journĂ©es portes ouvertes qui s’y dĂ©roulent une fois par an au Qu4tre, citĂ© des artistes. Mais je frĂ©quentais toujours un empĂȘchement ou un oubli. Ce 25 et 26 Mai 2019, je m’y suis enfin rendu avec mon appareil photo et ma fille, dans ce quartier d’Argenteuil appelĂ© le croissant ferrĂ©.

 

 

Deux parapluies, trois esprits assis sur une chaise et une bouteille d’eau m’ont accueilli prĂšs d’une premiĂšre oeuvre.

 

 

L’artiste Hopare scrutait l’horizon, guettant peut-ĂȘtre des lignes de pluie tandis que son oeuvre posait dans nos regards des grenades de pluie.

 

 

 

La découverte de ces anciens locaux de la SNCF pouvait commencer.

 

 

 

 

 

 

 

 

Les couleurs et l’espace, ces mĂ©taux rares et prĂ©sents dont les artistes scient les rythmes en s’appliquant Ă  les laisser vivants.

 

 

 

 

Au fond, Ă  droite, bras croisĂ©s, Samer Tarabichi, l’artiste peintre et sur sa gauche, une main sur l’escalier, l’artiste Fabrice Minel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il y’avait une animation particuliĂšre dans cette cour de rĂ©crĂ© particuliĂšre.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’entrĂ©e de l’exposition des oeuvres de Thibaut Dapoigny. Cela commençait par deux coccinelles, se poursuivait par d’autres animaux en moins favorable compagnie.

 

 

 

 

 

Cet interrupteur laissĂ© dans le champ de la photo est peut-ĂȘtre dĂ©placĂ©. Pour moi, il illustre bien l’Ă©clat de la vision de ce rhinocĂ©ros.

 

 

 

 

 

 

 

Si peu de distance entre ces muscles et cet oeil. Une telle puissance qu’elle concentre les siĂšcles par sillon. Ce que l’on voit, cet animal ou soi, est millĂ©naire et il suffit de ce regard pour s’en rappeler. Et l’on comprend que nous sommes face au sacrĂ©.

 

 

 

 

 

 

 

 

Thibaut Dapoigny m’a racontĂ© les 30 premiĂšres heures de travail Ă  partir d’une photo bien plus petite. Puis, le travail plus ou moins “balayĂ©” par la maladresse d’un autre nous-mĂȘme. Et les 30 autres heures de travail pour restituer le pourtour de l’oeil. Ensuite, il s’est fait Ă  son imagination. Son oeuvre s’Ă©tait vendue un peu plus tĂŽt dans la journĂ©e. 1200 euros. Je ne l’aurais peut-ĂȘtre pas achetĂ©e. Mais, Ă  dĂ©faut,  je lui ai demandĂ© de bien vouloir poser Ă  cĂŽtĂ© de sa crĂ©ation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette oeuvre ci-dessus et les deux précédentes sont de Laurence Louisfert.

 

 

 

Cette oeuvre ci-dessus est de Tom Lestienne. A cette Ă©poque, d’aprĂšs les couleurs, cela n’allait pas trĂšs bien dans sa vie Ă  ce qui nous a Ă©tĂ© dit.

 

 

 

Oeuvre de Tom Lestienne.

 

 

 

Oeuvres ci-dessus de Tom Lestienne.

 

 

 

Sezny Peron travaille l’ardoise.

 

 

 

 

 

 

Oeuvre ci-dessus de CĂ©cile Garaudel.

 

 

La journĂ©e portes ouvertes Ă©tait terminĂ©e ce samedi quand je me suis prĂ©sentĂ© devant les oeuvres de CĂ©cile Garaudel. Mais la porte Ă©tait encore ouverte et l’on m’a dit que je pouvais venir. Je suis entrĂ©, un peu mal Ă  l’aise bien que personne ne me manifeste une quelconque mauvaise humeur. Un certain nombre d’amis et d’invitĂ©s, de l’artiste vraisemblablement, discutaient, dĂ©contractĂ©s, devant apĂ©ritifs et boissons. Devant ces portraits pixelisĂ©s, j’Ă©tais si dĂ©concertĂ© que cela m’a amusĂ© de prendre cette photo avec ces jambes dans l’escalier. La mise en scĂšne me plaisait. Ainsi que les autres personnes Ă  l’arriĂšre-plan absolument pas au courant de ce qui venait de me passer par la tĂȘte.Puis, je suis parti rapidement. Comme un voleur. Par la suite, je me suis aperçu qu’en regardant ces portraits pixelisĂ©s d’un peu plus loin, et en prenant mon temps, cela donnait autre chose. Et j’aurais sans doute demandĂ© Ă  l’artiste comment elle avait obtenu ce rĂ©sultat.

 

 

 

 

 

 

 

 

L’artiste Hopare.

 

Fin de la premiĂšre partie.

 

Oeuvres de Alexandre Hopare; Samer Tarabichi; Fabrice Minel; Elizabeth Martin; Thibaut Dapoigny; Frédéric Jallot; Laurence Louisfert; Tom Lestienne; Sezny Peron; Cécile Garaudel;

 

Musique Ă©coutĂ©e pendant la sĂ©lection des photos : album ” Vazo” de Tao Ravao et Vincent Bucher en particulier les titres ” Mamy T”; ” Jamba”; ” Muddys Song”; ” Mellow Down Easy aka Ny Meva”.

Musique Ă©coutĂ©e pendant la mise en page de cet article : album ” Souldier” de Jain en particulier les titres ” On My Way”; ” Alright”; ” Oh Man”; ” Abu Dhabi”; ” Souldier”. Je n’aimais pas particuliĂšrement la musique de Jain jusqu’alors.

 

Texte ( quand il y’en a ) et photos : Franck Unimon, ce lundi 3 juin 2019.

 

 

 

 

 

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Dans la galerie de Michel

 

 

Dans la galerie de Michel

 

 

L’ami Michel Guillet tient sa galerie d’art, au 8 avenue Trudaine, depuis quarante ans. Ses clients, simples passants, viennent de partout. Des femmes et des hommes, un jour, trouvent leur  couleur et leur forme exposĂ©e dans une  peinture ou une sculpture.

 

 

Selon Michel, le regard, c’est le passĂ©. Cela pourrait parfois expliquer notre aveuglement devant le prĂ©sent. Ainsi que la raison pour laquelle certains voudraient punir l’art. Car un art armateur de notre passĂ© pourrait maintenir notre identitĂ© Ă  la surface. Tandis qu’un art en service commandĂ© la laisserait sombrer. Et un titre comme Until You Remember du groupe Tedeschi Trucks Band (album Revelator ) resterait maintenu sous les eaux par des commandos de la pensĂ©e.

 

 

Notre vie est faite de peintures fracassantes que quelques uns captivent pour quelques temps. Et celles-ci nous attendent dans une musique, quelques lettres, certaines images, parfois des moments ou des gestes dont nous sommes les aperçus.

 

 

Oeuvres des artistes AndrĂ© Laurenti, ITO GHO, CĂ©cile Orsoni, Shimon Palombo….

( Photos par Franck Unimon comme la plupart des photos de ce blog)

 

Franck Unimon, lundi 21 Mai 2019.

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Le Fait Eric

 

 

 

 

 

 

 

 

 

MĂšre normande, pĂšre malgache, il est d’abord parti de Caen. J’ai rencontrĂ© l’ami Eric Moscardo-Rabenja il y’a environ dix ans Ă  l’universitĂ© de Saint-Denis en banlieue parisienne.

Nous Ă©tions tous les deux acteurs dans un court-mĂ©trage rĂ©alisĂ© par des Ă©tudiantes en cinĂ©ma. Nous avons fait connaissance pendant que l’équipe technique procĂ©dait aux rĂ©glages ou que d’autres de nos partenaires tournaient. De contact facile, l’esprit Ă  la tĂȘte, la conversation avec Eric s’est aisĂ©ment faite.

Je suis souvent restĂ© perplexe devant la superficialitĂ© et l’infirmitĂ© des rapports entre les humains du milieu du thĂ©Ăątre, du cinĂ©ma mais aussi du journalisme cinĂ©ma qui peuvent pourtant se dĂ©vouer Ă  bien des Ɠuvres « gĂ©nĂ©reuses » et « humaines ».

Tout semble perpĂ©tuĂ© par une prise d’intĂ©rĂȘt immĂ©diate. A moins qu’il ne s’agisse de ces embarras communs, embruns qui nous dominent, lorsque l’on ne sait quoi dire Ă  un autre nous-mĂȘme. Ou de cette angoisse qui oblige. A faire du rendement et du recel de prĂ©sence plutĂŽt que des rencontres. Pour se prouver que l’on a bien travaillé ; que l’on a bien produit ; que l’on a Ă©tĂ© efficace ; que l’on a fait quelque chose de soi et de son temps.

On peut ĂȘtre dĂ©cisif en dĂ©posant que lorsqu’il est difficile de gagner sa vie- dans un milieu ultra-compĂ©titif- pour se nourrir et ĂȘtre reconnu Ă  la hauteur de son Ă©nergie, on n’a pas le temps pour jouer Ă  la balle au prisonnier, conter fleurette et faire du tricot.

Il est Ă©tonnant comme certaines personnes- mĂȘme dĂ©cĂ©dĂ©es- donnent encore l’impression de manquer de temps.

Le pire est que ce sous-dĂ©veloppement relationnel touche mĂȘme des univers professionnels supposĂ©s habilitĂ©s Ă  le traiter. Exemple : les techniques et dĂ©cisions gouvernementales et managĂ©riales dans les hĂŽpitaux et les lieux de soins.

Mais on peut aussi, bien-sûr, préférer évoquer pudiquement- et sincÚrement- le charme des       « affinités ».

 

Le sens de la droiture. Le fait d’avoir longtemps Ă©tĂ© un « artiste caché ».

 

Je crois avoir dĂ©celĂ© quelques affinitĂ©s entre Eric et moi. Pourtant, j’éviterai de trop le dĂ©shabiller. Car, mĂȘme si l’artiste, au moins, s’expose devant les autres, c’est souvent Ă  titre provisoire et partiel. Lors de certains moments prĂ©cis et identifiĂ©s par lui (ou elle) oĂč il ou elle est raccord pour se prĂ©senter autrement qu’à l’accoutumĂ©e.

Cela peut peut-ĂȘtre se comparer, jusqu’à un certain point, Ă  une forme d’envoutement, oĂč l’on fait refluer vers soi et en soi, toutes ces vies dĂ©nombrĂ©es, retenues, saisies, claquemurĂ©es, ignorĂ©es, confiĂ©es et aperçues dont on hĂ©rite et que l’on restitue – par parcelles- sur la scĂšne. Vies qu’on oublie ou que l’on oubliera une fois la scĂšne ou le plateau de tournage Ă©teints alors qu’elles auront entretemps Ă©treint d’autres mĂ©moires avant que l’on s’en retourne Ă  notre ordinaire.

 

Je suis peut-ĂȘtre sous l’influence de mes Ă©lucubrations, Ă©lĂ©ments variables de mes bizarreries et autres dĂ©rangements.

 

Eric est nĂ© le 3 octobre. Je suis nĂ© le 2. On peut donc dire que l’on se suit.

Lors de notre derniĂšre rencontre, il Ă©tait trĂšs amusant de voir comme, Ă  tour de rĂŽle, chacun voyait dans le parcours de l’autre, une inspiration possible pour Ă©crire une histoire ou un scĂ©nario de court-mĂ©trage.

AprĂšs avoir travaillĂ© une vingtaine d’annĂ©es dans les AĂ©roports de Paris, depuis trois ou quatre ans, Eric est devenu un artiste Ă  temps complet. Il a Ă©crit un premier One Man Show qu’il a jouĂ© Ă  Paris et Ă  Madagascar. Il continue de se former au jeu d’acteur et Ă  l’écriture de projet. Il participe Ă  des tournages. Il joue au thĂ©Ăątre. Il a un agent.

 

Lorsque j’avais reçu le dvd du court-mĂ©trage oĂč nous avions jouĂ© ensemble, je l’avais trouvĂ© meilleur acteur que moi. Je me souviens encore du passage oĂč, face camĂ©ra, il balance :

« J’t’ai toujours dit que je voulais pas d’une bande de chiards ! ».

 

 

Franck, ce vendredi 14 décembre 2018.