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Franck Unimon, 1er Mai 2020. 

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Elephant Man

 

Elephant Man Mis en scÚne par David Bobée

 

Il y a si longtemps que l’on croit les connaĂźtre, dĂ©sormais, ces deux rochers accrochĂ©s Ă  la notoriĂ©tĂ© en mĂȘme temps qu’arrachĂ©s Ă  la sobriĂ©tĂ© :

 

En 1985-1986, BĂ©atrice Dalle Ă©tait l’étincelle que Jean-Jacques Beineix, le rĂ©alisateur de 37°2, avait attendu, persuadĂ© qu’elle Ă©tait quelque part alors qu’il la cherchait toujours pour son film aprĂšs avoir « vu » auparavant bien des actrices.

Dalle n’avait pas pris de cours de thĂ©Ăątre et n’avait pas fait escale dans une Ă©cole de cinĂ©ma. Elle avait quittĂ© sa province, en bisbilles avec sa famille, avant ses 16 ans. Et c’est elle que Beineix avait choisie. D’accord, elle n’avait pas une ride et Ă©tait trĂšs belle. Mais elle Ă©tait surtout sans bride.

Ensuite, aprĂšs le trĂšs grand succĂšs de 37°2 (qui rendra Ă©galement cĂ©lĂšbre son auteur, l’écrivain Philip Djian ) elle s’était insĂ©rĂ©e dans la partition de divers films d’auteur. Parmi lesquels, le Trouble Everyday ( en 2001) de Claire Denis avec Alex Descas mais aussi A l’intĂ©rieur ( en 2007) de Julien Maury et Alexandre Bustillo qui annonçaient peut-ĂȘtre l’adaptation ( trĂšs bien approuvĂ©e par la critique) de LucrĂšce Borgia par David BobĂ©e Ă  nouveau Ă  la manƓuvre avec ce Elephant Man.

Aujourd’hui, on connaĂźt bien plus BĂ©atrice Dalle et Jean-Hugues Anglade (l’autre acteur principal de 37°2 ) que Jean-Jacques Beineix, pourtant un des rĂ©alisateurs prometteurs des annĂ©es 80-90. Celui-ci a fait un certain retour sur sa carriĂšre cinĂ©matographique dans son livre Sur les chantiers de la gloire.

Mais on connaĂźt « bien » Dominique Besnehard qui avait aussi Ă©tĂ© l’agent de BĂ©atrice Dalle Ă  l’époque de 37°2 et les annĂ©es qui ont suivi. Agent d’acteurs pendant des annĂ©es, Ă©galement acteur par exemple pour Pialat, producteur, inspirateur de la sĂ©rie Dix pour cent et PrĂ©sident , depuis ce mois de septembre, de la commission d’Aide sĂ©lective Ă  la distribution de films au CNC, Dominique Besnehard a aussi racontĂ© dans son livre Casino d’hiver son amour pour sa BĂ©atrice Dalle. Et comment il Ă©tait parti la chercher alors qu’elle s’écumait dans la drogue avec son Joey Starr, alors son compagnon, bad boy, et un des piliers Rap du groupe NTM.

Pourquoi le pseudo « Starr » ? En mĂ©moire de ces esclaves qui, un jour, trouveraient ou atteindraient leur bonne Ă©toile. Une Ă©toile de mer, c’est souvent joli fut-elle celle d’un shĂ©rif, mais on oublie souvent dans le sable qu’elle fait aussi partie des espĂšces carnivores. Joey Starr-Didier Morville-ex/ Jaguarr Gorgone, de son cĂŽtĂ©, a aussi connu une carriĂšre dissonante.

Dans sa premiĂšre autobiographie, Mauvaises frĂ©quentations, il raconte aussi devoir une partie de ses succĂšs Ă  des rencontres qu’il n’aurait jamais dĂ» faire dans un schĂ©ma dit normal. Je l’ai dĂ©jĂ  Ă©crit dans un de mes articles antĂ©rieurs:

Il aurait Ă©tĂ© trĂšs difficile dans les annĂ©es 90 d’imaginer que Joey Starr, aujourd’hui, serait le comĂ©dien recherchĂ© qu’il est que ce soit au cinĂ©ma ou pour des sĂ©ries tĂ©lĂ©visĂ©es. Pour ma part, il y a plus d’une dizaine d’annĂ©es, je le donnais mort avant ses quarante ans au vu de certains de ses excĂšs trĂšs mĂ©diatisĂ©s. Ma pudibonderie et mon ignorance incrustĂ©es jusque dans le fond de mes dents m’ont largement donnĂ© tort. J’aurais peut-ĂȘtre mieux fait, comme Joey Starr Ă  une Ă©poque, de me faire poser des dents en or. Ça m’aurait peut-ĂȘtre aussi rĂ©ussi. J’ignore ce que vous en pensez mais en attendant, Joey Starr, aussi, tout comme BĂ©atrice Dalle, a eu une enfance rudoyĂ©e. Lui, comme BĂ©atrice Dalle, aurait pu encore plus mal tourner que ce que l’on « sait » :

Si l’on considĂšre leur image publique, plutĂŽt que des crĂ©atures de rĂȘve, BĂ©atrice Dalle et Joey Starr sont des crĂ©atures de carnage. Personne ne s’étonnera si l’on parle d’eux comme de « bĂȘtes de scĂšne ». Et c’est comme cela qu’en 2019 on arrive trĂšs facilement Ă  Elephant Man.

 

 

Mais BĂ©atrice Dalle et Joey Starr ont aussi des armatures people. Cela crĂ©e vis-Ă -vis de Elephant Man un rapport ambivalent en allant le voir
.aux Folies BergĂšres. Il est difficile de savoir si l’on y va en tant que ( pour) voyeur de notre propre folie- et de notre racisme- ordinaire parce que ce sont deux «vedettes » plus ou moins monstrueuses, sachant qu’aujourd’hui, dire d’un artiste qu’il est « monstrueux » est trĂšs flatteur.

Si l’on y va parce-que l’on aime leur jeu d’acteur et que l’on est curieux de voir l’alchimie de leurs deux prĂ©sences scĂ©niques « sachant » ce que l’on croit savoir de leur histoire commune et sĂ©parĂ©e.

Ou si l’on veut « voir » ce que peut donner sur scĂšne le Elephant Man que l’on a vu au cinĂ©ma en noir & blanc rĂ©alisĂ© par un autre David ( David Lynch dans les annĂ©es 80). MĂȘme si, au dĂ©part, l’Ɠuvre originale The Elephant Man avait Ă©tĂ© crĂ©Ă©Ă© par l’auteur amĂ©ricain Bernard Pomerance pour le thĂ©Ăątre.

 

Ces questions restent solitaires aprĂšs la reprĂ©sentation car BĂ©atrice Dalle et Joey Starr jouent du trouble vĂ©hiculĂ© par leur image publique. Ce qui est le propre, gĂ©nĂ©ralement, de l’artiste ou de la personne qui a du coffre.

Béatrice Dalle, sur scÚne, dit par exemple sûrement avec une réelle jubilation :

« Je suis juste une femme qui compose dans un monde d’hommes » et « Ce que j’expose, c’est une illusion ».

Joey Starr/Elephant Man, quant Ă  lui, Ăąnonne, comme le lui enseigne son nouveau maitre, FrĂ©dĂ©rik Treves (l’acteur Christophe GrĂ©goire ?), le jeune chirurgien londonien ambitieux et rĂ©putĂ© :

« Si je vis selon les rĂšgles, je serai heureux » et « Les rĂšgles nous rendent heureux car elles sont faites pour notre bien ». L’entendre dire ça peut revĂȘtir un aspect comique tant la « rĂ©ussite » artistique et professionnelle de Joey Starr incarne, aussi, plutĂŽt le contraire de cette croyance. Mais il rĂ©pĂšte seulement Ă  voix haute, sur scĂšne, ce que la majoritĂ© des citoyens du monde et de France consent Ă  penser : La piĂšce qui dure apparemment prĂšs de deux heures trente est loin d’ĂȘtre vide.

Elephant Man est le contraire d’une piĂšce « people » dont le socle repose uniquement sur l’affiche Dalle/ Starr. C’est bien sĂ»r trĂšs bien Ă©crit.

Et il y a la scĂ©nographie : Bien qu’il y ait quelques anachronismes, nous sommes Ă  la fin du 19Ăšme siĂšcle. Et ce dĂ©cor clinique et froid qui imite la cĂ©ramique impeccable rĂ©plique avec prĂ©cision le craquement des camps de concentration qui « arriveront » un demi siĂšcle plus tard ; le nuclĂ©aire ; la mĂ©diatisation du tueur en sĂ©rie avec la figure de Jack l’Eventreur ; et leur consanguinitĂ© cachĂ©e avec le monde mĂ©dical, Ă©conomique et occidental blanc tout puissant de cette fin du 19Ăšme siĂšcle qui nous asservit encore.

Pouvoir rampant, omniprĂ©sent et viscĂ©ral, cette pensĂ©e de fin du 19Ăšme siĂšcle secrĂšte l’esclavage, la nĂ©vrose traumatique des vĂ©tĂ©rans de guerre du 20Ăšme et du 21Ăšme siĂšcle, du professeur David Banner hantĂ© par son inconscient colossal, Hulk. Joey Starr, de par son personnage d’Elephant Man, endosse tout ça. Ainsi que le harcĂšlement, la condition des migrants d’aujourd’hui. Cela lui donne une allure christique. Une image qui m’a marquĂ© de Joey Starr, sur scĂšne, est ce moment oĂč recouvert tout entier par une couverture, Ă©merge uniquement sa tĂȘte. Il paraĂźt alors avoir le corps d’un enfant chĂ©tif, avec une tĂȘte d’adulte, qui fait penser aux enfants dĂ©nutris, battus ou Ă …E.T. Mais avec sa cathĂ©drale, il peut aussi rappeler le personnage de Quasimodo. Et pour “appartenir” Ă  la science, il Ă©voquera aussi la crĂ©ature du Dr Frankestein. 

 

Dans au moins une autre scĂšne, sitĂŽt que ses bourreaux apparaissent la nuit, pĂ©riode oĂč les cauchemars que nous retenons le jour nous Ă©chappent, hypnotisĂ©, en transes ou fanatisĂ©, Joey Starr/ Elephant Man entame une danse comme sur un manĂšge durant laquelle il dĂ©clame tel qu’il a Ă©tĂ© dressĂ©. Le dĂ©cor, pour l’époque, est peut-ĂȘtre high tech et parfait tout comme peut l’ĂȘtre le dĂ©cor stĂ©rile de l’informatique et des nouvelles technologies. Mais celles et ceux qui l’occupent, les hommes qui dirigent ce bloc et ce dĂ©cor, sont dĂ©viants et le crament comme nous continuons de cramer le bloc et le dĂ©cor de notre monde que notre regard – interceptĂ© par des Ă©crans- ne voit pas. Elephant Man doit guĂ©rir d’une tare qui lui a Ă©tĂ© imputĂ©e. Il doit expier. MĂȘme si ce sont ceux qui l’exploitent selon une Ă©thique commerciale, scientifique ou morale – victorienne- qui sont tarĂ©s. Mais ils le sont trop et sont par ailleurs trop nombreux, organisĂ©s, et trop violents pour ĂȘtre arrĂȘtĂ©s.

Bytes ( l’acteur MichaĂ«l Cohen), le premier « Maitre » d’Elephant Man, Ă  l’allure plutĂŽt virile, trĂšs assurĂ©e, et sans doute homme charmeur, est ainsi le croquis du proxĂ©nĂšte, du compagnon et du pĂšre conjugal, du dealer mais aussi de l’homme dĂ©pendant soumis Ă  la petite cuillĂšre de ses rĂȘves de gloire. Homme criminel, il est libre de ses mouvements et de ses jugements tandis qu’Elephant Man, innocent, servile, respectueux des rĂšgles et vulnĂ©rable, aura une vie de repenti enfermĂ© : D’abord au cirque puis Ă  l’hĂŽpital.

 

Joey Starr est le comĂ©dien principal d’Elephant Man. Je crois que cela aurait Ă©tĂ© mieux qu’il conserve sa voix et son intonation habituelle mĂȘme si, en les retrouvant Ă  la toute fin, son personnage semble nous dire que, depuis le dĂ©but, il nous a jouĂ© ce que l’on attendait de lui sur scĂšne
comme dans la vie.

L’arrivĂ©e de BĂ©atrice Dalle sur scĂšne est une agrĂ©able surprise : on sait qu’elle figure dans la piĂšce, on l’attend et on se demande quand elle va se montrer. Et puis, elle arrive. Elle a un plaisir Ă©vident sur scĂšne et dans le fait de jouer avec Joey Starr. Je suis plus partagĂ© sur son jeu vers la fin lors de la mort d’Elephant Man/ Joey Starr.

 

 

L’arriĂšre du dĂ©cor est assurĂ© par une large vitre panoramique qui permet de voir arriver et partir les personnages : Quelle belle perspective ! On dira que cela reflĂšte aussi trĂšs bien notre monde de voyeurs, certaines back rooms, ou nous remĂ©more que nous sommes des ĂȘtres de passage. Mais en terme de jeu, ce dispositif rappelle trĂšs bien comme jouer, c’est d’abord avoir une prĂ©sence physique. D’ailleurs, lorsque Joey Starr/ Elephant Man sort dĂ©finitivement de la scĂšne aprĂšs sa mort, juste avant d’entrer en coulisses, il est sorti de son rĂŽle et ça s’est vu Ă  sa façon de se tenir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec un duo Starr/ Dalle aussi « connu » et qui sait remplir l’espace, il est peut-ĂȘtre difficile de se faire remarquer Ă  son avantage en tant que partenaire de jeu
. Si les comĂ©diens qui interprĂštent  l’infirmiĂšre ( ClĂ©mence Ardoin?), le chirurgien Treves ( Christophe GrĂ©goire?) “Jack l’Ă©ventreur” ou encore l’employĂ© de l’hĂŽpital ( Radouan Leflahi ? ) se dĂ©marquent , La danseuse XiaoYi Liu est celle qui y parvient le mieux :

Le temps d’un solo, elle Ă©volue dans une dimension oĂč personne ne peut la rejoindre ; animale, araignĂ©e Ă©ventrĂ©e, zombie, danseuse de ButĂŽ, elle fait ressusciter plus d’une fois nos cristallins. Que sa gestuelle soit minimaliste ou remorque tout l’espace. Heureusement que son solo le plus long dure seulement quelques minutes car il aurait pu nous faire oublier le reste. Je me demande ce qui a donnĂ© l’idĂ©e Ă  David BobĂ©e de l’inclure dans ce projet mais il a bien fait.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 15 octobre 2019.

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Visage partiel d’un comĂ©dien. 2Ăšme acte

AprĂšs mes  articles https://balistiqueduquotidien.com/le-fait-eric et   https://balistiqueduquotidien.com/visage-partiel-dun-comedien, il convenait de devenir concret et de rendre tout cela vivant en  apportant quelques images. Voici donc une premiĂšre vidĂ©o que certains d’entre vous connaissent dĂ©ja.

Ma partenaire, Sandrine Cardon, alias Mme Popova, avait dĂ©ja eu une vie avant cette scĂšne que nous jouons ensemble : thĂ©Ăątre d’improvisation, journalisme….

Sandrine est Ă©galement photographe, monteuse, dĂ©sormais prof de thĂ©Ăątre et dispose sĂ»rement d’autres cartes qui ont Ă©chappĂ© Ă  ma mĂ©moire.

Quoiqu’il en soit, j’espĂšre que le spectacle vous plaira ou vous captivera de nouveau si vous l’aviez dĂ©ja vu.

Franck Unimon, ce lundi 7 janvier 2019.

 

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Visage partiel d’un comĂ©dien

                                    Visage partiel d’un comĂ©dien

 

 

 

 

J’ai commencĂ© Ă  prendre des cours de thĂ©Ăątre Ă  partir de la trentaine. J’ai alors estimĂ© que j’en avais le droit. J’y pensais depuis le lycĂ©e.

J’ai connu trois profs de thĂ©Ăątre.

VĂ©ronique Antolotti a Ă©tĂ© la premiĂšre Ă  m’accepter dans son cours Ă  Taverny. MĂȘme si,  en raison de mes horaires de travail de l’époque, je pouvais venir au cours hebdomaire uniquement une semaine sur deux. Pour ces raisons, avant elle, deux profs de thĂ©Ăątre m’avaient refusĂ© dans leur cours Ă  Cergy-St-Christophe. J’habitais alors Ă  Cergy-Le-Haut.

Parmi les Ă©lĂšves de VĂ©ronique, j’étais donc celui qui effectuait le trajet le plus long. J’Ă©tais heureusement vĂ©hiculĂ©. Je venais avec ma vieille opel Corsa.

VĂ©ronique Antolotti faisait dĂ©ja partie de la compagnie ThĂ©Ăątre en Stock. Une compagnie rĂ©putĂ©e dans le Val D’oise, rompue au thĂ©Ăątre de trĂ©teaux et Ă  d’autres genres tels que le thĂ©Ăątre d’improvisation. VĂ©ronique avait un cĂŽtĂ© maternant. Lorsque nous avions du mal avec une scĂšne, elle nous la donnait presque Ă  la becquĂ©e en interprĂ©tant avec Ă©vidence ce qui l’était moins pour nous. Elle insistait sur l’importance de se faire plaisir en jouant. Je suis restĂ© deux ans avec elle, je crois.

Aujourd’hui encore, je me la rappelle au parc de Cergy-prĂ©fecture. Sans doute lors du festival Cergy’Soit : elle jouait une femme enceinte extĂ©nuĂ©e, au bord de se soulager alors qu’elle allait enfin rĂ©ussir Ă  s’asseoir sur une chaise quand
. finalement, cette place lui Ă©tait ravie. Sa libĂ©ration Ă  venir suivie de sa dĂ©sillusion, tout avait Ă©tĂ© exprimĂ©/dĂ©composĂ©/exposĂ© au ralenti  sans un mot par son visage et son attitude corporelle. C’était il y’a Ă  peu prĂšs quinze ans.

 

Ensuite, grĂące Ă  Bernard Fleury, un partenaire du cours de VĂ©ronique, j’ai rejoint la compagnie L’Orpailleur dirigĂ©e (sans doute crĂ©Ă©Ă©) par Christian Bordeleau Ă  Paris du cĂŽtĂ© de Nation. Bernard prenait dĂ©jĂ  des cours avec Christian. Le cours de Christian se terminait Ă  23h et je m’endormais contre la vitre dans le RER A en rentrant Ă  Cergy-Le-Haut.

Originaire du QuĂ©bec, Christian Ă©tait arrivĂ© en France avec une expĂ©rience certaine, qu’il avait continuĂ© d’élargir, dans le milieu du spectacle vivant. Tout en Ă©tant intermittent du spectacle Ă  Disney, il n’en poursuivait et n’en poursuit par moins divers projets. Je suis restĂ© deux ou trois ans avec Christian.

Avec lui, j’ai dĂ©couvert que l’on pouvait faire du thĂ©Ăątre amateur sur scĂšne Ă  Paris avec une entrĂ©e payante pour le public. Il nous est arrivĂ© de faire dix (peut-ĂȘtre plus) reprĂ©sentations de la piĂšce que nous avions travaillĂ©e. Comme nous avions un emploi pour la plupart d’entre nous, les dates Ă©taient espacĂ©es sur environ un mois. ParallĂšlement, Christian met Ă©galement en scĂšne des comĂ©diens professionnels et il nous incitait Ă  venir voir ce travail. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de l’univers de Torch Song Trilogy par exemple. De temps Ă  autre, il nous rĂ©pĂ©tait:

« Ne vous jugez pas ! ».

 

AprĂšs avoir arrĂȘtĂ© les cours avec Christian, j’ai participĂ© Ă  deux projets thĂ©Ăątraux professionnels au thĂ©Ăątre du Nord-Ouest.  GaĂ«tan Aubry, comĂ©dien professionnel, qui avait assistĂ© Christian pendant une annĂ©e m’avait parlĂ© de deux jeunes metteurs en scĂšne, Marion Carroz et YaĂ«l Zlotowski, qui cherchaient des comĂ©diens pour adapter La ComĂ©die des erreurs de Shakespeare. J’ai passĂ© l’audition. J’ai Ă©tĂ© retenu pour un rĂŽle. Les comĂ©diens professionnels Ă©taient majoritaires dans ce projet. Si, sur scĂšne, j’ai fait mon travail, d’un point de vue humain, j’Ă©tais intimidĂ© par l’aisance de plusieurs de mes partenaires. D’un point de vue social, je me suis sĂ»rement mal “vendu” . Erreur que j’allais rĂ©pĂ©ter plus tard lors de mon expĂ©rience de journaliste cinĂ©ma avec Brazil ( voir mon article CinĂ©ma 2 dans la rubrique CinĂ©ma)

NĂ©anmoins, Martine Delor, comĂ©dienne professionnelle, Ă©galement impliquĂ©e dans la piĂšce La ComĂ©die des erreurs, faisait partie de mes partenaires de jeu. Elle a ensuite pensĂ© Ă  moi lorsqu’elle a mis en scĂšne Le Bourgeois africain toujours au thĂ©Ăątre du Nord-Ouest. Ces deux piĂšces ont dĂ» ĂȘtre jouĂ©es, chacune, entre quinze et vingt fois.

J’ai aussi participĂ© au projet de mon ami Pierre Cassard qui avait Ă©crit sa piĂšce, Raguse An 01. Pierre Ă©tait arrivĂ© un an aprĂšs moi au cours de Christian Bordeleau et nous avons sympathisĂ©.

Nous avons jouĂ© sa piĂšce avec lui et deux autres comĂ©diens au thĂ©Ăątre Darius Milhaud, une bonne dizaine de fois. Peut-ĂȘtre plus.

GrĂące Ă  une amie comĂ©dienne, metteur en scĂšne et Ă©galement prof de thĂ©Ăątre, Katia Redier, j’ai eu la chance de me rendre une fois en tant que spectateur au festival d’Avignon.

En 2013, j’ai revu par hasard un copain de lycĂ©e, aujourd’hui comĂ©dien professionnel : François Podetti. Notre prĂ©cĂ©dente rencontre datait d’environ 20 ans plus tĂŽt. J’Ă©tais, je crois, allĂ© le voir jouer sur scĂšne ainsi qu’un autre de ses amis de lycĂ©e, Ernesto, Ă  la MJC Daniel Ferry Ă  Nanterre.

En 2013, j’ai revu et reconnu François une premiĂšre fois dans le mĂ©tro parisien. Plusieurs mĂštres nous sĂ©paraient. Le mĂ©tro Ă©tait plein. Je me suis dĂ©placĂ© jusqu’Ă  lui. François m’a ensuite rĂ©pondu qu’il m’avait, lui, reconnu
à ma voix.

Puis, quelques semaines plus tard, je l’ai recroisĂ© une seconde fois prĂšs de la gare St Lazare. A nouveau par hasard. Nous avons pris rendez-vous pour prendre le temps de nous revoir peu aprĂšs.

Lors de notre troisiĂšme rencontre, François m’a spontanĂ©ment parlĂ© d’un de ses amis de lycĂ©e dont je parle dans mon article LycĂ©e  (voir la rubrique Echos Statiques).  L’évĂ©nement l’avait Ă©videmment marquĂ©.

AprĂšs m’avoir Ă©coutĂ©, François m’a dit que ce serait dommage d’arrĂȘter le thĂ©Ăątre au vu de mon parcours. Il m’a conseillĂ© de reprendre des cours pour me remettre dans le coup.

C’est ainsi qu’au lieu de me rĂ©inscrire Ă  un cours de guitare basse pour dĂ©butants, je me suis inscrit au conservatoire d’Argenteuil pour y suivre des cours d’interprĂ©tation thĂ©Ăątrale avec Michelle BrulĂ©. Comme tous les aspirants, j’ai passĂ© une audition.

 

Michelle BrulĂ© m’a permis d’accĂ©der Ă  des cours traditionnellement rĂ©servĂ©s Ă  des jeunes de 18 Ă  25 ans qui se destinent Ă  devenir comĂ©diens professionnels. J’en avais 45. Avec quelques autres sĂ©niors ou plus jeunes adultes, j’ai ainsi pu prendre part Ă  la formation thĂ©Ăątrale dispensĂ©e dans un conservatoire. Pour la premiĂšre fois, je me rendais Ă  mes cours de thĂ©Ăątre Ă  pied. Certaines et certains de mes partenaires de cours venaient de Paris, Enghien, Courbevoie, Sartrouville….

Je travaillais dĂ©jĂ  de nuit lorsque cela a commencĂ© avec Michelle et ma fille est nĂ©e un mois aprĂšs le dĂ©but des cours avec trois mois d’avance.

J’ai nĂ©anmoins fait mes trois annĂ©es de cours avec Michelle Ă  raison, pour la derniĂšre annĂ©e, de 10 Ă  12 heures de cours par semaine. Une semaine sur deux, je me rendais au cours de quatre heures du lundi aprĂšs-midi aprĂšs avoir effectuĂ© deux nuits de travail. Une troisiĂšme nuit de travail m’attendait aprĂšs le cours. J’ai plusieurs fois remarquĂ© que la fatigue me permettait de mieux jouer mĂȘme si elle avait aussi des petites incidences sur ma mĂ©moire du texte.

Pour mon travail de fin de formation, j’ai Ă©crit mon texte et fait un solo de 30-40 minutes. Je ne suis pas satisfait de la captation qui en a Ă©tĂ© faite. Je ne peux donc pas la montrer.

Avec Michelle, j’ai dĂ©couvert encore un peu plus l’exigence. C’était stimulant d’interagir avec des plus jeunes qu’ils se destinent ou non Ă  devenir professionnels. Et, il Ă©tait gratifiant de pouvoir jouer sur scĂšne au Figuier Blanc Ă  la fin de l’annĂ©e ainsi qu’à La Cave DimiĂšre. Comme il a Ă©tĂ© gratifiant que Michelle fasse venir des professionnels extĂ©rieurs que ce soit pour regarder notre travail, voire nous filmer face camĂ©ra. Et il a aussi Ă©tĂ© instructif d’aller voir d’autres comĂ©diens en formation Ă  Paris avec un de ses amis, Ă©galement professeur de thĂ©Ăątre et comĂ©dien. Et, avant cela, durant les trois annĂ©es, de tĂąter du cours de chant avec Françoise et du cours de danse avec Giovanna.

A la fin de ma premiĂšre annĂ©e de cours, Michelle nous avait un peu parlĂ© de son parcours. AprĂšs quelques annĂ©es de thĂ©Ăątre au collĂšge ou au lycĂ©e, elle avait dĂ©butĂ©  sa formation vers 16 ou 17 ans en Ă©tant acceptĂ©e Ă  l’ENSATT  ( Ecole Nationale SupĂ©rieure des Arts et Techniques du ThĂ©Ăątre aussi connue sous le nom de ” Ecole de la rue Blanche” Ă  Lyon). Ensuite, Michelle avait complĂ©tĂ© sa formation en intĂ©grant le CNSAD ( Conservatoire National SupĂ©rieur d’Art Dramatique Ă  Paris dans le 9Ăšme arrondissement). Je n’avais pas perçu avec prĂ©cision ce que cela impliquait hormis le fait que l’ENSATT comme le CNSAD sont  respectivement une Ă©cole et un conservatoire accessibles Ă  peu de prĂ©tendants. Mais en Ă©crivant cet article, j’en prends un peu plus la mesure alors que je prends le temps de me renseigner ( 3% d’admis chaque annĂ©e pour le CNSAD) . Et, c’est maintenant que j’apprends les noms de ces comĂ©diens aujourd’hui plutĂŽt indiscutables qui se sont Ă©galement formĂ©s au CNSAD avant, pendant ou aprĂšs la formation de Michelle. La liste est longue mais citons en quelques uns afin de se donner une idĂ©e : Muriel Robin, Jean-Hugues Anglade, Jean-Paul Belmondo, Vimala Pons, Vincent Macaigne, Atmen Kelif, AndrĂ© Dussolier, CĂ©line Sellette, Pierre Niney, Jean Rochefort, Eric Ruf, Philippe Torreton, GrĂ©gory Gadebois, Zita Hanrot, Jeanne Moreau….

(L’entrĂ©e du CNSAD au 2, Bis Rue du Conservatoire Ă  Paris dans le 9Ăšme arrondissement. Photo : par Franck Unimon)

 

 

AprĂšs le CNSAD, pendant des annĂ©es, Michelle a tenu  des rĂŽles de jeune premiĂšre dans des classiques du thĂ©Ăątre.  Elle a travaillĂ©, entre-autres, avec Pierre Debauche. Elle a aussi fait des Ă©tudes de philo. Puis, vers la trentaine ou la quarantaine, elle s’est lancĂ©e dans une carriĂšre de musicienne et de chanteuse Rock avec son accordĂ©on. Elle est toujours comĂ©dienne.  Et, nous avons eu la possibilitĂ© de venir la voir sur scĂšne alors qu’elle donnait sa crĂ©ation en solo.

 

VĂ©ronique, Christian et Michelle m’ont tous les trois Ă©tonnĂ© Ă  plusieurs reprises par l’étendue de leur culture et la tenue de leur engagement personnel. A les voir, Il semble qu’évoluer dans le milieu du thĂ©Ăątre soit synonyme au moins de ces deux mots.

 

Depuis mes cours avec Michelle, terminĂ©s en 2016, j’ai fait un tout petit peu de figuration. Dans un long mĂ©trage de Lucien Jean-Baptiste, Dieu Merci (on a tous un rĂȘve de gosse) grĂące Ă  Claire Diao, journaliste cinĂ©ma spĂ©cialiste du cinĂ©ma d’Afrique, co-fondatrice de la revue digitale AWOTĂ©lĂ© . Je crois que Claire est Ă©galement productrice. Entre-autres. Claire est Ă©galement l’auteure du livre Double Vague. J’ai fait la connaissance de Claire alors que j’Ă©crivais pour le site Format Court. ( je parle un peu de cette expĂ©rience dans l’article CinĂ©ma2 dans la rubrique…CinĂ©ma).

Depuis 2016, j’ai aussi fait un petit peu de figuration dans le court-mĂ©trage Na, tout pour elle de Djigui Diarra rencontrĂ© sur le tournage du film de Lucien Jean-Baptiste. Djigui poursuit son Ă©closion. Il a figurĂ© dans le long mĂ©trage de Raoul Peck sur Karl Marx. Il continue de rĂ©aliser des courts mĂ©trages dans lesquels il joue tel que MalgrĂ© eux qui a remportĂ© plusieurs prix.

 

J’ai aussi fait une brĂšve apparition dans le long mĂ©trage de Pascal Tessaud : Brooklyn. Mais comme je l’avais expliquĂ© Ă  mon copain de lycĂ©e, François Podetti, je n’aime pas passer des casting. J’ai beaucoup de mal Ă  me faire aux codes des casting. Cela m’ennuie. Je me rappelle de l’air aussi Ă©berluĂ© que comprĂ©hensif d’un comĂ©dien lors du tournage ( une scĂšne de nuit) du court mĂ©trage VirĂ©e Ă  Paname de Carine May et Hakim Zouhani. J’y faisais de la figuration et je venais d’expliquer que je n’aime pas passer des casting. Sage et pragmatique, ce bon comĂ©dien auquel je venais de m’adresser ( qui a un bon rĂŽle dans le film Rengaine de Rachid DjaĂŻdani ) m’avait rĂ©pondu : ” Pourquoi pas ? Si tu as le rĂ©seau…”. Je n’avais pas de rĂ©seau particulier en tant que comĂ©dien. PlutĂŽt des mĂšches ou des amorces. J’avais tout Ă  faire.  Quand j’y repense, cela me rappelle une lointaine discussion avec mon grand-pĂšre lorsque celui-ci Ă©tait encore vivant, sur la terrasse de sa maison Ă  Morne-Bourg, en Guadeloupe. Muni de ma plus pĂ©nĂ©trante intelligence, je venais de dĂ©clarer Ă  mon grand-pĂšre que j’aimerais bien vivre en couple avec quelqu’un avec qui il n’y’aurait ni dispute ni dĂ©saccord. Magnanime, mon grand pĂšre m’avait alors rĂ©pondu :

“Sa Pa On MovĂ© Bitin”. ( Ce n’est pas une mauvaise chose). J’avais nĂ©anmoins dĂ©celĂ© dans sa politesse un indice. Plus tard, j’ai compris que mon grand-pĂšre m’avait tĂ©moignĂ© une certaine indulgence pour ma stupiditĂ© et mon ignorance. Allez savoir ! Ce comĂ©dien rencontrĂ© sur le tournage de VirĂ©e Ă  Paname m’a peut-ĂȘtre dit les mots que l’Ăąme de mon grand-pĂšre lui a alors soufflĂ©. C’Ă©tait il y’a trois ou quatre ans.

Or, depuis 2016, j’ai plutĂŽt eu envie de souffler.  De me consacrer Ă  l’écriture. J’étais supposĂ© me consacrer Ă  l’écriture d’un scĂ©nario. Finalement, pour l’instant, j’ai surtout Ă©tĂ© inspirĂ© pour crĂ©er un blog…. et, avant cela, pour dĂ©couvrir l’apnĂ©e. Ce qui est une façon de souffler.

 

J’avais prĂ©vu, Ă  la fin de cet article, de poster une vidĂ©o me montrant sur scĂšne avec une de mes partenaires en 2016. Mais la vidĂ©o, d’une durĂ©e de 16 minutes, est pour l’instant trop lourde pour ĂȘtre mise sur le blog. J’espĂšre rĂ©ussir Ă  l’allĂ©ger  afin de la publier trĂšs rapidement.

 

 

Franck, ce vendredi 28 décembre 2018.