Franck Unimon, 1er Mai 2020.
Franck Unimon, 1er Mai 2020.
Elephant Man Mis en scène par David Bobée
Il y a si longtemps que l’on croit les connaître, désormais, ces deux rochers accrochés à la notoriété en même temps qu’arrachés à la sobriété :
En 1985-1986, Béatrice Dalle était l’étincelle que Jean-Jacques Beineix, le réalisateur de 37°2, avait attendu, persuadé qu’elle était quelque part alors qu’il la cherchait toujours pour son film après avoir « vu » auparavant bien des actrices.
Dalle n’avait pas pris de cours de théâtre et n’avait pas fait escale dans une école de cinéma. Elle avait quitté sa province, en bisbilles avec sa famille, avant ses 16 ans. Et c’est elle que Beineix avait choisie. D’accord, elle n’avait pas une ride et était très belle. Mais elle était surtout sans bride.
Ensuite, après le très grand succès de 37°2 (qui rendra également célèbre son auteur, l’écrivain Philip Djian ) elle s’était insérée dans la partition de divers films d’auteur. Parmi lesquels, le Trouble Everyday ( en 2001) de Claire Denis avec Alex Descas mais aussi A l’intérieur ( en 2007) de Julien Maury et Alexandre Bustillo qui annonçaient peut-être l’adaptation ( très bien approuvée par la critique) de Lucrèce Borgia par David Bobée à nouveau à la manœuvre avec ce Elephant Man.
Aujourd’hui, on connaĂ®t bien plus BĂ©atrice Dalle et Jean-Hugues Anglade (l’autre acteur principal de 37°2 ) que Jean-Jacques Beineix, pourtant un des rĂ©alisateurs prometteurs des annĂ©es 80-90. Celui-ci a fait un certain retour sur sa carrière cinĂ©matographique dans son livre Sur les chantiers de la gloire.
Mais on connaît « bien » Dominique Besnehard qui avait aussi été l’agent de Béatrice Dalle à l’époque de 37°2 et les années qui ont suivi. Agent d’acteurs pendant des années, également acteur par exemple pour Pialat, producteur, inspirateur de la série Dix pour cent et Président , depuis ce mois de septembre, de la commission d’Aide sélective à la distribution de films au CNC, Dominique Besnehard a aussi raconté dans son livre Casino d’hiver son amour pour sa Béatrice Dalle. Et comment il était parti la chercher alors qu’elle s’écumait dans la drogue avec son Joey Starr, alors son compagnon, bad boy, et un des piliers Rap du groupe NTM.
Pourquoi le pseudo « Starr » ? En mémoire de ces esclaves qui, un jour, trouveraient ou atteindraient leur bonne étoile. Une étoile de mer, c’est souvent joli fut-elle celle d’un shérif, mais on oublie souvent dans le sable qu’elle fait aussi partie des espèces carnivores. Joey Starr-Didier Morville-ex/ Jaguarr Gorgone, de son côté, a aussi connu une carrière dissonante.
Dans sa première autobiographie, Mauvaises fréquentations, il raconte aussi devoir une partie de ses succès à des rencontres qu’il n’aurait jamais dû faire dans un schéma dit normal. Je l’ai déjà écrit dans un de mes articles antérieurs:
Il aurait été très difficile dans les années 90 d’imaginer que Joey Starr, aujourd’hui, serait le comédien recherché qu’il est que ce soit au cinéma ou pour des séries télévisées. Pour ma part, il y a plus d’une dizaine d’années, je le donnais mort avant ses quarante ans au vu de certains de ses excès très médiatisés. Ma pudibonderie et mon ignorance incrustées jusque dans le fond de mes dents m’ont largement donné tort. J’aurais peut-être mieux fait, comme Joey Starr à une époque, de me faire poser des dents en or. Ça m’aurait peut-être aussi réussi. J’ignore ce que vous en pensez mais en attendant, Joey Starr, aussi, tout comme Béatrice Dalle, a eu une enfance rudoyée. Lui, comme Béatrice Dalle, aurait pu encore plus mal tourner que ce que l’on « sait » :
Si l’on considère leur image publique, plutôt que des créatures de rêve, Béatrice Dalle et Joey Starr sont des créatures de carnage. Personne ne s’étonnera si l’on parle d’eux comme de « bêtes de scène ». Et c’est comme cela qu’en 2019 on arrive très facilement à Elephant Man.
Mais Béatrice Dalle et Joey Starr ont aussi des armatures people. Cela crée vis-à -vis de Elephant Man un rapport ambivalent en allant le voir….aux Folies Bergères. Il est difficile de savoir si l’on y va en tant que ( pour) voyeur de notre propre folie- et de notre racisme- ordinaire parce que ce sont deux «vedettes » plus ou moins monstrueuses, sachant qu’aujourd’hui, dire d’un artiste qu’il est « monstrueux » est très flatteur.
Si l’on y va parce-que l’on aime leur jeu d’acteur et que l’on est curieux de voir l’alchimie de leurs deux présences scéniques « sachant » ce que l’on croit savoir de leur histoire commune et séparée.
Ou si l’on veut « voir » ce que peut donner sur scène le Elephant Man que l’on a vu au cinéma en noir & blanc réalisé par un autre David ( David Lynch dans les années 80). Même si, au départ, l’œuvre originale The Elephant Man avait été crééé par l’auteur américain Bernard Pomerance pour le théâtre.
Ces questions restent solitaires après la représentation car Béatrice Dalle et Joey Starr jouent du trouble véhiculé par leur image publique. Ce qui est le propre, généralement, de l’artiste ou de la personne qui a du coffre.
Béatrice Dalle, sur scène, dit par exemple sûrement avec une réelle jubilation :
« Je suis juste une femme qui compose dans un monde d’hommes » et « Ce que j’expose, c’est une illusion ».
Joey Starr/Elephant Man, quant à lui, ânonne, comme le lui enseigne son nouveau maitre, Frédérik Treves (l’acteur Christophe Grégoire ?), le jeune chirurgien londonien ambitieux et réputé :
« Si je vis selon les règles, je serai heureux » et « Les règles nous rendent heureux car elles sont faites pour notre bien ». L’entendre dire ça peut revêtir un aspect comique tant la « réussite » artistique et professionnelle de Joey Starr incarne, aussi, plutôt le contraire de cette croyance. Mais il répète seulement à voix haute, sur scène, ce que la majorité des citoyens du monde et de France consent à penser : La pièce qui dure apparemment près de deux heures trente est loin d’être vide.
Elephant Man est le contraire d’une pièce « people » dont le socle repose uniquement sur l’affiche Dalle/ Starr. C’est bien sûr très bien écrit.
Et il y a la scénographie : Bien qu’il y ait quelques anachronismes, nous sommes à la fin du 19ème siècle. Et ce décor clinique et froid qui imite la céramique impeccable réplique avec précision le craquement des camps de concentration qui « arriveront » un demi siècle plus tard ; le nucléaire ; la médiatisation du tueur en série avec la figure de Jack l’Eventreur ; et leur consanguinité cachée avec le monde médical, économique et occidental blanc tout puissant de cette fin du 19ème siècle qui nous asservit encore.
Pouvoir rampant, omniprĂ©sent et viscĂ©ral, cette pensĂ©e de fin du 19ème siècle secrète l’esclavage, la nĂ©vrose traumatique des vĂ©tĂ©rans de guerre du 20ème et du 21ème siècle, du professeur David Banner hantĂ© par son inconscient colossal, Hulk. Joey Starr, de par son personnage d’Elephant Man, endosse tout ça. Ainsi que le harcèlement, la condition des migrants d’aujourd’hui. Cela lui donne une allure christique. Une image qui m’a marquĂ© de Joey Starr, sur scène, est ce moment oĂą recouvert tout entier par une couverture, Ă©merge uniquement sa tĂŞte. Il paraĂ®t alors avoir le corps d’un enfant chĂ©tif, avec une tĂŞte d’adulte, qui fait penser aux enfants dĂ©nutris, battus ou Ă …E.T. Mais avec sa cathĂ©drale, il peut aussi rappeler le personnage de Quasimodo. Et pour “appartenir” Ă la science, il Ă©voquera aussi la crĂ©ature du Dr Frankestein.
Dans au moins une autre scène, sitĂ´t que ses bourreaux apparaissent la nuit, pĂ©riode oĂą les cauchemars que nous retenons le jour nous Ă©chappent, hypnotisĂ©, en transes ou fanatisĂ©, Joey Starr/ Elephant Man entame une danse comme sur un manège durant laquelle il dĂ©clame tel qu’il a Ă©tĂ© dressĂ©. Le dĂ©cor, pour l’époque, est peut-ĂŞtre high tech et parfait tout comme peut l’être le dĂ©cor stĂ©rile de l’informatique et des nouvelles technologies. Mais celles et ceux qui l’occupent, les hommes qui dirigent ce bloc et ce dĂ©cor, sont dĂ©viants et le crament comme nous continuons de cramer le bloc et le dĂ©cor de notre monde que notre regard – interceptĂ© par des Ă©crans- ne voit pas. Elephant Man doit guĂ©rir d’une tare qui lui a Ă©tĂ© imputĂ©e. Il doit expier. MĂŞme si ce sont ceux qui l’exploitent selon une Ă©thique commerciale, scientifique ou morale – victorienne- qui sont tarĂ©s. Mais ils le sont trop et sont par ailleurs trop nombreux, organisĂ©s, et trop violents pour ĂŞtre arrĂŞtĂ©s.
Bytes ( l’acteur Michaël Cohen), le premier « Maitre » d’Elephant Man, à l’allure plutôt virile, très assurée, et sans doute homme charmeur, est ainsi le croquis du proxénète, du compagnon et du père conjugal, du dealer mais aussi de l’homme dépendant soumis à la petite cuillère de ses rêves de gloire. Homme criminel, il est libre de ses mouvements et de ses jugements tandis qu’Elephant Man, innocent, servile, respectueux des règles et vulnérable, aura une vie de repenti enfermé : D’abord au cirque puis à l’hôpital.
Joey Starr est le comédien principal d’Elephant Man. Je crois que cela aurait été mieux qu’il conserve sa voix et son intonation habituelle même si, en les retrouvant à la toute fin, son personnage semble nous dire que, depuis le début, il nous a joué ce que l’on attendait de lui sur scène…comme dans la vie.
L’arrivée de Béatrice Dalle sur scène est une agréable surprise : on sait qu’elle figure dans la pièce, on l’attend et on se demande quand elle va se montrer. Et puis, elle arrive. Elle a un plaisir évident sur scène et dans le fait de jouer avec Joey Starr. Je suis plus partagé sur son jeu vers la fin lors de la mort d’Elephant Man/ Joey Starr.
L’arrière du décor est assuré par une large vitre panoramique qui permet de voir arriver et partir les personnages : Quelle belle perspective ! On dira que cela reflète aussi très bien notre monde de voyeurs, certaines back rooms, ou nous remémore que nous sommes des êtres de passage. Mais en terme de jeu, ce dispositif rappelle très bien comme jouer, c’est d’abord avoir une présence physique. D’ailleurs, lorsque Joey Starr/ Elephant Man sort définitivement de la scène après sa mort, juste avant d’entrer en coulisses, il est sorti de son rôle et ça s’est vu à sa façon de se tenir.
Avec un duo Starr/ Dalle aussi « connu » et qui sait remplir l’espace, il est peut-ĂŞtre difficile de se faire remarquer Ă son avantage en tant que partenaire de jeu…. Si les comĂ©diens qui interprètent l’infirmière ( ClĂ©mence Ardoin?), le chirurgien Treves ( Christophe GrĂ©goire?) “Jack l’Ă©ventreur” ou encore l’employĂ© de l’hĂ´pital ( Radouan Leflahi ? ) se dĂ©marquent , La danseuse XiaoYi Liu est celle qui y parvient le mieux :
Le temps d’un solo, elle évolue dans une dimension où personne ne peut la rejoindre ; animale, araignée éventrée, zombie, danseuse de Butô, elle fait ressusciter plus d’une fois nos cristallins. Que sa gestuelle soit minimaliste ou remorque tout l’espace. Heureusement que son solo le plus long dure seulement quelques minutes car il aurait pu nous faire oublier le reste. Je me demande ce qui a donné l’idée à David Bobée de l’inclure dans ce projet mais il a bien fait.
Franck Unimon, ce mardi 15 octobre 2019.
Après mes  articles https://balistiqueduquotidien.com/le-fait-eric et  https://balistiqueduquotidien.com/visage-partiel-dun-comedien, il convenait de devenir concret et de rendre tout cela vivant en  apportant quelques images. Voici donc une première vidĂ©o que certains d’entre vous connaissent dĂ©ja.
Ma partenaire, Sandrine Cardon, alias Mme Popova, avait dĂ©ja eu une vie avant cette scène que nous jouons ensemble : théâtre d’improvisation, journalisme….
Sandrine est Ă©galement photographe, monteuse, dĂ©sormais prof de théâtre et dispose sĂ»rement d’autres cartes qui ont Ă©chappĂ© Ă ma mĂ©moire.
Quoiqu’il en soit, j’espère que le spectacle vous plaira ou vous captivera de nouveau si vous l’aviez dĂ©ja vu.
Franck Unimon, ce lundi 7 janvier 2019.
                                   Visage partiel d’un comédien
J’ai commencĂ© Ă prendre des cours de théâtre Ă partir de la trentaine. J’ai alors estimĂ© que j’en avais le droit. J’y pensais depuis le lycĂ©e.
J’ai connu trois profs de théâtre.
VĂ©ronique Antolotti a Ă©tĂ© la première Ă m’accepter dans son cours Ă Taverny. MĂŞme si,  en raison de mes horaires de travail de l’époque, je pouvais venir au cours hebdomaire uniquement une semaine sur deux. Pour ces raisons, avant elle, deux profs de théâtre m’avaient refusĂ© dans leur cours Ă Cergy-St-Christophe. J’habitais alors Ă Cergy-Le-Haut.
Parmi les Ă©lèves de VĂ©ronique, j’étais donc celui qui effectuait le trajet le plus long. J’Ă©tais heureusement vĂ©hiculĂ©. Je venais avec ma vieille opel Corsa.
Véronique Antolotti faisait déja partie de la compagnie Théâtre en Stock. Une compagnie réputée dans le Val D’oise, rompue au théâtre de tréteaux et à d’autres genres tels que le théâtre d’improvisation. Véronique avait un côté maternant. Lorsque nous avions du mal avec une scène, elle nous la donnait presque à la becquée en interprétant avec évidence ce qui l’était moins pour nous. Elle insistait sur l’importance de se faire plaisir en jouant. Je suis resté deux ans avec elle, je crois.
Aujourd’hui encore, je me la rappelle au parc de Cergy-préfecture. Sans doute lors du festival Cergy’Soit : elle jouait une femme enceinte exténuée, au bord de se soulager alors qu’elle allait enfin réussir à s’asseoir sur une chaise quand…. finalement, cette place lui était ravie. Sa libération à venir suivie de sa désillusion, tout avait été exprimé/décomposé/exposé au ralenti  sans un mot par son visage et son attitude corporelle. C’était il y’a à peu près quinze ans.
Ensuite, grâce à Bernard Fleury, un partenaire du cours de Véronique, j’ai rejoint la compagnie L’Orpailleur dirigée (sans doute crééé) par Christian Bordeleau à Paris du côté de Nation. Bernard prenait déjà des cours avec Christian. Le cours de Christian se terminait à 23h et je m’endormais contre la vitre dans le RER A en rentrant à Cergy-Le-Haut.
Originaire du Québec, Christian était arrivé en France avec une expérience certaine, qu’il avait continué d’élargir, dans le milieu du spectacle vivant. Tout en étant intermittent du spectacle à Disney, il n’en poursuivait et n’en poursuit par moins divers projets. Je suis resté deux ou trois ans avec Christian.
Avec lui, j’ai découvert que l’on pouvait faire du théâtre amateur sur scène à Paris avec une entrée payante pour le public. Il nous est arrivé de faire dix (peut-être plus) représentations de la pièce que nous avions travaillée. Comme nous avions un emploi pour la plupart d’entre nous, les dates étaient espacées sur environ un mois. Parallèlement, Christian met également en scène des comédiens professionnels et il nous incitait à venir voir ce travail. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de l’univers de Torch Song Trilogy par exemple. De temps à autre, il nous répétait:
« Ne vous jugez pas ! ».
Après avoir arrĂŞtĂ© les cours avec Christian, j’ai participĂ© Ă deux projets théâtraux professionnels au théâtre du Nord-Ouest.  GaĂ«tan Aubry, comĂ©dien professionnel, qui avait assistĂ© Christian pendant une annĂ©e m’avait parlĂ© de deux jeunes metteurs en scène, Marion Carroz et YaĂ«l Zlotowski, qui cherchaient des comĂ©diens pour adapter La ComĂ©die des erreurs de Shakespeare. J’ai passĂ© l’audition. J’ai Ă©tĂ© retenu pour un rĂ´le. Les comĂ©diens professionnels Ă©taient majoritaires dans ce projet. Si, sur scène, j’ai fait mon travail, d’un point de vue humain, j’Ă©tais intimidĂ© par l’aisance de plusieurs de mes partenaires. D’un point de vue social, je me suis sĂ»rement mal “vendu” . Erreur que j’allais rĂ©pĂ©ter plus tard lors de mon expĂ©rience de journaliste cinĂ©ma avec Brazil ( voir mon article CinĂ©ma 2 dans la rubrique CinĂ©ma)
NĂ©anmoins, Martine Delor, comĂ©dienne professionnelle, Ă©galement impliquĂ©e dans la pièce La ComĂ©die des erreurs, faisait partie de mes partenaires de jeu. Elle a ensuite pensĂ© Ă moi lorsqu’elle a mis en scène Le Bourgeois africain toujours au théâtre du Nord-Ouest. Ces deux pièces ont dĂ» ĂŞtre jouĂ©es, chacune, entre quinze et vingt fois.
J’ai aussi participé au projet de mon ami Pierre Cassard qui avait écrit sa pièce, Raguse An 01. Pierre était arrivé un an après moi au cours de Christian Bordeleau et nous avons sympathisé.
Nous avons joué sa pièce avec lui et deux autres comédiens au théâtre Darius Milhaud, une bonne dizaine de fois. Peut-être plus.
Grâce Ă une amie comĂ©dienne, metteur en scène et Ă©galement prof de théâtre, Katia Redier, j’ai eu la chance de me rendre une fois en tant que spectateur au festival d’Avignon.
En 2013, j’ai revu par hasard un copain de lycĂ©e, aujourd’hui comĂ©dien professionnel : François Podetti. Notre prĂ©cĂ©dente rencontre datait d’environ 20 ans plus tĂ´t. J’Ă©tais, je crois, allĂ© le voir jouer sur scène ainsi qu’un autre de ses amis de lycĂ©e, Ernesto, Ă la MJC Daniel Ferry Ă Nanterre.
En 2013, j’ai revu et reconnu François une première fois dans le mĂ©tro parisien. Plusieurs mètres nous sĂ©paraient. Le mĂ©tro Ă©tait plein. Je me suis dĂ©placĂ© jusqu’Ă lui. François m’a ensuite rĂ©pondu qu’il m’avait, lui, reconnu…à ma voix.
Puis, quelques semaines plus tard, je l’ai recroisé une seconde fois près de la gare St Lazare. A nouveau par hasard. Nous avons pris rendez-vous pour prendre le temps de nous revoir peu après.
Lors de notre troisième rencontre, François m’a spontanĂ©ment parlĂ© d’un de ses amis de lycĂ©e dont je parle dans mon article LycĂ©e  (voir la rubrique Echos Statiques).  L’évĂ©nement l’avait Ă©videmment marquĂ©.
Après m’avoir écouté, François m’a dit que ce serait dommage d’arrêter le théâtre au vu de mon parcours. Il m’a conseillé de reprendre des cours pour me remettre dans le coup.
C’est ainsi qu’au lieu de me rĂ©inscrire Ă un cours de guitare basse pour dĂ©butants, je me suis inscrit au conservatoire d’Argenteuil pour y suivre des cours d’interprĂ©tation théâtrale avec Michelle BrulĂ©. Comme tous les aspirants, j’ai passĂ© une audition.
Michelle BrulĂ© m’a permis d’accĂ©der Ă des cours traditionnellement rĂ©servĂ©s Ă des jeunes de 18 Ă 25 ans qui se destinent Ă devenir comĂ©diens professionnels. J’en avais 45. Avec quelques autres sĂ©niors ou plus jeunes adultes, j’ai ainsi pu prendre part Ă la formation théâtrale dispensĂ©e dans un conservatoire. Pour la première fois, je me rendais Ă mes cours de théâtre Ă pied. Certaines et certains de mes partenaires de cours venaient de Paris, Enghien, Courbevoie, Sartrouville….
Je travaillais déjà de nuit lorsque cela a commencé avec Michelle et ma fille est née un mois après le début des cours avec trois mois d’avance.
J’ai néanmoins fait mes trois années de cours avec Michelle à raison, pour la dernière année, de 10 à 12 heures de cours par semaine. Une semaine sur deux, je me rendais au cours de quatre heures du lundi après-midi après avoir effectué deux nuits de travail. Une troisième nuit de travail m’attendait après le cours. J’ai plusieurs fois remarqué que la fatigue me permettait de mieux jouer même si elle avait aussi des petites incidences sur ma mémoire du texte.
Pour mon travail de fin de formation, j’ai écrit mon texte et fait un solo de 30-40 minutes. Je ne suis pas satisfait de la captation qui en a été faite. Je ne peux donc pas la montrer.
Avec Michelle, j’ai dĂ©couvert encore un peu plus l’exigence. C’était stimulant d’interagir avec des plus jeunes qu’ils se destinent ou non Ă devenir professionnels. Et, il Ă©tait gratifiant de pouvoir jouer sur scène au Figuier Blanc Ă la fin de l’annĂ©e ainsi qu’Ă Â La Cave Dimière. Comme il a Ă©tĂ© gratifiant que Michelle fasse venir des professionnels extĂ©rieurs que ce soit pour regarder notre travail, voire nous filmer face camĂ©ra. Et il a aussi Ă©tĂ© instructif d’aller voir d’autres comĂ©diens en formation Ă Paris avec un de ses amis, Ă©galement professeur de théâtre et comĂ©dien. Et, avant cela, durant les trois annĂ©es, de tâter du cours de chant avec Françoise et du cours de danse avec Giovanna.
A la fin de ma première annĂ©e de cours, Michelle nous avait un peu parlĂ© de son parcours. Après quelques annĂ©es de théâtre au collège ou au lycĂ©e, elle avait dĂ©butĂ©  sa formation vers 16 ou 17 ans en Ă©tant acceptĂ©e Ă l’ENSATT  ( Ecole Nationale SupĂ©rieure des Arts et Techniques du Théâtre aussi connue sous le nom de ” Ecole de la rue Blanche” Ă Lyon). Ensuite, Michelle avait complĂ©tĂ© sa formation en intĂ©grant le CNSAD ( Conservatoire National SupĂ©rieur d’Art Dramatique Ă Paris dans le 9ème arrondissement). Je n’avais pas perçu avec prĂ©cision ce que cela impliquait hormis le fait que l’ENSATT comme le CNSAD sont  respectivement une Ă©cole et un conservatoire accessibles Ă peu de prĂ©tendants. Mais en Ă©crivant cet article, j’en prends un peu plus la mesure alors que je prends le temps de me renseigner ( 3% d’admis chaque annĂ©e pour le CNSAD) . Et, c’est maintenant que j’apprends les noms de ces comĂ©diens aujourd’hui plutĂ´t indiscutables qui se sont Ă©galement formĂ©s au CNSAD avant, pendant ou après la formation de Michelle. La liste est longue mais citons en quelques uns afin de se donner une idĂ©e : Muriel Robin, Jean-Hugues Anglade, Jean-Paul Belmondo, Vimala Pons, Vincent Macaigne, Atmen Kelif, AndrĂ© Dussolier, CĂ©line Sellette, Pierre Niney, Jean Rochefort, Eric Ruf, Philippe Torreton, GrĂ©gory Gadebois, Zita Hanrot, Jeanne Moreau….
(L’entrĂ©e du CNSAD au 2, Bis Rue du Conservatoire Ă Paris dans le 9ème arrondissement. Photo : par Franck Unimon)
Après le CNSAD, pendant des annĂ©es, Michelle a tenu  des rĂ´les de jeune première dans des classiques du théâtre.  Elle a travaillĂ©, entre-autres, avec Pierre Debauche. Elle a aussi fait des Ă©tudes de philo. Puis, vers la trentaine ou la quarantaine, elle s’est lancĂ©e dans une carrière de musicienne et de chanteuse Rock avec son accordĂ©on. Elle est toujours comĂ©dienne.  Et, nous avons eu la possibilitĂ© de venir la voir sur scène alors qu’elle donnait sa crĂ©ation en solo.
Véronique, Christian et Michelle m’ont tous les trois étonné à plusieurs reprises par l’étendue de leur culture et la tenue de leur engagement personnel. A les voir, Il semble qu’évoluer dans le milieu du théâtre soit synonyme au moins de ces deux mots.
Depuis mes cours avec Michelle, terminĂ©s en 2016, j’ai fait un tout petit peu de figuration. Dans un long mĂ©trage de Lucien Jean-Baptiste, Dieu Merci (on a tous un rĂŞve de gosse) grâce Ă Claire Diao, journaliste cinĂ©ma spĂ©cialiste du cinĂ©ma d’Afrique, co-fondatrice de la revue digitale AWOTĂ©lĂ© . Je crois que Claire est Ă©galement productrice. Entre-autres. Claire est Ă©galement l’auteure du livre Double Vague. J’ai fait la connaissance de Claire alors que j’Ă©crivais pour le site Format Court. ( je parle un peu de cette expĂ©rience dans l’article CinĂ©ma2 dans la rubrique…CinĂ©ma).
Depuis 2016, j’ai aussi fait un petit peu de figuration dans le court-métrage Na, tout pour elle de Djigui Diarra rencontré sur le tournage du film de Lucien Jean-Baptiste. Djigui poursuit son éclosion. Il a figuré dans le long métrage de Raoul Peck sur Karl Marx. Il continue de réaliser des courts métrages dans lesquels il joue tel que Malgré eux qui a remporté plusieurs prix.
J’ai aussi fait une brève apparition dans le long mĂ©trage de Pascal Tessaud : Brooklyn. Mais comme je l’avais expliquĂ© Ă mon copain de lycĂ©e, François Podetti, je n’aime pas passer des casting. J’ai beaucoup de mal Ă me faire aux codes des casting. Cela m’ennuie. Je me rappelle de l’air aussi Ă©berluĂ© que comprĂ©hensif d’un comĂ©dien lors du tournage ( une scène de nuit) du court mĂ©trage VirĂ©e Ă Paname de Carine May et Hakim Zouhani. J’y faisais de la figuration et je venais d’expliquer que je n’aime pas passer des casting. Sage et pragmatique, ce bon comĂ©dien auquel je venais de m’adresser ( qui a un bon rĂ´le dans le film Rengaine de Rachid DjaĂŻdani ) m’avait rĂ©pondu : ” Pourquoi pas ? Si tu as le rĂ©seau…”. Je n’avais pas de rĂ©seau particulier en tant que comĂ©dien. PlutĂ´t des mèches ou des amorces. J’avais tout Ă faire.  Quand j’y repense, cela me rappelle une lointaine discussion avec mon grand-père lorsque celui-ci Ă©tait encore vivant, sur la terrasse de sa maison Ă Morne-Bourg, en Guadeloupe. Muni de ma plus pĂ©nĂ©trante intelligence, je venais de dĂ©clarer Ă mon grand-père que j’aimerais bien vivre en couple avec quelqu’un avec qui il n’y’aurait ni dispute ni dĂ©saccord. Magnanime, mon grand père m’avait alors rĂ©pondu :
“Sa Pa On MovĂ© Bitin”. ( Ce n’est pas une mauvaise chose). J’avais nĂ©anmoins dĂ©celĂ© dans sa politesse un indice. Plus tard, j’ai compris que mon grand-père m’avait tĂ©moignĂ© une certaine indulgence pour ma stupiditĂ© et mon ignorance. Allez savoir ! Ce comĂ©dien rencontrĂ© sur le tournage de VirĂ©e Ă Paname m’a peut-ĂŞtre dit les mots que l’âme de mon grand-père lui a alors soufflĂ©. C’Ă©tait il y’a trois ou quatre ans.
Or, depuis 2016, j’ai plutĂ´t eu envie de souffler.  De me consacrer Ă l’écriture. J’étais supposĂ© me consacrer Ă l’écriture d’un scĂ©nario. Finalement, pour l’instant, j’ai surtout Ă©tĂ© inspirĂ© pour crĂ©er un blog…. et, avant cela, pour dĂ©couvrir l’apnĂ©e. Ce qui est une façon de souffler.
J’avais prĂ©vu, Ă la fin de cet article, de poster une vidĂ©o me montrant sur scène avec une de mes partenaires en 2016. Mais la vidĂ©o, d’une durĂ©e de 16 minutes, est pour l’instant trop lourde pour ĂŞtre mise sur le blog. J’espère rĂ©ussir Ă l’allĂ©ger  afin de la publier très rapidement.
Franck, ce vendredi 28 décembre 2018.