L’année du Japon
Parler du Japon aujourd’hui depuis la région parisienne peut apparaître irresponsable et déplacé. Pourtant, nous sommes au mois de juin et cela fait plusieurs jours que je vois et revois que le Japon, lorsque l’été s’approche, redevient subitement une destination touristique attrayante. Ça et là, le Japon apparait dans les vitrines.
Je sais aussi qu’il existe un petit plus qu’un effet de mode avec le Japon et que depuis au moins une dizaine d’années, la culture nipponne, voire sud coréenne, a ses spécialistes et ses amateurs au moins parmi les adolescents et les jeunes adultes.
Cependant, en France, il pleut et il fait gris. Certaines personnes diraient même que, désormais, en France, il fait presque brun.
Car l’Assemblée nationale, en France, a été dissoute par le Président Emmanuel Macron il y a quelques jours après la victoire du RN aux élections européennes. Un Président de la République réélu, aussi jeune qu’il est devenu impopulaire.
Cinquante pour cent d’électeurs se seraient abstenus d’aller voter lors de ces élections européennes. Des élections législatives vont avoir lieu de manière anticipée le 30 juin et le 7 juillet. On ignore encore si, pour la première fois, en France, le Rassemblement National (RN), parti d’extrême droite héritier du Front National (FN) co-créé il y a un demi-siècle par le pionnier de la dynastie Le Pen va parvenir au Pouvoir Politique par la Grande Porte en obtenant le poste de Premier Ministre. Ou si, une fois de plus, le RN va se heurter à la muraille de Chine faite de ce refus des Français revenus une nouvelle fois voter par défaut pour un parti politique de Droite ou de Gauche perçu comme républicain, antiraciste et démocratique.
A quelques jours du début des Jeux Olympiques organisés en France, on pourrait se croire dans un épisode de Games of Throne avec les adeptes du RN dans le rôle des revenants d’autant plus inquiétants qu’ils ressemblent à ces mutants imperturbables vus dans bien des films et dont la volonté de fer se concentre dans l’action de se multiplier mais aussi de se diversifier. Tandis que les plus irréductibles des membres du RN, eux, verraient leurs opposants et leurs contraires comme autant de redoutables envahisseurs dont la principale source de volonté serait de coloniser et d’anéantir la grandeur de l’identité nationale française.
Je crois m’être fait servir par l’un d’entre eux il y a quelques heures.
Un Yakuza caché ?
Dans ma ville, je passe quelques fois dans une boucherie dans laquelle l’atmosphère et la clientèle détonnent. J’y entre en étant assez fasciné mais aussi parce-que je suis un client satisfait.
Dans cette boucherie, on se croirait dans la France des années 70 et 80. On semble y rester confiné entre soi mais on y achète de la très bonne viande plus chère qu’ailleurs dans la ville.
A tort ou à raison, cet endroit m’évoque facilement les très bons films Dupont Lajoie ou Seul contre tous. Cependant, il faut rester prudent et se méfier des apparences. Même si son propriétaire et boucher, tout à l’heure, m’a un peu troublé.
Ou provoqué.
Nous étions seuls dans la boucherie lorsque je me suis laissé aller à la familiarité de lui demander où il avait prévu de partir en vacances cet été. Peut-être parce-que ma tête lui était suffisamment familière, il m’a répondu spontanément :
« En Dordogne ».
La Dordogne est une jolie région et la France, un très beau pays à visiter. Cela fait des années que la France est un des pays les plus visités dans le monde qu’il s’agisse de l’Hexagone ou de « ses » îles si l’on excepte peut-être la Nouvelle Calédonie depuis plusieurs semaines compte-tenu du climat de guerre civile et de rejet de la politique française qui y a éclos abruptement.
Sauf que le boucher, Maitre en sa boucherie depuis une bonne vingtaine d’années, a eu besoin de rajouter :
«… Pour faire travailler les Français…. ».
Je me suis contenté de lui répondre, le plus légèrement possible :
« Si vous pouvez…. ».
Fort heureusement, sa politesse ou son absence de curiosité m’ont sauvé. Je n’ai pas eu à lui annoncer où j’avais prévu de passer mes vacances, cet été.
En effet, ce 8 juillet, soit le lendemain des résultats du deuxième tour de ces élections législatives provoquées par le Président Macron suite à sa décision de dissoudre l’Assemblée Nationale, je prendrai l’avion pour trois semaines au Japon afin de participer au Masters Tour 2024 créé et co-organisé une nouvelle fois par Léo Tamaki, expert en Aïkido.
Le Japon, c’est assez éloigné de la Dordogne.
Mais peut-être que le boucher regarde-t’il tous les soirs des manga à son domicile ? Peut-être aussi parle-t’il Japonais couramment dans ses rêves et se rend-t’il tous les ans à la Japan Expo ? Peut-être aussi, dans ses hobbies, compte-t’il un Savoir faire de Maitre Pottier japonais ? Ou de Maitre Sushi ? Ou de chanteur Karaoké ?
Rien ne (me) permet, à ce jour, de le contester. Peut-être même, tous les soirs, se transforme-t’il aussi en Yakuza à la façon dont Takeshi Kitano a pu nous les décrire dans ses films Sonatine ou Hana-Bi pour parler de quelques uns de ses films ?
Peut-être n’est-il qu’un samouraï infiltré dans une ville de banlieue parisienne, plutôt mal réputée, qui a choisi d’endosser l’habit, la profession et des propos qui peuvent s’apparenter à ceux de l’Extrême Droite pour mieux la combattre à la façon d’une taupe tel Tony Leung Chiu-Wai qui, lui, avait infiltré une triade chinoise dans le film A Toute Epreuve du réalisateur Hong-Kongais John Woo, son dernier film à Hong-Kong avant la rétrocession de celui-ci à la Chine et avant son exil pour les Etats-Unis et son film Volte-face avec Nicolas Cage et John Travolta ?
Ces films noirs ou ces polars asiatiques de ces réalisateurs, et d’autres que je ne cite pas tels Kirk Wong, Johnnie To ou les frères Mak etc…, font partie des classiques pour celles et ceux qui les connaissent ou les ont vus, comme moi, au cinéma, à leur sortie ou en décalé.
Ces films font aussi partie du passé. Même si ce passé est présent et futur. Et moi, ce que je suis en train de vous écrire ce mardi 18 juin 2024 appartient aussi au passé. Car si mon départ pour le Japon, cette année, est prévu pour le 8 juillet, soit dans trois semaines, il s’agira aussi de mon « retour » au Japon après mon premier voyage, là-bas, en 1999. Un retour souhaité dès cette année-là.
En 1999, lors de mon premier séjour au Japon, j’étais imprégné de cinéma en version originale sous-titrée et de cinéma asiatique. Au point de beaucoup m’identifier aux Japonais.
Nous ne sommes pas des japonais
« Vous n’êtes pas des Japonais ! » nous avait néanmoins asséné Vanessa, – tel un ippon- une de nos camarades- et Française- de notre cours de Judo, au gymnase, rue Michel Lecomte, tant nous singions certaines caractéristiques japonaises.
Nous, c’était Manu, un de mes amis Français, rencontré sur le tatamis du club, et moi, Français d’origine antillaise.
Elle avait raison.
Depuis notre naissance en région parisienne jusqu’à cette déclaration, Manu et moi n’avions jamais rien eu de bridé. Nous avions acheté nos kimonos de judo en France. Nous pratiquions le Judo en France. Notre professeur de Judo, Pascal Fleury, grand frère de la championne olympique Cathy Fleury, était d’origine italienne.
Lorsque Manu et moi, nous allions- quelques fois- dans des restaurants asiatiques, c’était à Paris ou en banlieue parisienne. Et, lorsque nous voyions ou rencontrions beaucoup d’Asiatiques, c’était surtout projetés sur un grand écran de cinéma, sur l’écran d’un téléviseur ou dans les ouvrages d’une librairie.
Pour moi, en devenant adulte, je crois que le Japon avait pris la place que les Etats-Unis, enfant puis adolescent, avaient pu avoir. Celle d’un pays dont l’Histoire et les êtres avaient des destinées fantastiques. Lorsque l’on est né en banlieue parisienne, dans un milieu social moyen, que l’on a d’abord grandi dans une cité, et que nos parents, bien que « Français », sont des Antillais qui ont dû venir vivre en métropole tels des immigrés à l’âge où, en principe, tout est possible puisque l’on est jeune et que ce possible se résume à un logement HLM avec d’autres personnes qui, comme eux, font de leur mieux pour s’en sortir, hé bien, soit on se contente de ce que l’on a. Soit on rêve ou on imagine un ailleurs.
Et puis, petit à petit, soit on essaie d’aller vers cet ailleurs, soit on reste enfermé dans sa cité et dans tout ce que l’on connait par coeur par peur et par précaution.
Pourquoi le Japon plus que le Vietnam, le Cambodge, l’Indonésie, la Corée du Sud, la Thaïlande, la Birmanie, le Laos ou ne serait-ce que la Chine qui sont aussi des pays à connaître comme tant d’autres en Asie, en Afrique, en Océanie, en Europe ou ailleurs ?
Très certainement pour cet attrait pour les Samouraï qui avaient remplacé les cow-boys des western de mon enfance. J’étais devenu adulte. C’était exotique. Je ne pouvais pas continuer à garder les mêmes modèles, me promener avec un chapeau de cow-boy, un ceinturon en plastique comportant un étui occupé par un colt noir également en plastique et une étoile de shérif.
Il y avait peut-être aussi une forme de refus du statut de victime permanente et suppliciée. La victime potentielle du racisme parce-que Noir dans un pays de Blancs, la France.
Et une espèce de recherche de mon salut intérieur un peu plus en accord avec moi-même dans les Arts Martiaux que dans les comportements des héros de western qui buvaient de l’alcool et qui fumaient, aussi, qui jouaient de l’argent. Qui roulaient un peu plus des mécaniques et qui parlaient fort. Il y ‘avait peut-être également une envie de ma part de m’affirmer en étant un homme antillais « différent », moins bruyant, moins théâtral et moins prévisible. Plus original. Plus complexe. Peut-être plus libre.
Le Japon faisait aussi davantage penser à cette vitrine où y était exposée en permanence cette sorte de Maitrise en toute circonstance que je cherchais à obtenir en moi. Pour cette assurance et ce calme constants en apparence. Pour les sons gutturaux, rauques, brefs et définitifs de la langue japonaise telle que je l’entendais. Pour cette délicatesse supposée de la femme japonaise qui contrastait avec la femme imprévisible, exigeante, pleine d’assurance ou hystérique de la vie urbaine ou parisienne.
Pour caricaturer, d’un côté, on pouvait avoir la « Française » qui fume, qui boit de l’Alcool, qui peut vous quitter ou qui dit zut. De l’autre côté, on avait une femme polie, pas un mot plus haut que l’autre, que l’on voulait voir comme charnellement sensuelle, jamais contrariante et fidèle à jamais.
Il est beaucoup plus facile de fantasmer sur une personne à laquelle on ne se confronte jamais et dont on méconnait la langue, la culture, les volontés et la pensée et qui reste pour nous une apparition encadrée telle une poupée gonflable et domesticable. Mais aussi, jetable.
J’ignorais alors tout ce que le Japon pouvait avoir de traditionnaliste, de conservateur voire de raciste. Ou de sexiste. Et, je méconnaissais totalement le fait, aussi, que ce mode de vie que je préférais voir comme du raffinement esthétique digne de la très haute couture reposait aussi sur une certaine psychorigidité sociale qui flattait d’abord ma propre psychorigidité.
J’ignorais aussi que certains aspects de la vie traditionnelle à la Japonaise équivalaient, aussi, par ses principes, à certains aspects de la vie traditionnelle que m’ont transmis mes parents et auxquels je suis attaché : Un campagnard, qu’il soit japonais ou d’origine antillaise, aura une façon de regarder la vie assez similaire.
L’importance de la parole donnée m’apparait par exemple être une valeur qui émane plus de l’héritage de la tradition et du mode de vie campagnard que du mode de vie dit urbain et moderne, pour ne pas dire mondain.
« Le Japon a mis mes valeurs à plat » m’avait dit lors d’une soirée parisienne une Française qui y avait vécu quatre années.
Quatre années, pour moi qui n’étais jamais allé au Japon, c’était au-delà du réel.
Ce devait être deux ou trois ans avant que je n’envisage mon propre séjour au Japon. Cette femme qui avait à peu près mon âge avait accepté le principe de me revoir pour me parler davantage du Japon. Mais ce qu’elle m’avait laissé, ce sont ses quelques remarques sur le Japon, son prénom et son nom lors de cette soirée passée dans un lieu dont je serais incapable de me rappeler avec certitude.
Mais si cette connaissance croisée dans une soirée, n’avait pas tenu parole, l’amie que je connaissais, alors, elle, l’avait tenue en m’accueillant chez elle au Japon deux ans après m’avoir déjà reçu chez elle une première fois en Australie, à Melbourne, en 1997.
En 1999 : Le Japon, une éclaircie profonde
En 1999, l’année du film Matrix, pour moi, il y eut un avant et un après le Japon.
A mon retour de mon séjour grâce à Raspoutine, mon amie franco-australienne qui y habitait alors, et son frère Le Croque-mort alors mon ami, qui me fit profiter de son expérience là-bas avant de rentrer en France, je déclarai que ce voyage fut extraordinaire.
Et, je le pense toujours aujourd’hui.
Humainement, ce séjour fut pour moi une frontière entre celui que j’étais auparavant qui en faisais des tonnes dans la provocation mais aussi dans l’humour pour se faire aimer. Mais aussi pour se desservir lui-même.
Ce voyage au Japon et son contexte dans ma vie personnelle et professionnelle m’aidèrent et me poussèrent à aller davantage dans l’introspection. Pour paraphraser un peu le livre Avec les Alcooliques Anonymes de Joseph Kessel, paru en 1960 et que j’ai bientôt terminé, je dirais que ce séjour au Japon en 1999 m’a permis d’être plus honnête et plus sincère avec moi-même.
Je n’étais pas alcoolique et je ne suis pas alcoolique. Si je l’avais été, j’aurais pu être été poussé à croire que l’alcool, sous toutes ses formes et latitudes, aurait pu me guider.
Cependant, avant mon séjour au Japon, j’étais probablement ivre et imbibé de mes propres peurs. J’avais très peur de celui que j’étais, de celui que je pouvais devenir et j’avais aussi très peur….d’être aimé.
D’où les provocations et l’humour répétés jusqu’à en être inappropriés. Les décisions très mal inspirées. Le propre de l’alcoolique, c’est, à défaut de pouvoir s’étreindre et se rassurer lui-même, de se détruire et de chercher à s’assommer et à s’éteindre jusqu’au black- out par l’alcool. Pour s’évader de lui-même. Je faisais pareil mais avec l’humour, mes provocations, mes excès, mes gesticulations, des mauvaises décisions, une certaine négligence de moi-même…
Lorsque l’on a peur de soi-même, que l’on a peur d’être aimé ou que l’on estime être indigne d’être aimé, on sait devenir tranchant, blessant ou désarmant pour celles et ceux qui nous entourent ou qui prennent le risque ou ont l’audace de nous approcher. On devient ivre au point de s’aveugler, de manquer de lucidité, et d’être incapable de faire la distinction qui convient entre celles et ceux que l’on peut laisser s’approcher et les autres qu’il faut savoir repousser ou, plus simplement, éviter. Puis, notre orgueil parachève de manière incontestable notre entreprise (ou notre chef-d’œuvre) de démolition et d’autodestruction :
S’il y a un problème, c’est à cause des autres. Ou, on ne savait pas que l’autre ne nous voulait-finalement- aucun mal…..
Le contexte dans lequel j’étais parti au Japon en 1999 cumulé au fait de m’être rendu dans un pays comme le Japon m’avaient aidé à commencer à me sevrer de certaines de mes mauvaises habitudes relationnelles et émotionnelles. Mais, comme on le sait, se sevrer prend du temps. Ce qui n’empêche pas de vivre des éclaircies profondes. Et, le Japon en fut une pour moi.
Si bien qu’à mon retour, je m’étais dit que je reviendrais un jour au Japon. Il aura fallu attendre…25 ans.
Il y a 25 ans, du Japon, j’avais ramené des photos papier, un bermuda qui ne me va plus car j’ai pris du poids et du ventre depuis, une caméra analogique et de la céramique.
Electronique et Céramique
l’Electronique et la céramique me semblent assez bien représenter les deux versants du Japon. Le moderne et le traditionnel. Le quasi-virtuel et le spirituel. L’industriel et l’artisanal. Le logique et l’organique. L’efficace et le sensuel. Mais l’un comme l’autre concourt pour la perfection.
Des deux, électronique et céramique, c’est la céramique que j’utilise encore. Toutes mes tasses de thé ramenées du Japon en 1999 sont demeurées intactes. Et, au travers de leur utilité et de leur durabilité, je vois une sorte de confirmation dans le fait que, utilisée pour l’usage qui lui correspond, la tradition conserve sa supériorité en acquérant plus de profondeur que la nouveauté qui, elle, plus superficielle, est condamnée à se reproduire pour pouvoir espérer préserver ses attraits et convaincre quant à ses promesses et ses effets.
Mais on peut le voir autrement et se dire que mon versant ou mon tempérament traditionaliste l’a emporté pour le moment sur mon tempérament moderne ou moderniste. Car après tout, d’après un podcast que j’ai déjà écouté deux fois, les blogs appartiendraient au passé. Aujourd’hui, ce qui est moderne, ce qui suscite et maintient l’intérêt quotidiennement et qui apporte un succès immédiat et continu, c’est de diffuser souvent et régulièrement des images et de produire le moins de texte possible. Et, moi, comme un vieux schnock conservateur encore accroché au monde des relations épistolaires, et donc complètement démodé, je fais l’exact contraire. Peut-être s’agit-t’il d’une stratégie et d’une décision que je regretterai dans à peu près une dizaine d’années. Lorsque je me déciderai à changer de point de vue contraint ou forcé. Ou à changer le thème de mes articles.
Toutefois, il existe un bémol à cette autocritique : mes articles les plus lus sont relatifs aux Arts Martiaux ainsi qu’un article consacré à Brigitte Lahaie, une ex star française de films pornos qui n’a jamais porté de kimono.
Et, il y a aussi un autre bémol à apporter à cet éloge dithyrambique que j’ai fait concernant la supposée supériorité de la tradition sur la modernité, un préjugé de plus dans lequel je me suis très confortablement installé :
Pendant une vingtaine d’années, j’ai roulé dans une voiture Toyota achetée deux ans après mon premier voyage au Japon. Et le nouveau modèle d’occasion, plus récent, que j’ai acheté également à crédit l’année dernière n’est pas en céramique.
Il me reste aussi quelques souvenirs durables du Japon de 1999.
Des souvenirs durables de mon voyage au Japon en 1999
De Tsukuba, cette ville de banlieue qui évoquait la campagne, située à une heure de Tokyo où habitait mon amie à l’époque. D’une course improvisée à vélo en revenant de la gare de Tsukuba avec une collégienne ou une lycéenne dans sa tenue ( jupe, baskets, débardeur et chemise blanche).
De Pierre, lycéen français au Japon grâce au Rotary Club de sa ville.
De cette secousse sismique alors que je discutais avec mon amie dans son appartement. De ce tournoi de Sumo où nous nous étions rendus.
Je me rappelle de cette prévenance des Japonais et des Japonais faisant ( tout) leur possible pour me renseigner dans la rue dès lors que je m’étais adressé à eux avec les quelques mots d’usage et de politesse consacrés que je connaissais en Japonais. Des mots agissant à la fois comme des sésames ou des talismans poussant mon interlocuteur et mon interlocutrice à s’assurer que je prenais bien ensuite la bonne direction comme si son destin ou son karma en dépendait. Des mots que je n’ai pas oubliés et qui signifient « Bonjour », « Bonsoir », « Je voudrais, s’il vous plait », « Merci beaucoup », « êtes-vous d’accord ? », « Faites attention à vous »….
Il y avait ces rues envahies par ces foules, plus imposantes qu’ailleurs, au moment de les traverser ou marchant sur les trottoirs. Ce cycliste se frayant patiemment l’usage d’un passage à travers la multitude de piétons sur le trottoir sans que personne ne lui fasse le moindre reproche.
Kyoto, le Shinkansen. La ponctualité millimétrée des trains. La propreté immaculée des gares.
Ce sentiment de sécurité dans les rues ignoré du banlieusard que j’étais et confirmé par mon amie.
Il y a aussi ce Salary man qui, à Tokyo, vers 22 heures, habillé en pantalon et chemise, son attaché case à la main, s’était subitement mis à dégueuler sur le quai de cette gare où, comme lui, j’attendais le train pour rentrer. Puis, il s’était éloigné de ses vomissements sans rien dire.
Dans quelques rues d’Hiroshima, j’avais été étonné de voir ces jeunes femmes ou ces adolescentes au profil d’écolières de type lolita, véritables clignotants vestimentaires, qui attendaient le client égaré ou habitué. A Hiroshima, toujours, j’avais aperçu ce bâtiment dont le toit avait reçu la bombe atomique. Et, au musée tout proche, j’avais été étonné de constater que les Japonais étaient présentés comme les victimes de la bombe atomique sans souligner la responsabilité de l’armée japonaise plutôt jusque-boutiste. Je n’avais pas encore lu que les opérations Kamikaze des aviateurs japonais avaient, dans les faits, donné peu d’avantages en terme de réussite militaire mais, aussi, que la participation du Japon au conflit de la Seconde Guerre Mondiale était prévisible et devenu inévitable dès lors qu’il lui restait six mois de réserve de pétrole.
En 1999, j’avais aimé me rendre dans les quartiers de Shibuya et de Harajuku réputés pour être des coins branchés de Tokyo. J’avais déploré être passé à côté de la vie nocturne du Japon. Cela aurait pu arriver si j’avais pu rencontrer Yuji et sa compagne plus tôt dans une des rues de Tokyo. Anglophones tous les deux, ce qui était rare, ils m’avaient fait découvrir un bar-cinéma possédant une petite scène dont mes yeux d’occidentaux n’auraient jamais pu concevoir l’existence dans ce bâtiment ou cet immeuble tout proche de nous. Ensuite, toujours le même jour, le colocataire de Yuji, musicien et originaire de Nara, m’avait invité à venir m’y rendre un jour. Sauf que je repartais pour la France…le lendemain.
J’étais rentré du Japon le lendemain comme lorsque l’on sort d’un rêve.
Le Japon et moi, aujourd’hui :
Les quelques personnes à qui j’ai parlé de mon séjour au Japon, cette année, se sont montrées enthousiastes. J’ai été marqué par le sourire XXL de mon amie Pépita, qui, à l’époque, m’avait encouragé à faire un crédit que je n’ai jamais regretté même s’il m’avait fallu ensuite deux années pour le rembourser.
Le Japon reste une destination touristique peu courante comme en atteste encore la réponse que m’a faite le boucher lorsque je l’ai interrogé à propos de ses vacances. Même si l’écoute d’un podcast cette semaine m’a appris que de plus en plus de vacanciers s’y rendaient et que quelques uns d’entre eux se comportaient de façon outrancière.
En 1999, je buvais sûrement encore du thé en sachet ou du thé aromatisé avec beaucoup de sucre. Soit l’exact contraire d’aujourd’hui où je bois du thé vert japonais que j’achète en vrac et que je bois sans sucre. Du Sencha ou du Gyokuro que je peux boire froid. L’un des gérants de la boutique de thé où j’ai des habitudes et où j’ai commencé à acheter du thé en vrac un jour, m’a dit que mon palais avait été éduqué mais, aussi, que notre palais a une mémoire. Du goût et des températures qui nous conviennent lorsque nous buvons du thé.
J’ai l’impression d’être moins en pamoison devant la culture japonaise qu’en 1999. Délibérément et aussi parce-que je suis dans les démarches du quotidien, j’ai, pour l’instant, survolé le programme que nous a adressé Léo concernant notre séjour là-bas.
Mais si je me fie à mon rapport au thé, au salé, et au maintien de mon intérêt pour les Arts martiaux japonais ou autres, il semblerait que je sois bien plus réceptif à la culture japonaise que je ne le crois. De manière pragmatique, je crois que j’attends de me trouver dans l’avion pour Tokyo en bonne condition avec toutes les formalités en règle pour pouvoir commencer à pleinement vivre l’événement. Avant cela, je me dis sûrement que trop d’extrapolation et trop d’imagination tue l’expérience.
Cet article qui est une forme de pré-bilan avant le voyage fait partie pour moi des « formalités ». Autant d’un point de vue instrospectif qu’à visée d’interaction avec d’autres. Car je crois que d’autres personnes qui seront au Japon ou non en juillet peuvent ressentir ou s’identifier à ce que je raconte à un moment ou à un autre dans cet article.
Il y a quelques mois, je me suis dit que retourner au Japon lors du Masters Tour 2024 était vraisemblablement une des meilleures façons pour moi de le faire. Léo Tamaki nous a appris il y a quelques jours que nous serions 143 à participer à ce Masters Tour en juillet et que nous ferions des sessions avec des Maitres d’Arts Martiaux en étant 23 par groupes. Ce qui est un bon chiffre.
En apercevant quelques offres commerciales que j’ai pu voir en faveur de voyages au Japon ces derniers jours, tant pour leur tarif que pour leur contenu, je me suis déjà senti soulagé d’avoir opté pour le choix du Masters Tour 2024.
J’espère et je compte ramener du Japon 2024, en même temps que des impressions et des rencontres mémorables, quelques images et un article pour ce blog qui essaieront de restituer cela au mieux. Pour les esprits jeunes et les esprits vieux, pour les esprits traditionalistes et les esprits modernes qui pourront y trouver plaisir et réconfort.
Nota Bene, ce mercedi 19 juin 2024 :
En repensant ce matin à cet article après l’avoir écrit en grande partie hier, je me suis aperçu que j’avais complètement oublié de parler du risque de l’accident nucléaire au Japon. Un risque difficile à totalement occulter pourtant après ce qui s’était passé à Fukushima en 2011.
Malgré la probabilité du risque nucléaire, ou de celui d’un séisme, je reste sur l’impression que ce nouveau séjour au Japon m’extraira durant quelques temps des sortilèges d’un certain cirque quotidien.
Franck Unimon.