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Plus rien ne pourra me blesser un livre de David Goggins

Plus rien ne pourra me blesser un livre de David Goggins.

 

« Tu as des drĂŽles de lectures
. Â».

 

Dans le nouveau service oĂč je travaille depuis le dĂ©but de l’annĂ©e, les toilettes sont un des endroits oĂč l’on y croise ses collĂšgues bien plus souvent que devant la machine Ă  cafĂ© ou dans les vestiaires.

C’est la premiùre fois que cela m’arrive.

En passant par les toilettes, on quitte pour quelques secondes ou quelques minutes, cette sorte d’open space oĂč nous pouvons ĂȘtre trente ou quarante, ou davantage, Ă  travailler dans notre coin, Ă  discuter avec certains de nos collĂšgues les plus proches, Ă  Ă©couter ce que rĂ©pondent les autres et Ă  nous figurer la situation qu’ils rencontrent comme Ă  nous concentrer sur les appels que nous recevons nous-mĂȘmes. En restant dans la quĂȘte de prendre la meilleure dĂ©cision possible selon le caractĂšre d’urgence.

Peu de personnes mentent lorsqu’elles se rendent aux toilettes ou quand elles en sortent. Et nous ne mentons pas davantage lorsque nous recevons des appels. Mais les toilettes, c’est une sorte de sas – et pas seulement du fait de la chasse d’eau- oĂč les menottes de l’urgence mĂ©dicale ou psychiatrique nous sont retirĂ©es pour ĂȘtre remplacĂ©es par celles de certaines nĂ©cessitĂ©s physiologiques bien connues de tous, petits et grands.

Durant la poignĂ©e de secondes oĂč l’on se croise aprĂšs un passage devant le lavabo et les miroirs, on peut bien-sĂ»r y Ă©changer des banalitĂ©s, un sourire, de l’embarras. Mais de brĂšves confidences peuvent aussi venir s’ajouter Ă  celles que l’on a laissĂ©es derriĂšre soi dans notre plus stricte intimitĂ©.

On peut aussi malgrĂ© soi laisser des indices. Tel ce livre de Laurence Beneux, Brigade d’intervention, que j’avais emmenĂ© avec moi dans les toilettes non pour l’y lire en cachette, il est possible de lire entre les appels, mais parce-que je revenais de ma pause dans un bureau en accord avec mon collĂšgue direct ce jour-lĂ .

Ce collĂšgue qui a trouvĂ© « drĂŽle Â» ma lecture, je peux le comprendre. Nous travaillons Ă  des postes diffĂ©rents lui et moi. Et, la derniĂšre fois- et premiĂšre fois Ă  ce jour- que nous avions eu une conversation personnelle, c’était quelques jours plus tĂŽt, lors de l’anniversaire d’un autre de nos collĂšgues. Il m’avait racontĂ© un peu sa vie professionnelle d’avant, dans la pub, lorsqu’il existait encore de la vraie pub m’avait-il expliquĂ© et qu’il s’épanouissait dans sa partie crĂ©ative. Jusqu’à ce qu’il dĂ©cide de se mettre Ă  son compte et que la pandĂ©mie du Covid n’arrive, le contraignant Ă  se reconvertir dans ce nouveau mĂ©tier qui nous a fait nous rencontrer.

 

A partir de lĂ , il est facile de comprendre que, pour lui, tomber sur ce genre d’ouvrage est dĂ©concertant. Il existe un monde entre une fĂȘte anniversaire durant laquelle on a pu entendre des tubes du Top 50 des annĂ©es 80 telles que Banana split et subitement ce titre :

Brigade d’intervention.

Pourtant, ce livre, pour moi, Ă©tait dans la continuitĂ© de celui que j’avais terminĂ© quelques jours auparavant, Plus rien ne pourra me blesser de David Goggins, ancien Navy seal et athlĂšte rompu aux Ă©preuves d’endurance extrĂȘmes. Sans compter que je n’ai pas abordĂ© avec mon collĂšgue ou d’autres personnes mon intĂ©rĂȘt pour l’évĂ©nement Survival Expo auquel  je m’étais rendu en juin dernier au parc floral de Vincennes sans avoir encore pris le temps d’en parler dans mon blog. J’ai par ailleurs appris rĂ©cemment l’annulation de l’édition de Survival Expo prĂ©vue Ă  Lyon cette annĂ©e pour cause de Jeux Olympiques en France :

L’organisation des Jeux Olympiques en France a tellement fait monter les prix de diverses prestations que cela n’était pas soutenable Ă©conomiquement pour la survival expo.

« Verser Â» plus ou moins dans le survivalisme comme dans la lecture d’ouvrages relatifs Ă  l’armĂ©e, Ă  la brigade d’intervention, Ă  la police, Ă  toutes sortes de corps d’Etats d’interventions, Ă  la criminologie, aux sports de combat et aux Arts martiaux pourrait suffire Ă  me portraiturer comme un dangereux extrĂ©miste ou un illuminĂ©. Pourtant, il est d’autres aspects de l’existence dont je me prĂ©occupe et dont j’aime(rais) aussi rendre compte. Sauf que mon temps est limitĂ©. La preuve :

Nous sommes Ă  la fin de ce mois de fĂ©vrier et je n’ai ou n’avais encore rien publiĂ© ce mois-ci dans mon blog. MalgrĂ© divers sujets en tĂȘte dont, par exemple, ma visite de la Tour Eiffel en ce dĂ©but d’annĂ©e. Ou les films L’Empire de Bruno Dumont et Dune 2Ăšme partie de Denis Villeneuve, sorti aujourd’hui, et que je suis allĂ© voir ce matin dĂšs la premiĂšre sĂ©ance de 9 heures.

J’aurais aussi voulu parler un peu plus de mon sĂ©jour de quelques jours en Guadeloupe Ă  la fin de l’annĂ©e derniĂšre mais aussi de mes prĂ©paratifs pour mon sĂ©jour au Japon cet Ă©tĂ© en profitant de la proposition de LĂ©o Tamaki, expert en AĂŻkido, de nous faire dĂ©couvrir le Japon tant au travers de certains des Maitres d’Arts martiaux qu’il va nous permettre de rencontrer comme de certains endroits du Japon. Mais je dois me contenter de faire allusion Ă  ces projets afin de faire mon possible pour rĂ©ussir au mieux cet article qui, je crois, justifie une certaine attention.

Ce soir, pour mieux faire comprendre mon intĂ©rĂȘt pour des livres comme celui de David Goggins, je crois utile de prĂ©ciser ou de rappeler que dĂšs lors qu’une personne, femme ou homme, est attachĂ©e Ă  une pratique sportive assidue, que ce soit du fait de son mode de vie, de son Ă©ducation, de ses valeurs ou par recherche de la compĂ©tition, qu’elle trouvera dans ce genre d’ouvrages des indications, un Ă©tat d’esprit ou des exemples qui lui parleront.

On l’oublie souvent mais l’une des particularitĂ©s de la pratique sportive, c’est de nous permettre de dĂ©velopper des capacitĂ©s d’adaptation Ă  notre environnement. Ne serait-ce que d’un point de vue topographique.

Parce-que nous sommes devenus majoritairement des citadins et que nous bénéficions plutÎt facilement de moyens de transports développés ou de véhicules nous permettant de nous déplacer, nous sommes devenus quelque peu amnésiques, fainéants ou ignorants concernant ce genre de faits. Des faits pas si lointains pourtant.

 

Il y a quelques jours, je suis retombĂ© sur des notes que j’avais prises en lisant un ouvrage consacrĂ© au sport. Il y Ă©tait rappelĂ© que dans la premiĂšre moitiĂ© du vingtiĂšme siĂšcle, en athlĂ©tisme, la Finlande, avec des champions comme Lasse Viren, dominait les courses de demi-fond et de fond mondial. Mais Ă  cette Ă©poque, la Finlande Ă©tait
 un pays pauvre et principalement
rural.

Aujourd’hui, lorsque l’on constate que les coureurs Kenyans sont souvent les premiers des marathons, on oublie assez rĂ©guliĂšrement de souligner que ce sont souvent des coureurs d’origine sociale modeste qui sont capables et prĂȘts Ă  s’entrainer- dur- plusieurs fois par jour pour ĂȘtre les meilleurs.

A mon niveau, j’ai su que mes deux grands pĂšres avaient beaucoup marchĂ© pour se dĂ©placer. Ma mĂšre m’a beaucoup fait marcher, petit. Et, elle marchait vite.

A la fin de l’annĂ©e derniĂšre, dans notre appartement, nous avons eu la mauvaise surprise de dĂ©couvrir des souris. C’était la premiĂšre fois que cela nous arrivait et cela nous a quelque peu dĂ©stabilisĂ© voire angoissĂ©. Des souris ! Ces petits animaux qui, si nous avions toujours vĂ©cu Ă  la campagne, auraient Ă©tĂ© pour nous des banalitĂ©s voire les terrains de jeux de nos pulsions sadiques primaires ou infantiles. Lorsque l’on commence Ă  se rappeler qu’il existe des « tonnes Â» de rats vivants dans nos Ă©goĂ»ts, on peut sourire de cette inquiĂ©tude qu’ont pu susciter quelques souris.

`Enfin, il y a quelques jours, j’ai eu Ă  connaĂźtre une courte panne d’électricitĂ© rapidement rĂ©solue au bout de quelques heures. LĂ , aussi, l’habitude, le fait d’ĂȘtre installĂ© dans un certain confort m’avait donnĂ© l’illusion que tout cela Ă©tait dĂ» et immuable Ă©tant donnĂ© que je paie mes factures.

Nous sommes nombreux à connaütre ou à avoir connu ce genre d’anecdotes.

Cependant, nous vivons en grande majoritĂ© dans nos repaires intĂ©rieurs en nous reposant rĂ©guliĂšrement et constamment sur un socle d’illusions et d’habitudes nous concernant mais aussi Ă  propos de notre environnement ou de notre entourage. Nous pensons que dans telle situation, nous ferions ceci, nous ferions cela. Nous pensons que ce que nous vivons est acquis alors que cela l’est beaucoup moins ou peut l’ĂȘtre beaucoup moins que prĂ©vu. Et lorsque arrive la confrontation avec le rĂ©el, certaines nouvelles ou certaines situations imprĂ©vues qui durent plus ou moins, qui sont plus ou moins difficiles ou inconfortables, subitement, nous sommes moins beaux Ă  voir et Ă  entendre. Nous  peinons Ă  adopter la bonne action ou la bonne dĂ©cision.

Chacune et chacun s’arrange ensuite comme elle/il le peut avec ce genre de moment dĂ©sagrĂ©able oĂč il a Ă  se voir moins valeureuse et moins valeureux ou simplement moins bien inspirĂ© (e) qu’elle ou qu’il le croyait.

Je n’ai pas oubliĂ©, quelques mois aprĂšs les attentats terroristes que nous avions connus Ă  partir de 2015, comment, dans une rame de mĂ©tro remplie, personne n’avait rĂ©agi en plein Paris lorsqu’une jeune femme s’était faite aborder de maniĂšre plus insistante et dĂ©placĂ©e que vĂ©ritablement dangereuse par un grand gaillard, assez bien constituĂ©, mais aussi alcoolisĂ© (l’homme avait une canette ou une bouteille de biĂšre Ă  la main).

Personne n’avait rĂ©agi Ă  part un homme et moi. Cet homme qui avait rĂ©agi avec moi Ă©tait plutĂŽt du genre quelconque d’un point de vue physique et, Ă  ce que j’ai vu, trĂšs peu portĂ© sur la bagarre. Et, moi, je ne suis pas un soldat. Je fais de mon mieux et j’essaie de faire de mon mieux.

David Goggins, lui, c’est un guerrier. Du genre frontal, militaire. Tout n’est pas beau chez lui. J’ai tendance à croire que l’on aurait pu aussi bien donner comme titre à son livre Plus rien ne pourra m’angoisser. Je le perçois aussi egocentrique, psychorigide, assez masochiste, vraisemblablement nationaliste.

Je pense qu’en tant que pĂšre, il a complĂštement ratĂ© ou nĂ©gligĂ© ce qu’il a pu rĂ©ussir ailleurs. Et qu’en tant que fils, il a finalement Ă©tĂ© au-delĂ  de ce que son pĂšre, dont il s’est Ă©loignĂ©, a pu souhaiter ( «  Je ne veux pas que vous deveniez des fiottes ! Â»). Je trouve aussi qu’il y a une absurditĂ© et une tristesse dans le fait qu’il puisse ĂȘtre aussi populaire de par ses exploits sportifs et ses interventions mĂ©diatisĂ©es et sa vie solitaire.

 Mais je crois aussi que quelqu’un comme moi peut apprendre quelque chose de ce genre de personne. En filtrant bien-sĂ»r. En prenant ce que je peux.

Et, c’est ce qui m’a amenĂ© Ă  lire ce livre sur lequel je suis tombĂ© « par hasard Â», alors que j’étais entrĂ© avec ma fille dans une librairie du 7 Ăšme arrondissement que je ne connaissais pas, afin, au dĂ©part, de lui acheter des livres pour l’école. Jusqu’à ce que je voie le livre de Goggins, lĂ , Ă  l’entrĂ©e, plutĂŽt bien en Ă©vidence parmi d’autres ouvrages.

La librairie oĂč j’ai achetĂ© le livre de Goggins n’a rien de militaire. Si la station de mĂ©tro Ecole Militaire se trouve Ă  une bonne dizaine de minutes Ă  pied, les personnes que j’ai croisĂ©es ce jour-lĂ  que ce soit dans la librairie ou dans les rues m’ont plutĂŽt fait l’effet de bobos ou de bourgeois parisiens d’un Ăąge certain ou adulte. Et, rien de particulier chez eux m’a fait penser qu’ils pouvaient avoir la rage ou l’envie de s’engager dans la lĂ©gion Ă©trangĂšre. Ça, ce seraient plutĂŽt les muses de Goggins, ancien enfant maltraitĂ© par son pĂšre, ancien obĂšse, ancien Ă©lĂšve en Ă©chec scolaire et noir victime du racisme aux Etats-Unis. Mais aussi ancien pauvre ou presque pauvre mais aussi ancien employĂ© affectĂ© Ă  la tĂąche qui consistait Ă  tuer -la nuit- des cafards dans les lieux de restauration.

J’ai aimĂ© que dans son livre, Goggins, relate aussi certains de ses Ă©checs. S’il Ă©lude la raison de son Ă©chec conjugal avec sa compagne Kate ( qu’il ne cite mĂȘme pas Ă  la fin du livre dans ses remerciements ! ) qui l’a pourtant soutenu et souligne l’importance de la prĂ©sence et du soutien de sa mĂšre, et de quelques autres ( pas nombreux), il raconte aussi comment certains de ses excĂšs lui ont nui. En particulier Ă  propos de sa carriĂšre militaire. Mais aussi Ă  propos de sa santĂ©.

Pour le reste, ce sont ses propos qui sont les plus Ă©loquents et qu’il faut prendre, bien-sĂ»r, comme on le peut, c’est-Ă -dire, en tenant compte de nos propres limites. Goggins n’a pas de vie de famille Ă  proprement parler lorsqu’il s’exprime et il partait de tellement loin qu’il n’avait en quelque sorte plus rien Ă  perdre. Et, rappelons-nous, aussi, que Goggins est AmĂ©ricain et que cela peut expliquer, aussi, en partie, ce cĂŽtĂ© « Tout ou rien Â» puisqu’aux Etats-Unis, il n’y a pas l’équivalent de la sĂ©curitĂ© sociale que nous avons encore en France.

Voici quelques extraits du livre de David Goggins, Plus rien ne pourra me blesser :

« Vous courez le risque de mener une vie si confortable et si ramollie que vous allez mourir sans avoir jamais atteint votre plein potentiel Â».

« Ne vous arrĂȘtez pas quand vous serez fatiguĂ©. ArrĂȘtez-vous quand vous aurez fini Â».

 Â« Tout le monde connaĂźt son lot d’échecs et la vie n’est vraiment pas censĂ©e ĂȘtre juste, encore moins se plier Ă  chacune de vos lubies.

La chance est une chose capricieuse. Elle n’ira pas toujours dans votre sens, alors ne vous laissez pas piĂ©ger par l’idĂ©e selon laquelle vous mĂ©riteriez d’avoir de la chance au simple motif que vous avez imaginĂ© la faisabilitĂ© de quelque chose. La propension Ă  croire que quelque chose vous est dĂ» est un handicap. DĂ©barrassez-vous en. Ne vous focalisez pas sur ce que vous pensez mĂ©riter. Attaquez-vous Ă  ce que vous avez la volontĂ© de conquĂ©rir ! Â».

« (
.)je me pris aussi en pleine gueule pas mal de remarques nĂ©gatives(
.). Cependant, tout cela n’avait rien de bien nouveau. A-t’on jamais rĂȘvĂ© de quelque chose pour soi sans que des amis, des collĂšgues ou la famille ne viennent tout remettre en question ? Nous sommes en gĂ©nĂ©ral motivĂ©s Ă  l’extrĂȘme pour faire l’impossible afin de rĂ©aliser nos rĂȘves, jusqu’à ce que notre entourage nous mette en garde contre les dangers, les inconvĂ©nients ou nos limites en nous rappelant tous ceux qui, avant nous, ont Ă©chouĂ© dans leur quĂȘte. Ces conseils viennent parfois de personnes bien intentionnĂ©es. Elles pensent sincĂšrement agir pour votre bien, mais si vous les laissez faire, ces mĂȘmes personnes finiront par vous faire renoncer Ă  vos rĂȘves- aidĂ©es en cela par votre rĂ©gulateur Â».

 

« (

) PrĂ©parez-vous !

Nous savons que la vie peut ĂȘtre dure, et pourtant nous nous apitoyons sur notre sort quand elle s’avĂšre injuste. A partir de maintenant, acceptez les rĂšgles qui suivent comme Ă©tant les lois de la nature selon Goggins :

On se moquera de vous.

Vous serez inquiet.

Vous ne serez sans doute pas le meilleur tout le temps.

Vous pourrez ĂȘtre le seul, ou la seule, Ă  ĂȘtre noir, blanc, asiatique, latino, femme, homme, gay, lesbienne ou  (indiquez ici votre identitĂ©) dans une situation donnĂ©e.

Il y aura des moments oĂč vous vous sentirez trĂšs seul.

Passez outre ! Â».

« Notre esprit est sacrĂ©ment puissant. C’est mĂȘme notre arme la plus puissante, mais nous avons cessĂ© de l’utiliser. Nous avons accĂšs Ă  plus de ressources aujourd’hui que nous n’en n’avons jamais eues, et pourtant nous nous rĂ©vĂ©lons moins capables que tous ceux qui nous ont prĂ©cĂ©dĂ©s. Si vous voulez ĂȘtre l’un des rares Ă  contrarier cette tendance au sein de notre sociĂ©tĂ© ramollie, il faudra que vous partiez en guerre contre vous-mĂȘme et que vous vous façonniez une nouvelle identitĂ©, ce qui nĂ©cessite une ouverture d’esprit. C’est bizarre, mais ĂȘtre ouvert d’esprit est souvent associĂ© avec le fait d’ĂȘtre « New Age Â» ou mou. Qu’ils aillent se faire foutre. Etre suffisamment ouvert d’esprit pour trouver la bonne solution n’a rien de nouveau. C’est ce que faisaient les hommes prĂ©historiques. Et c’est exactement ce que je fis (
) Â».

 

Un article de Franck Unimon/ Balistiqueduquotidien, ce mercredi 28 février 202

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L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail

L’Amour sous algorithme, un livre de Judith Duportail.

 

 

AppĂąt ou Ă©tat, son apparition change la donne. Seconde peau de premiĂšre main, l’Amour est une assez vieille croyance que, quel que soit l’ñge, un jour, beaucoup mangent.

 

La journaliste indĂ©pendante Judith Duportail a 28 ans lorsqu’elle tĂ©lĂ©charge en 2014 l’application de rencontres Tinder. On apprend dans son livre que cette application, disponible en France en 2013, a Ă©tĂ© cofondĂ©e par Sean Rad – qui voulait ĂȘtre acteur initialement- en 2012 aux Etats Unis.

 

Judith Duportail est une jeune parisienne qui, lorsqu’elle Ă©crit ce livre, pourrait ĂȘtre dĂ©crite comme « Ă©mancipĂ©e Â», urbaine, Ă©duquĂ©e (un niveau d’études plutĂŽt Ă©levĂ©, Anglais courant) et pourvue d’humour.

 

Sur le papier, Judith Duportail est une personne suffisamment armĂ©e pour ĂȘtre aimĂ©e.

 

Cela pourra Ă©tonner de voir rapprochĂ©, ici, le terme « arme Â» de celui qui consiste Ă  trouver ou Ă  ĂȘtre trouvĂ© par l’ñme sƓur
 mais lorsqu’il s’agit de sĂ©duire la personne qui s’aventure Ă  nous plaire, un simple sourire pour elle  est dĂ©jĂ  une tentative de capture. MĂȘme si sourire n’empĂȘche pas la rupture. Hollie Cook hante cette vĂ©ritĂ© dans son titre 99 :

 

« Please, don’t give me your smile I Adore cause I can’t touch you no more
. Â» (« Je t’en supplie, ne m’adresse plus ce sourire que j’adore car je ne peux plus me rapprocher de  toi Â»).

 

 

Hollie Cook passe cette semaine en concert au Trabendo ce vendredi 28 octobre. Il est possible que j’aille la voir.

 

Le fait que L’Amour sous algorithme ait Ă©tĂ© Ă©crit par une femme (apparemment en 2019) et ait Ă©tĂ© citĂ© par d’autres femmes (Mona Chollet et Victoire Tuaillon) prĂ©occupĂ©es Ă©galement par les relations amoureuses entre les ĂȘtres humains a son importance. Car officiellement, les hommes hĂ©tĂ©rosexuels sont des larves de l’Amour.

Et, en tant que larves des sentiments et de l’engagement, ils font beaucoup souffrir les femmes qui sont des ĂȘtres beaucoup plus Ă©voluĂ©s en matiĂšre d’engagement et de sentiment. Je l’écris ici avec un peu de provocation misogyne. Mais je rĂ©sume aussi, je crois, une partie du sujet principal. Parce qu’il y a l’algorithme.  Puis il y a celles et ceux qui l’utilisent et qui sont, en principe, tous, des ĂȘtres responsables.

 

Une Digital Native

 

La spĂ©cificitĂ© de Judith Duportail, qui a Ă©crit L’Amour sous algorithme est d’ĂȘtre, sans doute comme Victoire Tuaillon (conceptrice du podcast et auteure du livre Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. PremiĂšres partiesLes Couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. 2Ăšme partie. Ego Trip.) qui a Ă  peu prĂšs le mĂȘme Ăąge, ce que l’on appelle une Digital Native.

 

Soit une personne nĂ©e Ă  partir des annĂ©es 80 et trĂšs tĂŽt familiarisĂ©e avec les environnements numĂ©riques et qui, par consĂ©quent, peut ĂȘtre quotidiennement rivĂ©e Ă  un Ă©cran d’ordinateur, de tablette numĂ©rique, de smartphone ou attachĂ©e Ă  une console de jeux donnant gĂ©nĂ©ralement accĂšs Ă  internet avec un dĂ©bit illimitĂ©.

 

Pour une personne Digital Native, télécharger une application telle que Tinder pour faire des rencontres fait partie du décor de son quotidien. Mais cela fait aussi partie de la norme sociale.

Paris, Place de la Concorde. DĂ©but octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

L’Aprùs Meetic

 

Lorsque le site de rencontres Meetic fut crĂ©Ă© en 2001, cela fut davantage un Ă©vĂ©nement d’un point de vue sociĂ©tal que de s’y inscrire. Car c’était nouveau de s’y prendre de cette maniĂšre pour faire des rencontres. C’était plutĂŽt une pratique secrĂšte et honteuse. Il pouvait ĂȘtre plus facile de s’afficher comme une personne cĂ©libataire dans la vie ordinaire que de raconter que l’on avait passĂ© plusieurs heures de sa journĂ©e ou de sa nuit Ă  Ă©cluser un site de rencontres.

 

Dans les annĂ©es 2000, le site Meetic Ă©tait le site de rencontres dont on parlait le plus. Le site existe toujours et serait toujours un site de rencontres qui compte. Sauf que, depuis 2001, les sites de rencontres, les rĂ©seaux sociaux, la technologie informatique mais aussi la tĂ©lĂ©phonie mobile se sont beaucoup dĂ©veloppĂ©s et ont transformĂ© la façon de se rencontrer mais aussi d’interagir avec les autres tant d’un point vue professionnel, administratif, Ă©conomique, amical qu’amoureux. En 2001, par exemple, il Ă©tait impossible de consulter son compte bancaire sur son smartphone. Et, il Ă©tait plutĂŽt rare d’organiser des rĂ©unions ou des « rencontres Â» Ă  distance sur Skype.

 

Judith Duportail, amatrice de Tinder

 

 

Judith Duportail, nĂ©e en 1986, Digital Native, a voulu en savoir plus sur ce qu’il y avait dans le ventre de l’application Tinder qui a le pouvoir de retourner les tripes de ses usagers. CĂ©libataire et en perte d’amour lorsqu’elle tĂ©lĂ©charge l’application Tinder, elle a ce rĂ©flexe Ă  la fois fĂ©ministe, personnel mais aussi journalistique.

 

Quand paraĂźt son livre, nous sommes aussi dans l’ùre des « lanceurs d’alerte Â». Et, Judith Duportail a sans aucun doute eu connaissance de l’affaire mondialement mĂ©diatisĂ©e en 2013 de l’AmĂ©ricain Edward Snowden (son aĂźnĂ© de 3 ans) ou de l’affaire Wikileaks, d’abord, en 2006 avec Julian Assange.

 

Des « affaires Â» comme l’affaire Wikileaks et l’affaire Snowden mais aussi des Ɠuvres cinĂ©matographiques comme Matrix ( rĂ©alisĂ© en 1999) qui ont eu des retentissements mĂ©diatiques mondiaux auront dĂ©montrĂ© que le monde numĂ©rique a non seulement des failles mais peut aussi servir des intentions malveillantes.

 

Une personne Digitale Native un peu soucieuse et critique vis Ă  vis de cet environnement numĂ©rique qui lui est aussi familier que peut l’ĂȘtre une forĂȘt pour un garde champĂȘtre, peut avoir Ă  cƓur de mieux connaĂźtre ce site de rencontres Ă  qui elle confie sa vie sentimentale mais aussi son avenir. Mais aussi disposer de suffisamment de compĂ©tences et de culture technique pour mieux comprendre comment cette entreprise numĂ©rique et commerciale marche.

 

En plus de ces compĂ©tences et de cette culture numĂ©rique, Judith Duportail, devenue journaliste indĂ©pendante aprĂšs avoir travaillĂ© pour Le Figaro, fait aussi montre d’une grande crĂ©ativitĂ© tant relationnelle que journalistique pour rencontrer certains reprĂ©sentants de Tinder France. Elle  rĂ©ussira mĂȘme Ă  obtenir une interview-prĂ©-programmĂ©e- mĂȘme le cofondateur de Tinder, Sean Rad, qui est encore alors le PDG de Tinder.  Mais aussi de Whitney Wolfe, ex-cofondatrice de Tinder. Celle qui, «  a eu l’idĂ©e d’appeler l’application Tinder, qui se traduirait par « allume-feu Â» en Français Â». (L’Amour sous algorithme, page 183).

 

Judith Duportail nous apprend que Whitney Wolfe, aprĂšs avoir dĂ» quitter Tinder a crĂ©Ă© Bumble «  une application de rencontre qui se prĂ©sente comme fĂ©ministe. Avec ses 36 millions d’utilisateurs, l’appli est maintenant le principal concurrent de Tinder, et le groupe Match cherche Ă  la racheter. Sur Bumble, ce sont les femmes seulement qui peuvent prendre l’initiative d’engager la conversation avec les hommes Â». ( page 181, de L’Amour sous algorithme).

 

La salle ovale de la BibliothĂšque Nationale Richelieu, octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

Le rĂȘve sous algorithme

 

 

Si Duportail nous parle de Tinder et de la façon dont ce site de rencontres peut collecter une quantitĂ© invraisemblable d’informations personnelles de ses usagers, puis les revendre Ă  d’autres entreprises, on comprend ( ou l’auteure nous l’explique) que cette « mĂ©thode Â» de siphonage des informations personnelles est aussi utilisĂ©e par un certain nombre des sites de rencontres et des rĂ©seaux sociaux qu’il est dĂ©sormais courant d’utiliser quel que soit notre Ăąge, notre sexualitĂ©, notre poids, notre religion, notre catĂ©gorie socio-professionnelle ou nos origines.

 

Le titre du livre de Judith Duportail s’appelle L’Amour sous algorithme mais il aurait pu aussi s’intituler Le rĂȘve sous algorithme. Et le mot « algorithme Â» peut bien des fois se faire remplacer par le mot « cloche Â».

 

Car l’auteure nous dĂ©montre comment sur Tinder, qui se veut dĂ©mocratique,  les rencontres sont orientĂ©es et quadrillĂ©es selon les rĂ©sultats de certains « Ă©changes Â» entre usagers mais aussi selon certaines valeurs plutĂŽt
conventionnelles.

MalgrĂ© la prĂ©sentation « jeune Â» et « dĂ©contractĂ©e Â» affichĂ©e par les reprĂ©sentants et le discours de la « boite Â» Tinder, les entrailles des algorithmes, lorsque passĂ©es au scalpel de l’enquĂȘte de Duportail se montrent beaucoup moins novatrices.

 

Lorsque l’auteure questionne Sean Rad, alors PDG de Tinder, quant Ă  la tendance consumĂ©riste des rencontres sur le site d’applications, celui-ci rĂ©pond que beaucoup de personnes leur Ă©crivent pour les remercier de leur avoir permis de trouver leur bonheur sur Tinder. Ce genre d’histoires existe bien-sĂ»r. Mais pas pour d’autres et, cela, dans une proportion difficile Ă  dĂ©finir. Car des millions d’usagers persistent Ă  se connecter telles des souris de laboratoire enfermĂ©es dans une cage- ou sous une cloche- qui continuent de faire tourner la mĂȘme roue qui est la route du cash pour un site comme Tinder.

 

« Chaque jour, se produisent 2 milliards de matchs sur Tinder. L’application, prĂ©sente dans 190 pays revendique ĂȘtre Ă  la base d’un million de dates par semaine. Un million ! Le succĂšs de Tinder est indĂ©niable. C’est un outil incroyable Â». ( page 219 de L’Amour sous algorithme ).

 

L’addiction à la connexion

 

 

 

Dans L’Amour sous algorithme, Duportail nous parle de l’addiction Ă  la connexion au site qu’elle compare entre-autres Ă  celle des joueurs de casino. TrĂšs vite, elle nous a parlĂ©, lors de ses dĂ©buts sur Tinder, du fait que son ego a pu ĂȘtre rapidement boostĂ© Ă  recevoir un certain nombre de matches. Avant ensuite de dĂ©chanter devant ce besoin recomposĂ© de recevoir de nouveaux shoots de matches mais aussi devant la dĂ©sillusion que lui font vivre ses rencontres. Lorsqu’elle nous raconte certaines de ses rencontres et dĂ©confitures, on se croit par moments dans un mauvais sketch de Blanche Gardin, de Tania Dutel ou de Marina Rollman.

 

Boire, fumer, draguer et coucher avec qui, quand et comme on veut, plus ou moins bien  gagner sa vie, vivre chez soi ou en coloc, conduire une moto ou une voiture, avoir son rĂ©seau d’amis, sortir la nuit, dĂ©coucher, danser, voyager, dire des gros mots ou ce que l’on pense quand on le pense, bien s’exprimer, avoir de la rĂ©partie et un humour supersonique, avoir un trĂšs bon niveau d’études, une certaine rĂ©ussite sociale, cela ressemble Ă  une vie d’adulte Ă©mancipĂ©e. Mais cela n’empĂȘche pas la claudication alternative devant l’alerte de La rencontre.

  

La dépendance affective

 

AprĂšs nous avoir parlĂ© de l’addiction au site,  Judith Duportail fait bien de souligner  l’engrenage de la dĂ©pendance affective qu’entretient un site (tout site ?) de rencontres. Car les comportements d’addiction et la dĂ©pendance affective sont attachĂ©s. Et, lorsque l’on se retrouve imbriquĂ© entre les deux, on peut avoir du mal Ă  rĂ©ellement s’émanciper de certaines conduites d’échecs lors de nos rencontres sentimentales :

 

« (
.) Selon John Bowlby, la moitiĂ© des adultes dans le monde occidental souffrent d’un trouble de l’attachement plus ou moins prononcĂ©. Certains arriveront Ă  bien vivre avec, ou n’en seront pas trop handicapĂ©s. Car attention, toute relation sentimentale Ă  un autre, tout attachement, induit une forme de dĂ©pendance. On dit bien Ă  ses amis :

« Je peux compter sur toi Â» ou « Je suis lĂ  pour toi Â», ce qui signifie qu’on a besoin les uns des autres, qu’on se fĂ©licite d’honorer cette interdĂ©pendance. Une dĂ©pendance consentie, cadrĂ©e. Dans le cas des dĂ©pendants affectifs, le regard de l’autre prend trop de place, trop d’importance. Car ils cherchent Ă  l’extĂ©rieur d’eux-mĂȘmes comment soigner leur blessure initiale Â». (page 139 de L’Amour sous algorithme).

 

 

A ce jour, je n’ai pas lu d’ouvrage de John Bowlby. Mais j’aimerais bien savoir quelles sont les causes, selon lui, de ce « trouble de l’attachement plus ou moins prononcĂ© Â» dont « la moitiĂ© des adultes dans le monde occidental souffrent Â». J’imagine que certains modes de vie doivent y ĂȘtre pour quelque chose. MĂȘme si le trouble de l’attachement « plus ou moins prononcĂ© Â» a sans doute toujours existĂ© en occident mais aussi ailleurs.

 

La salle ovale de la BibliothĂšque nationale Richelieu, octobre 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Faire le ménage dans nos méninges et nos névroses

 

 

Le mirage des sites de rencontres et des rĂ©seaux sociaux, qui sont des mĂ©dia plutĂŽt extraordinaires Ă  l’origine, c’est de nous abonner Ă  la croyance qu’ils peuvent trĂšs facilement « nous aider Â» Ă  gommer ce qui nous dĂ©range dans notre vie ordinaire et nous faire vivre des miracles rĂ©pĂ©tĂ©s. En nous offrant leurs « services Â».

 

Alors qu’il faudrait d’abord, au prĂ©alable, vĂ©rifier dans quelle disposition mentale et affective on se trouve, et faire le mĂ©nage dans nos mĂ©ninges et nos nĂ©vroses, lorsque l’on se rend dans ce genre d’endroits :

 

Les sites de rencontres et les réseaux sociaux.

 

AprĂšs tout, toute personne qui va se lancer dans une aventure vĂ©rifie d’abord son matĂ©riel, sa condition physique et mentale, mais aussi la viabilitĂ© de son projet auparavant. Et, pour cela, le plus souvent, mĂȘme si ensuite elle dĂ©cide de tenter l’aventure, elle sait d’abord se faire entourer et conseiller par des spĂ©cialistes, des professionnels ou par des personnes qui ont tentĂ©  cette aventure avant elle.

 

C’est pourtant le contraire qui se passe avec les sites de rencontres. AppĂątĂ©s par le miracle qui nous attend aprĂšs quelques mouvements de doigts, nous nous muons en Indiana Jones de la rencontre et sautons les Ă©tapes.

 

Lorsque j’avais connu l’expĂ©rience du site de rencontres Meetic Ă  la fin des annĂ©es 2000, j’étais cĂ©libataire, plus ou moins dĂ©primĂ© et en recherche d’une histoire d’Amour. Mais j’allais bien mieux que d’autres. Je n’étais ni sous anti dĂ©presseurs et pas sous le coup d’une rupture toute fraiche de quelques minutes. J’avais besoin d’élargir mon cercle de rencontres. Et Meetic Ă©tait une nouvelle façon pour peut-ĂȘtre Ă©largir ce cercle.

En outre, le fait d’ĂȘtre actif dans la recherche, avait au dĂ©part quelque chose de sans doute valorisant. Agir plutĂŽt que subir. Essayer cette nouvelle façon de faire au lieu de la dĂ©nigrer d’emblĂ©e. Pour ces raisons, au dĂ©part, l’expĂ©rience Meetic fut une expĂ©rience d’ouverture. Car toutes mes rencontres jusqu’alors s’étaient faites sans passer par un  site.

 

J’ai oubliĂ© combien de temps j’étais restĂ© inscrit sur Meetic. Peut-ĂȘtre Ă  peu prĂšs deux ans. A l’époque, le site de rencontres Ă©tait exclusivement payant pour les hommes. Et gratuit pour les femmes. Cela m’a toujours paru injustifiĂ©.

 

J’ai toujours eu le sentiment que le fait de pouvoir s’inscrire gratuitement maintenait la plupart des femmes du site dans la position passive des princesses qui passaient leur temps  Ă  attendre le prĂ©tendu prince charmant. Car j’avais Ă©tĂ© Ă©difiĂ© de lire sur bien des annonces de femmes inscrites, qui se prĂ©sentaient comme des femmes ayant la trentaine tout au plus, qu’elles recherchaient le « prince charmant Â».

 

Que ce soit dans la vraie vie ou sur un site de rencontres, pour moi, celle ou celui qui recherche le prince charmant, consciemment ou inconsciemment, ne le trouvera pas.

En tout cas, moi, je ne me vois pas comme un prince charmant. Et, je perçois cette attente comme une dictature. Une telle attente me donne plutÎt envie de me comporter de maniÚre trÚs provocante.

 

Et, j’avais peut-ĂȘtre eu tort alors, mais chaque fois que j’avais vu mentionnĂ©e cette quĂȘte ou cette attente du « prince charmant Â», j’avais fui. Je ne correspondais ni au portrait-robot ni au portrait-mental d’un prince charmant. Et, c’est toujours le cas aujourd’hui. 

 

Pourtant, je cherchais vĂ©ritablement une histoire d’Amour sur Meetic. Et je sais qu’il y a des hommes qui cherchent aussi Ă  vivre une sincĂšre histoire d’Amour avec des femmes. Il reste donc Ă©nigmatique pour moi que des femmes instruites comme Duportail, Tuaillon et Chollet, et celles qui leur ressemblent, puissent avoir eu tant de mal Ă  croiser ces hommes qu’elles ont cherchĂ© ou cherchent.

 

Pour moi, l’explication ne tient pas uniquement dans le patriarcat. Mais aussi dans le fait que certaines femmes dites Ă©mancipĂ©es le sont bien moins qu’elles ne le croient ou l’affirment. Et, un certain nombre d’entre elles continuent de suivre celle ou celui qui sera le mieux douĂ©(e) pour leur jouer la comĂ©die. Puisque dĂšs lors que quelqu’un nous « fait quelque chose Â» ou nous « fait vibrer Â», on aime bien se raconter, mĂȘme si assez vite cette personne honore trĂšs mal ses promesses ou ses engagements, que, malgrĂ© tout, cela vaut le coup. Et que cela vaut aussi le cul, par la mĂȘme occasion.

 

 

Le grand remplacement

 

 

Sur Meetic, j’avais connu une histoire de cinq mois qui m’a fait un effet durable puisque je me rappelle toujours du prĂ©nom et du nom de cette personne comme de certains moments vĂ©cus avec elle prĂšs de quinze ans plus tard.

 

Mais j’avais aussi Ă©tĂ© trĂšs influencĂ© par le cĂŽtĂ© supermarchĂ© du site.

 

Et, lorsque Ă©taient apparues des tensions entre elle et moi, j’avais Ă©tĂ© rapidement agacĂ© par ce que je voyais comme des caprices de petite fille. Me disant que si notre relation se terminait que je retrouverais rapidement- sur le site- quelqu’un d’autre de « bien Â» qui me ferait moins chier. Ma future ex de Meetic s’était sĂ»rement comportĂ©e comme une personne capricieuse, quelque peu immature et tyrannique, exigeant de moi des gages d’Amour qui me dĂ©concertaient mais aussi mettant en doute la sincĂ©ritĂ© de mon attachement. Peut-ĂȘtre que notre relation Ă©tait-elle rĂ©ellement privĂ©e de futur. NĂ©anmoins, si elle et moi nous Ă©tions rencontrĂ©s dans mes conditions de vie habituelles (ce qui aurait Ă©tĂ© assez peu probable Ă©tant donnĂ© que nous Ă©voluions et avons sans doute continuĂ© d’évoluer dans des univers culturels, Ă©conomiques et professionnels trĂšs diffĂ©rents ), je crois que j’aurais Ă©tĂ© plus tolĂ©rant.

Je n’aurais pas eu ce rĂ©flexe, trĂšs vite acquis en Ă©tant inscrit sur le site alors que je n’avais pas rencontrĂ© tant de personnes que ça avant elle, de me dire que je pourrais trĂšs vite la remplacer. Et, lorsqu’elle m’avait fait sa « crise Â» d’autoritĂ© ou de caprice, je l’avais dĂ©posĂ©e en voiture lĂ  oĂč elle me l’avait demandĂ©/exigĂ©. Afin de lui laisser cette assurance que, oui, je la considĂ©rais vraiment. Elle, qui aurait voulu qu’à notre retour de Normandie, je la dĂ©pose devant chez elle, Ă  Paris, rue du Bac, en voiture. Pour qu’ensuite, je retourne chez moi toujours en voiture chez moi Ă  Cergy le Haut oĂč j’habitais alors. J’avais refusĂ© de me retrouver infĂ©odĂ© au rĂŽle de l’homme qui conduit sa compagne jusqu’au pas de sa porte et qui ne compte pas les kilomĂštres, le temps et l’essence pour ensuite retourner chez lui. Cette erreur-lĂ , en plus de celle d’avoir refusĂ© de rencontrer sa mĂšre, me fut fatale.

 

Ma future ex de Meetic eut quelques pleurs. M’affirma sans doute que je n’avais pas de sentiments pour elle. De mon cĂŽtĂ©, je refusais que nous restions « amis Â» comme elle me le proposait. Nouvelle erreur stratĂ©gique de ma part. On croit que je parle d’une jeune femme d’Ă  peine 18 ans ? Si j’avais bien 7 ou 8 ans de plus qu’elle, ma future ex avait alors prĂšs de trente ans. Ce qui n’excluait pas, visiblement, de pouvoir se comporter en certaines circonstances comme une adolescente d’Ă  peine 18 ans.

 

Notre sĂ©paration devint dĂ©finitive. Sans doute par orgueil, ainsi que dans la douleur, elle s’emmura dans sa dĂ©cision, “conseillĂ©e”, je crois, au moins par certaines de ses amies qui pensaient comme elle.  Nous nous revĂźmes elle et moi au moins deux fois, dont une fois dans cet appartement qu’elle avait achetĂ© dans le 14Ăšme arrondissement et qui faisait deux fois la superficie de mon studio de banlieue. Une autre fois, lorsque nous allĂąmes ensemble au festival de musique Rock en Seine clĂŽturĂ© avec maestria par Björk, elle avait rencontrĂ© quelqu’un.

Plusieurs annĂ©es plus tard, j’appris par hasard sur Facebook qu’elle s’était mariĂ©e. Elle me rĂ©pondit une premiĂšre fois pour ne plus me rĂ©pondre.

 

Hors bord relationnel

 

AprĂšs elle, je ne connus pas d’autre relation aussi notable d’un point de vue affectif en passant par Meetic. J’en avais aussi assez de passer mon temps sur le site telle une personne en recherche permanente d’emploi devant adresser d’innombrables CV qui ne dĂ©bouchaient sur rien.

Pour ĂȘtre suffisamment inspirĂ© et susciter l’intĂ©rĂȘt d’une femme, il me fallait avoir le moral et ĂȘtre inspirĂ© lorsque j’écrivais un message que je devais multiplier pour pouvoir, mathĂ©matiquement, provoquer une rĂ©action ou deux favorables. Or, pour cela, il fallait passer du temps sur le site. Et, plus je passais du temps sur le site,  plus je me dĂ©moralisais devant le vide numĂ©rique qui revenait constamment Ă  ma rencontre. En prenant son temps, c’est Ă  dire le mien.  Mon temps qui Ă©tait associĂ© Ă  mon espoir de « trouver Â» quelqu’un.

 

Je peux imaginer que mon ex de Meetic, apprenant cela, aurait vu dans mes dĂ©boires un chĂątiment juste et mĂ©ritĂ© pour mon « comportement Â» Ă  son Ă©gard. Alors que je crois qu’il y a surtout eu de l’incomprĂ©hension entre elle et moi. Mais aussi, pour moi, une sorte de dĂ©calage, ou une forme de sentiment de dissociation, entre la rĂ©alitĂ© de cette relation sentimentale, car j’avais des sentiments pour elle contrairement Ă  ce qu’elle a cru ou eu besoin de croire, et sa soudainetĂ©.

 

Les rencontres via les sites abrĂšgent beaucoup la durĂ©e du temps de rencontre. Si certaines personnes sont des adeptes du coup de foudre ou des rencontres flash, j’ai plutĂŽt besoin d’une certaine « maturation Â» de la rencontre et du sentiment pour ĂȘtre « dans Â» l’histoire. Si j’avais Ă©tĂ© bien sĂ»r content de rencontrer mon ex de Meetic et que nous avions une rĂ©elle connivence, je crois, sur certains sujets, le fait d’avoir « obtenu Â» cette rencontre aussi improbable, aussi « facilement Â», m’a empĂȘchĂ© de me mettre dans les vraies conditions de la rencontre. Pour employer une image grossiĂšre, une fois la rencontre faite, j’avais sans doute l’impression que notre relation Ă©tait une pĂ©niche, qu’il y avait le temps. Alors que j’étais sur un hors bord.

 

Je fus aussi trÚs étonné par le gùchis fait par ces usagÚres du site soit par manque de sincérité ou par manque de maturité. Car le cÎté supermarché des sites de rencontre vaut aussi pour les femmes. Ce ne sont pas seulement certains hommes qui vont sur les sites de rencontres comme on se rend dans un supermarché.

Paris. Photo©Franck.Unimon

Les croyances d’un vieux à propos des rencontres

 

PrĂšs de quinze annĂ©es environ aprĂšs mon expĂ©rience Meetic, la lecture facile et plaisante de l’ouvrage de Judith Duportail confirme mes anciennes impressions. Et, cela ne me donne pas du tout envie de retourner faire le mur un jour sur un site de rencontres.

Aujourd’hui, pour rencontrer quelqu’un, je recommanderais plutĂŽt le cercle de connaissances et d’amis ; la dĂ©couverte de nouvelles associations ou de clubs culturels sportifs ; le lieu de travail ou les voyages ; ou la frĂ©quentation rĂ©pĂ©tĂ©e de tout endroit qui permet des rencontres sociales et personnelles viables, agrĂ©ables et autres que celles que l’on connaĂźt dĂ©ja.

Je connais par exemple un couple qui s’est formĂ© dans mon club d’apnĂ©e. Tous deux sĂ©parĂ©s de leur cĂŽtĂ©, chacun mĂšre et pĂšre. Je sais qu’elle, qui faisait au dĂ©part de la plongĂ©e dans le club a ensuite rejoint la section apnĂ©e lorsqu’elle l’a aperçu. C’est elle qui me l’a racontĂ©.

 

 

Mais avant toute rencontre, il y a d’abord le prĂ©alable indispensable d’ĂȘtre d’abord vĂ©ritablement « disposĂ© Â» pour s’engager dans une relation intime. Parce-que si l’on a peur de partager son intimitĂ© ou si l’on prĂ©fĂšre conserver exclusivement son territoire Ă  soi et pour soi, on peut rencontrer un certain nombre de personnes tout Ă  fait recommandables et trĂšs bien s’arranger pour leur tourner leur dos ou les dissuader de s’approcher.  

 

Je crois que ces derniĂšres prĂ©cautions restes valables mĂȘme si l’on prĂ©fĂšre ou si l’on ajoute les sites de rencontres, les forums ou les rĂ©seaux sociaux pour accroĂźtre ses chances de rencontrer quelqu’un et ainsi dĂ©jouer l’algorithme de l’accablement sentimental.

 

Franck Unimon, ce lundi 24 octobre 2022. 

 

 

 

 

 

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Rien ne dure vraiment longtemps, un livre de Matthieu Seel

Rien ne dure vraiment longtemps, un livre de Matthieu Seel.

 

Matthieu Seel, le mĂ©tis adoptĂ©, a Ă©tĂ© la voix de la sĂ©rie podcast Crackopolis. Dans cette sĂ©rie, il racontait le hijack que peut-ĂȘtre le crack en plein Paris, en outre dans le 19Ăšme arrondissement oĂč il a d’ailleurs grandi et oĂč, plus jeune, il avait eu Peter ChĂ©rif et les frĂšres Kouachi comme copains de primaire et de collĂšge.

 

Certains veulent voir, Matthieu Seel a tout vu sauf l’histoire de ses origines dont les barreaux, par condensation, lui rĂ©sistent. C’est peut-ĂȘtre pour cette histoire qu’il ne connaĂźt pas qu’il commence par fumer des paquets de joints dĂšs l’ñge de dix puis qu’il finit, plus tard, par consulter le caillou.

 

Matthieu Seel ne nous raconte pas tout. Pour cela, il faudrait absolument se souvenir et il a aussi besoin d’oublier. Mais il y en a assez pour dix dans ce qu’il nous dit. Celle ou celui dont la vie dĂ©vie pour dealer et pour attraper du caillou se surpasse jusqu’à un point culminant qui se dĂ©place sans cesse et qui est Ă  peine imaginable.  

 

Il y a des existences beaucoup plus simples et beaucoup plus reposantes. Mais pour cela, il faut ĂȘtre assez robot. Matthieu Seel n’en n’est pas un et il connaĂźt difficilement le repos depuis assez tĂŽt. Artiste photo un temps, vivant la nuit, il finit par vendre son appareil et par connaĂźtre des journĂ©es de 96 heures sans dormir lorsque le crack est devenu son mĂ©tronome. Combien de personnes, ou plutĂŽt de formes, a-t’il rencontrĂ©es parmi lui et qui, comme lui, pointaient vers les mĂȘmes usages ? De toute façon, ces formes de rencontres ne tenaient pas.

 

Sa mĂšre ( adoptive) fait partie de celles et ceux qui ont tenu. Et, je comprends qu’une Virginie Despentes ait cru en lui pour ce livre car il aurait pu avoir un rĂŽle dans son film Baise moi. Comme je comprends aussi qu’une personnalitĂ© comme Slimane Dazi soit ce parrain qu’il remercie, ainsi que beaucoup d’autres, Ă  la fin de son livre. J’aurais Ă©tĂ© beaucoup plus Ă©tonnĂ© si Guillaume Canet ou AndrĂ© Dujardin l’avait parrainĂ©.

 

Dans Rien ne dure vraiment longtemps , sorti en septembre 2022, Seel raconte les mauvais passeurs d’histoires, les arnaques, les guet-apens, l’entraide, la survie dans la rue, les Ă©checs sentimentaux, la paranoĂŻa, sa famille, l’hĂŽpital, les tentatives de sevrage Ă  Pierre Nicole, le centre thĂ©rapeutique de la Croix Rouge, et Ă  Marmottan ( La ferveur de Marmottan). EduquĂ©, autodidacte, il est loin d’ĂȘtre idiot. D’autres sont comme Matthieu Seel mais leurs mots, leur nom et leur visage ne nous parviendront pas.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 18 octobre 2022.

 

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Les Argonautes, un livre de Maggie Nelson

Les Argonautes, un livre de Maggie Nelson.

 

 

Maggie Nelson est une femme de l’ĂȘtre. Debout dans mon train, que j’ai attrapĂ© de justesse, alors que je suis en transit entre ma ville de banlieue parisienne et la gare de Paris St Lazare, je me rĂ©pĂšte cette phrase.

 

Maggie Nelson est une femme de l’ĂȘtre.

 

D’aprĂšs sa photo en mĂ©daillon au dĂ©but du livre, Maggie Nelson est l’AmĂ©ricaine « typique Â», blonde, yeux clairs, regard direct, sourire Ă©vident, plutĂŽt jolie, svelte, fit.

 

Cette fille, née en 1973, respire la vie.

 

Mais les Etats-Unis, c’est de lĂ  que « vient Â» Maggie Nelson, est aussi le pays des positions extrĂȘmes. Et, Maggie nous jette dans le refrain de ses extrĂȘmes dĂšs la premiĂšre page de son livre coupĂ©e en deux. Une partie autobiographique oĂč elle nous encule en nous parlant de son Amour pour son compagnon Harry, nĂ©e femme, pĂšre d’un petit garçon. Puis, une autre, thĂ©orique ou conceptuelle, oĂč elle nous parle de Wittgenstein :

 

« Avant notre rencontre, j’avais consacrĂ© ma vie Ă  l’idĂ©e de Wittgenstein selon laquelle l’inexpressible est contenu – d’une maniĂšre inexpressible ! dans l’exprimĂ© (
.) Â».

 

C’est ce que l’on appelle ĂȘtre une fille bordĂ©e par une cĂ©rĂ©bralitĂ© plutĂŽt exacerbĂ©e. Et, dĂšs ce passage, l’intellectualitĂ© poing fermĂ© de Maggie Nelson me bouscule. Son compagnon Harry a donc vraiment quelque chose de particulier pour avoir non seulement pu la rendre hautement amoureuse mais aussi pour ĂȘtre capable de lui donner la rĂ©partie lors de leurs dĂ©bats. Car, durant son livre de plus de deux cents pages, Maggie Nelson va alterner avec des passages de sa vie et des rĂ©fĂ©rences poussĂ©es aux Ɠuvres de diverses personnalitĂ©s pour nous parler d’identitĂ©, de « genre Â», du « queer Â», de « binaritĂ© Â», « non-binaritĂ© Â» mais aussi de la famille, de la norme, l’Amour, de la solitude, du deuil, de la sexualitĂ©, du couple, du mariage, de la parentalitĂ©, de la grossesse et de la maternité  :

 

Eula Biss, Deleuze, Eve Kosofsky Sedgwick, Susan Fraiman, Lee Edelman, Michel Foucault, Judith Butler, Anne Carson, Luce Irigaray, D.W Winicott, Pema Chödrön, Leo Bersani, Elizabeth Weed, Susan Sontag, Jane Gallop, Rosalind Krauss, Jacques Lacan, Janet Malcolm, Kaja Silverman, Eileen Myles, Beatriz Preciado, Alice Notley, Audre Lord, Deborah Hay, Sara Ahmed, Roland Barthes 
.

 

Les travaux mais aussi les noms de ces auteurs et de ces personnalitĂ©s sont sĂ»rement familiers Ă  des universitaires comme Maggie Nelson entraĂźnĂ©s Ă  les triturer ainsi qu’à celles et ceux dont la vie personnelle requiert la comprĂ©hension et la connaissance des ouvrages de ces personnalitĂ©s. Maggie Nelson et son compagnon Harry sont de ces personnes qui possĂšdent cette double caractĂ©ristique.

 

Pour ma part, jusqu’à maintenant, j’ai plutĂŽt vĂ©cu Ă  cĂŽtĂ© de l’expĂ©rience de toutes ces personnalitĂ©s. Aussi, en lisant  Les Argonautes, j’ai connu bien des absences de comprĂ©hension. Bien des fois, il m’aurait presque fallu, comme lorsque l’on fait des mots croisĂ©s, un endroit oĂč l’on peut trouver et vĂ©rifier les bonnes rĂ©ponses.  Cela ne figure pas dans Les Argonautes. Pour cette raison, sa lecture m’a Ă©tĂ© difficile et m’a pris du temps.

 

Plus de deux mois. Et, je prĂ©fĂšre (me) dire que j’ai peu compris ce que Maggie Nelson a pu extraire des diverses rĂ©flexions de ces auteurs qu’elle cite plutĂŽt que de me ridiculiser en affirmant m’y ĂȘtre senti comme chez moi. Et d’ouvrir le gaz alors que je crois allumer la lumiĂšre. PremiĂšre conclusion immĂ©diate, jamais, je n’aurais pu convenir Ă  une Maggie Nelson et la sĂ©duire.

 

La tranche autobiographique de Les Argonautes, elle, m’a par contre Ă©tĂ© plus « facile Â» Ă  suivre, page 37 :

 

« (
.) Mon beau-pĂšre avait ses dĂ©fauts, mais tout ce que j’avais pu dire contre lui est revenu me hanter, maintenant que je sais ce que c’est que de se tenir dans cette position, d’ĂȘtre tenue par elle.

Quand tu es une belle-mĂšre, peu importe Ă  quel point tu es merveilleuse, peu importe l’amour que tu as Ă  donner, peu importe Ă  quel point tu es mĂ»re ou sage ou accomplie ou intelligente ou responsable, tu es structurellement vulnĂ©rable Ă  la haine ou au mĂ©pris ; et il y a si peu de choses que tu puisses faire contre ça, sinon endurer et t’employer Ă  cultiver le bien-ĂȘtre et la bonne humeur malgrĂ© toute la merde qui te sera balancĂ©e Ă  la gueule Â».

 

Je lisais encore Les Argonautes, je crois, lorsque je suis allĂ© voir le film Les enfants des autres de Rebecca Zlotowski. Le personnage interprĂ©tĂ© par l’active actrice Virginie Efira ( inspirĂ© de la vie personnelle de la rĂ©alisatrice) se reconnaĂźtrait dans ce passage.

 

Le rĂŽle jouĂ© par Virgine Efira dans Les enfants des autres est celui d’une femme qui ne peut pas ou ne peut plus enfanter mais qui est disposĂ©e Ă  (se) donner son amour maternel Ă  la fille de celui qu’elle aime, interprĂ©tĂ© par l’acteur Roschdy Zem.

 

Maggie Nelson, elle, est aimĂ©e de Harry qu’elle n’a pas Ă  partager avec un ex ou une ex. Et, elle est aussi une Ɠuvre d’endurance et de bien-ĂȘtre. Entre son rĂŽle de fille qui a perdu son pĂšre, de belle-mĂšre du fils de Harry, de compagne amoureuse qui entoure son mari (Harry) « en cours de transition Â», de personne et d’universitaire queer qui refuse de faire la retape de la norme patriarcale et hĂ©tĂ©rosexuelle puis de femme qui, la trentaine passĂ©e, aspire Ă  devenir mĂšre en recourant Ă  l’insĂ©mination artificielle, Maggie Nelson porte beaucoup.

 

Y compris, je trouve, une partie de la « masculinitĂ© Â» de son mari, Harry Dodge, un artiste, qui est pourtant avant leur rencontre une personne qui s’affirme dĂ©jĂ  comme un homme.

Cependant, Maggie Nelson nous parle de Harry de telle façon que nous voyons un homme, chaque fois qu’elle le mentionne. Avant mĂȘme que celui-ci ne soit opĂ©rĂ© et lorsqu’elle nous raconte ensuite lui faire ses injections de testostĂ©rone. En cela, et je peux imaginer que cela pourrait dĂ©plaire au couple que forment Harry et Maggie, il me semble que Maggie Nelson, en tant que « femme Â», contribue aussi Ă  faire de sa moitiĂ© un homme. Son regard et sa pensĂ©e de femme sur sa moitiĂ© (Harry) me fait un peu l’effet du pollen sur la fleur.

 

PhĂ©nomĂšne plutĂŽt courant, finalement, car la biologie ne peut se suffire Ă  elle-mĂȘme pour former ou Ă©tablir des rĂŽles durables entre ĂȘtre humains :

Il ne suffit pas d’ĂȘtre une femme et un homme biologiquement fertiles pour ĂȘtre instinctivement mĂšre et pĂšre lorsque le bĂ©bĂ© naĂźt. Il faut aussi suffisamment de volontĂ©  mais aussi la capacitĂ© ou la soliditĂ© Ă©motionnelle et affective pour l’ĂȘtre.

 

A la fin de son livre, Maggie Nelson nous le dĂ©montrera autrement que thĂ©oriquement en nous parlant des parents biologiques de Harry que celui-ci recherchera. Harry, vers la trentaine, retrouvera sa mĂšre biologique, lesbienne sĂ©parĂ©e de son pĂšre, ainsi qu’un de ses frĂšres restĂ© vivre avec leur pĂšre, dĂ©crit comme un homme violent. On apprendra qu’Harry, nĂ©e fille, Ă©duquĂ©e avec amour par ses parents adoptifs, s’en est bien mieux sorti, que son frĂšre ( Ă©levĂ© par leur pĂšre biologique) devenu toxico cumulant les incarcĂ©rations, et, sans doute, leur propre mĂšre biologique.

 

 

La pensĂ©e trĂšs technique de Maggie Nelson, lorsqu’elle cite certains auteurs, m’a plusieurs fois distancĂ© mais elle m’a, aussi, plus d’une fois averti.

Lorsqu’elle parle du film X-Men, le commencement, regardĂ© avec Harry, on voit par exemple ce film commercial grand public, inspirĂ© de comics amĂ©ricains lus par des millions d’enfants et d’adolescents de par le monde depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations, autrement que comme nous pousse gĂ©nĂ©ralement Ă  le faire, la pensĂ©e « mainstream Â», superficielle et hĂ©tĂ©ro.

 

A la fin de Les Argonautes, l’autobiographique et un certain humour prennent le dessus comme elle nous raconte sa grossesse puis son accouchement et sa maternitĂ©, concomitante, avec  la « testostĂ©ronisation Â» d’Harry. Il est alors trĂšs drĂŽle de voir Harry adopter certains traits caricaturaux prĂȘtĂ©s aux hommes. Des traits dont bien des femmes « fĂ©ministes Â» se plaignent.

 

Et, paradoxalement, alors que Maggie Nelson, durant tout son livre,  s’est opposĂ©e- avec Harrry- Ă  certaines normes de genre, on peut se demander si ĂȘtre une femme et un homme se rĂ©sume Ă  une somme d’hormones, page 206 :

 

« (
.) J’ai une phobie de la salle de bain. Jessica veut sans cesse que je fasse pipi, mais m’asseoir ou m’accroupir est impensable. Elle me rĂ©pĂšte que je ne peux pas arrĂȘter les contractions en restant immobile, mais je pense que je peux. Je suis allongĂ©e sur le cĂŽtĂ©, je serre la main de Harry ou celle de Jessica. Debout comme pour danser un slow avec Harry, je fais pipi sans le vouloir, puis encore une fois dans le bain, oĂč des secrĂ©tions de mucus rouge sombre commencent Ă  flotter. Incroyable : Harry et Jessica se commandent de la nourriture et mangent Â».

 

Les Argonautes, paru en 2015 dans sa version originale, publiĂ© en Français en 2017, est un livre qu’il faut prendre le temps de lire et de relire.

 

Franck Unimon, ce mardi 18 octobre 2022.

 

 

 

 

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Jeux de pouvoir, un livre de Mathieu Gallet ( ancien dirigeant de Radio France en 2014-2018)

                                             Jeux de pouvoir un livre de Mathieu Gallet

 

 

C’est un livre à relire.

 

Pour qui a entendu parler des PrĂ©sidents de la RĂ©publique François Hollande, Emmanuel Macron ( et sa femme Brigitte Macron), des Ministres Fleur Pellerin, AurĂ©lie Filippeti, FrĂ©dĂ©ric Mitterrand, Manuel Valls, François Bayrou. De l’ancien maire de Marseille (et sĂ©nateur) Jean-Claude Gaudin. D’autres personnalitĂ©s politiques et mĂ©diatiques françaises. Des notes de taxi G7 de l’affaire « Saal Â». Du journal Le Canard EnchainĂ©. De MĂ©diapart.

 

Pour qui veut ou voudrait « rĂ©ussir Â».

 

Mathieu Gallet nous Ă©tait devenu trĂšs familier lorsqu’il Ă©tait alors le jeune dirigeant (mĂȘme pas 40 ans) de Radio France de 2014 Ă  2018. Laquelle Radio France connaissait une grave crise sociale sans prĂ©cĂ©dent dont Mathieu Gallet avait Ă©tĂ© tenu pour le principal responsable.

 

Gallet avait le « profil Â» de ces jeunes ambitieux arrivĂ©s vite Ă  de trĂšs hautes fonctions et dont le principe actif est de promouvoir leur carriĂšre avant tous et malgrĂ© tout.

 

Dans son Jeux de pouvoir, Mathieu Gallet nous parle de tout « Ă§a Â» et de ces Ă  cĂŽtĂ©s que nous ne connaissons pas. « Nous Â», c’est officiellement le grand public. Et aussi, un  « peu Â», certaines personnes qui ont Ă©tĂ© directement concernĂ©es par ces sujets abordĂ©s par lui dans son ouvrage. Des personnes qu’il cite par leur nom et leur prĂ©nom. Ce qui nous permet rapidement d’identifier la plupart d’entre eux en 2022 en lisant son ouvrage considĂ©rĂ© comme un document par les Ă©ditions Bouquins.  

 

 

Jeux de pouvoir est paru en Mai 2022. J’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© d’apprendre que la librairie de ma ville de banlieue pourtant proche de Paris (Argenteuil) Ă©tait dans l’impossibilitĂ© de m’en commander un exemplaire. Je me suis alors imaginĂ© que son livre dĂ©rangeait encore certaines « personnes Â» quelques annĂ©es plus tard. Et qu’il y avait donc, dedans, un Savoir peu courant. Puisqu’aujourd’hui, Mathieu Gallet fait beaucoup moins parler de lui que lorsqu’il Ă©tait jeune dirigeant de Radio France sous la prĂ©sidence de François Hollande puis au dĂ©but de la prĂ©sidence d’Emmanuel Macron.

 

Aujourd’hui, Mathieu Gallet n’évoque plus grand chose pour le grand public  comme entre 2014 et 2018.

 

A « l’époque Â», entre 2014 et 2018, pour moi, Mathieu Gallet aurait tout aussi bien pu ĂȘtre
 Martin Hirsch. Dans son Jeux de pouvoir, Gallet ne mentionne pas, je crois, ( il me reste 90 pages Ă  lire pour le terminer) Martin Hirsch. Puisque lui, Gallet, exerce alors dans la Culture tandis que Hirsch (Ă  partir de fin 2013 jusqu’en juin 2022) exerce dans « la Â» SantĂ©.

Mais le portrait de Gallet dans Le Canard EnchainĂ© (dont je lis des articles depuis des annĂ©es) me le rendait proche de ces Ă©niĂšmes dirigeants de l’AP-HP ( ce qu’était alors Martin Hirsch) quittant leurs fonctions paisiblement en laissant plein de gravats aprĂšs leurs entreprises de dĂ©molition ainsi que beaucoup de merde dans les chiottes sans tirer la chasse. 

 

L’ouvrage de Gallet est-il une entreprise de dĂ©molition dĂ©livrant plein de merde, aussi, sur la tĂȘte de certaines des personnalitĂ©s qu’il nomme ?

 

Je peux comprendre que certaines de ces personnalitĂ©s (au sens oĂč ce sont des personnes « connues Â», « rĂ©putĂ©es Â»,  mĂ©diatisĂ©es et dont l’image que l’on se fait d’elles peut assurer ou dĂ©truire la suite de leur carriĂšre) voient Jeux de pouvoir de cette maniĂšre. Gallet donne ses explications et celles-ci sont lisibles et plutĂŽt bien argumentĂ©es. Il lui a Ă©tĂ© ou sera reprochĂ© de « donner Â» certains noms de ces personnalitĂ©s qu’il critique. Mais, pour moi, c’est aussi parce qu’il donne ces noms et prend donc le risque d’ĂȘtre attaquĂ© en justice en cas de diffamation que son livre acquiert d’autant plus de valeur et de lĂ©gitimitĂ©.

 

Son Jeux de pouvoir est donc un livre Ă  relire. Car ce qu’il Ă©crit est selon moi une photographie de ce qui peut exister dans tout milieu policĂ©, instruit et privilĂ©giĂ© oĂč se dĂ©roulent
.des jeux de pouvoir qui Ă©chappent complĂštement Ă  l’entendement du citoyen lambda.

 

Des jeux de pouvoir, pourtant, qui se rĂ©pliquent ou peuvent se rĂ©pliquer Ă  l’infini, dans toutes les institutions d’une sociĂ©tĂ©.

 

A mon avis, ce que Mathieu Gallet raconte, existe aussi dans d’autres milieux dont on parle beaucoup moins ou peu. Quotidiennement. LĂ  oĂč Ă©voluent tous les gens lambda, trĂšs Ă©loignĂ©s et trĂšs oubliĂ©s de celles et ceux que l’on n’oublie pas.

 

Gallet parle de son homosexualitĂ© assumĂ©e ( il revendique seulement le droit Ă  l’indiffĂ©rence). Et du tort qu’a pu lui causer la rumeur de sa liaison avec Emmanuel Macron, alors candidat aux PrĂ©sidentielles avant sa premiĂšre Ă©lection (nous sommes dĂ©sormais sous le deuxiĂšme mandat prĂ©sidentiel d’Emmanuel Macron). En le lisant, on remarque Ă  nouveau Ă  quel point certaines Ă©preuves trĂšs difficiles ne durent pas. Aujourd’hui, je me demande qui pense encore Ă  cette rumeur. Et, pour ma part, j’avais assez peu fait attention Ă  cette rumeur lorsqu’elle Ă©tait mĂ©diatisĂ©e. Mais je comprends que pour Gallet, alors trĂšs mĂ©diatisĂ©, dont la vie privĂ©e et professionnelle Ă©tait trĂšs exposĂ©e, cette rumeur se soit muĂ©e en supplice supplĂ©mentaire. Et du supplice, on arrive assez vite au prĂ©cipice.

 

Son livre m’a t’il rendu Mathieu Gallet plus sympathique et plus humain ?

 

Plus humain et plus proche, oui. Sympathique ? Je ne rencontrerai probablement jamais Mathieu Gallet pour savoir s’il m’est sympathique.

 

Car lui et moi, nous ne sommes pas du mĂȘme monde. Moi, je me suis coupĂ© du monde, d’un certain monde de la “rĂ©ussite”, lĂ  oĂč lui a dĂ©cidĂ©, puis su et pu s’y propulser. C’est aussi ça que je lis dans son livre et que je me suis pris, un peu, beaucoup, passionnĂ©ment, Ă  la folie, en pleine figure. MĂȘme si Gallet (comme beaucoup d’autres) n’y est pour rien.

 

Dans Jeux de pouvoir, Gallet dit, aussi, avoir dĂ» surmonter le fait d’avoir des origines sociales moyennes et de venir de province. Mais aussi que son homosexualitĂ© a pu ĂȘtre un obstacle Ă  sa rĂ©ussite. Mais je constate, que mĂȘme en province, Ă  Bordeaux, il a fait « les Â» bonnes voire les «trĂšs bonnes Â» Ă©tudes :

Hypîkhagne. Sciences Po


 

Bordeaux, ce n’est pas Paris, c’est vrai. Surtout que Gallet a Ă©tudiĂ© dans le Bordeaux d’avant le TGV qui emmĂšne Ă  Paris en deux heures. Et qu’il existe Ă  Paris une concentration d’élites dans des univers fermĂ©s oĂč beaucoup se dĂ©cide et se choisit. Des univers concentrĂ©s, exclusifs et fermĂ©s dont, moi, le banlieusard parisien de naissance et d’extraction, de classe moyenne, noir et d’origine antillaise, je n’ai aucune idĂ©e. Donc, les principes de LibertĂ©, EgalitĂ©, FraternitĂ©, pour moi et beaucoup d’autres, se sont sans doute souvent, dĂšs mon enfance, rĂ©sumĂ©s Ă  l’équivalent de ces annonces publicitaires ou de ces bandes annonces que l’on regarde dans les salles de cinĂ©ma avant la projection du film. Il n’est pas nĂ©cessaire de venir de province pour vivre ça. 

 

Mais, pour moi, Gallet ( qui ne s’en rend peut-ĂȘtre pas toujours compte ) a d’autres atouts qui lui ont permis de « rĂ©ussir Â». MĂȘme s’il vit- encore- mal le fait d’avoir dĂ» quitter la direction de Radio France et les divers avantages qui vont avec  :

 

Je ne perçois pas dans son livre le fait qu’il ait dĂ» se battre contre sa famille pour faire ses hautes Ă©tudes, peu courantes dans sa famille. Et, il fait bien, aussi, de nous apprendre “qu’un”  Emmanuel Macron ( “Notre” PrĂ©sident de la RĂ©publique pour la deuxiĂšme fois de suite) a grandi dans une famille de catĂ©gories sociales professionnelles supĂ©rieures. Emmanuel Macron Ă  qui Gallet a pu ĂȘtre comparĂ© : Des jeunes ambitieux qui font de trĂšs bonnes carriĂšres. Comme Gallet fait bien de souligner qu’il a fait de moins bonnes Ă©tudes que Macron. 

Mais je n’ai pas l’impression que Gallet ait eu Ă  travailler Ă  cĂŽtĂ© dans un mĂ©tier Ă©reintant pendant qu’il Ă©tudiait. J’ai plutĂŽt l’impression, aussi, qu’il a toujours Ă©tĂ© aimĂ© chez lui et eu une enfance et une adolescence plutĂŽt « libre Â» y compris d’un point de vue amoureux. Ses histoires d’Amour ne me font pas penser Ă  celle que j’ai pu apercevoir, un jour, d’une jeune fille et d’un jeune garçon, obligĂ©s de se cacher, dans ma ville, Ă  Argenteuil, ville situĂ©e Ă  une dizaine de kilomĂštres de paris, en haut d’un toboggan, alors qu’il faisait nuit, pour se parler en cachette.

 

Enfin, Gallet, pour moi, c’est aussi un homme qui sait sĂ©duire. Si Gallet Ă©voque son lĂ©ger strabisme ( perceptible sur la couverture de son livre) qui lui a sans doute valu des quolibets et des humiliations, dans l’enfance et plus tard, Gallet sait indĂ©niablement sĂ©duire.

Et, la sĂ©duction, qui plus est si elle est adossĂ©e Ă  l’ambition mais aussi Ă  une certaine combattivitĂ©,  pour moi, c’est un atout supplĂ©mentaire pour “rĂ©ussir”, Ă©tudes ou non. HomosexualitĂ© ou pas.

Car, mise au service de l’ambition et escortĂ©e par une certaine combativitĂ© ( voire par une colĂšre enfouie peut-ĂȘtre pour avoir vĂ©cu, plus jeune, certaines humiliations) la capacitĂ© de sĂ©duire, le fait de sĂ©duire, de plaire, la sĂ©duction, n’a ni Ăąge, ni sexe, ni genre, ni frontiĂšre, ni parti politique, ni date, ni rĂšgle, ni principe, ni limite.

Si l’on sait sĂ©duire, et que l’on est ambitieux et combattif, on peut arriver Ă  des endroits ou Ă  des postes qui, « en principe Â», auraient dĂ» ou auraient pu Ă©choir Ă  d’autres.

 

Et, je crois que Gallet est une trĂšs bonne illustration de ce que la capacitĂ© de sĂ©duction sociale, dans ces conditions, peut permettre d’obtenir.

 

Je ne remets pas en question l’étudiant ou le gros travailleur qu’est Mathieu Gallet. Je souligne simplement que ses « compĂ©tences Â» personnelles pour sĂ©duire lui ont aussi permis d’aller au delĂ  de ce qu’il avait sans doute pu imaginer lui-mĂȘme au dĂ©part de son existence et de sa conscience.

Comme Emmanuel Macron. Comme beaucoup d’autres. En politique ou ailleurs.

 

Jusqu’au moment oĂč l’on plait moins Ă  d’autres et que ceux-ci disposent, aussi, de suffisamment de pouvoir pour nous faire descendre de notre piĂ©destal. Ce n’est pas une question de compĂ©tences. Ni de droiture morale. Et surtout pas de Justice.  Mais d’avoir su plaire Ă  qui il fallait au bon moment, de la bonne façon et au bon endroit.

 

Dans son livre, Gallet nous parle aussi de toutes ces personnes importantes Ă  qui il a su plaire. Dont il s’est fait des amis. Cela fait du « monde Â». Il est difficile de faire moins mondain que Gallet lorsqu’il nomme certaines personnalitĂ©s qu’il compte parmi ses proches. Mais, aussi, lorsqu’il narre certains de ses voyages et visites. Au passage, il nous fait bien comprendre, aussi, qu’en matiĂšre de Culture, il s’y connaĂźt. Contrairement Ă  une Fleur Pellerin, ancienne Ministre- peu probante- de la Culture, avec laquelle il a Ă©tĂ© en conflit alors qu’il Ă©tait dirigeant de Radio France.

 

 

MĂȘme si je n’ai pas encore terminĂ© Jeux de pouvoir, sa lecture me plait. Mais je doute que mon plaisir de lecture n’apporte quoique ce soit de plus Ă  un Mathieu Gallet ainsi qu’à celles et ceux qui lui ressemblent Ă©tant donnĂ© ce qu’ils savent dĂ©jĂ  et ont appris bien avant moi.

 

Aussi, j’espùre que ce livre m’apportera quelque chose et qu’il apportera aussi à d’autres.

 

Franck Unimon, ce dimanche 21 aout 2022.

 

 

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Puissants Fonds/ Livres

Les Couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. 2Ăšme partie. Ego Trip.

Au Spot 13, 15 janvier 2022. Photo©Franck.Unimon

Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon, 2Ăšme partie : ego trip.

 

Cet article est la suite de Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. PremiĂšres parties

 

Ego Trip :

 

Je crois que nous aimons ces instants oĂč nous retrouvons en nous des endroits faits sur mesure oĂč l’on se sent Ă  l’abri de tout. Ces endroits sont ce qui restent des meilleurs moments de nos origines. Et nous sommes contents, ou heureux, qu’ils soient toujours lĂ  malgrĂ© les Ă©preuves et le temps passĂ© ou traversĂ©.

 

Il n’est pas nĂ©cessaire d’aller trĂšs loin, de soulever de trĂšs lourdes haltĂšres ou d’avoir recours Ă  des substances chimiques pour parvenir Ă  ce genre d’endroit, ce genre d’état et d’instant.

 

Ecouter ou entendre un titre de musique. Une simple promenade. Un « voyage Â» dans un mĂ©tro ou dans un train. Un parfum. Un regard. Une impression. Un sentiment.

Au Spot 13, 15 janvier 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Chacun a sa « recette Â» ou ses « trucs Â». Certains y arrivent plus facilement et plus frĂ©quemment que d’autres. Nous sommes souvent des exilĂ©s de nous-mĂȘmes. AmenĂ©s Ă  faire certaines compromissions. ObligĂ©s d’accepter de multiples contraintes. Et la « rĂ©compense Â» n’est pas toujours au bout de nos – trĂšs nombreux et trĂšs oubliables â€“ efforts.

 

On pourrait penser que notre existence consiste Ă  pousser de bout en bout afin d’accoucher de nous-mĂȘmes. Sauf que la date prĂ©vue pour notre accouchement et notre vĂ©ritable dĂ©livrance est un mystĂšre et peut, finalement, se rĂ©sumer Ă  l’heure et Ă  la date du constat de notre mort cĂ©rĂ©brale et mĂ©dicale :

 

On peut trĂšs bien satisfaire Ă  nos trĂšs nombreuses obligations de toutes sortes. Etre une personne plus ou moins impliquĂ©e et exemplaire compte-tenu de toutes ces obligations familiales, Ă©conomiques et sociales et, dans les faits, ne jamais avoir vĂ©ritablement accouchĂ© de soi-mĂȘme.

 

Une histoire d’Amour nous offre la possibilitĂ©, pendant quelques temps «  de retrouver en nous ces endroits faits sur mesure oĂč l’on se sent Ă  l’abri de tout
. Â». Et, pendant un temps, nous allons vivre ça avec quelqu’un d’autre, le plus longtemps possible, nous l’espĂ©rons.

 

Au spot 13, l’artiste ClĂ©ment Herrmann, ce 22 juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Ce que j’écris, lĂ , n’a rien d’exceptionnel. D’autres l’ont Ă©crit et vont l’écrire beaucoup mieux que moi.

 

Selon moi, Ă  condition bien-sĂ»r de rencontrer d’abord quelqu’un dont les sentiments et le dĂ©sir sont rĂ©ciproques, il n’y a rien de plus de simple que de tomber amoureux de quelqu’un et de ressentir du dĂ©sir pour lui ou elle, peu importe son genre. Pourtant, ce sujet de la « rencontre Â» est, Ă  mon avis, un des thĂšmes qui manque dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon ainsi que dans celui de Mona Chollet (RĂ©inventer l’Amour) : J’ai lu RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet . 

 

Je trouve que l’une comme l’autre escamote un peu trop ce sujet de la rencontre. Car avant toute histoire d’Amour, il y a nĂ©cessitĂ© d’une rencontre. Que celle-ci soit spirituelle, physique ou autre. Il me semble que notre rapport Ă  la rencontre de quelqu’un d’autre a de grandes incidences pour la suite d’une histoire d’Amour.

 

 

Le sujet de la rencontre

 

Dans le film documentaire Inna de Yard : The Soul of Jamaica  rĂ©alisĂ© en 2018 par Peter Webber, Ken Boothe, une des grandes vedettes du Reggae JamaĂŻcain montrĂ©es dans le film, dit Ă  un moment  qu’il s’est longtemps comportĂ© comme un « campagnard Â» alors qu’il avait dĂ©jĂ  du succĂšs ( un succĂšs mondial).

Ken Boothe est originaire d’un milieu social modeste, voire pauvre en JamaĂŻque. Lors de sa premiĂšre compĂ©tition de chant toujours en JamaĂŻque, il Ă©tait trĂšs timide. Au point de fermer les yeux pour chanter face au public. La compĂ©tition Ă©tait trĂšs dure. Se retrouver face Ă  un public. Et, cette compĂ©tition comptait d’autres candidats, qui, comme lui, espĂ©raient pouvoir s’extraire de la misĂšre, mais aussi de la violence, par le chant et la musique. Aujourd’hui, ce sont les Rappeuses et les rappeurs qui s’en « sortent Â» qui ont ce genre de parcours. Comme bien des chanteuses et des chanteurs de Rock avant eux.

 

En se qualifiant de « Campagnard Â», Ken Boothe Ă©voquait en fait ses grandes difficultĂ©s pour pratiquer les urbanitĂ©s sociales :

 

Cette aptitude nĂ©cessaire, lorsque l’on veut rĂ©ussir, Ă  entrer en relation avec les personnes qui comptent dans un certain milieu. A Ă©tablir avec elles une sorte de contact ou de « connexion Â» qui va leur donner envie de nous aider Ă  dĂ©velopper notre carriĂšre.

 

Pour l’anecdote, et pour rester encore un peu en Jamaïque, l’athlùte jamaïcain Usain Bolt, plusieurs fois recordman du monde et plusieurs fois champion olympique- et du monde- du 100 mùtres et du 200 mùtres, aujourd’hui à la retraite (alors que Ken Boothe continue de chanter) lui, est le contraire du garçon timide.

L’ancien athlĂšte Usain Bolt, en plus d’avoir Ă©tĂ© le sprinteur le plus rapide du monde pendant plusieurs annĂ©es, Ă©tait Ă  l’aise, lui, pour entrer en contact avec les personnes qui comptent parmi les officiels importants de l’AthlĂ©tisme mondial.

 

38 ans sĂ©parent Ken Boothe de Usain Bolt.  

 

On ne voit pas oĂč je veux en venir ? Je connais bien plus la carriĂšre de Usain Bolt ( nĂ© en 1986) que celle de Ken Boothe dont j’avais dĂ©jĂ  entendu parler avant ce documentaire de Peter Webber. Pourtant, lorsque j’ai entendu Ken Boothe s’exprimer et se taxer de « campagnard Â», je me suis subitement beaucoup reconnu en lui.

ProblĂšme : nous Ă©tions alors en 2019. AnnĂ©e oĂč a Ă©tĂ© publiĂ© le livre Les Couilles sur la Table de Victoire Tuaillon, trentenaire. J’avais alors « dĂ©jĂ  Â» 51 ans, Ă©tais mariĂ© et pĂšre depuis quelques annĂ©es.

 

Je suis nĂ© Ă  Nanterre en 1968. Donc, on lit bien :

 

1968, annĂ©e en France de la « rĂ©volte Ă©tudiante Â», de la « rĂ©volution des mƓurs Â», du trĂšs profond bouleversement qui s’est opĂ©rĂ© dans la sociĂ©tĂ© française Ă  cette Ă©poque. En pleine pĂ©riode de dĂ©colonisation de l’Afrique et de l’Asie, des mouvements de contestation noire aux Etats-Unis, du mouvement hippie, des mouvements de libĂ©ration de la femme ; de la croissance Ă©conomique- et du plein emploi- dont on nous parle dans les manuels d’histoire.

Et si la ville de Nanterre, en 1968, a aussi Ă©tĂ© la ville des bidonvilles, elle n’en n’était dĂ©jĂ  pas moins une ville, du dĂ©partement des Hauts de Seine (le dĂ©partement le plus riche de France !) proche de Paris et du futur ou du dĂ©jĂ  existant quartier d’affaires de la DĂ©fense prĂ©sentĂ© comme un des plus grands, si ce n’est le plus grand quartier d’affaires d’Europe !

 

 

Ajoutons Ă  cela que Ken Boothe, nĂ© en 1948, en JamaĂŻque, sĂ»rement dans un quartier pauvre, donc dans des conditions nettement plus dĂ©favorisĂ©es que celles que j’ai pu connaĂźtre Ă  ma naissance Ă  Nanterre (de mes parents qui s’étaient exilĂ©s de leur Guadeloupe natale en 1966 et en 1967) a ni plus ni moins
l’ñge de ma mĂšre, Ă©galement nĂ©e en 1948.

 

Au spot 13, Paris, ce vendredi 22 juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Par quel tour de passe-passe, moi, nĂ© en 1968 Ă  Nanterre, qui ai toujours vĂ©cu en ville, et qui a ensuite, aprĂšs mes Ă©tudes d’infirmier, obtenu un DEUG d’Anglais Ă  la fac de Nanterre ( celle de 1968 !), j’ai pu, en 2019, m’identifier Ă  Ken Boothe nĂ© en 1948 dans un quartier dĂ©favorisĂ© de la JamaĂŻque plutĂŽt qu’à Usain Bolt, nĂ© en 1986 en JamaĂŻque, mais ( Ă  ce que j’ai compris) dans un environnement plus favorable que Ken Boothe ?!

 

 

La rĂ©ponse est simple et connue : la transmission. L’hĂ©ritage familial. Inconscient et conscient.

HĂ©ritage conscient : je sais d’oĂč viennent mes parents. Je suis dĂ©jĂ  allĂ© en Guadeloupe avec eux mais aussi sans eux. Je connais et comprends leur langue natale, le CrĂ©ole. Je mange antillais. J’écoute la musique antillaise de mes parents et danse sur la musique antillaise. Ces derniers jours, j’écoute rĂ©guliĂšrement des titres de musique Kompa datant des annĂ©es 70, une des fonderies de mon enfance.

HĂ©ritage inconscient : je n’imagine pas Ă  quel point les enseignements de mes parents, leurs modĂšles relationnels et leur façon de voir la vie et le monde, mĂȘme si j’ai pu et peux les critiquer ont pu et peuvent m’influencer. Voire, me conforter dans mes idĂ©es mais aussi dans mes prĂ©jugĂ©s et mes apprĂ©hensions.

 

Et nous sommes nombreux Ă  ĂȘtre dans ce genre de situation. On parle de « conflit de loyautĂ© Â». De « double lien Â». D’ambivalence. Tout cela fait partie du genre humain. Et cela nous conditionne beaucoup lors de nos rencontres avec les autres. Peu importe la sincĂ©ritĂ© de nos sentiments amoureux pour quelqu’un d’autre.

 

Au cinĂ©ma, j’ai pensĂ© au film Nocturnal Animals rĂ©alisĂ© en 2016 par Tom Ford. Dans ce film, Susan Morrow, galeriste d’Art Ă  Los Angeles (l’actrice Amy Adams) a une position sociale forte dans le prolongement de son Ă©ducation et de ses origines sociales. Elle vit mariĂ©e avec un homme qui a Ă©galement une situation sociale forte. Sauf que quelques annĂ©es, plus tĂŽt, Susan s’était dĂ©tournĂ© de son Amoureux de l’époque, Edward (l’acteur Jake Gyllenhaal) qui Ă©tait plutĂŽt du genre fauchĂ© et sans avenir Ă©conomique bien dĂ©fini
.

 

Au spot 13, fin mars 2022. La deuxiĂšme oeuvre est de ClĂ©ment Herrmann en hommage Ă  l’Ukraine attaquĂ©e par l’armĂ©e militaire russe le 24 fĂ©vrier 2022. Photo©Franck.Unimon

 

ConcrĂštement, pour moi, une femme « française Â», c’est souvent une femme blanche, citadine qui fume des cigarettes ou/ et qui boit de l’alcool.

J’ai des amies françaises blanches, citadines, qui fument des cigarettes et qui boivent de l’alcool. J’ai pu ĂȘtre amoureux de femmes françaises qui fumaient des cigarettes (et ou/ du shit). Pourtant, le tabac et la consommation de l’alcool ne font pas du tout partie de mon « idĂ©al Â» fĂ©minin en termes de pratiques. Ni de mon Ă©ducation.

 

Comme on dit, on « s’adapte Â», on « s’accommode Â», on « Ă©volue Â». Par Amour. C’est vrai. Mais jusqu’à un certain point, seulement, Ă  mon avis. Car si, de notre cĂŽtĂ©, on est prĂȘt Ă  faire certains efforts vers l’autre qui diffĂšre de nous. L’autre, elle ou lui, peut avoir moins d’aplomb pour faire le « grand Ă©cart Â» entre ses origines et nous.

Au spot 13, Paris, 28 avril 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Ce que je raconte est-il hors sujet ? Suis-je, ni plus, ni moins, en train de raconter ma vie une fois de plus alors que cela ne regarde personne et n’a aucun rapport avec le sujet du livre de Victoire Tuaillon ?

 

Moi, je crois que je suis bien dans le sujet du livre de Victoire Tuaillon comme de celui de Mona Chollet. Celui de la relation, celui du couple, celui de l’Amour. Seulement, si on « oublie Â» de parler de certaines de ces –grandes- Ă©tapes qui prĂ©cĂšdent une relation d’Amour, je me dis que c’est comme si on voulait envoyer une fusĂ©e dans l’espace en oubliant tout ce qui peut permettre la meilleure mise Ă  feu possible avec la meilleure trajectoire possible.

 

 

Le sujet de la rencontre est vaste. Dans la premiĂšre partie de mon article, je revendiquais mon droit Ă  ĂȘtre, aussi, « Beauf Â», « pĂ©nible Â» et « lourdaud Â». Maintenant, je revendique mon droit Ă  ĂȘtre « campagnard Â» dans son sens pĂ©joratif :

Celui qui est vraiment « vieux jeu Â», conservateur, pas dans le coup,  terre Ă  terre, qui a des idĂ©es arrĂȘtĂ©es, rigide, pas drĂŽle. DĂ©primant.

 

Rien Ă  voir avec le profil festif, souriant et sautillant de plusieurs de mes compatriotes antillais ou de mes cousins africains et latins. Avec eux, au moins, on s’amuse bien. Bon, c’est vrai, ils ne sont pas trĂšs sĂ©rieux. Mais, au moins, c’est fun. Ils mettent de l’ambiance. Avec eux, c’est carnaval. On ne se prend pas la tĂȘte !

 

Alors qu’avec moi, on rĂ©flĂ©chit. On s’analyse et on se scrute en temps rĂ©el. Pas un fantasme inconscient ne doit Ă©chapper Ă  notre vigilance !

Au Spot 13, Paris, 22 juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Je suis un militaire de l’affectif et de la vie amoureuse. Le champ-adverse- est localisĂ©. Et dĂ©limitĂ©. J’effectue des rondes rĂ©guliĂšres autour de lui.

 

Que l’on se rappelle bien de cette expression :

 

« Un militaire de l’affectif et de la vie amoureuse Â».

 

Parce-que cette expression va me servir plus tard.

 

 

Dans les faits, rencontrer quelqu’un n’est pas si simple que cela pour tout le monde.

 

 

Rencontrer quelqu’un : Aussi simple que lire une bande dessinĂ©e ?

 

Cet article doit avoir une fin pour des sujets qui, eux (l’Amour, les rencontres amoureuses, la vie amoureuse, la vie Ă  deux ou Ă  plus) sont sans fin pour un ĂȘtre humain. Je serai donc obligĂ© de trancher et de passer sur certaines idĂ©es.

Mais je tiens Ă  faire un petit retour en arriĂšre.

 

 

En 2009, je dĂ©couvrais le monde de Riad Sattouf en allant voir comment il avait transposĂ© au cinĂ©ma sa bande dessinĂ©e :

 

Les Beaux Gosses.

 

J’avais dĂ©ja 41 ans en 2009. Pourtant, dĂšs les premiĂšres images, son film m’avait parlĂ©. Et plu. Et fait rire. Parce-que j’ai eu l’ñge de ses personnages ainsi que leurs inquiĂ©tudes.

J’écris « j’ai eu Â». Mais cette formulation au passĂ© est un piĂšge cachĂ©. Ne l’oubliez pas. Car j’en reparlerai un peu plus tard.

 

En pensant Ă  la deuxiĂšme partie de cet article, je me suis rappelĂ© mes 13-14 ans lorsqu’avec un copain, j’avais discutĂ© de la bonne façon d’embrasser une fille. Je ne l’avais jamais fait. Du moins pas comme les « grands Â». J’avançais en Ăąge et, Ă  13-14 ans, je me devais de dĂ©passer l’étape des bisous. Mais comment bien rouler une pelle Ă  une fille ? Comment savoir ? D’autant qu’il y avait cette certitude (qui persiste encore aujourd’hui, je trouve) que le garçon se doit de savoir.

 

Je me souviens encore de ce copain, X
., prĂšs d’une des grandes tours de notre citĂ© HLM Fernand LĂ©ger, Ă  Nanterre me dire que, lui, il savait ! Alors, je l’ai enviĂ©.

 

Moi, je ne savais pas. Evidemment, il n’allait pas me mettre sa langue dans la bouche pour me montrer. Il y avait comme une dĂ©faite pour moi, ce jour-lĂ . A me retrouver devant ce copain qui avait ce Savoir inestimable et indestructible. Alors que moi, je ne voyais pas comment faire pour l’obtenir Ă  mon tour. Apprendre Ă  rouler une pelle Ă  une fille, finalement, c’était un peu devenu l’équivalent d’apprendre Ă  faire du feu. Ne pas savoir le faire revenait Ă  se diriger vers une sorte de vie de perdition, de dĂ©chĂ©ance et de clochardisation. Comme si en parlant de quelqu’un que l’on avait connu dans le passĂ©, on  disait de lui :

 

«Lui, il a vraiment trĂšs trĂšs mal tournĂ©. Il ne sait mĂȘme pas comment emballer une fille. Le pauvre ! Â».

Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Aujourd’hui, je maintiens que mĂȘme des adultes (femmes et hommes) peuvent ĂȘtre aussi embarrassĂ©s que je l’avais Ă©tĂ© Ă  13 ou 14 ans pour savoir comment embrasser une fille. MĂȘme avec ma mentalitĂ© de campagnard, j’ai appris que nos parcours personnels vers notre intimitĂ© corporelle mais aussi vers l’intimitĂ© de l’autre sont loin d’ĂȘtre aussi Ă©vidents que cela pour tout le monde. MalgrĂ© toutes les pubs ou peut-ĂȘtre justement parce-que toutes ces pubs dĂ©nudĂ©es, toutes ces images et ces Ɠuvres visuelles Ă©rotiques, pornographiques ou suggestives pullulent dans notre environnement quotidien.

 

S’il Ă©tait si simple que cela de rencontrer quelqu’un et de partager avec elle ou lui une intimitĂ© charnelle, Ă©motionnelle, sentimentale et morale, toutes ces images Ă©rotico-pornographiques-suggestives, toutes ces discussions qui tournent autour de ces sujets et de ces fantasmes disparaĂźtraient d’eux-mĂȘmes.

 

J’ai repensĂ© tout Ă  l’heure  Ă  une ancienne collĂšgue, plus jeune que moi de quelques annĂ©es. Alors qu’elle allait bientĂŽt se marier, celle-ci m’avait appris qu’elle ne savait plus comment rencontrer quelqu’un. Alors que plus jeune, avant d’ĂȘtre en couple, Ă  l’écouter, elle « savait Â» comment faire pour rencontrer un homme. J’avais Ă©tĂ© intriguĂ© par sa remarque. Car je n’ai jamais eu l’impression de « savoir Â» en particulier comment m’y prendre pour rencontrer quelqu’un d’autre. J’ai connu ou connais des personnes qui « savent Â» rencontrer. Des personnes qui, fonciĂšrement, restent rarement seules ou savent ne pas rester seules. Peu importe leur Ăąge, leur sexe ou leur situation personnelle.

 

Spot 13, Paris, 15 juin 2022. Photo©Franck.Unimon

 

SĂ©duire

 

Car il y a le fait de rencontrer. Et le fait de sĂ©duire et de savoir sĂ©duire. Je ne connais pas la situation personnelle de Victoire Tuaillon ou de Mona Chollet dans le domaine de la sĂ©duction. Mais sĂ©duire et savoir sĂ©duire n’est pas donnĂ© Ă  tout le monde. Et, comme le fait d’embrasser, de (bien) faire l’amour, de se donner du plaisir, l’action de sĂ©duire et de plaire ne s’apprend ni dans les manuels, ni Ă  l’école. On peut bien avoir quelques conseils, certaines lectures. Mais c’est quand mĂȘme toujours avec l’expĂ©rience que l’on apprend Ă  bien le faire.

 

On se rappelle de Ken Boothe qui fermait les yeux lorsqu’il s’agissait de chanter devant un public pour sa premiĂšre participation Ă  une compĂ©tition de chant tant il avait peur d’échouer mais aussi des moqueries. On peut imaginer que bien des personnes peuvent ĂȘtre dans le mĂȘme Ă©tat de stress lorsqu’il s’agit d’essayer de sĂ©duire quelqu’un. Sauf que j’ai du mal Ă  concevoir que l’on puisse plaire Ă  quelqu’un si on se met Ă  fermer les yeux alors qu’on lui parle ou que l’on entame une conversation avec elle ou lui.

 

Alors que pour d’autres personnes, sĂ©duire, plaire, est un jeu. C’est une action lĂ©gĂšre et agrĂ©able qui agrĂ©mente le quotidien. J’ai connu quelqu’un, plutĂŽt sĂ©ducteur, qui m’avait racontĂ© avoir plaisir Ă  aller se balader dans le quartier du Marais, Ă  Paris, afin d’ĂȘtre draguĂ© et regardĂ© par des homos. J’aime plutĂŽt plaire. Mais chaque fois que je me suis rendu dans le Marais, cela n’a jamais Ă©tĂ© afin d’espĂ©rer allumer quelques homos de passage pour le « fun Â».

 

Lorsque le site de rencontres Meetic s’est imposĂ© comme la rĂ©fĂ©rence des sites de rencontres au dĂ©but des annĂ©es 2000, cĂ©libataire ayant du mal Ă  rencontrer, j’avais fini par accepter l’expĂ©rience. EncouragĂ© en cela par un copain qui en Ă©tait trĂšs content et qui avait su me donner les arguments me permettant de me dĂ©cider. J’avais d’abord eu honte de m’inscrire sur un tel site. Et si quelqu’un que je connaissais m’y voyait ?

 

« Mais dans ce cas-lĂ , qu’est-ce qu’elle fait lĂ , sur le site, cette personne ?! Â» m’avait rĂ©pondu, ce copain, trĂšs pragmatique.

 

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

J’avais parlĂ© plus tard de cette expĂ©rience Meetic Ă  une copine. Pour moi, c’était tellement novateur. AussitĂŽt, cette copine m’avait alors exprimĂ© sa dĂ©sapprobation envers cette façon de rencontrer quelqu’un. Elle m’avait aussi parlĂ© de sa plus jeune sƓur qui avait eu la mĂȘme attitude que moi. S’inscrire Ă  Meetic !  Et, cela, aussi, elle ne le comprenait pas. Pour, elle, elle suffisait de rencontrer les gens. Je parle de quelqu’un qui Ă©volue depuis des annĂ©es dans le spectacle vivant : le thĂ©Ăątre. ComĂ©dienne, metteure en scĂšne, prof de thĂ©Ăątre.

 

J’avais compris ce jour-lĂ  et essayĂ© de lui expliquer, je crois, que, elle, n’avait pas de problĂšme pour sĂ©duire. Et, cela s’est depuis vĂ©rifiĂ© Ă  mon avis. Cette copine, devenue mĂšre  de deux enfants par la suite, s’est plus tard sĂ©parĂ©e du pĂšre de ses deux enfants. Non seulement, elle a pu quitter la rĂ©gion oĂč elle avait vĂ©cu avec lui, au soleil, avec son ancien compagnon et pĂšre de ses deux enfants. Mais, aux derniĂšres nouvelles, elle avait rencontrĂ© un autre homme, lui mĂȘme Ă©galement pĂšre.

 

Je « sais Â» que ce type de famille recomposĂ©e existe. Seulement, je crois aussi que certaines personnes savent mieux s’y prendre que d’autres pour faire des rencontres amoureuses opportunes. Alors que leur situation personnelle (mĂšre ou pĂšre d’un ou de plusieurs enfants) lorsqu’elle est vĂ©cue Ă  l’identique par d’autres, constitue un obstacle frontal Ă  une nouvelle histoire amoureuse.

 

L’ñge peut sans doute, aussi, influer, sur les attentes exprimĂ©es envers le couple et une histoire d’Amour.

 

 

Une question d’ñge :

 

On dit que l’Amour n’a pas d’ñge. Je veux bien le croire. Mais notre Ă©poque a son Ăąge. Et notre façon d’aimer se modifie aussi sans doute un peu avec notre Ă©poque. Comme avec le pays et la culture dans lesquels on vit et grandit.

 

 

Dans la premiĂšre partie de mon article, j’ai parlĂ© de l’ñge de Victoire Tuaillon. 30 ans lors de la parution de son livre Les Couilles sur la table. 21 ans de moins que moi.

On a peut-ĂȘtre trouvĂ© paternalistes certains de mes propos lorsque je parle de son livre ou lorsque j’évoque Victoire Tuaillon ou certaines femmes de son Ăąge ou plus jeunes.

 

LĂ  aussi, je ne vais pas essayer de me disculper de mon paternalisme s’il est avĂ©rĂ©. Sans doute suis-je paternaliste par moments dans cet article :

 

Je suis le reflet de mon Ă©poque et des valeurs qui m’ont Ă©tĂ© transmises. MĂȘme si j’ai fait et fais des efforts pour essayer d’évoluer.

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

NĂ©anmoins dans le spĂ©cial dossier – le numĂ©ro 164 de juillet 2022- du journal Le Canard EnchainĂ©  dont le titre est L’amour Ă  tout prix ( MarchĂ© du mariage, boom des applis de rencontre, coachs de drague ou de sexe, love hotels, etc
) , je suis tombĂ© sur cet article, page 22 et 23 :

 

Le Mariage, Une Affaire de sous Comptes et Mécomptes du conte de Fées (Vouées à disparaßtre à la fin du XXÚme siÚcle, les noces sont redevenues à la mode et génÚrent un bizness trÚs lucratif).

 

Plusieurs des articles de ce nouveau spĂ©cial dossier du journal Le Canard EnchainĂ© m’ont bien plu. Mais dans cet article, il y a un passage qui m’a aussitĂŽt fait penser Ă  ce que traite Victoire Tuaillon dans son livre Les Couilles sur la table.

 

Je retranscris le passage de cet article, page 23 :

 

« (
.) L’ascenseur social qu’il ( le mariage) constituait pour les candidates Ă  l’hypergamie fĂ©minine ( fait de s’unir Ă  un homme de la classe supĂ©rieure pour gagner en niveau de vie) ne fonctionne plus. Plus diplĂŽmĂ©es que les hommes depuis 2000, les femmes revendiquent surtout l’égalitĂ©. Le vieux mariage Ă  la papa est mort, vive le mariage-association ! (
.) Â».

 

 

Je ne connaissais pas le terme « hypergamie Â» avant la lecture de cet article. En apprenant que depuis 2000, les femmes sont devenues « plus diplĂŽmĂ©es que les hommes Â», j’ai repensĂ© Ă  ce que Victoire Tuaillon mais aussi Mona Chollet disent elles-mĂȘmes dans les premiĂšres pages de leur ouvrage. Elles ont fait de bonnes Ă©tudes et ont grandi dans un milieu socio-culturel mais aussi Ă©conomique plutĂŽt confortable.

 

Si Mona Chollet est ma « petite sƓur Â» de cinq ans, Victoire Tuaillon, elle, encore plus, est pile dans cette Ă©poque Ă  partir de laquelle les femmes sont devenues « plus diplĂŽmĂ©es que les hommes Â».

Au Spot 13, Paris, fin mars 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Et pour corser un peu plus le constat de cet article, je fais partie de ces personnes (hommes comme femmes) qui auraient bien voulu faire des Ă©tudes longues mais qui, pour des raisons « familiales Â», n’ont pas pu les faire. Les Ă©tudes longues, le fait de ne pas avoir pu ĂȘtre « bien diplĂŽmĂ© Â», constituent pour moi une blessure personnelle encore ouverte. MĂȘme si c’est sĂ»rement du fait de la persistance de cette blessure, et de la prĂ©sence de ce sentiment de manque, que j’Ă©cris comme je le fais depuis des annĂ©es. 

 

Bien-sĂ»r, on peut faire des Ă©tudes Ă  tout Ăąge. Mais je n’ai pas pu devenir ce jeune homme diplĂŽmĂ© aprĂšs des Ă©tudes longues comme je n’ai pas pu obtenir la reconnaissance sociale et Ă©ventuellement Ă©conomique qui va avec. J’ai bien compris que Mona Chollet et Victoire Tuaillon, mĂȘme bien diplĂŽmĂ©es, ont dĂ» aussi se frayer leur chemin dans le monde du travail. Cependant, comme le dit, je crois, Mona Chollet dans les premiĂšres pages de son ouvrage RĂ©inventer l’Amour, elle a longtemps cru que ses trĂšs bons rĂ©sultats Ă  l’école Ă©taient tout ce qu’il y a de plus logique. Avant de s’apercevoir que si elle avait certes travaillĂ© pour obtenir ses bonnes notes, qu’elle avait aussi toujours pu Ă©voluer dans un univers socio-culturel univers, toujours entourĂ©e de livres et de certaines facilitĂ©s d’accĂšs Ă  la culture. Et Victoire Tuaillon ne dit pas autre chose lorsqu’elle explique que mĂȘme si elle a eu Ă  vivre jeune le divorce de ses parents, qu’elle a toujours connu chez l’un comme chez l’autre, une demeure plutĂŽt sĂ©curisante
oĂč il y avait des livres.

 

 

J’insiste sur ces points non par jalousie ou aigreur envers Mona Chollet et Victoire Tuaillon ou d’autres qui n’y sont pour rien dans ma trajectoire personnelle Ă  propos des Ă©tudes. Mais pour rappeler que le sentiment de sĂ©curitĂ©, de confiance en soi, de lĂ©gitimitĂ© Ă  se lancer dans certaines entreprises s’acquiert dĂšs l’enfance. Et que ce sentiment de sĂ©curitĂ©, de confiance en soi, de lĂ©gitimitĂ© pour se lancer dans certaines entreprises nous incite, ensuite, Ă  aller vers certains types de rencontres. Vers certaines personnes. Vers certaines expĂ©riences.

 

Je ne suis pas en train de dire qu’il suffit, lorsque l’on a fait de bonnes Ă©tudes, d’aller Ă  la rencontre de quelqu’un qui a Ă©galement fait de longues Ă©tudes (ou des Ă©tudes similaires aux nĂŽtres) pour ĂȘtre heureux en Amour avec cette personne. Mais que cela nous « oriente Â» vers certaines rencontres plutĂŽt que vers d’autres. J’ai cru comprendre que l’on rencontrait souvent son partenaire ou sa partenaire au moment de nos Ă©tudes, dans nos cercles amicaux et familiaux ou sur notre lieu de travail. Les sites de rencontres et les associations sportives ou culturelles peuvent ou pourraient un peu modifier la donne. Mais encore faut-il savoir comment s’y prendre pour rencontrer quelqu’un d’autre comme pour la sĂ©duire ou le sĂ©duire. Et, il faut apprendre Ă  faire le tri sur le site des rencontres ou la mise en scĂšne de la candidate ou du candidat pour se prĂ©senter peut ĂȘtre ce qu’elle ou qu’il a de mieux Ă  proposer. Je n’ai pas encore lu les ouvrages de Judith Duportail ( L’Amour sous algorithme,  Dating Fatigue)  citĂ©e peut-ĂȘtre autant par Mona Chollet que Victoire Tuaillon mais j’ai prĂ©vu de le faire. Notons que Judith Duportail, nĂ©e en 1986, a pratiquement le mĂȘme Ăąge que Victoire Tuaillon.

 

 

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

La lutte Ă  la place de la turlutte  

 

 

Il y a quelques mois, maintenant, alors que j’ignorais que je lirais un jour un ouvrage de Mona Chollet et de Victoire Tuaillon, j’ai revu un extrait ou deux du film Extension du Domaine de la lutte de Philippe Harel d’aprĂšs l’ouvrage de Michel Houellebecq. Lors de la sortie du film (1999, je crois), Houellebecq n’avait pas le statut qu’il a aujourd’hui. L’annĂ©e 1999, c’est aussi l’annĂ©e de la sortie du premier film Matrix des ex-frĂšres Wachowski. Si l’on peut trouver asexuĂ© le hĂ©ros jouĂ© par l’acteur Keanu Reeves mais aussi une absence totale d’érotisme dans Matrix oĂč, finalement, tout est aseptisĂ© et maitrisĂ© et oĂč aucun poil ne dĂ©passe (serait-ce, dĂ©jĂ , une des diverses manifestations de la mentalitĂ© militaire que je citais un peu plus tĂŽt ?), les deux univers sont quand mĂȘme trĂšs opposĂ©s.

 

Dans Extension du domaine de la lutte, chaque jour de plus et chaque tentative de vie sentimentale, sociale et sexuelle est une corvée.

Dans Matrix, les hĂ©ros se battent contre le totalitarisme. D’un cĂŽtĂ©, on dĂ©prime et on est vaincu d’avance. De l’autre cĂŽtĂ©, on se dĂ©mĂšne pour rattraper son retard sur l’existence aprĂšs s’ĂȘtre aperçu que, pendant des annĂ©es, on s’est fait balader. Et, qu’en plus, on l’avait acceptĂ©.

Sauf que dans Extension du domaine de la lutte, l’horizon est rĂ©servĂ© Ă  d’autres depuis longtemps. On a beau s’acquitter de ses diverses obligations, espĂ©rer, essayer de survivre, on est et on reste insignifiant. IndĂ©sirable.  

 

Mais ce qui m’a touchĂ©, c’est certains commentaires en bas d’un des extraits du film Extension du domaine de la lutte sur Youtube.

 

Trop souvent, et trop facilement, certain(es) internautes, comme certain(es ) automobilistes sur la route, en viennent Ă  avoir des propos et des intentions trĂšs agressives et trĂšs dĂ©gradantes envers leurs contemporains  pour peu que ceux-ci ait Ă©mis un avis diffĂ©rent. C’est Ă  la fois trĂšs risible de lire Ă  quel point ça peut dĂ©raper trĂšs vite. Et pathĂ©tique.

 

Cette fois-ci, j’ai lu des commentaires ou quelqu’un disait qu’il n’avait jamais vu une scĂšne aussi « violente Â». De quoi parlait cet internaute ? De la scĂšne, dans la boite de nuit, oĂč RaphaĂ«l (le personnage jouĂ© par JosĂ© Garcia), un cadre commercial de classe moyenne plutĂŽt beauf, pas trĂšs « Francky Vincent Â», croit qu’il va pouvoir avoir ses chances avec une femme au moment des slows. Puis, il se fait Ă©jecter par un autre homme ( un homme noir -sans doute antillais ou africain- puisque tout le monde sait que les noirs ont la musique « dans la peau Â» et leur sexe, ensuite, c’est la suite logique, dans le corps de toutes les femmes du monde
. ).

 

 

En lisant ce genre de commentaire, j’ai Ă  nouveau vu, devant moi, ce sous-monde ou ce quart monde dĂ©peint par Houellebecq et d’autres. Certes, Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte parle surtout de la misĂšre sexuelle et sentimentale de deux mĂąles. Mais cette misĂšre sexuelle et sentimentale concerne aussi les femmes. Et lorsque je parle de « quart monde Â» et de « sous-monde Â», je me reprends tout de suite :

 

Cette misĂšre sentimentale et sexuelle touche aussi des personnes (des femmes comme des hommes) de milieux sociaux et Ă©conomiques trĂšs favorisĂ©s. On peut ĂȘtre d’un trĂšs bon niveau social et Ă©conomique et connaĂźtre une affreuse misĂšre sentimentale et sexuelle. Et pas parce-que l’on est moche et stupide.  Mais plutĂŽt parce-que l’on ne sait pas sĂ©duire. On ne sait pas « bien Â» choisir ses rencontres. On ne sait pas avoir une relation de bonne « qualitĂ© Â» avec quelqu’un d’autre.

 

Avoir un handicap

 

Parce-que l’on est trĂšs handicapĂ© au moins affectivement et Ă©motionnellement.

On croit souvent que le handicap est un handicap qui se voit. Un handicap physique. Un handicap mental. Un handicap intellectuel.

Mais il est d’autres handicaps plus graves qui passent sous les radars. Parce-que compensĂ©s par ce que l’on appelle la rĂ©ussite sociale, Ă©conomique ou politique.

Si l’on retirait Ă  bon nombre des Puissants -ou des personnes modĂšles- que nous cĂŽtoyons ou que nous regardons via les media, les innombrables femmes et hommes de mains, conseillers et intermĂ©diaires qui les entourent, on s’apercevrait rapidement que beaucoup d’entre eux (femmes comme hommes) une fois sortis du domaine oĂč ils excellent, sont de grands handicapĂ©s. Ou qu’ils sont Ă  peu prĂšs aussi handicapĂ©s que nous dans bien des secteurs de la vie courante.

 

 

Pourquoi est-ce que j’insiste autant sur tous ces sujets ?

Au spot 13, 28 avril 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Parce-que je crois que lorsque l’on se rappelle de ces sujets, il est plus facile de comprendre la raison pour laquelle certaines personnes, fĂ©ministes, militantes, et brillantes acceptent ensuite de vivre des relations intimes avec des personnes dont, pourtant, elles condamnent les comportements et les jugements Ă  propos des femmes
..

 

 

 

Notre rapport Ă  la solitude :

C’est l’autre grand sujet, selon moi, trop oubliĂ© dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon. Etre fĂ©ministe, c’est trĂšs bien. Je l’ai Ă©crit dans la premiĂšre partie de mon article :

 

Je suis Ă©videmment contre les injustices et les violences diverses faites aux femmes. FĂ©minicides, viols, surcharge mentale et physique quant aux tĂąches mĂ©nagĂšres, salaire moindre qu’un homme pour un travail Ă©gal
..

 

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Mais, en pratique, si ĂȘtre fĂ©ministe, que l’on soit une femme ou un homme, cela aboutit Ă  vivre seul ( e ) ou Ă  terminer sa vie seul ( e) , cela ne vaut peut-ĂȘtre pas le coup. Lorsque j’écris ça comme ça, j’ai l’impression de dĂ©crire un combat juste que certaines et certains trahiraient Ă  un moment donnĂ© malgrĂ© leurs engagements. On retrouve ça dans certains combats politiques et idĂ©ologiques. Et le fĂ©minisme fait partie de ces combats politiques et idĂ©ologiques bien-sĂ»r. Mais aussi dans le milieu artistique. Dans d’autres domaines. Untel est « pur Â» et « intĂšgre Â» au dĂ©but du combat, de sa carriĂšre, et puis, finalement, bifurque, met de l’eau dans son vin, s’assagit, devient « commercial Â» et « vend Â» son Ăąme.

 

 

Il y a un peu de ça, lorsque vers la fin de son livre, Victoire Tuaillon, « salue Â» les femmes fĂ©ministes qui, paradoxalement, se « mettent Â» et restent avec des hommes qui ont les comportements qu’elles condamnent et combattent :

 

Les chaussettes sales qui traĂźnent ; la machine Ă  laver qui reste une terra incognita pour le compagnon ; le compagnon qui se sert de sa compagne comme d’un agenda, l’éducation des enfants ( et les devoirs) qui sont esquivĂ©s ; le mec macho et misogyne dont on s’entiche
.

 

 

Les hommes domestiques

Gare du Nord, Paris, lundi 25 juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Pour partie, je me dis que certains hommes contribuent plus que d’autres quand mĂȘme aux tĂąches domestiques et mĂ©nagĂšres. MĂȘme si je ne conteste pas les chiffres. MĂȘme dans le dossier spĂ©cial du Journal EnchainĂ©, j’ai lu un article qui, comme l’affirme Victoire Tuaillon dans son livre, dit aussi que les hommes participent toujours aussi peu  Ă  l’effort de guerre des tĂąches mĂ©nagĂšres. Et, Ă  titre personnel, je sais trĂšs bien que je passe nettement moins le balai que ma compagne ; que je cuisine nettement moins qu’elle ; que j’ai exceptionnellement (deux ou trois fois) lavĂ© des fenĂȘtres dans ma vie ; que je repasse trĂšs peu ( y compris mes propres vĂȘtements). Et que lorsque nous partons en vacances avec notre fille, que c’est elle qui se charge gĂ©nĂ©ralement de prĂ©parer ses affaires et celles de notre fille.

 

Je ne peux que l’admettre. Comme je me rappelle aussi de ce jour oĂč ma compagne a tentĂ© de me proposer (ou de m’imposer ) un emploi du temps rĂ©partissant plus Ă©quitablement les tĂąches mĂ©nagĂšres. J’ai alors rigolĂ© et me suis Ă©tonnĂ© qu’à la place, elle ne me propose pas, plutĂŽt, un emploi du temps d’activitĂ©s que nous ferions ensemble, elle et moi. Cela n’a pas fait rire ma compagne. Et, depuis, elle s’est rĂ©signĂ©e Ă  ĂȘtre celle qui passe le balai, qui cuisine et qui repasse plus que moi. Et moi, aussi.

 

Cette remarque peut soit beaucoup mettre en colùre ou faire rire. Mais il n’y a aucune provocation de ma part. Et je ne perçois pas ma compagne comme ma domestique. Plus tît, je parlais de militarisation de la vie affective et sentimentale.

 

 

La militarisation de la vie affective et sentimentale

 

Les attentes et les exigences envers le couple et l’Amour  Â« d’une Â» Victoire Tuaillon et d’une Mona Chollet nĂ©es en 1989 et en 1973, diplĂŽmĂ©es, indĂ©pendantes Ă©conomiquement, socialement et sexuellement, sans doute citadines, bien insĂ©rĂ©es, et que je devine (et je le leur souhaite) bien entourĂ©es par un certain nombre d’amis et de collĂšgues rĂ©ellement bienveillants et disponibles sont Ă©videmment diffĂ©rentes de celles qu’a pu avoir ma mĂšre nĂ©e en 1948 comme de moi-mĂȘme, nĂ© en 1968.

 

Ce n’est pas uniquement une question d’époque. MĂȘme des personnes nĂ©es avant 1948 ou nĂ©es la mĂȘme annĂ©e que moi ont Ă©videmment pu avoir des attentes et des exigences plus grandes que ma mĂšre et moi vis-Ă -vis de l’Amour et du couple. Comme celles qu’expriment Victoire Tuaillon et Mona Chollet ainsi que celles-et ceux qui se retrouvent dans leurs rĂ©flexions.

 

Dans son ouvrage RĂ©inventer l’Amour, je me rappelle que Mona Chollet  a pu citer en exemple le couple formĂ© par le peintre et Ă©crivain Serge Rezvani ( nĂ© en 1928) avec sa compagne Lula. Ceux-ci ont vĂ©cu ensemble pendant des annĂ©es, dans leur maison, La BĂ©ate, sans eau ni Ă©lectricitĂ©, dans le midi de la France. J’ai oubliĂ© l’autre couple citĂ© par Mona Chollet. Mais je me suis alors aperçu que le couple d’Amour Rezvani-Lula citĂ© en exemple par Mona Chollet vivait sans enfant. Je n’ai rien contre les couples amoureux sans enfant. Mais moi, j’ai une enfant. Et la naissance d’un enfant (ou de plusieurs) peut ajouter, avec la tournure du quotidien, certaines tensions bien caractĂ©ristiques dans un couple.

 

Plus rĂ©cemment, j’ai pu tomber sur des propos attribuĂ©s Ă  Mona Chollet oĂč celle-ci ne regrettait pas ses engagements fĂ©ministes mais dĂ©plorait, en quelque sorte, le manque d’amour dans sa vie personnelle. J’ai cru comprendre que sa vie sentimentale et amoureuse subissait les contrecoups de ses engagements fĂ©ministes. J’ai trouvĂ© ça assez triste. Autant d’engagement pour bĂ©nĂ©ficier, en retour, d’une vie amoureuse dĂ©ficitaire.

Mona Chollet n’est pas la seule femme devant ce constat. Dans son ouvrage Les Couilles sur la table, Victoire Tuaillon Ă©crit aussi que devant l’énormitĂ© de la surcharge de travail domestique et invisible qui Ă©choit Ă  la femme lorsque celle-ci a une histoire d’Amour, qu’elle avait en quelque sorte dĂ©cidĂ© de refuser de se « mettre en mĂ©nage Â» pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e. Je ne peux que comprendre sa dĂ©cision si, pour elle, la dĂ©cision de vivre dans le mĂȘme logement que son compagnon l’oblige Ă  se transformer en femme de mĂ©nage, d’intĂ©rieur et en coach Ă©motionnel.

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Ensuite, je m’interroge. Je ne fais, bien-sĂ»r, que des suppositions. Puisque je ne connais pas personnellement Victoire Tuaillon et ne la rencontrerai probablement jamais. Comme je ne rencontrerai probablement jamais Mona Chollet.

 

Je ne prĂ©tends pas dĂ©tenir la formule magique qui permet de rencontrer la personne avec laquelle on pourra vivre heureux jusqu’à la fin de sa vie. Je ne possĂšde pas cette formule.

 

Mais je me dis que l’Amour, le sujet de l’Amour, est, je crois, un idĂ©al « trĂšs Â» fĂ©minin.

Par Amour et tant qu’une femme a de l’Amour pour sa compagne ou son compagnon, il semble qu’elle puisse tout ou trop accepter d’elle ou de lui. Qu’elle puisse tout ou trop espĂ©rer. Par Amour.

 

Dans les annĂ©es 80, la chanteuse du groupe Kassav’, Jocelyne BĂ©roard a chantĂ© le titre Siwo. Dans cette chanson, qui avait bien marchĂ©, Jocelyne BĂ©roard raconte- en CrĂ©ole-,  qu’elle cherche un homme « doux comme le sirop Â». Et, elle dĂ©taille que celui-ci n’est pas obligĂ© d’ĂȘtre beau. Par contre, elle souhaite ( elle exige) qu’il soit rĂ©guliĂšrement de bonne humeur, qu’il soit constamment en train de danser tout en Ă©tant capable par ailleurs de l’écouter lorsqu’elle lui parle mais aussi de s’affirmer lorsque la vie le nĂ©cessite. Jocelyne BĂ©roard conclut sa chanson en disant qu’elle a dĂ©jĂ  cherchĂ© cet homme partout dans le Monde mais ne l’a jamais trouvĂ©. Et qu’elle « sait Â» qu’elle ne pourra le trouver qu’aux Antilles. Dans sa chanson, Jocelyne BĂ©roard ne parle pas de la rĂ©partition des tĂąches domestiques et mĂ©nagĂšres, des fenĂȘtres Ă  laver ni des devoirs des enfants. Alors que j’écoutais une nouvelle fois le titre Siwo avec entrain chez un de mes oncles, celui-ci, mariĂ© et dĂ©jĂ  pĂšre, avait alors dĂ©clarĂ© :

« Mais ce qu’elle dit-lĂ , c’est impossible
. Â». Je devais avoir 17 ou 18 ans. ( Le titre Siwo est sorti en 1986). Le commentaire de mon oncle m’avait arrĂȘtĂ© pile. Je ne voyais pas de quoi il pouvait bien parler. Je me concentrais sur la musique et le rythme. Les paroles de la chanteuse tombaient directement dans le champ vide de mon inexpĂ©rience. Et j’étais incapable, comme mon oncle venait de le faire, de prendre la mesure concrĂšte de ce qui Ă©tait dit. Jocelyne BĂ©roard aurait pu raconter tout autre chose, cela m’aurait tout autant convenu. Dans les faits, en tant que l’un des membres permanents du groupe Kassav’ depuis une quarantaine d’annĂ©es dans le Monde entier, et en tant que femme, j’ai l’impression que Jocelyne BĂ©roard n’a pas eu de vie couple au long cours.

 

 

Un homme me semble regarder l’Amour d’un autre Ɠil. Comme il me semble l’exprimer autrement. J’emploie sans doute des clichĂ©s mais j’ai l’impression qu’un homme sera moins expressif mĂȘme s’il aime sa compagne. Ou, il semblerait, Ă  lire Victoire Tuaillon et Mona Chollet, que l’homme, par Amour, fasse moins d’efforts que sa compagne.

 

L’Amour, selon les chiffres et les constatations de Mona Chollet et Victoire Tuaillon, est une promotion principalement pour les hommes. Et un traquenard pour les femmes. Plus besoin de nous occuper de nos chaussettes sales, de nos repas, des devoirs et des vĂȘtements des enfants si nous en avons, du repassage de nos vĂȘtements. Et, en plus, mĂȘme si nous frappons et violons notre compagne, il se pourrait qu’elle reste avec nous jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je deviens ici un peu provocateur. Mais ce n’est pas mon but, pourtant.

 

Le travail invisible des hommes

 

Victoire Tuaillon nous informe du travail invisible des femmes. Des chiffres le démontrent.

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

Mais je me demande si les hommes fournissent aussi un travail invisible dont Victoire Tuaillon ne parle pas et ne peut parler. Soit parce-que peu d’hommes en ont tĂ©moignĂ©. Soit parce qu’elle reste depuis une perspective de femme. En faisant un peu d’ironie, on dirait, en lisant l’ouvrage de Victoire Tuaillon, que le principal travail invisible des hommes consiste Ă  saper le moral de leurs compagnes.

 

Lorsque je me dĂ©crivais en « militaire de la vie affective et amoureuse Â», je me moquais bien-sĂ»r de moi-mĂȘme. Il y a sĂ»rement une part de vrai. Mais je crois aussi ĂȘtre un peu plus frĂ©quentable que cela au quotidien et dans la vie rĂ©elle.

 

En « bon Â» Ă©lĂšve qui a lu les ouvrages des Mona Chollet et de Victoire Tuaillon, RĂ©inventer l’Amour et Les Couilles sur la Table ( elles ont Ă©crit d’autres ouvrages), j’ai confirmĂ© partager certains travers reprochĂ©s Ă  beaucoup d’hommes dans la sphĂšre conjugale.

 

Mais il est quelques uns de ces « travers Â» que je n’ai pas. Ma compagne a pu me dire que je faisais plus que d’autres hommes. Pour me dire cela, il a bien fallu qu’elle ait certaines discussions avec d’autres femmes qui ont un homme « Ă  la maison Â».

Je vais m’abstenir de faire la « liste Â» de courses des tĂąches domestiques auxquelles je prends spontanĂ©ment part rĂ©guliĂšrement. Car j’aurai trop l’impression de dĂ©poser ici une sorte d’annonce. Mais je peux Ă©crire, je crois, que j’ai Ă©tĂ© prĂ©sent dĂšs la naissance de notre fille. Pour Ă  peu prĂšs tout. Notre fille nous a beaucoup sollicitĂ© la nuit, bĂ©bĂ©. Nous n’avons pas connu ce paradis qui consiste Ă  avoir un enfant qui « fait ses nuits Â» au bout de deux mois. Je ne connais pas cette utopie. Je travaillais alors uniquement de nuit. Lorsque j’étais au travail, ma compagne s’occupait de notre fille. Mais lorsque j’étais de repos, ma compagne pouvait dormir tranquille. Plus d’une fois, j’ai entendu notre fille pleurer et suis allĂ© m’occuper d’elle avant que ma compagne n’ait eu le temps de s’en apercevoir.

 

Certains parents parlent de temps Ă  autre de la « super nounou Â» sur qui ils ont pu toujours compter. Pour la garde de leur enfant. Nous, c’est la nounou qui a pu compter sur nous Ă  plusieurs reprises pour que nous gardions notre fille parce-que lĂ , « Excusez-moi, excusez-moi de vous dĂ©ranger mais
 Â». Et, c’est moi qui gardais notre fille que je sois de repos ou que je vienne de terminer une nuit de travail. A ce jour, je crois que ma compagne peut encore compter sur ses dix doigts le nombre de jours oĂč elle a eu Ă  s’arrĂȘter pour cause de « enfant malade Â». Moins de dix jours.

 

Ça, c’était pour donner un ou deux exemples concrets qui, je crois, peuvent parler Ă  tout parent comme Ă  toute compagne ou tout compagnon. Ou futur parent. Je ne prĂ©tends pas ĂȘtre un papa ou un conjoint parfait pour autant.

 

Le travail invisible d’un compagnon, cela peut ĂȘtre, aussi, de supporter la personnalitĂ© de sa compagne
..

Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

La juste rĂ©partition des tĂąches mĂ©nagĂšres et domestiques, c’est un souhait louable. Mais si cela prend trop d’importance dans un couple, c’est peut-ĂȘtre aussi, certaines fois, parce-que cela devient une prioritĂ© qui n’a pas de raison d’ĂȘtre.

 

Je m’explique : faire le mĂ©nage, repasser, faire la cuisine, c’est important. MĂȘme si j’avais beaucoup aimĂ© lire Truisme de Marie Darrieussecq, mon but dans la vie n’est pas de proclamer : « ChĂ©rie, vivons dans une porcherie comme des cochons et tout ira bien ! Â».

 

Sauf que, il y a propretĂ© et propretĂ©. Je n’ai aucun problĂšme avec le fait de passer le balai ou l’aspirateur. Ou de faire le repassage. Je comprends le principe qui consiste Ă  faire le mĂ©nage rĂ©guliĂšrement pour que cela prenne moins de temps et pour empĂȘcher que la poussiĂšre ne s’entasse. Et, j’avais bien perçu l’incrĂ©dulitĂ© de ma compagne lorsque j’avais essayĂ© de lui expliquer que je n’ai pas de problĂšme avec le fait de passer le balai. Seulement, je ne me rends pas compte qu’il faut le passer. Je ne vois pas. J’ai d’autres prioritĂ©s. Devant moi, ma compagne a manifestement cru que je la prenais pour une tarte et que je lui racontais des bobards. Mais non.

 

Je crois qu’il y a un sentiment d’urgence dans la rĂ©alisation de certaines tĂąches et de certaines actions que je ne partage pas avec ma compagne. Hier soir, nous sommes allĂ©s dĂźner chez des amis. Chez mon meilleur ami et sa compagne. Je connais mon meilleur ami depuis le collĂšge. Il y a maintenant 40 ans. Je m’étais douchĂ©, habillĂ© pour aller Ă  ce dĂźner. Alors que nous partions, ma compagne m’a fait remarquer qu’il y avait un trou prĂšs du col de mon maillot de corps. Un maillot de corps propre, non repassĂ© parce-que j’ai arrĂȘtĂ© de le repasser. Mais propre. Ma compagne n’a pas insistĂ© aprĂšs sa remarque car, sans doute, a-t’elle compris que cela n’aurait rien changĂ©. Que j’aurais gardĂ© ( et j’ai gardĂ©) mon maillot de corps. Mais il est trĂšs vraisemblable qu’à ma place, ma compagne se serait mise dans tous ses Ă©tats et aurait changĂ© illico de vĂȘtement. Comme il est vraisemblable qu’une autre personne, Ă  la place de ma compagne, m’aurait fait toute une histoire pour ce trou dans mon maillot de corps. Ou n’aurait pensĂ© qu’à ça et aurait eu le sentiment d’effectuer une cascade pĂ©rilleuse, toute la soirĂ©e, en faisant comme si ce trou n’existait pas alors qu’elle aurait continuĂ© d’y penser toute la soirĂ©e entre deux plats ou deux remarques.

 

On croit que j’exagĂšre ? HĂ© bien, je pense que certaines femmes se comportent avec le mĂ©nage et certaines tĂąches domestiques comme d’autres auraient pu le faire avec ce trou dans mon maillot de corps. En insistant. En faisant un pataquĂšs. En oubliant que le principal, c’est le moment dĂ©tendu que l’on va passer avec ses amis.

 

Au Spot 13, Paris, 15 juin 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Je n’invite pas les femmes qui se mettent en mĂ©nage Ă  accepter que leur compagnon les laisse se charger de leurs chaussettes sales et plus si affinitĂ©s. N’exagĂ©rons rien. Mais je me demande si, certaines fois, qui se rĂ©pĂštent, il est vrai, trop d’importance est accordĂ©e aux tĂąches domestiques plutĂŽt qu’à d’autres.

 

Par ailleurs, je ne crois pas du tout que le fait d’ĂȘtre un homme « parfait Â» question mĂ©nage, tĂąches domestiques, prĂ©paration du repas, Ă©ducation des enfants, courses et autres suffise pour que l’histoire d’Amour du couple soit absolument Ă©panouissante. Autrement, il suffirait Ă  beaucoup de femmes se mettre en couple avec des hommes de mĂ©nage.

 

 

Ensuite, je l’ai aussi dit : je ne partage pas certains des « travers Â» attribuĂ©s Ă  une majoritĂ© d’hommes. Et, je ne me vois pas comme un homme exceptionnel.

 

Donc, je me dis qu’il doit y avoir d’autres hommes qui, comme moi, participent rĂ©guliĂšrement, en partie, aux tĂąches domestiques, Ă©ducatives et mĂ©nagĂšres.

J’ai l’impression que le niveau d’exigence et d’attente de certaines femmes a beaucoup augmentĂ© et peut-ĂȘtre trop. Pas uniquement dans le domaine des tĂąches domestiques, Ă©ducatives et mĂ©nagĂšres d’ailleurs. Parce-que si je prends Ă  la lettre certains critĂšres fĂ©ministes, les femmes ont intĂ©rĂȘt Ă  changer de modĂšle d’homme idĂ©al :

 

Il va falloir qu’elles se fassent Ă  des multitudes d’AbbĂ©s Pierre et de Omar Sy. Or, je ne suis pas convaincu que toutes les femmes aimeraient vivre avec un AbbĂ© Pierre ou un Omar Sy mĂȘme si ce sont deux personnalitĂ©s plutĂŽt ou particuliĂšrement sympathiques.

 

 

Cette amĂ©lioration du niveau de vie et de l’éducation des femmes a aussi une consĂ©quence sur les relations hommes-femmes. Je ne la critique pas. Peut-ĂȘtre que c’est le fait d’ĂȘtre dans une sociĂ©tĂ© patriarcale et d’ĂȘtre un des nombreux rejetons de cette pensĂ©e patriarcale qui me fait d’abord souligner la consĂ©quence plutĂŽt que le bienfait de ce changement. Mais ce changement a divers effets. Bons et mauvais. Comme beaucoup de changements. Ce serait facile de dire pour simplifier que ce changement rompt un Ă©quilibre entre les femmes et les hommes : cependant, d’un point de vue lĂ©gĂšrement fĂ©ministe, on pourrait facilement rĂ©pondre, et prouver, qu’il n’y a jamais eu de relation Ă©quilibrĂ©e entre les femmes et les hommes. Puisque c’est le principe mĂȘme du patriarcat que d’imposer aux femmes une sociĂ©tĂ© dans laquelle elles sont infĂ©rieures aux hommes.

 

 

Mais j’ai l’impression que dans un couple, que l’on soit un homme ou une femme, il y aura toujours ce rapport de dominĂ©-dominant. MĂȘme si l’équilibre relationnel se transforme. Parce qu’un Ă©quilibre parfait entre ĂȘtres humains, est-ce possible ?

Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Dans le domaine de la sĂ©duction, je ne vois pas d’équilibre entre les ĂȘtres humains. Il est des personnes qui savent sĂ©duire. Et d’autres pas.

Vis Ă  vis de la solitude, il est des personnes capables de bien vivre la solitude, voire de la rechercher. Et il en est d’autres qui en souffrent et qui feront leur possible pour essayer de s’en dĂ©barrasser presque par tous les moyens. LĂ  aussi, je ne vois pas d’équilibre. Et il ne s’agit pas d’une opposition entre des femmes et des hommes. Ou alors, il faut, comme le disent aussi Mona Chollet et Victoire Tuaillon, un autre type de sociĂ©tĂ©. Mais pour faire en sorte que de maniĂšre Ă  peu prĂšs Ă©quilibrĂ©e, tout le monde soit Ă  mĂȘme de plaire et de sĂ©duire mais aussi de composer avec sa solitude
j’ai quand mĂȘme l’impression que l’on se rapproche lĂ  d’un mode de vie  militaire et totalitaire.

 

 

Je ne vois pourtant pas le livre de Victoire Tuaillon comme un manifeste militaire et totalitaire. Certes, elle s’est attardĂ©e sur nos couilles plus longuement que cela ne se fait d’habitude. Pour faire parler plusieurs personnes et tĂ©moins qui ont affaire Ă  elles. Mais aussi pour les faire parler d’Amour. C’est une prouesse qui vaut le dĂ©tour.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 27 juillet 2022.

 

 

 

 

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Puissants Fonds/ Livres

Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. PremiĂšres parties

Affiches aperçues ce 10 juillet 2022, sur les quais entre la gare d’austerlitz et la gare de Lyon. Photo©Franck.Unimon

Les couilles sur la table un livre de Victoire Tuaillon PremiĂšres parties

 

 C’est ma premiĂšre surprise partie

 

Il s’agit d’une espĂšce de pieuvres qui ne lĂšve jamais l’ancre et que l’on retrouve partout oĂč il peut y avoir des hommes sur la Terre. De multiples fois millĂ©naires, transportĂ©e, ballotĂ©e, sous diverses latitudes, y compris dans les pires conditions, elle a connu l’ñge de pierre, du fer, du bronze, du nuclĂ©aire et, dĂ©sormais, celui du rĂ©chauffement de l’atmosphĂšre.

 

TrĂšs fragile, sans volontĂ© propre,  elle peut nĂ©anmoins s’imposer Ă  celle des autres et se faire bienfaitrice, rĂ©confortante, ou, au contraire, envahissante et destructrice.

 

Nous parlons bien d’une paire de couilles. S’il y en avait une seule peut-ĂȘtre que l’Histoire serait-elle diffĂ©rente. Mais habituĂ© depuis ma naissance Ă  en avoir deux, je n’ai pas envie d’essayer de finir ma vie avec une seule. Deux couilles, un jour, deux couilles, toujours.

 

Nos couilles seraient et sont des grandes prĂ©datrices, agissant et disparaissant, en plein jour comme par temps de brouillard. Et, Victoire Tuaillon, avec cet ouvrage (publiĂ© en 2019), a dĂ©cidĂ© de se lancer dans l’étude de cette espĂšce particuliĂšre Ă  laquelle beaucoup d’hommes sont rattachĂ©s comme bien des femmes peuvent ĂȘtre trĂšs rattachĂ©es Ă  leur poitrine ou Ă  leur chevelure.

 

J’ai entendu parler de Victoire Tuaillon et de ce livre en lisant RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet qu’une collĂšgue, Chamallow, m’a prĂȘtĂ© il y a quelques mois. Un livre que j’ai eu plaisir Ă  lire et Ă  propos duquel j’ai Ă©crit ensuite. ( J’ai lu RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet ). 

 

Pour son ouvrage, RĂ©inventer l’Amour, Mona Chollet a fourni un trĂšs gros travail de recherche et de rĂ©flexions et donne, aussi, une abondante bibliographie. Dont cet « objet Â» de Victoire Tuaillon que j’ai d’abord empruntĂ© Ă  la mĂ©diathĂšque puis finalement achetĂ© afin de pouvoir le lire tranquillement.

 

Depuis, Warda, une collĂšgue Ă  peu prĂšs du mĂȘme Ăąge que Chamallow, m’a appris avoir dĂ©jĂ  offert ce livre Ă  plusieurs hommes qui l’ont ensuite remerciĂ©e. Sans qu’elle-mĂȘme n’ait jamais lu une seule ligne de cet ouvrage. Warda, si tu lis cet article, sache donc que ce clin d’Ɠil est pour toi. Je pense que tu sauras te reconnaĂźtre car tu m’avais demandĂ©, amusĂ©e « Tu crois que je ne sais pas lire ?! Â» lorsque j’avais tenu Ă  te prĂ©venir que mon article sur le livre de Mona Chollet, RĂ©inventer l’Amour, est « trĂšs Â» long. J’espĂšre que tu as pu le lire, depuis. Warda n’est pas ton vrai prĂ©nom. Peut-ĂȘtre Nabilla….

 

Je ne connaissais pas du tout Victoire Tuaillon avant de lire RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet. Alors que dans l’univers « fĂ©ministe Â», Victoire Tuaillon compte parmi les jeunes auteures dont le travail engagĂ© est d’importance. Victoire Tuaillon avait trente ans lors de la parution de son livre Les Couilles sur la table, en 2019. En 2019, j’avais 51 ans et, Ă  ce jour, malgrĂ© mes prĂ©tentions et aspirations artistiques et littĂ©raires, je n’ai pas publiĂ© un seul livre. Donc, bravo, aussi, pour avoir rĂ©ussi Ă  ĂȘtre publiĂ©e !

Pub aperçue Ă  la gare St Lazare en juin ou juillet 2022. On parle de parfum, mais ça fait un peu penser Ă  une orgie, non ? Et puis, une pub pour un parfum qui s’appelle Diesel, alors que le prix de l’essence et du diesel a augmentĂ© depuis la guerre en Ukraine, ça fait un peu drĂŽle. MĂȘme si c’est une coĂŻncidence. Photo©Franck. Unimon

Les Couilles sur la table a d’abord Ă©tĂ© un podcast dĂ©clinĂ© en plusieurs Ă©pisodes. Victoire Tuaillon l’explique au dĂ©but de son livre. Je n’avais jamais entendu parler de ce podcast bien que devenu un adepte des podcast : ( La Clinique de l’Amour ( version courte)

 

Je trouve que l’écoute d’un sujet que l’on a cherchĂ© et choisi est bien plus « Ă©ducatif Â» et nourrissant que lorsque l’on se laisse attraper puis gaver comme des oies par des fleuves ininterrompus d’images sans but.

 

Actuellement, plus de 70 gigas de podcast m’attendent sur mon smartphone sur divers sujets. Mais je ne connaissais pas celui de Victoire Tuaillon. Et, lorsque j’ai fait la rĂ©servation de son livre dans une des mĂ©diathĂšques oĂč je suis inscrit, j’ai eu le plaisir de voir la surprise monter sur le visage des trois bibliothĂ©caires ( une femme et deux hommes) en leur donnant le titre, tout en ayant pris soin, au prĂ©alable, avec le sourire, de m’excuser pour ce que j’allais dire.

Juin ou juillet 2022, Paris. Photo©Franck.Unimon

 

Victoire Tuaillon explique aussi au dĂ©but de son livre que certaines personnes ont Ă©tĂ© choquĂ©es par ce titre et le lui ont en quelque sorte reprochĂ©. Je sais qu’il faut trouver un titre accrocheur pour attirer un public et que, rĂ©guliĂšrement, nos instincts de voyeur (femme et homme) sont sollicitĂ©s par diffĂ©rents mĂ©dia. Mais le titre Les Couilles sur la table m’a surtout et me fait surtout sourire et plutĂŽt rire. Peut-ĂȘtre parce-que j’aime assez l’humour noir ( Desproges, la bonne Ă©poque de DieudonnĂ©, Blanche Gardin, Fabrice EbouĂ©, Thomas N’Gigol, le philosophe Cioran, le rĂ©alisateur Jean-Pierre Mocky, le rĂ©alisateur Joao CĂ©sar Monteiro, l’auteur Jean-Patrick Manchette
) autant comme spectateur, lecteur que comme auteur.

Peut-ĂȘtre parce-que, dĂšs mon enfance, j’ai eu recours Ă  la dĂ©rision et Ă  l’autodĂ©rision.

 

 

Pour autant, je refuse de me voir comme un « fĂ©ministe Â».

 

Je ne suis pas féministe

 

Je ne suis pas fĂ©ministe et je m’aperçois maintenant que quelques unes des personnalitĂ©s que j’ai citĂ©es plus haut sont sĂ»rement diversement apprĂ©ciĂ©es dans le milieu fĂ©ministe :

 

Jean-Pierre Mocky ? Qui avait pu se targuer de ne s’ĂȘtre jamais masturbĂ©. Et qui, ouvertement, avait pu revendiquer le droit de pouvoir « baiser Â» dans une interview !

Mais il est vrai que Mocky Ă©tait trĂšs provocateur.

Ces photos de pubs montrant des femmes dĂ©nudĂ©es sont bien-sĂ»r lĂ  pour reflĂ©ter la façon dont nous sommes constamment entourĂ©s de certaines images qui, mĂȘme si, elles semblent ne pas nous toucher ont sans aucun doute une incidence sur nous ( femmes ou hommes). La couverture de l’hebdomadaire Le Point et son titre peut s’appliquer Ă  cette normalisation de la nuditĂ© publique fĂ©minine. NuditĂ© supposĂ©e ĂȘtre lĂ  pour attester de la “libĂ©ration” de la femme…. ces images de femmes dĂ©nudĂ©es sont supposĂ©es me flatter. Elles me flattent. Mais pas comme un ĂȘtre humain. PlutĂŽt comme si j’Ă©tais un gentil chien-chien et que, rĂ©guliĂšrement, on me caressait le museau ainsi que ma paire de couilles….avec des images. Pour continuer de me tenir en laisse. Photo©Franck.Unimon

 

 

J’ai aussi quelques doutes sur le fĂ©minisme d’un Cioran. Peu, importe, je ne suis et ne me sens pas fĂ©ministe. Au moins pour ces raisons :

 

MĂȘme si, aujourd’hui, je « sais Â» qu’en France, tous les trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint ; que des femmes sont bien souvent les principales victimes de viols ( pas uniquement lors des guerres comme en Ukraine depuis plusieurs mois), qu’à travail Ă©gal, les femmes touchent un salaire moindre que les hommes ; que les femmes sont bien plus surchargĂ©es, que les hommes, lorsqu’elles se mettent en mĂ©nage, par ces travaux invisibles que peuvent ĂȘtre les tĂąches mĂ©nagĂšres, l’éducation des enfants, la cuisine, la prĂ©sence Ă©motionnelle
.

 

 

Je suis Ă©videmment dĂ©solĂ© d’apprendre ces faits, ces chiffres, et je suis contre ces injustices.

 

Pourtant, je ne suis pas féministe.

Je trouve cette photo aussi aguichante que comique pour son caractĂšre caricatural. Paris, prĂšs de la Gare du Nord, juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

 

MĂȘme si je suis plus proche de ma mĂšre que de mon pĂšre. Et que dĂšs l’enfance, celle-ci, ainsi que mon pĂšre, m’ont mis Ă  contribution pour faire la vaisselle, pour aller faire des courses. Pour garder et emmener Ă  l’école ma petite sƓur et mon petit frĂšre nettement plus jeunes que moi. MĂȘme si, en Guadeloupe (j’aime raconter cette anecdote), Ă  Pointe A Pitre, ma mĂšre m’avait envoyĂ© lui acheter une paire de collants. Ce que j’étais allĂ© faire, comme d’autres courses auparavant, et que tout cela m’apparaissait parfaitement normal jusqu’à ce que certaines personnes, dans la rue, alors que je marchais, commencent Ă  me regarder « bizarrement Â» :

Le sac en plastique dans lequel je transportais mon achat Ă©tait transparent. Et, un jeune homme (j’avais environ 18 ans, je crois) se baladant lĂ -bas avec une paire de bas Ă©tait susceptible d’ĂȘtre un makoumĂ© (un pĂ©dĂ©). Ce qui, au pays du Zouk, des plages de rĂȘve et du soleil, est plutĂŽt une tare.

 

 

Je ne suis pas fĂ©ministe mĂȘme si, depuis des annĂ©es, maintenant, j’évolue dans un milieu professionnel dans lequel j’ai souvent Ă©tĂ© entourĂ© par une majoritĂ© de femmes. Dont certaines ont pu et sont mes supĂ©rieures hiĂ©rarchiques. Et, lorsqu’il a pu m’arriver d’avoir certains conflits avec quelques unes d’entre elles (collĂšgues ou supĂ©rieures hiĂ©rarchiques), c’est, selon moi, plus en raison de leur personnalitĂ© que de leur appartenance au sexe dit fĂ©minin. Actuellement, oĂč j’évolue dans un milieu professionnel majoritairement masculin, c’est avec quelques collĂšgues masculins que j’ai quelques dĂ©saccords et conflits : ceux-ci me reprochent
de manquer de couilles. Je serais trop gentil, trop doux et incapable de me dĂ©fendre tout seul.

Il y a quelques semaines, j’ai posĂ© l’ouvrage de Victoire Tuaillon, bien en Ă©vidence, en m’asseyant Ă  la table  dans la salle Ă  manger du service, prĂšs d’un de ces collĂšgues ( alors assis) qui estime que je manque de couilles pour le travail que nous faisons….

Ce collĂšgue, je le sais, par rĂ©flexe, a jetĂ© un coup d’Ɠil sur la couverture et le titre.Sans rien dire. Toujours sans rien dire, quelques secondes plus tard, il s’est levĂ© et a quittĂ© la piĂšce.

Peut-ĂȘtre, un jour, apprendrai-je que ce collĂšgue, par ailleurs plutĂŽt rĂ©putĂ© pour ĂȘtre un «homme Ă  femmes Â» et qui aime raconter certains de ses exploits sexuels, qui a aimĂ© me raconter certains de ses exploits Ă  l’Ă©poque (l’annĂ©e derniĂšre) oĂč nous Ă©tions “amis”,  a peu goĂ»tĂ© ma petite provocation. C’est pourtant un mec trĂšs cool et trĂšs souvent souriant en gĂ©nĂ©ral. Pour la galerie.

Couverture des Inrockuptibles dans lequel on peut trouver, aussi, des suggestions de lectures telle celle du livre “Les Argonautes” de Maggie Nelson que je n’ai pas encore lu.

 

Je ne suis pas fĂ©ministe mĂȘme si, en apprenant que j’allais ĂȘtre pĂšre d’une fille, nĂ©e depuis, Ă  aucun moment, je ne me suis catastrophĂ© en me disant :

 

« Quel malheur ! Une fille ! Qu’est-ce que je vais pouvoir en faire ?! Â».

 

Il est pour moi parfaitement normal d’avoir commencĂ© Ă  montrer Ă  ma fille certains petits gestes d’AĂŻkido, de lui avoir achetĂ© une paire de gants de boxe, des protĂšges tibias et un protĂšge dents, et, certaines fois, de m’amuser Ă  me battre avec elle.

 

 

Je ne suis pas fĂ©ministe mĂȘme si, visiblement, il a pu arriver que certaines amies femmes puissent se confier Ă  moi. Et, mĂȘme s’il a pu arriver ou peut sans doute encore arriver que l’on se demande, voire que l’on me demande, si je suis homo. Et je ne me sens pas insultĂ© en particulier par ce genre de question. Mais plutĂŽt amusĂ©.

 

Je ne suis pas fĂ©ministe mĂȘme si je n’ai jamais Ă©tĂ© un « queutard Â» ou un de ces hommes capables d’embobiner une femme ou de jouer un rĂŽle devant elle afin de pouvoir me vider les couilles et, ensuite, me glorifier auprĂšs d’autres hommes de ma derniĂšre « conquĂȘte Â».  Si, bien-sĂ»r, je trouve bien des femmes dĂ©sirables et que j’ai des besoins affectifs et sexuels, je ne comprends pas la satisfaction que je pourrais tirer Ă  recourir Ă  des stratagĂšmes pour « lever Â» une fille.

 

Ce n’est pas une position morale de ma part. Je ne me dis pas forcĂ©ment que c’est « vilain Â» ou « pas beau Â». Ou « pas bien Â». Mais simplement :

 

Que ce n’est pas moi. Que cela ne me correspond pas….Ă  moins de me retrouver sur une Ăźle dĂ©serte, ou enfermĂ© dans un ascenseur ou un endroit clos pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e. LĂ , je veux bien croire que je puisse trouver spĂ©cifiquement dĂ©sirable celle qui se trouvera avec moi. La sexualitĂ© se rĂ©duisant alors totalement Ă  une sorte d’incantation ou de forme d’Ă©chappatoire en vue de tenter de se soustraire, de maniĂšre Ă©phĂ©mĂšre, aux barreaux de notre vaine condition humaine.

 

En dehors de ces circonstances extrĂȘmes, je crois qu’il faut avoir la personnalitĂ© qui va avec, lorsque l’on est un sĂ©ducteur ou un queutard « certifiĂ© Â». On a une image particuliĂšre Ă  donner de soi, un rĂŽle Ă  tenir, dĂšs lors que l’on est un « sex machine Â». Afin de vendre du rĂȘve Ă  celles et ceux qui ne demandent qu’à croire Ă  cette arnaque et Ă  essayer d’attraper ce rĂȘve factice qui va, de toute façon, leur Ă©chapper. Et c’est ce qui, prĂ©cisĂ©ment sans doute, va les attirer et leur procurer excitation et adrĂ©naline.

 

Je me sens incapable, mais aussi non volontaire, pour ĂȘtre comme le personnage de Tony ( trĂšs bien jouĂ© par l’acteur Salim Kechiouche) dans le film Mektoub, my love : canto uno ( sorti en 2018) du rĂ©alisateur abdellatif Kechiche.

Pourtant, le personnage de Amin (jouĂ© par l’acteur ShaĂŻn Boumedine) censĂ© ĂȘtre le vĂ©ritable personnage principal du film ainsi que le double du rĂ©alisateur, m’exaspĂšre pour son incapacitĂ© manifeste Ă  sĂ©duire. Ou, d’abord, Ă  vivre. Il est lĂ , avec son sourire constant, dominĂ© par les Ă©vĂ©nements. Peut-ĂȘtre qu’il m’exaspĂšre parce qu’il me ressemble un peu trop et que je sais, par expĂ©rience, que le gentil garçon poli, doux, sympathique, passif et « romantique Â» est plutĂŽt vouĂ© Ă  rester le spectateur puissant et impuissant de ses amours.

 

Paris, juin ou juillet 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Je ne suis pas fĂ©ministe tout simplement parce qu’aujourd’hui, en 2022, cela fait « bien Â», cela fait « hype Â», « branchĂ© Â», « cool Â», “Yes !”, ” Super !”  et  engagĂ© de se dire fĂ©ministe.

 

Je ne remets aucunement en cause, par contre, le fĂ©minisme de Victoire Tuaillon. J’écris simplement, Ă  ma maniĂšre, que je n’ai pas envie de rejoindre toutes ces personnes pour lesquelles se dire « fĂ©ministe Â», « cool Â», « ouvert Â», « tolĂ©rant Â» ou « gay friendly Â» sont principalement des expressions qui font joli. Ce sont peut-ĂȘtre des affirmations trĂšs sincĂšres. Et puis, dans les faits, ces mĂȘmes personnes prĂ©tendument « fĂ©ministes Â», « cool Â», « ouvertes Â», « tolĂ©rantes Â» ou « gay friendly Â» peuvent se montrer beaucoup moins « open Â» que d’autres personnes a priori estimĂ©es comme trĂšs conservatrices ou de « l’ancien rĂ©gime Â».

 

Cette rĂ©clame pour un promoteur immobilier a bien Ă©tĂ© prise en juillet de cette annĂ©e 2022 dans la ville de Cormeilles en Parisis, Ă  une vingtaine de kilomĂštres de Paris, une ville pas particuliĂšrement en retard sur son Ă©poque ! On notera nĂ©anmoins le cĂŽtĂ© assez vieux jeu dans ces rĂŽles dĂ©volus Ă  la femme et Ă  l’homme sur l’affiche.

 

Je veux bien passer pour quelqu’un de « l’ancien rĂ©gime Â», de « old school Â», de « traditionnaliste Â» ou pour quelqu’un de « rigide Â» et “paternaliste”. De toutes façons, je suis sans doute un peu tout ça. Et mĂȘme davantage. 

 

 

J’aime dans le film de Ken Loach, Raining Stones (rĂ©alisĂ© en 1993) ce passage oĂč un prĂȘtre, absout Bob, catholique pratiquant, un pĂšre au chĂŽmage, culpabilisĂ©, parce qu’il a utilisĂ© de l’argent qui ne lui appartenait pas afin de pouvoir offrir Ă  sa fille une trĂšs belle robe pour sa communion. Si le rĂ©alisateur Ken Loach, en tant que communiste, est sans doute athĂ©e, j’ai envie de croire que de tels prĂȘtres puissent exister ou ont existĂ©. Pourtant, au dĂ©part, on pourrait penser que n’importe quel prĂȘtre catholique (ou d’une autre religion), devant une telle situation, aurait dĂ©noncĂ© ce pĂšre Ă  la police ou contraint Bob de rendre la robe de sa fille au vendeur.

 

Certainement que des prĂȘtres catholiques ont aussi aidĂ© certaines femmes Ă  avorter clandestinement au vu des circonstances dans lesquelles elles sont tombĂ©es enceintes. Et, je ne parle pas, ici, de femmes qui auraient Ă©tĂ© ou ont Ă©tĂ© les maitresses consentantes ou forcĂ©es de certains prĂȘtres. MĂȘme si ces femmes existent ou ont existĂ©.

 

 

Et puis, je ne suis pas fĂ©ministe, parce-que, d’une certaine maniĂšre, je revendique presque le fait d’avoir Ă©tĂ© ou d’ĂȘtre, parfois, ou souvent, ou quelques fois, encore, le beauf, le lourdaud, le mec dĂ©crit dans l’ouvrage de Victoire Tuaillon.

 

Je revendique presque le fait d’avoir Ă©tĂ© ou d’ĂȘtre, parfois, ou souvent, le beauf, le lourdaud, le mec pĂ©nible

 

 

Les hommes « fĂ©ministes Â» ou qui se disent comme tels sont un peu trop parfaits pour moi. Un peu trop artificiels. Un peu trop beaux pour ĂȘtre vrais. Un peu trop « bios Â».

 

 

Ces hommes ont le droit de se croire irrĂ©prochables et impeccables concernant les droits des femmes. Des femmes ont le droit de trouver ces hommes « fĂ©ministes Â» exemplaires. Sauf que, moi, en pratique, je ne crois pas Ă  cette exemplaritĂ© de tous les instants. De mĂȘme que je ne crois pas que les femmes « fĂ©ministes Â» soient, elles mĂȘmes, exemptes de certaines contradictions ou exemplaires en toutes circonstances.

 

Dans son ouvrage, Victoire Tuaillon Ă©voque bien certaines de ces contradictions rencontrĂ©es chez certaines femmes fĂ©ministes. J’ai nĂ©anmoins l’impression qu’il est deux ou trois sujets qui sont oubliĂ©s dans son ouvrage, trĂšs documentĂ©, que j’ai aimĂ© lire.

 

MĂȘme si certains passages de son ouvrage sont plutĂŽt Ă  charge pour un « homo erectus Â» beauf comme moi.

Si je prends Ă  la lettre ce que je vois, je pourrais croire qu’en prenant les bus 56 et 96, mais aussi en me rendant dans la rue J-P Timbaud, que je vais tomber sur ces plages oĂč de jeunes et charmantes femmes s’Ă©tirent. En sortant du mĂ©tro, je n’ai rien trouvĂ© de cela. Une nouvelle fois, je me suis fait avoir…. Photo prise dans le mĂ©tro Ă  Paris, en juillet 2022. ©Franck.Unimon

 

Plusieurs couches, plusieurs Ă©tapes et plusieurs strates chez l’ homme, pour vous, spĂ©cialement, les filles :

 

 

Pour conclure cette premiĂšre partie de mon article, je dirais que je ne suis pas fĂ©ministe et revendique presque le fait de faire partie, certaines fois, ou souvent, des mecs lourds parce-que je sais, aussi, que je suis diffĂ©rent de celui que j’ai pu ĂȘtre :

 

 

On est un homme diffĂ©rent selon que l’on vit chez papa et maman, que l’on est puceau, que l’on se regroupe entre garçons pour parler des filles qui nous attirent mais que l’on on a aussi plus ou moins peur de rencontrer dans l’intimitĂ©. C’est alors, Ă  se demander, qui a le plus peur de se faire violer
.

 

On est un homme diffĂ©rent selon que l’on a la possibilitĂ©, ou non, de discuter avec des personnes plus ĂągĂ©es que soi, mariĂ©es, divorcĂ©es, infidĂšles ou non.

 

On est un homme diffĂ©rent selon que l’on a connu quelques histoires d’amour, que l’on ait Ă©tĂ© amant d’une femme mariĂ©e et rĂ©cemment maman, ou non.

 

On est un homme diffĂ©rent selon que l’on dĂ©cide de rester uniquement dans un milieu hĂ©tĂ©ro cloisonnĂ© ou que l’on accepte, Ă  certains moments, de s’en affranchir un peu pour rencontrer d’autres personnes diffĂ©rentes de nos « habitudes Â».

 

On est un homme diffĂ©rent selon que l’on est cĂ©libataire, que l’on vit en cĂ©libataire chez soi pendant plusieurs annĂ©es, que l’on a du mal Ă  s’engager ou que l’on vit mariĂ©, sous le mĂȘme toit que quelqu’un d’autre, avec ce quelqu’un d’autre avec lequel, aprĂšs en avoir discutĂ© et un peu hĂ©sitĂ©, on dĂ©cide de devenir parent.

 

J’ai connu et continue de connaĂźtre ces diffĂ©rentes Ă©tapes. Ces diffĂ©rentes strates de moi-mĂȘme me font avoir, je crois, un certain regard sur l’ouvrage de Victoire Tuaillon. Ce regard peut ĂȘtre fĂ©ministe ou plus ou moins beauf.

Paris, juillet 2022 sans doute. Photo©Franck.Unimon

 

Par exemple, Victoire Tuaillon, au dĂ©part, me fait sourire :

 

Aujourd’hui, il est trĂšs facile de trouver sur le net des photos de personnes un peu connues. On peut aussi avoir besoin de se faire une idĂ©e de la personne dont on va lire l’ouvrage.

A voir une photo ou deux de Victoire Tuaillon, Ă  deviner aussi un peu ses aptitudes pour l’humour, et tout en songeant, toujours, au titre de son ouvrage Les Couilles sur la table, je suis tombĂ© sur une de ses photos oĂč on la voit, souriante, charmante, avec sa poitrine qui a commencĂ© Ă  m’opĂ©rer la tĂȘte.

 

Voilà le beauf ou le mec lourdaud en moi. Celui que les féministes, dont Victoire Tuaillon, en ont assez de se coltiner. Et, je les comprends dans une certaine mesure.

 

Je ne suis, hĂ©las, et ne serai jamais que le 157 000Ăšme homme ou garçon Ă  m’émouvoir ou Ă  faire des commentaires sur cette particularitĂ© de son anatomie.

 

Pourtant, quoi de plus « simple Â» et de plus « normal Â» que de remarquer ce caractĂšre sexuel secondaire avantageux que constitue, aussi, cette belle poitrine ? Serait-il plus normal, plus sain et plus sincĂšre de faire comme si on ne l’avait pas remarquĂ© ?

 

C’est un des sujets, Ă  propos duquel, en tant que beauf, mec lourdaud ou autre adjectif dĂ©favorable Ă  la gente masculine, j’ai beaucoup de mal avec les fĂ©ministes qu’ils soient hommes ou femmes.

Alors, Victoire Tuaillon, si elle ou d’autres, prennent trĂšs mal mes propos concernant sa poitrine, ne me fait plus sourire. Mais me fait peur. MĂȘme si, dans les premiĂšres pages, elle se veut rassurante et affirme :

 

« J’aime les hommes Â».

 

 

Voici ce qu’il en est pour la premiĂšre partie de cet article que j’ai prĂ©fĂ©rĂ© couper afin qu’il soit plus facile Ă  lire.

 

Franck Unimon, ce dimanche 24 juillet 2022.

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Puissants Fonds/ Livres

J’ai lu RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet

 

 

 

Au spot 13, en mars 2022. Oeuvre de l’artiste ClĂ©ment Herrmann. Photo©Franck.Unimon

 

 J’ai lu RĂ©inventer l’Amour ( Comment le Patriarcat sabote les relations hĂ©tĂ©rosexuelles) de Mona Chollet

« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus avoir d’enfants Â» auraient dit des militaires russes Ă  des femmes ukrainiennes. Depuis le 24 fĂ©vrier 2022, l’armĂ©e militaire russe a commencĂ© Ă  envahir l’Ukraine. Et la guerre, qui Ă©tait « prĂ©vue Â» pour ĂȘtre courte, continue entre les deux pays.

 

Il y a quelques annĂ©es, j’ai envisagĂ© d’aller travailler dans un CMP ( Centre MĂ©dico- psychologique) pour adultes en banlieue parisienne, dans une ville assez proche d’Argenteuil, ville oĂč j’habite.

 

Lors du trajet en voiture depuis Gennevilliers vers ce CMP , situĂ© Ă  Villeneuve la Garenne, la cadre infirmiĂšre m’avait un peu racontĂ© quelques unes de ses missions humanitaires passĂ©es. Dont une durant la guerre en ex-Yougoslavie. Dans la voiture de service, tout en me conduisant, cette infirmiĂšre expĂ©rimentĂ©e, Ă  quelques annĂ©es de la retraite, m’avait parlĂ© de sa peur. De sa peur du viol. Et de deux sƓurs bosniaques qu’elle avait alors connues. L’aĂźnĂ©e des soeurs lui avait servi d’interprĂšte.

 

AprĂšs  la guerre, l’aĂźnĂ©e, avec laquelle elle Ă©tait restĂ©e en contact,  Ă©tait demeurĂ©e cĂ©libataire et avait dĂ©veloppĂ© un cancer. La plus jeune, femme trĂšs coquette Ă  l’origine, s’était mariĂ©e et radicalisĂ©e religieusement.

 

Chaque fois qu’il y a des guerres, des femmes mais aussi des enfants se font violer. Si, en temps de « paix Â», certains viols peuvent ĂȘtre- difficilement- condamnĂ©s, en temps de guerre, il peut ĂȘtre encore plus difficile de les faire condamner comme de faire condamner leurs auteurs.

 

 

D’autant plus que la « Paix Â», comme la SantĂ©, ont des dĂ©finitions trĂšs variables. Puisque l’on peut, aussi, ĂȘtre victime d’un viol dans un pays en « Paix Â» et riche comme la France.

Paris, mars 2022.

 

Les multiples guerres du quotidien

 

 

Car, si certaines guerres militaires sont plus mĂ©diatisĂ©es que d’autres, il existe bien d’autres dĂ©clinaisons de la guerre :

 

Des guerres domestiques, sociales, Ă©conomiques, relationnelles, professionnelles, culturelles. Et, ces multiples guerres du quotidien, directes ou indirectes, propulsent plus facilement certaines et certains aux avants postes tandis que d’autres, «progressivement Â», et malgrĂ© leurs efforts, rĂ©gressent, stagnent ou piĂ©tinent dans leur Ă©volution personnelle.

 

RĂ©cemment, Ă  la gare de Paris St Lazare, j’ai aperçu un patient que j’avais d’abord “croisĂ©” une premiĂšre fois deux ou trois ans plus tĂŽt dans un service d’addictologie oĂč j’avais effectuĂ© quelques remplacements. Puis, au dĂ©but de la pandĂ©mie du Covid, je l’avais reconnu aux abords de la gare St Lazare.

Au dĂ©but de la pandĂ©mie du Covid, il prĂ©sentait bien, avait mĂȘme une perception assez critique concernant la pandĂ©mie . Quand je l’ai revu Ă  la gare St Lazare, la semaine derniĂšre, il Ă©tait en train de fumer, sans masque, et ressemblait Ă  un clochard. La premiĂšre fois que je l’avais recroisĂ© prĂšs de la gare de Paris St Lazare, il faisait la manche. Il y a quelques jours, j’imagine qu’il Ă©tait encore dans la gare de Paris St Lazare pour continuer de faire la manche. Sauf que son Ă©tat personnel s’était aggravĂ©. Pourtant, depuis des annĂ©es, cet homme qui a connu l’emploi, comme d’autres femmes et d’autres hommes, a essayĂ© et aura essayĂ© de s’en sortir.

 

 

Je ne peux pas affirmer que, par son livre, Mona Chollet, vise aussi ces sujets puisque le titre de son ouvrage est : RĂ©inventer l’Amour. Mais voilĂ  ce qu’il commence par m’inspirer, ce matin, alors que j’ai terminĂ© sa lecture dans un jardin des Tuileries ensoleillĂ© il y a plus d’une semaine dĂ©sormais.

Au jardin des Tuileries, Paris, avril 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Mona Chollet parle d’Amour et avec son titre rajoute :

 

Comment le Patriarcat sabote les relations sexuelles. Et, moi, je commence par parler de viols de femmes par temps de guerre et de paix. Puis d’un homme en voie de clochardisation.

 

« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus faire d’enfants
 Â».

« On va tellement vous violer que vous ne pourrez plus vous exprimer Â».

 

RĂ©inventer l’Amour : un livre de « fille Â» et d’intello favorisĂ©e

 

Je n’aurais pas lu ce livre de Mona Chollet, si, une de mes jeunes collĂšgues internes, Chamallow, en stage dans mon service, ne m’en avait parlĂ© il y a plusieurs semaines. AprĂšs que j’aie eu la curiositĂ© de lui demander ce qu’elle lisait ou avait lu rĂ©cemment. 

( voirLe petit fantĂŽme bleu, Mona Chollet-RĂ©inventer l’Amour ).

 

 

J’avais entendu parler de ce livre. Mais je l’avais pris pour un sujet ou un livre de « fille Â».

 

Moi, qui, depuis des annĂ©es, Ă©volue dans un milieu professionnel qui a souvent Ă©tĂ© majoritairement fĂ©minin ; moi qui exerce un mĂ©tier de soignant (infirmier en soins psychiatriques et pĂ©dopsychiatriques ou en SantĂ© Mentale ), mĂ©tier auquel on attribue plutĂŽt des « qualitĂ©s Â» ou des vertus fĂ©minines ; moi, qui, en tant qu’aĂźnĂ©, a, Ă  partir de mon adolescence jusqu’à mes trente ans, jouĂ© un rĂŽle de substitut parental jusqu’au sacrifice de mon intimitĂ© et de mon cĂ©libat, j’ai d’abord pensĂ©, en entendant parler de ce livre de Mona Chollet : « C’est un truc de fille ! Â» ou « Encore une intello favorisĂ©e qui a les moyens de vivre de ses concepts Â».

 

Mona Chollet est en effet une femme, aprĂšs avoir Ă©tĂ© une fille. Et, elle vient bien d’un milieu social et intellectuel favorisĂ©, voire privilĂ©giĂ©, en tant que femme blanche, mĂȘme si ses parents se sont sĂ©parĂ©s alors qu’elle Ă©tait enfant, comme elle le mentionne. NĂ©anmoins, son livre m’a rapidement plu.

 

Depuis, j’ai dĂ©jĂ  remerciĂ© plusieurs fois Chamallow de m’avoir prĂȘtĂ© ce livre. A la fois pour le plaisir que j’ai eu Ă  le lire. Mais, aussi, Ă  le lire certaines fois dans mon service actuel : avant de lire RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet, j’ignorais que l’on pouvait prendre d’autant plus de plaisir Ă  lire un livre que son contenu contraste avec l’état d’esprit ou la culture plutĂŽt gĂ©nĂ©rale dans le service oĂč l’on travaille.

 

 

Le plaisir de lire RĂ©inventer l’Amour, la nuit, dans mon service actuel oĂč, pour certains collĂšgues, un homme, et un bon infirmier, c’est d’abord quelqu’un qui s’impose.

 

 

Mon service actuel n’est pas un service de collĂšgues violeurs et de collĂšgues femmes violĂ©es. Peut-ĂȘtre, qu’un jour, lorsque je me dĂ©ciderai vraiment Ă  prendre le temps d’écrire que j’inventerai des histoires de ce genre. Mais, pour l’instant, j’en suis encore Ă  dĂ©crire le fait que dans mon service actuel, certaines valeurs « viriles Â» font office de table de Loi. Dans mon service actuel, plus que dans les services et les Ă©tablissements prĂ©cĂ©dents oĂč j’ai travaillĂ©, pour certains de mes collĂšgues, un homme (et je suis un homme, c’est certain) et un bon infirmier (et je suis infirmier), c’est d’abord quelqu’un qui s’impose.

 

En particulier, physiquement. Pour faire des injections à un patient agité ou opposant à la prise de son traitement par voie orale (sous forme de gouttes le plus souvent).

 

Dans mon service actuel, pour certains de mes collĂšgues, ĂȘtre un homme et un bon infirmier, c’est pratiquer la contention physique. Et, aussi, sans doute, parler fort ou plus ou moins fort, faire connaĂźtre ses exploits  physiques, les raconter, parler de certains sujets d’une certaine façon ( le Foot, les femmes, parler de sa vie etc
.).

 

Paris, mars-avril 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Peu importe que, lorsque je l’estime justifiĂ© et inĂ©vitable, je puisse, aussi, faire des injections, de la contention physique, ou y participer avec d’autres collĂšgues lorsque nous devons le faire. Mon personnage, ma personnalitĂ©, ne cadre pas avec la conception que se font certains de mes collĂšgues actuels de ce qu’est ou doit ĂȘtre un homme mais, aussi, un bon infirmier. Ou, tout simplement, un ĂȘtre humain dit “normal”. Alors que moi, sans m’en apercevoir, car c’est ma normalitĂ©, sans doute que je me comporte “bizarrement”. C’est Ă  dire pas comme tout le monde.

 

Sans doute aussi, parais-je un petit peu trop “intello” pour ĂȘtre honnĂȘte. 

 

Et, vu que, paradoxalement,  je parle peu de ma vie conjugale et de ma fille au travail, cela doit vraisemblablement signifier que je dissimule des projets, des pensĂ©es et des moeurs fort peu recommandables : j’attends  presque ce moment ( ce suspense devient un peu insoutenable)  oĂč certains de mes collĂšgues dĂ©cideront ( c’est peut-ĂȘtre dĂ©ja fait) que je suis probablement pĂ©dĂ© ou homosexuel.

Pour moi, ce n’est pas une insulte d’ĂȘtre confondu avec un homosexuel. Je trouve ça plutĂŽt drĂŽle. Mais je sais, aussi, que dans certains milieux et dans certains groupes, ĂȘtre perçu comme un homosexuel peut revenir Ă  ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un sous-homme ou comme une sorte de perversion. Ce qui peut susciter, de la part de certaines personnes, une agressivitĂ© et une violence particuliĂšres, redoublĂ©es, ou un rejet, Ă  l’encontre de celle ou de celui qui est suspectĂ©(e) d’homosexualitĂ©.

 

J’ai donc compris, que, pour certains de mes collĂšgues actuels, je suis un baltringue; un con; quelqu’un Ă  qui « on ne fait pas confiance Â» ; quelqu’un qui se « dĂ©bine Â» ou se « dĂ©binerait Â» lorsque cela se tend avec un patient ou lorsque cela est susceptible de se tendre. Et que je suis quelqu’un, c’est une certitude pour certains de ces collĂšgues,  ou cela l’a Ă©tĂ© !, que je n’ai rien Ă  faire dans mon service actuel oĂč je travaille, maintenant depuis un peu plus d’un an. Et, cela, malgrĂ© plus de vingt ans d’expĂ©riences en soins psychiatriques et pĂ©dopsychiatriques, de jour, comme de nuit, dans des services intra comme extra hospitaliers oĂč j’ai eu, aussi, Ă  vivre des situations de tension avec des patients et des patientes. Ainsi que certaines confrontations physiques.

 

Je manquerais de “couilles”. Si on ne l’a pas bien compris. Et si j’ai bien dĂ©codĂ© certains messages que m’ont adressĂ© certains de mes collĂšgues assez peu courageux, qui marchent et pensent souvent par deux au minimum.  

Je ne compte dĂ©ja plus le nombre de fois oĂč en me disant bonjour certains de ces collĂšgues virils , et trĂšs assurĂ©s, ont rapidement Ă©vitĂ© ou Ă©vitent mon regard alors que nous nous retrouvons face Ă  face. Le dĂ©gout de ma personne sans doute ou un sentiment proche de la pitiĂ© pour l’irrĂ©mĂ©diable merde que je suis. 

 

Paris, avril 2022. Photo©Franck.Unimon

Je serais « trop gentil Â». Je « discuterais trop Â». Peu importe que, plusieurs fois, cette « gentillesse Â», cette « discussion Â» de quelques minutes mais aussi cette « patience Â» de quelques minutes, aussi, ont dĂ©jĂ  permis de dĂ©samorcer certaines situations. Dans mon service actuel, avoir certaines aptitudes pour la modĂ©ration serait plutĂŽt un aveu de faiblesse d’aprĂšs le point de vue de certains de mes collĂšgues. 

 

Le parallĂšle avec le livre de Mona Chollet, RĂ©inventer l’Amour ?

 

Si l’on parle de l’Amour, d’une façon ou d’une autre, on en arrive à parler du Pouvoir sur le corps d’autrui.

 

 

Si l’on parle d’Amour, d’une façon ou d’une autre, on en arrive à parler du Pouvoir. Du Pouvoir dont on dispose mais aussi du Pouvoir que l’on peut, ou pourrait, en certaines circonstances, pour certaines raisons, bonnes ou mauvaises, choisies ou involontaires, exercer sur quelqu’un d’autre.

 

Et si l’on parle d’Amour, mĂȘme si l’Amour spirituel, parental, filial, cĂ©rĂ©bral ou platonique existe, on parle aussi, du corps. De ce Pouvoir qu’une personne peut exercer, Ă  qui l’on donne cette autorisation ou cette possibilitĂ©, sur notre corps.

 

Paris, mars 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Lorsque l’on aime quelqu’un ou lorsque l’on est malade (d’Amour ou d’autre chose), il arrive un moment oĂč l’on se confond avec l’autre. Avec son dĂ©sir, sa volontĂ©.

 

OĂč l’on s’abandonne Ă  lui. OĂč l’on se confie Ă  elle ou Ă  lui.

 

 OĂč il arrive un moment, aussi, oĂč, malgrĂ© l’intimitĂ© ou la proximitĂ©, on rĂ©siste ou s’oppose. Soit parce-que l’on a peur. Soit parce-que l’on perçoit l’autre comme un agresseur dont on veut se dĂ©faire ou se dĂ©fendre.

 

Parfois, nous avons encore la possibilitĂ© de nous dĂ©faire ou de nous dĂ©fendre de l’autre. Parfois, il est trop tard ou un peu trop tard lorsque nous rĂ©agissons :

 

Les victimes d’un viol, d’une agression, Ă  moins d’avoir Ă©tĂ© surprises dĂšs le dĂ©but par leur agresseur (e) ont souvent, au dĂ©but, laissĂ©es celle-ci ou celui-ci s’approcher de leur espace personnel. Elles (les victimes) ont souvent « cohabitĂ© Â» ou « coexistĂ© Â» un temps avec leur futur(e) agresseur ( e). Que cette agression se rĂ©pĂšte ou qu’elle soit unique.

 

 

Mona Chollet parle-t’elle de cela dans son livre ? Pas de cette façon.

 

Paris, 2 Mai 2022. Gare St Lazare, prĂšs de la ligne 14. Photo©Franck.Unimon

 

 PrĂ©dation et sexualitĂ©

 

RĂ©cemment, j’ai Ă©coutĂ© un podcast dans lequel Ă©tait interviewĂ©e l’humoriste Caroline Vigneaux. En l’écoutant, j’ai appris que ses spectacles Ă©taient trĂšs documentĂ©s (comme pour beaucoup d’humoristes) mais, aussi, qu’elle visait Ă  faire passer des messages.

Parmi ces messages, bien qu’ouvertement fĂ©ministe, lors de cette interview, Caroline Vigneaux confirmait aussi s’ĂȘtre accrochĂ©e violemment- et verbalement- avec des femmes, sĂ»rement des victimes d’agressions, pour lesquelles « Tous les hommes sont des prĂ©dateurs Â».

 

S’il est un fait que, le plus souvent, les victimes de viols sont des femmes ( et des enfants filles ou garçons), fermer la boucle par un « Tous les hommes sont des prĂ©dateurs Â» ne permettra pas de
.rĂ©inventer l’Amour.

 

 

J’ai parlĂ© du corps, tout Ă  l’heure. Parler du corps, c’est aussi, bien-sĂ»r, parler de la sexualitĂ©. Nous n’avons pas tous le mĂȘme rapport Ă  la sexualitĂ©. Notre rapport Ă  la sexualitĂ© peut ĂȘtre diffĂ©rent selon l’ñge que l’on a. Selon nos croyances. Selon notre Ă©ducation.

Dans mon Ă©ducation de petit antillais nĂ© en France, la musique et la danse, qui sont des dogmes sociaux et culturels aux Antilles, m’ont indiscutablement prĂ©parĂ© ou initiĂ©, sans pour autant faire de moi, un Rocco Siffredi antillais, Ă  un certain Ă©veil corporel et sexuel. Danser le Compas et le Zouk dĂšs l’enfance, que ce soit en France et en Guadeloupe, mais aussi voir toutes les gĂ©nĂ©rations, des enfants aux grands parents, danser de cette maniĂšre lors de festivitĂ©s (baptĂȘmes, mariages, communions
) permet sans aucun doute une approche assez prĂ©coce et concrĂšte de son propre corps comme du corps de l’autre, qui plus est en rythme ( un rythme binaire pour comparer avec le rythme ternaire du Maloya par exemple qui me semble moins dansable Ă  deux) comparativement Ă  une Ă©ducation oĂč, Ă  la maison ou en famille, on va Ă©couter de la variĂ©tĂ© française, du Rock ou de la musique classique.

On a bien sĂ»r une sexualitĂ© et un Ă©veil Ă  la sexualitĂ© et au corps mĂȘme lorsque l’on Ă©coute de la variĂ©tĂ© française, du Rock, de la musique classique, de la techno ou du Rap ou un tout autre genre musical. Autrement, un certain nombre de lectrices et de lecteurs de cet article ne pourraient pas le lire aujourd’hui et demain.

Mais on comprendra facilement, je crois, que lorsque l’on danse « collĂ©s-serrĂ©s Â» sur du Zouk ou du Compas, que la composante sexuelle de la musique et de la danse, est facile Ă  dĂ©tecter de façon implicite ou explicite. Et si, malgrĂ© cela, on danse en toute « innocence Â», certaines paroles en CrĂ©ole ( pas uniquement du bien connu Francky Vincent ) de certaines chansons nous signalent assez « bien Â» que la sexualitĂ© et le coĂŻt sont envisagĂ©s. Ou suggĂ©rĂ©s.  

Il y a quelques annĂ©es, maintenant, un copain enseignant avait voulu traduire en Français, Ă  sa classe, les paroles du tube Angela du groupe SaĂŻan Supa Crew mais dans des termes chĂątiĂ©s. Il m’avait donc sollicitĂ©. J’aurais tellement voulu lui rendre ce service mais mĂȘme en faisant tourner dans ma tĂȘte diverses correspondances, j’avais Ă©tĂ© obligĂ© de lui dire qu’il n’y avait rien Ă  faire :

Si je traduisais, honnĂȘtement, une des phrases phares de la chanson, cela donnait quelque chose comme, sur un air enjouĂ©, Â« Angela, je vais te dĂ©foncer (sexuellement, s’entend) pendant l’absence de ton pĂšre Â». Ce qui est quand mĂȘme plus « rentre-dedans Â» que les sous-entendus de La Sucette Ă  l’Anis composĂ©e par Gainsbourg pour la naĂŻve France Gall et que, plus tard (car je suis plus jeune que Gainsbourg et France Gall, aujourd’hui disparus) des mĂŽmes de 12 Ă  13 ans, chantaient avec amusement, et en toute luciditĂ© concernant ces sous-entendus sexuels, dans une des colonies de vacances oĂč je fus assistant sanitaire.

 

 

Depuis mon enfance, que je m’en souvienne ou non, j’ai entendu des chansons Ă  caractĂšre sexuel Ă  peine camouflĂ© dans des festivitĂ©s antillaises. Et j’ai dansĂ© dessus, en toute simplicitĂ©, comme la majoritĂ© des personnes prĂ©sentes. Sans y penser plus que ça.

 

Le corps, ça commence par la peau.

 

Paris, avril 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Mais, avant la sexualitĂ©, le corps, cela commence par la peau. La peau du nouveau nĂ© que l’on a Ă©tĂ©. Et que l’on est restĂ© d’une certaine façon quel que soit notre Ăąge. Comme une part de notre enfance et de notre adolescence reste en nous, mĂȘme Ă  l’ñge adulte.

 

La peau, aussi, a une mémoire. Une mémoire surpuissante qui dépasse, je crois, notre intellect et notre raisonnement.

Alice Miller, psychanalyste bien connue, a Ă©crit un livre que j’ai empruntĂ© mais que je n’ai pas encore lu et dont le titre est :

 

Notre corps ne ment jamais.

 

MalgrĂ© toutes nos expĂ©riences, toutes nos prĂ©tentions et nos certitudes, toutes nos applications high tech, toutes nos « victoires Â», tous nos titres  et toutes nos conquĂȘtes, je crois qu’il est des vĂ©ritĂ©s incontestables ou assez incontestables comme le titre de ce livre d’Alice Miller.

 

 

Que l’on parle de la torture, d’un viol, d’une blessure, d’un traumatisme, d’un harcĂšlement, d’un burn out, d’un dĂ©sespoir ou d’un plaisir consenti, il m’apparaĂźt trĂšs difficile d’Ă©chapper Ă  la vĂ©ritĂ© de ce titre d’Alice Miller. C’est pourtant une vĂ©ritĂ© Ă  laquelle, quotidiennement, nous tournons le dos ou que nous ignorons.

 

Des expĂ©riences de massage bien-ĂȘtre

 

Osny, dans le parc du chĂąteau de Grouchy, avril 2022. Photo©Franck.Unimon

Et, sans ĂȘtre psychanalyste, je suis restĂ© marquĂ© par cette dĂ©couverte que j’ai faite lors de ma formation en massage bien-ĂȘtre il  y a quelques annĂ©es :

 

Pour asseoir cette formation en massage bien-ĂȘtre, trĂšs concrĂšte, je me suis fait masser par diffĂ©rents stagiaires, femmes et hommes de diffĂ©rentes histoires et horizons. Y compris par un homosexuel, Ă  son domicile.

Et j’ai aussi massĂ© des stagiaires en formation massage bien-ĂȘtre comme moi, femmes et hommes. J’ai aussi massĂ© certains de mes proches et moins proches (famille, amis, connaissances).

 

J’ai appris que quelques personnes, une minoritĂ©, en se faisant masser au cours de cette formation en massage bien-ĂȘtre, dans un climat de rĂ©elle bienveillance, s’était effondrĂ©e en larmes. Des Ă©motions douloureuses, anciennes et ancrĂ©es en elles (j’ai plutĂŽt entendu parler de femmes Ă  qui cette expĂ©rience est arrivĂ©e), aspirĂ©es par les mains qui les massaient, avaient en quelque sorte « fracassĂ© Â» ces barrages mentaux qu’elles soutenaient de toutes leurs forces pour juguler une certaine souffrance intĂ©rieure et trĂšs forte. Cela pouvait ĂȘtre parce-que, jamais, dans leur enfance, on ne les avait touchĂ©es avec une telle « bienveillance Â». Ou pour toute autre raison


 

 

De mon cĂŽtĂ©, je me rappelle de mon effarement en massant deux amis de longue date. Deux amis que je connais depuis le collĂšge. Bien qu’officiellement volontaires tous les deux pour que je les masse, ces deux amis (masculins, donc) se sont rĂ©vĂ©lĂ©s particuliĂšrement indisponibles pour profiter du massage.

 

L’un expliquant Ă  sa compagne (j’étais venu le masser chez eux) un peu comme s’il s’agissait d’aborder un problĂšme de mathĂ©matiques, que, pour se faire masser, il « faut se laisser aller Â». Pour me montrer, ensuite…comme il avait particuliĂšrement du mal Ă  se laisser aller.

Lorsque l’on se laisse aller lors d’un massage, on peut soit se mettre Ă  pleurer si certaines Ă©motions douloureuses font surface ou, au contraire, se dĂ©tendre jusqu’à l’endormissement. Et il s’agit d’un endormissement rĂ©parateur et trĂšs agrĂ©able. MĂȘme si cet endormissement ne dure que quelques minutes.

 

Je me demande si j’ai le droit de faire un parallĂšle pour cet ami, qui est quand mĂȘme mon meilleur ami, entre le fait qu’il ait eu autant de mal Ă  recevoir mon massage et le fait que lorsqu’il a tentĂ© de faire une thĂ©rapie, il a pu dire qu’il ne s’y passait « rien Â», car ne parvenant pas, j’imagine, Ă  « s’ouvrir Â» suffisamment ou Ă  se « laisser Â» aller ou porter
..

 

J’ignore si le fait que mes deux amis se connaissent a jouĂ©. NĂ©anmoins, Ă  plusieurs jours ou plusieurs semaines d’intervalle, le second ami a fait encore « mieux Â» que le prĂ©cĂ©dent :

Alors que je le massais, chez moi, subitement, cet ami s’est avisĂ© qu’il lui fallait absolument consulter son tĂ©lĂ©phone portable. Je l’ai donc vu Ă©tendre son bras pour attraper son tĂ©lĂ©phone portable…. 

 

Mon propre pĂšre a refusĂ© ma proposition de se faire masser. Tandis que ma mĂšre, ma jeune sƓur et mon jeune frĂšre se sont faits masser avec plaisir. Mon frĂšre allant jusqu’à rester endormi dix bonnes minutes aprĂšs la fin du massage.

Lors d’une autre expĂ©rience, alors que, dans un centre de plongĂ©e et d’apnĂ©e en banlieue parisienne, je le massais Ă  mĂȘme la peau, un moniteur de plongĂ©e ( Ă©galement motard ) celui-ci, plutĂŽt sympathique, et volontaire Ă©galement,  parlait sans discontinuer.  Me racontant qu’il avait “dĂ©ja fait” des massages. S’amusant aussi quant au fait que j’avais peut-ĂȘtre prĂ©vu de ” la musique indienne” etc….

Il faut savoir que je fais plutĂŽt partie des personnes, qui, lorsqu’elles sont “dans” le massage, en tant que masseur ou massĂ©, entrent dans une sorte de mĂ©ditation :

Un peu sans doute comme dans la lecture d’un livre ou lorsque j’Ă©cris. Il m’est arrivĂ© d’ĂȘtre appelĂ© alors que j’Ă©tais en pleine Ă©criture. Et, souvent, la personne que j’ai eue au tĂ©lĂ©phone a eu l’impression de me rĂ©veiller. J’Ă©tais tout simplement encore ” en moi-mĂȘme” en rĂ©pondant au tĂ©lĂ©phone.

Lorsque je masse,  si la personne massĂ©e peut “entrer en elle”, j’entre aussi en moi-mĂȘme, tout en Ă©tant attentif Ă  la personne que je masse comme au temps que je mets. C’est un voyage Ă  la fois commun mais aussi individuel. Le corps de l’autre et  le contact de nos mains reliĂ©es bien sĂ»r Ă  notre ĂȘtre, donc, Ă©galement Ă  notre corps et Ă  notre propre vie intĂ©rieure permettent ce voyage.

Dans ces circonstances, ĂȘtre en prĂ©sence de quelqu’un qui se met Ă  parler pour “meubler” ou sans doute parce-qu’il est finalement mal Ă  l’aise, casse en quelque sorte l’ambiance. Un massage, de mon point de vue, est pour beaucoup un voyage intĂ©rieur mĂȘme si l’on part de “l’extĂ©rieur” ( le corps, des mains, de l’huile, un environnement et un moment particulier….).

 

NĂ©anmoins, ce jour-lĂ , s’il Ă©tait particuliĂšrement bavard lors du massage Ă  l’huile de son dos, ce “cobaye” moniteur de plongĂ©e, qui Ă©tait dĂ©ja descendu Ă  soixante mĂštres et plus profond en plongĂ©e bouteille, s’Ă©tait soudainement tu. Lorsque j’Ă©tais ensuite passĂ© Ă  une forme d’Ă©tirements et de balancements plus fermes mais aussi plus toniques qui dĂ©tendent Ă©galement. J’en avais dĂ©duit que c’Ă©tait cela qui convenait le mieux Ă  cet homme. Un homme que je n’ai jamais revu par la suite car en revenant plus tard, en accord avec le directeur de ce centre aquatique, pour masser et relaxer des plongeuses et des plongeurs volontaires avant leur sĂ©ance ( et il y’en eut), j’appris que ce moniteur de plongĂ©e s’Ă©tait tuĂ© quelques semaines plus tard Ă  moto. 

Un autre ami, toujours vivant, lui, que j’ai massĂ© deux ou trois fois, m’avait aussi surpris Ă  chaque fois. PlutĂŽt rĂ©servĂ© quant Ă  ses Ă©motions et assez dur au mal, trĂšs travailleur, perfectionniste, et plus que reconnu dans sa profession, chaque fois que j’avais commencĂ© Ă  le masser, cet ami s’Ă©tait mis subitement Ă  me parler – lui qui est plutĂŽt du genre Ă  voir toute forme de thĂ©rapie comme une absurditĂ©- et Ă  se confier Ă  moi sans que je ne m’y attende.

Je me rappelle aussi d’une fois, en particulier, oĂč, aprĂšs l’avoir massĂ©, j’avais “ramassĂ©” beaucoup de ses tensions intĂ©rieures. 

 

Enfin, bien-sĂ»r, plus d’une fois, des personnes m’ont dit ouvertement qu’elles voyaient le massage comme un prĂ©liminaire Ă  l’acte sexuel. Et que, de ce fait, il Ă©tait pour elles hors de question que je les masse. Cela a pu prendre des proportions trĂšs comiques avec mon beau-frĂšre. Ainsi qu’avec un ami, Raguse

 

 

Alice Miller a donc raison : Notre corps ne ment jamais. Et, selon l’état de confiance et de mĂ©fiance, d’attirance ou de rĂ©pulsion dans lequel on se trouve, on accepte, Ă  tort ou Ă  raison, de s’en remettre Ă  l’autre. Et, il me semble que l’Amour, c’est, Ă  un moment ou Ă  un autre, s’en remettre Ă  l’autre dans une certaine intimitĂ©.

 

Il est courant de considĂ©rer qu’une personne nous inspire de la mĂ©fiance parce-que son attitude nous apparaĂźt « louche Â» ou « suspecte Â». Et cela peut ĂȘtre vrai. Sauf que l’on parle moins souvent de ces fois oĂč l’on attribue Ă  quelqu’un des dĂ©fauts ou des vices, mais aussi des qualitĂ©s extraordinaires, qui existent principalement dans le dĂ©cor de notre imaginaire.

 

Couple se parlant, dans le mĂ©tro. Paris, avril 2022. Photo©Franck.Unimon

 

Le DĂ©cor de notre imaginaire

 

J’ai plusieurs fois Ă©tĂ© marquĂ© d’entendre des femmes se plaindre d’histoires malheureuses qu’elles avaient pu connaĂźtre avec des hommes. Alors que, parallĂšlement Ă  cela, ces mĂȘmes femmes avaient pu se dĂ©tourner ou se montrer impitoyables avec d’autres hommes sincĂšrement attentionnĂ©s Ă  leur Ă©gard.

 

Pas plus tard qu’il y a quelques jours, une interne qui faisait sa derniĂšre garde dans mon service, en tant que stagiaire, me parlait d’une confĂ©rence ou d’un colloque oĂč elle s’était rendue et oĂč elle avait eu l’impression de se trouver « dans une secte Â» :

 

Un mĂ©decin chef (psychiatre, je crois) y Ă©tait admirĂ© par plusieurs de ses autres collĂšgues mĂ©decins. Des femmes, exclusivement.  Et, Ă  un moment donnĂ©, l’une d’elle, a pris la parole pour s’exprimer sur un sujet donnĂ©. Sauf que son point de vue n’a pas Ă©tĂ© partagĂ© par le mĂ©decin chef qui, devant tout le monde (environ une cinquantaine de personnes) lui a dit : « Tu dis n’importe quoi ! Â».

La jeune interne qui me racontait ça m’a ensuite appris, mĂ©dusĂ©e, que la femme mĂ©decin humiliĂ©e en public avait trouvĂ© des circonstances Ă  ce mĂ©decin chef qu’elle estimait si « gĂ©nial ! Â».

 

J’en ai rajoutĂ© une couche en disant Ă  cette jeune interne :

 

Peut-ĂȘtre ou sans doute que toutes ces femmes qui admirent ce mĂ©decin chef aimeraient s’autoriser Ă  ĂȘtre comme lui. Et j’ai en quelque sorte conclu en disant que, sans aucun doute, d’ici quelques annĂ©es, plusieurs de ces femmes mĂ©decins diront que travailler avec ce mĂ©decin chef a constituĂ© ou aura constituĂ© l’une des meilleures pĂ©riodes de leur vie professionnelle mais aussi personnelle.

 

Mona Chollet, dans son livre, RĂ©inventer l’Amour, parle de ces sujets autrement. Avec d’autres exemples. En citant Marlon Brando et Serge Gainsbourg, deux hommes, deux PersonnalitĂ©s et deux artistes, encore adulĂ©s. Des modĂšles pour bien des femmes et des hommes encore aujourd’hui.

 

Lorsque l’on lit l’ouvrage de Mona Chollet, on rit jaune en dĂ©couvrant l’envers du dĂ©cor conjugal de Marlon Brando et Serge Gainsbourg. Pareil pour Miles Davis, mon musicien prĂ©fĂ©rĂ© malgrĂ© ce que je savais dĂ©ja de lui en tant que pĂšre plus qu’absent et dĂ©plorable.

 

Dans le livre de Mona Chollet, cela m’a fait rire de lire ce passage oĂč Miles, jaloux et paranoĂŻaque, persuadĂ© qu’un rival amoureux se cachait  Ă  la maison, s’est mis Ă  dĂ©valer les escaliers,  un couteau de cuisine Ă  la main.

Je peux me permettre de rire, d’une part, parce que Cicely Tyson, je crois, sa compagne de l’époque, est toujours en vie. Mais, aussi, parce-que, plusieurs annĂ©es aprĂšs la mort de Miles (en 1991, la mĂȘme annĂ©e que Serge GainsbourgMona Chollet nous apprend dans son livre que Cicely Tyson affirme encore que Miles est « son homme Â».

La grande chanteuse de Blues, Billie Holliday, finalement, ne chantait pas autre chose. Et Edith Piaf ?

 

 

Je peux rire jaune concernant Miles et son couteau de cuisine. Pourtant, concrĂštement, il y a Ă  peine deux semaines, avec deux de mes collĂšgues, nous avons transfĂ©rĂ© un homme, dans un service d’hospitalisation en psychiatrie, parce-que, Monsieur, aprĂšs avoir pris de la cocaĂŻne avec sa compagne, et chez elle, a commencĂ© Ă  ĂȘtre persuadĂ© que quelqu’un se cachait dans l’appartement. Et que celle-ci lui mentait. Alors, Monsieur a violentĂ© sa compagne, a confisquĂ© ses deux tĂ©lĂ©phones portables. Il a fallu l’intervention de la police, appelĂ©e par des voisins, pour sortir la compagne de cet embarras. Lors du transfert, que nous avons effectuĂ© de nuit, aprĂšs une nuit passĂ©e par ce patient dans notre service, ce Monsieur ne m’a pas semblĂ© plus culpabilisĂ© que cela concernant son comportement. Il ne m’a pas non plus donnĂ© l’impression de douter plus que cela de pouvoir renouer avec sa compagne. Laquelle, si elle avait confirmĂ© les faits devant la police, avait refusĂ© de porter plainte contre lui.

 

 

Cette ambivalence toute autant fĂ©minine que masculine vis Ă  vis de l’Amour permet de s’apercevoir que le livre de Mona Chollet traite d’un sujet bien plus sĂ©rieux et difficile qu’il n’y paraĂźt. Et Mona Chollet a fourni un gros travail de recherche. Son livre est facile et agrĂ©able Ă  lire. J’ai aimĂ© la façon, dont, par moments, elle entremĂȘle, sans trop en rajouter, des bouts de ses expĂ©riences personnelles qui complĂštent son livre et en font un objet Ă  cƓur ouvert qui tranche avec ces livres pleins de dialectiques alambiquĂ©es et thĂ©oriques.

J’ai aussi aimĂ© toutes ces rĂ©fĂ©rences qu’elle nous donne en termes d’ouvrages ou de personnalitĂ©s portĂ©es sur ce sujet des relations entre les femmes et les hommes. C’est en lisant ce livre que j’ai ainsi dĂ©couvert Victoire Tuaillon dont j’ai empruntĂ© le livre Les Couilles sur la Table que je n’ai pas encore lu. PrĂ©fĂ©rant d’abord lire Retour de flammes ( les pompiers, des hĂ©ros fatiguĂ©s ?) de Romain Pudal dont le titre peut faire penser que j’ai eu besoin de me rassurer en me rĂ©fugiant dans un sujet « bien viril Â» alors que, finalement, je trouve que plusieurs caractĂ©ristiques des valeurs que l’on trouve chez les pompiers convergent  trĂšs bien avec ce que je vis- en partie- dans mon service actuel. Et, donc, avec le sujet du livre de Chollet.

 

Mona Chollet, dans ce livre-ci, parle aussi de l’image de la femme. Des contraintes vestimentaires que la femme peut s’infliger pour plaire. Dans cet article, j’ai insĂ©rĂ© des photos- trĂšs courantes- de publicitĂ©s montrant des femmes dĂ©nudĂ©es. Ces photos ont plu Ă  mon regard tant d’un point de vue esthĂ©tique qu’Ă©rotique. Mais il m’a semblĂ© que parler du livre de Mona Chollet en l’illustrant, aussi, avec ces photos, peut aussi permettre de se rappeler du monde dans lequel nous vivons comme de la façon dont, souvent, des jeunes femmes, nous sont prĂ©sentĂ©es. MĂȘme si, par ailleurs, pour ma part, je sais trĂšs bien que je ne rencontrerai jamais, dans la vraie vie, des femmes aussi avantagĂ©es physiquement. Et mĂȘme si cela arrivait, cela ne suffira pas forcĂ©ment pour devenir intime avec elles ou “amis”.

On dira donc que je regarde ces photos pour “l’art”, car ce sont souvent de belles photos ainsi que pour le plaisir des yeux. Et qu’en lisant un ouvrage comme celui de Chollet, je m’aperçois un peu plus de ce que ces mĂȘmes photos peuvent avoir de brutal et d’oppressant pour l’identitĂ© de certaines femmes. Et, Ă©videmment, en tant que pĂšre d’une fille, je m’inquiĂšte sans doute aussi un peu plus de la portĂ©e de ce genre de clichĂ©s photographiques, quasi-pornographiques, sur certains enfants mais aussi sur d’autres personnes plus ĂągĂ©es. 

A propos de la pornographie, on peut peut-ĂȘtre lire cet article que je dĂ©couvre de plus en plus lu sur mon blog : Brigitte Lahaie en podcast . Un article que j’avais Ă©crit au mois de Mai de l’annĂ©e derniĂšre.

 

Mais j’ai nĂ©anmoins bien parlĂ© de l’ambivalence « autant fĂ©minine que masculine Â» vis Ă  vis Ă  de l’Amour.

Photo©Franck.Unimon

L’ambivalence « autant fĂ©minine que masculine Â» vis Ă  vis de l’Amour :

 

Certaines Ɠuvres, comme certaines rencontres ou expĂ©riences, nous marquent encore plusieurs annĂ©es plus tard.

 

Le film Mystic River de Clint Eastwood fait partie de ces Ɠuvres et expĂ©riences pour moi. A la fin du film, nous savons que Sean Penn, a Ă©tĂ© persuadĂ© que son ami d’enfance, interprĂ©tĂ© par l’acteur Tim Robbins, est celui qui avait assassinĂ© sa fille.

Alors, Sean Penn, devenu, adulte, plus ou moins un caĂŻd dans son quartier, a fait « avouer Â» Ă  son ancien ami d’enfance que c’est bien lui qui avait assassinĂ© sa fille ( la fille de Sean Penn). Une fois que l’ami d’enfance ( Tim Robbins), brutalisĂ© et intimidĂ© par Sean Penn et ses hommes, a « avouĂ© Â», Sean ( qui porte bien-sĂ»r un autre prĂ©nom dans le film) applique ce qu’il considĂšre ĂȘtre la justice d’un pĂšre vengeant l’assassinat immonde de sa fille . Et il exĂ©cute son ami d’enfance. Car les « aveux Â» de celui-ci ont balayĂ© ses derniers doutes.

 

Pourquoi Sean Penn croit-il plausible que son ami d’enfance ait pu assassiner sa fille ? Parce-que, plus jeunes, alors que Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Beacon, jouaient ensemble dans leur quartier, le jeune Tim, perçu, en le regardant, comme le plus fragile psychologiquement du trio, avait Ă©tĂ© kidnappĂ© par deux adultes se dĂ©plaçant en voiture. Puis violĂ©.

 

Ce qui veut dire qu’un prĂ©dateur ne choisit pas n’importe quelle proie. Et qu’une fois que l’on a Ă©tĂ© la proie ou la victime de quelqu’un, qu’il peut rester en nous, la trace de ce passĂ© qui peut ĂȘtre retrouvĂ©e- et utilisĂ©e- par quelqu’un d’autre. Si, entre-temps, on n’a pas appris Ă  se dĂ©fendre en cas d’agression ou Ă  mieux reconnaĂźtre, et plus vite, de vĂ©ritables agresseurs et prĂ©dateurs, lorsqu’il s’en prĂ©sente.

 

On peut ĂȘtre un homme et avoir Ă©tĂ©, plus jeune, le souffre-douleur attitrĂ© de certaines personnes parce-que l’on a Ă©tĂ© identifiĂ© comme celui qui est « faible Â» ou qu’il est facile de malmener pour s’amuser. C’est ce que j’ai compris lorsque le combattant français Patrice Quarteron, nĂ© en 1979, dont je dĂ©couvre le surnom « Le RĂŽnin sombre Â», pratiquant du Muay ThaĂŻ, a pu dire dans une interview que, plus jeune, malgrĂ© ou Ă  cause de sa grande taille, qu’il Ă©tait souvent celui que l’on venait frapper. Quarteron allant, alors, jusqu’à ironiser en se remĂ©morant ce passĂ© en disant quelque chose comme :

 

« C’était drĂŽle, c’était toujours Patrice Quarteron que l’on venait frapper
. Â». On revenait « toujours Â» le frapper, comme on revenait souvent frapper Ă  une mĂȘme porte, parce qu’à cette Ă©poque, rĂ©volue, Quarteron Ă©tait « connu Â» comme celui sur lequel on pouvait facilement venir se dĂ©fouler. Pour faire passer le temps.

Comme on peut le faire pour certaines femmes sexuellement ou physiquement. Ou, sur certains enfants.

Dans Mystic River, face aux trois jeunes garçons dont les personnages sont jouĂ©s, adultes, par Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Beacon, les deux hommes prĂ©dateurs, ĂągĂ©s d’une quarantaine d’annĂ©es, Ă©tablissent que le « jeune Â» Sean Penn est un dur Ă  cuire qui va leur donner du mal. Et que le « jeune Â» Kevin Beacon est trop malin. Cela semble se « voir Â» ou se deviner en regardant ces trois jeunes garçons qui doivent avoir alors 12 ans tout au plus.

Alors, les deux prĂ©dateurs se rabattent sur le « jeune Â» Tim Robbins. Le plus docile, le plus vulnĂ©rable et sans doute aussi le plus poli et le plus gentil. Celui qui est, ici, trop pĂ©tri de bonnes maniĂšres. Celui, qui, plus tard, sans doute aurait Ă©tĂ© un homme galant, attentionnĂ© etc est celui qui est sacrifiĂ©. 

Etant donnĂ© que les apparences peuvent ĂȘtre trompeuses, les deux prĂ©dateurs auraient pu tomber sur un jeune “Tim”, finalement bien plus combattif qu’ils ne l’avaient cru. Mais il se trouve que le jeune “Tim” s’est rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre la victime “idĂ©ale” pour ces deux hommes. Peut-ĂȘtre du fait de leur dĂ©ja grande “expĂ©rience” mais aussi de leur instinct de “chasseurs”. 

 

A la fin du film Mystic River, Sean Penn apprend qu’il s’est trompĂ© sur son ancien ami d’enfance. Et que celui-ci n’était pas l’assassin de sa fille. Sean Penn a alors un moment d’effondrement face  Ă  sa femme. Et, lĂ , celle-ci, le « remonte Â» et lui dit, ou plutĂŽt lui assĂšne, qu’il a fait ce qu’il fallait faire ! Qu’il s’est comportĂ© comme un chef de tribu doit le faire ! Nous avons donc, lĂ , une mĂšre, et une femme, qui considĂšre qu’un homme, en tant que chef de famille, mĂȘme s’il se trompe, doit ĂȘtre capable de s’imposer physiquement et de tuer pour protĂ©ger ou dĂ©fendre sa famille. Nous sommes donc ici trĂšs loin du discours selon lequel il est attendu d’un homme qu’il soit aux petits soins avec sa femme et sa progĂ©niture ; qu’il fasse des bons petits plats ; qu’il invite sa femme au restaurant, lui dĂ©clame des poĂšmes, change les couches des enfants, aille faire les courses et participe aux tĂąches mĂ©nagĂšres comme aux devoirs scolaires des enfants etc
.

 

Parce-que, mĂȘme si un homme peut cumuler certaines aptitudes domestiques avec celles d’un Sean Penn dans Mystic River, il m’apparaĂźt peu plausible qu’un mĂȘme homme puisse et Ă  la fois ĂȘtre l’équivalent d’un Sean Penn dans Mystic River mais, aussi, ĂȘtre un compagnon doux et attentionnĂ© selon  certains critĂšres d’égalitĂ© officiels entre les femmes et les hommes, et qu’il soit recherchĂ© pour cela par la majoritĂ© des femmes.

Il me semble que tout en recherchant plus d’Ă©galitĂ© avec les hommes, que bien des femmes vont prĂ©fĂ©rer avoir un Sean Penn tel qu’il est dans Mystic River soit comme amant, soit pour mari et pĂšre de leurs enfants. Tandis que d’autres femmes ne pourront pas accepter de vivre avec un homme pareil car elles se sentiront incapables de “rivaliser” ou avec lui ou  ne pourront pas le “maitriser” ( le dominer)….

Je me rappelle qu’il y a plusieurs annĂ©es, un ami guadeloupĂ©en, nĂ© en Guadeloupe et y rĂ©sidant toujours, m’avait dit qu’il Ă©tait du genre romantique. Et qu’il s’était vite aperçu qu’il ne correspondait pas du tout au type d’homme recherchĂ© par les femmes du pays.

Il s’est ensuite mariĂ© avec une Polonaise avec laquelle il vit en Guadeloupe depuis des annĂ©es avec leurs enfants.

 

Dans un podcast Ă©coutĂ© rĂ©cemment, dans l’émission Les pieds sur terre, une jeune femme raconte comment elle aime soumettre les hommes. Peu m’importe qu’elle soit adepte de relations BDSM dĂšs l’instant oĂč celles ci sont consenties entre adultes. Ce qui m’a dĂ©rangĂ©, c’est que cette femme a ouvertement dit ĂȘtre attirĂ©e par des femmes plutĂŽt que par des hommes. Et, je n’ai pu m’empĂȘcher de voir de la perversion et une trĂšs grande satisfaction personnelle de sa part dans ce qui, pour moi, Ă©tait le contraire absolu d’une relation. MĂȘme si les hommes qu’elle soumettait Ă©taient et sont consentants. Car pour qu’il y ait Amour, il faut dĂ©jĂ  qu’il y ait un minimum de relation entre deux personnes. Ce qui implique, Ă  mon avis, une certaine Ă©galitĂ©, Ă  un moment donnĂ©. Si l’on parle d’une relation. Alors que dans le tĂ©moignage de cette jeune femme, assez contente d’elle, je ne voyais pas oĂč Ă©tait cette Ă©galitĂ© et cette rĂ©ciprocitĂ©. Cette jeune femme racontait simplement comment elle prenait son pied Ă  humilier et Ă  soumettre avec le consentement de « ses Â» hommes.

 

Enfin, dans un autre podcast, une femme raconte qu’à un moment de sa vie, elle avait besoin de faire l’Amour tous les jours. En changeant de partenaire rĂ©guliĂšrement. Pourquoi pas ? Sauf que sa libido n’était pas au rendez-vous et elle s’est demandĂ©e comment elle pouvait y remĂ©dier. D’oĂč son podcast dans lequel elle raconte comment elle s’y est prise pour accroĂźtre sa libido. Ce faisant, elle a entendu parler de la poudre de Maca qui, sur elle, a eu peu d’effets. Alors que, toujours dans ce podcast, elle interviewe une femme pour qui la poudre de Maca a eu l’effet aphrodisiaque recherchĂ©.

J’en profite pour dire que, depuis, je suis allĂ© acheter de la poudre de Maca. Non pour gonfler ma libido. Mais parce-que je me sens fatiguĂ© en ce moment et que j’ai dĂ©couvert, grace Ă  ce podcast, que la poudre de Maca pouvait faire du bien lorsque l’on est fatiguĂ©. J’en suis Ă  trois jours de prise quotidienne Ă  raison d’une cuillĂšre Ă  cafĂ© le matin et j’ai tendance Ă  confirmer pour l’instant les propriĂ©tĂ©s requinquantes de la poudre de Maca. Et tant mieux, car ces 200 grammes de poudre de Maca m’ont quand mĂȘme coĂ»tĂ© prĂšs de 30 euros !  

 

Par contre, alors que j’écoutais ce podcast centrĂ© sur la recherche de moyens pour maintenir ou remettre une libido Ă  flot, j’ai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© que la personne autrice de ce podcast oublie, selon moi, l’essentiel :

 

Le but est d’avoir une remontĂ©e de libido ? Alors, peut-ĂȘtre faut-il d’abord commencer par avoir une relation sincĂšre avec quelqu’un et s’attacher Ă  cette personne. Cela me semble aussi simple que cela. Et je crois – ou espĂšre- que le livre de Mona Chollet va aussi dans ce sens-lĂ . MĂȘme si, comme on s’en doute, le sujet de l’Amour peut durer une vie entiĂšre.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 2 Mai 2022.

 

 

 

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Le petit fantĂŽme bleu, Mona Chollet-RĂ©inventer l’Amour

 Le petit fantĂŽme bleu, Mona Chollet-RĂ©inventer L’Amour

 

Cette nuit, j’ai retravaillĂ©. Une de mes collĂšgues m’a rendu la trilogie Pusher ( Pusher III : JournĂ©e de merde pour papa-poule ) de Nicholas Winding Refn que je lui avais prĂȘtĂ©e. Trilogie qu’elle a bien aimĂ©. Elle m’a mĂȘme dit qu’elle s’attendait Ă  « plus violent Â». Qu’elle ne connaissait pas le cinĂ©ma danois.

 

Toujours disponible, avec son sourire, ma jeune collĂšgue ne dit « rien Â» de plus au point que l’on peut croire que c’est Ă  dessein. Car on peut percevoir comme elle est observatrice des autres. Se met-elle en colĂšre ? C’est difficile Ă  savoir.

 

C’est aussi cette nuit que, comme prĂ©vu ( Le couple de la Saint-Valentin/ La femme dans l’homme, ) elle m’a prĂȘtĂ© son livre de Mona Chollet :

 

RĂ©inventer l’Amour.

 

 

A la rĂ©flexion, et je le lui ai dit, j’ai trouvĂ© ça assez « provocateur Â» qu’elle me prĂȘte ce livre dans un service aussi « testostĂ©ronĂ© Â» que celui oĂč nous travaillons. Elle a alors
.souri et m’a rĂ©pondu qu’elle me prĂȘtait ce livre car je lui avais demandĂ© ce qu’elle lisait en ce moment. Une rĂ©ponse imparable.

 

Cette  nuit, entre 3 heures et 5 heures du matin, j’ai lu les cinquante premiĂšres pages de RĂ©inventer l’Amour.  Avec d’autant plus d’intĂ©rĂȘt que je savais que son contenu dĂ©notait dans le service. Dans notre service, pour diverses raisons historiques mais aussi pour certaines nĂ©cessitĂ©s concrĂštes, certaines valeurs et actions « viriles Â» ou dites « masculines Â» peuvent s’exprimer et prĂ©dominer. Mais aussi s’agripper Ă  une certaine façon de penser. Moi, j’apparais sans aucun doute encore comme suspect selon certains de ces critĂšres et pour certains collĂšgues :

Je serais « trop gentil Â» ; « trop patient Â» ; « je discuterais trop Â» et manque, ou manquerais, vraisemblablement de « poigne Â». Ou de rĂ©alisme. Tant physique que verbal.

Si j’ai d’abord dit Ă  ma collĂšgue que, dans le service, j’avais soigneusement dissimulĂ© son livre sous des magazines plus virils consacrĂ©s Ă  l’AĂŻkido et aux Arts Martiaux, je n’exclue plus de m’y montrer avec ce bouquin. Cela pourrait ĂȘtre drĂŽle. 

 

Pourtant, alors que je lisais RĂ©inventer l’Amour, je commençais Ă  faire provision, aussi, de quelques rĂ©serves. Dont certaines se sont un peu confirmĂ©es chez moi.

 

Ce matin, en rentrant du travail, je rangeais mes affaires lorsque j’ai aperçu ma fille qui se cachait derriùre la veste polaire bleue de ma compagne qui est aussi sa maman.

 

 Je l’ai vue pratiquement tout de suite. Je me suis dit que tant que ma fille continuerait de se cacher de cette façon lorsque je rentre, et Ă  jouer Ă  ĂȘtre dĂ©couverte et recherchĂ©e, que ce serait bon signe. Mais aussi, peut-ĂȘtre, que tant que je remarquerais aussi vite en rentrant qu’elle se cache afin d’ĂȘtre vue.

 

Que je n’ai pas tout ratĂ©. Que je ne rate pas tout dans ma relation avec elle, au travers de l’éducation que je lui « donne Â» mais, aussi, lui impose.

 

Dans son livre, RĂ©inventer L’Amour,  Mona Chollet cite deux exemples de couples « rĂ©ussis Â» oĂč l’Amour a tenu toute la vie.

 

Celui d’AndrĂ© Gorz et celui de Serge Rezvani dont je ne connais pas les Ɠuvres.

 

Le sujet de RĂ©inventer l’Amour porte sur L’Amour entre deux adultes consentants. Et non sur l’Amour filial.

 

Et, Mona Chollet, elle-mĂȘme, relate sa joie Ă  avoir rĂ©ussi Ă  garder une relation apaisĂ©e avec son ex-compagnon. Je peux l’envier. Je me suis dĂ©jĂ  demandĂ© comment faisaient les autres pour garder des relations apaisĂ©es avec leurs ex. A ce jour, je n’ai pas rĂ©ussi.

 

Toutefois, je remarque qu’elle comme AndrĂ© Gorz et Serge Rezvani n’ont pas eu d’enfant.

 

Pas le moindre enfant. Par choix. Un choix que je peux comprendre. Si en tant que personne adulte, je considĂšre le fait d’ĂȘtre pĂšre comme une expĂ©rience extraordinaire Ă  vivre en tant qu’ĂȘtre humain, je comprends que d’autres puissent dĂ©cider de s’abstenir de vivre cette expĂ©rience. Car pour extraordinaire que soit cette expĂ©rience, elle est aussi trĂšs personnelle.

 

Cependant, j’ai l’impression qu’il manque « quelque chose Â» dans RĂ©inventer l’Amour, lorsque Chollet parle d’Amour dans le couple, alors qu’elle cite sa propre expĂ©rience et deux couples exemplaires en matiĂšre d’Amour. Sans aucun enfant Ă  proximitĂ© de ces expĂ©riences de couple.

On peut raconter tout ce que l’on veut, de sensĂ©, sur le couple et l’atteinte du couple par le patriarcat. Et de ce qu’il faudrait faire pour Ă©viter la destruction de l’Amour dans le couple. Mais, pour l’instant, si je lis Ă  la lettre son livre, je constate que pour  Chollet, les premiers couples dont l’histoire d’Amour a Ă©tĂ© aboutie qu’elle cite sont des couples sans enfants.

 

MĂȘme si je peux avoir des « choses Â» Ă  corriger dans ma perception du couple et de la vie, le fait d’ĂȘtre parent change donc la donne dans la « durĂ©e d’action de l’Amour Â» au sein d’un couple.

 

Que l’on n’essaie pas de me convaincre qu’un couple avec enfant dispose exactement des mĂȘmes atouts et de la mĂȘme disponibilitĂ© pour l’autre, qu’un couple sans enfant.

 

Que l’on n’essaie pas.

 

 

MĂȘme si le fait d’avoir un enfant peut ĂȘtre un atout.

 

 

Je ne regrette pas, par exemple, malgrĂ© certains efforts, certaines difficultĂ©s et certains de mes doutes, d’ĂȘtre le pĂšre de ma fille. MĂȘme si je suis insatisfait assez rĂ©guliĂšrement de « mes Ă©tats de services Â» en tant que pĂšre. MĂȘme si je suis contrariĂ© de constater mes  infirmitĂ©s en tant que pĂšre et que je m’inquiĂšte de leurs retombĂ©es sur ma fille. 

 

 

Pour ces quelques raisons, aussi, pour essayer de conjurer les Ă©ventuelles retombĂ©es de mes infirmitĂ©s, je tenais, ce matin, Ă  parler un peu de ce petit fantĂŽme bleu qui m’attendait, ce matin, Ă  la maison, en rentrant.

 

Petit fantĂŽme bleu, qui, ensuite, m’a prĂ©sentĂ©/imposĂ© le menu de son restaurant.

 

Comme je n’ai pas rĂ©agi tout de suite lorsqu’elle l’a dĂ©posĂ© prĂšs de moi dans la salle de bain, alors que je rĂ©cupĂ©rais mes affaires de piscine et d’apnĂ©e, ma fille a dĂ©placĂ© le dit menu et l’a rapprochĂ© de moi. J’ai compris qu’il fallait que je le voie. J’ai donc demandĂ© Ă  ma fille :

 

« C’est pour que je commande Ă  manger ? Â».

 

PrĂšs de moi, elle a alors acquiescĂ© avec un sourire d’évidence.

 

On est adulte, contrariĂ©, fatiguĂ© ou simplement concentrĂ© sur diverses pensĂ©es qui n’ont rien Ă  voir avec notre enfant ou qui ont simplement Ă  voir avec notre monde intĂ©rieur (penser Ă  ranger telles affaires pour se prĂ©parer Ă  notre nuit de travail suivante, penser Ă  Ă©crire tel article, ou telles idĂ©es d’articles, faire quelques Ă©tirements pour le dos car on a fait du vĂ©lo en rentrant du travail
).

 

Et votre enfant est lĂ , immĂ©diatement devant vous. Tel un gĂ©nie dont vous avez rendu l’existence concrĂšte. Car vous avez ƓuvrĂ© pour cela. Personne a priori ne vous a forcĂ© Ă  le faire venir. Et, dĂ©sormais, pour quelques annĂ©es, ce gĂ©nie apparaĂźt souvent. Vous regarde et vous Ă©coute, sans que vous vous y attendiez toujours.

 

 

Et ce gĂ©nie vous sollicite. Que votre enfant vous gratifie ou vous contrarie, votre enfant est un gĂ©nie. Vous n’ĂȘtes peut-ĂȘtre pas – toujours-  au courant. Car ce gĂ©nie s’exprime parfois ou souvent sans rĂ©pit en dehors des heures ouvrables de votre tolĂ©rance et de…de votre imagination. Peu importe ce qui s’est passĂ© la veille ou ce que vous venez de vivre. Vous avez travaillĂ© douze heures, dehors en rentrant Ă  vĂ©lo, il faisait 7 degrĂ©s. Tout cela n’existe pas, ne compte pas, pour lui. Il n’est pas au courant. Lui, il sait qu’il ne vous a pas vu depuis la veille, plus de 12 heures auparavant. Pour lui, c’est tout ce qui compte. Et, ça y ‘est, vous ĂȘtes lĂ  devant lui, en chair et en os. C’est le moment oĂč jamais. Vous ĂȘtes donc disponible. Et cherche donc Ă  renouer avec vous. Pour lui, c’est la normalitĂ©. L’anormalitĂ© pour lui, c’est d’avoir Ă©tĂ© sĂ©parĂ© de vous. Entre adultes, il existe  parfois ce rituel prĂ©liminaire, ou, avant de vous solliciter, ce qui est de toute son intention prioritaire, l’autre vous demande :

 

« Ă§a va ? Tu as passĂ© une bonne journĂ©e ? Â». Alors qu’en fait, l’autre n’attend qu’une chose. Vous solliciter ou vous parler d’un sujet prĂ©cis qui, pour elle ou pour lui, nĂ©cessite votre pleine et immĂ©diate attention et adhĂ©sion. L’enfant, lui, s’il va bien et se trouve dans un environnement familial oĂč il se sent en confiance, s’épargne- et vous Ă©pargne- ce genre de salamalecs et de faux-semblant. Plus tard, peut-ĂȘtre, il apprendra Ă  le faire.

 

 

Quoi de plus facile Ă  comprendre. Pourtant, ça, vous qui ĂȘtes Ă©voluĂ©, adulte, intĂ©grĂ©, rĂ©flĂ©chi, vous ne le comprenez pas tout le temps. Vous, pas forcĂ©ment malheureux de votre nuit de travail, pas nĂ©cessairement rejetant, vous avez nĂ©anmoins besoin d’un certain sas entre le monde dont vous venez ; le monde, les humeurs, les diverses transhumances que vous portez en vous et dans lesquelles vous vagabondez encore. Et l’immĂ©diatetĂ© de la demande spontanĂ©e de votre enfant que vous ne prĂ©voyez pas. Que, malgrĂ© votre « expĂ©rience Â» de lui, une fois de plus, vous n’avez pas vu venir. Pour lui, ce sas dont vous avez peut-ĂȘtre besoin, est une abstraction ou une absurditĂ© d’adulte.

 

Il (votre enfant, bien-sĂ»r, nous ne parlons pas de celui des autres)  semble rĂ©guliĂšrement croire que vous avez l’aptitude de lire l’avenir. Mais aussi Ă  lire dans ses pensĂ©es.  Cette demande et cette croyance renouvelĂ©es sont Ă  la fois bon signe. Et rĂ©sultent aussi du fait et de l’évidence que vous faites partie de l’Histoire de votre enfant. Mais aussi que  votre enfant fait partie de la vĂŽtre.  Et que c’est comme ça. Un cercle qui semble alors infini. Et cette Histoire, ce cercle en mouvement, durant quelques heures, vous vous en ĂȘtes extrait, vous l’avez en partie oubliĂ©. Alors que votre enfant, loyal, et toujours magnĂ©tisĂ© par le cercle de cette Histoire, s’en souvient. Il vous en rappelle Ă  la fois le conte, l’existence mais aussi la naissance. Votre naissance.

 

Donc, penser ou croire qu’un couple sans enfant et un couple avec enfant – qui a pourtant conçu cet enfant par amour- ont les mĂȘmes aptitudes, ou les mĂȘmes volontĂ©s, pour rĂ©inventer l’Amour est une erreur. Mais comme je n’en suis qu’aux cinquante premiĂšres pages du livre de Mona Chollet, il est trop tĂŽt pour que j’affirme qu’elle laisse sous entendre ça.  Cet article aura bien-sĂ»r une suite.

 

Franck Unimon, ce mercredi 9 mars 2022.

 

 

 

 

 

 

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Panser les attentats- un livre de Marianne KĂ©dia

 Panser les attentats –un livre de Marianne KĂ©dia

 

(Pour ne pas céder à la peur)

 

DĂ©termination et bienveillance

 

 

La couverture dĂ©couvre deux mains l’une dans l’autre. C’est un geste simple. On pourrait se dire qu’il concerne un adulte et un enfant. Mais il s’adresse Ă  tous. Les derniers mots du livre de la psychologue et psychothĂ©rapeute Marianne KĂ©dia sont « dĂ©termination et bienveillance Â».

 

Une dĂ©termination et une bienveillance dont elle entoure son livre et celles et ceux qui le touchent.  Un livre paru en 2016. 2016, cela paraĂźt loin maintenant. Il y a quelques jours encore, nous fĂȘtions NoĂ«l 2021. Puis a suivi la nouvelle annĂ©e, 2022.

L’annĂ©e 2016, c’est loin alors que la pandĂ©mie du Covid reflue lors de l’hiver. Avec le variant Omicron, ses plus de trente mutations- contre moins de dix pour le variant Delta encore prĂ©sent du Covid. Alors que plus de cent mille personnes attrapent le Covid tous les jours, que le gouvernement, aprĂšs le passe sanitaire, aspire dĂ©sormais Ă  imposer le passe vaccinal et sans doute la vaccination anti-Covid pour les enfants de moins de 11 ans.

 

La mort kilométrique

 

 

En 2016, nous Ă©tions « ailleurs Â». L’assassinat par un terroriste de l’enseignant Samuel Paty, a eu lieu le 16 d’octobre 2020. Mais, dĂ©jĂ ,  en 2020, les attentats terroristes nous semblaient plus loin qu’ en 2016. Peut-ĂȘtre aussi parce-que, comme l’explique Ă©galement Marianne KĂ©dia dans son livre, avec le principe de la « mort kilomĂ©trique Â», notre perception de l’assassinat de Samuel Paty a t’elle Ă©tĂ© influencĂ©e par notre distance avec l’évĂ©nement :

 

Plus la mort est donnĂ©e loin de nous, moins elle nous terrorise. Conflans Ste Honorine, oĂč Samuel Paty a Ă©tĂ© assassinĂ©, c’est une ville de banlieue distante de vingt kilomĂštres de Paris. Conflans Ste Honorine est une ville de banlieue parisienne moins connue que d’autres.

 

Bien que situĂ©e dans les Yvelines, la ville de Conflans Ste Honorine est moins connue que Versailles ou St Germain en Laye, lesquelles, dĂ©jĂ , font sans doute plus partie de l’histoire- ancienne- ou du Patrimoine de France. MĂȘme si, ces derniers temps, au travers de la candidate aux Ă©lections PrĂ©sidentielles de 2022, ValĂ©rie PĂ©cresse, on entend peut-ĂȘtre un petit peu plus parler de ces deux villes des Yvelines :

 

Saint Germain en Laye et Versailles.

 

Pour ma part, je connais la ville de Conflans Ste Honorine au moins pour y avoir travaillĂ©. Mais aussi pour y avoir vu le guitariste John McLaughlin en concert. Et, une de mes ex y vit sans doute encore. Donc, pour moi, la ville de Conflans Ste Honorine est bien plus qu’un simple nom sur une carte. Je sais Ă©galement comment m’y rendre. D’ailleurs, j’y suis passĂ© avant hier en train. Mais je fais ici partie d’une minoritĂ© mĂȘme si cette minoritĂ© se compte en milliers de personnes.

 

Alors que les attentats du 13 novembre 2015- dont le procÚs se déroule encore pendant quelques mois, à Paris- avaient eu lieu en plein Paris. Ou à Saint-Denis.

Contrairement Ă   la ville de Conflans Ste Honorine ou de Magnanville (ville situĂ©e dans l’agglomĂ©ration de Mantes la Jolie, Ă  60 kilomĂštres de Paris, ou en juin 2016, un policier et sa compagne s’étaient faits  assassiner par un terroriste islamiste) Saint Denis, dĂ©jĂ , est une ville de banlieue proche de Paris.

 

Le 13 novembre 2015, les attentats avaient dĂ©butĂ© dans un endroit oĂč peuvent se retrouver beaucoup de personnes de tous les environs dont Paris : Au Stade de France qui peut accueillir un peu plus de 80 000 personnes et oĂč se dĂ©roulent des Ă©vĂ©nements sportifs de masse. Le Stade de France reçoit des Ă©vĂ©nements sportifs qui bĂ©nĂ©ficient d’un retentissement mĂ©diatique mondial. C’est donc un lieu sans doute plus connu dans le monde que Conflans Ste Honorine ou Magnanville.

 

Puis, aprĂšs le Stade de France, le 13 novembre 2015, les attentats avaient essaimĂ© en plein Paris. Je me rappelle encore oĂč j’étais cette nuit-lĂ  : au travail, dans le 18 Ăšme arrondissement de Paris. J’avais appris la « nouvelle Â» des attentats par ma collĂšgue de nuit, qui, elle-mĂȘme, l’avait appris par son compagnon. Autrement, de notre cĂŽtĂ©, tout Ă©tait calme. Tant dans le service que dans le quartier.

Le lendemain matin, vers 7 heures du matin, j’était rentrĂ© chez moi. On rentre chez soi diffĂ©remment lorsque l’on sait que durant la nuit ont eu lieu des attentats dans la ville oĂč l’on se trouve.

Photo prise ce 22 décembre 2021 au Spot 13, à Paris.

En 2016, quand paraĂźt ce livre de Marianne KĂ©dia, notre attention, tant gĂ©ographiquement, psychologiquement que chronologiquement, est davantage happĂ©e par les attentats- rapprochĂ©s–  comparativement Ă  aujourd’hui, en 2022.

Rappelons aussi qu’Ă  Nice, le 14 juillet 2016, un attentat terroriste effectuĂ© ” au camion-bĂ©lier” sur la promenade des Anglais- donc pendant les rĂ©jouissances nationales du 14 juillet- avait fait 86 morts et plus de 400 blessĂ©s.

 

DĂ©termination et bienveillance

 

 

En 2016, ces attentats semblaient partis pour muter sans s’arrĂȘter. C’est dans ce contexte que Marianne KĂ©dia a Ă©crit ce livre, Panser les attentats.  En psychologue et psychothĂ©rapeute dont les armes sont faites de
.dĂ©termination et de bienveillance. Il faut bien se rappeler que les deux termes- dĂ©termination et bienveillance– sont ici rassemblĂ©s et clĂŽturent le livre. C’est qu’ils prononcent l’intention principale de l’ouvrage. Une personne terroriste, peu importe son idĂ©ologie, islamiste ou autre, est Ă©galement dĂ©terminĂ©e. Mais elle est rarement ou exceptionnellement bienveillante pour autrui lorsqu’elle passe Ă  l’action.

 

Selon le dernier ouvrage de Hugo Micheron, Le Jihadisme Français : Quartier, Syrie, Prisons paru en 2020 (citĂ© comme l’ouvrage actuel de rĂ©fĂ©rence sur le sujet par Charlie Hebdo dans son numĂ©ro de cette semaine), la stratĂ©gie des jihadistes serait dĂ©sormais de privilĂ©gier davantage l’infiltration dans la sociĂ©tĂ© française par le biais de l’action sociale, politique et culturelle surnommĂ©e le « soft power Â».  Par ailleurs, d’autres attentats auraient Ă©tĂ© dĂ©samorcĂ©s Ă  temps par les services dont c’est la fonction.

 

Mais cela ne nous prĂ©serve pas pour autant dĂ©finitivement d’autres attentats. Notre monde continue de se transformer. Et, ce qui se dĂ©roule par exemple en Afghanistan avec les Talibans qui ont repris le Pouvoir, ou ailleurs, peut avoir pour consĂ©quence la rĂ©alisation d’autres attentats.

 

Les atouts et attraits de cette lecture

 

La prévention

 

Souvent, nous attendons que certains Ă©vĂ©nements nous heurtent. Comme s’ils Ă©taient Ă  jamais improbables ou disparus pour toujours. Comme si nous devions constamment ou rĂ©guliĂšrement dĂ©couvrir ou redĂ©couvrir que certaines violences et certaines catastrophes subsistent et existent. Alors que nous avons la possibilitĂ© mais aussi la capacitĂ©, en nous informant mais aussi en nous formant, de le savoir voire de nous y prĂ©parer.

 

Aujourd’hui, en 2022, on peut aussi lire cet ouvrage Ă  titre prĂ©ventif pour diverses situations – extrĂȘmes- de notre vie courante. La prĂ©vention est une prĂ©caution dont on fait trop souvent l’économie. Je pars du principe qu’il y a de fausses Ă©conomies :

 

A ĂȘtre trop sĂ»rs de soi, certaines fois, on nĂ©glige certains domaines. Et, ensuite, il arrive de se retrouver dans l’embarras, du genre en panne sĂšche sur l’autoroute Ă  cinquante kilomĂštres de la premiĂšre station d’essence, ou en Ă©tat de panique face Ă  une situation rĂ©ellement inquiĂ©tante qui, pourtant, s’était dĂ©jĂ  produite. Dans certains pays tels le Japon, sujet aux tremblements de terre, la population est Ă©duquĂ©e ou entraĂźnĂ©e de façon Ă  savoir comment rĂ©agir lorsque la terre tremble.  

 

Marianne KĂ©dia le rappelle bien : le terrorisme a pour but de dĂ©truire la cohĂ©sion sociale.

Vu comme ça, la « cohĂ©sion sociale Â», peut faire penser Ă  une chose abstraite, floue et gĂ©nĂ©rale, donc trĂšs distante de soi. La « cohĂ©sion sociale Â», on peut penser que c’est les autres Ă  vingt ou trente kilomĂštres de soi. Ou que cela concerne l’assistante sociale. MĂȘme si c’est vrai, ce qui va se passer Ă  vingt ou trente kilomĂštres de soi- ou plus proche de soi- aura des effets, d’une façon ou d’une autre, sur nous.

 

Si le but du terrorisme, c’est de dĂ©truire la cohĂ©sion sociale, ce qui nous tue, aussi, d’abord, tous les jours, c’est d’ĂȘtre de plus en plus, chacun dans son camp, Ă©trangers les uns aux autres. Cela a ses avantages : une certaine libertĂ© hors du jugement des autres. Sauf que si nous sommes Ă©trangers les uns ou autres, il arrive aussi que nous soyons aussi des Ă©trangers pour nous-mĂȘmes.

Dans la vie sociale, nous sommes souvent plus superposĂ©s ou amenĂ©s Ă  occuper un espace et un moment qu’ensemble. Donc, dĂ©jĂ , nous sommes plus ou moins quelque peu extĂ©rieurs Ă  une certaine cohĂ©sion sociale :

 

Si une personne dans les transports en commun, ou ailleurs, se fait agresser devant plusieurs tĂ©moins qui restent passifs. Alors que ces tĂ©moins sont numĂ©riquement plus nombreux que le ou les agresseurs, c’est aussi parce-que cette personne qui se fait agresser devant eux leur est « inconnue Â». Distante et inconnue. EtrangĂšre. Le destin de cette victime leur semble d’abord n’avoir aucun rapport avec leur propre destin ou ne serait-ce qu’avec leur rĂ©putation.

 

 

Cependant, je ne passe pas mes jours et mes nuits Ă  guetter l’attentat qui rĂŽde. Je continue de prĂ©fĂ©rer d’autres occupations que celles de « chasseur Â» ou de « pisteur Â» d’attentats. Et puis, je n’ai pas de compĂ©tences ou de dons pour dĂ©tecter les attentats.

 

Par contre, j’ai trouvĂ© dans les propos de Marianne KĂ©dia des rĂ©ponses qui peuvent s’appliquer, aussi, Ă  bien d’autres situations que des attentats.

 

Trop souvent, la tendance est Ă  cloisonner les disciplines comme les expĂ©riences. Alors que ce que l’on apprend dans une discipline ou dans une expĂ©rience peut se transposer dans d’autres domaines. C’est pour cela que j’ai lu l’ouvrage de KĂ©dia autant en tant que personne qu’en tant que soignant.

Par exemple, lors de la nuit des attentats du 13 novembre 2015, aprĂšs avoir appris par son compagnon que des attentats avaient lieu en plein Paris, oĂč notre service d’hospitalisation pĂ©dopsychiatrique pour adolescents se trouve , ma collĂšgue de nuit m’avait alors dit :

 

« J’ai envie d’allumer la tĂ©lĂ© pour regarder les infos
. Â»

 

Ma rĂ©action avait Ă©tĂ© instinctive :

 

« Tu peux. Mais sans moi ! Â».

 

Avant mĂȘme d’allumer la tĂ©lĂ©, je savais ce sur quoi nous allions tomber. Regarder la tĂ©lĂ©, Ă  ce moment-lĂ , c’était se faire gaver comme des oies, en continu, avec des informations anxiogĂšnes. Je ne voyais pas en quoi cela allait ou pouvait m’apporter quoique ce soit de bĂ©nĂ©fique. Cette certitude me venait sans aucun doute de mes souvenirs de ces heures passĂ©es, chez mes parents, Ă  rester cramponnĂ©, pendant des heures, Ă  des programmes tĂ©lĂ© de plus en plus dĂ©biles Ă  mesure que je les regardais. Je m’apercevais que je m’avançais de plus en plus sur l’autoroute du nĂ©ant de la pensĂ©e. Pourtant, je restais fixĂ©, crucifiĂ©, devant l’écran.

 

Mes souvenirs des spots d’informations rĂ©pĂ©titifs de la radio France Info, Ă©coutĂ©s Ă  une Ă©poque oĂč j’ambitionnais ainsi de m’informer et me cultiver, sont sans doute aussi remontĂ©s la nuit du 13 novembre 2015. Lorsque j’ai rĂ©pondu Ă  ma collĂšgue et amie.

 

A la fin de son livre, Marianne KĂ©dia, donne entre-autres, comme recommandation, de limiter notre exposition Ă  la tĂ©lĂ© en pĂ©riode d’attentats prĂ©cisĂ©ment pour Ă©viter de connaĂźtre une anxiĂ©tĂ© galopante qui pourrait franchir toutes les frontiĂšres. A la place, elle prĂ©conise, Ă  juste titre, de s’informer en lisant des journaux voire, en Ă©coutant la radio (en Ă©vitant les radios qui rĂ©pĂštent les mĂȘmes flashes en continu).  Car la surinformation fait des dĂ©gĂąts comme le surarmement.  Marianne KĂ©dia fait ainsi cette analyse :

 

Le plus souvent, lorsque des informations nous sont « donnĂ©es Â»Ă  chaud par rapport Ă  un Ă©vĂ©nement catastrophique ou choquant, ces informations, masquent leur vide par leur rĂ©pĂ©tition industrielle. Elles nous injectent principalement du bruit sonore, des suppositions, de l’agitation et du parasitage qui mettent et maintiennent en alerte. Alors que cet Ă©tat d’hyper-vigilance, de peur et d’alerte maximale n’a aucune utilitĂ© pour la majoritĂ© des personnes qui Ă©coutent ou regardent ces informations. 

 

Marianne KĂ©dia considĂšre que les mĂ©dia, lorsqu’ils se comportent de cette maniĂšre, agissent comme un « cerveau traumatisĂ© Â» qui rĂ©pĂšte en boucle la mĂȘme information. Je me dis ce soir qu’à comparer alors certains mĂ©dia Ă  un  « cerveau traumatisĂ© Â» que KĂ©dia est encore trop indulgente. Et qu’elle pense encore en soignante bienveillante et optimiste qui peut aider Ă  guĂ©rir.

 

Je suis peut-ĂȘtre moins bienveillant ou moins optimiste qu’elle car, moi, devant cette banalisation et cette hyperproduction de bruit sonore, de suppositions, d’agitation et de parasitage, je vois surtout ce avec quoi notre civilisation et notre sociĂ©tĂ© nous  Ă©duque, nous nourrit et nous dirige rĂ©guliĂšrement. Et, il faut des Ă©vĂ©nements plus marquants que d’autres, tel un attentat, une pandĂ©mie ou les fĂȘtes de NoĂ«l avec toute sa mise en scĂšne avec les illuminations, les promotions et les rĂ©clames oĂč, d’un seul coup, on se doit d’ĂȘtre joyeux coĂ»te que coĂ»te pour s’apercevoir de certains aspects disproportionnĂ©s et pathologiques de notre mode de vie.

 

Pedigree, pédagogie

 

Je n’avais jamais entendu parler de Marianne KĂ©dia avant ma lecture rĂ©cente de Ricochets-Un livre de Camille Emmanuelle qui la cite, entre autres. Dans son livre, Camille Emmanuelle cite aussi Patrick Pelloux, lequel avait Ă©galement Ă©crit sur son deuil aprĂšs les attentats de Charlie Hebdo ( voir L’instinct de vie ). 

 

 

Marianne KĂ©dia, spĂ©cialisĂ©e dans le traitement des psycho-traumas (ou PTSD dans son appellation anglaise) a Ă©galement Ă©crit Dissociation et mĂ©moire traumatique et participĂ© Ă  la rĂ©daction de L’aide-mĂ©moire psycho-traumatique.

 

Par ailleurs, elle cite entre autres Bessel A. Van Del Kolk qu’elle prĂ©sente comme l’un des plus grands spĂ©cialistes actuels du syndrome post-traumatique. Lequel a Ă©crit l’ouvrage Le corps n’oublie rien.

 

DiplĂŽmĂ©e en 2003, Marianne KĂ©dia compte dĂ©jĂ  une certaine expĂ©rience clinique dans plusieurs univers. Dans le monde de l’entreprise, dans l’Humanitaire, dans des associations et Ă  l’hĂŽpital.

 

J’ai Ă©tĂ© marquĂ© par son engagement dans son travail. Je me demande comment on peut maintenir un tel engagement, sur la durĂ©e, comme elle le fait, lĂ  oĂč elle le fait. Son mĂ©tier est autrement plus Ă©prouvant que d’autres. Pour moi, le mĂ©tier de soignant consiste Ă  « manger de la violence et de la souffrance Â».

 

Son trĂšs grand engagement vient-il de son « jeune Â» Ăąge ou d’une passion comme elle le dit ?

 

Quoiqu’il en soit, dans une pĂ©riode de grande violence et de grande souffrance, les personnes qui savent nous divertir, nous faire rĂȘver mais aussi celles qui visent Ă  nous rassurer et nous soigner jouent un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans une sociĂ©tĂ©. On l’oublie souvent- mĂȘme des soignants l’oublient- mais un soignant joue Ă©galement un rĂŽle fondateur, pacificateur, Ă©galitaire, dĂ©mocratique et stabilisateur dans une sociĂ©tĂ©. Soit l’opposĂ© du terrorisme qu’il soit religieux, intellectuel, Ă©conomique ou politique.  Ou de l’inquisition.

 

L’ouvrage, Panser les attentats (sans doute aussi un jeu de mot avec le verbe « penser Â») de Marianne KĂ©dia est parĂ© de ces vertus fondatrices, pacificatrices, Ă©galitaires, dĂ©mocratiques et stabilisatrices.

 

Son livre se parcourt plutĂŽt facilement. Il est trĂšs pĂ©dagogique. L’humour le ponctue dans certains passages. La fin me donne un peu l’impression d’avoir Ă©tĂ© Ă©crite plus rapidement que les trois premiers quarts. Je trouve aussi qu’elle insiste beaucoup pour orienter vers son corps de mĂ©tier, en cas de besoin, les psychologues.  Mais elle connaĂźt son sujet. Son livre est Ă  avoir, Ă  lire et  Ă  appliquer. Avec dĂ©termination.

 

Franck Unimon, ce dimanche 9 janvier 2022.