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Garde à vue à Argenteuil

Argenteuil, dimanche 7 novembre 2021.

Garde à Vue à Argenteuil

 

 Une garde à vue dans un temple protestant. Cela s’est passé hier après-midi, dimanche, à Argenteuil.

Et, j’ai été consentant.

 

Le dimanche après-midi a longtemps pu être un enfermement chez soi. Mais on peut être enfermé de tellement de façons différentes. On sort à peine d’une cellule ou d’un ennui que l’on entre dans un autre ou dans une autre.

Argenteuil, dimanche 7 novembre 2021.

 

Hier après-midi, je suis allé voir l’adaptation théâtrale du film Garde à vue de Claude Miller. Parce-que je connais Daniel Muret, qui s’est occupé de la mise en scène, ainsi qu’Evelyne Fort. Ils représentent tous deux la compagnie Willy Danse Théâtre, à Argenteuil.  

 

J’avais fait leur connaissance après mon arrivée à Argenteuil, à la médiathèque, il y a plus de dix ans. Daniel y animait un atelier d’écriture auquel j’avais participé. Et Evelyne faisait partie des participants.

 

Il y a presque deux mois, j’avais croisé Daniel par hasard dans Argenteuil. Daniel est Argenteuillais depuis sans doute un demi siècle ou davantage. A Argenteuil, il y a encore des personnes qui y vivent depuis plusieurs générations.

Le jour de notre rencontre, Daniel m’avait dit qu’il en avait « assez » de toujours voir adapté des classiques et des auteurs déjà reconnus. Son propos m’avait plu.

 

Je n’ai pas- encore- vu le film de Claude Miller avec Michel Serrault. Si je « connais » bien sûr l’acteur Michel Serrault, je suis un peu jeune pour avoir vu ce film lorsqu’il était sorti au cinéma en 1981. Et, c’est seulement en écrivant cet article que je découvre que Lino Ventura (dont j’aime modérément le jeu mais que je sais considéré comme un grand acteur à la « Française » presqu’équivalent à un Jean Gabin que je préfèrerais) et Romy Schneider (une actrice, pour moi, au delà de beaucoup d’autres, un peu à l’image d’un Patrick Dewaere) figurent aussi dans le film de Miller. Et, je crois que c’était mieux pour moi, hier, de ne pas avoir vu le film au préalable.

 

Hier après-midi, je suis allé voir cette adaptation théâtrale sans comparaison en tête. Mais aussi pour rompre un peu avec cette coutume selon laquelle la culture se trouve principalement à Paris. Mais aussi parce-que j’en avais assez de cette ville.

 

Par moments, j’en ai assez d’Argenteuil, cette ville paradoxale, bétonnée, dont sont parties plusieurs personnes que j’y avais rencontrées. Ou que j’aimais bien.  Une ville très étendue, « La troisième du Val d’Oise », faite d’une multitude de quartiers.

 

Argenteuil, pour moi, est une ville de deuils. C’est aussi une ville qui vit sans qu’on la regarde mais à laquelle beaucoup sont attachés. Au point que, parfois, je me demande, à voir leur enthousiasme, ce qu’ils lui trouvent.

Pourtant, cette ville, je la défends aussi tandis que d’autres lui décernent tous les torts et tous les travers. La saleté, les incivilités, la délinquance, les impôts locaux élevés, les écoles publiques dont le niveau a chuté à partir du collège.

Au travail, j’ai pour habitude de dire que, pour moi, les gens sont plus importants que les murs ou le décor. Mais il y a des limites. Et, à Argenteuil, par moments, je me demande où est la différence entre les limbes et les limites. Et, tout ça, à quelques kilomètres de Paris, la « ville lumière ».

 

Argenteuil serait donc révoquée. Argenteuil compterait donc parmi les villes qui donnent difficilement le change. Et, je me suis rappelé qu’une partenaire de théâtre au conservatoire- d’Argenteuil- m’avait appris qu’un acteur ( «  qui peut tout jouer ») s’était abstenu de dire lors d’une de ses tournées qu’il jouerait aussi à Argenteuil. C’était peut-être un oubli après tout. Pourquoi toujours imputer aux gens des mauvaises intentions de vote ? C’est bien un truc de perdant, ça, penser que si on nous oublie, c’est parce-que l’on nous snobe.

 

A Argenteuil, j’ai vu passer sur scène Kassav’, Kéry James, Arno, Marc Ribot, Magma, Danyel Waro, Denis Lavant, Disiz La Peste et j’en aurais vu et entendu bien d’autres si je m’étais rendu disponible. Alors, je pouvais me rendre disponible pour la pièce Garde à vue.

A Argenteuil, Au théâtre de l’Abri, ce dimanche 7 novembre 2021.

Hier après-midi, le public m’a semblé principalement familial et amical. Et pourquoi pas ?

 

Argenteuil, au théâtre de l’Abri, dimanche 7 novembre 2021.

 

Si, quelques fois, la langue d’un ou deux comédiens a fourché, pendant plus d’une heure, j’ai oublié où j’étais. Les « gens », encore. Les gens sur scène mais aussi les décors avaient fait le nécessaire. Ils m’ont fait entrer dans une parenthèse qui s’est déroulée à l’époque où Valéry Giscard D’Estaing était Président de la République et encore vivant. Et  François Mitterrand et Jacques Chirac – qui allaient être les Présidents suivants- aussi. Dans une ville de province qui aurait pu être un des quartiers de la ville d’Argenteuil où à peu près tout le monde se connaît. Sauf que la mer aurait remplacé la Seine, et que le phare aurait pris la place de la salle des fêtes Jean Vilar, de la Cave Dimière ou du centre culturel le Figuier Blanc.

 

A l’époque où Valéry Giscard d’Estaing était Président de la République (on voit sa photo de Président sur scène) Argenteuil était ouvertement, encore, une ville communiste. Mais dans Garde à vue, on comprend que l’on est dans une ville de droite :

Un notaire, sujet de la grande bourgeoisie, est le suspect numéro un dans le meurtre de deux jeunes filles qui ont aussi été violées. Et deux policiers s’acharnent à le voir coupable. Il est en fait plus suspect d’être riche que meurtrier et, jamais, sans doute, ces deux policiers n’ont eu la possibilité d’approcher aussi longtemps et d’aussi près un homme riche. Alors, ils comptent bien en profiter. Quitte à le dépecer s’il le faut. D’autant que celui-ci a des secrets et des mensonges, comme tout un chacun, ce qui décuple la détermination des deux représentants de police qui ne supportent pas ce riche qui leur résiste.

A Argenteuil, au Théâtre de l’Abri, ce dimanche 7 novembre 2021.

 

Les comédiens m’ont plu. Je me suis aussi un peu demandé ce que j’aurais donné dans l’un des rôles. J’ai particulièrement aimé ces sous-entendus dans les propos. Mais aussi l’entrée de la femme (jouée par Marie Grandin) du suspect, grande bourgeoise d’entre tous mais aussi grande jalouse, jusqu’à la pathologie. Garde à vue, pour moi, est autant une œuvre sur une certaine haine sociale que sur l’inadaptation conjugale et relationnelle. Dans un cas comme dans l’autre, les êtres ne peuvent pas s’ajuster ou s’insérer puisque des illusions leur servent de repères et de refuges.

Argenteuil, au théâtre de l’Abri, ce dimanche 7 novembre 2021. A droite, Daniel Muret.

 

Franck Unimon, lundi 8 novembre 2021.

 

 

 

 

 

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