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Visage partiel d’un comédien

                                    Visage partiel d’un comédien

 

 

 

 

J’ai commencé à prendre des cours de théâtre à partir de la trentaine. J’ai alors estimé que j’en avais le droit. J’y pensais depuis le lycée.

J’ai connu trois profs de théâtre.

Véronique Antolotti a été la première à m’accepter dans son cours à Taverny. Même si,  en raison de mes horaires de travail de l’époque, je pouvais venir au cours hebdomaire uniquement une semaine sur deux. Pour ces raisons, avant elle, deux profs de théâtre m’avaient refusé dans leur cours à Cergy-St-Christophe. J’habitais alors à Cergy-Le-Haut.

Parmi les élèves de Véronique, j’étais donc celui qui effectuait le trajet le plus long. J’étais heureusement véhiculé. Je venais avec ma vieille opel Corsa.

Véronique Antolotti faisait déja partie de la compagnie Théâtre en Stock. Une compagnie réputée dans le Val D’oise, rompue au théâtre de tréteaux et à d’autres genres tels que le théâtre d’improvisation. Véronique avait un côté maternant. Lorsque nous avions du mal avec une scène, elle nous la donnait presque à la becquée en interprétant avec évidence ce qui l’était moins pour nous. Elle insistait sur l’importance de se faire plaisir en jouant. Je suis resté deux ans avec elle, je crois.

Aujourd’hui encore, je me la rappelle au parc de Cergy-préfecture. Sans doute lors du festival Cergy’Soit : elle jouait une femme enceinte exténuée, au bord de se soulager alors qu’elle allait enfin réussir à s’asseoir sur une chaise quand…. finalement, cette place lui était ravie. Sa libération à venir suivie de sa désillusion, tout avait été exprimé/décomposé/exposé au ralenti  sans un mot par son visage et son attitude corporelle. C’était il y’a à peu près quinze ans.

 

Ensuite, grâce à Bernard Fleury, un partenaire du cours de Véronique, j’ai rejoint la compagnie L’Orpailleur dirigée (sans doute crééé) par Christian Bordeleau à Paris du côté de Nation. Bernard prenait déjà des cours avec Christian. Le cours de Christian se terminait à 23h et je m’endormais contre la vitre dans le RER A en rentrant à Cergy-Le-Haut.

Originaire du Québec, Christian était arrivé en France avec une expérience certaine, qu’il avait continué d’élargir, dans le milieu du spectacle vivant. Tout en étant intermittent du spectacle à Disney, il n’en poursuivait et n’en poursuit par moins divers projets. Je suis resté deux ou trois ans avec Christian.

Avec lui, j’ai découvert que l’on pouvait faire du théâtre amateur sur scène à Paris avec une entrée payante pour le public. Il nous est arrivé de faire dix (peut-être plus) représentations de la pièce que nous avions travaillée. Comme nous avions un emploi pour la plupart d’entre nous, les dates étaient espacées sur environ un mois. Parallèlement, Christian met également en scène des comédiens professionnels et il nous incitait à venir voir ce travail. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de l’univers de Torch Song Trilogy par exemple. De temps à autre, il nous répétait:

« Ne vous jugez pas ! ».

 

Après avoir arrêté les cours avec Christian, j’ai participé à deux projets théâtraux professionnels au théâtre du Nord-Ouest.  Gaëtan Aubry, comédien professionnel, qui avait assisté Christian pendant une année m’avait parlé de deux jeunes metteurs en scène, Marion Carroz et Yaël Zlotowski, qui cherchaient des comédiens pour adapter La Comédie des erreurs de Shakespeare. J’ai passé l’audition. J’ai été retenu pour un rôle. Les comédiens professionnels étaient majoritaires dans ce projet. Si, sur scène, j’ai fait mon travail, d’un point de vue humain, j’étais intimidé par l’aisance de plusieurs de mes partenaires. D’un point de vue social, je me suis sûrement mal “vendu” . Erreur que j’allais répéter plus tard lors de mon expérience de journaliste cinéma avec Brazil ( voir mon article Cinéma 2 dans la rubrique Cinéma)

Néanmoins, Martine Delor, comédienne professionnelle, également impliquée dans la pièce La Comédie des erreurs, faisait partie de mes partenaires de jeu. Elle a ensuite pensé à moi lorsqu’elle a mis en scène Le Bourgeois africain toujours au théâtre du Nord-Ouest. Ces deux pièces ont dû être jouées, chacune, entre quinze et vingt fois.

J’ai aussi participé au projet de mon ami Pierre Cassard qui avait écrit sa pièce, Raguse An 01. Pierre était arrivé un an après moi au cours de Christian Bordeleau et nous avons sympathisé.

Nous avons joué sa pièce avec lui et deux autres comédiens au théâtre Darius Milhaud, une bonne dizaine de fois. Peut-être plus.

Grâce à une amie comédienne, metteur en scène et également prof de théâtre, Katia Redier, j’ai eu la chance de me rendre une fois en tant que spectateur au festival d’Avignon.

En 2013, j’ai revu par hasard un copain de lycée, aujourd’hui comédien professionnel : François Podetti. Notre précédente rencontre datait d’environ 20 ans plus tôt. J’étais, je crois, allé le voir jouer sur scène ainsi qu’un autre de ses amis de lycée, Ernesto, à la MJC Daniel Ferry à Nanterre.

En 2013, j’ai revu et reconnu François une première fois dans le métro parisien. Plusieurs mètres nous séparaient. Le métro était plein. Je me suis déplacé jusqu’à lui. François m’a ensuite répondu qu’il m’avait, lui, reconnu…à ma voix.

Puis, quelques semaines plus tard, je l’ai recroisé une seconde fois près de la gare St Lazare. A nouveau par hasard. Nous avons pris rendez-vous pour prendre le temps de nous revoir peu après.

Lors de notre troisième rencontre, François m’a spontanément parlé d’un de ses amis de lycée dont je parle dans mon article Lycée  (voir la rubrique Echos Statiques).  L’événement l’avait évidemment marqué.

Après m’avoir écouté, François m’a dit que ce serait dommage d’arrêter le théâtre au vu de mon parcours. Il m’a conseillé de reprendre des cours pour me remettre dans le coup.

C’est ainsi qu’au lieu de me réinscrire à un cours de guitare basse pour débutants, je me suis inscrit au conservatoire d’Argenteuil pour y suivre des cours d’interprétation théâtrale avec Michelle Brulé. Comme tous les aspirants, j’ai passé une audition.

 

Michelle Brulé m’a permis d’accéder à des cours traditionnellement réservés à des jeunes de 18 à 25 ans qui se destinent à devenir comédiens professionnels. J’en avais 45. Avec quelques autres séniors ou plus jeunes adultes, j’ai ainsi pu prendre part à la formation théâtrale dispensée dans un conservatoire. Pour la première fois, je me rendais à mes cours de théâtre à pied. Certaines et certains de mes partenaires de cours venaient de Paris, Enghien, Courbevoie, Sartrouville….

Je travaillais déjà de nuit lorsque cela a commencé avec Michelle et ma fille est née un mois après le début des cours avec trois mois d’avance.

J’ai néanmoins fait mes trois années de cours avec Michelle à raison, pour la dernière année, de 10 à 12 heures de cours par semaine. Une semaine sur deux, je me rendais au cours de quatre heures du lundi après-midi après avoir effectué deux nuits de travail. Une troisième nuit de travail m’attendait après le cours. J’ai plusieurs fois remarqué que la fatigue me permettait de mieux jouer même si elle avait aussi des petites incidences sur ma mémoire du texte.

Pour mon travail de fin de formation, j’ai écrit mon texte et fait un solo de 30-40 minutes. Je ne suis pas satisfait de la captation qui en a été faite. Je ne peux donc pas la montrer.

Avec Michelle, j’ai découvert encore un peu plus l’exigence. C’était stimulant d’interagir avec des plus jeunes qu’ils se destinent ou non à devenir professionnels. Et, il était gratifiant de pouvoir jouer sur scène au Figuier Blanc à la fin de l’année ainsi qu’à La Cave Dimière. Comme il a été gratifiant que Michelle fasse venir des professionnels extérieurs que ce soit pour regarder notre travail, voire nous filmer face caméra. Et il a aussi été instructif d’aller voir d’autres comédiens en formation à Paris avec un de ses amis, également professeur de théâtre et comédien. Et, avant cela, durant les trois années, de tâter du cours de chant avec Françoise et du cours de danse avec Giovanna.

A la fin de ma première année de cours, Michelle nous avait un peu parlé de son parcours. Après quelques années de théâtre au collège ou au lycée, elle avait débuté  sa formation vers 16 ou 17 ans en étant acceptée à l’ENSATT  ( Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre aussi connue sous le nom de ” Ecole de la rue Blanche” à Lyon). Ensuite, Michelle avait complété sa formation en intégrant le CNSAD ( Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique à Paris dans le 9ème arrondissement). Je n’avais pas perçu avec précision ce que cela impliquait hormis le fait que l’ENSATT comme le CNSAD sont  respectivement une école et un conservatoire accessibles à peu de prétendants. Mais en écrivant cet article, j’en prends un peu plus la mesure alors que je prends le temps de me renseigner ( 3% d’admis chaque année pour le CNSAD) . Et, c’est maintenant que j’apprends les noms de ces comédiens aujourd’hui plutôt indiscutables qui se sont également formés au CNSAD avant, pendant ou après la formation de Michelle. La liste est longue mais citons en quelques uns afin de se donner une idée : Muriel Robin, Jean-Hugues Anglade, Jean-Paul Belmondo, Vimala Pons, Vincent Macaigne, Atmen Kelif, André Dussolier, Céline Sellette, Pierre Niney, Jean Rochefort, Eric Ruf, Philippe Torreton, Grégory Gadebois, Zita Hanrot, Jeanne Moreau….

(L’entrée du CNSAD au 2, Bis Rue du Conservatoire à Paris dans le 9ème arrondissement. Photo : par Franck Unimon)

 

 

Après le CNSAD, pendant des années, Michelle a tenu  des rôles de jeune première dans des classiques du théâtre.  Elle a travaillé, entre-autres, avec Pierre Debauche. Elle a aussi fait des études de philo. Puis, vers la trentaine ou la quarantaine, elle s’est lancée dans une carrière de musicienne et de chanteuse Rock avec son accordéon. Elle est toujours comédienne.  Et, nous avons eu la possibilité de venir la voir sur scène alors qu’elle donnait sa création en solo.

 

Véronique, Christian et Michelle m’ont tous les trois étonné à plusieurs reprises par l’étendue de leur culture et la tenue de leur engagement personnel. A les voir, Il semble qu’évoluer dans le milieu du théâtre soit synonyme au moins de ces deux mots.

 

Depuis mes cours avec Michelle, terminés en 2016, j’ai fait un tout petit peu de figuration. Dans un long métrage de Lucien Jean-Baptiste, Dieu Merci (on a tous un rêve de gosse) grâce à Claire Diao, journaliste cinéma spécialiste du cinéma d’Afrique, co-fondatrice de la revue digitale AWOTélé . Je crois que Claire est également productrice. Entre-autres. Claire est également l’auteure du livre Double Vague. J’ai fait la connaissance de Claire alors que j’écrivais pour le site Format Court. ( je parle un peu de cette expérience dans l’article Cinéma2 dans la rubrique…Cinéma).

Depuis 2016, j’ai aussi fait un petit peu de figuration dans le court-métrage Na, tout pour elle de Djigui Diarra rencontré sur le tournage du film de Lucien Jean-Baptiste. Djigui poursuit son éclosion. Il a figuré dans le long métrage de Raoul Peck sur Karl Marx. Il continue de réaliser des courts métrages dans lesquels il joue tel que Malgré eux qui a remporté plusieurs prix.

 

J’ai aussi fait une brève apparition dans le long métrage de Pascal Tessaud : Brooklyn. Mais comme je l’avais expliqué à mon copain de lycée, François Podetti, je n’aime pas passer des casting. J’ai beaucoup de mal à me faire aux codes des casting. Cela m’ennuie. Je me rappelle de l’air aussi éberlué que compréhensif d’un comédien lors du tournage ( une scène de nuit) du court métrage Virée à Paname de Carine May et Hakim Zouhani. J’y faisais de la figuration et je venais d’expliquer que je n’aime pas passer des casting. Sage et pragmatique, ce bon comédien auquel je venais de m’adresser ( qui a un bon rôle dans le film Rengaine de Rachid Djaïdani ) m’avait répondu : ” Pourquoi pas ? Si tu as le réseau…”. Je n’avais pas de réseau particulier en tant que comédien. Plutôt des mèches ou des amorces. J’avais tout à faire.  Quand j’y repense, cela me rappelle une lointaine discussion avec mon grand-père lorsque celui-ci était encore vivant, sur la terrasse de sa maison à Morne-Bourg, en Guadeloupe. Muni de ma plus pénétrante intelligence, je venais de déclarer à mon grand-père que j’aimerais bien vivre en couple avec quelqu’un avec qui il n’y’aurait ni dispute ni désaccord. Magnanime, mon grand père m’avait alors répondu :

“Sa Pa On Mové Bitin”. ( Ce n’est pas une mauvaise chose). J’avais néanmoins décelé dans sa politesse un indice. Plus tard, j’ai compris que mon grand-père m’avait témoigné une certaine indulgence pour ma stupidité et mon ignorance. Allez savoir ! Ce comédien rencontré sur le tournage de Virée à Paname m’a peut-être dit les mots que l’âme de mon grand-père lui a alors soufflé. C’était il y’a trois ou quatre ans.

Or, depuis 2016, j’ai plutôt eu envie de souffler.  De me consacrer à l’écriture. J’étais supposé me consacrer à l’écriture d’un scénario. Finalement, pour l’instant, j’ai surtout été inspiré pour créer un blog…. et, avant cela, pour découvrir l’apnée. Ce qui est une façon de souffler.

 

J’avais prévu, à la fin de cet article, de poster une vidéo me montrant sur scène avec une de mes partenaires en 2016. Mais la vidéo, d’une durée de 16 minutes, est pour l’instant trop lourde pour être mise sur le blog. J’espère réussir à l’alléger  afin de la publier très rapidement.

 

 

Franck, ce vendredi 28 décembre 2018.

6 réponses sur « Visage partiel d’un comédien »

Hey just wanted to give you a quick heads up. The words in your
article seem to be running off the screen in Internet explorer.
I’m not sure if this is a formatting issue or something to do with web browser compatibility
but I thought I’d post to let you know. The style and design look great
though! Hope you get the issue fixed soon. Thanks

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