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Ann O’aro au studio de l’ermitage ce 14 mars 2024

Ann O’aro, au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Paris. Photo©Franck.unimon.                                                                                                  

J’étais au travail ce jeudi 14 mars, lorsque, dans l’aprĂšs-midi, en le lisant quelque part, j’ai appris qu’Ann O’aro passait en concert le soir mĂȘme. A 20h30. Je finissais mon travail Ă  20 heures Ă  Paris prĂšs de la gare Montparnasse.

Si je souhaitais y aller, il me faudrait aller chercher mes appareils (photos) dans ma ville de banlieue, à Argenteuil. Pour mon blog, je ne pouvais pas me contenter de photos prises avec mon smartphone. Et, aprÚs le concert, je me réveillerais, comme ce jeudi, le lendemain matin un peu avant 5h30 afin de retourner au travail pour une journée de 12 heures.

Mais il y avait ce concert d’Ann O’aro dans quelques heures. Je l’avais dĂ©jĂ  « ratĂ©e » comme j’ai aussi ratĂ© les concerts de RenĂ© Lacaille ou de Rocio Marquez lorsqu’ils se sont prĂ©sentĂ©s. Je m’étais un peu rattrapĂ© la semaine prĂ©cĂ©dente avec le concert de Tricky Ă  l’Olympia ( voir Tricky Ă  l’Olympia ce 6 mars 2024). 

Quand une ou un artiste nous « parle » ou nous a parlĂ©, on part souvent du principe qu’autour de nous, tout le monde la connait ou le connait. En Ă©voquant Ann O’aro, je n’écoute pas de la musique secrĂšte ou que je mettrais en cachette.

 

Ann O’aro au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. DerriĂšre elle, Teddy Doris, au trombone et au choeur. Photo©Franck.Unimon

J’ai commencĂ© Ă  la “connaĂźtre” par son premier album Ann O’aro sorti en 2018. J’avais publiĂ© un article dessus dans mon blog il y a environ quatre ans :

Ann O’Aro.

Ensuite, il y a eu l’album Longoz arrivĂ© en 2020 que j’ai moins Ă©coutĂ© pour le moment et avec lequel j’ai eu plus de mal.

Ce jeudi 14 mars, j’ai aussi appris qu’un troisiĂšme album venait de sortir (fin fĂ©vrier 2024). Il s’appelle Bleu. Ann O’Aro continue d’ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e par le label Cobalt dirigĂ© par Philippe Conrath.

Ann O’aro au studio de l’ermitage, ce 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

« Ann O’aro ? Â»

C’est la question qu’a pu me poser, surpris, un de mes collĂšgues, rĂ©unionnais certifiĂ©, porteur de dreadlocks, la quarantaine, chanteur de Gospel et prĂ©cĂ©demment joueur de Reggae proche de la professionnalisation. Ce n’est donc pas un amateur ni un ignorant. Pourtant, il n’avait jamais entendu parler de Ann O’aro. Je lui ai orthographiĂ© son nom tel qu’elle l’a choisi Ă  «la CrĂ©ole ». Un nom que j’ai moi-mĂȘme encore du mal Ă  bien Ă©crire. Et, il m’a dit qu’il allait « regarder ».

La RĂ©union n’est pas mon pays. MĂȘme si, par la suite, j’ai rencontrĂ© ma compagne, rĂ©unionnaise, et que notre fille, nĂ©e en France ( encore trop petite pour certains des thĂšmes des chansons de Ann O’aro) a donc Ă©galement des origines rĂ©unionnaises.

La premiĂšre fois que je me rappelle avoir entendu du Maloya et son rythme ternaire, c’était dans la boite de nuit Le Manapany, dans les annĂ©es 90 oĂč, avec certains collĂšgues, nous Ă©tions plutĂŽt venus nous rapprocher (- je suis un Moon France mais voir aussi Tuer des noix de coco-)  de nos origines antillaises et des femmes au travers du Zouk.

Ensuite, j’ai voulu entendre un peu plus le Maloya dit traditionnel. Et, en particulier, sur ce qu’il peut avoir en commun avec le Gro-Ka et le Lewoz. Car j’essaie de m’inspirer Ă  ma mesure d’un des principes de mon artiste prĂ©fĂ©rĂ©, Miles Davis, qui disait aussi :

« Mon esprit n’est pas fermĂ© Â». ( “My mind is not shut”).

A la mĂ©diathĂšque, j’avais trouvĂ© les Cds d’artistes comme Firmin Viry, Danyel Waro et d’autres de la RĂ©union que j’ai essayĂ© d’écouter et de comprendre. J’ai pu voir Daniel Waro en concert lorsqu’il est passĂ© en concert Ă  Argenteuil il y a prĂšs d’une dizaine d’annĂ©es. Mon blog n’existait pas, alors. Je sais que Daniel Waro passe le 18 Mai au Cabaret Sauvage Ă  Paris. Maya Kamaty le 21 mars Ă  la Bellevilloise et Lindigo le 11 avril au Cabaret Sauvage.

 

«La musique, ça te permet un Ă©quilibre vu le mĂ©tier que tu fais » m’a dit quelqu’un rĂ©cemment. J’ai acquiescĂ© car il y a du vrai dans cette affirmation. Et, cela m’a permis d’Ă©luder.

Car l’équilibre est aussi une limite. Ainsi qu’une souriciĂšre. 

On peut ĂȘtre Ă©quilibrĂ© parce-que l’on est aussi trĂšs bien domestiquĂ©. On ne dĂ©range pas. On reste Ă  sa place. On subit. On accepte. On endure. On s’endurcit. On croupit. On se terre en soi et en silence.

Mais on ne vit pas. On reste derriĂšre des barrages. Ou on passe son temps Ă  attendre, emmitouflĂ©s dans nos mirages et parfois dans nos naufrages. Parfois, on s’auto-dĂ©truit en permanence, discrĂštement. De maniĂšre mĂ©thodique. Cathodique. Et Ă©quilibrĂ©e. Telles ces tours ou ces histoires dont les fondations et les Ă©manations explosent et s’affaissent, Ă©rigĂ©es, droites, et achĂšvent leur parcours pulvĂ©risĂ©es, tĂ©lĂ©visĂ©es, en Ă©tant toujours restĂ©es bien vissĂ©es sur place et fidĂšles au poste, tĂ©tant leur devoir et leur espoir en attendant une mue qui n’est jamais venue. D’elles,  on dira peut-ĂȘtre plus tard :

“C’Ă©tait une belle tour ( ou une belle histoire) Ă  l’origine. Dommage qu’elle soit devenue dĂ©suĂšte. Les temps ont changĂ©. Il a bien fallu s’en sĂ©parer. Qu’est-ce que tu veux ? C’est comme ça….”.

La musique, pour moi, ça reste de la vie. Ça surgit et ça permet d’aller au-delĂ  de nos limites. Les musiciens, les artistes ou les personnes qui nous « parlent », c’est quand mĂȘme assez souvent, celles et ceux qui nous « font » ça. Un des premiers pouvoirs de la musique, comme le feu partagĂ©, c’est de rassembler. Les forces, les volontĂ©s vers l’autre, vers l’ailleurs, vers l’inconnu mĂȘme si ce sont des souvenirs que l’on retrouve aussi.

La musique, pour moi, c’est aussi un bagage et un hĂ©ritage. C’est Ă  la fois les musiques que j’ai Ă©coutĂ©es par les pores de mes parents en France, pays, oĂč, contrairement Ă  moi, ils ne sont pas nĂ©s. Puis, celles de mon adolescence et de certaines amitiĂ©s quasi fraternelles, Ă  cette pĂ©riode de la vie oĂč l’on a plein de notes et plein de projets mais oĂč l’on manque d’audace, de confiance, de persĂ©vĂ©rance et de connaissances pour composer. Et oĂč l’on redoute plus les consĂ©quences de la matraque du jugement qu’on ne prĂ©voit les rĂ©ussites de nos tentatives.

Ann O’aro et Teddy Doris au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

On peut penser que je me contente de parler de moi. Je ne le crois pas. Je n’Ă©cris pas seulement pour moi. Mais aussi parce-qu’il le faut. Parce-que c’est mon tour du sort.

J’Ă©cris d’ailleurs cet article en rĂ©Ă©coutant le dernier album de Fally Ipupa, Formule 7. Et puis, on sait maintenant que, Ă©videmment, je suis allĂ© au concert d’Ann O’aro ce jeudi 14 mars 2024 au studio de l’ermitage, Ă  Paris. Les autres dates et les autres lieux de ses concerts prĂ©vus en 2024 ne m’ont pas laissĂ© d’autre choix.

Hormis ce concert du 14 à l’Ermitage, à Paris. Il restait possible de voir Ann O’aro sur scùne ailleurs en mars 2024 :

Le 17 Ă  Dunkerque. Le 19 Ă  Guyancourt. Le 21 Ă  Tourcoing. Le 23 Ă  Aubusson et le 26 Ă  Ljubliana, en SlovĂ©nie. Je serais bien allĂ© Ă  l’un de ces endroits mais pour des raisons pratiques, le plus simple, restait Paris.

Les dates de ses concerts mais aussi de ceux de DanyĂšl Waro sont aussi affichĂ©es sur le site du label Cobalt qui reprĂ©sente d’autres artistes rĂ©unionnais tels que Christine Salem, Zanmari BarĂ© et d’autres.

Ann O’aro, Teddy Doris, Brice Nauroy et Bino Waro au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

Je suis arrivĂ© au concert avec une bonne demie heure de retard avec ma place achetĂ©e en prĂ©vente sur internet : 15 euros et 50 centimes. Soit prĂšs de quatre fois moins que le concert de Tricky Ă  l’Olympia quelques jours plus tĂŽt. 

En entrant dans la salle de concert du studio de l’ermitage, Ann O’aro Ă©tait en train de chanter, accompagnĂ©e de ses musiciens :

Teddy Doris au trombone ; Bino Waro au roulĂšr, sati, pikĂšr, kayamn et Ă  la batterie et Brice Nauroy aux machines.

Le public Ă©tait posĂ©, majoritairement assis, trĂšs attentif. Il devait y avoir environ 200 personnes Ă  vue d’Ɠil (pour une capacitĂ© d’accueil de 250 personnes contre une capacitĂ© d’accueil de 4000 personnes pour l’Olympia).

L’ambiance et l’acoustique de la salle Ă©taient intimistes et trĂšs confortables. Je me suis tout de suite senti bien. J’ai aussitĂŽt tout effacĂ©. Les doutes. La recherche de la salle. La fatigue. Le trajet. Le retard. La routine. La chevrotine. La journĂ©e de travail le lendemain matin.

 

Voir Ann O’aro au studio de l’ermitage aprùs Tricky à l’Olympia ?

Ann O’aro et Teddy Doris, ce jeudi 14 mars au studio de l’ermitage. Photo©Franck.Unimon

Je me suis dit qu’ils Ă©taient proches tous les deux malgrĂ© ce que l’on pourrait estimer en prime abord. Tricky, “de” Bristol, plutĂŽt contrariĂ© par la notoriĂ©tĂ©, aimerait sans doute pouvoir se produire dans une salle comme le studio de l’ermitage. En Ă©coutant Ann O’aro, j’ai aussi pensĂ© Ă  la musicienne et compositrice bretonne Kristen NoguĂšs. 

Bien-sĂ»r, Ann O’aro existe par elle-mĂȘme et a ses propres inspirations et rĂ©fĂ©rences. Mais lorsque l’on est amateur de musique, on aime certaines fois imaginer que se rencontrent les ombres de certains artistes. Des rencontres entre des artistes qui ne se matĂ©rialisent jamais- ou parfois mal- par manque d’inspiration, d’Ă©poques ( Kristen NoguĂšs est morte depuis 2007) ou du fait d’une mauvaise entente et qu’il faut sans doute apprendre Ă  imaginer ou Ă  crĂ©er soi-mĂȘme.

Devant nous, nous avions peu Ă  imaginer. La voix d’Ann O’aro est trĂšs douce et forte. Elle s’empare de vous et chante comme un boxeur. Son chant part depuis ses pieds. Elle chante en emmenant tout son corps et en nous portant vers une…certaine tension Ă©motionnelle.

C’est ce que l’on appelle avoir une prĂ©sence. La prĂ©sence de celle qui s’approche et aussi de la sentinelle.

Je me suis dit qu’elle avait de quoi jouer dans un film ou au thĂ©Ăątre.

Ann O’aro et Teddy Doris, au studio de l’ermitage, ce 14 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

Son humour et son aisance, y compris au piano qu’elle a dĂ©sormais ajoutĂ© Ă  son usage des sorts- les sorts de l’enfance- sont aussi dĂ©concertants qu’insaisissables. Je me suis un peu demandĂ© :

« Comment fait-elle ? Â».

On aurait presque dit que c’était nous qui Ă©tions Ă  un enterrement (peut-ĂȘtre le nĂŽtre) tandis que, elle, et ses musiciens s’amusaient bien parce qu’ils le voulaient. Tandis que nous, hĂ© bien, nous restions trĂšs polis et trĂšs guindĂ©s sans faire de bruit de peur de dĂ©ranger ou de tĂącher en sortant de notre rĂ©serve militaire.

Soit parce-que nous n’avions jamais appris Ă  remuer et Ă  tinter au son de la musique ou parce-que nous Ă©tions intimidĂ©s et captivĂ©s par ce que nous voyions et entendions devant nous :

Nous avions un peu « peur Â» d’interrompre la sĂ©ance d’hypnose. Ou nous n’osions pas moufter connaissant les sujets chargĂ©s qu’elle abordait sous les dĂ©guisements aiguisĂ©s de sa voix apaisĂ©e.

Mon excuse Ă©tait que je prenais des photos. Mais j’imagine facilement ce que la mĂȘme musique jouĂ©e ce jeudi soir peut entraĂźner ailleurs ou dans un Kabar ( ou kabarĂ©), lĂ  oĂč l’on s’autorise Ă  danser plus vite que la lumiĂšre ne pense.

Nous avons Ă©tĂ© des privilĂ©giĂ©s d’assister Ă  ce concert. J’ai Ă©tĂ© content, aprĂšs le concert, de pouvoir parler un peu Ă  Ann O’aro et de poser pour la photo avec elle et Philippe Conrath qui dirige le label Cobalt.

Avec Philippe Conrath et Ann O’aro Ă  la fin du concert au studio de l’ermitage, ce jeudi 14 mars 2024. Merci Ă  la personne qui nous a pris en photo avec mon appareil.

Ann O’aro chante aussi dans le groupe Lagon Noir lors du festival Banlieues Bleue au centre culturel Jean à la Courneuve le vendredi 29 mars 2024 à 20h30.

Ce jeudi soir, elle a superbement clos son concert en nous chantant son titre Valval rouz ( si je ne me trompe) un de ses titres acapella, prĂ©sent sur son premier album.  

 

Franck Unimon, ce dimanche 17 mars 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Tricky Ă  l’Olympia ce 6 mars 2024

Tricky à l’Olympia ce 6 mars 2024

 

Tricky, les annĂ©es 1990 et 2000. Martina Topley-Bird, Massive Attack, le Trip Hop. Mais aussi PJ Harvey, Björk, Sly & Robbie
.Tricky a rencontrĂ© et jouĂ© avec bien d’autres artistes. Il a aussi figurĂ© dans quelques films tels que Le CinquiĂšme Ă©lĂ©ment de Luc Besson ou Clean d’Olivier Assayas.

C’est, grosso modo, toujours les mĂȘmes histoires que l’on raconte Ă  propos de Tricky, une espĂšce de prophĂšte de la musique nostalgique. Celui qui a perdu sa mĂšre trĂšs jeune. Celui qui est devenu Ă  nouveau orphelin (assez rĂ©cemment) mais cette fois de sa fille. Celui qui avait quittĂ© Massive Attack, sa cĂ©lĂ©britĂ©, sa puissance, sa sĂ©curitĂ©. Celui qui subsiste par lui-mĂȘme. Par la douleur et malgrĂ© elle.

Tricky Ă  l’Olympia, ce 6 mars 2024 avec Marta. Photo©Franck.Unimon

Celui qui lance ou se met en duo avec des chanteuses qu’il produit. L’homme fusible imprĂ©visible avec ses lubies et ses pensĂ©es. Ses toxicomanies. Son corps lĂ©sĂ©. TatouĂ© sans doute de la tĂȘte aux pieds et difficile Ă  amadouer. Difficile Ă  cerner et, sans doute, Ă  captiver. L’homme hantĂ© qui rĂŽde lĂ  oĂč trĂšs peu souhaiteraient se promener mĂȘme avec un ou une escorte.  

Durant toutes ces annĂ©es, j’ai ratĂ© Tricky ou suis passĂ© Ă  cĂŽtĂ© de lui. A part pour un concert gratuit lors de l’inauguration du centre culturel, le 104. Il y avait beaucoup de monde. On se bousculait. Les conditions sonores Ă©taient mauvaises. Je me rappelle de Tricky plutĂŽt seul sur scĂšne, assez peu concernĂ©, et trĂšs loin. Une prestation trĂšs frustrante.

Je n’avais pas persistĂ©.

J’avais d’autres artistes Ă  Ă©couter et Ă  regarder sur scĂšne. Je ne faisais pas de lui une prioritĂ©. Je trouvais Ă  sa musique des cĂŽtĂ©s inaboutis. On parlait de chef-d’Ɠuvre. J’avais l’impression qu’il y avait beaucoup pour que cela soit le cas mais qu’il y avait rĂ©guliĂšrement rupture lorsque cela se prĂ©cisait. Comme si Tricky arrachait le disque vinyle de la platine prĂ©cisĂ©ment au moment oĂč l’on commençait Ă  entrer dans le songe. Comme s’il jetait Ă  la poubelle toutes les piĂšces du puzzle que l’on avait presque terminĂ©. Et cela recommençait plusieurs fois de suite.

Tricky et Marta Ă  l’Olympia, ce 6 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

La musique de Tricky n’est pas ceinturĂ©e ou cĂ©rĂ©brale comme peut l’ĂȘtre ou l’est devenue celle de Massive Attack ou de Björk.

Tricky pratique l’hĂ©morragie et les intubations difficiles :

« Seule, compte l’énergie ! ». A partir de lĂ , inutile de faire durer un morceau quatre, cinq minutes, Ă  coups de maquillage ou davantage. On n’est pas lĂ  pour se regarder le nombril ou pour se montrer. On est lĂ  pour faire de la musique et pour sentir ce qui se passe lorsque l’on presse son corps contre le sang chaud de quelqu’un.

Tricky avec Marta Ă  l’Olympia, ce 6 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

 

Ce concert de Tricky, Ă  l’Olympia hier soir, j’ai appris qu’il allait avoir lieu quelques jours plus tĂŽt, par hasard. Tricky ne fait plus partie des musiciens dont on parle « beaucoup Â». DĂ©sormais ou encore, on parle beaucoup plus d’artistes comme BeyoncĂ©, Dua Lipa, Taylor Swift, Billie Eilish, Rihanna ou Rosalia si l’on veut parler d’artistes fĂ©minines dites « internationales Â». Ou, en France, j’imagine que d’autres seront davantage happĂ©s par le concert du rappeur Ninho au Stade de France
l’annĂ©e prochaine, le 2 Mai 2025. Ou par le concert du rappeur Kalash Ă  l’Olympia ( complet) ce 20 mars 2024.

J’ai hĂ©sitĂ© avant d’acheter cette place de concert. Je me suis demandĂ© si j’essayais de rattraper le temps perdu.  

Quatre jours avant le concert, j’ai croisĂ© une connaissance sur le quai de la gare d’Argenteuil alors que je partais Ă  l’anniversaire de Tu piges ?

Cette connaissance – un photographe professionnel rencontrĂ© lors d’un concert de Marc Ribot Ă  la Cave DimiĂšre, Ă  Argenteuil- m’a dit : 

“Tu me diras ce que ça a donnĂ©. Avec Tricky, on ne sait pas ce que ça va donner, un concert. Il est  caractĂ©riel…”.

Lui, aussi, avait le souvenir de ce concert donnĂ© au centre culturel, le 104. Il y Ă©tait aussi et bien placĂ©. Il connaissait les organisateurs de l’Ă©vĂ©nement. Son avis sur ce concert Ă©tait le mĂȘme que le mien : trĂšs mauvais son. Et trĂšs mauvais concert… de trente minutes. 

Mais j’Ă©tais confiant pour ce concert Ă  l’Olympia. Je connaissais mieux sa musique. Je l’aimais mieux. ( Hate This Pain un titre de Tricky ) Et, j’avais lu que Tricky Ă©tait content des bons retours concernant son album Maxinquaye Reincarnated sorti en octobre 2023. Un album que j’avais achetĂ© et Ă©coutĂ©.

« Colossal et jamais vu Â» est un des commentaires que l’on a pu lire dans le mĂ©tro Ă  propos de la deuxiĂšme partie du film Dune rĂ©alisĂ© par Denis Villeneuve et sorti la semaine derniĂšre. Un film dont on parlera sans doute beaucoup plus que du concert de Tricky hier soir et que je suis allĂ© voir le jour de sa sortie ( ce 28 fĂ©vrier 2024) dĂšs la premiĂšre sĂ©ance.

 

Tricky aurait eu sa place dans le film Dune.

 

Soit pour un rĂŽle, soit pour la composition musicale. Hier soir, Tricky nous a rappelĂ© que la musique, c’Ă©tait de la crĂ©ation. Et la possibilitĂ© de faire une expĂ©rience hors de notre conscience rituelle et de nos automatismes.

Pas du bling-bling. Pas de l’Ă©dulcorĂ©. 

J’avais fait le choix d’acheter une place en mezzanine pour assister Ă  ce concert de Tricky. Pour cela, j’ai payĂ© plus cher, 56 euros, afin d’ĂȘtre dans les meilleures conditions pour voir et entendre Tricky. RĂ©sultat : j’ai ratĂ© mes photos. Pour faire de bonnes photos, il ne faut pas ĂȘtre fainĂ©ant et rester assis trop loin de la scĂšne.

Et, pour bien photographier Tricky, il aurait fallu que je vienne plus tĂŽt. Bien plus tĂŽt. Car lorsque je suis arrivĂ© devant l’Olympia pour le concert, dix minutes avant le dĂ©but officiel du concert avec la premiĂšre partie, Dajak, je suis tombĂ© sur une queue pratiquement aussi longue que pour le concert des sƓurs Ibeyi.

Tricky a son public. Un public plutĂŽt blanc pratiquement aussi fĂ©minin que masculin. J’Ă©tais par exemple assis entre deux femmes venues ensemble et deux hommes venus aussi ensemble.

Il devait y avoir entre cinq à dix pour cent de noirs dans la salle au sein du public à ce que j’ai aperçu.

Devant l’Olympia, ce 6 mars 2024. AprĂšs le concert. Photo©Franck.Unimon

La moyenne d’ñge du public dans la salle tournait autour de la quarantaine-cinquantaine mĂȘme si j’ai pu voir deux adolescents venus vraisemblablement avec leur mĂšre.

Le public prĂ©sent connaissait Ă  l’évidence les « classiques » de Tricky. MĂȘme si le terme « classiques » lui  dĂ©plairait certainement : quand on l’écoute parler de sa musique, il se dĂ©fend de toute nostalgie. 

A l’image de son concert en janvier 2023 (que j’ai malheureusement dĂ©couvert sur le net )Ă  l’espace culturel Ground Control avec la chanteuse Marta, hier soir,  Ă  l’Olympia, celui-ci s’est dĂ©clarĂ© dans une forme de pĂ©nombre. Une intimitĂ© et une ambiance qui vont trĂšs bien avec sa musique. Une musique qui entre dans la syncope, le blues, la rĂ©pĂ©tition, la rugositĂ©, la vitalitĂ© punk et rock mais aussi une extrĂȘme douceur de par la voix de Marta.

En voyant Tricky sur scĂšne essayer de sortir de son corps, je me suis dit qu’il faisait une musique de Chamane. Un couple est parti en plein concert. Nous sommes restĂ©s.

 

Tricky, Ă  l’Olympia, ce 6 mars 2024. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce jeudi 7 mars 2024.

Ps/bonus de ce vendredi 8 mars 2024 :

Dans sa sĂ©lection critique avant ce concert Ă  l’Olympia de Tricky, le journaliste Erwan Perron de TĂ©lĂ©rama TĂ©lĂ©rama numĂ©ro 3869 qui inclut le guide culturel TĂ©lĂ©rama Sortir du 6 mars au 12 mars 2024 ) avait Ă©crit :

” (….) On se souvient de l’avoir vu interprĂ©ter ce disque dans ce mĂȘme Olympia baignĂ© de lumiĂšres rouges. Il avait chantĂ© dos au public durant toute la durĂ©e du concert ! Trente ans plus tard, l’Anglais au nez cabossĂ© et Ă  la voix rocailleuse revient dans la plus cĂ©lĂšbre des salles parisiennes pour y chanter Ă  nouveau Maxinquaye ( 1995), son oeuvre la plus renversante et intense. Il en aurait rĂ©arrangĂ© six titres. Mais avec lui, on n’est jamais sĂ»r de rien….”.

Tricky n’a sans doute pas lu cet article. Mais si Erwan Perron Ă©tait comme moi dans la salle ce 6 mars 2024, il aura aussi vu Tricky interprĂ©ter ce titre de cette façon.