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Au Palais de Justice

Extorsion en bande organisée : un témoin reconnaissant

Dans le palais de justice de l’île de la cité, Paris, 8 novembre 2021.

                         Extorsion en bande organisée : Un témoin reconnaissant

Reprise de l’audience ( voir Extorsion en bande organisée : suspension de séance)

 

Les dix minutes de suspension de l’audience sont terminées. Il est environ 15h. Je suis arrivé ce matin à 10h et l’audience avait déjà commencé.

 

Le témoin, qui a attendu plusieurs heures dans le box des témoins – hors des regards de la cour-, a accepté dix minutes plus tôt de patienter encore un peu avant de venir s’exprimer. Il arrive, se place face à la cour et au juge. Comme cela lui est demandé, il décline son identité.

 

Le juge : « On va vous entendre. Vous pouvez nous dire tout ce que vous voulez… ».

Le témoin tient à le faire savoir : « Je n’ai jamais demandé d’être témoin ».

Le juge : « On ne demande jamais… ».

 

 

Le témoin dit ne pas savoir pourquoi il est convoqué comme témoin. Oui, il répond connaître le plaignant. Il explique :

 

« C’est mon ancien associé. Ça a mal tourné. On a fait faillite. Chacun a fait sa route ensuite ».

 

Le juge : «  Il était aussi question de votre frère… »

Le témoin : « Il était quoi ?! ».

 

Le témoin ne se rappelle pas quand il s’est associé avec le plaignant. Selon lui, c’est le plaignant qui avait été à l’origine de leur association, qui avait lancé l’idée :

 

« C’était lui (le plaignant) qui gérait tout ». Le témoin répond que la femme du plaignant était gestionnaire.

 

Il raconte que lui et le plaignant avaient acheté un fonds de commerce «  pas très cher ». Puis, pour les travaux, ils avaient chacun investi moitié-moitié.

 

Le juge mentionne K qui aurait aussi fait partie des associés. Le témoin répond :

 

« Il faut pas avoir trois associés dans un garage ». Oui, il connaissait K…comme client qui passait des voitures au contrôle technique. Il poursuit :

 

« Je ne connais pas K. C’était un ami de …(du plaignant) ». A propos de K, tout ce que le témoin peut dire à son sujet c’est :

 

« Il ramène des voitures de l’étranger, ça s’arrête là ». La cour s’étonne. Comment le témoin peut-il ignorer le véritable nom de K alors qu’il passait des voitures au contrôle technique dans son entreprise ?

Le témoin explique que les contrôles techniques s’effectuaient au nom de la carte grise.

 

« Moi, j’ai jamais été racketté » répond le témoin. « Je sais pas, monsieur » répond-t’il aussi au juge concernant certains des faits rapportés auparavant par le plaignant.

Derrière son dos, le témoin serre ses doigts. Cet homme a peur. Concernant certains actes de violence dont il aurait été le témoin selon le plaignant, il assure :

 

 «  J’étais pas là » ; « J’étais pas au courant de ça ».

 

Il lui est demandé de bien vouloir regarder les prévenus afin de dire s’il reconnaît quelqu’un. Il pivote avec une certaine raideur sur sa gauche. Il se dépêche de regarder. Ses yeux prennent à peine le temps d’attraper les personnes qui se trouvent dans le box.  Il semble très soulagé de pouvoir dire qu’il ne les a jamais vus ! Il répond :

 

« Y a pas eu de pression » ; « C’était une réunion normale » ; «  Y’a pas eu de menace » ; « Je comprenais pas c’était quoi, le problème ? ». « Ils m’ont demandé si j’avais une dette envers…(le plaignant) ».

 

Derrière moi, assis également sur un banc, un jeune homme dans le public est nerveux. Ses genoux cognent de façon répétée contre le banc. Je finis par me retourner tant le bruit est dérangeant. C’est un des proches des prévenus. Je devine que ce témoignage est capital. Le plaignant avait affirmé que ce témoin avait tout vu et qu’il pourrait confirmer la violence qu’il avait subie.

 

La Défense

 

Quelques avocats de la Défense prennent la parole. Autant, je les ai trouvés charognards avec le plaignant, autant, avec ce témoin, ils se montrent délicats. Il ne faut pas le brusquer. D’une part, ce qu’il dit peut grandement contribuer à atténuer la charge de l’accusation sur leurs clients. D’autre part, il est pour moi évident que cet homme a peur. On pourrait penser que c’est la peur de s’exprimer dans un tribunal devant du monde. Mais on peut aussi penser qu’il a très peur de certaines représailles.

 

La première avocate qui intervient :

 

« J’ai quelques petites questions…. ».

 

Le témoin répond « Il n’y a jamais eu de bénéfices ». Il parle d’une entreprise qui s’est soldée par « 15 000 euros de découvert ». Il répond que le plaignant était « un mauvais gestionnaire ».

L’avocate évoque un système d’achat/revente « occulte au moyen de votre société »….

 

La deuxième avocate l’interroge à propos du règlement de l’ardoise par le plaignant.

 

Le témoin : «  Quelle ardoise ? Il a rien remboursé ».

 

K lui est présenté comme l’associé « occulte » de leur entreprise. Le témoin répond que dans le contrat de leur entreprise, K est « nulle part ». Concernant les hommes qui se sont présentés, il explique que ceux-ci portaient une casquette, un cache cou :

 

« On ne peut pas les reconnaître ».

 

A propos du plaignant, le témoin ajoute :

 

« Il a laissé 100 000 euros de TVA à la société qu’il devait rembourser ».

 

Le troisième avocat de la défense interroge le témoin à son tour.

 

Il répond que le plaignant « faisait tout » dans leur entreprise. Et que la femme du plaignant «  ne faisait rien ».

Selon le témoin, K était un ami du plaignant.

 

Le témoin raconte que le plaignant achetait des voitures au nom de leur société sans le dire. Sans payer la TVA.

 

Le quatrième avocat de la défense.

 

 

L’avocat : « Monsieur, je viens de comprendre quelque chose ». «  Qui achetait la voiture ? ».

Le témoin : « Je ne sais pas ». Le témoin répond qu’il ne sait pas comment ça se passe avec la TVA.  Il affirme : «  J’ai vendu aucun véhicule ».

 

L’avocat à propos du plaignant : « Qu’est-ce qu’il a fait avec l’argent de la TVA ? »

Le témoin : « Demandez-lui ».

 

 

Peu après, le témoin est libéré et peut quitter la cour.

 

Mes premières impressions :

 

Autant, en écoutant d’abord le plaignant, j’avais eu de l’empathie pour lui, autant, après ce témoignage d’à peine vingt minutes, je le perçois comme bien moins exemplaire qu’il ne s’est présenté. Néanmoins, pour moi, les prévenus sont loin des gentils garçons qui se trouvent là par erreur. La peur perceptible de ce témoin et son insistance pour dire qu’il n’y a eu « aucun problème » me pousse à croire qu’il y a bien eu violence et intimidation. Et qu’il veut surtout tourner la page et ne pas avoir d’emmerdes supplémentaires. Il serait compréhensible qu’il soit en colère contre le plaignant or il semble avoir pris le parti d’accepter le découvert laissé par celui-ci après l’échec de leur entreprise. Cela pourrait être la décision d’un homme sage ou fataliste. Mais la peur peut rendre  sage.

 

Ou fataliste.

 

Cependant, on comprend aussi grâce à son témoignage que le plaignant était le véritable patron de leur association et qu’il avait su le mettre en confiance et l’embobiner. De victime, le plaignant m’apparaît maintenant comme un homme plein d’idées de grandeur. S’il a un esprit d’entreprise certain et sans aucun doute des compétences réelles dans le domaine de la mécanique, c’est plus un raté bling-bling que le génie des affaires qu’il voudrait ou prétend être. Il se trouve magnifique et  plein aux as lorsqu’il se regarde alors qu’il est régulièrement dans des combines ou des affaires qui tournent mal. Parce-que c’est un mauvais commerçant qui confond ses rêves de réussite avec les faits.

 

Comme il s’exprime bien, a la baraka et est sans doute très sympathique, il séduit. Puis, lorsque l’on creuse, on s’aperçoit qu’il est rempli de vent car ses compétences commerciales sont très inférieures à ses ambitions, et, surtout, aux lois du marché . La scène ainsi décrite par le plaignant où il se serait fait frapper dans un bar à chicha à coups de  « Ne sers pas la main à cet enculé, y ‘a pas fric ! » est donc crédible pour moi. ( Voir  Extorsion en bande organisée : Des hommes dans un garage et les avocats de la Défense)  

 

 La première avocate de la défense, qui semble évoluer à côté de ses pensées, l’avait raillé quant au fait qu’ordinairement les racketteurs s’en prennent à des gens vraiment friqués, contrairement à lui. Et, donc, qu’il n’y avait pas de raison de penser qu’ils lui avaient autant fait de mal que ça, finalement. Mais si cet homme a su faire illusion, ce qu’il est assez apte à faire, et laisser croire qu’il était plus riche qu’il ne l’était, cela a pu suffire pour qu’il devienne la cible de racketteurs. Surtout, si, en plus, il devait vraiment de l’argent à quelqu’un. K ou un autre.

 

Lorsque le témoin a eu terminé de s’exprimer, un des prévenus dans le box avait tenu à dire que, lui non plus, ne le reconnaissait pas. Au point qu’il s’était même demandé qui était cet homme qui venait témoigner. Comme si leur rencontre avait été très courte et aussi  cordiale que venait de le dire le témoin. Une drôle de rencontre quand même puisque le témoin avait expliqué que des hommes (des inconnus) étaient venus le voir pour lui demander si le plaignant lui devait de l’argent. Comme s’il était tout à fait insignifiant que quelqu’un débarque à notre commerce pour nous demander si untel, que l’on connaît, nous doit de l’argent, avant, ensuite, de partir le voir.

 

Je n’ai pas assisté à la suite de ce procès et ne puis dire quelles autres informations ont été ensuite apportées. Je ne connaîtrai peut-être pas le dénouement de ce jugement. Mais j’ai eu devant moi le fait que même s’il existe des lois, des représentants et des garants de ces lois, que l’on peut être très exposé, et isolé, face à certaines violences. Cela peut dissuader de dénoncer certaines de ces violences. Le plaignant, ici, n’a peut-être « peur de rien » comme l’avait affirmé l’un des avocats de la défense. Mais d’autres personnes rackettées ont eu peur et ont peur de leurs agresseurs qui seront peut-être aussi bien défendus que ceux de cette « affaire ». Voire peut-être mieux défendus que leurs victimes. Car j’ai été marqué par la différence de niveau entre les avocats de la défense et les deux avocats du plaignant : j’ai préféré la « classe » des avocats de la défense même si leurs insinuations et certaines de leurs méthodes m’ont déplu. Car, eux, ont véritablement défendu leurs clients.

 

 Après ces quelques heures passées au tribunal, cela m’a fait du bien de pouvoir retrouver l’extérieur et de circuler librement. Cette impossibilité de pouvoir circuler librement à l’air libre, quand on le souhaite, lorsque l’on est prévenu, victime ou témoin, doit sans doute beaucoup peser sur les déclarations que l’on fait ensuite devant la cour.

En sortant du palais de justice de l’île de la cité, ce 8 novembre 2021.

 

 

Paris, 8 novembre 2021, en sortant du palais de justice de l’île de la Cité.

 

 

Palais de justice de l’île de la Cité, Paris, 8 novembre 2021.

 

 

Franck Unimon, mardi 30 novembre 2021.

 

 

 

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Corona Circus Puissants Fonds/ Livres

Ricochets-Un livre de Camille Emmanuelle

                             Ricochets– un livre de Camille Emmanuelle

Black Fridays

 

La Black Fridays de ce mois de novembre 2021 se termine dans quelques heures. On reparle peu à peu de la pandémie du Covid qui reprend. En Autriche et en Australie, des mesures gouvernementales ont été prises pour obliger les non vaccinés à se vacciner contre le Covid. Confinement forcé, peines d’emprisonnement, contrôles de police sur la route. Dans le New York Times de ce mercredi 17 novembre, j’ai appris que les non-vaccinés étaient rendus responsables de la reprise de la pandémie du Covid. Pandémie qui nous a fait vivre notre premier confinement pour raisons sanitaires en France en mars 2020. Mais j’ai l’impression que la perspective d’un reconfinement et la peur du Covid semblent très loin des attentions des Français dans l’Hexagone. Même si la troisième dose du vaccin commence à s’étendre aux moins de 65 ans. Environ 80 pour cent de la population dans l’Hexagone est vaccinée contre le Covid. Nous sommes encore nombreux à porter des masques. J’ai l’impression que peu de personnes en France envisagent ou acceptent l’idée d’être à nouveau confinées. Depuis fin aout à peu près, le sujet de la pandémie du Covid s’est dissous. Et, cette nouvelle remontée du Covid associée à une pénurie de lits dans les hôpitaux mais aussi à une accentuation de la pénurie soignante ( 1200 postes infirmiers seraient inoccupés en région parisienne), semblent encore très loin de la portée du plus grand nombre.

 

Les attentats islamistes, c’est un petit peu pareil. Le procès des attentats du 13 novembre 2015 a débuté en septembre. Il durera jusqu’en Mai 2022. Cependant, à part certaines personnes directement concernées ou touchées, et assidues, le sujet apparaît moins présent dans la conscience immédiate de la majorité. D’abord, pour l’instant, et récemment, il y a eu moins – ou pas- d’attentats islamistes à proximité. Ensuite, nous avons aussi envie et besoin d’air. Donc de « voir » et de « vivre » autre chose que des attentats et du Covid.

 

A priori. 

 

Psycho-traumatologie

 

A ceci près que, parmi mes sujets « d’intérêt », il y a ce que l’on appelle la psycho-traumatologie. « Tu aimes vraiment ce qui est médico-légal » m’a redit récemment mon collègue- cadre au travail, sans doute après m’avoir vu avec le livre Ricochets de Camille Emmanuelle.

 

Il est arrivé que ma compagne se moque de moi en voyant les films ou les livres, assez « chargés », que je regarde et lis pendant mes heures de repos. J’aime la poésie et la fantaisie. Je peux être très naïf. Très ou trop gentil. Et même niais. Puis, il y a une partie de moi, restée dans la noirceur, dont la mèche s’allume quelques fois et que je suis. Jusqu’à la psychose ou ailleurs. Ce n’est pas très bien défini. Mais je sais que cela fait partie de ma normalité et sûrement aussi de ma mémoire. C’est sans doute cela qui m’a mené à Camille Emmanuelle.

 

Je ne « connaissais » pas Camille Emmanuelle.  J’ai tendance à croire que si elle et moi, nous nous étions croisés avant la lecture de son ouvrage, que cela aurait fait flop. Je le crois car en lisant son Ricochets, il est une partie d’elle et de son monde qui m’a rappelé comme je suis extérieur à certaines élites ainsi qu’à certaines réussites. Je ne devrais pas mentionner ça. Parce-que, fondamentalement, et moralement, au vu du sujet de son ouvrage, cela est déplacé. Là, je donne le premier rôle à mon ego alors que le premier rôle, c’est foncièrement elle et ce qu’elle a donné, ce qu’elle nous a donné de sa vie, avec son ouvrage. Mais je le fais car cela fait aussi partie des impressions que j’ai pu avoir en la lisant. Je me dis que d’autres personnes pourraient aussi avoir ces impressions. Et qu’une fois que j’aurai exprimé ça, je pourrais d’autant mieux faire ressortir tout ce que son livre apporte.

 

Elites et réussites

 

J’ai parlé « d’élites » et de « réussites » car, jusqu’au 7 janvier 2015 (et aussi un peu avant lors d’un événement traumatique antérieur), son parcours personnel et le mien me semblent deux opposés. Elle, belle jeune femme, milieu social aisé, bonne élève, aimée, assurée, encouragée à partir à l’assaut de ses aspirations à Paris. Clopes, alcool, à l’aise dans son corps, soirées parisiennes, les bonnes rencontres au bon moment pour sa carrière professionnelle. Moi, banlieusard, corseté par les croyances traditionnalistes de mes parents, antillais d’origine modeste et rurale immigrés en métropole, refugiés dans l’angoisse du Monde extérieur et dans la méfiance vis-à-vis du blanc (alors, la femme blanche !) pas si à l’aise que ça dans mon corps. Malgré ce que mes origines antillaises «Vas-y Francky, c’est bon ! » pourraient laisser prétendre ou supposer.

 

On aime dire que les « contraires s’attirent ». Mais il ne faut pas exagérer.

 

Devant une Camille Emmanuelle dans une soirée ou ailleurs, je me fais « confiance » pour me présenter à mon désavantage ou m’éteindre complètement. Il n’y aurait qu’en ignorant la présence ou le regard d’une personne pareille que je pourrais véritablement être moi-même, au meilleur. De ce fait, je n’ai pas évolué dans les domaines où elle a pu évoluer même si j’en ai eu ou en ai le souhait. Ce n’est pas de son fait. Mais parce-que je me suis plein de fois censuré tout seul et que je continue de le faire studieusement en “bon” élément qui a bien appris comment échouer avant d’atteindre certains horizons. 

 

Je parle aussi « d’élites » parce-que, lorsque le 7 janvier 2015, deux terroristes sont venus tuer plusieurs personnes dans les locaux du journal Charlie Hebdo, ils sont aussi venus s’en prendre à des élites intellectuelles et/ou artistiques ou culturelles. Et, ça, je crois que c’est assez oublié.

 

Charlie Hebdo

 

Je lis Le Canard Enchainé depuis plus de vingt ans. Le Canard Enchainé est un peu le cousin de Charlie Hebdo. Les deux hebdomadaires ont bien sûr leur identité propre. Mais ils ont en commun leur indépendance d’esprit. Un certain humour et une certaine capacité critique (supérieure à la moyenne) envers le monde qui nous entoure et celles et ceux qui le dirigent.

 

Avant le 7 janvier 2015, j’avais acheté une fois Charlie Hebdo. Pour essayer. Philippe Val en était encore le rédacteur chef. Je n’avais pas aimé le style. Les articles. J’ai peut-être gardé ce numéro malgré tout parmi d’autres journaux.

 

Les caricatures de Mahomet, les menaces de mort, les pressions sur Charlie Hebdo mais aussi au Danemark m’étaient passées plutôt au dessus de la tête. Je n’avais pas d’avis particulier. J’étais spectateur de ce genre d’informations comme pour d’autres informations.

 

Le 7 janvier 2015, c’était le premier jour des soldes. Chez nous, je crois, ma compagne m’apprend l’attentat « de » Charlie Hebdo. Je lui réponds aussitôt :

 

« C’est très grave ! ».

 

Le 11 janvier, je n’étais pas à la manifestation pour soutenir Charlie Hebdo pour deux raisons. Je « savais » qu’il y aurait beaucoup de monde. Donc, j’ai estimé que Charlie Hebdo bénéficierait de « suffisamment » de soutien dehors.

 

Ensuite, il était évident pour moi que cet engouement se dégonflerait. Et que soutenir Charlie Hebdo, cela signifiait le faire sur la durée. A partir de là, j’ai commencé à acheter chaque semaine Charlie Hebdo. Et à le lire. Je me suis étonné de voir que les articles me plaisaient. Soit j’étais devenu un autre lecteur. Soit la qualité des articles avait changé. J’ai trouvé le niveau des articles tellement bon qu’il m’est arrivé de les trouver meilleurs que ceux du Canard Enchainé. J’ai attribué ça à un réflexe de survie de la part de la rédaction de Charlie Hebdo. On se rappelle que l’équipe rédactionnelle qui restait avait d’autant plus tenu à maintenir la survie de l’hebdomadaire en continuant de paraître malgré tout. Et que le numéro d’après l’attentat avait été publié dans un tirage augmenté et avait été disponible pendant plusieurs semaines. Les gens faisaient la queue pour « avoir » son numéro de Charlie Hebdo. Voire se battaient.

 

Je ne me suis pas battu pour avoir ce numéro. J’ai attendu. Et, un jour, une collègue amie m’en a acheté un numéro. Il est même possible que j’aie deux fois ce numéro de Charlie Hebdo.

 

Je n’ai pas écrit ou mis sur ma page Facebook ou autre : Je suis Charlie. Si je crois à la sincérité de celles et ceux qui l’ont dit ou écrit, pour moi, on peut être « pour » Charlie sans le dire. Même si je ne suis pas toujours d’accord ou n’ai pas toujours été d’accord avec certains points de vue de Charlie Hebdo. Mais je ne suis pas toujours d’accord avec ma famille, mes amis ou mes collègues, non plus.

Et puis, l’expérience d’un attentat, ça change beaucoup la perception que l’on a des autres et de soi-même. Charlie Hebdo vit désormais sans doute dans au moins deux bunkers. Celui qui le protège des menaces extérieures. Et celui, sûrement plus épais, à l’intérieur duquel se sont soudés celles et ceux qui ont vécu l’attentat du 7 janvier 2015.

 

Hormis le dessinateur Cabu qui officiait autant dans Charlie Hebdo que dans Le Canard Enchainé, je n’avais pas de journaliste de Charlie Hebdo auquel j’aurais pu être « habitué » ou particulièrement attaché. Il en est un, néanmoins, que j’avais rencontré une ou deux fois, des années avant l’attentat, car il était l’ami d’une amie. Ou même l’ami de deux amies : Philippe Lançon, l’auteur de Le Lambeau.

 

Je veux bien croire que je me souvenais bien plus de lui que lui, de moi. Envers Philippe Lançon, j’avais des sentiments contrariés. Pour moi, lors de cette rencontre il y a plus de vingt ans, il était mûr de trop d’assurance. Sauf qu’il avait réussi là où j’aurais aimé réussir. Dans le journalisme. Je trouvais qu’il écrivait très bien. Mais nous n’étions déjà plus du même monde lorsque nous nous étions croisés. L’élite, déjà. J’aurais peut-être pu, par le biais d’une de nos deux amies communes, le solliciter. Mais je n’en n’avais pas envie. J’ai compris seulement récemment que j’étais un peu comme mon grand-père paternel, ancien maçon, décédé aujourd’hui. Mon grand-père paternel avait construit sa maison pratiquement tout seul. A Petit-Bourg, en Guadeloupe. Je n’aime pas contracter de dette morale envers autrui. Je préfère construire ma « maison » seul même si cela va me compliquer l’existence. Sauf que dans les domaines professionnels où j’aurais voulu construire, seul, même travailleur et plus ou moins doué, on n’arrive à rien. Il faut entrer dans un réseau. S’en faire accepter. Il faut savoir se faire aimer. Ce que je ne sais pas ou ne veux pas faire. Je suis peut-être trop névrosé.

 

Dans son livre, Camille Emmanuel évoque Philippe Lançon. Ainsi que son frère, Arnaud. Je les ai vus tous les deux il y a quelques mois à l’anniversaire d’une amie commune. Je n’avais pas prévu, en lisant l’ouvrage de Camille Emmanuel, qu’elle allait aussi les évoquer. Et, les quelques passages où elle parle d’eux m’ont donc d’autant plus « parlé ».

 

D’un côté, il y avait ce que je « savais » de l’événement de Charlie Hebdo. De l’autre côté, il y avait la rencontre humaine et directe, lors de cet anniversaire, où il n’a jamais été fait mention, par quiconque, du 7 janvier 2015. « Mieux » : lors de cet anniversaire, j’ai en quelque sorte « sympathisé » avec Arnaud, sans arrière pensée. Pour découvrir plus ou moins ensuite, lors de l’arrivée de celui-ci, qu’il était le frère de Philippe. Je me rappelle de la façon dont Arnaud a salué son frère à l’arrivée de celui-ci. De quelques échanges avec l’un et l’autre. Ce fut humainement agréable. Ma contrariété- rentrée- envers Philippe n’était plus ou n’avait plus de raison d’être. Le voir, là, pour cette amie, en « sachant » ce qu’il avait reçu le 7 janvier 2015. Et puis, j’avais aussi changé. On s’accroche par moments à des impressions ou à un certain ressentiment dont on fait une complète vérité. Alors que l’on a à peine aperçu celle ou celui que l’on juge.

 

Ricochets :

 

En tant qu’infirmier en psychiatrie et en pédopsychiatrie, j’ai travaillé avec quelques psychiatres et pédopsychiatres. Un des pédopsychiatres que j’ai le plus admiré avait dit un jour que, même dans les milieux favorisés, il y a des gens qui souffrent. J’ai parlé « d’élites », de « réussites » concernant Camille Emmanuelle parce-que j’estime ne pas faire partie de son élite ou ne pas avoir connu certaines de ses réussites.

 

Cela dit, à aucun moment, je ne l’ai perçue comme une « pleureuse ». Je n’envie pas ce qu’elle a vécu le 7 janvier 2015 et ensuite. Et dont elle nous fait le récit. Car le 7 janvier 2015, elle est déjà la femme de Luz, l’un des dessinateurs de Charlie Hebdo. Celui dont c’était l’anniversaire et qui est arrivé en retard, ce jour-là. Ce qui lui a sauvé la vie : les deux terroristes quittaient le journal lorsqu’il arrivait. Il les a vus tirer en l’air dehors et sans doute crier : « On a vengé le prophète ! ».

 

Je « connaissais » à peine Luz avant le 7 janvier 2015.

 

Je ne connaissais pas l’appellation « Ricochets » ou « victime par ricochet » avant ce témoignage de Camille Emmanuelle. Quelques semaines avant de me retrouver devant son livre dans une médiathèque, j’avais lu un article sur son livre.

 

Sur son livre, on la voit en photo. Je me suis demandé et me demande la raison pour laquelle on voit sa photo. Pour faire face ? Pour lui donner un visage en tant que victime ? Et, donc, pour la personnaliser, l’humaniser ?

 

Je ne me suis pas posé ces questions lorsque j’ai lu l’ouvrage que Patrick Pelloux, -qu’elle mentionne aussi- a écrit après l’attentat de Charlie Hebdo. (Voir  L’instinct de vie ). 

 

Comme Camille Emmanuelle est une belle femme, je me suis aussi dit que c’était peut-être une manière de montrer qu’il peut y avoir un abîme entre l’image et son vécu traumatique. Nous sommes dans une société d’images et de vitrines. Son livre vient éventrer quelques vitrines. Dans son livre, assez vite, elle va parler de son addiction au vin comme une conséquence de son mal être. Ce qui, immédiatement, me faire penser à Claire Touzard, la journaliste. Celle-ci, pourtant, n’a pas un vécu traumatique dû à un attentat. Mais je n’ai pas pu m’empêcher de « rapprocher » leurs deux addictions à l’alcool. Addictions que je vois aussi comme les addictions de femmes « modernes », occidentales, libérées ou officiellement libérées, éduquées, parisiennes ou urbanisées, plutôt jeunes, plutôt blanches, et souvent attractives et très performantes socialement.

 

Quelques impressions et remarques sur Ricochets :

 

Assez vite, en lisant Ricochets, je me suis avisé que pour que son histoire d’amour avec Luz soit aussi forte au moment de l’attentat, c’est qu’elle devait être récente. Peu après, Camille Emmanuelle nous apprend qu’ils étaient mariés depuis un an à peu près. Se mariant assez vite après leur rencontre.

L’Amour permet de combattre ensemble bien des épreuves. C’est ce que l’on peut se dire en lisant son témoignage. Pourtant, il est des amours qui, même sincères, ne tiennent pas devant certaines épreuves. Camille Emmanuelle cite ce couple qu’elle rencontre, Maisie et Simon, particulièrement esquinté par l’attentat du Bataclan. Physiquement et psychologiquement. Au point que la rupture est un moment envisagée par Maisie.

 

Si les décès et les sévères « injures » physiques dus aux attentats causent des traumas, l’ouvrage de Camille Emmanuelle « réhabilite » la légitimité de la psychologie et de la psychiatrie à aider et soigner après des événements comme un attentat. Puisque ce sont deux des disciplines reconnues pour soigner ces « blessures invisibles » qui, parce qu’elles le sont – dans notre monde où seul ce qui se « voit », se « montre » et se « compte » est prioritaire – restent minimisées ou niées. Or, ces blessures peuvent persister très longtemps. Dans un article que j’ai lu il y a une ou deux semaines maintenant, le témoignage d’une des victimes de l’attentat du bataclan, non blessée physiquement, était cité.

Dans ce témoignage, cette femme racontait qu’au départ, elle s’estimait quasi-chanceuse par rapport aux autres, décédés ou gravement blessés. Sauf que, six ans plus tard, elle n’avait pas pu reprendre son travail du fait de son stress post-traumatique.

 

Etre soignant

 

En lisant Ricochets et le mal que Camille Emmanuelle s’est donnée pour « sauver » son mari, j’ai bien sûr pensé au métier de soignant. On résume souvent le rôle de soignant à celle ou celui dont c’est le métier. Or, ce qu’entreprend Camille Emmanuelle, au quotidien – et d’autres personnes désormais appelées « personnes aidantes » – c’est un travail de soignant. On pourrait se dire qu’il est donc « normal » qu’elle flanche à certains moments vu que ce n’est pas son métier. Sauf que je n’ai aucun problème pour admettre qu’il puisse exister des personnes non-formées qui peuvent être de très bons soignants dans certains domaines : les études ne nous apprennent pas l’empathie ou à être sensibles et réceptifs à certaines relations ou situations.

 

Et puis, dans tous les couples et dans toutes les familles, il y a des personnes qui sont des « soignants » ou des « personnes aidantes » officieuses. La différence, c’est qu’avec son mari, Camille Emmanuelle découvre ce rôle de manière intensive. « Intrusive ».

 

Il est toujours très difficile-ou impossible- de faire concilier sa vie affective amoureuse ou amicale avec un rôle de soignant dans son couple. Une absence d’empathie crée une froideur affective assez incompatible avec l’acte soignant. Mais trop d’empathie crée une surcharge de responsabilités et expose à ce que connaît Camille Emmanuelle :

 

Une trop grande identification à ce que ressent son mari. Des angoisses. La dépression….

Dans Ricochets, un psychiatre lui explique que la relation fusionnelle de leur couple cause aussi ses tourments.

Dans notre métier de soignant, nous sommes « sensibilisés » à la nécessité de mettre certaines « limites » ou un certain « cadre » entre l’autre et nous. Même si – ou surtout si- nous avons spontanément une grande empathie pour l’autre que nous « soignons » ou essayons d’aider.

 

Au travail, j’aime me rappeler de temps en temps le nombre d’intervenants que nous sommes. Car être à plusieurs nous permet, aussi, de nous répartir la charge émotionnelle d’une « situation ». Seule à la maison avec son mari, puis avec leur fille, Camille Emmanuelle a moins cette possibilité d’être relayée. Mais l’aurait-elle eue qu’elle l’aurait probablement refusée. Si l’Amour peut aider à surmonter certaines épreuves, le sens du Devoir permet, aussi, de le croire. Surtout lorsque l’on est dans l’action.

 

 

Etre dans l’action

Vers la fin de son livre, Camille Emmanuelle « rencontre » (soit via Skype ou en consultation) un psychiatre ou une psychologue qui lui explique que son Hyper-vigilance post attentat 2015 s’explique très facilement. La menace de mort a persisté bien après le 7 janvier 2015. Sauf que l’hyper-vigilance, ça use.

 

C’est seulement lorsque le journaliste Philippe Lançon a commencé à aller mieux que son frère , Arnaud, qui venait le voir tous les jours à l’hôpital, s’était autorisé à s’occuper de lui. Et à consulter pour lui. Camille Emmanuelle a également ressenti ça. Et, moi, je me suis aperçu en lisant Ricochets que j’avais ressenti ça pour ma fille, prématurée, qui avait passé deux mois et demi à l’hôpital dès sa naissance. Tous les jours, nous allions la voir à l’hôpital.  C’est trois à quatre ans après cette période que j’ai commencé à penser à consulter. Et que je me suis dit que nous aurions dû le faire bien plus tôt. Dans la situation de ma compagne et moi, il n’y avait pas eu d’attentat mais il y avait bien eu un trauma : il y a des naissances plus heureuses et plus simples. Or, nous avions compté sur nos propres forces, ma compagne et moi, pour cette naissance difficile.

 

Et, il y a un autre point commun, ici, entre notre expérience et celles de certaines victimes d’attentats : si  parmi les gens qui nous entourent, certains ont d’abord exprimé une réelle empathie, ensuite, la situation a en quelque sorte  été  rapidement « classifiée » pour eux. Ils sont restés extérieurs à l’expérience, pensant que cela coulait de source pour nous, et ont vaqué à leurs occupations. Parce-que ce n’est pas la première fois qu’il y a eu un attentat. Qu’il y a la « résilience ». Ou que l’on est suffisamment « fort » et que l’on va « rebondir ». Ou être « proactif ». Ou, aussi, parce-que cette situation les mettait mal à l’aise ou leur faisait peur : «  Je ne sais pas quoi dire… ».

 

Comme Camille Emmanuelle, sans doute, avec son mari après les attentats, je n’ai pas recherché et n’aurais pas aimé que l’on me plaigne à la naissance de ma fille. En outre, je mentionne ici sa prématurité mais ordinairement je ne le mentionne pas. Je n’aimerais pas devoir en permanence parler de ce sujet. Et, c’est sûrement pour lui échapper que je me suis beaucoup impliqué en reprenant des cours de théâtre au conservatoire un peu avant sa naissance (environ dix heures de cours par semaine). Et que trois ans plus tard, alors que ma fille allait mieux, j’ai perdu de façon étonnante ce « besoin » de faire du théâtre.

 

On peut trouver indécent que je rapproche de cette expérience d’attentats ce que j’ai pu vivre avec la naissance de ma fille. Moi, je crois que certaines expériences de vie ont en quelque sorte des « troncs communs ». Et que, même si certaines situations sont bien sûr plus extrêmes que d’autres, qu’elles ont néanmoins une certaine parenté avec d’autres situations de vie. Dans son livre, Camille Emmanuelle relève bien que l’expérience traumatique de son viol par soumission chimique, en 2012, aux Etats-Unis, l’a sans doute préparée à pouvoir d’autant plus facilement se mettre à la place de son mari après les attentats du 7 Janvier 2015. Même si, évidemment, elle se serait bien passée de ce viol. Même si son mari n’a pas été violé et a toujours conservé son intégrité corporelle intacte.

Elle nomme aussi les trois attitudes adoptées par l’être humain face à un stress ou un danger extrême:

Fight, Flight or Freeze : Se battre, fuir ou se figer.

Une psychiatre ou une psychologue qu’elle interroge explique que ces trois attitudes humaines sont normales. Et que se battre, selon les situations, n’est pas toujours l’attitude qui permet de rester en vie.

 

Une sorte de conclusion :

 

L’ouvrage de Camille Emmanuelle m’a plusieurs fois fait penser au livre Je ne lui ai pas dit au revoir : Des enfants de déportés parlent de Claudine Vegh, paru en 1996, seul ouvrage, je crois, à ce jour, de cette…pédopsychiatre.

 

Des attentats, une enfant prématurée, la déportation…on peut se demander quels rapports ces sujets ont-ils à voir ensemble.

 

Le Deuil.

 

D’ailleurs, pour moi, à plusieurs reprises, l’attentat « de » Charlie Hebdo a imposé à celles et ceux qui sont restés, un deuil impossible. Initialement, d’ailleurs, avant de commencer à écrire cet article, j’avais prévu de commencer par ça :

 

Par écrire Le Deuil impossible.

 

Mais ce n’est pas ce que raconte Camille Emmanuelle dans son livre. Ce n’est pas ce que l’existence de ma fille raconte, non plus. Claudine Vegh, par contre… mais son ouvrage est à lire.

 

Camille Emmanuelle donne aussi des conseils pour celles et ceux qui se retrouveraient dans la même situation qu’elle. Si elle rencontre des avocats, d’autres victimes directes ou par ricochets, des psychiatres, psychologues, mais aussi d’autres personnes, ce qui lui permet, aussi, de reposer un peu sa conscience, elle donne quelques coups de pouce.

 

Elle conseille de ne pas recourir à l’alcool ou à une quelconque substance (cannabis ou autre) peu de temps après un événement traumatique. Pour cause de risque d’addiction.

Même la prescription classique de lexomil serait à éviter. Il semblerait que la prescription de bêta bloquants pourrait être préconisée selon les individus.

 

Elle conseille d’éviter de se livrer dans les média. Pour cause d’amplification d’un effet boomerang de nos propos sous l’effet de l’émotion. Elle fait aussi un travail de recherche sur les effets des réseaux sociaux (ou les média) après qu’un de ses articles ait été lu plus de …600 000 fois après l’attentat de Charlie Hebdo.

 

Elle raconte aussi les désaffections de certaines personnes proches, et les simples connaissances devenues des proches. 

 

J’ai retenu, dans ce qui l’avait aidé et qui l’aide :

 

Ecrire, regarder (ou lire) des fictions, faire du Yoga, faire de la boxe anglaise, consulter, déménager, quitter Paris, trouver un endroit calme, faire l’amour avec son mari/ou sa femme (lorsque c’est possible), dormir, reprendre le travail…

 

Elle cite aussi plusieurs auteurs ou psychologues ou psychiatres reliés au trauma. J’ai mémorisé en particulier l’ouvrage Panser les attentats de Marianne Kédia.

 

Franck Unimon, ce dimanche 21 novembre 2021.

 

 

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Photos

Arts de la rue, Paris 13 ème : Mardi 16 novembre 2021.

Paris, gare St Lazare, mardi 16 novembre 2021. Une femme écoute un chanteur lyrique ( au centre) au milieu des voyageurs alors que je me rends à la Porte Dorée.

             Arts de la rue, Paris 13 ème, Mardi 16 novembre 2021     

 

Je suis en retard sur mes morts : des articles à écrire, des films à voir, des livres à lire, des expériences à vivre, des Maitres d’Arts martiaux à connaître, des mots à nourrir. Mais lorsque l’amie C…m’a parlé de cet endroit dans le 13ème arrondissement de Paris où il y avait une exposition d’arts de rue ou Street Art à laquelle elle voulait se rendre, j’ai répondu « oui ».

 

Cela fermait à 18h. Ce mardi 16 novembre 2021, nous nous sommes donnés rendez-vous au métro Porte Dorée à 16h30.

 

Nous sommes arrivés en retard chacun, notre tour. Moi, plus qu’elle. Elle arrivait du travail. J’arrivais de l’écriture.

Paris, Mardi 16 novembre 2021.

 

Ensuite, notre trajet aurait pu être plus court. Mais cela ne nous a pas contrarié même si la nuit commençait à nous torcher. Nous avons préféré marcher par ce temps assez froid et humide à côté de la ligne du tram et du bus. Des cyclistes pressés nous frôlaient régulièrement malgré les pistes cyclables. C’était la première fois, moi qui suis un pratiquant du vélo « Taffe », que je connaissais une telle proximité imposée par des adeptes du vélo « musculaire ».

 

Paris, Mardi 16 novembre 2021.

 

Arrivés sur les lieux, nos yeux ont dû se faire à la pénombre. A première vue, les meilleures conditions pour voir ces fresques avaient presque disparu. Sauf qu’approchées par  l’obscurité mais encore sensibles au regard,  ces fresques, ces dessins, ces tags et ces graffitis ont aboyé des secrets. Nous n’avons pas pu tous les parcourir et les photographier. Nous avons prévu de revenir.  

 

 

Paris, Mardi 16 novembre 2021.

La première fresque sur laquelle nous sommes tombés avant d’arriver à destination. Une oeuvre nous indiquant que nous nous rapprochions de l’endroit que nous recherchions. 

 

 

Après être passés sous un ou deux ponts, plus ou moins sombres, devant quelques tentes et leurs occupants, nous avons encore marché un peu.  Nous dépassons un café éclairé où se trouvent des étudiants. Il n’y a pas beaucoup de monde là où nous nous tenons. Cela fait drôle pour un lieu d’arts répertorié. Mais c’est très pratique pour le découvrir et faire des photos. 

 

Au fond, à gauche, sur le mur, Angela Davis, vraisemblablement dans les années 70.

 

Un artiste est encore présent. Lorsqu’il fera davantage nuit, celle qui est avec lui l’éclairera. Nous ne sommes restés qu’une vingtaine, voire une trentaine de minutes. Car on nous a fait comprendre ( les gardiens des lieux apparemment, lesquels faisaient du “Rap” pendant que nous visitions) à un moment donné que c’était “fermé”. Qu’il nous restait à voir d’autres fresques, plus grandes, que nous en aurions alors  pour “deux à trois heures”. Mais un autre jour, entre 11h et 18h.  

En prime abord, la beauté des fresques ne me saute pas aux yeux. Mais j’aperçois Angela Davis, telle qu’elle était dans les années 70. Un symbole militant pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis. Celle qui avait été proche des Black Panthers. Qui croyait au communisme.  Qui avait connu une histoire d’Amour avec l’un des Frères de SoledadGeorges Jackson mort en prison. Celle qui avait été déclarée l’ennemie publique numéro Un aux Etats-Unis et suspectée pour un meurtre qu’elle n’avait pas commis. Et qui avait dû fuir avant de finir par être arrêtée, toujours aux Etats-Unis. Une mobilisation internationale, y compris en France, avait contribué à l’innocenter.

 Aujourd’hui, Angela Davis  est une lesbienne assumée dont le militantisme a perduré. Un documentaire lui a été consacré il y a quelques années ( Free Angela Davis par Shola Lynch en 2012). Mais elle est beaucoup moins médiatisée que dans les années 70. Cela m’étonne de tomber sur “elle”, comme ça, en 2021. Certains symboles perdurent, oui. Mais je n’attendais pas celui d’Angela Davis qui m’avait particulièrement parlé, adolescent, et dont j’étais allé voir le documentaire ( réalisé par Shola Lynch) qui lui avait été consacré . 

 

Cette image de Manu Dibango m’a beaucoup touché. Lui, qui est décédé il y a quelques mois du Covid. Avant Jacob Desvarieux ( Jacob Desvarieux).J’ai instantanément entendu dans ma tête l’air de Soul Makossa devant cette fresque. Un air qui, lui, aussi, comme cette image d’Angela Davis, doit avoir maintenant un demi-siècle. Les décès de Manu Dibango et de Jacob Desvarieux ne m’attristent pas grâce à leur musique. A toute cette musique qu’ils ont créé et qu’ils ont laissé. Qu’ils ont pu créer et pu laisser. Il est donné à  peu de personnes de pouvoir laisser ou de léguer un héritage qui a davantage à voir avec la vie. Et, pour moi, Manu Dibango fait partie de ces personnes même si ce n’est pas l’artiste que j’écoute le plus. Cette lumière qui arrive par dessus et qui laisse une partie de son “corps” dans l’ombre lui rend encore plus hommage. 

 

 

Sur le mur opposé à “Angela Davis” et ” Manu Dibango”, il y a, entre autres, cette oeuvre, qui, éclairée, telle quelle, avec ce regard, peut suggérer un autre ferment que celui de la douceur. 

 

 

La même oeuvre lorsque je l’ai d’abord vue. A gauche, tout à fait indépendamment, on peut reconnaître la figure du musicien Frank Zappa. Un artiste aujourd’hui oublié mais qui a beaucoup fait pour la musique. 

 

Je triche avec la chronologie des découvertes. Il est possible que j’aie “faite” celle-ci après certaines parmi celles qui vont suivre. 

 

L’acte de dessiner et de reproduire est un acte ancien chez l’être humain. Ces oeuvres, et toutes ces heures données et passées à les constituer, par des personnes qui ont perpétué cet acte du dessin et de la reproduction jusque là, dont certaines ont peut-être arrêté de dessiner et de reproduire depuis, donnent aussi de l’espoir. Aux artistes et à celles et ceux qui s’arrêtent. Tandis qu’autour d’eux, partout et en permanence, la destruction et l’oubli surgissent. J’ai pensé à toutes ces personnes – et il y en a sûrement beaucoup- qui passaient aux alentours, tous les jours, de cet endroit. Dans le tramway. Dans les bus. Dans les trains. Dans le métro de la ligne 14. Dans les restaurants. Dans les magasins. Dans les universités. Même dans les librairies et les cinémas.

Le dessin, c’est du sang. Celui de la vie qui s’étend et qui reste. On affirme le contraire lorsque l’on ne s’arrête pas- ou plus- pour regarder. 

 

              Ils vous attendent.

 

 

 

Il y avait le Magret de Canard. Il y a désormais le Magritte de Covid. 

 

 

 

 

La nuit s’avance.

 

 

Je n’ai pas pensé à leur demander depuis quand ils étaient là. Nous avons fait de notre mieux pour ne pas les déranger. Mais il en faut de l’envie pour continuer, comme ça, pour “rien”, pour le plaisir. A moins d’être vraiment-encore- jeune, désintéressé et sûrement aussi, un peu, déraisonnable. C’est peut-être aussi pour cela que ces fresques me parlent encore.  

 

En voyant la photo, C…m’a fait remarquer la forme de l’ombre. C’est vrai que l’on dirait qu’un animal aide l’artiste. Et qu’ils sont deux sur le mur. Avec l’éclaireuse qui permet de ne pas se perdre, ils sont maintenant trois. Avec l’oeuvre, ça fera quatre. En plein jour, cela ne se voit pas. 

 

 

 

 

 

 

En situation réelle, lorsque l’on capte un tel regard, il est déja trop tard. Mais cette fois, le mur ne bougera pas.

 

 

On dit parfois qu’il faut savoir baisser ou fermer les yeux. On préférait que celui-là, Doc Fatalis, les lève. Mais, bien-sûr, il ne le fera pas.

 

 

L’appréciation de l’Art fait oublier que certains endroits, empruntés avec un autre état d’esprit, pourraient passer pour dangereux ou maléfiques. 

 

 

 

 

Oeuvre d’Isaac Bonan.

 

On nous a d’abord dit qu’il n’était plus l’heure ! Que c’était fermé ! La voix nous est parvenue en provenance des rappeurs qui, jusque là, nous avaient plutôt ignorés. C… leur a demandé ce qu’il y avait à fermer…

 

 

Il nous a finalement été accordé de regarder rapidement. Il était 17h55. 

 

La physionomiste nous a laissé entrer dans le noir. 

 

 

C… a éclairé pendant que je photographiais. 

 

 

Cet homme très détendu m’a répondu qu’il n’avait pas le temps pour une interview. 

 

 

Dissimulés dans l’obscurité et parfaitement silencieux, ces assaillants auraient pu nous surprendre sans la lumière déployée par C….

 

 

 

 

La Baby-sitter. J’ai du mal à connaître la raison pour laquelle, malgré les apparences, j’ai envie de croire que cette divinité ou cette créature est plutôt bienveillante et protectrice. C’est peut-être son regard qui m’inspire. 

 

 

 

J’avais entendu parler de l’isolement et de la grande précarité de beaucoup d’étudiants à la suite de la pandémie du Covid. Mais j’ai découvert, là, l’existence de ce ” genre” d’épicerie sociale et solidaire.

 

 

 

 

 

Nous avions terminé notre “tour” pour cette fois. Finalement, nous étions un peu dans une grotte où le temps s’était arrêté. Et, là, nous retournions à la “civilisation”.

 

C…m’a laissé choisir. Après avoir hésité, nous avons opté pour un repas à emporter que nous avons mangé dehors, assis précisément sur ces bancs que dépasse la dame. Il n’y a pas d’ironie de ma part avec cette photo. Le cadre m’a plu et nous étions près d’une salle de cinéma. Même s’il s’agit d’un multiplexe. A l’intérieur, j’ai aussi appris que le festival de cinéma Chéries, chéris LGBTQ+ aurait lieu du 20 au 30 novembre. Cela fait des années que je n’y suis pas allé. Certains films seront projetés dans ce multiplexe. D’autres au MK2 Beaubourg et au MK2 Quai de Seine.  

 

Franck Unimon, jeudi 18 novembre 2021. 

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Au Palais de Justice

Extorsion en bande organisée : suspension de séance

Paris, photo prise le 16 novembre 2021.

                 Extorsion en bande organisée : Suspension de séance

 

Dix minutes. C’est la durée de la suspension de séance décidée par le président.

 

Une musique d’ambiance pourrait être mise pour « relâcher » l’atmosphère. Mais nous sommes dans la cour d’assises d’un tribunal en plein Paris. Et non dans une discothèque. Un plaignant s’est exprimé et a aussi été interrogé. 87 500 euros ont été exigés de lui. Il a raconté un « calvaire » qui a duré six mois. Jusqu’à ce qu’il décide de porter plainte. ( Lire Extorsion en bande organisée : Des hommes dans un garage et les avocats de la Défense ) 

 

Six accusés ont assisté à ces échanges. Trois dans le box, gardés par des gendarmes qui se sont relayés. Trois assis de profil devant la ligne des avocats de la défense.

 

Sitôt la durée de la suspension de séance prononcée, la salle Georges Vedel se vide.

Les personnes assises devant et derrière moi, mais aussi sur le côté, sortent. Il est un peu plus de 13h45. Lorsque je suis arrivé vers 10h, l’audience avait déja commencé.  

 

J’ai faim. Mais dix minutes, c’est court. Je décide de rester. Je me sens très bien, assis. Si personne ne me demande de sortir, je reste assis. En sortant, l’avocat de la Défense aux cheveux gominés, le premier des avocats de la Défense à s’être adressé au plaignant, celui que j’avais ensuite vu passer son bras autour du cou de la femme à qui il avait parlé dans le creux de l’oreille, me sourit. Je dissèque ce sourire comme l’adresse du séducteur d’expérience plus que comme une marque de sympathique. C’est mon parti pris. Je sors une des compotes de mon sac et la bois.

 

Je n’attends rien de particulier. Cependant, dans la salle, pendant ces dix minutes où tout le monde est sorti, à quelques mètres devant moi, il se passe quelque chose.

Je me dis que j’ai bien fait de rester. Manger, aller aux toilettes, passer ou recevoir un coup de téléphone, fumer une cigarette, discuter, cela peut être nécessaire en dix minutes et important pour la suite. Mais, ici, aussi, ce que je vois maintenant est important.

Un des accusés dans le box, assez grand, peut-être le plus grand des trois, s’est retourné. Debout, il parle à un des gendarmes. On dirait une discussion. Du moins dirait-on que cet homme, parmi les accusés, parle à ce gendarme comme s’il était ailleurs que dans un tribunal. L’homme est assez volubile, détendu. Le gendarme qui l’écoute, aussi, bien qu’une certaine distance physique subsiste. Non loin de là, ses deux autres collègues gendarmes sont bien présents.

 

Je ne sais si le gendarme écoute le prévenu par intérêt. Ou s’il l’écoute par curiosité et par politesse. Le prévenu, lui, semble chercher à convaincre de sa bonne foi ce gendarme qui ne le juge pas.

 

La jeune avocate de la défense, celle que dans la vie courante j’aurais plutôt eu envie de protéger, revient avec à manger et deux petites bouteilles d’eau. Le genre de nourriture (sandwich avec du pain de mie ou autre) que l’on achète dans des distributeurs. Elle le tend aux prévenus dans le box.

Le prévenu « parlant », remet aussitôt au gendarme ce qu’il vient de recevoir afin que celui-ci l’inspecte. Un seul coup d’œil suffit au gendarme pour donner son accord.

 

Peu après, le même prévenu, parle à l’avocate de la Défense qui a donné « chaud » au plaignant en l’acculant avec ses questions. Dès que la suspension de la séance avait été prononcée par le juge, je l’avais vue sortir en souriant alors qu’elle discutait, en toute décontraction, avec un des avocats de la Défense. Peut-être celui des « colorations » ou celui qui avait évoqué un vice de procédure parce-que le plaignant lui avait donné l’impression de lire des notes.

 

Cette avocate «  qui donne chaud » est revenue avant plusieurs de ses collègues de la Défense mais aussi avant la fin des dix minutes.

 

Toujours le même prévenu, qui semble le meneur des trois, parle maintenant à cette avocate. Il pose sa main sur sa manche de l’avocate. La vitre du box des accusés mais aussi trente bons centimètres de hauteur les séparent tant il est plutôt grand. Et, elle, plutôt petite. Cependant, à nouveau, elle est souriante et très détendue. Même sans cette vitre entre eux, on comprend que seule, avec lui, elle n’aurait pas peur. Une relation de grande confiance, voire de complicité, est visible entre les deux.

 

Je n’ai pas du tout perçu ça entre le plaignant et son avocat. Il est vrai que je n’ai pas entendu l’avocat du plaignant beaucoup s’exprimer. Mais un autre avocat, apparemment du plaignant, présent, lui, dans la salle, ne m’a pas fait une impression aussi mémorable lorsqu’il a pris la parole.

 

En constatant ce contraste, le prévenu apparaît être un gentil garçon ; ou l’avocate, une personne très rouée pour pouvoir être aussi à l’aise avec un homme ( l’accusé) qui, lorsqu’il est libre, est sûrement beaucoup moins affable lors de certaines circonstances.

Je me fais des idées. Car je m’imagine que réclamer de l’argent, faire pression sur quelqu’un, lorsque l’on est ni banquier, ni percepteur des impôts, cela se fait autrement qu’au moyen d’un courrier que l’on envoie. Le destinataire de cette réclamation ou le débiteur désigné est, je crois, susceptible d’accuser corporellement réception de quelques coups. Ou d’apprendre concrètement à les envisager dans un avenir toujours trop immédiat.

 

Toute cette trame est absente de ce que je vois. Sans cette cour d’assises et ces gendarmes, je pourrais penser qu’il y a juste quelques personnes qui restent là à discuter comme partout ailleurs. On pourrait remplacer cet endroit par la terrasse d’un café ou d’un restaurant. Et ces gens que je regarde seraient alors des gens comme il y en a tant. Ordinairement. Quotidiennement.

Paris, gare St Lazare, mercredi 16 novembre 2021.

 

Franck Unimon, mercredi 17 novembre 2021.

 

 

 

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Au Palais de Justice

Extorsion en bande organisée : Des hommes dans un garage et les avocats de la Défense

Photo prise le lundi 8 novembre 2021, au Palais de justice de la Cité. Paris. C’est dans une autre salle que s’est déroulée l’audience à laquelle je fais référence.

Extorsion en bande organisée : Des hommes dans un garage et les avocats la Défense

( On peut lire avant cet article Extorsion : Trouver la salle d’audience )

Une dette à payer

 

 

Ce lundi matin, l’audience a déjà commencé. Six accusés sont présents. Trois sont dans le box. Derrière eux, autant de gendarmes. Devant eux, la ligne des avocats de la défense. Cinq ou six avocats de la défense sont assis à une table. Deux ou trois ordinateurs portables sont en marche devant eux. A côté de chaque avocat, sa pile de dossiers et de documents. Trois femmes. Autant d’hommes ou presque. Devant les avocats de la défense : trois autres accusés assis de profil, les uns derrière les autres. Ces prévenus ont entre 30 et 40 ans de moyenne d’âge. Le plaignant est également dans cette moyenne d’âge.

 

On le regarde et l’entend – le plaignant- en hauteur sur deux écrans. Celui-ci est assis devant une table. A ses côtés, son avocat en robe noire.

 

Le plaignant répond aux questions du juge. Et raconte. Un jour, des hommes sont venus dans le garage auto qu’il dirige alors. Ils lui ont appris qu’il devait 87 500 euros à une de ses connaissances, K ( la lettre du prénom a été changée pour des raisons d’anonymat).

 

L’un des avocats de la défense intervient et évoque un vice de procédure : il fait remarquer que le plaignant semble lire des notes sur la feuille posée devant lui ! Le plaignant dément. Son avocat prend la feuille et vient la rapprocher de la caméra. A part la date du jour, il n’ y a rien d’écrit sur la feuille. Le juge fait savoir que rien n’interdit au plaignant d’avoir des notes.

 

A la suite de ce « racket », le plaignant est amené à se rendre dans diverses villes de la région parisienne ( où le plaignant réside) à la demande de ceux qui le pressent de payer. Celui-ci explique qu’il a aussi dû effectuer des réparations à « l’œil ».

 

La première visite de ses agresseurs remonterait à décembre 20…. Le juge parle de « l’épisode relativement violent où vous êtes frappé ». Le plaignant acquiesce. Après avoir donné une certaine somme d’argent, il s’est mis d’accord avec ceux qui lui forcent la main de rembourser 5000 euros par mois. « Des ponctions ». Ainsi que pour accepter de faire des réparations gratuites pour eux, leurs amis. Il raconte qu’il a aussi été sollicité pour ouvrir une ligne de crédit. Afin que ceux qui le molestaient puissent avoir accès à ses fournisseurs gratuitement et, ce, aux frais de son garage.

 

Le plaignant raconte qu’il est allé chercher ses économies en espèces chez ses parents pour un montant de 9000 euros. Qu’il a obtenu qu’un de ses amis lui prête 3000 euros alors que celui-ci avait besoin de cette somme pour partir à l’étranger. Des collègues ont pu lui prêter 35 000 euros. Et il a réussi par ailleurs à récupérer 20 000 euros.

Il lui a été dit «  Si on vient, c’est pour K…. ». Le juge constate :

 

« Vous avez lâché K très tard. Avec beaucoup de difficultés… ».

Porter plainte

 

Le juge : « On s’interroge tous. Pourquoi vous avez attendu pour déposer plainte ? »

Le plaignant : « J’ai tenu jusqu’au moins de juin. Ça a sûrement été une grosse erreur ».

 

« Comment expliquez-vous que cette menace ne se soit jamais matérialisée ? ».

Nous apprenons que le plaignant est surnommé Madoff. Celui-ci raconte avoir été obligé de se rendre dans un bar à chicha. D’avoir reçu un coup de tuyau à Chicha derrière la tête. De s’être fait frapper par plusieurs personnes. De s’être retrouvé au sol, replié en boule. «  Ne serre pas la main à ce fils de pute, il n’y a pas d’argent ! ». Un homme l’a sommé de trouver une solution dans les dix minutes, autrement, une pince à chicha dans la main :

 

« Je te crève les yeux avec ! ».

 

Le plaignant raconte que lorsque l’un de ses agresseurs l’appelait chez ses parents, il était obligé de répondre dès la première sonnerie. «  Comment va ton père ? ». Ensuite, son interlocuteur lui demandait de l’argent. «  J’comprends pas » commente le plaignant.

Il y a eu un incendie dans son garage. Il aurait été suspecté. Il répond :

« Suspect ? Non. Je suis témoin assisté ». Le plaignant explique qu’il y a eu un non-lieu. Un appel. « Je suis toujours témoin assisté ».

 

« Comment ces individus ont pu vous convaincre de les payer ? ».

 

« C’est pas des enfants de chœur. Ça se voit directement. N’importe qui aurait réagi comme moi ».

 

« Est-ce que vous avez vu un psychiatre ensuite ? ».

 

Oui, il a vu une psychologue.

 

L’Avocat général

L’avocat général prend la parole :

 

« D’abord, je voudrais dire que je vous trouve plutôt courageux. Je le dis comme je le pense. Vous avez maintenu ce que vous avez dit. C’est important pour moi ».

 

L’avocat général précise que lorsque l’on entend parler de la première fois où ces hommes sont venus dans son garage, que l’on a l’impression que cela a duré peu de temps :

 

« Est-ce que vous pouvez nous dire combien de temps ça a duré ? ».

 

« ça a duré longtemps. Deux à trois heures ». Le plaignant dit que le bornage des téléphones permet de le savoir.

 

L’avocat général : « Qu’est-ce qui se passe pendant ces deux heures trente de temps ? ».

 

Le plaignant : « Déjà, on voit sa vie défiler. Après, j’ai appelé tout mon répertoire pour ramasser de l’argent…ça prend du temps. Il fallait que je laisse le haut parleur quand j’appelais….des gens que je n’avais pas eus au téléphone depuis un p’tit moment. Donc, il fallait d’abord prendre des nouvelles…. ».

 

L’avocat général : « Comment on arrive à se souvenir ? Qu’est-ce qui est marquant ? Est-ce que vous pouvez le dire à la cour d’assises ? ».

 

Le plaignant : «  Monsieur, tout est marquant. Pendant six mois, c’est un calvaire. C’est un traumatisme. Plus j’en reparle et plus il y a des choses qui reviennent ».

 

L’avocat général : « Ma question est un peu provocatrice. Quel serait votre intérêt d’avoir inventé tous ces détails ? De donner de tels détails ? Sauf si vous avez une déficience ou une maladie nosographiquement répertoriée par la psychiatrie ».

 

Le plaignant : «  Oui, je suis encore traumatisé. Sinon, je serais avec vous en salle. J’ai même peur de sortir. J’ai peur d’être suivi. Je suis redevenu salarié. Je veux plus les voir. Même voir leur visage, j’ai pas envie. Ils m’ont bousillé ma vie. Je veux être tranquille ».

 

Un des jurés (vraisemblablement) se lève et l’interroge.

 

Le plaignant : « Je n’ai pas fait Sciences Po mais on voit que c’est des professionnels. Ce n’est pas leur premier coup (….).

 

L’avocat général ? : « Je suis désolé, j’ai fait Sciences Po…mais j’ai eu du mal à calculer le préjudice…. ». « S’il n’y a pas de dettes, pourquoi ils viennent vers vous ? Vous avez expliqué qu’ils étaient bien renseignés sur vous. En juin 20… ( six mois après le début des faits), vous avez déposé plainte. Comment se fait-il qu’ils arrivent avec cette somme de 87 500 euros ? ».

 

Le plaignant : « Mr B…savait même que le garage n’était pas encore à mon nom. Donc, ce sont des gens très professionnels. Très bien renseignés ».

 

Du flouze et des flous

 

S’ensuivent des interrogations sur l’identité de Mr K qui se serait plaint que le plaignant ait une dette envers lui. Ce que le plaignant dément. Selon lui, il aurait remboursé Mr K de la somme qu’il lui devait (20 000 euros). Et il ne voit pas la raison pour laquelle Mr K serait mêlé à cette histoire. Le plaignant affirme aussi ne pas connaître le nom et l’identité de ce Mr K qu’il a pourtant rencontré à plusieurs reprises. Le plaignant peut dire de Mr K, qu’il l’a toujours vu « sale ». Pour le présenter comme quelqu’un de très travailleur.

 

L’avocat général prend la parole pour affirmer :

« S’il y a quelqu’un qui doit donner l’identité de Mr K, c’est les accusés et pas vous ! ».

 

Le plaignant souligne qu’il y avait un litige entre les deux recouvreurs de dettes qui faisaient pression sur lui. Comme s’il y avait une compétition entre eux. A qui obtiendrait le premier les remboursements qu’ils lui réclamaient. « Ils parlaient de dossiers ». Le plaignant en déduit que ces deux hommes exerçaient du racket sur d’autres personnes.

 

Mes impressions :

Je suis en totale empathie avec le plaignant. Je suis aussi agréablement surpris : pour une fois que le procureur est sympa. Je n’ai pas aimé l’intervention de l’avocat de la défense au début avec cette histoire de feuilles et de notes. J’ai vu ça comme une tentative de déstabilisation du plaignant.

 

Mais je retrouve déja ce fossé entre, d’une part, les principaux acteurs de la cour qui s’expriment bien, qui ont fait de hautes études et qui appartiennent à une classe sociale élevée. Et le plaignant qui, malgré ses efforts et son entreprise ( il a l’air d’être bon en mécanique) est un homme d’un milieu social « limité ».

 

C’est ensuite au tour des avocats de la défense.

Les avocats de la Défense

Après quelques regards et quelques échanges, les avocats de la défense se décident rapidement entre eux afin de savoir lequel d’entre eux va prendre la parole le premier.

C’est finalement un avocat aux cheveux noirs gominés, qui porte des lunettes, d’une quarantaine d’années qui, pour commencer, s’adresse au plaignant, en s’avançant jusqu’à l’un des micros.

 

Le premier avocat de la défense récapitule :

 

« Le 1er décembre 20…, une incursion a lieu dans votre garage. Des gens vous disent qu’ils sont bien renseignés sur vous. Que vous disent-ils exactement ? ».

 

Le plaignant :

 

« Ils me disent que mon frère va ouvrir un restaurant à A…ce que j’ignorais. Ils connaissent l’adresse de mes parents. Ils savent aussi que je suis propriétaire ( à l’étranger) ».

 

L’avocat de la défense :

 

« C’est quoi, aujourd’hui, les raisons de vos craintes ? Il y a 15 gendarmes ! ».

 

Le plaignant : « Ce sont des gens très professionnels. J’ai dû changer d’adresse ».

 

L’avocat de la défense :

« Depuis votre plainte, il n’y a jamais eu de problèmes ? ».

Le plaignant : «  Non ».

 

L’avocat de la Défense : « C’est finalement vous qui pensez….c’est votre ressenti ».

 

Mes impressions

Avec ses cheveux gominés, et sa façon de gommer les aspects de la violence de la situation, je vois cet avocat de la défense comme un roublard. En le voyant ensuite assis devant moi, son bras passé autour du cou de la femme à qui il parlera dans l’oreille avec aisance, il me fera d’autant plus l’effet de celui qui parade. Plus tard, lors de la suspension de séance, en quittant la salle, il m’adressera en passant un sourire que je prendrai davantage comme une attache de séduction que pour un réel geste de bienveillance et de sympathie.

 

La seconde avocate de la défense :

La cinquantaine, les cheveux quelque peu ébouriffés, elle se lève et s’approche du micro. Après le « Bonjour Monsieur » d’usage comme son confrère précédent, elle commence.

 

« Vous nous avez dit que vous êtes un honnête travailleur….depuis 2013, pouvez-vous nous dire votre CV ? »

«  A combien estimez-vous votre revenu déclaré en 2016 ? ».

« Est-ce que vous avez un joli véhicule ? Une belle montre ? ».

 

Le plaignant répond que sur les réseaux sociaux, il a pu se montrer en photo près de sa belle voiture.

 

L’avocate de la défense pointe que sa société n’était pas à son nom. « C’est un ami » explique le plaignant.

 

L’avocate de la défense demande s’il a un compte bancaire. Oui.

« Ce n’est pas ce que vous avez déclaré, mais ce n’est pas grave ». Le plaignant conteste. Pendant trois à quatre bonnes minutes, l’avocate de la défense cherche dans son dossier la déclaration à laquelle elle fait référence. Puis, elle annonce la cote du document à la cour.

 

« Le diable se cache dans les détails » poursuit l’avocate de la défense. Celle-ci dit devant la cour que cet ami dont le nom se retrouve sur sa société «  est connu pour avoir renversé une personne âgée ».

 

« Pour quelqu’un qui menait grande vie, vous n’aviez pas de compte bancaire. Donc, vous aviez menti au juge d’instruction » avance l’avocate de la défense.

 

Le plaignant répond avoir acheté une Bentley 32 800 euros. Mais elle était «  en très mauvais état ». Il ajoute : « Je suis toujours en procédure ». Le véhicule , qui a été revendu, a été immobilisé.

 

Le policier qui était son conseil, Mr M, « a été condamné » informe l’avocate de la défense. Celle-ci continue. D’après ses recherches, il est décrit comme

« Un très mauvais gestionnaire » ; «  Un puits sans fond » ; « avec une montre de merde ». Elle demande au plaignant :

 

« Comment vous vous définiriez ? ».

 

Le plaignant : « Comme un très bon gestionnaire ».

L’avocate de la défense : « Ce n’est pas ce qui ressort de votre dossier, je vous le dis ! ». «  Vous ne le savez peut-être pas ! ».

 

L’avocate de la défense : « Ces gens s’en prennent rarement à des personnes qui n’ont pas d’argent. En général, ils s’en prennent à des patrons de boites de nuit. Alors que vous, vous n’avez rien ! ».

 

Le plaignant : «  Vous avez l’air très bien renseignée, peu importe ».

 

Mes impressions :

Je suis partagé. Avec son style ébouriffé et apparemment bordélique, cette avocate de la défense a d’abord l’air à côté de ses pensées. Alors qu’elle s’entortille autour de son dossier tel du lierre, se resserre, puis  se montre particulièrement opiniâtre. D’un côté, son style « fripé » un peu à la Columbo  me plait. D’un autre côté, comme je suis encore en empathie avec le plaignant, je vois dans son attitude un certain manque de respect mais aussi beaucoup d’agressivité déplacée envers celui que je continue de voir comme innocent. Et plus à protéger qu’à attaquer.

 

C’est ensuite au tour d’un troisième avocat de la défense.

 

Le troisième avocat de la défense :

Cheveux très courts. Il a à peine la quarantaine mais, néanmoins, un aplomb certain.

 

A nouveau, cela commence par un bonjour d’usage poli puis :

 

«  J’ai peu de questions. Avant, je faisais un peu de Droit des affaires….ces 20 000 euros ( que le plaignant affirme avoir rendu devant témoins à Mr K), vous les avez déclarés au fisc ? ».

 

Le plaignant reconnaît que non.

L’avocat de la Défense : « A partir de 750 euros, vous êtes obligé de les déclarer ».

Le plaignant :

«  Je ne savais pas ».

 

L’avocat de la Défense : « Pourquoi vous ne les avez pas empruntés à la banque ? ».

Le plaignant explique qu’il avait dépassé les 33% de son taux d’endettement en créant et en ouvrant son garage.

L’avocat de la défense :

« Celui qui prétend qu’il a payé doit prouver qu’il a payé. Il y a un écrit ? On trouve des formulaires sur internet. C’est très bien fait sur google. Vous savez ce que c’est, une facture ? ».

 

Le plaignant répond et affirme avoir remboursé sa dette.

 

L’avocat de la défense : « Non. Ce n’est pas vrai. On n’a pas lu le même dossier ». « Tout va bien depuis que tout le monde est en prison ? ». « Je n’ai pas envie de vous embêter avec ça….(….) vous sortez un peu dans Paris ? (….) vous longez les murs….(….) Si je vous donne le Libertalia, vous connaissez ? ».

 

Le plaignant connaît cet endroit. Il y est déjà allé. L’avocat de la défense lui demande quand il y est allé pour la dernière fois. Le plaignant peine à se souvenir. 3 ans ? 5 ans ?

 

L’avocat de la Défense annonce qu’il a une preuve attestant qu’il s’y est rendu….

 

Le juge intervient alors à l’encontre de l’avocat de la défense :

 

« Vous n’êtes pas aux Etats-Unis ! Si vous abordez le sujet, vous devez verser la pièce au dossier ! C’est tout à fait déloyal ! »

 

 

Mes impressions :

Je suis heurté par le manque d’empathie de l’avocat de la défense pour le plaignant. Tout est bon pour le bousculer. Y compris le fait de faire passer le plaignant pour un abruti.

 

4ème avocate de la Defense, 2ème conseil d’un des accusés :

 

Si mes souvenirs sont bons, il s’agit d’une jeune femme, d’à peine trente ans, dont l’allure, dans la vie réelle, la ferait passer pour une personne douce faisant partie des espèces que l’on aurait plutôt envie de protéger ou d’escorter.

 

Après un bonjour poli d’usage, elle prévient :

Elle est en total désaccord avec ses déclarations….” comme vous allez très vite  vous en rendre compte “.

« Vous avez une propension à aller au commissariat… ». (….) « Dommage que vous ne l’ayez pas dit au juge d’instruction » (….) « Est-ce que c’est normal, pour une victime traumatisée, d’être entendue 11 fois par la SDPJ  ( Sous-direction de la Police Judiciaire )? ».

Le plaignant : «  Je n’en sais rien ».

L’avocate de la défense : «  Alors, je vais vous l’apprendre, Monsieur…. ».

 

L’avocate s’appuie un moment sur le bornage de la téléphonie mobile pour affirmer que, contrairement à ses dires, un des accusés était absent lors d’une des transactions de racket.

 

Le juge intervient de nouveau :

« Non, Maitre ! Vous ne pouvez pas dire ça ! La téléphonie n’est pas une preuve incontestable de l’absence de quelqu’un ».

L’avocate de la Défense reprend :

« C’est assez impressionnant, le nombre de vos versions, Monsieur. Mais vous allez nous l’expliquer ». (….) « Vous venez vous adapter, si vous me le permettez, aux questions que l’on vous posait…moi, je ne comprends plus…. » (….) « Il n’y a pas de bonne réponse,monsieur ! ». (….)

Mes impressions :

Cette impression que les avocats de la défense, par tous les moyens qu’a leur inspiration, tentent d’imposer au plaignant la reconstitution du puzzle qu’ils se sont faites mais, aussi, qui les arrange. Je prise peu, cette mauvaise foi et aussi ces coups de griffe qu’ils adressent  au passage, l’air de rien, au plaignant, et qui imposent un certain mépris à celui ou celle qui n’est pas de leur « race ». Leur « race » étant leur bord et celles et ceux qui défendent. On peut bien-sûr voir leurs remarques et leurs astuces comme une mise en scène. Mais ce n’est pas eux qui jouent leur vie ou leur moral ou leur réputation. J’ai l’impression qu’ils disposent d’un certain droit de tuer peut-être aussi meurtrier ou plus meurtrier que celles et ceux qui commettent des meurtres de chair et de sang. Sauf que leur droit de tuer est récompensé et salué par la société.

Je n’aime pas non plus le fait qu’ils jouent sur le temps et l’usure dont ils semblent disposer à leur gré pour faire plier ou supplicier celle ou celui qu’ils ciblent. Plusieurs fois, un avocat ou une avocate de la défense a lancé «  j’ai encore une avant dernière question. Non, finalement, trois… ». Il y a une sorte de sadisme de leur part, je trouve, dans leur façon d’interroger. Une certaine manière de séquestrer psychologiquement celle ou celui qu’ils confrontent en vue de le posséder. On dit que le but d’un jugement est de se rapprocher de la vérité. Mais je me demande si tout cela est un prétexte. L’autre but est peut-être aussi de tenter de disposer de la destinée d’autrui et de la faire se déplacer  vers un trajet autre que celui de sa propre volonté.

 

L’avocate-lierre ( pour la défense) aux cheveux ébouriffés reprend la main :

 

« J’ai cru ne pas comprendre….vous m’avez dit quoi ? pour votre activité plus ou moins occulte…. ».

 

Le juge intervient de nouveau :

« Vous avez mal entendu, Maitre ».

L’avocate-lierre (pour la défense) :

« Je ne peux pas prendre de notes quand je suis à la barre, Monsieur le Président ».

 

La cinquième avocate de la Défense :

 

C’est une femme brune d’une trentaine d’années, plutôt ronde. Jusque là, elle s’est peu fait remarquer. Elle doit à peine mesurer 1m65. Spontanément, si je l’avais croisée dehors, je lui trouverais une certaine douceur. Peut-être le cliché dû aux rondeurs. Car de tous, ce sera celle qui cognera, le plus fort et le plus longtemps, le plaignant dans les angles.

 

Elle commence par un « Bonjour » comme d’habitude. Puis :

 

« Est-ce que vous suivez l’actualité ? ». L’avocate de la Défense enchaîne ensuite sur un article récent du journal Le Parisien sur le logiciel Orion que la gendarmerie envisage d’utiliser pour détecter les mensonges en recoupant les propos employés dans les déclarations.

«  Si on avait passé vos auditions au logiciel Orion, on ne s’en sortirait pas ». (…..) . Avec un grand sourire, l’avocate parle de «  suivre le menteur jusqu’à sa porte ».

« Comment vous expliquez la somme de 87 500 euros ? ».

Le plaignant : «  Je vais répondre pour la troisième fois ».

L’avocate de la Défense : « Même une quatrième fois, s’il le faut ! ». (….) « C’est quand vous avez été acculé que vous avez daigné… » ( ….) « Vous avez répondu plus ou moins jusque là…. » (….) « Comme vous dites, tout et son contraire, on ne sait plus ! ». (….) «  Je sais, vous avez chaud ! ».

 

Le plaignant : «  Je n’ai pas du tout chaud, Madame. Vous me donnez chaud ! ».

Grand sourire- presque sympathique- de l’avocate de la Défense :

« Je vous ai un petit peu bousculé » ( ….) « On a prouvé que vous avez menti…. » (…) « Je suis désolée » (…..) « Chaque fois que l’on vous demande de prouver quelque chose, il n’y a pas de traces… » (….) « Je ne suis pas dans votre vie ! ».

 

Il est expliqué (par le plaignant ?) qu’il avait eu le projet de vendre un véhicule 83 000 euros. Ce véhicule a été réquisitionné par le policier qui aurait été en cheville avec les personnes qui l’ont racketté.

 

Agacé d’être «  un petit peu bousculé », le plaignant lâche à l’avocate de la Défense :

« Lisez le Parisien, vous avez raison, Madame ! ».

 

L’avocate de la Défense :

« J’ai une question sur X…vous dites quoi sur X ? Il a quoi à faire dans notre affaire ?! » (….) « ça s’apparente à des menaces. Vous faites la différence entre violences et menaces ? ». (….) « Je veux juste comprendre votre psychologie, c’est ça qui m’intéresse ! » (…..) « Vous êtes quelqu’un d’intelligent, c’est pas possible de me dire ça ! »

 

Lorsque cette avocate de la Défense a débuté, il était 12h55. Son intervention devait être assez courte. D’autant que le plaignant avait répondu au juge qu’il devrait partir à 13h. Etant donné qu’on lui avait dit de prendre «  sa demi-journée ». Il travaille à 14h et, pour être l’heure, il lui fallait impérativement partir à  13h. Or, il est 13h30 lorsque cette confrontation se termine. A plusieurs reprises, cerné, dépité, débouté, le plaignant a soit tardé à répondre, soit lâché : «  Si vous le dites ! ». Un moment, se tournant vers son avocat, il a voulu refuser de répondre tant il se sentait agressé par l’avocate de la Défense. Son avocat l’a alors enjoint à répondre. Le plaignant s’est alors plié à l’exercice devant une avocate de la Défense le pressant crescendo. «  C’est trop facile de ne pas répondre ! ».

 

Plus tôt, concernant les coups ( avant ceux « portés » par l’avocate de la Défense) que le plaignant dit avoir reçus dans le bar à chicha, l’ami chez qui il s’est refugié quelques jours ensuite en Belgique a affirmé aux enquêteurs ne pas avoir remarqué de traces de coups sur lui. Le plaignant maintient sa version. Les coups ont été portés sur son thorax (« Je ne me déshabille pas devant mon ami ») et derrière la tête. Ce qui, selon lui, ne se voit pas forcément. Et, il n’est pas allé voir un médecin car, autrement, avec le certificat médical, il serait parti « porter plainte ». « Bonne réponse » avait alors dit l’avocate de la Défense. Mais cela, c’était dans les débuts de leur « échange ». A la fin de celui-ci, le plaignant  finit par lâcher :

«  Hé bien, le jour où vous aurez vécu ce que j’ai vécu, vous comprendrez…. ».

 

Mes impressions :

 

Encore une fois, l’agressivité frontale et les insinuations- en termes de jugement mais aussi de domination- de l’avocate de la Défense m’ont dérangé. Cependant, dans les propos, cette avocate de la Défense, peut-être plus que les autres, fait corps à corps avec le plaignant. Des expressions comme  « Je ne suis pas dans votre vie ! » ou «  je veux juste comprendre votre psychologie, c’est ça qui m’intéresse ! » laissent penser que nous sommes plus dans une relation intime et passionnelle que dans une salle d’audience. Une relation intimepassionnelle et publique qu’elle impose au plaignant et qui ne peut que, en tant qu’homme hétérosexuel et marié,  l’embarrasser et lui faire perdre une partie de ses moyens comme de ses défenses. Par moments, que ce soit avec cette avocate de la Défense et/ou une autre, je perçois dans certains propos des allusions à la supposée impuissance virile du plaignant. Ce n’est jamais dit comme tel. Mais glissé dans les expressions par petites touches. Et on appuie.

 

La démonstration de cette avocate de la défense, à la suite des interventions des autres avocats de la défense, est si imposante qu’elle me marque plus que les éventuels mensonges du plaignant. A ce stade-là, je ne me dis pas encore que le plaignant a tout faux. Je remarque surtout la prestation de cette avocate de la Défense. Et, même si j’ai du mal avec toute cette agressivité et ces insinuations qu’elle déverse après ses consoeurs et confrères  je me dis qu’en cas de nécessité, j’aimerais bien avoir cette personne comme avocate. Mais surtout pas comme compagne : Maitre Keren Saffar.

Quant à L’avocat de la Défense aux cheveux gominés, il s’agit de Maitre Raphaël Chiche.

 

 

Il est donc 13h30. Le plaignant aurait dû partir à 13h pour arriver à l’heure à son travail où il est désormais salarié. Et, c’est là que s’avance un dernier avocat de la Défense. Il s’était déjà un petit peu exprimé. Cet avocat de la Défense a une bonne cinquantaine d’années. Il a l’aura-et le verbe élégant- de l’avocat qui étincelle. Ses phrases sont des mouchoirs à la ponctuation fine et délicate repassée de près. Mais  elles s’emparent de tout ce qu’elles approchent. Le plaignant proteste. Il est déjà en retard pour son travail. Il est aussi trop tard pour échapper à l’avocat de la Défense qui, dans la facilité et le sourire, l’entourloupe et lui fait comprendre qu’il va rester pour répondre à quelques questions. Il en a juste « pour cinq minutes » assure-t’il.

Les « cinq minutes » du Sixième avocat de la Défense :

 

Je croyais avoir bien entendu son nom lorsqu’il l’a prononcé. J’avais entendu Maitre Viguier. Mais je n’en suis pas sûr. Celui-ci commence par :

 

« Que faisait votre femme  dans le garage ? » (….) « Avez-vous fait des photos ? » (…) « J’ai une dernière question ou peut-être une avant dernière ? ».

 

Soulagé par le « tact » de cet avocat de la Défense, le plaignant dit «  à vous, je vais vous répondre ».

Le plaignant répond que sa femme s’occupait de la gestion (ou de le comptabilité) du garage.

L’avocat de la Défense qualifie les réponses ou les affirmations du plaignant comme étant «  les plus alourdissantes en termes de coloration ». L’avocat de la Défense ajoute :

 

« Je ne suis pas d’emblée convaincu par ce que vous venez de dire ». Rappelant au plaignant que son courage avait été salué par l’avocat général, l’avocat de la Défense conclut :

« Moi, j’ai surtout l’impression que vous n’avez peur de rien ».

 

Mes impressions :

L’avocate précédente de la défense a opéré un très beau travail au corps du plaignant. Pour la première fois, celui-ci a eu du mal à répondre comme il le faisait jusqu’alors en étant concentré, sûr de lui , et fournissant force détails. Il ne reste plus beaucoup de temps avant que celui-ci s’en aille. D’autant qu’il a répondu qu’il n’avait pas de disponibilité dans l’immédiat pour être à nouveau interrogé. Donc, autant s’engouffrer pendant qu’il reste quelques minutes, dans le travail de brèche réalisé dans la défense du plaignant.

 

 

Ensuite, c’est au tour de l’avocat qui avait fait « un peu de Droit des affaires » de reprendre la parole. Celui qui s’est cru aux Etats-Unis d’après la remarque du juge.

 

Le plaignant proteste à nouveau. Il est alors plus de 13h30. Il devait partir à 13h.

 

L’avocat de la Défense qui avait fait « un peu de Droit des affaires » justifie le fait de retenir et de retarder encore un peu plus le plaignant par un « Il me reste 30 secondes sur les 5 minutes » dit avec un discret sourire.

Cet avocat de la Défense reste sur son parcours au Libertalia. ( Un lieu dont je n’avais jamais entendu parler. Je m’attendais à un endroit quelconque ou plutôt à éviter. Mais en regardant sur le net, j’ai vu que c’était plutôt assez select). Il poursuit :

« Mr Z (un des accusés)…a été physionomiste au Libertalia. Il vous a laissé entrer gratuitement. Vous avez pu échanger tranquillement. Vous avez été filmé. Vous avez un beau verre à la main ».

Le plaignant ne semble pas plus dérangé que cela par cette “révélation” lorsqu’il prend congé et quitte l’écran.

Ensuite, cet avocat de la Défense s’adresse à la greffière. Le juge intervient :

« Faisons les choses simplement. Pourquoi vous vous adressez à ma greffière ? Passez par moi ».

 

L’avocat de la Défense s’exécute. Puis, le juge traduit à la greffière la demande de l’avocat de la Défense de joindre au dossier telle preuve relative à la vidéo montrant le plaignant devant le Libertalia.

 

Le plaignant s’en va à 13h35.

 

Le juge répond à l’avocate de la Défense-Lierre  aux cheveux ébouriffés et qui semble à côté de ses pensées:

« Non ! Ce n’est pas possible d’avoir une suspension d’audience par correction pour le témoin qui attend »

 

L’entrée du témoin :

Mr V a été associé du plaignant. Le plaignant a plusieurs fois cité cet homme comme étant présent lorsqu’il a remboursé Mr K.  Mais aussi comme pouvant témoigner de certains faits de violence qui se sont déroulés dans son garage (celui que dirigeait alors le plaignant).

 

Il est pratiquement 13h45 lorsque le témoin, Mr V, entre dans la salle d’audience.

 

Il est demandé au témoin de décliner/confirmer son identité. Ce qu’il fait. Le juge s’adresse à lui :

« Cela fait deux heures et demie que vous attendez. Vous est-il possible d’attendre encore un petit peu avant de témoigner ? ». Le témoin répond que c’est possible. Le juge le remercie et prononce une suspension de séance de dix minutes. Le témoin retourne dans la pièce où il attendait.

 

Mes impressions :

Coupable ou innocent, je me dis que passer dans le tamis des questions et des remarques des avocats de la Défense, du procureur, des juges, et, avant eux, des officiers de police ou de nos propres avocats est une épreuve éreintante qui peut détruire. J’ai bien-sûr au moins pensé aux victimes des attentats du 13 novembre 2015 dont le procès a débuté début septembre jusqu’en avril ou mai 2022. Je comprends que certaines des victimes de ces attentats du 13 novembre 2015 aient préféré éviter de venir témoigner au tribunal. Dans mon prochain article, qui sera plus court, je parlerai du témoignage de Mr V après la reprise de l’audience.

 

Franck Unimon, ce vendredi 12 novembre 2021.

 

 

 

 

 

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Au Palais de Justice

Extorsion : Trouver la salle d’audience

Paris, au Palais de Justice de l’île de la Cité, ce lundi 8 novembre 2021. Prêter Serment.

 Extorsion : Trouver la salle d’audience

( cet article suit l’article Au Palais de Justice).

Ce lundi 8 novembre 2021, il n y a pas de barrières pour bloquer la route qui mène au Palais de justice de l’île de la Cité. Je suis étonné. Je me demande s’il y a des jugements. Alors que je viens pour assister au procès des attentats du 13 novembre 2015.

 

Dans la cour, un jeune gendarme m’indique aimablement où aller pour me rendre au procès.

 

On s’y perd un peu dans le Palais de justice. Il n’y a pas beaucoup de monde. Peut-être parce-que les audiences ont déjà commencé.

 

Dans les toilettes, je croise un jeune homme noir, élégant dans son costume bleu ou violet, qui me dit bonjour. Je me dis qu’il est nouveau dans le milieu. A la sortie, il ne peut pas m’indiquer où aller. Puis, j’aperçois le panneau qui indique le procès des attentats du 13 novembre 2015.

 

Je monte des marches. Prends un escalier vers la salle Victor Hugo. Je tombe sur deux gendarmes qui renseignent.  A travers la vitre d’une porte, j’aperçois des gens de la Cour, debout en train de parler.

L’un des deux gendarmes m’apprend que ce n’est pas ici. Il m’explique comment m’y rendre.

Il me répond que ce procès, tout près d’eux, est « complet ». Impossible d’y entrer. Je demande quand même de quel procès il s’agit :

Celui du meurtre de Mireille Knoll.

C’est à l’ « accueil directionnel » où se trouvent deux hommes, que j’apprends vraiment, qu’aujourd’hui, le procès des attentats du 13 novembre 2015 n’a pas lieu. Sous le regard d’apprenti d’un jeune d’une vingtaine d’années, c’est le plus ancien, la cinquantaine, qui me répond et m’explique ça.  Il me dit que « demain » (ce mardi 9 novembre), mercredi et vendredi, le procès des attentats du 13 novembre 2015 aura lieu. Puis que la semaine prochaine, si j’ai bien retenu, le procès aura lieu du mardi, je crois, jusqu’au vendredi. Mais que je ne pourrai pas entrer dans la salle. Ce que je savais déjà. Je lui demande :

« Y’a t’il quand même un procès où je peux aller ? ». Il me répond « oui, oui » et m’indique où aller derrière moi dans la salle Georges quelque chose dont j’ai du mal à comprendre le nom. Mais j’ai bon espoir de trouver. Car j’ignore alors comme le Palais est grand.

Non loin de là, je vois un attroupement de personnes joyeuses. On applaudit. On sort son téléphone portable pour prendre des photos. Quelques oiseaux blancs filent sous le plafond. Depuis que je suis entré, je ne sais pas ce que j’ai le droit de photographier. Là, je me sens autorisé à le faire alors que je me rapproche de cette foule qui acclame celles et ceux qui viennent de prêter serment.

Lundi 8 novembre 2021, Paris, au Palais de la Justice de l’île de la Cité. Prêter Serment.

 

Prêter serment :

 

Prêter serment est un très grand engagement. Je suis surpris du décalage entre cette joyeuse humeur et la lourde tâche du travail futur de ces personnes qui sortent de la salle avec leur robe noire, le sourire aux lèvres.

 

Puis, je reprends mon chemin. Un long couloir. Un sol clair. Immaculé. Je ne crois pas faire affront en prenant quelques photos.

Paris, Palais de la Justice de l’île de la Cité, lundi 8 novembre 2021.

 

 

 

Je ne brise aucune instruction, aucun secret. Je ne prends en photo aucune personne reconnaissable ou a priori recherchée. Le fait d’avancer dans des longs couloirs plutôt vides me donne l’impression de me faufiler. Ces grands espaces, cette hauteur sous plafond, le lustre et l’Histoire de l’endroit imposent le respect.

Paris, Palais de la Justice de l’île de la Cité, Lundi 8 novembre 2021.

 

 

Je tombe sur un homme égaré. Comme moi. Il vient à ma rencontre et me sollicite afin que je le guide. Sa convocation à la main, il ne sait où aller. Il me montre le plan qu’on lui a remis à l’entrée et me dit «  On est là ». Mais je ne sais pas lire les plans. J’ai du mal avec l’espace reproduit sur des plans. Un employé passe. Je le questionne. Il réfléchit. La salle d’audience où je veux aller ne lui dit rien. L’endroit où doit se rendre cet homme, à peine plus. Pourquoi, comment ? Nous descendons de larges escaliers près de nous. En bas de ces escaliers, en passant devant des toilettes, nous trouvons son lieu d’audience. Mais il ne sait pas ce qu’il doit faire. Il ne sait pas où est son avocat. J’ouvre la porte. Une femme d’autorité m’intime aussitôt de la refermer :

 

« On viendra vous chercher ! ».

 

Sur la porte, parmi d’autres, j’ai lu le mot Mineurs et aussi Affaires sociales. Mais mon « homme » n’a pas une tête de mineur. Celui-ci m’apprend avoir rendez-vous à 10h. Il est 9h45. Je lui dis :

 

« ça va ! Vous êtes même en avance ». Il ne sourit pas. Ne semble pas plus rassuré que cela. Il me remercie néanmoins. Avant de le quitter, je lui souhaite bonne chance et lui demande de quel pays vient-il : Le Mali.

 

 

Peu après, je trouve la salle d’audience que je cherche : La salle d’audience Georges Vedel. Je ne sais pas ce qu’a fait cet homme. Je ne crois avoir jamais entendu parler de lui. Un gendarme sort. Je lui demande si je peux assister à l’audience. Bien-sûr ! Lui et son collègue, la vingtaine prolongée, m’accueillent avec décontraction et sympathie. Ils me demandent de vider mes poches de tout objet métallique type clé etc…avant de passer au détecteur. Puis, je récupère mes affaires une fois passées aux rayons X.

On m’informe que je n’aurai pas le droit de filmer ou de prendre des photos dans la salle.

 

Avant d’entrer, je demande de quoi parle le procès en question, dans cette cour d’assises.

Une histoire d’extorsion m’apprend-t’on. Pour 87 500 euros. Les gendarmes m’informent que je peux sortir de la salle d’audience quand je le souhaite.

 

Lorsque j’entre, un gendarme me montre l’endroit où m’asseoir : sur les bancs, en bois, de gauche. Les bancs de droite sont réservés à des témoins ou à des proches si j’ai bien compris. Devant moi, sur le côté, une jeune femme tape sur son ordinateur portable. Elle semble retranscrire ce qu’elle observe. Ce qu’elle entend.

 

Je vois trois prévenus derrière un box. Derrière eux, deux ou trois gendarmes. Deux ou trois autres gendarmes sont dans la salle et se déplacent. Je verrai les gendarmes dans le box permuter avec d’autres gendarmes venus les relayer. Plus tard, derrière le juge, je verrai deux portes s’entrouvrir et deux ou trois autres gendarmes entrer. En moyenne, ces gendarmes ont la trentaine, des physiques de sportifs, et sont habillés et parés pour l’action. Rien à voir avec le gendarme de St Tropez avec Louis de Funès ou Benoit Poelvoorde qui pourrait se promener en bermuda, marcel, jambes maigres, ventre à raclettes et claquettes.

 

Pourquoi des gendarmes assurent-ils la sécurité dans un palais de Justice ? Parce-que, m’a depuis appris un collègue, les gendarmes sont formés au maintien de l’ordre. Ils sont les équivalents des CRS voire sont des CRS. Le policier ou le gardien de la paix n’est pas formé au maintien de l’ordre comme ils le sont. Le maintien de l’ordre ne se résume pas à sortir son arme et à tirer. C’est aussi appliquer des stratégies de retrait, de désencerclement ou d’encerclement.

 

Cependant, à la cour d’assises, l’atmosphère est plutôt sereine. Sereine et concentrée. Les avocats de la Défense, cinq ou six ou plus (dont trois ou quatre femmes), sont assis derrière leur table sur laquelle, pour certains, se trouve un ordinateur portable en étant de marche. A côté, un dossier constitué d’une pile de documents.

 

Sur un écran, je vois et entends le plaignant qui répond aux questions du juge. Le plaignant est assis devant une table. A ses côtés, en robe noire, son avocat ou l’un de ses avocats. Un stylo ou un crayon ainsi qu’une feuille sont devant le plaignant.

Un autre écran est situé face à la défense. L’image est nette. Le son est bon. 

Dans la rangée où je suis assis, dans le public, nous sommes alors à peine cinq personnes. Dans la rangée de bancs de droite, pareil.

 

Je comprendrai plus tard que les trois hommes assis l’un derrière l’autre de profil devant les avocats de la Défense, face à la cour, font aussi partie des accusés. Derrière la cour, manifestement, répartis sur la largeur de la cour, les jurés. A droite de la cour, l’avocat général. Et une autre personne dont je ne connais pas la fonction.

 

Il est alors à peu près dix heures du matin. Je pense alors rester jusqu’à 13h. Jusqu’au moment de la pause déjeuner. Je sortirai finalement de là à 14h30 à peu près.

Paris, au Palais de Justice de la Cité, Lundi 8 Novembre 2021.

 

(à suivre)

 

Franck Unimon, ce mardi 9 novembre 2021.

 

 

 

 

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Au Palais de Justice

Au Palais de Justice

Paris, ce lundi 8 novembre 2021, vers 10h.

                                              Au palais de Justice

 

Mardi 9 novembre 2021, 7h15

Cette nouvelle catégorie de mon blog balistiqueduquotidien est particulière. Je viens de me lever pour l’écrire. Ce n’est pas tôt. Je peux me lever encore bien plus tôt ou me coucher bien plus tard dans la nuit pour écrire. Lorsque c’est comme ça, l’action de boire et de manger attend ou attendra.

 

Enfant, naïvement, j’ai voulu être avocat. J’avais moins de dix ans. Je me rappelle avoir défendu la « cause » de quelqu’un. J’étais tellement touché par l’injustice à laquelle j’assistais que je m’étais mis à pleurer.

 

 Ma plaidoirie n’avait pas été prise en compte. Le copain ou le camarade que j’avais essayé de sauver avait été condamné. Cependant, il avait eu la vie sauve.

 

Enfant, j’ai voulu faire plusieurs métiers. Policier, pompier et footballeur le plus souvent et, une fois, avocat.

 

Une seule fois, chez des amis de mes parents, je me souviens avoir ouvert une sorte de guide de droit qui se trouvait là. Je m’ennuyais sans doute parmi ces adultes et j’aimais lire. Je suis tombé sur un article qui concernait le droit familial. Et, vu que je me rappelais avoir porté le nom de jeune fille de ma mère jusqu’à mes six ans, j’avais appris que mes parents avaient ensuite dû aller faire une déclaration devant le juge afin de pouvoir m’attribuer le nom de mon père. J’avais alors interrogé mes parents chez ces amis. Je me souviens de ma mère qui avait alors confirmé que, oui, c’était vrai.

 

Enfant, on sait se satisfaire de réponses et d’actions simples pour des sujets complexes. Dès l’instant où l’on se sent aimé- et en confiance- par celles et ceux qui nous entourent et nous répondent. Plus tard, cela peut devenir plus difficile à faire. Soit nous devenons plus critiques et plus exigeants. Soit, aussi, celles et ceux qui nous ont entouré et aimé plus jeunes disparaissent. Et celles et ceux qui les remplacent ou que nous choisissons ensuite, à nos yeux, ne font pas l’affaire. Ou, sans  celles et ceux qui nous élevés ou que nous avons connus plus jeunes, près de nous, nous avons du mal à nous tenir « droits ». D’autres fois, aussi, nos modèles de départ, nos parents, notre famille mais aussi notre entourage, bien qu’aimants et disponibles, nous ont donné des exemples de vie qui, au regard de certaines lois, ne sont pas durables.

 

Première expérience d’audience dans un tribunal

 

J’étais soit au collège ou au lycée la première fois qu’avec un de nos professeurs, avec ma classe, à Nanterre, nous sommes allés au tribunal. Dans ce très haut bâtiment de la Préfecture de Nanterre. Un bâtiment très familier situé à une vingtaine de minutes à pied à peu près de là où nous habitions, alors. Au delà du grand parc de Nanterre qu’ado, j’ai beaucoup plus connu pour mes séances d’entraînement d’athlétisme que pour aller m’y promener. J’étais déjà, aussi, passé quantité de fois devant ce bâtiment de la préfecture dans le bus 304 pour aller aux Pâquerettes chez une de mes tantes maternelles. Où j’aimais aller jouer avec un de mes cousins.

Mais j’avais aussi pris le 304 bien des fois pour aller rejoindre ma mère qui travaillait alors à l’hôpital de Nanterre, pas très loin des Pâquerettes, des Glycines, des Canibouts… il était fréquent de voir des SDF ( on disait “clochards”) alcoolisés et allongés en face de l’hôpital. 

L’hôpital de Nanterre ou hôpital Max Fourastier, aujourd’hui, s’appelait La Maison de Nanterre et dépendait alors de la Préfecture de Paris. C’était plusieurs années avant la construction de la Maison d’arrêt de Nanterre.

 

Ce  jour où nous étions au tribunal avec ma classe, je me souviens du jugement d’un grand adulte. Il avait une vingtaine d’années. Il était jugé pour récidive. A nouveau, il avait exhibé ses parties intimes devant une petite fille. Il triturait nerveusement quelque chose qu’il avait dans ses mains. Il était terrorisé. A l’entendre, on comprenait que cet homme, adulte pourtant, avait un retard mental. Il parlait comme un petit garçon. Sauf qu’il avait un corps, la tête et la force d’un homme. Si j’avais croisé cet homme dans la rue, moi, qui, comme beaucoup de garçons, a été éduqué dans l’admiration de la grandeur et de la force physique, j’aurais été intimidé en cas de conflit. Alors, qu’aurait pu faire une petite fille si cet homme avait entrepris de la saisir et de lui faire connaître pire ? Cette question, je ne me l’étais pas posé ce jour-là. Je l’ajoute aujourd’hui.

 

L’homme avait été sermonné comme un enfant. La Loi lui avait parlé. Et, il avait dû être condamné à du sursis. A cette époque, les bracelets électroniques n’existaient pas. Je ne crois pas que l’on ait parlé de suivi psychologique pour lui et cela n’aurait d’ailleurs servi à rien.

 

Après le jugement, nous avions débattu avec notre professeur. C’était peut-être en troisième, au collège public Evariste Galois. Avec notre prof principale, notre prof de Français, Mme Epstein, qui nous avait emmené voir E.T au cinéma à la Défense. Ainsi qu’une pièce de théâtre au Théâtre des Amandiers : Combat de Nègres et de chiens par Bernard Marie Koltès

 

Cela collerait bien avec la personnalité de Mme Epstein de nous avoir fait vivre cette expérience. Elle, qui nous avait proposé, un jour, de faire venir le Dr Francis Curtet, spécialiste des addictions.

 

 Mais je ne suis pas sûr que ce soit elle qui nous ait emmené au tribunal assister à une audience. A ma première audience. Car je ne me souviens pas du visage de celle ou celui qui nous y avait accompagné.

 

Seconde expérience d’audience dans un Tribunal

 

J’ai connu ma seconde audience dans le public au Palais de Justice de l’île de la Cité. Près de St Michel, à Paris. J’avais vingt ans de plus. En grandissant, j’avais ensuite voulu devenir champion du monde d’athlétisme en sprint, kinésithérapeute dans le sport, journaliste, écrivain, poète, acteur. J’étais devenu infirmier diplômé d’Etat.

 

A la Fac de Nanterre, où j’avais passé trois ans après mon diplôme d’infirmier – ce qui avait étonné quelques unes de mes camarades puisque j’avais déjà un diplôme et un travail !- j’avais très bien identifié le bâtiment où se tenaient les cours de Droit. Je n’y suis jamais entré. Pour moi, les cours de Droit, cela rimait avec les partis politiques de droite et d’extrême droite. Mais aussi avec des personnes issues de classes sociales bien plus favorisées que la mienne. Sans oublier toutes ces plâtrées de lois et de textes aux tournures de phrases alambiquées qu’il fallait s’enfoncer dans la tête et ingurgiter.

Et, à aucun moment, il ne m’était apparu que pendant mes trois années d’études d’infirmier, j’avais aussi dû m’enfoncer «  dans la tête et ingurgiter » des « plâtrées » de connaissances. Car, ces « connaissances » infirmières acquises avaient pour moi un effet et un pouvoir concret immédiat afin de me permettre rapidement d’avoir un travail et de gagner ma vie. Alors que l’issue concrète d’études de Droit m’apparaissait sûrement à la fois trop étrangère, trop floue et trop lointaine. Soit l’opposition classique et magistrale entre ce qui pousse certaines et certains à « choisir » – et aussi à s’y tenir- des études courtes plutôt que des études longues.

 

Sans surprise, aujourd’hui, je ne pouvais pas me satisfaire de mes études d’infirmier en soins généraux. Après quelques années de diplôme, après le DEUG d’Anglais, après le service militaire, après avoir commencé à passer un brevet d’Etat d’éducateur sportif, j’avais d’abord choisi d’aller travailler en psychiatrie générale avec un public adulte à Pontoise.

 

Lors de cette seconde audience dans un tribunal, j’étais infirmier dans un nouveau service, en pédopsychiatrie, à Montesson. La pédopsychiatrie était une spécialité que je découvrais dans ce service depuis un ou deux ans lorsqu’un de nos collègues avait été très content de nous proposer de venir voir son grand frère plaider au tribunal, à Paris.

 

Son grand frère, né à Nanterre comme ce collègue et moi, avait réussi. Il était maintenant un avocat reconnu et pas n’importe où.

 

Ce grand frère avocat nous avait accueilli avec amabilité. Nous étions plusieurs soignants du service à être présents. Il nous avait même payé le repas dans le self ou le restaurant du tribunal.

 

J’ai oublié le motif du jugement. Je me rappelle d’une femme procureur, noire, plus caricature de procureur, et assez brouillonne. Et de l’éloquence du grand frère de ce collègue commençant par raconter, comment, plus jeune, il passait du temps à assister aux audiences au tribunal de Nanterre… jusqu’à ce que son père finisse par venir le chercher.

 

Avant de plaider, le grand frère de ce collègue nous avait dit que la procureur avait tellement mal travaillé qu’elle lui avait « ouvert des boulevards ». En effet, lorsqu’il avait commencé à plaider, par contraste, sa démonstration avait été magistrale. Sauf qu’il avait fini par être un peu trop long à mon sens.

 

J’avais été néanmoins content de cette nouvelle expérience. Et j’avais bien vu, aussi, la grande fierté de ce collègue d’être le petit frère de cet homme qui avait réussi. Je m’étais aussi dit que je retournerais dans un tribunal pour assister à des audiences.

 

En Guadeloupe, sans doute après cet épisode, une fois, en passant devant un tribunal, alors que nous y étions en vacances mon jeune frère et moi, j’avais un moment envisagé d’y entrer. Après avoir aperçu un magistrat ou un avocat dans sa parure sur les marches blanches. Mais mon frère m’avait fait comprendre comme il trouvait mon idée, une fois de plus, incongrue. Je n’avais pas insisté et avais continué de conduire vers notre destination, peut-être vers Basse-Terre.

 

Les Attentats du 13 novembre 2015

 

Hier, c’est le procès des attentats du 13 novembre 2015 qui m’a ramené dans un tribunal. Une volonté que j’ai eue assez vite lorsque j’ai su que ce procès allait commencer…le 8 septembre 2021. Jusqu’à fin Mai 2022.

 

 Cependant, auparavant, je m’étais rendu à une des audiences du procès ( Du 2 septembre au 10 novembre 2020) des attentats « de » Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’hypercacher de Vincennes. Dans le nouveau Tribunal de Paris, situé à la Porte de Clichy, ce « plus grand centre judiciaire d’Europe » ouvert en 2018.

 

J’avais pris des notes lorsque j’étais allé à cette audience du procès des attentats « de » Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’hypercacher. J’avais commencé à écrire un article. Puis, j’ai laissé s’endormir cette volonté. Peut-être que le sujet était-il trop conséquent pour moi. Que j’avais trop traîné pour venir assister à ce procès. Et/ou que je me suis dit, en lisant les comptes rendus de Charlie Hebdo de ce procès, que je n’apporterais rien de différent ou de plus.

 

Néanmoins, le fait d’aller dans un tribunal m’avait à nouveau « plu ». Tant pour le déroulement de l’audience que, d’abord, pour tout le décorum et les protocoles d’accès au tribunal. Les personnes lambda comme moi se rappellent de l’existence des tribunaux et des procès lorsqu’il y a des « affaires » marquées médiatiquement. Ou lorsqu’elles doivent venir s’y justifier, ce qui est plutôt exceptionnel pour la majorité des personnes lambda. Autrement, nous passons à côté de ce qui se déroule quotidiennement dans des tribunaux qui sont des mondes à la fois clos (on n’y entre pas comme dans un commerce qui nous accueille presque à cartes de crédit et à caddies ouverts) mais pourtant suffisamment accessibles pour celle ou celui qui souhaite prendre le temps de venir les découvrir. Comme de s’y rendre régulièrement. Afin d’assister à des audiences. Ou d’y circuler là où c’est autorisé.

 

 

Une institution publique prestigieuse

Un tribunal, pour moi, c’est en principe une institution publique prestigieuse. Que ce soit par les murs ou par les personnes qui y exercent de hautes fonctions (magistrats, procureurs, avocats….). Pourtant, cette institution publique prestigieuse, comme d’autres institutions publiques prestigieuses, est souvent méconnue de la majorité des gens lambda comme moi. Même si « nul n’est censé ignorer la Loi ».

 

 Combien de fois suis-je passé devant un tribunal ou une autre institution publique prestigieuse  (l’assemblée nationale ou une Grande Bibliothèque) sans même envisager, de temps en temps, d’y entrer afin d’apprendre ?

 

Je ne compte plus.

 

Nous vivons dans un monde et dans une société inégalitaire. Mais lorsque nous pouvons bénéficier de certains apprentissages et vivre certaines expériences qui sont à notre portée, nous préférons rester dans ce que nous connaissons et savons faire. Par confort, conformisme, et sûrement, aussi, pour rester avec les autres. Les autres que nous choisissons ou que nous avons choisi.

 

Hier, je suis allé assister à une audience parce-que j’ai accepté d’ y aller seul. Une fois de plus. Certaines décisions, bonnes ou mauvaises, se prennent et se vivent seul. Avant de pouvoir retourner ensuite, si c’est possible, avec les autres. Celles et ceux que l’on a choisi, qui nous ont accepté ou qui semblent le faire.

 

 

Aujourd’hui, je n’écrirai pas plus car ce serait un article trop long. Mais je crois que c’était important de préparer cette nouvelle rubrique ou catégorie de mon blog par ce préambule. Même si, ensuite, si cette rubrique ou cette catégorie dure, celles et ceux qui la découvriront en cours de route ignoreront tout de ce préambule.

Paris, ce lundi 8 novembre 2021, vers 15h, après être sorti du Palais de justice.

Franck Unimon, ce mardi 9 novembre 2021. 9h45

 

 

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Argenteuil Théâtre

Garde à vue à Argenteuil

Argenteuil, dimanche 7 novembre 2021.

Garde à Vue à Argenteuil

 

 Une garde à vue dans un temple protestant. Cela s’est passé hier après-midi, dimanche, à Argenteuil.

Et, j’ai été consentant.

 

Le dimanche après-midi a longtemps pu être un enfermement chez soi. Mais on peut être enfermé de tellement de façons différentes. On sort à peine d’une cellule ou d’un ennui que l’on entre dans un autre ou dans une autre.

Argenteuil, dimanche 7 novembre 2021.

 

Hier après-midi, je suis allé voir l’adaptation théâtrale du film Garde à vue de Claude Miller. Parce-que je connais Daniel Muret, qui s’est occupé de la mise en scène, ainsi qu’Evelyne Fort. Ils représentent tous deux la compagnie Willy Danse Théâtre, à Argenteuil.  

 

J’avais fait leur connaissance après mon arrivée à Argenteuil, à la médiathèque, il y a plus de dix ans. Daniel y animait un atelier d’écriture auquel j’avais participé. Et Evelyne faisait partie des participants.

 

Il y a presque deux mois, j’avais croisé Daniel par hasard dans Argenteuil. Daniel est Argenteuillais depuis sans doute un demi siècle ou davantage. A Argenteuil, il y a encore des personnes qui y vivent depuis plusieurs générations.

Le jour de notre rencontre, Daniel m’avait dit qu’il en avait « assez » de toujours voir adapté des classiques et des auteurs déjà reconnus. Son propos m’avait plu.

 

Je n’ai pas- encore- vu le film de Claude Miller avec Michel Serrault. Si je « connais » bien sûr l’acteur Michel Serrault, je suis un peu jeune pour avoir vu ce film lorsqu’il était sorti au cinéma en 1981. Et, c’est seulement en écrivant cet article que je découvre que Lino Ventura (dont j’aime modérément le jeu mais que je sais considéré comme un grand acteur à la « Française » presqu’équivalent à un Jean Gabin que je préfèrerais) et Romy Schneider (une actrice, pour moi, au delà de beaucoup d’autres, un peu à l’image d’un Patrick Dewaere) figurent aussi dans le film de Miller. Et, je crois que c’était mieux pour moi, hier, de ne pas avoir vu le film au préalable.

 

Hier après-midi, je suis allé voir cette adaptation théâtrale sans comparaison en tête. Mais aussi pour rompre un peu avec cette coutume selon laquelle la culture se trouve principalement à Paris. Mais aussi parce-que j’en avais assez de cette ville.

 

Par moments, j’en ai assez d’Argenteuil, cette ville paradoxale, bétonnée, dont sont parties plusieurs personnes que j’y avais rencontrées. Ou que j’aimais bien.  Une ville très étendue, « La troisième du Val d’Oise », faite d’une multitude de quartiers.

 

Argenteuil, pour moi, est une ville de deuils. C’est aussi une ville qui vit sans qu’on la regarde mais à laquelle beaucoup sont attachés. Au point que, parfois, je me demande, à voir leur enthousiasme, ce qu’ils lui trouvent.

Pourtant, cette ville, je la défends aussi tandis que d’autres lui décernent tous les torts et tous les travers. La saleté, les incivilités, la délinquance, les impôts locaux élevés, les écoles publiques dont le niveau a chuté à partir du collège.

Au travail, j’ai pour habitude de dire que, pour moi, les gens sont plus importants que les murs ou le décor. Mais il y a des limites. Et, à Argenteuil, par moments, je me demande où est la différence entre les limbes et les limites. Et, tout ça, à quelques kilomètres de Paris, la « ville lumière ».

 

Argenteuil serait donc révoquée. Argenteuil compterait donc parmi les villes qui donnent difficilement le change. Et, je me suis rappelé qu’une partenaire de théâtre au conservatoire- d’Argenteuil- m’avait appris qu’un acteur ( «  qui peut tout jouer ») s’était abstenu de dire lors d’une de ses tournées qu’il jouerait aussi à Argenteuil. C’était peut-être un oubli après tout. Pourquoi toujours imputer aux gens des mauvaises intentions de vote ? C’est bien un truc de perdant, ça, penser que si on nous oublie, c’est parce-que l’on nous snobe.

 

A Argenteuil, j’ai vu passer sur scène Kassav’, Kéry James, Arno, Marc Ribot, Magma, Danyel Waro, Denis Lavant, Disiz La Peste et j’en aurais vu et entendu bien d’autres si je m’étais rendu disponible. Alors, je pouvais me rendre disponible pour la pièce Garde à vue.

A Argenteuil, Au théâtre de l’Abri, ce dimanche 7 novembre 2021.

Hier après-midi, le public m’a semblé principalement familial et amical. Et pourquoi pas ?

 

Argenteuil, au théâtre de l’Abri, dimanche 7 novembre 2021.

 

Si, quelques fois, la langue d’un ou deux comédiens a fourché, pendant plus d’une heure, j’ai oublié où j’étais. Les « gens », encore. Les gens sur scène mais aussi les décors avaient fait le nécessaire. Ils m’ont fait entrer dans une parenthèse qui s’est déroulée à l’époque où Valéry Giscard D’Estaing était Président de la République et encore vivant. Et  François Mitterrand et Jacques Chirac – qui allaient être les Présidents suivants- aussi. Dans une ville de province qui aurait pu être un des quartiers de la ville d’Argenteuil où à peu près tout le monde se connaît. Sauf que la mer aurait remplacé la Seine, et que le phare aurait pris la place de la salle des fêtes Jean Vilar, de la Cave Dimière ou du centre culturel le Figuier Blanc.

 

A l’époque où Valéry Giscard d’Estaing était Président de la République (on voit sa photo de Président sur scène) Argenteuil était ouvertement, encore, une ville communiste. Mais dans Garde à vue, on comprend que l’on est dans une ville de droite :

Un notaire, sujet de la grande bourgeoisie, est le suspect numéro un dans le meurtre de deux jeunes filles qui ont aussi été violées. Et deux policiers s’acharnent à le voir coupable. Il est en fait plus suspect d’être riche que meurtrier et, jamais, sans doute, ces deux policiers n’ont eu la possibilité d’approcher aussi longtemps et d’aussi près un homme riche. Alors, ils comptent bien en profiter. Quitte à le dépecer s’il le faut. D’autant que celui-ci a des secrets et des mensonges, comme tout un chacun, ce qui décuple la détermination des deux représentants de police qui ne supportent pas ce riche qui leur résiste.

A Argenteuil, au Théâtre de l’Abri, ce dimanche 7 novembre 2021.

 

Les comédiens m’ont plu. Je me suis aussi un peu demandé ce que j’aurais donné dans l’un des rôles. J’ai particulièrement aimé ces sous-entendus dans les propos. Mais aussi l’entrée de la femme (jouée par Marie Grandin) du suspect, grande bourgeoise d’entre tous mais aussi grande jalouse, jusqu’à la pathologie. Garde à vue, pour moi, est autant une œuvre sur une certaine haine sociale que sur l’inadaptation conjugale et relationnelle. Dans un cas comme dans l’autre, les êtres ne peuvent pas s’ajuster ou s’insérer puisque des illusions leur servent de repères et de refuges.

Argenteuil, au théâtre de l’Abri, ce dimanche 7 novembre 2021. A droite, Daniel Muret.

 

Franck Unimon, lundi 8 novembre 2021.

 

 

 

 

 

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Corona Circus Pour les Poissons Rouges

Une semaine qui commence bien

Gare d’Argenteuil, ce lundi 8 novembre 2021 au matin.

 

Une semaine qui commence bien

 

On l’oublie mais….il se passe toujours quelque chose. Je ne devais pas être dans ce train, ce matin. Cela s’est décidé tôt. Avant d’emmener la petite à l’école. Les vacances de la Toussaint étaient terminées.

 

Hier après-midi, j’étais allé voir l’adaptation au théâtre par Daniel Muret du film Garde à vue de Claude Miller. J’en reparlerai. Cette adaptation m’a peut-être influencé.

 

Même si j’avais déjà la volonté d’aller là où je suis allé bien avant ça.

 

Alors que je m’approchais de la gare d’Argenteuil, ce matin, le train omnibus arrivait. Je l’ai pris. Pour aller à Paris, au procès des attentats du 13 novembre 2015.

 

J’allais écouter un podcast sur mon téléphone portable puis je me suis dit :

 

«  Non. Je vais prendre le temps de regarder les gens ».

 

Une gare plus loin, je l’ai vu arriver sans masque. Mais ça ne m’a pas marqué. Il avait un grand sourire. D’origine asiatique. La trentaine ou la quarantaine. Une doudoune jaune. Propre sur lui.

 

Le train est reparti. Il a commencé :

 

« Excusez-moi de vous solliciter (ou de vous déranger….) ».

 

Il a commencé comme un mendiant mais a bifurqué sur :

 

« Depuis deux ans, au moins (…..) Macron, quel bouffon ! (….) Respirez librement. Enlevez vos masques, vos muselières (….) ».

 

Il a expliqué qu’il s’adressait aux gens qui avaient éteint leur télé et « allumé » leur cerveau. Il a parlé de la peur qui permettait de nous faire accepter n’importe quoi.

 

« ça se met en place, gentiment… ». En face de moi, la femme assise près de la fenêtre, dans le sens de la marche, a levé les yeux au ciel lorsqu’elle entendu ça. Comme si elle se sentait mal.

 

Il a poursuivi :

 

« Il y a deux ans, si on nous avait dit : Pour aller au restaurant, il vous faut décliner votre identité, vous auriez dit : « Quoi ?! On est dans quel pays ?! En Corée du Nord ?! En Chine ?! ».

 

Pour conclure, il a dit :

 

« Je vais passer parmi vous pour recueillir vos sourires et vos encouragements… ».

Il est parti dans le sens opposé. Ce qui fait que je ne l’ai plus revu. La femme assise en face de moi s’est levée, puis, elle est partie aussi. Ils étaient peut-être amants. Il aura tout fait pour la faire revenir et ça aura marché.

 

Ils étaient à peine partis tous les deux que des contrôleurs sont arrivés. Je ne sais toujours pas quoi penser de cette coïncidence. Près de notre rangée, un contrôleur d’une quarantaine d’années, les cheveux courts, a fait claquer son brassard fluo de contrôleur autour de son biceps…comme un flic. Cela fait maintenant un ou deux ans que les contrôleurs ont ce genre de brassard. On sent bien que ce brassard a fait monter chez certains leur niveau de virilité mais aussi un certain sentiment d’invulnérabilité. Et c’est pareil chez les femmes contrôleuses.

 

Je n’ai rien contre les flics.

 

Très vite, deux des collègues du contrôleur lui ont fait signe, devant. Lui et peut-être un ou deux autres de ses collègues sont alors partis en renfort. J’ai cru à du répit. Mais après avoir réglé leur affaire, ils sont revenus cinq minutes plus tard :

« Contrôle de vos titres de transport, s’il vous plait ». Un de ses collègues plus jeunes a présenté sa machine afin que nous lui soumettions notre pass navigo. Il a dit bonjour à chacun d’entre nous. J’ai été le dernier à sortir mon pass navigo, déjà lassé par ce début de journée.

Gare de Paris St-Lazare, lundi 8 novembre 2021, au matin.

 

Sur le quai de la gare St Lazare, j’ai aperçu plusieurs contrôleurs qui entouraient un homme. Puis, alors que je suivais le flot des voyageurs, j’ai vu arriver, à contre-courant, plusieurs membres de la police ferroviaire dans leur tenue bleue. Ils longeaient le train.

Il était bientôt neuf heures du matin. Le trajet avait été plus long que d’habitude. Cela m’avait retardé.

 

Je ne vois pas encore très bien quel rapport ces différents événements pouvaient-ils avoir entre eux.

 

Franck Unimon, lundi 8 novembre 2021.

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Argenteuil Vélo Taffe

Vélo Taffe Samedi 30 octobre 2021 : Paris/ Argenteuil

Paris, samedi 30 octobre 2021, Saint-Michel, Notre Dame.

                    Vélo Taffe Samedi 30 octobre 2021 : Paris / Argenteuil

A vélo, depuis le 14ème arrondissement de Paris, Argenteuil n’est pas si loin. Même après une nuit de travail. 

Habituellement, je couple l’usage du train avec celui de mon vélo pour me rendre à mon travail et pour rentrer chez moi. Depuis chez moi, à vélo, le 14ème arrondissement n’est pas si loin… mais cela me demanderait plus que les 35-40 minutes que je prenais pour me rendre directement  dans le 18ème arrondissement du côté de la Porte de Clignancourt en passant par St-Ouen. Entre 1h10 et 1h20.

Ce 30 octobre, vers 8h30, je ne sais pas encore que je ferai tout le trajet à vélo. En sortant du travail, je décide de changer d’itinéraire. Pour varier.

 

Je passe “devant” Notre Dame en reconstruction. Je m’arrête à l’entrée du tribunal de la cité. Il n’y a pas les barrières ni les forces de l’ordre que je vois chaque fois qu’a lieu le procès des attentats du 13 novembre 2015.

Un gendarme sort de la loge. Sa collègue, une jeune femme blonde, nous regarde.

Avec son accent du sud, le gendarme, la trentaine, m’explique comment faire pour assister, à partir du lundi, dans une salle devant un écran, à ce procès. Puis, je repars.

 

Paris, Le Chatelet, samedi 30 octobre 2021.

Je constate que Beyoncé, Basquiat, Jay-Z et la pub pour les bijoux Tiffanys sont partis ( Jay-Z, Basquiat et Beyoncé à Paris, au Châtelet ) et ont été remplacés par une pub pour les vêtements Moncler. Je ne reconnais pas l’actrice de gauche mais je sais l’avoir déja vue. Je sais aussi qu’un blouson de la marque Moncler coûte plus cher que le vélo sur lequel je suis. Ces publicités pour ces marques onéreuses ( Tiffanys, Moncler…..) sont peut-être surtout là pour toutes celles et tous ceux, qui, comme moi, spontanément, ne peuvent pas se les acheter à moins de fournir certains efforts. Entre les impôts et ces articles de luxe qui nous regardent, nos vies sont faites d’efforts. Et, il nous faut apprendre à trier entre un vélo qui peut nous transporter ; le plaisir de prendre son enfant en photo devant une fontaine; ou tout faire pour s’acheter un blouson Moncler ou un bijou Tiffanys. 

 

Paris, 30 octobre 2021.

Avant de démarrer leur footing, et leurs efforts, au moins un de ces deux hommes fait comme moi : il regarde la jeune femme blonde. Je l’ai ratée quelques secondes plus tôt alors qu’elle était derrière sa copine sur leur trottinette. Pas de bijoux Tiffanys, pas de blouson Moncler, je me console comme je peux avec cette photo. 

 

Paris, 30 octobre 2021.

 

Je suis presqu’arrivé à la gare St Lazare. Au feu, je vois ces affiches. Je trouve Sarkozy et Royal tellement ringards.  Que font-ils encore là ? C’est fini ! Ils appartiennent au passé. L’un et l’autre ont eu leurs chances. Le premier a été Maire de Neuilly, Ministre de l’Intérieur, Président de la République, justiciable…

La seconde a été Ministre, et, au second tour des élections présidentielles ( en 2007 !) avait perdu face à Sarkozy. Désir d’avenir. 

 

Je trouve ces affiches historiques et comiques. Je me dépêche de les prendre en photo avant leur disparition. Peut-être qu’un jour, regrettera-t’on un Nicolas Sarkozy et une Ségolène Royal…. 

 

Paris, près de la Gare St Lazare, ce 30 octobre 2021.

 

Voici notre époque. Une attente concentrée devant l’ouverture d’un magasin de l’enseigne Fnac. Une pub pour du Whisky. Une autre pour l’artiste Rashid Jones que je ne connaissais pas. Une, pour une machine à laver. Et, tout en haut, la promotion du nouvel album d’Ed Sheeran que je n’ai toujours pas pris le temps d’écouter mais dont je “connais” le succès depuis au moins deux ans. Comment ne pas finir essoré ? Ou esseulé ? 

 

Paris, près de la gare St Lazare, le 30 octobre 2021.

 

L’enseigne de la Fnac a ouvert. Mais je ne pouvais pas ne pas prendre cet homme de dos, en photo. Un homme dont le métier de livreur rime pour moi avec pénible labeur. Généralement, lorsque je croise l’un d’entre eux ou qu’il me dépasse sur son vélo, électrique ou mécanique, je le laisse passer. Peut-être que cette vie-là me fait-elle peur. Même si, si je n’avais pas le choix, je ferais sans aucun doute comme eux. Et, je ferais alors peur à quelqu’un d’autre sans doute.

 

Gare de Paris St Lazare, le 30 octobre 2021.

 

Une gare parisienne, pendant les vacances de la Toussaint. Un peu moins de monde que la veille mais c’est seulement le matin. Il n’y a rien de particulier. Tout le monde porte son masque. Et, moi, je vais prendre mon train pour Argenteuil…

 

Gare St Lazare, 30 octobre 2021.

 

Je me dis qu’il y a encore pas mal de monde qui part en vacances. Je ne comprends pas vraiment ce que fait là, cette ligne de démarcation. 

 

 

” Cette femme, avec son bouquet de fleurs, ça apporte quelque chose. Prends-là en photo !”. Alors, je la prends en photo, parmi ces voyageurs avec leurs bagages. Ensuite, je la vois retrouver son compagnon. Je me dis que c’est vraiment la Toussaint.

 

Gare St Lazare, 30 octobre 2021.

 

Je n’avais pas remarqué tout de suite que la police ferroviaire était présente. Je me dis alors que la police recherche peut-être des trafiquants.

 

Gare St Lazare, 30 octobre 2021.

 

Certaines voies ne sont pas disponibles. La mienne, l’est. La voie 11 ou 12. Ou 10. 

 

Gare St Lazare, 30 octobre 2021.

 

Un chien dans la gare, cela se prend en photo. Plus tard, ce sera peut-être plus rare. Même si j’aime bien l’attitude de la dame, de profil, sa main posée sur son bagage. Et ce que l’on aperçoit en contrebas. Avec les palmiers au milieu….

 

Gare St Lazare, 30 octobre 2021.

 

Arrivé près de ma voie, on me fait bien comprendre qu’il faut sortir de la gare ! Un bagage a été abandonné.

 

Gare de Paris St Lazare, 30 octobre 2021.

 

J’ai raté la photo du camion de déminage lorsqu’il est passé derrière nous. J’ai raté la photo de cette jeune femme aux jambes de girafe qui me tournait le dos. Apparemment, elle avait l’habitude de poser. Lorsque j’ai été prêt, elle avait bougé. Elle s’est éloignée, à l’écart. Comme si elle me fuyait. Puis, après avoir consulté son téléphone portable, elle a décampé en repassant à plusieurs mètres devant moi.

Par contre, je ne manque pas ce défenseur du Barça, moins vif, beaucoup plus tranquille. 

 

Gare de Paris St Lazare, 30 octobre 2021.

 

Lorsque c’est comme ça, il est impossible de savoir quand la circulation des trains va reprendre. Je décide très facilement de faire la suite du trajet à vélo. J’ai de l’eau. Une compote. Un vélo. Je suis bien habillé même en cas de pluie. Et, je ne suis pas pressé. Il se trouve que c’est ce jour-là, que, dans une brocante, je suis tombé sur cette canne-siège qui date d’un siècle. Elle vient de Manufrance m’a dit le vendeur. La première fois que j’ai vue une canne-siège, c’était sur une scène de théâtre au Figuier Blanc. Le comédien Denis Lavant en avait une. Après la représentation, il m’avait appris l’avoir trouvée par hasard dans une brocante, en province. Pour 5 euros. J’ai payé la mienne un peu plus chère. Mais c’est une pièce unique. Je ne la trouverai ni chez Tiffanys, ni dans les magasins Moncler. 

Ce matin encore, parmi d’autres pensées, je me demandais à nouveau ce qui faisait que je ne faisais plus de théâtre. Avant, j’avais “faim”. J’avais envie de jouer. Là, je n’ai même pas envie de jouer. Et, c’est comme ça depuis trois ou quatre ans. Et puis, dans cette petite brocante sur laquelle je suis tombé, en sortant du travail, je vois cette canne-siège.  J’ai réussi à la coincer contre mon sac à dos. Jusque-là, depuis que je suis parti, elle n’est pas tombée. Rouler jusqu’à Argenteuil avec cette canne-siège est un bon test pour vérifier à nouveau à quel point mon sac à dos, celui que j’avais acheté pour aller au travail, était le bon choix. 

 

Levallois, 30 octobre 2021.

A Levallois, j’aperçois cet homme, seul, dans la rue. La photo ne rend pas ce que je vois. Je prends deux autres photos, encore moins bonnes. Puis, l’homme part d’un pas décidé. Peut-être gêné d’avoir été photographié. Ou peut-être tout simplement pressé. 

 

Colombes, 30 octobre 2021.

 

C’est Colombes, ou Asnières, mais Gennevilliers n’est pas loin. Cet immeuble au fond a attiré mon regard. C’est un  projet architectural différent de celui de l’immeuble à droite, sur  la photo. 

 

Colombes, 30 octobre 2021.

 

Colombes, en sortant de la A86, avant le pont d’Argenteuil. 30 octobre 2021.

 

ça construit, ça construit. A la fois pour répondre à la demande de logements. Pour accroître l’attractivité de l’endroit avec le tramway qui ne devrait pas passer bien loin. Mais aussi en prévision des jeux olympiques de 2024. La piscine de Colombes, qui se trouve à dix minutes en voiture de là, et à peine plus à vélo, a été retenue pour être exclusivement réservée à l’entraînement des équipes de natation synchronisée. 

 

Argenteuil, 30 octobre 2021.

 

Nous sommes sur le pont d’Argenteuil. On aperçoit le club d’aviron, le Coma Argenteuil. Un très bon club d’aviron à ce que j’ai cru comprendre. Je suis déja allé me renseigner plusieurs fois. Mais je n’ai toujours pas pu faire une balade d’initiation. L’aviron est un sport “complet” et souvent présenté comme tel. Depuis des années, j’aimerais bien le pratiquer mais je n’ai pas la disponibilité nécessaire.

 

Argenteuil, 30 octobre 2021.

L’affiche se veut verte. Mais, pour moi, Argenteuil, est surtout une ville de béton. Même s’il y a le projet de récupérer les berges de Seine. Au bout, on aperçoit la salle des fêtes Jean Vilar. Salle “historique” que la mairie voudrait raser afin d’autoriser la construction d’un hôtel de luxe, d’un centre commercial, avec complexe de cinéma. Peut-être même une Fnac. Afin de rendre la ville plus attirante. Un certain nombre d’opposants à ce projet se sont exprimés. Il faut savoir qu’à moins de dix minutes à pied de là, se trouvent une librairie, la librairie Presse Papier très engagée, le centre culturel le Figuier Blanc ( soutenu par la mairie) qui comporte salle de spectacles et salles de cinéma ainsi que la cave Dimière où se déroulent aussi des concerts. Ainsi que des cours de musique qui dépendent du conservatoire d’Argenteuil. Le marché d’Héloïse, connu comme le marché ” d’Argenteuil”, se trouve après la salle des fêtes Jean Vilar. Raser la salle des fêtes Jean Vilar signifierait aussi sans doute perdre un certain nombre de places de parking lors des jours du marché ” d’Argenteuil” ( le vendredi et le dimanche).

 

Argenteuil, 30 octobre 2021.

Cette station essence à l’entrée de la ville est supposée disparaitre un jour. Derrière les arbres, au fond, il y a le conservatoire d’Argenteuil. Originellement, ce bâtiment était celui de la mairie d’Argenteuil, déplacée depuis au bout de l’avenue Gabriel Péri. Ces fresques que l’on aperçoit sont sur un bâtiment qui fait également partie du conservatoire d’Argenteuil. Ces voitures que l’on voit, si elles tournent sur la gauche, vont prendre le pont d’Argenteuil qui peut les emmener vers Colombes ou vers la A 86. Vers St Denis ou vers la Défense et au delà. 

 

 

 

Argenteuil, 30 octobre 2021.

Je ne connais pas ces journalistes. Je me suis demandé quel journal pouvait bien tenir cette journaliste. Mais je n’ai pas réussi à déchiffrer. C’est cette injonction ” Soyons complices” avec cette image de pub qui m’a enjoint à prendre cette photo. Comment peut-on donner l’air ou l’intention d’être proche des gens alors qu’on ne les voit pas et qu’on ne les rencontre jamais ? 

 

Argenteuil, 30 octobre 2021.

 

Notre Dame, les bijoux Tiffanys et les blousons Moncler, c’est loin. 

 

Argenteuil, 30 octobre 2021.

 

La circulation des trains avait repris lorsque je suis arrivé à Argenteuil. Il semblerait qu’elle ait repris assez vite.

 

Le marché de la colonie, ce samedi 30 octobre 2021 à Argenteuil.

 

Le marché de la colonie est un petit marché de l’autre côté de la gare d’Argenteuil centre-ville. C’est un marché plutôt familial et intimiste, ouvert le samedi. Il est sûrement aussi un peu plus cher que le grand marché d’Argenteuil. Il y a deux ou trois ans maintenant, un marché bio avait également ouvert le vendredi soir. Un an plus tard, ou même avant, seul le marchand de fruits et de légumes continuait de revenir. 

 

Caché par l’homme au chapeau, Dominique M…, membre et militant de l’association Sous les Couvertures. Samedi 30 octobre, marché de la colonie, Argenteuil.

 

Ce samedi 30 octobre, l’ESAT la Montagne vendait des fleurs. A gauche, en entrant dans le marché, un stand de produits antillais où j’ai mes habitudes. 

 

J’ai mis plus d’une heure vingt depuis mon départ du travail pour rentrer chez moi. La canne-siège a tenu. J’ai roulé tranquillement. Je me suis arrêté plusieurs fois pour prendre des photos. Cependant, je n’ai croisé aucun embouteillage. 

 

Franck Unimon, samedi 6 novembre 2021.