Au Spot 13, 15 janvier 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Les couilles sur la table , un livre de Victoire Tuaillon , 2Ăšme partie : ego trip.
Cet article est la suite de Les couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. PremiĂšres parties
Ego Trip :
Je crois que nous aimons ces instants oĂč nous retrouvons en nous des endroits faits sur mesure oĂč lâon se sent Ă lâabri de tout. Ces endroits sont ce qui restent des meilleurs moments de nos origines. Et nous sommes contents, ou heureux, quâils soient toujours lĂ malgrĂ© les Ă©preuves et le temps passĂ© ou traversĂ©.
Il nâest pas nĂ©cessaire dâaller trĂšs loin, de soulever de trĂšs lourdes haltĂšres ou dâavoir recours Ă des substances chimiques pour parvenir Ă ce genre dâendroit, ce genre dâĂ©tat et dâinstant.
Ecouter ou entendre un titre de musique. Une simple promenade. Un « voyage » dans un métro ou dans un train. Un parfum. Un regard. Une impression. Un sentiment.
Au Spot 13, 15 janvier 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Chacun a sa « recette » ou ses « trucs ». Certains y arrivent plus facilement et plus frĂ©quemment que dâautres. Nous sommes souvent des exilĂ©s de nous-mĂȘmes. AmenĂ©s Ă faire certaines compromissions. ObligĂ©s dâaccepter de multiples contraintes. Et la « rĂ©compense » nâest pas toujours au bout de nos â trĂšs nombreux et trĂšs oubliables â efforts.
On pourrait penser que notre existence consiste Ă pousser de bout en bout afin dâaccoucher de nous-mĂȘmes. Sauf que la date prĂ©vue pour notre accouchement et notre vĂ©ritable dĂ©livrance est un mystĂšre et peut, finalement, se rĂ©sumer Ă lâheure et Ă la date du constat de notre mort cĂ©rĂ©brale et mĂ©dicale :
On peut trĂšs bien satisfaire Ă nos trĂšs nombreuses obligations de toutes sortes. Etre une personne plus ou moins impliquĂ©e et exemplaire compte-tenu de toutes ces obligations familiales, Ă©conomiques et sociales et, dans les faits, ne jamais avoir vĂ©ritablement accouchĂ© de soi-mĂȘme.
Une histoire dâAmour nous offre la possibilitĂ©, pendant quelques temps « de retrouver en nous ces endroits faits sur mesure oĂč lâon se sent Ă lâabri de toutâŠ. ». Et, pendant un temps, nous allons vivre ça avec quelquâun dâautre, le plus longtemps possible, nous lâespĂ©rons.
Au spot 13, l’artiste ClĂ©ment Herrmann, ce 22 juillet 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Ce que jâĂ©cris, lĂ , nâa rien dâexceptionnel. Dâautres lâont Ă©crit et vont lâĂ©crire beaucoup mieux que moi.
Selon moi, Ă condition bien-sĂ»r de rencontrer dâabord quelquâun dont les sentiments et le dĂ©sir sont rĂ©ciproques, il nây a rien de plus de simple que de tomber amoureux de quelquâun et de ressentir du dĂ©sir pour lui ou elle, peu importe son genre. Pourtant, ce sujet de la « rencontre » est, Ă mon avis, un des thĂšmes qui manque dans lâouvrage de Victoire Tuaillon ainsi que dans celui de Mona Chollet (RĂ©inventer lâAmour) : J’ai lu RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet .
Je trouve que lâune comme lâautre escamote un peu trop ce sujet de la rencontre. Car avant toute histoire dâAmour, il y a nĂ©cessitĂ© dâune rencontre. Que celle-ci soit spirituelle, physique ou autre. Il me semble que notre rapport Ă la rencontre de quelquâun dâautre a de grandes incidences pour la suite dâune histoire dâAmour.
Le sujet de la rencontre
VIDEO
Dans le film documentaire Inna de Yard : The Soul of Jamaica rĂ©alisĂ© en 2018 par Peter Webber, Ken Boothe , une des grandes vedettes du Reggae JamaĂŻcain montrĂ©es dans le film, dit Ă un moment qu’il sâest longtemps comportĂ© comme un « campagnard » alors quâil avait dĂ©jĂ du succĂšs ( un succĂšs mondial).
Ken Boothe est originaire dâun milieu social modeste, voire pauvre en JamaĂŻque. Lors de sa premiĂšre compĂ©tition de chant toujours en JamaĂŻque, il Ă©tait trĂšs timide. Au point de fermer les yeux pour chanter face au public. La compĂ©tition Ă©tait trĂšs dure. Se retrouver face Ă un public. Et, cette compĂ©tition comptait dâautres candidats, qui, comme lui, espĂ©raient pouvoir sâextraire de la misĂšre, mais aussi de la violence, par le chant et la musique. Aujourdâhui, ce sont les Rappeuses et les rappeurs qui sâen « sortent » qui ont ce genre de parcours. Comme bien des chanteuses et des chanteurs de Rock avant eux.
En se qualifiant de « Campagnard », Ken Boothe évoquait en fait ses grandes difficultés pour pratiquer les urbanités sociales :
Cette aptitude nĂ©cessaire, lorsque lâon veut rĂ©ussir, Ă entrer en relation avec les personnes qui comptent dans un certain milieu. A Ă©tablir avec elles une sorte de contact ou de « connexion » qui va leur donner envie de nous aider Ă dĂ©velopper notre carriĂšre.
Pour lâanecdote, et pour rester encore un peu en JamaĂŻque, lâathlĂšte jamaĂŻcain Usain Bolt , plusieurs fois recordman du monde et plusieurs fois champion olympique- et du monde- du 100 mĂštres et du 200 mĂštres, aujourdâhui Ă la retraite (alors que Ken Boothe continue de chanter) lui, est le contraire du garçon timide.
Lâancien athlĂšte Usain Bolt, en plus dâavoir Ă©tĂ© le sprinteur le plus rapide du monde pendant plusieurs annĂ©es, Ă©tait Ă lâaise, lui, pour entrer en contact avec les personnes qui comptent parmi les officiels importants de lâAthlĂ©tisme mondial.
38 ans séparent Ken Boothe de Usain Bolt.
On ne voit pas oĂč je veux en venir ? Je connais bien plus la carriĂšre de Usain Bolt ( nĂ© en 1986) que celle de Ken Boothe dont jâavais dĂ©jĂ entendu parler avant ce documentaire de Peter Webber. Pourtant, lorsque jâai entendu Ken Boothe sâexprimer et se taxer de « campagnard », je me suis subitement beaucoup reconnu en lui.
ProblĂšme : nous Ă©tions alors en 2019. AnnĂ©e oĂč a Ă©tĂ© publiĂ© le livre Les Couilles sur la Table de Victoire Tuaillon, trentenaire. Jâavais alors « dĂ©jà » 51 ans, Ă©tais mariĂ© et pĂšre depuis quelques annĂ©es.
Je suis né à Nanterre en 1968. Donc, on lit bien :
1968, annĂ©e en France de la « rĂ©volte Ă©tudiante », de la « rĂ©volution des mĆurs », du trĂšs profond bouleversement qui sâest opĂ©rĂ© dans la sociĂ©tĂ© française Ă cette Ă©poque. En pleine pĂ©riode de dĂ©colonisation de lâAfrique et de lâAsie, des mouvements de contestation noire aux Etats-Unis, du mouvement hippie, des mouvements de libĂ©ration de la femme ; de la croissance Ă©conomique- et du plein emploi- dont on nous parle dans les manuels dâhistoire.
Et si la ville de Nanterre, en 1968, a aussi Ă©tĂ© la ville des bidonvilles, elle nâen nâĂ©tait dĂ©jĂ pas moins une ville, du dĂ©partement des Hauts de Seine (le dĂ©partement le plus riche de France !) proche de Paris et du futur ou du dĂ©jĂ existant quartier dâaffaires de la DĂ©fense prĂ©sentĂ© comme un des plus grands, si ce nâest le plus grand quartier dâaffaires dâEurope !
Ajoutons Ă cela que Ken Boothe, nĂ© en 1948, en JamaĂŻque, sĂ»rement dans un quartier pauvre, donc dans des conditions nettement plus dĂ©favorisĂ©es que celles que jâai pu connaĂźtre Ă ma naissance Ă Nanterre (de mes parents qui sâĂ©taient exilĂ©s de leur Guadeloupe natale en 1966 et en 1967) a ni plus ni moinsâŠlâĂąge de ma mĂšre, Ă©galement nĂ©e en 1948.
Au spot 13, Paris, ce vendredi 22 juillet 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Par quel tour de passe-passe, moi, nĂ© en 1968 Ă Nanterre, qui ai toujours vĂ©cu en ville, et qui a ensuite, aprĂšs mes Ă©tudes dâinfirmier, obtenu un DEUG dâAnglais Ă la fac de Nanterre ( celle de 1968 !), jâai pu, en 2019, mâidentifier Ă Ken Boothe nĂ© en 1948 dans un quartier dĂ©favorisĂ© de la JamaĂŻque plutĂŽt quâĂ Usain Bolt, nĂ© en 1986 en JamaĂŻque, mais ( Ă ce que jâai compris) dans un environnement plus favorable que Ken Boothe ?!
La rĂ©ponse est simple et connue : la transmission. LâhĂ©ritage familial. Inconscient et conscient.
HĂ©ritage conscient : je sais dâoĂč viennent mes parents. Je suis dĂ©jĂ allĂ© en Guadeloupe avec eux mais aussi sans eux. Je connais et comprends leur langue natale, le CrĂ©ole. Je mange antillais. JâĂ©coute la musique antillaise de mes parents et danse sur la musique antillaise. Ces derniers jours, jâĂ©coute rĂ©guliĂšrement des titres de musique Kompa datant des annĂ©es 70, une des fonderies de mon enfance.
HĂ©ritage inconscient : je nâimagine pas Ă quel point les enseignements de mes parents, leurs modĂšles relationnels et leur façon de voir la vie et le monde, mĂȘme si jâai pu et peux les critiquer ont pu et peuvent mâinfluencer. Voire, me conforter dans mes idĂ©es mais aussi dans mes prĂ©jugĂ©s et mes apprĂ©hensions.
Et nous sommes nombreux Ă ĂȘtre dans ce genre de situation. On parle de « conflit de loyautĂ© ». De « double lien ». Dâambivalence. Tout cela fait partie du genre humain. Et cela nous conditionne beaucoup lors de nos rencontres avec les autres. Peu importe la sincĂ©ritĂ© de nos sentiments amoureux pour quelquâun dâautre.
VIDEO
Au cinĂ©ma, jâai pensĂ© au film Nocturnal Animals rĂ©alisĂ© en 2016 par Tom Ford . Dans ce film, Susan Morrow, galeriste dâArt Ă Los Angeles (lâactrice Amy Adams ) a une position sociale forte dans le prolongement de son Ă©ducation et de ses origines sociales. Elle vit mariĂ©e avec un homme qui a Ă©galement une situation sociale forte. Sauf que quelques annĂ©es, plus tĂŽt, Susan sâĂ©tait dĂ©tournĂ© de son Amoureux de lâĂ©poque, Edward (lâacteur Jake Gyllenhaal ) qui Ă©tait plutĂŽt du genre fauchĂ© et sans avenir Ă©conomique bien dĂ©finiâŠ.
Au spot 13, fin mars 2022. La deuxiĂšme oeuvre est de ClĂ©ment Herrmann en hommage Ă l’Ukraine attaquĂ©e par l’armĂ©e militaire russe le 24 fĂ©vrier 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
ConcrĂštement, pour moi, une femme « française », câest souvent une femme blanche, citadine qui fume des cigarettes ou/ et qui boit de lâalcool.
Jâai des amies françaises blanches, citadines, qui fument des cigarettes et qui boivent de lâalcool. Jâai pu ĂȘtre amoureux de femmes françaises qui fumaient des cigarettes (et ou/ du shit). Pourtant, le tabac et la consommation de lâalcool ne font pas du tout partie de mon « idĂ©al » fĂ©minin en termes de pratiques. Ni de mon Ă©ducation.
Comme on dit, on « sâadapte », on « sâaccommode », on « Ă©volue ». Par Amour. Câest vrai. Mais jusquâĂ un certain point, seulement, Ă mon avis. Car si, de notre cĂŽtĂ©, on est prĂȘt Ă faire certains efforts vers lâautre qui diffĂšre de nous. Lâautre, elle ou lui, peut avoir moins dâaplomb pour faire le « grand Ă©cart » entre ses origines et nous.
Au spot 13, Paris, 28 avril 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Ce que je raconte est-il hors sujet ? Suis-je, ni plus, ni moins, en train de raconter ma vie une fois de plus alors que cela ne regarde personne et nâa aucun rapport avec le sujet du livre de Victoire Tuaillon ?
Moi, je crois que je suis bien dans le sujet du livre de Victoire Tuaillon comme de celui de Mona Chollet. Celui de la relation, celui du couple, celui de lâAmour. Seulement, si on « oublie » de parler de certaines de ces âgrandes- Ă©tapes qui prĂ©cĂšdent une relation dâAmour, je me dis que câest comme si on voulait envoyer une fusĂ©e dans lâespace en oubliant tout ce qui peut permettre la meilleure mise Ă feu possible avec la meilleure trajectoire possible.
Le sujet de la rencontre est vaste. Dans la premiĂšre partie de mon article, je revendiquais mon droit Ă ĂȘtre, aussi, « Beauf », « pĂ©nible » et « lourdaud ». Maintenant, je revendique mon droit Ă ĂȘtre « campagnard » dans son sens pĂ©joratif :
Celui qui est vraiment « vieux jeu », conservateur, pas dans le coup, terre Ă terre, qui a des idĂ©es arrĂȘtĂ©es, rigide, pas drĂŽle. DĂ©primant.
Rien Ă voir avec le profil festif, souriant et sautillant de plusieurs de mes compatriotes antillais ou de mes cousins africains et latins. Avec eux, au moins, on sâamuse bien. Bon, câest vrai, ils ne sont pas trĂšs sĂ©rieux. Mais, au moins, câest fun. Ils mettent de lâambiance. Avec eux, câest carnaval. On ne se prend pas la tĂȘte !
Alors quâavec moi, on rĂ©flĂ©chit. On sâanalyse et on se scrute en temps rĂ©el. Pas un fantasme inconscient ne doit Ă©chapper Ă notre vigilance !
Au Spot 13, Paris, 22 juillet 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Je suis un militaire de lâaffectif et de la vie amoureuse. Le champ-adverse- est localisĂ©. Et dĂ©limitĂ©. Jâeffectue des rondes rĂ©guliĂšres autour de lui.
Que lâon se rappelle bien de cette expression :
« Un militaire de lâaffectif et de la vie amoureuse ».
Parce-que cette expression va me servir plus tard.
Dans les faits, rencontrer quelquâun nâest pas si simple que cela pour tout le monde.
Rencontrer quelquâun : Aussi simple que lire une bande dessinĂ©e ?
Cet article doit avoir une fin pour des sujets qui, eux (lâAmour, les rencontres amoureuses, la vie amoureuse, la vie Ă deux ou Ă plus) sont sans fin pour un ĂȘtre humain. Je serai donc obligĂ© de trancher et de passer sur certaines idĂ©es.
Mais je tiens Ă faire un petit retour en arriĂšre.
En 2009, je découvrais le monde de Riad Sattouf en allant voir comment il avait transposé au cinéma sa bande dessinée :
Les Beaux Gosses .
Jâavais dĂ©ja 41 ans en 2009. Pourtant, dĂšs les premiĂšres images, son film mâavait parlĂ©. Et plu. Et fait rire. Parce-que jâai eu lâĂąge de ses personnages ainsi que leurs inquiĂ©tudes.
JâĂ©cris « jâai eu ». Mais cette formulation au passĂ© est un piĂšge cachĂ©. Ne lâoubliez pas. Car jâen reparlerai un peu plus tard.
En pensant Ă la deuxiĂšme partie de cet article, je me suis rappelĂ© mes 13-14 ans lorsquâavec un copain, jâavais discutĂ© de la bonne façon dâembrasser une fille. Je ne lâavais jamais fait. Du moins pas comme les « grands ». Jâavançais en Ăąge et, Ă 13-14 ans, je me devais de dĂ©passer lâĂ©tape des bisous. Mais comment bien rouler une pelle Ă une fille ? Comment savoir ? Dâautant quâil y avait cette certitude (qui persiste encore aujourdâhui, je trouve) que le garçon se doit de savoir.
Je me souviens encore de ce copain, XâŠ., prĂšs dâune des grandes tours de notre citĂ© HLM Fernand LĂ©ger, Ă Nanterre me dire que, lui, il savait ! Alors, je lâai enviĂ©.
Moi, je ne savais pas. Evidemment, il nâallait pas me mettre sa langue dans la bouche pour me montrer. Il y avait comme une dĂ©faite pour moi, ce jour-lĂ . A me retrouver devant ce copain qui avait ce Savoir inestimable et indestructible. Alors que moi, je ne voyais pas comment faire pour lâobtenir Ă mon tour. Apprendre Ă rouler une pelle Ă une fille, finalement, câĂ©tait un peu devenu lâĂ©quivalent dâapprendre Ă faire du feu. Ne pas savoir le faire revenait Ă se diriger vers une sorte de vie de perdition, de dĂ©chĂ©ance et de clochardisation. Comme si en parlant de quelquâun que lâon avait connu dans le passĂ©, on disait de lui :
«Lui, il a vraiment trĂšs trĂšs mal tournĂ©. Il ne sait mĂȘme pas comment emballer une fille. Le pauvre ! ».
Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Aujourdâhui, je maintiens que mĂȘme des adultes (femmes et hommes) peuvent ĂȘtre aussi embarrassĂ©s que je lâavais Ă©tĂ© Ă 13 ou 14 ans pour savoir comment embrasser une fille. MĂȘme avec ma mentalitĂ© de campagnard, jâai appris que nos parcours personnels vers notre intimitĂ© corporelle mais aussi vers lâintimitĂ© de lâautre sont loin dâĂȘtre aussi Ă©vidents que cela pour tout le monde. MalgrĂ© toutes les pubs ou peut-ĂȘtre justement parce-que toutes ces pubs dĂ©nudĂ©es, toutes ces images et ces Ćuvres visuelles Ă©rotiques, pornographiques ou suggestives pullulent dans notre environnement quotidien.
Sâil Ă©tait si simple que cela de rencontrer quelquâun et de partager avec elle ou lui une intimitĂ© charnelle, Ă©motionnelle, sentimentale et morale, toutes ces images Ă©rotico-pornographiques-suggestives, toutes ces discussions qui tournent autour de ces sujets et de ces fantasmes disparaĂźtraient dâeux-mĂȘmes.
Jâai repensĂ© tout Ă lâheure Ă une ancienne collĂšgue, plus jeune que moi de quelques annĂ©es. Alors quâelle allait bientĂŽt se marier, celle-ci mâavait appris quâelle ne savait plus comment rencontrer quelquâun. Alors que plus jeune, avant dâĂȘtre en couple, Ă lâĂ©couter, elle « savait » comment faire pour rencontrer un homme. Jâavais Ă©tĂ© intriguĂ© par sa remarque. Car je nâai jamais eu lâimpression de « savoir » en particulier comment mây prendre pour rencontrer quelquâun dâautre. Jâai connu ou connais des personnes qui « savent » rencontrer. Des personnes qui, fonciĂšrement, restent rarement seules ou savent ne pas rester seules. Peu importe leur Ăąge, leur sexe ou leur situation personnelle.
Spot 13, Paris, 15 juin 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
SĂ©duire
Car il y a le fait de rencontrer. Et le fait de sĂ©duire et de savoir sĂ©duire. Je ne connais pas la situation personnelle de Victoire Tuaillon ou de Mona Chollet dans le domaine de la sĂ©duction. Mais sĂ©duire et savoir sĂ©duire nâest pas donnĂ© Ă tout le monde. Et, comme le fait dâembrasser, de (bien) faire lâamour, de se donner du plaisir, lâaction de sĂ©duire et de plaire ne sâapprend ni dans les manuels, ni Ă lâĂ©cole. On peut bien avoir quelques conseils, certaines lectures. Mais câest quand mĂȘme toujours avec lâexpĂ©rience que lâon apprend Ă bien le faire.
On se rappelle de Ken Boothe qui fermait les yeux lorsquâil sâagissait de chanter devant un public pour sa premiĂšre participation Ă une compĂ©tition de chant tant il avait peur dâĂ©chouer mais aussi des moqueries. On peut imaginer que bien des personnes peuvent ĂȘtre dans le mĂȘme Ă©tat de stress lorsquâil sâagit dâessayer de sĂ©duire quelquâun. Sauf que jâai du mal Ă concevoir que lâon puisse plaire Ă quelquâun si on se met Ă fermer les yeux alors quâon lui parle ou que lâon entame une conversation avec elle ou lui.
Alors que pour dâautres personnes, sĂ©duire, plaire, est un jeu. Câest une action lĂ©gĂšre et agrĂ©able qui agrĂ©mente le quotidien. Jâai connu quelquâun, plutĂŽt sĂ©ducteur, qui mâavait racontĂ© avoir plaisir Ă aller se balader dans le quartier du Marais, Ă Paris, afin dâĂȘtre draguĂ© et regardĂ© par des homos. Jâaime plutĂŽt plaire. Mais chaque fois que je me suis rendu dans le Marais, cela nâa jamais Ă©tĂ© afin dâespĂ©rer allumer quelques homos de passage pour le « fun ».
Lorsque le site de rencontres Meetic sâest imposĂ© comme la rĂ©fĂ©rence des sites de rencontres au dĂ©but des annĂ©es 2000, cĂ©libataire ayant du mal Ă rencontrer, jâavais fini par accepter lâexpĂ©rience. EncouragĂ© en cela par un copain qui en Ă©tait trĂšs content et qui avait su me donner les arguments me permettant de me dĂ©cider. Jâavais dâabord eu honte de mâinscrire sur un tel site. Et si quelquâun que je connaissais mây voyait ?
« Mais dans ce cas-lĂ , quâest-ce quâelle fait lĂ , sur le site, cette personne ?! » mâavait rĂ©pondu, ce copain, trĂšs pragmatique.
Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Jâavais parlĂ© plus tard de cette expĂ©rience Meetic Ă une copine. Pour moi, câĂ©tait tellement novateur. AussitĂŽt, cette copine mâavait alors exprimĂ© sa dĂ©sapprobation envers cette façon de rencontrer quelquâun. Elle mâavait aussi parlĂ© de sa plus jeune sĆur qui avait eu la mĂȘme attitude que moi. Sâinscrire Ă Meetic ! Et, cela, aussi, elle ne le comprenait pas. Pour, elle, elle suffisait de rencontrer les gens. Je parle de quelquâun qui Ă©volue depuis des annĂ©es dans le spectacle vivant : le thĂ©Ăątre. ComĂ©dienne, metteure en scĂšne, prof de thĂ©Ăątre.
Jâavais compris ce jour-lĂ et essayĂ© de lui expliquer, je crois, que, elle, nâavait pas de problĂšme pour sĂ©duire. Et, cela sâest depuis vĂ©rifiĂ© Ă mon avis. Cette copine, devenue mĂšre de deux enfants par la suite, sâest plus tard sĂ©parĂ©e du pĂšre de ses deux enfants. Non seulement, elle a pu quitter la rĂ©gion oĂč elle avait vĂ©cu avec lui, au soleil, avec son ancien compagnon et pĂšre de ses deux enfants. Mais, aux derniĂšres nouvelles, elle avait rencontrĂ© un autre homme, lui mĂȘme Ă©galement pĂšre.
Je « sais » que ce type de famille recomposĂ©e existe. Seulement, je crois aussi que certaines personnes savent mieux sây prendre que dâautres pour faire des rencontres amoureuses opportunes. Alors que leur situation personnelle (mĂšre ou pĂšre dâun ou de plusieurs enfants) lorsquâelle est vĂ©cue Ă lâidentique par dâautres, constitue un obstacle frontal Ă une nouvelle histoire amoureuse.
LâĂąge peut sans doute, aussi, influer, sur les attentes exprimĂ©es envers le couple et une histoire dâAmour.
Une question dâĂąge :
On dit que lâAmour nâa pas dâĂąge. Je veux bien le croire. Mais notre Ă©poque a son Ăąge. Et notre façon dâaimer se modifie aussi sans doute un peu avec notre Ă©poque. Comme avec le pays et la culture dans lesquels on vit et grandit.
Dans la premiĂšre partie de mon article, jâai parlĂ© de lâĂąge de Victoire Tuaillon. 30 ans lors de la parution de son livre Les Couilles sur la table . 21 ans de moins que moi.
On a peut-ĂȘtre trouvĂ© paternalistes certains de mes propos lorsque je parle de son livre ou lorsque jâĂ©voque Victoire Tuaillon ou certaines femmes de son Ăąge ou plus jeunes.
LĂ aussi, je ne vais pas essayer de me disculper de mon paternalisme sâil est avĂ©rĂ©. Sans doute suis-je paternaliste par moments dans cet article :
Je suis le reflet de mon Ă©poque et des valeurs qui mâont Ă©tĂ© transmises. MĂȘme si jâai fait et fais des efforts pour essayer dâĂ©voluer.
Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
NĂ©anmoins dans le spĂ©cial dossier â le numĂ©ro 164 de juillet 2022- du journal Le Canard EnchainĂ© dont le titre est Lâamour Ă tout prix ( MarchĂ© du mariage, boom des applis de rencontre, coachs de drague ou de sexe, love hotels, etcâŠ) , je suis tombĂ© sur cet article, page 22 et 23 :
Le Mariage, Une Affaire de sous Comptes et Mécomptes du conte de Fées (Vouées à disparaßtre à la fin du XXÚme siÚcle, les noces sont redevenues à la mode et génÚrent un bizness trÚs lucratif).
Plusieurs des articles de ce nouveau spĂ©cial dossier du journal Le Canard EnchainĂ© mâont bien plu. Mais dans cet article, il y a un passage qui mâa aussitĂŽt fait penser Ă ce que traite Victoire Tuaillon dans son livre Les Couilles sur la table .
Je retranscris le passage de cet article, page 23 :
« (âŠ.) Lâascenseur social quâil ( le mariage) constituait pour les candidates Ă lâhypergamie fĂ©minine ( fait de sâunir Ă un homme de la classe supĂ©rieure pour gagner en niveau de vie) ne fonctionne plus. Plus diplĂŽmĂ©es que les hommes depuis 2000 , les femmes revendiquent surtout lâĂ©galitĂ© . Le vieux mariage Ă la papa est mort, vive le mariage-association ! (âŠ.) ».
Je ne connaissais pas le terme « hypergamie » avant la lecture de cet article. En apprenant que depuis 2000, les femmes sont devenues « plus diplĂŽmĂ©es que les hommes », jâai repensĂ© Ă ce que Victoire Tuaillon mais aussi Mona Chollet disent elles-mĂȘmes dans les premiĂšres pages de leur ouvrage. Elles ont fait de bonnes Ă©tudes et ont grandi dans un milieu socio-culturel mais aussi Ă©conomique plutĂŽt confortable.
Si Mona Chollet est ma « petite sĆur » de cinq ans, Victoire Tuaillon, elle, encore plus, est pile dans cette Ă©poque Ă partir de laquelle les femmes sont devenues « plus diplĂŽmĂ©es que les hommes ».
Au Spot 13, Paris, fin mars 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Et pour corser un peu plus le constat de cet article, je fais partie de ces personnes (hommes comme femmes) qui auraient bien voulu faire des Ă©tudes longues mais qui, pour des raisons « familiales », nâont pas pu les faire. Les Ă©tudes longues, le fait de ne pas avoir pu ĂȘtre « bien diplĂŽmĂ© », constituent pour moi une blessure personnelle encore ouverte. MĂȘme si c’est sĂ»rement du fait de la persistance de cette blessure, et de la prĂ©sence de ce sentiment de manque, que j’Ă©cris comme je le fais depuis des annĂ©es.
Bien-sĂ»r, on peut faire des Ă©tudes Ă tout Ăąge. Mais je nâai pas pu devenir ce jeune homme diplĂŽmĂ© aprĂšs des Ă©tudes longues comme je nâai pas pu obtenir la reconnaissance sociale et Ă©ventuellement Ă©conomique qui va avec. Jâai bien compris que Mona Chollet et Victoire Tuaillon, mĂȘme bien diplĂŽmĂ©es, ont dĂ» aussi se frayer leur chemin dans le monde du travail. Cependant, comme le dit, je crois, Mona Chollet dans les premiĂšres pages de son ouvrage RĂ©inventer lâAmour, elle a longtemps cru que ses trĂšs bons rĂ©sultats Ă lâĂ©cole Ă©taient tout ce quâil y a de plus logique. Avant de sâapercevoir que si elle avait certes travaillĂ© pour obtenir ses bonnes notes, quâelle avait aussi toujours pu Ă©voluer dans un univers socio-culturel univers, toujours entourĂ©e de livres et de certaines facilitĂ©s dâaccĂšs Ă la culture. Et Victoire Tuaillon ne dit pas autre chose lorsquâelle explique que mĂȘme si elle a eu Ă vivre jeune le divorce de ses parents, quâelle a toujours connu chez lâun comme chez lâautre, une demeure plutĂŽt sĂ©curisanteâŠoĂč il y avait des livres.
Jâinsiste sur ces points non par jalousie ou aigreur envers Mona Chollet et Victoire Tuaillon ou dâautres qui nây sont pour rien dans ma trajectoire personnelle Ă propos des Ă©tudes. Mais pour rappeler que le sentiment de sĂ©curitĂ©, de confiance en soi, de lĂ©gitimitĂ© Ă se lancer dans certaines entreprises sâacquiert dĂšs lâenfance. Et que ce sentiment de sĂ©curitĂ©, de confiance en soi, de lĂ©gitimitĂ© pour se lancer dans certaines entreprises nous incite, ensuite, Ă aller vers certains types de rencontres. Vers certaines personnes. Vers certaines expĂ©riences.
Je ne suis pas en train de dire quâil suffit, lorsque lâon a fait de bonnes Ă©tudes, dâaller Ă la rencontre de quelquâun qui a Ă©galement fait de longues Ă©tudes (ou des Ă©tudes similaires aux nĂŽtres) pour ĂȘtre heureux en Amour avec cette personne. Mais que cela nous « oriente » vers certaines rencontres plutĂŽt que vers dâautres. Jâai cru comprendre que lâon rencontrait souvent son partenaire ou sa partenaire au moment de nos Ă©tudes, dans nos cercles amicaux et familiaux ou sur notre lieu de travail. Les sites de rencontres et les associations sportives ou culturelles peuvent ou pourraient un peu modifier la donne. Mais encore faut-il savoir comment sây prendre pour rencontrer quelquâun dâautre comme pour la sĂ©duire ou le sĂ©duire. Et, il faut apprendre Ă faire le tri sur le site des rencontres ou la mise en scĂšne de la candidate ou du candidat pour se prĂ©senter peut ĂȘtre ce quâelle ou quâil a de mieux Ă proposer. Je nâai pas encore lu les ouvrages de Judith Duportail ( LâAmour sous algorithme, Dating Fatigue) citĂ©e peut-ĂȘtre autant par Mona Chollet que Victoire Tuaillon mais jâai prĂ©vu de le faire. Notons que Judith Duportail, nĂ©e en 1986, a pratiquement le mĂȘme Ăąge que Victoire Tuaillon.
Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
La lutte Ă la place de la turlutte
Il y a quelques mois, maintenant, alors que jâignorais que je lirais un jour un ouvrage de Mona Chollet et de Victoire Tuaillon, jâai revu un extrait ou deux du film Extension du Domaine de la lutte de Philippe Harel dâaprĂšs lâouvrage de Michel Houellebecq . Lors de la sortie du film (1999, je crois), Houellebecq nâavait pas le statut quâil a aujourdâhui. LâannĂ©e 1999, câest aussi lâannĂ©e de la sortie du premier film Matrix des ex-frĂšres Wachowski . Si lâon peut trouver asexuĂ© le hĂ©ros jouĂ© par lâacteur Keanu Reeves mais aussi une absence totale dâĂ©rotisme dans Matrix oĂč, finalement, tout est aseptisĂ© et maitrisĂ© et oĂč aucun poil ne dĂ©passe (serait-ce, dĂ©jĂ , une des diverses manifestations de la mentalitĂ© militaire que je citais un peu plus tĂŽt ?), les deux univers sont quand mĂȘme trĂšs opposĂ©s.
Dans Extension du domaine de la lutte , chaque jour de plus et chaque tentative de vie sentimentale, sociale et sexuelle est une corvée.
Dans Matrix , les hĂ©ros se battent contre le totalitarisme. Dâun cĂŽtĂ©, on dĂ©prime et on est vaincu dâavance. De lâautre cĂŽtĂ©, on se dĂ©mĂšne pour rattraper son retard sur lâexistence aprĂšs sâĂȘtre aperçu que, pendant des annĂ©es, on sâest fait balader. Et, quâen plus, on lâavait acceptĂ©.
Sauf que dans Extension du domaine de la lutte , lâhorizon est rĂ©servĂ© Ă d’autres depuis longtemps. On a beau sâacquitter de ses diverses obligations, espĂ©rer, essayer de survivre, on est et on reste insignifiant. IndĂ©sirable.
VIDEO
Mais ce qui mâa touchĂ©, câest certains commentaires en bas dâun des extraits du film Extension du domaine de la lutte sur Youtube.
Trop souvent, et trop facilement, certain(es) internautes, comme certain(es ) automobilistes sur la route, en viennent Ă avoir des propos et des intentions trĂšs agressives et trĂšs dĂ©gradantes envers leurs contemporains pour peu que ceux-ci ait Ă©mis un avis diffĂ©rent. Câest Ă la fois trĂšs risible de lire Ă quel point ça peut dĂ©raper trĂšs vite. Et pathĂ©tique.
Cette fois-ci, jâai lu des commentaires ou quelquâun disait quâil nâavait jamais vu une scĂšne aussi « violente ». De quoi parlait cet internaute ? De la scĂšne, dans la boite de nuit, oĂč RaphaĂ«l (le personnage jouĂ© par JosĂ© Garcia), un cadre commercial de classe moyenne plutĂŽt beauf, pas trĂšs « Francky Vincent », croit quâil va pouvoir avoir ses chances avec une femme au moment des slows. Puis, il se fait Ă©jecter par un autre homme ( un homme noir -sans doute antillais ou africain- puisque tout le monde sait que les noirs ont la musique « dans la peau » et leur sexe, ensuite, câest la suite logique, dans le corps de toutes les femmes du mondeâŠ. ).
En lisant ce genre de commentaire, jâai Ă nouveau vu, devant moi, ce sous-monde ou ce quart monde dĂ©peint par Houellebecq et dâautres. Certes, Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte parle surtout de la misĂšre sexuelle et sentimentale de deux mĂąles. Mais cette misĂšre sexuelle et sentimentale concerne aussi les femmes. Et lorsque je parle de « quart monde » et de « sous-monde », je me reprends tout de suite :
Cette misĂšre sentimentale et sexuelle touche aussi des personnes (des femmes comme des hommes) de milieux sociaux et Ă©conomiques trĂšs favorisĂ©s. On peut ĂȘtre dâun trĂšs bon niveau social et Ă©conomique et connaĂźtre une affreuse misĂšre sentimentale et sexuelle. Et pas parce-que lâon est moche et stupide. Mais plutĂŽt parce-que lâon ne sait pas sĂ©duire. On ne sait pas « bien » choisir ses rencontres. On ne sait pas avoir une relation de bonne « qualitĂ© » avec quelquâun dâautre.
Avoir un handicap
Parce-que lâon est trĂšs handicapĂ© au moins affectivement et Ă©motionnellement.
On croit souvent que le handicap est un handicap qui se voit. Un handicap physique. Un handicap mental. Un handicap intellectuel.
Mais il est dâautres handicaps plus graves qui passent sous les radars. Parce-que compensĂ©s par ce que lâon appelle la rĂ©ussite sociale, Ă©conomique ou politique.
Si lâon retirait Ă bon nombre des Puissants -ou des personnes modĂšles- que nous cĂŽtoyons ou que nous regardons via les media, les innombrables femmes et hommes de mains, conseillers et intermĂ©diaires qui les entourent, on sâapercevrait rapidement que beaucoup dâentre eux (femmes comme hommes) une fois sortis du domaine oĂč ils excellent, sont de grands handicapĂ©s. Ou quâils sont Ă peu prĂšs aussi handicapĂ©s que nous dans bien des secteurs de la vie courante.
Pourquoi est-ce que jâinsiste autant sur tous ces sujets ?
Au spot 13, 28 avril 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Parce-que je crois que lorsque lâon se rappelle de ces sujets, il est plus facile de comprendre la raison pour laquelle certaines personnes, fĂ©ministes, militantes, et brillantes acceptent ensuite de vivre des relations intimes avec des personnes dont, pourtant, elles condamnent les comportements et les jugements Ă propos des femmesâŠ..
Notre rapport Ă la solitude :
Câest lâautre grand sujet, selon moi, trop oubliĂ© dans lâouvrage de Victoire Tuaillon. Etre fĂ©ministe, câest trĂšs bien. Je lâai Ă©crit dans la premiĂšre partie de mon article :
Je suis Ă©videmment contre les injustices et les violences diverses faites aux femmes. FĂ©minicides, viols, surcharge mentale et physique quant aux tĂąches mĂ©nagĂšres, salaire moindre quâun homme pour un travail Ă©galâŠ..
Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Mais, en pratique, si ĂȘtre fĂ©ministe, que lâon soit une femme ou un homme, cela aboutit Ă vivre seul ( e ) ou Ă terminer sa vie seul ( e) , cela ne vaut peut-ĂȘtre pas le coup. Lorsque jâĂ©cris ça comme ça, jâai lâimpression de dĂ©crire un combat juste que certaines et certains trahiraient Ă un moment donnĂ© malgrĂ© leurs engagements. On retrouve ça dans certains combats politiques et idĂ©ologiques. Et le fĂ©minisme fait partie de ces combats politiques et idĂ©ologiques bien-sĂ»r. Mais aussi dans le milieu artistique. Dans dâautres domaines. Untel est « pur » et « intĂšgre » au dĂ©but du combat, de sa carriĂšre, et puis, finalement, bifurque, met de lâeau dans son vin, sâassagit, devient « commercial » et « vend » son Ăąme.
Il y a un peu de ça, lorsque vers la fin de son livre, Victoire Tuaillon, « salue » les femmes fĂ©ministes qui, paradoxalement, se « mettent » et restent avec des hommes qui ont les comportements quâelles condamnent et combattent :
Les chaussettes sales qui traĂźnent ; la machine Ă laver qui reste une terra incognita pour le compagnon ; le compagnon qui se sert de sa compagne comme dâun agenda, lâĂ©ducation des enfants ( et les devoirs) qui sont esquivĂ©s ; le mec macho et misogyne dont on sâenticheâŠ.
Les hommes domestiques
Gare du Nord, Paris, lundi 25 juillet 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Pour partie, je me dis que certains hommes contribuent plus que dâautres quand mĂȘme aux tĂąches domestiques et mĂ©nagĂšres. MĂȘme si je ne conteste pas les chiffres. MĂȘme dans le dossier spĂ©cial du Journal EnchainĂ© , jâai lu un article qui, comme lâaffirme Victoire Tuaillon dans son livre, dit aussi que les hommes participent toujours aussi peu Ă lâeffort de guerre des tĂąches mĂ©nagĂšres. Et, Ă titre personnel, je sais trĂšs bien que je passe nettement moins le balai que ma compagne ; que je cuisine nettement moins quâelle ; que jâai exceptionnellement (deux ou trois fois) lavĂ© des fenĂȘtres dans ma vie ; que je repasse trĂšs peu ( y compris mes propres vĂȘtements). Et que lorsque nous partons en vacances avec notre fille, que câest elle qui se charge gĂ©nĂ©ralement de prĂ©parer ses affaires et celles de notre fille.
Je ne peux que lâadmettre. Comme je me rappelle aussi de ce jour oĂč ma compagne a tentĂ© de me proposer (ou de mâimposer ) un emploi du temps rĂ©partissant plus Ă©quitablement les tĂąches mĂ©nagĂšres. Jâai alors rigolĂ© et me suis Ă©tonnĂ© quâĂ la place, elle ne me propose pas, plutĂŽt, un emploi du temps dâactivitĂ©s que nous ferions ensemble, elle et moi. Cela nâa pas fait rire ma compagne. Et, depuis, elle sâest rĂ©signĂ©e Ă ĂȘtre celle qui passe le balai, qui cuisine et qui repasse plus que moi. Et moi, aussi.
Cette remarque peut soit beaucoup mettre en colĂšre ou faire rire. Mais il nây a aucune provocation de ma part. Et je ne perçois pas ma compagne comme ma domestique. Plus tĂŽt, je parlais de militarisation de la vie affective et sentimentale.
La militarisation de la vie affective et sentimentale
Les attentes et les exigences envers le couple et lâAmour « dâune » Victoire Tuaillon et dâune Mona Chollet nĂ©es en 1989 et en 1973, diplĂŽmĂ©es, indĂ©pendantes Ă©conomiquement, socialement et sexuellement, sans doute citadines, bien insĂ©rĂ©es, et que je devine (et je le leur souhaite) bien entourĂ©es par un certain nombre dâamis et de collĂšgues rĂ©ellement bienveillants et disponibles sont Ă©videmment diffĂ©rentes de celles quâa pu avoir ma mĂšre nĂ©e en 1948 comme de moi-mĂȘme, nĂ© en 1968.
Ce nâest pas uniquement une question dâĂ©poque. MĂȘme des personnes nĂ©es avant 1948 ou nĂ©es la mĂȘme annĂ©e que moi ont Ă©videmment pu avoir des attentes et des exigences plus grandes que ma mĂšre et moi vis-Ă -vis de lâAmour et du couple. Comme celles quâexpriment Victoire Tuaillon et Mona Chollet ainsi que celles-et ceux qui se retrouvent dans leurs rĂ©flexions.
Dans son ouvrage RĂ©inventer lâAmour , je me rappelle que Mona Chollet a pu citer en exemple le couple formĂ© par le peintre et Ă©crivain Serge Rezvani ( nĂ© en 1928) avec sa compagne Lula. Ceux-ci ont vĂ©cu ensemble pendant des annĂ©es, dans leur maison, La BĂ©ate , sans eau ni Ă©lectricitĂ©, dans le midi de la France. Jâai oubliĂ© lâautre couple citĂ© par Mona Chollet. Mais je me suis alors aperçu que le couple dâAmour Rezvani-Lula citĂ© en exemple par Mona Chollet vivait sans enfant. Je nâai rien contre les couples amoureux sans enfant. Mais moi, jâai une enfant. Et la naissance dâun enfant (ou de plusieurs) peut ajouter, avec la tournure du quotidien, certaines tensions bien caractĂ©ristiques dans un couple.
Plus rĂ©cemment, jâai pu tomber sur des propos attribuĂ©s Ă Mona Chollet oĂč celle-ci ne regrettait pas ses engagements fĂ©ministes mais dĂ©plorait, en quelque sorte, le manque dâamour dans sa vie personnelle. Jâai cru comprendre que sa vie sentimentale et amoureuse subissait les contrecoups de ses engagements fĂ©ministes. Jâai trouvĂ© ça assez triste. Autant dâengagement pour bĂ©nĂ©ficier, en retour, dâune vie amoureuse dĂ©ficitaire.
Mona Chollet nâest pas la seule femme devant ce constat. Dans son ouvrage Les Couilles sur la table , Victoire Tuaillon Ă©crit aussi que devant lâĂ©normitĂ© de la surcharge de travail domestique et invisible qui Ă©choit Ă la femme lorsque celle-ci a une histoire dâAmour, quâelle avait en quelque sorte dĂ©cidĂ© de refuser de se « mettre en mĂ©nage » pour une durĂ©e indĂ©terminĂ©e. Je ne peux que comprendre sa dĂ©cision si, pour elle, la dĂ©cision de vivre dans le mĂȘme logement que son compagnon lâoblige Ă se transformer en femme de mĂ©nage, dâintĂ©rieur et en coach Ă©motionnel.
Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Ensuite, je mâinterroge. Je ne fais, bien-sĂ»r, que des suppositions. Puisque je ne connais pas personnellement Victoire Tuaillon et ne la rencontrerai probablement jamais. Comme je ne rencontrerai probablement jamais Mona Chollet.
Je ne prĂ©tends pas dĂ©tenir la formule magique qui permet de rencontrer la personne avec laquelle on pourra vivre heureux jusquâĂ la fin de sa vie. Je ne possĂšde pas cette formule.
Mais je me dis que lâAmour, le sujet de lâAmour, est, je crois, un idĂ©al « trĂšs » fĂ©minin.
Par Amour et tant quâune femme a de lâAmour pour sa compagne ou son compagnon, il semble quâelle puisse tout ou trop accepter dâelle ou de lui. Quâelle puisse tout ou trop espĂ©rer. Par Amour.
VIDEO
Dans les annĂ©es 80, la chanteuse du groupe Kassavâ, Jocelyne BĂ©roard a chantĂ© le titre Siwo . Dans cette chanson, qui avait bien marchĂ©, Jocelyne BĂ©roard raconte- en CrĂ©ole-, quâelle cherche un homme « doux comme le sirop ». Et, elle dĂ©taille que celui-ci nâest pas obligĂ© dâĂȘtre beau. Par contre, elle souhaite ( elle exige) quâil soit rĂ©guliĂšrement de bonne humeur, quâil soit constamment en train de danser tout en Ă©tant capable par ailleurs de lâĂ©couter lorsquâelle lui parle mais aussi de sâaffirmer lorsque la vie le nĂ©cessite. Jocelyne BĂ©roard conclut sa chanson en disant quâelle a dĂ©jĂ cherchĂ© cet homme partout dans le Monde mais ne lâa jamais trouvĂ©. Et quâelle « sait » quâelle ne pourra le trouver quâaux Antilles. Dans sa chanson, Jocelyne BĂ©roard ne parle pas de la rĂ©partition des tĂąches domestiques et mĂ©nagĂšres, des fenĂȘtres Ă laver ni des devoirs des enfants. Alors que jâĂ©coutais une nouvelle fois le titre Siwo avec entrain chez un de mes oncles, celui-ci, mariĂ© et dĂ©jĂ pĂšre, avait alors dĂ©clarĂ© :
« Mais ce quâelle dit-lĂ , câest impossibleâŠ. ». Je devais avoir 17 ou 18 ans. ( Le titre Siwo est sorti en 1986). Le commentaire de mon oncle mâavait arrĂȘtĂ© pile. Je ne voyais pas de quoi il pouvait bien parler. Je me concentrais sur la musique et le rythme. Les paroles de la chanteuse tombaient directement dans le champ vide de mon inexpĂ©rience. Et jâĂ©tais incapable, comme mon oncle venait de le faire, de prendre la mesure concrĂšte de ce qui Ă©tait dit. Jocelyne BĂ©roard aurait pu raconter tout autre chose, cela mâaurait tout autant convenu. Dans les faits, en tant que lâun des membres permanents du groupe Kassavâ depuis une quarantaine dâannĂ©es dans le Monde entier, et en tant que femme, jâai lâimpression que Jocelyne BĂ©roard nâa pas eu de vie couple au long cours.
Un homme me semble regarder lâAmour dâun autre Ćil. Comme il me semble lâexprimer autrement. Jâemploie sans doute des clichĂ©s mais jâai lâimpression quâun homme sera moins expressif mĂȘme sâil aime sa compagne. Ou, il semblerait, Ă lire Victoire Tuaillon et Mona Chollet, que lâhomme, par Amour, fasse moins dâefforts que sa compagne.
LâAmour, selon les chiffres et les constatations de Mona Chollet et Victoire Tuaillon, est une promotion principalement pour les hommes. Et un traquenard pour les femmes. Plus besoin de nous occuper de nos chaussettes sales, de nos repas, des devoirs et des vĂȘtements des enfants si nous en avons, du repassage de nos vĂȘtements. Et, en plus, mĂȘme si nous frappons et violons notre compagne, il se pourrait quâelle reste avec nous jusquâĂ ce que mort sâensuive. Je deviens ici un peu provocateur. Mais ce nâest pas mon but, pourtant.
Le travail invisible des hommes
Victoire Tuaillon nous informe du travail invisible des femmes. Des chiffres le démontrent.
Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Mais je me demande si les hommes fournissent aussi un travail invisible dont Victoire Tuaillon ne parle pas et ne peut parler. Soit parce-que peu dâhommes en ont tĂ©moignĂ©. Soit parce quâelle reste depuis une perspective de femme. En faisant un peu dâironie, on dirait, en lisant lâouvrage de Victoire Tuaillon, que le principal travail invisible des hommes consiste Ă saper le moral de leurs compagnes.
Lorsque je me dĂ©crivais en « militaire de la vie affective et amoureuse », je me moquais bien-sĂ»r de moi-mĂȘme. Il y a sĂ»rement une part de vrai. Mais je crois aussi ĂȘtre un peu plus frĂ©quentable que cela au quotidien et dans la vie rĂ©elle.
En « bon » Ă©lĂšve qui a lu les ouvrages des Mona Chollet et de Victoire Tuaillon, RĂ©inventer lâAmour et Les Couilles sur la Table ( elles ont Ă©crit dâautres ouvrages), jâai confirmĂ© partager certains travers reprochĂ©s Ă beaucoup dâhommes dans la sphĂšre conjugale.
Mais il est quelques uns de ces « travers » que je nâai pas. Ma compagne a pu me dire que je faisais plus que dâautres hommes. Pour me dire cela, il a bien fallu quâelle ait certaines discussions avec dâautres femmes qui ont un homme « Ă la maison ».
Je vais mâabstenir de faire la « liste » de courses des tĂąches domestiques auxquelles je prends spontanĂ©ment part rĂ©guliĂšrement. Car jâaurai trop lâimpression de dĂ©poser ici une sorte dâannonce. Mais je peux Ă©crire, je crois, que jâai Ă©tĂ© prĂ©sent dĂšs la naissance de notre fille. Pour Ă peu prĂšs tout. Notre fille nous a beaucoup sollicitĂ© la nuit, bĂ©bĂ©. Nous nâavons pas connu ce paradis qui consiste Ă avoir un enfant qui « fait ses nuits » au bout de deux mois. Je ne connais pas cette utopie. Je travaillais alors uniquement de nuit. Lorsque jâĂ©tais au travail, ma compagne sâoccupait de notre fille. Mais lorsque jâĂ©tais de repos, ma compagne pouvait dormir tranquille. Plus dâune fois, jâai entendu notre fille pleurer et suis allĂ© mâoccuper dâelle avant que ma compagne nâait eu le temps de sâen apercevoir.
Certains parents parlent de temps Ă autre de la « super nounou » sur qui ils ont pu toujours compter. Pour la garde de leur enfant. Nous, câest la nounou qui a pu compter sur nous Ă plusieurs reprises pour que nous gardions notre fille parce-que lĂ , « Excusez-moi, excusez-moi de vous dĂ©ranger mais⊠». Et, câest moi qui gardais notre fille que je sois de repos ou que je vienne de terminer une nuit de travail. A ce jour, je crois que ma compagne peut encore compter sur ses dix doigts le nombre de jours oĂč elle a eu Ă sâarrĂȘter pour cause de « enfant malade ». Moins de dix jours.
Ăa, câĂ©tait pour donner un ou deux exemples concrets qui, je crois, peuvent parler Ă tout parent comme Ă toute compagne ou tout compagnon. Ou futur parent. Je ne prĂ©tends pas ĂȘtre un papa ou un conjoint parfait pour autant.
Le travail invisible dâun compagnon, cela peut ĂȘtre, aussi, de supporter la personnalitĂ© de sa compagneâŠ..
Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
La juste rĂ©partition des tĂąches mĂ©nagĂšres et domestiques, câest un souhait louable. Mais si cela prend trop dâimportance dans un couple, câest peut-ĂȘtre aussi, certaines fois, parce-que cela devient une prioritĂ© qui nâa pas de raison dâĂȘtre.
Je mâexplique : faire le mĂ©nage, repasser, faire la cuisine, câest important. MĂȘme si jâavais beaucoup aimĂ© lire Truisme de Marie Darrieussecq , mon but dans la vie nâest pas de proclamer : « ChĂ©rie, vivons dans une porcherie comme des cochons et tout ira bien ! ».
Sauf que, il y a propretĂ© et propretĂ©. Je nâai aucun problĂšme avec le fait de passer le balai ou lâaspirateur. Ou de faire le repassage. Je comprends le principe qui consiste Ă faire le mĂ©nage rĂ©guliĂšrement pour que cela prenne moins de temps et pour empĂȘcher que la poussiĂšre ne sâentasse. Et, jâavais bien perçu lâincrĂ©dulitĂ© de ma compagne lorsque jâavais essayĂ© de lui expliquer que je nâai pas de problĂšme avec le fait de passer le balai. Seulement, je ne me rends pas compte quâil faut le passer. Je ne vois pas. Jâai dâautres prioritĂ©s. Devant moi, ma compagne a manifestement cru que je la prenais pour une tarte et que je lui racontais des bobards. Mais non.
Je crois quâil y a un sentiment dâurgence dans la rĂ©alisation de certaines tĂąches et de certaines actions que je ne partage pas avec ma compagne. Hier soir, nous sommes allĂ©s dĂźner chez des amis. Chez mon meilleur ami et sa compagne. Je connais mon meilleur ami depuis le collĂšge. Il y a maintenant 40 ans. Je mâĂ©tais douchĂ©, habillĂ© pour aller Ă ce dĂźner. Alors que nous partions, ma compagne mâa fait remarquer quâil y avait un trou prĂšs du col de mon maillot de corps. Un maillot de corps propre, non repassĂ© parce-que jâai arrĂȘtĂ© de le repasser. Mais propre. Ma compagne nâa pas insistĂ© aprĂšs sa remarque car, sans doute, a-tâelle compris que cela nâaurait rien changĂ©. Que jâaurais gardĂ© ( et jâai gardĂ©) mon maillot de corps. Mais il est trĂšs vraisemblable quâĂ ma place, ma compagne se serait mise dans tous ses Ă©tats et aurait changĂ© illico de vĂȘtement. Comme il est vraisemblable quâune autre personne, Ă la place de ma compagne, mâaurait fait toute une histoire pour ce trou dans mon maillot de corps. Ou nâaurait pensĂ© quâà ça et aurait eu le sentiment dâeffectuer une cascade pĂ©rilleuse, toute la soirĂ©e, en faisant comme si ce trou nâexistait pas alors quâelle aurait continuĂ© dây penser toute la soirĂ©e entre deux plats ou deux remarques.
On croit que jâexagĂšre ? HĂ© bien, je pense que certaines femmes se comportent avec le mĂ©nage et certaines tĂąches domestiques comme dâautres auraient pu le faire avec ce trou dans mon maillot de corps. En insistant. En faisant un pataquĂšs. En oubliant que le principal, câest le moment dĂ©tendu que lâon va passer avec ses amis.
Au Spot 13, Paris, 15 juin 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Je nâinvite pas les femmes qui se mettent en mĂ©nage Ă accepter que leur compagnon les laisse se charger de leurs chaussettes sales et plus si affinitĂ©s. NâexagĂ©rons rien. Mais je me demande si, certaines fois, qui se rĂ©pĂštent, il est vrai, trop dâimportance est accordĂ©e aux tĂąches domestiques plutĂŽt quâĂ dâautres.
Par ailleurs, je ne crois pas du tout que le fait dâĂȘtre un homme « parfait » question mĂ©nage, tĂąches domestiques, prĂ©paration du repas, Ă©ducation des enfants, courses et autres suffise pour que lâhistoire dâAmour du couple soit absolument Ă©panouissante. Autrement, il suffirait Ă beaucoup de femmes se mettre en couple avec des hommes de mĂ©nage.
Ensuite, je lâai aussi dit : je ne partage pas certains des « travers » attribuĂ©s Ă une majoritĂ© dâhommes. Et, je ne me vois pas comme un homme exceptionnel.
Donc, je me dis quâil doit y avoir dâautres hommes qui, comme moi, participent rĂ©guliĂšrement, en partie, aux tĂąches domestiques, Ă©ducatives et mĂ©nagĂšres.
Jâai lâimpression que le niveau dâexigence et dâattente de certaines femmes a beaucoup augmentĂ© et peut-ĂȘtre trop. Pas uniquement dans le domaine des tĂąches domestiques, Ă©ducatives et mĂ©nagĂšres dâailleurs. Parce-que si je prends Ă la lettre certains critĂšres fĂ©ministes, les femmes ont intĂ©rĂȘt Ă changer de modĂšle dâhomme idĂ©al :
Il va falloir quâelles se fassent Ă des multitudes dâAbbĂ©s Pierre et de Omar Sy. Or, je ne suis pas convaincu que toutes les femmes aimeraient vivre avec un AbbĂ© Pierre ou un Omar Sy mĂȘme si ce sont deux personnalitĂ©s plutĂŽt ou particuliĂšrement sympathiques.
Cette amĂ©lioration du niveau de vie et de lâĂ©ducation des femmes a aussi une consĂ©quence sur les relations hommes-femmes. Je ne la critique pas. Peut-ĂȘtre que câest le fait dâĂȘtre dans une sociĂ©tĂ© patriarcale et dâĂȘtre un des nombreux rejetons de cette pensĂ©e patriarcale qui me fait dâabord souligner la consĂ©quence plutĂŽt que le bienfait de ce changement. Mais ce changement a divers effets. Bons et mauvais. Comme beaucoup de changements. Ce serait facile de dire pour simplifier que ce changement rompt un Ă©quilibre entre les femmes et les hommes : cependant, dâun point de vue lĂ©gĂšrement fĂ©ministe, on pourrait facilement rĂ©pondre, et prouver, quâil nây a jamais eu de relation Ă©quilibrĂ©e entre les femmes et les hommes. Puisque câest le principe mĂȘme du patriarcat que dâimposer aux femmes une sociĂ©tĂ© dans laquelle elles sont infĂ©rieures aux hommes.
Mais jâai lâimpression que dans un couple, que lâon soit un homme ou une femme, il y aura toujours ce rapport de dominĂ©-dominant. MĂȘme si lâĂ©quilibre relationnel se transforme. Parce quâun Ă©quilibre parfait entre ĂȘtres humains, est-ce possible ?
Au Spot 13, Paris, vendredi 22 juillet 2022. Photo©ïžFranck.Unimon
Dans le domaine de la sĂ©duction, je ne vois pas dâĂ©quilibre entre les ĂȘtres humains. Il est des personnes qui savent sĂ©duire. Et dâautres pas.
Vis Ă vis de la solitude, il est des personnes capables de bien vivre la solitude, voire de la rechercher. Et il en est dâautres qui en souffrent et qui feront leur possible pour essayer de sâen dĂ©barrasser presque par tous les moyens. LĂ aussi, je ne vois pas dâĂ©quilibre. Et il ne sâagit pas dâune opposition entre des femmes et des hommes. Ou alors, il faut, comme le disent aussi Mona Chollet et Victoire Tuaillon, un autre type de sociĂ©tĂ©. Mais pour faire en sorte que de maniĂšre Ă peu prĂšs Ă©quilibrĂ©e, tout le monde soit Ă mĂȘme de plaire et de sĂ©duire mais aussi de composer avec sa solitudeâŠjâai quand mĂȘme lâimpression que lâon se rapproche lĂ dâun mode de vie militaire et totalitaire.
Je ne vois pourtant pas le livre de Victoire Tuaillon comme un manifeste militaire et totalitaire. Certes, elle sâest attardĂ©e sur nos couilles plus longuement que cela ne se fait dâhabitude. Pour faire parler plusieurs personnes et tĂ©moins qui ont affaire Ă elles. Mais aussi pour les faire parler dâAmour. Câest une prouesse qui vaut le dĂ©tour.
VIDEO
Franck Unimon, ce mercredi 27 juillet 2022.