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Croisements/ Interviews

Le Fait Eric

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mère normande, père malgache, il est d’abord parti de Caen. J’ai rencontré l’ami Eric Moscardo-Rabenja il y’a environ dix ans à l’université de Saint-Denis en banlieue parisienne.

Nous étions tous les deux acteurs dans un court-métrage réalisé par des étudiantes en cinéma. Nous avons fait connaissance pendant que l’équipe technique procédait aux réglages ou que d’autres de nos partenaires tournaient. De contact facile, l’esprit à la tête, la conversation avec Eric s’est aisément faite.

Je suis souvent resté perplexe devant la superficialité et l’infirmité des rapports entre les humains du milieu du théâtre, du cinéma mais aussi du journalisme cinéma qui peuvent pourtant se dévouer à bien des œuvres « généreuses » et « humaines ».

Tout semble perpétué par une prise d’intérêt immédiate. A moins qu’il ne s’agisse de ces embarras communs, embruns qui nous dominent, lorsque l’on ne sait quoi dire à un autre nous-même. Ou de cette angoisse qui oblige. A faire du rendement et du recel de présence plutôt que des rencontres. Pour se prouver que l’on a bien travaillé ; que l’on a bien produit ; que l’on a été efficace ; que l’on a fait quelque chose de soi et de son temps.

On peut être décisif en déposant que lorsqu’il est difficile de gagner sa vie- dans un milieu ultra-compétitif- pour se nourrir et être reconnu à la hauteur de son énergie, on n’a pas le temps pour jouer à la balle au prisonnier, conter fleurette et faire du tricot.

Il est étonnant comme certaines personnes- même décédées- donnent encore l’impression de manquer de temps.

Le pire est que ce sous-développement relationnel touche même des univers professionnels supposés habilités à le traiter. Exemple : les techniques et décisions gouvernementales et managériales dans les hôpitaux et les lieux de soins.

Mais on peut aussi, bien-sûr, préférer évoquer pudiquement- et sincèrement- le charme des       « affinités ».

 

Le sens de la droiture. Le fait d’avoir longtemps été un « artiste caché ».

 

Je crois avoir décelé quelques affinités entre Eric et moi. Pourtant, j’éviterai de trop le déshabiller. Car, même si l’artiste, au moins, s’expose devant les autres, c’est souvent à titre provisoire et partiel. Lors de certains moments précis et identifiés par lui (ou elle) où il ou elle est raccord pour se présenter autrement qu’à l’accoutumée.

Cela peut peut-être se comparer, jusqu’à un certain point, à une forme d’envoutement, où l’on fait refluer vers soi et en soi, toutes ces vies dénombrées, retenues, saisies, claquemurées, ignorées, confiées et aperçues dont on hérite et que l’on restitue – par parcelles- sur la scène. Vies qu’on oublie ou que l’on oubliera une fois la scène ou le plateau de tournage éteints alors qu’elles auront entretemps étreint d’autres mémoires avant que l’on s’en retourne à notre ordinaire.

 

Je suis peut-être sous l’influence de mes élucubrations, éléments variables de mes bizarreries et autres dérangements.

 

Eric est né le 3 octobre. Je suis né le 2. On peut donc dire que l’on se suit.

Lors de notre dernière rencontre, il était très amusant de voir comme, à tour de rôle, chacun voyait dans le parcours de l’autre, une inspiration possible pour écrire une histoire ou un scénario de court-métrage.

Après avoir travaillé une vingtaine d’années dans les Aéroports de Paris, depuis trois ou quatre ans, Eric est devenu un artiste à temps complet. Il a écrit un premier One Man Show qu’il a joué à Paris et à Madagascar. Il continue de se former au jeu d’acteur et à l’écriture de projet. Il participe à des tournages. Il joue au théâtre. Il a un agent.

 

Lorsque j’avais reçu le dvd du court-métrage où nous avions joué ensemble, je l’avais trouvé meilleur acteur que moi. Je me souviens encore du passage où, face caméra, il balance :

« J’t’ai toujours dit que je voulais pas d’une bande de chiards ! ».

 

 

Franck, ce vendredi 14 décembre 2018.

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