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Cinéma

La nuit du 12, un film de Dominik Moll, inspiré du livre 18.3 Une année à la PJ de Pauline Guéna

La Nuit du 12, un film de Dominik Moll inspiré du livre 18.3 Une année à la PJ de Pauline Guena.

 

 

Les rencontres peuvent transformer une vie. Elles peuvent tuer, aussi.

 

L’hĂ©roĂŻne de La Nuit du 12 est une victime. Elle meurt d’asphyxie, enfermĂ©e dans les gaz relĂąchĂ©s par ces flammes qui l’ont brĂ»lĂ©e vive. Telles beaucoup de victimes, elle a la surprise de recevoir sa mort dans un endroit familier. A un moment oĂč cette idĂ©e est pour elle complĂštement incongrue. Elle revient d’une fĂȘte. Elle est heureuse, seule, se sent libre, lĂ©gĂšre et en sĂ©curitĂ©. Comme d’autres femmes avant et aprĂšs elles et tant d’autres victimes (enfants, personnes vulnĂ©rables ou en Ă©tat de vulnĂ©rabilitĂ©).

 

Entretemps, son meurtrier a pu l’attendre et su s’approcher d’elle avec d’autres projets.

 

La Nuit du 12 aurait pu s’appeler La Femme du 12 ou L’innocence du 12.

 

L’innocence, l’insouciance, la fĂ©minitĂ©, la joie et l’optimisme, mĂȘme lorsqu’ils relĂšvent de l’évidence pour celle ou celui qui les incarnent, restent inflammables. Ils ne sont jamais dĂ©finitivement acquis. Il faut apprendre Ă  les protĂ©ger. Ce n’est pas donnĂ© Ă  tout le monde de le savoir. La Nuit du 12 apporte une nouvelle fois la preuve que celles et ceux qui l’ignorent peuvent les perdre et en mourir.   

 

 

 

Pour enquĂȘter sur le meurtre de Clara (interprĂ©tĂ©e par Lula Cotton-Frapier), la police judiciaire, plutĂŽt que la gendarmerie, est dĂ©signĂ©e. Elle est faite de professionnels. Le terme « professionnels Â» se conclut par « elles Â» mais ce sont tous des hommes. Blancs. L’enquĂȘte se fĂ©minisera et se mĂ©tissera un peu vers les trois quarts du film avec l’ajout/l’atout d’une juge d’instruction (l’actrice Anouk Grinberg) et d’une jeune flic, Nadia (l’actrice Mouna Soualem).

 

 

A droite, Nadia ( l’actrice Mouna Soualem).

 

 

Mais au dĂ©part, l’enquĂȘte policiĂšre est exclusivement et activement masculine. Les femmes seront soit victimes, soit proches de la victime (la meilleure amie, la mĂšre) soit Ă©ventuellement complices d’un des suspects.

 

Yohan ( l’acteur Bastien Bouillon) et Marceau ( l’acteur Bouli Lanners)

 

Si les femmes servent souvent de sacrifice permettant aux hommes de s’élever, il y a toutefois des bonshommes dans La Nuit du 12 :

 

Les flics du dĂ©part du film comme du dĂ©part d’un feu.

 

Ces hommes sont des ĂȘtres Ă©tranges. La plupart de leurs rencontres et de leurs actions sont d’abord vouĂ©es au dĂ©sastre. Il leur faudra pourtant les  rĂ©pĂ©ter des milliers de fois durant des annĂ©es afin d’obtenir des rĂ©sultats. Un crime, un dĂ©lit, Ă©quivaut pour eux, non Ă  la multiplication des pains mais Ă  la multiplication de ces rencontres et de ces actions qu’ils vont devoir rĂ©pĂ©ter. En renouvelant l’expĂ©rience du pire de l’humanitĂ© qui se rĂ©vĂšle devant eux souvent avec dĂ©sinvolture. Leur profession ressemble Ă  une crucifixion avancĂ©e.

 

A un moment donnĂ©, ils ont appris leur leçon et le savent. Et deviennent presque aussi inquiĂ©tants et froids que les faits sur lesquels ils enquĂȘtent et qu’ils annoncent aux proches des victimes.

 

Yohan ( l’acteur Bastien Bouillon)

 

Il y a pourtant de la prĂȘtrise dans le personnage de Yohan (l’acteur Bastien Bouillon) le « chef Â» de la PJ qui a pris la relĂšve du prĂ©cĂ©dent chef parti Ă  la retraite. Car on se demande comment lui et les membres de son Ă©quipe peuvent continuer d’ « aimer Â» ce genre de mĂ©tier et continuer d’y croire, comme ils le font, avec rigueur et dĂ©vouement. Le film dure moins de deux heures. Mais une enquĂȘte pareille prend plusieurs annĂ©es de leurs vies personnelles, lesquelles reçoivent bien des Ă©quivoques et des souffrances intimes qu’ils doivent Ă©galement encaisser en parallĂšle.

 

Pourtant, ils s’accrochent. Ils continuent de rĂ©colter les effets de ces graines qu’ils n’ont ni semĂ©es ni demandĂ©es. Ils auraient de quoi se sentir persĂ©cutĂ©s ou damnĂ©s. Ils n’en n’ont pas l’air. Alors que le film donne Ă  voir comme ils sont rĂ©guliĂšrement  immergĂ©s dans une vie fantomatique. Ainsi que dans une solitude froide et mathĂ©matique qui est tout ce qu’ils partagent – voire imposent- avec les proches de la victime ou avec leurs proches.

Nanie, ( l’actrice Pauline Serieys) la meilleure amie de la victime, Clara, face au flic de la PJ, Yohan ( l’acteur Bastien Bouillon) On a lĂ  un aperçu du trĂšs bon travail de photo et de cadrage effectuĂ© dans le film afin de restituer toute une ambiance de solitude, de distance entre les ĂȘtres, d’impuissance et de profonde souffrance tant de Nanie que de Yohan.

 

 

Tandis que les principaux suspects interrogĂ©s pĂštent le feu devant eux et continuent d’avoir une existence plutĂŽt lĂ©gĂšre.   

 

A voir le travail rĂ©alisĂ© par ces femmes et ces hommes flics, mais aussi cette façon avec laquelle les proches de Clara essaient de continuer de vivre ensuite malgrĂ© tout, on se dit que La Nuit du 12 aurait Ă©galement trĂšs bien pu s’appeler Ce qui reste de L’HumanitĂ© du 12.

 

La Nuit du 12 m’a au moins fait penser Ă  des films comme :  Elle est des nĂŽtres ( 2002) de Siegrid AlnoyL’HumanitĂ© ( 1999 ) de Bruno DumontScĂšnes de crime ( 2000 ) de FrĂ©dĂ©ric Schoendoerffer; Memories of Murder ( 2004) de Bong Joon HoThe Pledge ( 2001) de Sean Penn ;        L.627 ( 1992) de Bertrand Tavernier

L’un des personnages de La Nuit du 12 , Tourancheau ( jouĂ© par l’acteur Nicolas Jouhet), est sans doute un clin d’oeil Ă  Patricia Tourancheau, journaliste et Ă©crivaine spĂ©cialiste des affaires criminelles. 

Cet article est un clin d’Ɠil Ă  Chamallow et Ă  Raguse, lesquels ne sont pas spĂ©cialistes des affaires criminelles, si ce n’est qu’ils m’ont l’un et l’autre en quelque sorte rappelĂ© d’aller voir ce film sorti ce 13 juillet 2022. Ils sauront se reconnaĂźtre sans qu’une enquĂȘte trĂšs poussĂ©e ne soit nĂ©cessaire s’ils lisent cet article. 

 

Franck Unimon, ce jeudi 25 aout 2022.

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Puissants Fonds/ Livres

Jeux de pouvoir, un livre de Mathieu Gallet ( ancien dirigeant de Radio France en 2014-2018)

                                             Jeux de pouvoir un livre de Mathieu Gallet

 

 

C’est un livre à relire.

 

Pour qui a entendu parler des PrĂ©sidents de la RĂ©publique François Hollande, Emmanuel Macron ( et sa femme Brigitte Macron), des Ministres Fleur Pellerin, AurĂ©lie Filippeti, FrĂ©dĂ©ric Mitterrand, Manuel Valls, François Bayrou. De l’ancien maire de Marseille (et sĂ©nateur) Jean-Claude Gaudin. D’autres personnalitĂ©s politiques et mĂ©diatiques françaises. Des notes de taxi G7 de l’affaire « Saal Â». Du journal Le Canard EnchainĂ©. De MĂ©diapart.

 

Pour qui veut ou voudrait « rĂ©ussir Â».

 

Mathieu Gallet nous Ă©tait devenu trĂšs familier lorsqu’il Ă©tait alors le jeune dirigeant (mĂȘme pas 40 ans) de Radio France de 2014 Ă  2018. Laquelle Radio France connaissait une grave crise sociale sans prĂ©cĂ©dent dont Mathieu Gallet avait Ă©tĂ© tenu pour le principal responsable.

 

Gallet avait le « profil Â» de ces jeunes ambitieux arrivĂ©s vite Ă  de trĂšs hautes fonctions et dont le principe actif est de promouvoir leur carriĂšre avant tous et malgrĂ© tout.

 

Dans son Jeux de pouvoir, Mathieu Gallet nous parle de tout « Ă§a Â» et de ces Ă  cĂŽtĂ©s que nous ne connaissons pas. « Nous Â», c’est officiellement le grand public. Et aussi, un  « peu Â», certaines personnes qui ont Ă©tĂ© directement concernĂ©es par ces sujets abordĂ©s par lui dans son ouvrage. Des personnes qu’il cite par leur nom et leur prĂ©nom. Ce qui nous permet rapidement d’identifier la plupart d’entre eux en 2022 en lisant son ouvrage considĂ©rĂ© comme un document par les Ă©ditions Bouquins.  

 

 

Jeux de pouvoir est paru en Mai 2022. J’avais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© d’apprendre que la librairie de ma ville de banlieue pourtant proche de Paris (Argenteuil) Ă©tait dans l’impossibilitĂ© de m’en commander un exemplaire. Je me suis alors imaginĂ© que son livre dĂ©rangeait encore certaines « personnes Â» quelques annĂ©es plus tard. Et qu’il y avait donc, dedans, un Savoir peu courant. Puisqu’aujourd’hui, Mathieu Gallet fait beaucoup moins parler de lui que lorsqu’il Ă©tait jeune dirigeant de Radio France sous la prĂ©sidence de François Hollande puis au dĂ©but de la prĂ©sidence d’Emmanuel Macron.

 

Aujourd’hui, Mathieu Gallet n’évoque plus grand chose pour le grand public  comme entre 2014 et 2018.

 

A « l’époque Â», entre 2014 et 2018, pour moi, Mathieu Gallet aurait tout aussi bien pu ĂȘtre
 Martin Hirsch. Dans son Jeux de pouvoir, Gallet ne mentionne pas, je crois, ( il me reste 90 pages Ă  lire pour le terminer) Martin Hirsch. Puisque lui, Gallet, exerce alors dans la Culture tandis que Hirsch (Ă  partir de fin 2013 jusqu’en juin 2022) exerce dans « la Â» SantĂ©.

Mais le portrait de Gallet dans Le Canard EnchainĂ© (dont je lis des articles depuis des annĂ©es) me le rendait proche de ces Ă©niĂšmes dirigeants de l’AP-HP ( ce qu’était alors Martin Hirsch) quittant leurs fonctions paisiblement en laissant plein de gravats aprĂšs leurs entreprises de dĂ©molition ainsi que beaucoup de merde dans les chiottes sans tirer la chasse. 

 

L’ouvrage de Gallet est-il une entreprise de dĂ©molition dĂ©livrant plein de merde, aussi, sur la tĂȘte de certaines des personnalitĂ©s qu’il nomme ?

 

Je peux comprendre que certaines de ces personnalitĂ©s (au sens oĂč ce sont des personnes « connues Â», « rĂ©putĂ©es Â»,  mĂ©diatisĂ©es et dont l’image que l’on se fait d’elles peut assurer ou dĂ©truire la suite de leur carriĂšre) voient Jeux de pouvoir de cette maniĂšre. Gallet donne ses explications et celles-ci sont lisibles et plutĂŽt bien argumentĂ©es. Il lui a Ă©tĂ© ou sera reprochĂ© de « donner Â» certains noms de ces personnalitĂ©s qu’il critique. Mais, pour moi, c’est aussi parce qu’il donne ces noms et prend donc le risque d’ĂȘtre attaquĂ© en justice en cas de diffamation que son livre acquiert d’autant plus de valeur et de lĂ©gitimitĂ©.

 

Son Jeux de pouvoir est donc un livre Ă  relire. Car ce qu’il Ă©crit est selon moi une photographie de ce qui peut exister dans tout milieu policĂ©, instruit et privilĂ©giĂ© oĂč se dĂ©roulent
.des jeux de pouvoir qui Ă©chappent complĂštement Ă  l’entendement du citoyen lambda.

 

Des jeux de pouvoir, pourtant, qui se rĂ©pliquent ou peuvent se rĂ©pliquer Ă  l’infini, dans toutes les institutions d’une sociĂ©tĂ©.

 

A mon avis, ce que Mathieu Gallet raconte, existe aussi dans d’autres milieux dont on parle beaucoup moins ou peu. Quotidiennement. LĂ  oĂč Ă©voluent tous les gens lambda, trĂšs Ă©loignĂ©s et trĂšs oubliĂ©s de celles et ceux que l’on n’oublie pas.

 

Gallet parle de son homosexualitĂ© assumĂ©e ( il revendique seulement le droit Ă  l’indiffĂ©rence). Et du tort qu’a pu lui causer la rumeur de sa liaison avec Emmanuel Macron, alors candidat aux PrĂ©sidentielles avant sa premiĂšre Ă©lection (nous sommes dĂ©sormais sous le deuxiĂšme mandat prĂ©sidentiel d’Emmanuel Macron). En le lisant, on remarque Ă  nouveau Ă  quel point certaines Ă©preuves trĂšs difficiles ne durent pas. Aujourd’hui, je me demande qui pense encore Ă  cette rumeur. Et, pour ma part, j’avais assez peu fait attention Ă  cette rumeur lorsqu’elle Ă©tait mĂ©diatisĂ©e. Mais je comprends que pour Gallet, alors trĂšs mĂ©diatisĂ©, dont la vie privĂ©e et professionnelle Ă©tait trĂšs exposĂ©e, cette rumeur se soit muĂ©e en supplice supplĂ©mentaire. Et du supplice, on arrive assez vite au prĂ©cipice.

 

Son livre m’a t’il rendu Mathieu Gallet plus sympathique et plus humain ?

 

Plus humain et plus proche, oui. Sympathique ? Je ne rencontrerai probablement jamais Mathieu Gallet pour savoir s’il m’est sympathique.

 

Car lui et moi, nous ne sommes pas du mĂȘme monde. Moi, je me suis coupĂ© du monde, d’un certain monde de la “rĂ©ussite”, lĂ  oĂč lui a dĂ©cidĂ©, puis su et pu s’y propulser. C’est aussi ça que je lis dans son livre et que je me suis pris, un peu, beaucoup, passionnĂ©ment, Ă  la folie, en pleine figure. MĂȘme si Gallet (comme beaucoup d’autres) n’y est pour rien.

 

Dans Jeux de pouvoir, Gallet dit, aussi, avoir dĂ» surmonter le fait d’avoir des origines sociales moyennes et de venir de province. Mais aussi que son homosexualitĂ© a pu ĂȘtre un obstacle Ă  sa rĂ©ussite. Mais je constate, que mĂȘme en province, Ă  Bordeaux, il a fait « les Â» bonnes voire les «trĂšs bonnes Â» Ă©tudes :

Hypîkhagne. Sciences Po


 

Bordeaux, ce n’est pas Paris, c’est vrai. Surtout que Gallet a Ă©tudiĂ© dans le Bordeaux d’avant le TGV qui emmĂšne Ă  Paris en deux heures. Et qu’il existe Ă  Paris une concentration d’élites dans des univers fermĂ©s oĂč beaucoup se dĂ©cide et se choisit. Des univers concentrĂ©s, exclusifs et fermĂ©s dont, moi, le banlieusard parisien de naissance et d’extraction, de classe moyenne, noir et d’origine antillaise, je n’ai aucune idĂ©e. Donc, les principes de LibertĂ©, EgalitĂ©, FraternitĂ©, pour moi et beaucoup d’autres, se sont sans doute souvent, dĂšs mon enfance, rĂ©sumĂ©s Ă  l’équivalent de ces annonces publicitaires ou de ces bandes annonces que l’on regarde dans les salles de cinĂ©ma avant la projection du film. Il n’est pas nĂ©cessaire de venir de province pour vivre ça. 

 

Mais, pour moi, Gallet ( qui ne s’en rend peut-ĂȘtre pas toujours compte ) a d’autres atouts qui lui ont permis de « rĂ©ussir Â». MĂȘme s’il vit- encore- mal le fait d’avoir dĂ» quitter la direction de Radio France et les divers avantages qui vont avec  :

 

Je ne perçois pas dans son livre le fait qu’il ait dĂ» se battre contre sa famille pour faire ses hautes Ă©tudes, peu courantes dans sa famille. Et, il fait bien, aussi, de nous apprendre “qu’un”  Emmanuel Macron ( “Notre” PrĂ©sident de la RĂ©publique pour la deuxiĂšme fois de suite) a grandi dans une famille de catĂ©gories sociales professionnelles supĂ©rieures. Emmanuel Macron Ă  qui Gallet a pu ĂȘtre comparĂ© : Des jeunes ambitieux qui font de trĂšs bonnes carriĂšres. Comme Gallet fait bien de souligner qu’il a fait de moins bonnes Ă©tudes que Macron. 

Mais je n’ai pas l’impression que Gallet ait eu Ă  travailler Ă  cĂŽtĂ© dans un mĂ©tier Ă©reintant pendant qu’il Ă©tudiait. J’ai plutĂŽt l’impression, aussi, qu’il a toujours Ă©tĂ© aimĂ© chez lui et eu une enfance et une adolescence plutĂŽt « libre Â» y compris d’un point de vue amoureux. Ses histoires d’Amour ne me font pas penser Ă  celle que j’ai pu apercevoir, un jour, d’une jeune fille et d’un jeune garçon, obligĂ©s de se cacher, dans ma ville, Ă  Argenteuil, ville situĂ©e Ă  une dizaine de kilomĂštres de paris, en haut d’un toboggan, alors qu’il faisait nuit, pour se parler en cachette.

 

Enfin, Gallet, pour moi, c’est aussi un homme qui sait sĂ©duire. Si Gallet Ă©voque son lĂ©ger strabisme ( perceptible sur la couverture de son livre) qui lui a sans doute valu des quolibets et des humiliations, dans l’enfance et plus tard, Gallet sait indĂ©niablement sĂ©duire.

Et, la sĂ©duction, qui plus est si elle est adossĂ©e Ă  l’ambition mais aussi Ă  une certaine combattivitĂ©,  pour moi, c’est un atout supplĂ©mentaire pour “rĂ©ussir”, Ă©tudes ou non. HomosexualitĂ© ou pas.

Car, mise au service de l’ambition et escortĂ©e par une certaine combativitĂ© ( voire par une colĂšre enfouie peut-ĂȘtre pour avoir vĂ©cu, plus jeune, certaines humiliations) la capacitĂ© de sĂ©duire, le fait de sĂ©duire, de plaire, la sĂ©duction, n’a ni Ăąge, ni sexe, ni genre, ni frontiĂšre, ni parti politique, ni date, ni rĂšgle, ni principe, ni limite.

Si l’on sait sĂ©duire, et que l’on est ambitieux et combattif, on peut arriver Ă  des endroits ou Ă  des postes qui, « en principe Â», auraient dĂ» ou auraient pu Ă©choir Ă  d’autres.

 

Et, je crois que Gallet est une trĂšs bonne illustration de ce que la capacitĂ© de sĂ©duction sociale, dans ces conditions, peut permettre d’obtenir.

 

Je ne remets pas en question l’étudiant ou le gros travailleur qu’est Mathieu Gallet. Je souligne simplement que ses « compĂ©tences Â» personnelles pour sĂ©duire lui ont aussi permis d’aller au delĂ  de ce qu’il avait sans doute pu imaginer lui-mĂȘme au dĂ©part de son existence et de sa conscience.

Comme Emmanuel Macron. Comme beaucoup d’autres. En politique ou ailleurs.

 

Jusqu’au moment oĂč l’on plait moins Ă  d’autres et que ceux-ci disposent, aussi, de suffisamment de pouvoir pour nous faire descendre de notre piĂ©destal. Ce n’est pas une question de compĂ©tences. Ni de droiture morale. Et surtout pas de Justice.  Mais d’avoir su plaire Ă  qui il fallait au bon moment, de la bonne façon et au bon endroit.

 

Dans son livre, Gallet nous parle aussi de toutes ces personnes importantes Ă  qui il a su plaire. Dont il s’est fait des amis. Cela fait du « monde Â». Il est difficile de faire moins mondain que Gallet lorsqu’il nomme certaines personnalitĂ©s qu’il compte parmi ses proches. Mais, aussi, lorsqu’il narre certains de ses voyages et visites. Au passage, il nous fait bien comprendre, aussi, qu’en matiĂšre de Culture, il s’y connaĂźt. Contrairement Ă  une Fleur Pellerin, ancienne Ministre- peu probante- de la Culture, avec laquelle il a Ă©tĂ© en conflit alors qu’il Ă©tait dirigeant de Radio France.

 

 

MĂȘme si je n’ai pas encore terminĂ© Jeux de pouvoir, sa lecture me plait. Mais je doute que mon plaisir de lecture n’apporte quoique ce soit de plus Ă  un Mathieu Gallet ainsi qu’à celles et ceux qui lui ressemblent Ă©tant donnĂ© ce qu’ils savent dĂ©jĂ  et ont appris bien avant moi.

 

Aussi, j’espùre que ce livre m’apportera quelque chose et qu’il apportera aussi à d’autres.

 

Franck Unimon, ce dimanche 21 aout 2022.

 

 

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Apnée Pour les Poissons Rouges

Personnalités fusionnelles

Photo©Franck.Unimon

 

 

Personnalités fusionnelles

 

Histoires de couples

 

«  Quand je t’en parle, tu bĂ©gayes, c’est que t’as pas envie
. Â» ; « On s’est embrouillĂ©, je t’aime pas ! Â» ; « Tu es incapable
.. Je te jure, si tu refais ça, je te quitte ! Â».

 

 

Depuis quelques semaines, peut-ĂȘtre depuis ma lecture de RĂ©inventer l’Amour de Mona Chollet et de Les Couilles sur la table de Victoire Tuaillon, je regarde les couples opĂ©rer. ( J’ai lu RĂ©inventer l’Amour de Mona CholletLes couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. PremiĂšres partiesLes Couilles sur la table, un livre de Victoire Tuaillon. 2Ăšme partie. Ego Trip. )

 

La premiĂšre phrase de cet article a Ă©tĂ© prononcĂ©e dans une rue prĂšs de chez moi. La seconde, dans le train qui venait de quitter Argenteuil pour Paris. Et la troisiĂšme, dans le mĂ©tro parisien. La chronologie n’a pas Ă©tĂ© respectĂ©e. Il a pu s’ĂȘtre passĂ© plusieurs jours ou plusieurs semaines entre les trois « pĂ©riodes Â». Par contre, chaque phrase a Ă©tĂ© prononcĂ©e Ă  chaque fois par une femme dont l’ñge se situait, Ă  premiĂšre vue, entre 20 et 30 ans. Je ne leur ai pas demandĂ© leur Ăąge.

Photo©Franck.Unimon

 

La premiĂšre femme assez Ă©nervĂ©e Ă©tait en train de remonter une rue prĂšs de chez moi tout en s’adressant Ă  quelqu’un dans son tĂ©lĂ©phone portable. La seconde, assise dans le train direct pour Paris, parlait Ă  un jeune homme qui, embarrassĂ©, a envoyĂ© des textos sur son tĂ©lĂ©phone portable. Ce jeune homme comptait beaucoup sur les rĂ©ponses ou les conseils qu’il pouvait obtenir.

La troisiĂšme femme, tout en lançant son ultimatum Ă  la tĂȘte de son copain, agitait son Ă©ventail devant elle. Son copain, assis  Ă  cĂŽtĂ© d’elle, prĂšs des portes du mĂ©tro, s’est appliquĂ© Ă  rester calme. Mais, aussi, Ă  consulter
son tĂ©lĂ©phone portable. La jeune femme, tout en continuant de s’éventer a jetĂ© un coup d’Ɠil sur le tĂ©lĂ©phone portable de celui qu’elle allait peut-ĂȘtre quitter s’il refaisait « Ă§a ! Â».

 

J’étais trop loin pour savoir ce qui correspondait Ă  « Ă§a Â». Il y ‘avait trop de bruit dans le mĂ©tro.

 

Un autre jour, dans un supermarchĂ©, j’ai aperçu un couple en train de passer Ă  la caisse. Tandis que Monsieur, un homme proche de la trentaine, dĂ©posait les articles sur le tapis roulant, mon regard a croisĂ© celui de Madame ou de Mademoiselle. Celle-ci portait des lunettes de soleil noires. Le contact visuel a peu durĂ©. Je suis parti faire mes courses.

Photo©Franck.Unimon

 

Quelques minutes plus tard, j’ai revu le couple alors qu’il quittait le parking du supermarchĂ©. Monsieur conduisait une superbe Mercedes neuve. Madame ou mademoiselle Ă©tait confortablement installĂ©e, cĂŽtĂ© passager. La route semblait avoir Ă©tĂ© faite pour eux. Je me suis dit que pour elle, et pour d’autres, rĂ©ussir son couple, c’était ça. Avoir un compagnon qui fait les courses et qui la conduit au volant d’une grosse Mercedes.

 

Mais le sujet de cet article est dans son titre : PersonnalitĂ©s fusionnelles. Ces quelques scĂšnes dĂ©crites plus haut ne dĂ©montrent en rien que nous sommes devant des personnalitĂ©s fusionnelles. J’ai dĂ©crit ces scĂšnes pour indiquer que cet article est la suite ou le complĂ©ment de ceux que j’ai dĂ©jĂ  Ă©crits Ă  propos des livres de Mona Chollet et de Victoire Tuaillon citĂ©s au dĂ©but.

 

J’ai aussi dĂ©crit ces scĂšnes pour sourire et faire sourire.  

 

Bien-sûr que des hommes peuvent, autant que des femmes, avoir des personnalités fusionnelles!

Photo©Franck.Unimon

 

AprĂšs avoir choisi ce titre pour cet article, je me suis demandĂ© s’il convenait bien pour ce dont je voudrais parler. Car « relations fusionnelles Â», « personnes fusionnelles Â», « personnalitĂ©s dĂ©pendantes Â» me paraĂźt tellement proche aussi de ce dont je voudrais parler.

 

Mais il faut bien choisir un titre. Et, il faut bien se lancer aussi. Cela doit bien faire une dizaine de jours que je pense Ă  Ă©crire cet article puis que je me rĂ©tracte. En me disant que cet article a assez peu d’intĂ©rĂȘt. Qu’il fait trop « cĂ©rĂ©bral Â» ; qu’il va ennuyer toutes celles et tous ceux, qui, cet Ă©tĂ© mais aussi plus tard, ont surtout besoin de lĂ©gĂšretĂ©. Et non pas de quelqu’un qui va venir les encombrer avec des pseudo raisonnements tirebouchonnĂ©s Ă  rallonge. OĂč est passĂ©e ma fantaisie ? Je ferais peut-ĂȘtre mieux de partir Ă  sa recherche au lieu de circuler dans mon corbillard.

 

Je n’ai fait aucune Ă©tude sĂ©rieuse pour cet article. Je vais seulement allonger deux ou trois de mes pensĂ©es sur le sujet. En me fiant, aussi, au peu de mon expĂ©rience.

Photo©Franck.Unimon

 

 

Equilibre et stabilité

 

Il y a quelques annĂ©es, j’ai eu une copine qui, assez vite au dĂ©but de notre relation, m’avait dit ĂȘtre « fusionnelle Â». Je ne me suis pas senti importunĂ©. J’étais dĂ©cidĂ© Ă , enfin, avoir une relation sentimentale durable avec quelqu’un.

 

Elle me plaisait. Je m’entendais bien avec elle.

 

Notre relation avait durĂ© cinq mois. Quelques jours avant notre rupture, elle s’était mise Ă  pleurer dans le lit, chez elle, Ă  mes cĂŽtĂ©s.

 

Elle ne s’y retrouvait pas dans notre relation. Ce n’était pas possible !

 

« Fin Â» stratĂšge, et trĂšs grand psychologue,  j’avais optĂ© pour partir chez moi. Et pour la revoir un ou deux jours plus tard lorsqu’elle aurait retrouvĂ© ses esprits.

 

A mon retour chez elle, j’avais retrouvĂ© toutes mes affaires prĂ©parĂ©es prĂšs de la porte d’entrĂ©e.

Photo©Franck.Unimon

 

Cinq mois plus tĂŽt, au dĂ©but de notre histoire, ma copine d’alors m’avait affirmĂ©, chez elle :

 

« Tu es chez toi Â».

 

Cinq mois plus tard, j’étais Ă©jectĂ© comme un dĂ©chet.

 

MĂȘme si elle avait pris le temps de « m’expliquer Â» la raison pour laquelle elle se sĂ©parait de moi, je garde vis Ă  vis de cette rupture un certain sentiment de colĂšre. Non pour la rupture. Une rupture est rarement agrĂ©able Ă  vivre. Et j’en avais connu d’autres. Mais pour cette façon d’ĂȘtre Ă©vincĂ©. Tout Ă©tait dĂ©jĂ  tranchĂ© avant mĂȘme que je ne revienne chez elle. C’est ça que je n’ai pas aimĂ©.

 

Dans ses explications, ma future ex s’était appliquĂ©e Ă  ĂȘtre aussi transparente et humaine que possible. Elle me trouvait monotone. DĂ©plorait que notre humour soit diffĂ©rent. Qu’elle ne riait pas Ă  mes blagues. Et moi, aux siennes. Le flop. 

Je me rappelle aussi de ce constat qu’elle avait fait devant moi :

 

« Tu es le plus gentil des garçons que j’ai connus. Tu m’apportes un Ă©quilibre et une stabilitĂ© Â».

 

Je m’étais abstenu de lui dire que j’en dĂ©duisais donc qu’elle recherchait le dĂ©sĂ©quilibre et l’instabilitĂ© dans ses histoires d’Amour. Qu’on lui fasse mal. Puisqu’elle me jetait, moi, le garçon «le plus gentil Â» qu’elle ait connue et qui lui apportait « Ă©quilibre Â» et « stabilitĂ© Â» :

 

Ma future ex avait ( et a toujours sans aucun doute) un bien meilleur niveau socio-Ă©conomique que le mien ainsi qu’un niveau d’Ă©tudes supĂ©rieur au mien. “L’Ă©quilibre” et la “stabilitĂ©” qu’elle avait mentionnĂ© Ă©tait affectif et psychologique et aucunement Ă©conomique. 

 

Dans ses griefs, Ă  aucun moment, ma future ex ne m’avait reprochĂ© de se farcir tout le mĂ©nage. Mais sans doute cela serait-il advenu avec le temps puisque depuis la lecture de RĂ©inventer l’Amour et de Les Couilles sur la table, j’ai appris que la majoritĂ© des femmes, dans les couples, se retrouve surchargĂ©e par cette partie de la vie quotidienne. Avec l’éducation et les devoirs des enfants. Mais aussi l’organisation de la vie du couple.

Photo©Franck.Unimon

 

 

Respirer

 

AprÚs une rupture, comme aprÚs tout événement difficile, il nous est souvent nécessaire de reprendre ou de retrouver notre souffle.

 

Mon ex avait raison : j’avais Ă©tĂ© beaucoup trop gentil avec elle. J’avais Ă©tĂ© si volontaire et si dĂ©sireux que notre relation tienne que j’avais acceptĂ© qu’elle empiĂšte sur mon espace et mon intimitĂ©. Je ne l’avais pas remise Ă  sa place certaines fois oĂč il aurait Ă©tĂ© justifiĂ© de le faire.

 

A plusieurs reprises,  lors de notre relation, j’avais eu le sentiment d’étouffer lorsque, plein d’entrain, elle venait se coller Ă  moi. Mais je n’avais rien dit. Je m’étais plutĂŽt tenu Ă  distance progressivement : froidement. Je ne savais pas comment m’y prendre avec ce genre de relation
fusionnelle. J’avais d’ailleurs oubliĂ© le mot. Pour moi, c’était une relation de couple. Et, j’étais volontaire.

 

AprĂšs ma rupture, j’avais retrouvĂ© mon souffle en passant par la dĂ©prime, ma vie quotidienne, et une thĂ©rapie.

 

Ma premiÚre thérapie.

 

Car j’en Ă©tais arrivĂ© Ă  la conclusion qu’aprĂšs cette Ă©niĂšme rupture, je ne pouvais plus parler de malchance. J’avais nĂ©anmoins commencĂ© Ă  me dire que certaines personnes Ă©taient « douĂ©es pour le bonheur Â» et que, moi, je n’en faisais pas partie.

 

Photo©Franck.Unimon

 

Ma thĂ©rapeute, en Ă©coutant notre histoire et celle de notre rupture, en avait conclu que mon ex et moi nous Ă©tions comportĂ©s comme ” deux enfants apeurĂ©s”. Je n’en n’ai jamais voulu Ă  ma thĂ©rapeute pour cette conclusion. Et je garde de ma thĂ©rapie de plusieurs mois avec elle et d’autres ( une thĂ©rapie de groupe qu’elle m’avait proposĂ© et que j’avais acceptĂ©) un bon souvenir.

 

Ma vie quotidienne continuait malgrĂ© ma dĂ©prime. C’est Ă  cette Ă©poque que je fis la rencontre, prĂšs de chez moi, Ă  l’exposition Les CinglĂ©s du cinĂ©ma, du rĂ©dacteur en chef du mensuel de cinĂ©ma papier Brazil : Christophe Goffette.

 

GrĂące Ă  cette rencontre, pendant deux ans et demi, jusqu’à l’arrĂȘt de parution de Brazil, je fis l’expĂ©rience, avec d’autres, de journaliste cinĂ©ma. Une expĂ©rience qui m’envoya deux fois au festival de Cannes et qui me permit, aussi, de rĂ©aliser les interviews de rĂ©alisateur et d’acteurs que, bien-sĂ»r, je n’avais jamais imaginĂ© pouvoir rencontrer un jour.

 

Cette expĂ©rience, et d’autres, me permirent de mieux respirer. A nouveau.

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Respirer est notre premier besoin. A la naissance, le bébé qui respire mal est placé sous assistance respiratoire. Car mal respirer affecte aussi notre cerveau. Le développement mais aussi les capacités de notre cerveau.

 

Apnée et autonomie

 

 

Je pratique un peu l’apnĂ©e dans un club. Un ĂȘtre humain, s’il s’entraĂźne Ă  l’apnĂ©e rĂ©guliĂšrement ou s’il a des facilitĂ©s pour cela, peut se passer de respirer pendant deux Ă  trois minutes pour la moyenne des ĂȘtres humains et jusqu’à huit ou neuf minutes pour les plus performants d’entre eux.

Le record du monde d’apnĂ©e statique sans Ă©quipement pour un ĂȘtre humain est de onze minutes et trente cinq secondes depuis l’annĂ©e 2009. Record rĂ©alisĂ© par le Français StĂ©phane Mifsud.

 

Je tiens Ă  parler de l’apnĂ©e dans cet article car, en Anglais, « ApnĂ©e Â», se dit « Free Dive Â». « Immersion Â» ou « PlongĂ©e Â» libre.

 

Par « Libre Â», il faut comprendre « autonome Â». Sans Ă©quipement : sans bouteille comme les plongeurs bouteille.

 

Un ĂȘtre humain, lorsqu’il pratique l’apnĂ©e, selon son niveau de pratique mais aussi selon sa forme morale, physique et la tempĂ©rature de l’eau, peut donc « tenir Â» entre deux et neuf minutes dans l’eau sans respirer. Et sans que sa santĂ© morale ou physique soit affectĂ©e par cette apnĂ©e. S’il a tenu compte de ses limites, il peut mĂȘme avoir du plaisir Ă  pratiquer ces apnĂ©es.

 

Affectivement, je me demande dans quelle mesure les capacitĂ©s d’autonomie de l’ĂȘtre humain peuvent se rapprocher de celles d’une personne qui pratique l’apnĂ©e :

 

Je me demande au bout de combien de minutes, en moyenne, un ĂȘtre humain a t’il besoin de reprendre contact avec un de ses semblables pour se sentir « bien Â».

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Cette durée sera évidemment variable selon les ùges, selon les moments, selon les situations et selon les personnes.

 

Un bĂ©bĂ© a, a priori, plus besoin d’ĂȘtre rĂ©guliĂšrement en contact avec ses parents ou des personnes attentives et bienveillantes qu’un enfant de cinq ans ou qu’un adulte de trente deux ans. Sauf que le dĂ©veloppement de certains modes de vie vient contredire ça.

 

SĂ©paration/ Silence/ Lenteur :

 

Il y a plusieurs annĂ©es, le Dr Bruno Rist, un des meilleurs- si ce n’est le meilleur- cliniciens avec lesquels j’ai travaillĂ©, mĂ©decin chef (pĂ©dopsychiatre) du service oĂč je travaillais alors, s’était amusĂ© Ă  nous voir avec nos tĂ©lĂ©phones portables. Sans doute Ă©tions-nous en train de manipuler notre portable ou d’envoyer des sms. Il nous avait alors dit en souriant :

 

« Cela veut dire que vous n’ĂȘtes jamais sĂ©parĂ©s Â».

 

La sĂ©paration mais aussi le silence et la lenteur sont des situations et des pĂ©riodes de notre vie que nous pouvons avoir du mal Ă  soutenir. Beaucoup, dans nos vies, doit aller vite et doit s’entendre, ĂȘtre entendu ou vu. S’il y a sĂ©paration, s’ouvre le silence et peut-ĂȘtre l’oubli, la disparition, l’inconnu. Ce qui peut rapidement devenir difficile Ă  vivre pour certaines personnes.

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J’ai parlĂ© de la « lenteur Â». Mais « l’inaction Â» ou ce qui ressemble Ă  de « l’inaction Â» ou Ă  de « l’indiffĂ©rence Â» peut ĂȘtre aussi difficile Ă  vivre que « la lenteur Â». Se retrouver face Ă  quelqu’un qui nous donne l’impression que nous n’existons pas car elle ou il ne rĂ©agit pas « normalement Â» ou selon un langage que l’on peut « voir Â» et comprendre a aussi quelque chose de dĂ©rangeant.

 

La fusion avec l’autre, c’est la certitude qu’il ou qu’elle pense- rapidement- comme nous. Mais, aussi, qu’il ou qu’elle est- rapidement- avec nous.

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La fusion est donc le contraire de la lenteur, de l’inaction, de l’indiffĂ©rence, de la sĂ©paration et du silence. C’est le contraire de l’expĂ©rience de l’apnĂ©e oĂč, lenteur, sĂ©paration (d’avec le temps, d’avec la surface, d’avec l’angoisse, d’avec l’agitation) et silence sont assez recherchĂ©s.

 

Nous sommes poussĂ©s rĂ©guliĂšrement Ă  ĂȘtre des personnalitĂ©s fusionnelles. Nous avons nos smartphones. Nos milliers de sms et de mms quotidiens. Nos rĂ©seaux sociaux. Nos appels illimitĂ©s. Nos Ă©crans. Les multiples incitations publicitaires. Ce que nous percevons du bonheur supposĂ© des autres.

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Le Pouvoir de notre intolérance

 

 

L’un des travers de la fusion, en plus de la dĂ©pendance qu’elle entretient en nous, c’est qu’elle augmente le pouvoir de notre intolĂ©rance (Ă  la frustration) :

 

Celle ou celui qui ne nous ressemble pas. Celle ou celui qui ne fait pas partie de notre clan ou de notre groupe. Celle ou celui qui ne colle pas- trĂšs vite- avec ce que l’on exige d’elle ou de lui. Celle ou celui qui ne pense pas- trĂšs vite- comme nous ou qui s’écarte un peu est jugĂ© et condamnĂ© rapidement.

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Un des exemples les plus courants de cela depuis quelques annĂ©es se retrouve dans les « clashes Â» entre les rappeurs. Untel a « trahi Â». Untel ne fait pas partie de telle tendance. Untel a dit ceci.

 

 

Cette sĂ©lection/exclusion par la fusion « marche Â» aussi pour les couples, les groupes d’amis. Mais elle peut Ă©galement  « marcher Â» dans le monde du travail entre collĂšgues.

 

 

Notre tendance Ă  la fusion s’étend de jour en jour. Elle permet des plus ou moins grandes rencontres. Elle en empĂȘche aussi.

 

 

C’est ainsi que bien que volontaires pour certaines expĂ©riences, et malgrĂ© nos efforts, on peut ĂȘtre amenĂ©, un jour, en revenant, Ă  retrouver nos affaires qui nous attendent contre un mur prĂšs d’une porte d’entrĂ©e. Il nous revient alors de savoir plier bagage afin d’aller retrouver de l’air ailleurs.

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Franck Unimon, ce lundi 8 aout 2022.