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La Cité de la voile Éric Tabarly-Lorient visite guidée juillet 2025-deuxième partie

 

Port de Keroman, Lorient, près de la cité de Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

La Cité de la voile Eric Tabarly-Lorient visite guidée juillet 2025- deuxième partie

Une ville n’est pas un bateau. Une ville, contrairement à une vie, ne prend pas le large. ( cet article est la suite de l’article Lorient visite guidée juillet 2025-première partie ).

Port de Keroman, Lorient, juillet 2025. Près de la Cité de la voile Eric Tabarly. Photo©Franck.Unimon

Sous diverses conditions, on s’amarre à une ville, à une commune ou à un village. Qu’on y fasse bonne fortune ou non, c’est plus ou moins un container dans lequel on se fait enterrer ou que l’on quitte pour un autre.

Entrée de la Cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

 A la cité de la voile Eric Tabarly, nous avons appris qu’il se trouve 66 mers et 5 océans sur Terre. Depuis que j’ai appris ces chiffres, j’ai un peu essayé comme on peut jouer avec des dés et des idées, d’imaginer ce que pourrait être un monde « fait » par exemple de 1000 mers et 60 océans. Comment celui-ci serait habité et si nous y aurions exactement la même existence que maintenant.

Contrairement à d’autres, pour l’instant, je ne suis pas allé très loin dans mon scénario. Car il me manque quelques pièces, connaissances et expériences.

Parce que, surtout, je suis encore retenu par la croyance très courante parmi les coléoptères urbains qu’il me faudrait absolument tout connaître des éléments comme des instruments de mesure et avoir la carte de navigation- ou de gravitation- la plus complète possible pour partir.

Parce-que depuis cette visite de la Cité de la Voile Eric Tabarly au mois de juillet, je suis retourné à ma vie de coléoptère chez « moi » en ville, en région parisienne.

J’y connais bien sûr des bons moments.

Le groupe Justice en concert à Rock en Seine, fin Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

L’article relatif au concert de Justice à Rock en Seine est ici Justice à Rock en seine ce 23 aout 2025 ). 

Mais je m’interroge. Comme chaque fois que l’on tente de scruter l’horizon ou des suppositions. Chaque fois que l’on parvient à assembler des forces isolantes – mais brèves- de lucidité en soi dans une existence qui paraît davantage bordée pour faire de nous des hémophiles ou des personnes qui ont à peu près peur de tout excepté de la dépression ou des addictions.  

Près de la Cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Mais pour l’instant – je suis un très bon comédien-  j’en suis encore à faire diversion. En mémorisant en théorie la différence entre une mer et un océan. 

A la cité de la voile Eric Tabarly, cette différence nous a été expliquée. La mer et l’océan ne sont pas – encore- des endroits auxquels on accède en prenant une autoroute à péage ou le métro en utilisant notre voiture, notre pass navigo, ou en jouant en réseau avec d’autres personnes que l’on ne voit jamais.

Pour les marins, la ville de Lorient est un bon tremplin vers ou sur la mer, ce fantôme qui n’attend rien de nous.

A la Cité de la Voile Eric Tabarly, Juillet 2025.

A la Cité de la Voile, nous avons appris qu’Eric Tabarly (1931-1998), Breton né à Nantes, fils de navigateur, marin, compétiteur, architecte, ingénieur, armateur, militaire de carrière mais aussi visionnaire qui, à chaque nouveau bateau, a révolutionné la construction navale- et qui s’était plus ou moins sédentarisé et même marié et avait enfanté tardivement- avait une affection particulière pour Lorient.

A la cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Une reconstitution partielle de Pen Duick II conçu et piloté par Eric Tabarly.

Pour son ouverture sur la mer, les vents qui y permettaient de profiter de la navigation dans de très bonnes conditions pour qui sait naviguer bien-sûr et pour qui aime être en mer.

Pont de la Cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Un pont en hauteur relie la Cité de la Voile au port de Keroman. Le jour de notre visite, ma fille et moi y sommes restés à peu près cinq heures.

 

A la Cité de la Voile Eric Tabarly, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Notre billet étant valable toute la journée, après une première visite, ma fille a souhaité y revenir le soir. Ce que nous avons fait environ trois quarts d’heure avant la fermeture.

Dans le port de Keroman, nous avons pu prendre le temps de distinguer plusieurs Pen Duick  ( « Petite tête noire » en Breton) qui avaient appartenu à Eric Tabarly et avec lesquels il avait remporté plusieurs compétitions et battu plusieurs records de traversée. La guide de la Cité de la Voile nous avait invité à aller les voir de près. Elle nous avait raconté l’évolution de la voile depuis Eric Tabarly. Elle nous avait parlé des Imoca.

Elle nous avait parlé de la nourriture à bord.

Des maquettes grandeur nature de mats, de coque, de provisions, de matériel de sauvetage et de survie présentes dans la Cité de la Voile permettaient d’équiper un peu les pensées et l’inexpérience du terrien que je suis. Un terrien urbain qui ne connait presque plus rien à la fois de la terre sur laquelle il marche mais aussi de la mer qui l’entoure. Régulièrement accaparé ou distrait par des activités voire des urgences administratives, professionnelles, ménagères, matérielles, de loisirs ou de consommation, en tant que terrien urbain je regarde très facilement la mer et la terre comme des territoires occultes que des intermédiaires, des hommes, des femmes, des enfants, que je côtoie peu, fréquentent, exploitent, dégradent ou « possèdent ».

A la cité de la voile Eric Tabarly, on a opté pour être beaucoup moins moralisateur et sinistre que moi. On a opté pour la pédagogie. De la très bonne pédagogie.

 

 Un certain nombre de jeux ludiques captivants pour les enfants et les adultes nous faisant vivre plus concrètement l’expérience de la navigation. Il y avait sûrement moins de monde que d’autres jours lorsque nous avons visité la Cité de la Voile, ma fille et moi. Nous avons pu nous amuser/exercer à utiliser un winch, à  apprendre à faire des nœuds marins, à essayer de guider des petits bateaux en nous servant des vents d’une soufflerie.

A l’extérieur de la Cité de la Voile, nous avons pu aussi apercevoir d’autres bateaux ainsi que certains chantiers navals qui ont pu être le lieu de fabrication ou de réparation de certains bateaux qui ont participé ou participent entre-autres à la course du Vendée Globe.

Franck Unimon, mardi 2 septembre 2025. 

Bonus : la version « podcast » de l’article :

 

 

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En Concert

Justice à Rock en seine ce 23 aout 2025

Justice au festival Rock en Seine, ce samedi 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Justice à Rock en Seine ce 23 Aout 2025

Cet article est la suite de Jorja smith au festival rock en seine ce 23 aout 2025 et Festival Rock en Seine 23 Aout 2025 ).

Ils ont fait les shows !

Avant le concert de Justice ce samedi 23 Aout 2025 au festival Rock en Seine. Photo©Franck.Unimon

Contrairement au public présent devant la grande scène environ trois heures avant le début du concert, je n’avais aucune attente envers le groupe Justice. Je connais à peine le prénom et le nom du duo. J’ai entendu quelqu’un crier « Gaspard, je t’aime ! » au début du concert et une autre personne appeler « Xavier ! » à la fin du concert.

Le groupe Justice après le concert ce 23 Aout 2025 au festival Rock en Seine. Photo©Franck.Unimon

Sans vérifier, je me dis que Gaspard doit avoir Augé comme nom de famille. Mais je n’en suis pas sûr. Pour Xavier, je n’ai pas de piste. Je pense à Xavier Lestrat car il a un peu un visage de vampire comme Lestat dans le film Entretien avec un vampire avec Brad Pitt et Tom Cruise.

Mon ignorance vient du fait que cette année, j’étais venu pour Jorja Smith (voir article Jorja smith au festival rock en seine ce 23 aout 2025). Et, la programmation du festival a fait que Justice passait « derrière » elle.

A la fin du concert de Justice, Rock en Seine, ce 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

De Justice, je savais qu’ils avaient fait un premier album très remarqué. Puis un second. Et un jeune fan d’une vingtaine d’années devant moi, rappelait à ses amis qu’ils avaient disparu pendant huit ans et qu’il tenait à les voir avant qu’ils se séparent comme l’ont fait les Daft Punk il y a un ou deux ans.

Le groupe Justice après le concert ce 23 Aout 2025 au festival Rock en Seine. Photo©Franck.Unimon

Pour moi, la « faiblesse » de Justice, c’était d’être arrivés ou de s’être fait connaître plusieurs années après les Daft Punk, Alex Gopher, Etienne De Crécy, Laurent Garnier…..tous ceux (et toutes celles) qui avaient fait soit partie de la French Touch dans les années 80/90 ou qui avaient fait de la techno française autre chose que de la musique d’épilation. Chloé, Rebekka Warrior, Maud Geffray,, Agoria, Manu le Malin…

 Je ne les connais pas toutes et tous mais j’ai des noms. Et Justice n’en faisait pas partie.

Sans oublier les précurseurs tels que Jean-Michel Jarre, Cerrone, Kraftwerk, hé oui, Kraftwerk. Et d’autres. Et d’autres. Je n’ai même pas cité Jeff Mills et d’autres références en Europe ou aux Etats-Unis.

Pour moi, Justice, c’étaient les petits nouveaux. Et je ne voyais rien de très nouveau chez eux. Ils s’étaient même faits connaître après Cascadeur.

Justice, ce 23 Aout 2025, lors du concert à Rock en Seine. Photo©Franck.Unimon

Vraisemblablement après la sortie il y a quelques mois de leur nouvel album dont on avait beaucoup parlé, par curiosité  j’avais écouté un ou deux de leurs titres en empruntant un ou deux ou de leurs précédents Cds à la médiathèque. Ça m’avait donné une idée mais ça ne m’avait pas poussé à approfondir.

Mais puisque j’avais payé ma place, que le concert de Jorja Smith s’était terminé en me laissant modérément satisfait et que j’étais près de la scène, j’allais rester pour voir Justice. Je « savais » que Justice allait faire une musique qui tabasse. Je n’en savais pas plus.

S’ils n’ont pas changé la donne en termes de composition musicale et de son, Justice a fait plus que nous mettre de la musique qui tabasse.

Justice lors du concert à Rock en Seine, ce 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Il y a quelques années, on se serait demandé ce que vient faire un groupe comme Justice dans un festival de Rock. Avant de les voir et de les entendre.

On peut voir leur jeu de scène comme une anomalie de sons et de lumières contraires à l’écologie de notre monde de moins en moins préservé. Mais on peut aussi le voir comme des allégories d’Alien, d’un engin spatial extraterrestre, de l’explosion de la bombe atomique, de la pollution dans un univers d’usines et de souricières. Leurs lunettes sont justifiées devant ce déferlement de poussière et de lumières.

Leur spectacle n’a pas traîné. J’ai eu l’impression que les photographes officiels présents avaient le sentiment d’assister à un événement peu ordinaire. Et je les comprends.

Autant le son, lors du concert de Jorja Smith, a manqué quelques uns de ses rendez-vous, autant, là, il était parfaitement maitrisé avec une entrée des basses qui a donné l’impression qu’un lourd vaisseau se posait. C’était le vaisseau Justice.

Lors du concert de Justice à Rock en Seine, ce 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Lors du concert, j’ai été intrigué de voir que les deux membres de Justice puissent se parler par moments. Et leurs attitudes de statues, imperturbables, froides, inexpressives, sauf pour changer de position de temps à autre, rajoutaient aux impressions visuelles.  

Justice à Rock en Seine, ce 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Il fallait être à ce concert. Et, je suis content d’y avoir assisté.

Justice à Rock en Seine, ce 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

A la fin du concert, alors que le duo passait à tour de rôle comme des Rock stars, j’ai commencé à me dire qu’ils avaient très bien trouvé leur nom, Justice, car il passe aussi bien en Français qu’en Anglais. Et, j’ai commencé à réfléchir à la signification de leur croix, symbole de leur groupe.

Le groupe Justice, à Rock en Seine, ce 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Ce 23 Aout 2025, (la) Justice m’a parlé. 

Franck Unimon, ce lundi 25 Aout 2025.

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En Concert

Jorja smith au festival rock en seine ce 23 aout 2025

Jorja Smith à Rock en Seine, ce 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Jorja Smith au festival Rock en Seine ce 23 Aout 2025

Cette année, je suis venu pour elle. ( cet article est la suite de Festival Rock en Seine 23 Aout 2025 ).

Il y a quelques mois, j’avais raté son concert, complet, à la salle Pleyel. L’année dernière, à Rock en Seine, j’avais raté le concert de Lana Del Rey.

J’ai donc été surpris de pouvoir acheter une place pour aller voir Jorja Smith à Rock en Seine à peine une semaine plus tôt. Bien sûr, on ne parle pas de la même carrière ou de la même personnalité à « comparer » Lana Del Rey et Jorja Smith, ce que je viens de faire un peu.

Jorja Smithe à Rock en Seine, ce 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Personne, autour de moi, n’avait vu Jorja Smith en concert ou n’a pu me dire comment elle était sur scène. J’avais vaguement perçu quelques commentaires affirmant que ses concerts étaient marquants.

Je savais qu’elle était jeune (28 ans cette année) et qu’elle s’était faite connaître par son premier album Lost & Found sorti en 2018 et qui reste mon préféré en particulier pour les titres Teenage Fantasy dont la vidéo en noir et blanc  ( tournée à Paris) m’épate pour la décontraction attractive de Jorja Smith et Wandering Romance.

Sur Wikipédia, on souligne l’obsession de Jorja Smith, adolescente, pour l’album Frank d’Amy Winehouse. Puis, on y relate d’autres influences, des duos avec divers artistes renommés (Burna Boy, Drake, Kendrick Lamar…). On y rappelle aussi la mesure sociale de ses paroles.

Jorja Smith à Rock en Seine, ce 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Sur scène avant le concert du groupe Justice, Jorja Smith est acclamée lorsqu’elle arrive. Elle est agréable et entourée de musiciens et de choristes performants qui l’épaulent et l’aiment visiblement beaucoup. Mais, assez vite, peut-être aussi parce-que je ne comprends pas suffisamment ce qu’elle chante en public, je ne suis pas entraîné par ce qu’elle « fait ».  Et le décor sur scène a probablement à voir avec son dernier album mais je trouve qu’il fait plutôt toc.

Jorja Smith à Rock en Seine, ce 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Souriante, Jorja Smith n’est pas l’artiste qui se la pète. Elle inspire vraiment beaucoup de sympathie. Mais en concert, ça ne mord pas. Par moments, le son est même un peu raté et, ce que je trouve très frustrant c’est que sa voix me paraît trop soumise. Trop peu mise en valeur.

A la voir et à l’écouter essayer poliment et sagement d’ambiancer le public, je me dis que c’est une trop grande scène pour elle. Ou un public trop « Rock » pour elle. Pourtant, on ne peut pas dire que le public de Rock en Seine soit impatient et malpoli.

Je me dis qu’elle serait beaucoup mieux dans une petite salle de concert ou dans un club. Parce-que sa musique, c’est celle de l’intimité. Pas celle des gesticulations, du bagout et du vacarme. Cela était sûrement mieux à la salle Pleyel.

Lorsqu’elle commence par chanter Teenage Fantasy a capella, cela aurait pu être un climax. Mais cela reste gentil et bien élevé.

Jorja Smith à Rock en Seine, ce 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Je ne demande pas à Jorja Smith de se forcer ou de se transformer. Elle est comme elle est. Mais j’ai l’impression de ne pas avoir entendu Jorja Smith. De ne pas avoir fait davantage connaissance avec sa voix ! Je m’avise qu’elle est peut-être un peu comme Sade dont les concerts avaient la réputation d’être moins porteurs que les albums studios mais avec des tubes moins gigantesques.

A la fin du concert, la jeune femme avec qui j’ai eu quelques échanges auparavant me dit :

« Je ne suis pas déçue ». Mais je crois surtout qu’elle est contente que le concert soit terminé pour laisser la place au groupe Justice qu’elle attend.

 

Franck Unimon, lundi 25 Aout 2025.

 

 

 

 

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En Concert

Festival Rock en Seine 23 Aout 2025

 

Au Festival Rock en Seine ce samedi 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Festival Rock en Seine 23 Aout 2025

 

Jambes lourdes et tête en bois

16h30, ce dimanche 24 Aout. Hier, j’étais au festival Rock en Seine au parc de Saint Cloud.

En allant au Festival Rock en Seine, ce samedi 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

J’ai un peu la tête en bois. Depuis que je suis rentré cette nuit (j’ai dû prendre un taxi entre la Défense et la gare d’Argenteuil), j’ai beaucoup dormi ou fait un peu acte de présence auprès de ma compagne, notre fille et de notre chaton.

Aucune consommation de substance de ma part. Je crois que c’est dû à mon âge, peut-être au poids de certaines nouvelles et, aussi, à l’attente, immobile, devant la grande scène. A peu près une heure avant le concert de Jorja Smith de manière à être le mieux placé possible pour la voir et la prendre en photo.

Jorja Smith, à Rock en Seine, ce 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Et autant, si ce n’est davantage ensuite, pour assister au concert du groupe Justice également sur la grande scène du festival.

Le groupe Justice à Rock en Seine ce samedi 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

A Rock en Seine, j’ai dû attraper froid ou pris un coup de chaud.  J’étais sans doute encore entamé physiquement en arrivant malgré la sieste que j’avais faite avant de venir.  J’étais même arrivé vers 18 heures alors que les premiers concerts de la journée avaient commencé à 14h30. Mais j’avais les jambes lourdes en me dirigeant vers la sortie du festival hier soir après minuit. Et j’étais claqué, assis dans le taxi (heureusement que j’en ai trouvé un à La Défense et que j’avais de quoi le payer, 25 euros la course) en rentrant chez moi. 

Même si j’ai vu près de moi des plus jeunes que moi ( dans la vingtaine ou trentaine) s’asseoir en attendant le début des concerts, je me dis que je suis sans doute devenu trop âgé pour un festival comme Rock en Seine.

Je me suis rappelé les propos d’un ami, de quatre ans mon cadet, qui m’a dit cette année ou l’année dernière :

« Je suis trop vieux pour aller dans des festivals ». 

Lui et moi nous étions retrouvés au concert de PJ Harvey lorsqu’elle est passée dernièrement à Paris ( PJ Harvey à l’Olympia, octobre 2023 ). C’était déjà il y a bientôt deux ans. 

Il y a quelques minutes, en me réveillant de ma sieste, après un déjeuner allégé, j’ai dit à ma compagne que j’allais me recoucher. Elle a exprimé un peu son étonnement. Puis, je suis reparti. J’ai pris une douche. Et, pendant la douche, mes pensées se sont mises à faire un peu de développé coucher à propos du festival.

Je n’ai pas menti à ma compagne. Ma réelle intention était de continuer de me reposer. Mais, je tente, là, une incursion dans le récit plutôt que dans le sommeil.

Après avoir pris le tramway T2, vers l’entrée du festival Rock en Seine, ce samedi 23 Aout 2025 vers 18h. Photo©Franck.Unimon

Aller au plus grand festival de Rock en région parisienne

J’ai lu ou entendu que le festival Rock en Seine était le plus grand festival de Rock en région parisienne.

Ce Samedi 23 Aout 2025, en allant au festival Rock en Seine vers 18h. Photo©Franck.Unimon

J’ai commencé à venir au festival Rock en Seine au début des années 2000. J’avais vu les affiches annonçant la venue de PJ Harvey. Je n’y étais pas allé. C’était trop loin pour moi. J’habitais à Cergy-Le-Haut. Et, dans ma tête, j’étais seul.

En allant au festival Rock en Seine, ce samedi 23 Aout 2025 vers 18h. Photo©Franck.Unimon

Je vais à la plupart de mes séances de cinéma, de « mes » concerts ou des festivals, seul. Je préfère y aller en solo plutôt que de ne pas y aller. Plutôt que de devoir dépenser de l’énergie à rassembler ou essayer de convaincre une ou plusieurs personnes autour de moi. Plutôt que de dépendre du planning de quelqu’un d’autre.

Et lorsque je me décide pour une expérience sportive, c’est pareil. Il en aurait peut-être été différemment si ma jeunesse avait été cette période de sorties à laquelle on l’assimile généralement. 

Adolescent, je n’ai pas ou très peu connu l’expérience d’aller au cinéma ou à des concerts avec les copains et les copines. Je n’en n’avais ni les moyens ni l’autorisation. Je suis un citadin né dans une ville de banlieue, élevé avec une mentalité de campagnard de parents antillais issus de la campagne. A la campagne, en Guadeloupe, du temps de mes parents, les enfants et les ados n’allaient pas au cinéma. Il n’y en n’avait pas. Et c’était trop cher. Et pour les concerts, on allait sans doute plutôt aux bals, aux soirées telles que baptêmes, mariages et communions où les musiques qui passaient, c’était le Konpa, la musique antillaise de la Guadeloupe et de la Martinique d’avant le Zouk, un peu de Salsa et de Reggae. Puis le Zouk.

 Ce sont des soirées que j’ai connues enfant, adolescent et jeune adulte avec mes parents en région parisienne voire un peu en Guadeloupe, où je retrouvais de temps à autres des oncles, des tantes et des cousins et dont j’ai une certaine nostalgie par moments. Je regrette de n’avoir jamais eu d’appareil photo ou de caméra dans les mains lors de cette époque où je regardais beaucoup ce qui se déroulait devant moi. J’ignorais à la fois que ce monde allait disparaître pour moi mais aussi l’importance qu’il prendrait pour moi rétrospectivement.

Je crois que beaucoup des personnes qui se rendent à un festival comme Rock en Seine appréhendent de connaître un jour ce genre de nostalgie. D’être passés à côté de leur vie et de leur époque.

En allant au festival Rock en Seine, ce samedi 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Je crois aussi qu’ils ont entendu parler, d’une façon ou d’une autre, de ces grands festivals de musique qui ont fait « l’Histoire » ou qui font désormais partie de l’Histoire. Woodstock et autres. Jimi Hendrix, les Beatles, Bob Marley, Elvis Presley, Led Zeppelin, Les Stones et beaucoup beaucoup d’autres.

Je cite ici plutôt des « rockers » (même si j’inclue Bob Marley) car je crois que le Rock, en occident, à partir des années 60, est le genre musical qui a donné lieu aux prestations les plus médiatisées dont on se repasse les histoires et les images et qui ont ensuite servi de modèles à d’autres artistes quel que soit leur horizon musical.  

Le Rock a été ou est cette musique iconoclaste, de contestation, de la jeunesse du monde dit libre ou qui se veut libre en Occident puis ailleurs. Même si, ensuite, la liberté ne se retrouve pas à l’équilibre.

Festival Rock en Seine, ce samedi 23 Aout 2025 vers 18h. Photo©Franck.Unimon

Je ne connais pas exactement ce qui a poussé les promoteurs ou les créateurs du festival à l’appeler Rock en Seine mais je me hasarde à supposer que le terme « Rock » a été choisi pour entretenir une certaine filiation avec tous ces artistes « Rock » ou « Rock stars » dont on sait nous parler et avec lesquels on nous fait rêver. Du moins, avec lesquels on fait rêver un certain public en occident. Un occident plutôt blanc ou qui a, dans sa grande majorité, un public blanc. Car le Rock, malgré ses diverses inspirations, origines et influences s’adresse plutôt à un public blanc ou un public « de » blancs. Même si ce public ou ses artistes, par ailleurs, peuvent être tout à fait capables d’aller écouter et voir d’autres artistes d’autres genres musicaux.

Même si au festival Rock en Seine, il y a désormais des rappeurs qui passent sur scène (lorsqu’ils n’annulent pas leur présence tels Asap Rocky ou Doeechi cette année) ou Jorja Smith qui sait rapper.

Lorsque tout à l’heure, j’ai parlé de Konpa, de musique antillaise, de zouk ou de salsa, la lectrice ou le lecteur attentive/if s’est peut-être étonné( e ) de me voir parler du festival Rock en Seine où des artistes tels que Kassav’, Meiway ou autres super vedettes africaines ne sont jamais passées et ne passeront peut-être jamais. Des artistes qui correspondent beaucoup plus à mon éducation et à mon « milieu » d’origine. Et, je n’ai pas oublié l’espèce de moue que semblaient faire certains de mes anciens « collègues » journalistes du magazine XCrossroads chaque fois que je m’amusais à leur parler de Zouk ou de Dub. Comme si je leur avais demandé d’avaler une cuillère d’huile de ricin par les narines.

Un jour, après d’autres concerts ailleurs,  je suis allé à « mon » premier festival Rock en Seine parce-que je n’avais plus peur de me perdre en route. Parce-que je ne craignais pas de devenir fou. Je n’avais pas ou je n’avais plus l’impression de trahir mon identité, mon groupe, mon histoire ou ma famille. Et je crois que cette attitude a aussi à voir avec le Rock. Sauf que cette partie-là de l’expérience du Rock est peut-être oubliée ou a été oubliée au profit du fait de s’afficher et de s’affirmer. Comme on peut le faire en étant très fier de porter certains drapeaux ou certains discours nationalistes. Et de considérer que l’on est particulièrement attaché à un pays, à une musique ou à une personne parce-qu’on le crie partout et qu’on le (dé)montre au monde entier.

Je ne suis pas là pour démontrer ou pour essayer de prouver quelque chose. Plutôt pour témoigner.

Pour essayer de témoigner.

Mais ce sont évidemment des paroles de vieux. Et le vieux va continuer de s’exprimer car il a appris à utiliser un clavier. Et, comme beaucoup de vieux, il croit que son expérience compte même si celle-ci fond comme une bougie. Car, plus que tout, le vieux croit encore à ses histoires. 

A Rock en Seine, avant hier, j’avais vu les Hives, le dernier concert des Rita Mitsouko quelques semaines avant le décès de Fred Chichin, Emilie Simon, Jesus and the Mary Chains ( je crois) ou Faith No More plutôt, Massive Attack et d’autres groupes.

( voir Massive Attack à Rock en Seine Aout 2024)

Ma prestation préférée reste celle de Björk qui avait clôturé le festival et qui avait entre-autres chanté son Déclare Indépendance.

J’ai connu le festival lorsqu’il se déroulait sur deux jours (contre cinq cette année) si mes souvenirs sont justes. Le tarif était plus bas mais je n’en suis plus très sûr. Pour 69 ou 79 euros pour une journée contre près de 90 euros pour la journée d’hier. C’était avant le tramway T2. Pour venir en transports en commun depuis Cergy le Haut, je récupérais la ligne 10 du métro. Puis, je marchais une dizaine de minutes en prenant le pont qui passe au dessus de la Seine.

 J’ai le souvenir que le festival se terminait à une heure permettant de rentrer chez soi par les transports en commun alors qu’hier soir, après le concert de Justice, il était trop tard pour que je prenne un train depuis la Défense jusqu’à St Lazare.

Hier soir, en quittant le festival vers minuit. Je me suis retourné pour prendre la photo. On peut apercevoir la foule qui avance « derrière » moi et qui se dirige aussi vers la sortie. Photo©Franck.Unimon

Le service de presse du festival s’est targué d’avoir attiré 180 000 festivaliers l’année dernière. C’est sûrement plus qu’au début des années 2000. Je ne suis ni comptable ni historien de ce festival et je ne scrute pas le « bizness » ou le modèle économique du festival. Mais ce qui m’apparaît néanmoins, c’est qu’avec le temps, Rock en Seine est devenue une entreprise plutôt rentable.

Burger King et commerces

Comme dans d’autres festivals, avant d’entrer (alors que nous avons payé notre place), pour des raisons dites de sécurité, on nous explique que l’on ne peut pas emporter avec soi certaines quantités de nourriture ou des bouteilles ou des gourdes de telle dimension. On nous limite aussi sur le type d’appareil photo que l’on peut apporter avec soi. Le mien a failli se retrouver à la consigne, ce qui aurait impliqué ensuite la contrainte de devoir faire la queue pour le récupérer. Sauf que, au vu de la technologie de plus en plus poussée des smartphones (et Rock en Seine comme les autres festivals n’interdit en rien les smartphones) en matière d’image, de son, et vue la facilité avec laquelle les images sont aujourd’hui postées sur les réseaux sociaux, il m’apparaît rétrograde et plus que borné de vouloir maintenir cette police des appareils photos.

Au festival Rock en Seine, ce samedi 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon.

A l’intérieur du festival (comme dans d’autres festivals), on nous oblige aussi à passer par les portiques de son système économique. Je sais très bien que cela fait déjà plusieurs années que c’est comme ça que ce soit à Rock en Seine et dans d’autres festivals. Mais même si cela est déjà « normalisé », accepté, digéré et assimilé, cela n’empêche pas de parler de cette folie.

Cette « folie » consiste à prépayer nos consommations de nourriture ou de boisson car il est désormais impossible de payer soi-même directement.  Nous devons donc nous déplacer jusqu’à des bornes qui débitent nos cartes bancaires ou qui prennent nos espèces. Bornes devant lesquelles, nous devons nous confesser ou prévoir pour combien nous allons en avoir lorsque nous aurons envie, après avoir à nouveau fait la queue devant le stand de nourriture choisi, de commander à manger ou à boire. Et, il nous revient de prévoir juste.  Hier, il m’a ennuyé de devoir me dire que le festival Rock en Seine ferait mieux de s’inspirer du système de commande d’un Burger King.

Festival Rock en Seine, ce samedi 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Hier, j’ai tenu à ne rien acheter au sein du festival. Ni boisson, ni nourriture. Rien. J’avais fait en sorte de bien manger auparavant et d’emporter avec moi de quoi me nourrir et boire suffisamment et rapidement : quelques pains au lait ; un snickers ; deux pâtes de fruits. Une petite « gourde » que j’ai remplie à un des robinets du festival.

Festival Rock en Seine, ce samedi 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Un peu plus loin, j’ai été étonné de tomber sur ce bandeau publicitaire en faveur de Revolut. Je me suis demandé ce que cela venait faire dans un festival de Rock ou de musique. Par contre, je n’avais même pas prêté attention à ce « bar » à champagne. J’avais vu l’équivalent lors de ma visite de la Tour Eiffel il y a un ou deux ans.

Festival Rock en Seine, samedi 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon
Festival Rock en Seine, samedi 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

 

A côté de certaines préventions sanitaires, la Pub et le commerce ont continué de s’étoffer. Tel le stand de vente des protections auditives Alpine (plus classes et plus ergonomiques) qui permet de s’en acheter si on les préfère aux bouchons standards qui sont, eux, encore distribués.

J’avais apporté mes protections auditives d’une autre marque. Les festivals n’interdisent pas encore de venir avec nos propres protections auditives pour des raisons de  « sécurité ».

Je suis très content de mes protections auditives. Elles m’ont à nouveau donné beaucoup de confort pendant le concert de Jorja Smith et, surtout sans doute, pour celui de Justice. 

Festival Rock en Seine, Samedi 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Pour rester dans les sanitaires, tout festival nous amène à ce passage obligé dans les toilettes. Or, nous sommes dans le parc de Saint Cloud. Pas en plein bois de Boulogne ni dans une déchetterie. Il convient donc de se diriger vers les lieux d’aisance.

Festival Rock en Seine, ce samedi 23 Aout vers 18h. Ceci est la file d’attente pour les toilettes fermées. Photo©Franck.Unimon

 

 J’ai pu éviter  une très grande file d’attente en m’éloignant finalement d’un premier lieu. Ensuite, j’ai accepté d’être « encadré »  par deux autres mecs devant cette pissotière publique qui permettait de passer très vite.

En temps ordinaire, uriner debout à côté d’un autre garçon est une situation très peu quelconque. En certains endroits, c’est un moment de comparaison, d’embarras, ou de drague. C’est ce qui a poussé, je crois, certains hommes à attendre dans la file des femmes. Car je ne crois pas que c’était pour faire caca.

Une fois debout, on le sait, les hommes, quel que soit leur âge et la taille de leur sexe, peuvent avoir du mal à pisser droit et à éviter de s’en mettre plein les doigts. C’est donc un moment clé de notre existence. Celui où l’on se pisse dessus ou par terre ou sur ses pieds ou au contraire, celui, où l’on s’en sort bien. Et, il faut à chaque fois réussir.

En général, j’aime bien regarder en l’air lorsque je pisse afin qu’il n’y ait aucune équivoque avec mon voisin. Mais cette fois, j’ai préféré mettre toutes les chances de mon côté. Et tant pis si un de mes voisins a regardé la mienne. Tant pis si un autre s’est dit que j’étais venu pour pas grand-chose.

C’était bien de pouvoir ensuite se « désinfecter » les mains avec du gel même si j’aurais préféré de l’eau et du savon. Je ne suis pas resté regarder bien longtemps mais j’ai eu l’impression que certains hommes expédiaient cette opération de désinfection sur leurs mains avant de sortir

Conscience politique :

Festival Rock en Seine, ce samedi 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

Les festivals comme ceux de Woodstock ou d’autres par la suite ont eu des volontés politiques. Hier, à deux reprises, environ trente minutes avant le concert de Jorja Smith puis avant celui de Justice, grâce aux grands écrans accolés près de la grande scène, nous avons pris notre leçon (abrégée) de prise de conscience politique. En faveur d’un journaliste français injustement emprisonné en Algérie « pour apologie du terrorisme ». Le message de RSF nous enjoignait à faire un « maximum de bruit » et à signer une pétition.

Je n’avais jamais entendu parler de ce journaliste et je souhaite bien-sûr que cela s’arrange pour lui et ses proches. Mais Rock en Seine, pour moi, était à nouveau à côté de sa grille d’accords. Car parler de ce journaliste, sans parler de la famine à Gaza et de la façon dont le gouvernement de Netanyahou continue de détruire toute possibilité d’apaisement en Palestine ?! Sans parler des Présidents Trump et Poutine qui jouent au chat et à la souris avec l’Ukraine de Zelensky ?!

Un artiste chantait « Give Peace a chance » mais Rock en Seine semble plutôt entonner « Give Business a chance ».

Lors de mes « premiers » Rock en Seine, j’ai l’impression que le festival affichait moins certaines prétentions éthiques ou écologiques. Bien-sûr, j’approuve la démarche qui consiste à rendre bien visible dans le festival l’endroit sûr où pourrait se rendre une personne (une femme) aux prises avec un abuseur ou un violeur. Ainsi que ce lieu où venir reposer sa tête, son corps et ses oreilles de l’amas de décibels. Mais j’ai aussi l’impression que c’est du vernis. Et que le festival se comporte comme n’importe quelle entreprise qui aspire à obtenir et conserver son label de conformité ou d’utilité publique.

Festival Rock en Seine, ce samedi 23 Aout 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Mais je dois être devenu sacrément vieux et très très amer pour raisonner de cette manière et voir le mal un peu partout. Donc, je me sens obligé d’écrire que j’étais d’abord venu pour Jorja Smith et, qu’ensuite, je n’ai pas pu faire autrement que voir ce qui se trouvait devant moi. Ou il aurait fallu que je me rende jusqu’à la grande scène en ayant les yeux bandés.

Ai-je bien vu les concerts de Jorja Smith et de Justice ? Oui. Pourquoi ne pas m’être contenté de parler de leurs concerts ? D’abord parce qu’il est habituel de diffuser des images des concerts et des concerts auxquels on se rend.

Pour partager et faire rêver.

Mais les images que l’on montre et que l’on choisit ne disent pas tout du moment et de l’expérience. Ce serait comme uniquement montrer les photos de mariage d’un couple, cela ne dit pas tout de l’histoire du couple. Mais bien-sûr, on peut préférer le conte de fée à la véritable histoire, le mollard à l’eau de rose qui conditionne plutôt que le polar qui affranchit.

A Rock en Seine, comme dans d’autres festivals ou lieux de concerts, on ne fait pas qu’aller voir et écouter des artistes. Même si c’est notre projet et ce qui nous pousse à payer notre place et nous déplacer. A Rock en Seine comme dans d’autres festivals ou lieux de concerts ou dans des salles de cinéma, nous nous faisons aussi solliciter ou influencer par certains messages publicitaires ou autres. Nous sommes des témoins de notre époque même si nous décidons de ne pas nous attarder sur certaines informations que nous « voyons » pour nous concentrer sur notre plaisir qui est d’aller écouter et voir certains artistes.

Mais il serait naïf de croire que mon expérience à Rock en Seine a été exclusivement musicale. Depuis mon transport à la Défense dans le T2 où j’ai assez facilement identifié des festivalières et des festivaliers jusqu’à mon retour à la Défense dans le T2 après minuit, j’ai été partie intégrante d’un comportement économique, sociologique et idéologique particulier qui tranche avec ma vie ordinaire, elle-même réglée ou préréglée aussi selon certains principes et certaines injonctions.

On peut bien-sûr se contenter de l’expérience musicale et/ou des bons moments que l’on y passe avec d’autres. Car c’est quand même le principal. Mais je m’abstiendrai de croire ou de penser que je me trouvais hier, à Rock en Seine, dans un monde merveilleux, libre et bienveillant qu’il conviendrait de répliquer à plus grande échelle pour que je sois heureux ou plus heureux. Et que la vie, ma vie, devrait toujours être celle que j’ai aperçue ou que l’on m’a vendue à Rock en Seine durant quelques heures.

Ce serait l’horreur si ma vie se déroulait en continu comme dans le festival Rock en Seine. Mais d’autres personnes, au contraire, seraient prêtes à s’engager, à embrigader, à dénoncer voire à torturer et tuer pour que leur vie, la vie, soit toujours comme dans le festival Rock en Seine.

Festival Rock en Seine, hier soir, en partant. Photo©Franck.Unimon

L’autre raison à tout ce laïus est que c’était peut-être la dernière fois, hier, que je me rendais au festival Rock en Seine. Hier, je ne le savais pas. C’est, aujourd’hui, en voyant l’état physique dans lequel je me trouvais, et, donc, le défi un peu ou assez physique que constitue le fait d’aller dans un festival, que je me suis dit qu’il me fallait accepter que ce n’était plus pour moi. Ou alors qu’il faudrait que cela se fasse dans des conditions qui me soient plus confortables. En y allant plus reposé. En évitant d’attendre debout pendant une heure avant chaque concert pour être au plus près de la scène.

Festival Rock en Seine, hier soir, en partant. Photo©Franck.Unimon

Telle était ma conclusion avant de faire une pause de quelques minutes. Depuis, j’ai mis l’album Standing in the Way Of Control du groupe Gossip que j’avais eu la chance de voir il y a un peu plus d’une quinzaine d’années. J’ai aussi préparé l’album Tres Hombres de ZZ Top que je n’ai jamais vu en concert. L’album Ventriloquism de Meshell Ndegeocello vue plusieurs fois en concert depuis son premier album Plantation Lullabies. La compilation L’Année du Zouk 2023 et l’album Jazz is A Spirit de Terri Lyne Carrington.

Je vais maintenant découvrir les photos que j’ai prises hier des concerts de Jorja Smith et Justice. Et l’article qui les concerne apparaîtra bientôt dans mon blog.

Franck Unimon, ce dimanche 24 Aout 2025.

 

 

 

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Voyage

Lorient visite guidée juillet 2025-première partie

Port de Keroman-Lorient, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Lorient visite guidée juillet 2025- première partie

Au mieux, la mémoire de l’être humain est une vie en soi. Au pire, la mémoire est une folie.

Car si elle peut nous être un renfort elle n’obéit pas pour autant strictement aux lois et aux frontières de la volonté humaine. Dire que la mémoire, notre mémoire d’humains, retombe toujours sur ses pattes ou qu’elle recouvre invariablement son équilibre est une interprétation ainsi qu’une aspiration humaine.

Nous portons en nous une certaine mémoire. Mais nous n’en savons pas grand-chose.

A Quéven, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Je peux néanmoins encore me rappeler, pour l’instant, que ma fille et moi sommes revenus de notre semaine de vacances dans le Morbihan il y a bientôt un mois. Nos premières vacances en duo depuis sa naissance il y a bientôt douze ans. Depuis notre retour, je n’ai pas pu prendre le temps de commencer à écrire cet article dans des conditions qui me convenaient :

J’ai repris le travail. J’ai emmené ma fille à la gare Montparnasse pour qu’elle parte à sa première colonie de vacances. J’ai fait plus de cent kilomètres en voiture aller et retour pour me rendre à Rogny les Sept écluses afin d’aller chercher un chaton que j’avais seulement vu en photo afin de l’adopter. Un chaton donné par la sœur d’une collègue.

C’est la première fois que j’adopte un animal domestique. Je l’ai fait après une conversation avec ma compagne dont certains des arguments m’ont convaincu :

Nous connaissions une deuxième vague de souris depuis le mois de Mai après une première fin 2023.

Pour notre fille.

Pour le fait que la présence d’un animal « domestique » dans un domicile permet certaines transitions.

 L’écriture, tout comme le songe, est une transition.

Mais il faut du temps pour écrire. Il me faut aussi voir se rapprocher ce moment où je « sais » que je pourrai donner le meilleur dont je dispose pour lancer l’écriture.

Il y a des articles que j’ai perdus et d’autres qui sont en sursis. Il y en a d’autres aussi que j’ai ratés mais qui m’ont peut-être permis d’en réussir d’autres. Il m’est difficile de savoir à quelle catégorie appartiendra celui-ci en dépit de ma bonne volonté de départ.

J’ai véritablement entendu parler de la Bretagne pour la première fois pendant mes études d’infirmier à Nanterre à la fin des années 80. Dans ma promotion et dans mon école d’infirmières de la Maison de Nanterre (l’ancien nom de l’hôpital de Nanterre qui, aujourd’hui, s’appelle, je crois l’hôpital Max Fourastier) il se trouvait quelques Bretonnes.

J’étais issu d’un baccalauréat B option sciences économiques et du lycée. Comme aurait pu le prétendre l’humoriste Fabrice Eboué, qui était alors très loin d’être connu voire à l’école primaire, je n’avais alors « rien vécu ».

J’étais un petit noir à lunettes né en France, dans une ville communiste de banlieue parisienne, à Nanterre, ancien sprinter de niveau régional qui avait pourtant voulu devenir le nouveau Carl Lewis.

Mes parents, deux Antillais de naissance, avaient quitté à la fin des années 60 leur Guadeloupe natale, et plutôt rurale, ainsi que leur commune, Petit-Bourg.  Afin d’essayer d’améliorer leur condition sociale et personnelle.

Et, à l’école d’infirmières, ces Bretonnes que je rencontrais, parmi d’autres, avaient, elles, quitté leur Bretagne natale pour venir effectuer leurs études en région parisienne. Leur souhait étant, pour plusieurs d’entre elles, de repartir vivre dans leur région d’origine dès qu’elles le pourraient. Pour se marier, acheter une maison, faire des enfants. Des projets dont j’étais incapable de m’emparer et par lesquels je me sentais assez peu concerné. 

Après l’obtention de leur diplôme d’infirmière, certaines sont retournées en Bretagne. D’autres, moins. Moi, je suis resté vivre en banlieue parisienne. Malgré le fait que, pendant un temps, mon père m’ait répété que la France était le pays « des Blancs » et que je n’avais rien à faire en France. Si je l’avais écouté ou suivi à la lettre, après mon diplôme, je serais parti vivre en Guadeloupe et ce serait un article différent que j’écrirais aujourd’hui puisque j’écrivais déjà et qu’après avoir voulu être le nouveau Carl Lewis, à défaut de pouvoir devenir le nouveau Miles Davis, j’espérais vraisemblablement être le nouveau Aimé Césaire, le nouveau Richard Wright ou un de ces intellectuels ou penseurs qui « comptent ».

En attendant, j’ai ensuite réentendu parler de la Bretagne par…la Grande-Bretagne. L’ Ecosse a fait partie de mes premiers voyages en dehors de la Guadeloupe. Avec la Yougoslavie en 1989. Puis, il y a une vingtaine d’années, j’ai été amoureux d’une Bretonne, Highlander, originaire du Finistère. Car il faut bien une histoire d’Amour, de désamour, de violence ou d’injustice quelque part pour fixer notre mémoire ou l’inspirer. Celles et ceux qui ont aspiré ou qui aspirent à devenir de grands artistes ou de grands penseurs qui changent le Monde et la Création le savent.  

Au début de ma rencontre avec Highlander (j’avais une trentaine d’années), je m’étais dit : « ça y’est, j’ai rencontré la femme de ma vie ». Highlander avait trois chats lorsque je l’ai connue. 

Ajoutons à cela qu’à la même époque, j’avais aussi rencontré Georgette France, notre cadre infirmière, qui avait invité plusieurs d’entre nous à venir passer un week-end chez elle en Ile-et-Vilaine après son départ à la retraite.

Bien que Georgette France n’ait pas de chats, j’ai continué par la suite à venir passer des week-end chez elle et son mari. Mais peut-être  étais-je devenu, sans m’en apercevoir, un de ces nombreux chats qui reviennent dans ces maisons où ils mangent très bien et où ils se sentent en sécurité avant de s’en aller jusqu’à la fois suivante. 

Entre l’Ile-et-Vilaine et le Finistère, il est difficile de se croire en Poitou-Charente ou dans les Bouches du Rhône. Nous sommes bien en Bretagne.

La Guadeloupe, les Antilles, font rêver beaucoup de personnes :

Les touristes, celles et ceux qui s’y sentent délestés de toutes leurs contraintes et histoires personnelles, sociales et familiales ; toutes et celles et tous ceux qui, lorsqu’ils y passent des vacances en famille s’y sentent libres ou chez eux.

Malheureusement, je n’ai jamais été libre ou suffisamment chez moi durant mes vacances estivales de deux mois lors de mon enfance et mon adolescence en Guadeloupe. J’y ai même été plus enfermé que dans la cité HLM où nous habitions encore à Nanterre, allée Fernand Léger, en face de l’école Robespierre.

Toute forme d’oubli ou d’abandon m’était difficilement possible en Guadeloupe. Je me retrouvais régulièrement sur le tarmac du temps qui ne passe pas ou alors très très lentement.

Et de la mémoire qui vous happe.

La mémoire de la peur. De la méfiance. De la réputation. Une mémoire pas très cool. Pas très sereine. Pas beaucoup portée sur le soleil ou l’optimisme. Pas très Francky Vincent. Plutôt étrangère à la méditation comme à la contemplation. 

Il existait toujours une bonne raison à cela. Une crainte ou une inquiétude. Un événement passé. Un devoir. Une exigence.  Une croyance. Ou une absence de moyens.

En région parisienne, cette mémoire pouvait se diluer dans l’Hexagone au gré des horizons et des personnes différentes que j’y rencontrais. Mais au pays, cette mémoire pouvait vous reprendre à n’importe quel moment tel le dealer qui, d’une main, vous sourit et vous délivre la substance agréable et qui, de l’autre, vous séquestre soudainement, vous avertit d’un danger possible ou imminent ou vous saisit votre âme ou votre paie.

Sauf que le dealer était un membre de la famille, un « proche », un ami, qui connaissait mieux que vous le pays et le territoire lorsqu’il n’était pas plus âgé, donc plus expérimenté que vous. Il avait donc toujours et systématiquement plus de Savoir que vous d’une façon ou d’une autre. Et ce qu’il vous administrait, c’était toujours une vérité que cela vous plaise ou non. Il fallait donc l’écouter.

Il y avait aussi des moments agréables ou très agréables mais c’était aléatoire. Je n’avais pas la main dessus. Je vivais ou restais là-bas,  deux mois durant, dépossédé de la possibilité d’entreprendre une action quelconque pouvant m’assurer de faire d’un moment de plaisir, une certitude. 

La présence d’une médiathèque ou d’une activité culturelle voire sportive régulière avec des jeunes de mon âge ou voire des éducateurs officiels ou non aurait pu sauver mes expériences d’enfant et d’ado métropolitain ou négropolitain en vacances en  Guadeloupe. 

Pour moi, il n’y en n’a pas vraiment eu. Ou par intermittences. Car cela demande de la patience ne serait-ce qu’éducative mais aussi d’avoir certaines ambitions ou certaines visions pour lesquelles nous n’étions ni entraînés ni préparés.  Or la patience ne fait pas partie de la palette des vertus les plus recherchées ou les plus pratiquées parmi les adultes. Et la Man Tine ambitieuse et clairvoyante de Rue Cases Nègres ne figure pas dans le casting des personnalités qui m’ont marqué en Guadeloupe ou en France.  

J’ai donc dû composer avec ce qui m’a été transmis et aujourd’hui, je continue de composer. Afin de tenter de produire et non seulement reproduire, ce qui me fait prendre quelques risques :

M’éloigner de la Normalité, m’exposer, créer, affirmer et faire reconnaître ma normalité, me tromper, douter, devoir penser par moi-même et prendre certaines initiatives. 

En principe, on pourrait retrouver cela dans une histoire d’Amour. 

Je n’ai jamais connu la moindre histoire d’Amour en Guadeloupe. Soit presque l’exact opposé de ce que j’ai pu connaître en Bretagne à l’âge adulte ou ailleurs plus jeune en France.  

Récemment, Nonrien une amie (qui se trouve avoir des origines bretonnes) m’a demandé la raison de ma « passion » pour la Bretagne. C’est peut-être la meilleure réponse que je puisse (lui) apporter aujourd’hui. Et c’est peut-être aussi ce qui m’a donné envie, pour mes premières vacances avec ma fille, de nous rendre en Bretagne cet été.

Bien-sûr, en Bretagne, il y a la mer ou celle-ci n’est pas très loin. Cela a son importance.

Lorient, Port de Keroman, Juillet 2025, depuis la Cité de la Voile. Photo©Franck.Unimon

Pour venir en France, mes parents ont bien dû passer par la mer.  Pour débarquer en Guadeloupe, on sait aussi que nos ancêtres africains ont dû passer sous la contrainte par la mer. 

C’est en Guadeloupe, à Ste Rose, là où mes parents sont retournés vivre après avoir fait construire leur maison pour leur retraite que, au début des années 2000,  j’ai passé mes deux premiers niveaux de plongée bouteille au club Alavama créé et tenu par Stephan, originaire de Corse. Alavama  semble avoir fermé depuis. Mais c’est dans ce club de plongée que j’ai vraisemblablement poussé un peu plus loin mon processus de libération et d’ouverture personnelle. Un processus d’abord et généralement assez solitaire.

Ma décision de pratiquer l’apnée quelques années plus tard fait sûrement partie du processus.

Les deux responsables de la section apnée du club de Colombes dont je fais partie depuis quelques années sont… bretons. De ce fait, chaque année, nous faisons un stage d’apnée et de chasse sous-marine…en Bretagne. Cette année, c’était à Loctudy.

Même si je suis d’origine antillaise et que j’aime évidemment me baigner dans la mer chaude, je n’ai pas d’appréhension particulière dans le fait d’entrer dans une mer plus froide. Il m’est arrivé et il peut m’arriver d’avoir envie de faire l’expérience d’une plongée sous glace avec bouteille ou en apnée.

Et puis, à l’image de mes séjours en Yougoslavie et en Ecosse, je préfère autant que possible éviter certaines destinations surchargées ou convenues.

Habituellement, en été, la majorité des vacanciers est obsédée par les plages du sud de la France. En hiver, l’obsession se dirige tel un revolver vers les sports d’hiver.

Je ne supporte pas les embouteillages. Je trouve que lorsque nous sommes insérés dans nos véhicules comme des saucisses sur des milliers de kilomètres sur la route, que nous sommes à l’apogée de l’absurdité de notre officielle modernité.

Je ne supporte pas de me retrouver allongé sur une serviette dans le sable parmi une foule de vacanciers au bord d’une plage. Et si j’ai pu aller deux ou trois fois « faire » du ski, ce qui m’a plu, je ne cours pas après cette frénésie des sports d’hiver.

Lorsque je parle de mes moments désagréables et décisifs en Guadeloupe, je n’omets pas les expériences privilégiées que j’y ai aussi faites :

Quand on a pu connaître dès l’enfance les plages de la Guadeloupe où l’on a pu se baigner sans encombrement, ensuite, on ne peut pas s’émerveiller devant « l’événement » de l’ouverture de l’Aquaboulevard dans Paris ; contrairement à Gavroche, l’amie parisienne qui m’y avait alors entraîné il y a plusieurs années. Pas plus que je ne peux accepter de faire près de 800 kilomètres afin de me retrouver dans le sud de la France sur une plage bondée dans une ville bâclée par des commerces touristiques grossiers.

D’ailleurs, l’une des seules fois où je suis allé passer quelques jours sur une plage en été dans le sud de la France, c’était aussi avec cette même amie parisienne, celui qui allait devenir son mari et mon meilleur ami.

Malgré mon amertume et l’ambivalence de mes sentiments envers mon histoire avec la Guadeloupe, moi, le Moon France ou le Bounty, je lui suis non seulement attaché- ou enchainé- et je l’ai suffisamment « vue », « vécue » et approchée pour connaître un certain nombre de ses atouts.

« Le Breton », la femme comme l’homme, est pareil. « Le » Breton est semblable à beaucoup de personnes qui sont attachées à leur région. « Le » Breton est généralement fier de sa ville ou de sa région.

A Lorient, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Pourtant, les deux ou trois fois où j’ai prononcé le nom de la ville de Lorient devant un Breton ou une Bretonne, j’ai à chaque fois été étonné de devenir le témoin de ce silence un peu particulier suivi de l’impossibilité pour elle ou lui de me parler de cette ville. Car il ou elle ne la connaissait pas ou n’y était jamais allé(e). Le contraste entre la façon dont le nom de cette ville stimulait mon imaginaire, Lorient, et cette absence d’enthousiasme ou ce simili mouvement de recul poli que je saisissais chez mon interlocutrice ou mon interlocuteur m’a toujours interpellé. Pour moi, Lorient, c’était au minimum la mer, la Bretagne et, chaque année, en été, le festival interceltique de Lorient, donc de la musique, donc, de la vie. Mais en face de moi, on s’effaçait devant tout « ça ».

Pendant des années, au début du vingtième siècle, la Bretagne a été, je crois, la région la plus pauvre de France. Encore récemment, en juillet avant notre séjour, Batman, un ami (Breton),  m’avait  appris que le terme « plouc » était autrefois utilisé pour désigner les paysans Bretons. C’est dire à quel point les Bretons, et la Bretagne, dans l’imaginaire collectif français, reviennent de très très loin.

Nos collègues, voisins ou amis bretons nous parlent rarement de cette époque mais il est probable qu’il leur en reste quelque chose. Et que cela peut expliquer cette fierté bretonne dont je parlais quelques lignes plus tôt. Car la Bretagne a de sacrés atouts tant touristiques, que culturels…ou immobiliers.

Même si l’on rappelle les dégâts des élevages porcins, des nitrates et des algues toxiques et mortelles sur certaines plages. Même si l’on parle de Bolloré. Ou de la dynastie Le Pen. Et, récemment, je n’ai pas entendu parler de Lorient lorsque des mauvaises nouvelles émanent de la Bretagne.

D’un point de vue culturel, pour évoquer la Bretagne, spontanément, je pense d’abord à Per Jakez Hélias. Je n’ai toujours pas lu son ouvrage Le Cheval d’orgueil paru en 1975 ( j’avais 7ans et cela correspond à l’année de mon premier voyage en Guadeloupe avec mes parents) mais j’ai écouté- et aimé- certains de ses contes.

Je pense aussi à la compositrice, harpiste et chanteuse Kristen Nogues voire à son compagnon Jacques Pellen, guitariste et compositeur. Même s’ils sont aujourd’hui décédés, je ne crois pas discréditer la culture bretonne en les citant.  

Je pourrais peut-être aussi mentionner le livre Mémoires du large « de » Eric Tabarly ou un  ouvrage de Olivier de Kersauson que j’ai lus. Mais même si Tabarly et Kersauson sont Bretons, en tant que marins et compétiteurs, ils font aussi partie de ces personnes que je qualifierais de « sportifs » de l’extrême mais, surtout, de femmes et hommes libres ou résistants à l’image, pour moi, de personnalités telles que Ellen Mac Arthur, Florence Arthaud, Elizabeth Revol, Hélie de St Marc, Maitre Jean-Pierre Vignau, Madeleine Riffaud, Daniel Cordier. Et, comme eux ou avant eux :

Angela Davis, Nelson Mandela, Martin Luther King, Malcom X, Miles Davis, James Baldwin, Richard Wright, Chester Himes, Aimé Césaire, Frantz Fanon, les Black Panthers, Bob Marley, Muhamad Ali ( même si, aujourd’hui, j’ai plus de mal avec certains de ses travers envers Malcolm X ou Joe Frazier ) James Brown, Kassav’… ainsi, sans doute, que  tous les artistes et écrivains qui, contrairement à moi, ont explicitement préservé le Créole ou s’expriment à travers lui  que ce soit par écrit, oralement, à travers la musique, le cinéma, un autre art ou une pratique que je n’ai pas mentionné, que je suis incapable de formuler ou à laquelle je n’arrive pas à penser.

Je peux néanmoins citer au moins les musiciens et compositeurs réunionnais Ann O’aro, René Lacaille, Maya Kamaty ou les films Kouté Vwa du Guyanais Maxime Jean-Baptiste (sorti dans quelques salles récemment) Zion du Guadeloupéen Nelson Foix ou Sac la mort d’Emmanuel Parraud. Sans oublier évidemment des références littéraires comme Raphaël Confiant, Patrick Chamoiseau ou Maryse Condé, René Depestre, Frankétienne et d’autres qui ont plutôt tendance à être aimantés par l’envers du décor, par le dessous des serviettes de plage, des crèmes solaires et des cartes sociales ou raciales.

Un film comme L’épreuve de feu d’Aurélien Peyre découvert au cinéma ce 15 Aout avant d’aller voir Kouté Vwa (mais aussi Bahd de Guillaume de Fontenay !) peut aussi me faire le même effet même si je peux prendre grand plaisir à aller voir un film axé sur le spectacle ou l’humour.

Cependant, avec la ville de Lorient, sans le savoir, je retournais avec ma fille vers une partie de l’Histoire qui nous éloigne de la vision de carte postale de la Bretagne. Je m’éloignais des villes et des lumières attractives telle la ville Pont-Aven pourtant proche et dont « tout le monde » m’avait dit beaucoup de bien. Car c’était une ville à voir etc….

Je reste marqué par ces paroles du rappeur Mc Solaar à l’époque où il était, pour moi, une forme d’absolu, alors que je reste un amateur vraiment limité en Rap :

« Il était vraisemblable que tous les faux semblants de la farce humanitaire aboutiraient au néant. C’est une boule à facettes comme dans les discothèques. Ça reflète à la lumière et sans elle…pfou…du vent. J’aime les images fortes car je suis comme toi. Le poids des mots et le choc des photos… ». ( extrait de son duo avec le rappeur Guru pour le titre Le bien, le mal).

Finalement, c’est peut-être en raison de mon rayonnement profondément dépressif que ma fille et moi ne sommes pas allés à Pont-Aven durant notre semaine dans le Morbihan.

J’ai hésité. C’est un choix que j’ai fait sans en discuter avec ma fille.

En l’entraînant peut-être davantage dans les sillons de ma dépression. Car Lorient, même si elle connait un certain renouveau depuis plusieurs années, a hérité d’une histoire triste du fait de la Seconde Guerre Mondiale.

Lorient, près du Bunker K3. Juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

Je sais qu’en faisant ce « choix » d’éviter Pont-Aven que je prenais le risque de passer pour un gogo. Mais je sais aussi que l’on voyage et que l’on vit différemment selon que l’on se trouve avec son enfant mineur ou selon le fait que l’on circule seul ou avec d’autres adultes.

Selon ce que l’on peut partager et/ou transmettre.

Visiter une ville avec une enfant de bientôt douze ans, cela peut lui plaire. Mais cela peut aussi l’ennuyer si ce que l’on trouve sur place, c’est de belles vitrines de magasins et des jolies maisons. A l’inverse, « L’ Histoire » de Lorient, elle, grâce à l’apport des visites guidées à la Cité de la voile, lors de la visite du Bunker K3 et du sous-marin Flore, peut parler à une enfant ainsi qu’aux adultes qui l’accompagnent.  Cela peut permettre aussi certaines conversations. Et j’ai tenu, avant tout, à ce que ma fille passe de bonnes vacances. Qu’elle ne doive pas se contenter de me suivre partout où je l’emmenais.

Aujourd’hui, je peux dire que nos vacances lui ont plu. Mais c’est seulement maintenant que je peux l’affirmer. Car, à l’origine, je n’avais rien prévu. 

Lorsque nous sommes arrivés à Quéven en juillet, ma fille et moi, là où j’avais réservé une maisonnette pour une semaine, je n’avais pas de programme établi. Mais Peut—être que ma mémoire, elle, avait déjà certains projets pour nous.

Franck Unimon, ce dimanche 17 aout 2025.

 

 

 

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Pour les Poissons Rouges

Etre gentil

Photo©Franck.Unimon. Lorient, près du port de Keroman, juillet 2025.

Etre gentil

Au début de cet été, Nonrien, une ancienne collègue et amie qui a longtemps travaillé dans la finance m’a un petit peu mis au défi d’écrire sur la gentillesse. C’était sur le « réseau social » Facebook qui, désormais, s’appelle Meta quelque chose et qui est, avec les années, devenu une sorte de maison de retraite pour les vieux qui continuent de s’exprimer à propos de sujets toujours très importants pour eux sur les réseaux sociaux.

Les réseaux sociaux sont beaucoup devenus à notre existence ce qu’un pace-maker peut être au cœur. Cela nous anime. Cela nous permet de continuer de croire que nous sommes toujours jeunes, dynamiques, attractifs, originaux et dans le coup.

Ce qui, pendant ce temps, arrange bien par exemple le train de vie du PDG de Facebook, Mark Zuckerberg. Lequel a tout fait ou fait beaucoup comme d’autres pour pouvoir ronronner au plus près de Donald Trump, réélu Président des Etats-Unis il y a quelques mois.

Si Mark Zuckerberg est plus jeune que moi (il doit avoir la quarantaine), le Président Donald Trump est bien plus âgé que moi avec ses plus de soixante dix ans.

Mais quel que soit leur âge véritable, ce ne sont pas des gentils.

 

On peut bien sûr beaucoup les décrier moralement.

Photo©Franck.Unimon

Cependant, afin d’être le plus exact ou le plus « juste » possible, il faudrait aussi accepter de les décrire comme des meneurs, des décisionnaires, des autocrates, des entrepreneurs, des combattants, des survivants, des personnes qui ont changé et changent le Monde, des modèles, des personnes qui ont réussi ou qui réussissent.

Ce sont aussi des milliardaires et, on l’a compris, des êtres de Pouvoir qui sont courtisés, admirés, haïs et craints.

Moi, si je devais me comparer à eux deux pour commencer, j’aurais plutôt l’impression de me déplacer en tuk-tuk dans la géhenne. Car  je fais plutôt partie des vieux ou des plus en plus vieux, les plus nombreux, qui sont toujours restés hors des cercles où se trouvent un Donald Trump ou un Mark Zuckerberg sauf pour y être pigeonné ou siphonné.

Il est des personnalités a priori plus « sympathiques » qui ont réussi et qui ne sont pas, non, plus, des gentilles personnes. Je me rappelle de l’ancien Footballeur professionnel Olivier Dacourt, relatant que, de son point de vue, parmi tous les Footballeurs français professionnels qui avaient réussi, il voyait uniquement Robert Pires. Evoquant ensuite (avec respect et une même admiration) d’autres Footballeurs professionnels, il a ajouté ceci :

« Zidane, c’est pas un gentil. Thierry Henry, c’est pas un gentil. Makelele, c’est pas un gentil ».

La gentillesse ou le seul fait d’être gentil ou d’avoir « du mérite » est donc, en pratique, incompatible avec le fait de « réussir ».

Quéven, juillet 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Or, en plus d’être de plus en plus vieux, je suis un gentil. Donc, un gogo, donc une proie, donc un imbécile, donc, un crédule, donc une victime potentiel(le) ou accompli(e) chaque fois que j’ai eu à rencontrer dans ma vie des personnes qui, de près ou de loin, ont pu ou peuvent faire « leur » Mark Zuckerberg ou « leur » Donald Trump. Ou leur Zidane. Ou leur Thierry Henry. Ou leur Claude Makelele.

Et ce ne sera pas très différent si j’adjoins à ces exemples des noms de femmes qui ont « réussi ».

La « gentillesse » ou le fait d’être gentil, de manière isolée, ne semble pas garantir la réussite, quelle qu’elle soit, dans la vie.

«  Elle ( ou il) va réussir dans la vie car elle ( ou il) est très gentil (le) ». Ceci est un conte de fées.

Le genre de la gentillesse

Lorsque Nonrien m’a un peu provoqué pour cet article, il s’agissait d’un jeu entre elle, une femme d’acabit féministe, et moi, un mâle, afin que je m’expose un peu concernant le sujet de la gentillesse qui fait ou ferait beaucoup défaut aux hommes dans une société et dans un monde où, de manière générale, la femme ou le genre féminin, est souvent malmené, violé ou massacré par le genre masculin, les mecs, les hommes, les gars, les machos, les virilistes, les violeurs, les Metoo, les abuseurs, les harceleurs, les pervers narcissiques, les tueurs en série mais aussi les incestueux. Ou, plus « simplement », les militaires, les extrémistes religieux et les milices dans les pays, les régions ou les guerres où ils pratiquent leurs violences et tiennent leurs laboratoires de souffrances en tout genres.

Ou pour employer le terme : par les multiples agents, représentants, enseignants, diplomates et acteurs du Patriarcat. J’ai employé et écrit le terme une fois dans l’article et je ne le répèterai pas. Car j’estime que j’ai fait mon devoir lexical étant donné que le mot « Patriarcat » ( cela fera finalement deux fois) est employé dans tout article, écrit ou discours  qui a une certaine volonté ou intention féministe. Même si je ne me déclare pas particulièrement féministe. En fait, j’attends de voir qui j’ai en face de moi avant d’être plus ou moins féministe.

Il arrive que des femmes soient d’emblée ou rapidement tellement agressives socialement, verbalement, qu’elles ne me donnent pas du tout envie d’être « gentil » mais plutôt de prendre mes distances. Je pense en particulier à deux ou trois collègues, heureusement minoritaires, que j’ai pu rencontrer ou peux rencontrer. Je repense aussi à cette femme, comédienne, fille d’attachée de presse, qui m’avait plutôt prise de (très) haut après être arrivée en retard au cimetière à l’enterrement  du réalisateur qui lui avait donné le premier rôle d’un de ses derniers films.

Je ne crois pas que ce soit le chagrin qui lui avait inspiré une telle attitude. Mais plutôt le fait que j’étais un moins que rien. Même pas journaliste à Télérama.  Même pas Mark Zuckerberg. Mais seulement un blogueur inconnu dont le nom du blog était lui-même tout autant inconnu et qui était venu la saluer avec le sourire comme il la rencontrait pour la première fois. Un homme qui, sur la demande de sa mère, avait pris le temps quelques années plus tôt de lire le scénario du projet de son premier court-métrage afin de donner son avis en tant que journaliste cinéma. 

Malgré les évidents manques de savoir-vivre de ces quelques personnes féminines et peut-être féministes, par contre, je dois faire avec les chiffres, les statistiques et les informations que j’ai ou reçois :

Les agresseurs de la gente féminine, mais aussi dans le monde, sont en grande majorité des hommes tant dans la société civile que dans la société religieuse et militaire. Et, moi, je fais partie des « zomes ». Cette zone de l’humanité, qui appartient au genre masculin, la plus agressive et la plus meurtrière sur Terre.

Photo©Franck.Unimon

Je ne crois pas pour autant que les femmes soient spécifiquement plus gentilles que les hommes. Ou qu’une femme est obligatoirement plus gentille ou plus indulgente qu’un homme. Renaud l’avait affirmé à une époque dans sa chanson Miss Maggie et il est peut-être devenu ( plus) alcoolique à la suite de ça. 

Jusqu’à maintenant, j’ai seulement cité deux hommes, Zuckerberg et Trump et quelques footbaleurs professionnels. Mais on peut être gentil et avoir un peu d’humour. Et j’aime dire en chuchotant, pour faire un clin d’œil tant à la politique actuelle en France qu’à un ancien film du réalisateur Etienne Chatilliez :

« Je crois que Dati (Rachida) est méchante…. ».

On saura me rappeler que dans un milieu masculiniste, très conservateur, compétitif, très exclusif, très raciste ne serait-ce que socialement et très violent (comme celui de la politique) qu’être une femme revient presque à porter un bandeau sur les yeux dans un terrain miné et lardé de crevasses en se promenant en petite culottes avec un wonderbra. Et encore plus quand on est une femme d’origine arabe et de condition sociale modeste au départ alors que l’on s’appelle Rachida, un prénom impossible à confondre avec Valérie, Nathalie, Mathilde, Ségolène, Simone, Edith, Marine, Marion, Nadine, Aurore, Sandrine….

Aussi, à sa façon, Rachida Dati incarne un peu depuis plusieurs années un modèle de réussite et de survie dans cet environnement politique. Et j’en conviendrai facilement. Car, de toutes les femmes nommées Ministres par Nicolas Sarkozy lors de sa Présidence unique, Rachida Dati est la seule à s’en être aussi bien sortie. Peut-être que Rachida Dati devrait donc être la future Marianne de France. Même si je ne voterais pas pour elle tant ses excès nécessitent selon moi qu’elle soit jugée ou freinée un jour ou l’autre. Même si, à mon avis, du fait de ses hautes études, et de ses habilités personnelles hors-normes ne serait-ce qu’en matière de séduction sociale, Rachida Dati sait très bien se placer. Elle sait très bien avec qui s’allier, qui rencontrer. Et qu’elle n’a rien à voir avec moi, l’espèce de gentil, dans ces domaines. Jamais, nous n’aurions été amis ou alors je lui aurais plutôt servi.

Mais, j’aime me rappeler sa performance qui avait consisté à faire reculer François Fillon alors que celui-ci, encore Premier Ministre de Nicolas Sarkozy, avait commencé à envisager de récupérer la mairie du 7èmearrondissement dont elle était devenue la maire depuis 2008. J’avais beaucoup aimé que Rachida Dati fasse comprendre à François Fillon- qui s’était trouvé quelques affinités  avec Marine Le Pen- que l’on pouvait s’appeler Rachida et rester maire du 7ème arrondissement de Paris. Je me suis régulièrement demandé, aussi, comment Dati avait pu cohabiter au moins avec un Ministre influent comme Brice Hortefeux, plutôt raciste vieille France.

D’autre part, je ne me suis jamais senti proche de Rama Yade, nommée Ministre par Nicolas Sarkozy en même temps que Rachida Dati, même lorsque celle-ci avait voulu jouer la carte de la victime du fait de sa couleur de peau (noire comme la mienne). Ou lorsqu’elle avait voulu faire croire qu’elle était proche du peuple en tentant de s’installer politiquement en banlieue parisienne dans le 92..

 

Si je parle autant de figures politiques, c’est peut-être parce-que le sujet de la gentillesse/le fait d’être gentil est finalement très très politique. Mais il s’agit de la politique du quotidien et de la vie de tous les jours.

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Qu’est-ce que ça veut dire, être gentil ?

Dans son livre, Red Flags en amour ( Petit guide pour esquiver les relations toxiques), que j’ai lu en une heure durant mes vacances à la médiathèque Les Sources de Quéven ( dans le Morbihan), Anne Latuille raconte avoir rencontré un homme qui, au début de leur relation, lui avait affirmé avoir « une grande ( ou une très grande) intelligence émotionnelle ».  

Puis, assez rapidement, le Monsieur ne s’était pas montré à la hauteur de ses déclarations.

Je ne m’exprime pas ici comme une personne douée d’une grande intelligence émotionnelle. Je ne m’exprime pas non plus comme féministe. J’ai même tendance à être très réservé voire très critique envers les hommes (célébrités ou non) qui s’affichent comme féministes comme si cela allait de soi. Comme si cela était si évident et si facile que cela d’être féministe. Comme s’il était si facile que ça d’être dépourvu de préjugés et d’être parfait et ouvert à tout en toutes circonstances en somme.

Comme si une entente harmonieuse et équitable était toujours instantanée et facile dès lors que l’on rencontrait ou que l’on vivait avec quelqu’un d’autre, femme ou homme, quelle que soit son origine sociale, culturelle, économique, sa couleur de peau, son ou ses orientations politiques, sexuelles, religieuses ou autres.

En affirmant que je suis un gentil, je ne prétends donc pas être ouvert à tout. Je ne prétends pas tout comprendre. Je ne prétends pas tout accepter. Je ne prétends pas être « cool ». Je ne prétends pas être toujours patient. Je ne prétends pas avoir tout bon en toutes circonstances.

En disant que je suis un gentil, je raconte qu’il m’est arrivé, qu’il m’arrive et qu’il m’arrivera de rendre des services que l’on ne m’a jamais rendus ou que l’on ne me rendra jamais. Soit parce-que la personne ou les personnes- ou les institutions- à qui j’ai ou j’aurais rendu ces services n’en n’est pas/ n’en sont pas capables. Soit parce-que cette personne ou ces personnes- ou ces institutions- n’en n’a jamais ou n’en n’ont jamais eu l’intention. Soit, parce-que, pour ma part, je n’attendais rien de semblable en retour de cette personne ou de ces personnes ou de ces institutions mais aussi parce-que je n’aime pas forcément demander que l’on me rende service. Voire, je peux me sentir contraint en demandant ce service. Et je peux préférer trouver tout seul ou autrement la solution.

Je raconte qu’il m’est arrivé, qu’il m’arrive et qu’il m’arrivera de me préoccuper pour quelqu’un d’autre sans que cette personne ne me le demande. Et que je suis capable de faire savoir à cette personne que je pense à elle mais aussi lui rappeler que je peux me rendre présent si elle en a besoin dans la mesure de mes moyens.

Je raconte donc que je peux me mettre au service de quelqu’un d’autre. Et que ce n’est pas une formule pour faire joli. Ou pour faire bien. Ou pour faire « genre ».

Je raconte aussi qu’il m’est arrivé, qu’il m’arrive et qu’il m’arrivera plutôt régulièrement de prendre sur moi. D’accepter certains travers d’autres personnes qui ne sont pas vraiment acceptables et qui amèneraient rapidement des conflits voire des pugilats avec un tempérament plus impulsif ou plus explosif que le mien.

Je raconte que je fais de mon mieux afin d’être diplomate même pour « recadrer » une personne plutôt que de lui sauter à la gueule. Ce qui nous amène au chapitre suivant.

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La personne gentille ne donne pas de coups :

Dans un fim dont j’ai oublié le titre, l’actrice Jeanne Balibar interprète une célébrité radiophonique, je crois, dont la personnalité est telle qu’il lui est dit :

« Vous avez pris des coups mais vous en avez donné, aussi ».

Dans ce film, au début, Jeanne Balibar enferme celle dont elle est amoureuse. Par jalousie. Mais aussi parce que celle-ci lui échappe.

Dans Dogville  réalisé par  Lars Von Trier en 2003, on peut dire que le personnage interprété par Nicole Kidman est une gentille au début du film. On peut dire qu’elle, elle  en prend des coups, au début du film. Sa gentillesse, sa docilité, sa disponibilité, sa patience et son besoin d’être acceptée et aimée, semblent stimuler et décupler chez les habitants de Dogville des variations de violence qui ne demandaient qu’à « sortir ». Et sa gentillesse, sa disponibilité mais aussi sa nouveauté voire sa fraicheur ou sa candeur sont comme des permissions qu’’elle leur donne pour cela.

On peut trouver des similitudes avec le rôle que tient Nicole Kidman dans Babygirl réalisé en 2024 par Halina Reijn mais aussi dans son rôle avant cela dans Paper Boy réalisé par Lee Daniels en 2012. A chaque fois, le personnage joué par Nicole Kidman s’offre à la prédation de l’autre et peut même y trouver une forme de sentiment d’existence ou, voire, d’excitation et de jouissance. Mais aucun des films ne se termine de la même manière pour elle.

On peut rappeler l’âge de Nicole Kidman pour chacun de ces films car je crois que les diverses expériences personnelles acquises par Nicole Kidman peuvent aussi expliquer le choix de ces rôles.

Nicole Kidman, née en 1967, avait 36 ans pour Dogville. Elle n’était donc pas si jeune que ça. Mais le cinéma a souvent pour lui de nous faire régresser et de nous donner l’illusion « de ». Et c’est d’ailleurs pour cela que l’on s’y croit et que l’on y retourne. Comme certaines histoires d’Amour mais aussi certaines rencontres et certaines amitiés.

Nicole Kidman avait donc 45 ans pour Paper Boy et 57 ans pour Babygirl. Femme apparemment célibataire et sans enfant dans Dogville, elle interprète une femme qui en déjà a vu et a eu une vie préalable dans Paper Boy. Une sorte de Thelma sans Louise qui résiste à l’amour que lui porte le très jeune Zac Efron. Et qui reste loyalement amoureuse d’un taulard.

Dans Babygirl, Nicole Kidman est une femme et une mère mariée à l’acteur Antonio Banderas. Une femme que la journaliste Léa Salamé  qualifierait sûrement de « femme puissante » puisque dans une société de New York, elle occupe un poste de direction  important quoique convoité au moins par un de ses collègues masculins. A moins que ce ne soit plutôt elle, en tant que femme et objet sexuel, que ce collègue marié plutôt quinquagénaire ne convoite et ne désire tout autant.

Puisque la sexualité est souvent associée au milieu du Pouvoir. Actuellement, le Président américain Donald Trump s’applique à se démarquer autant que possible de Jeffrey Epstein, « poursuivi pour corruption et trafic sexuel de dizaines de mineures puis retrouvé suicidé dans sa cellule, le 10 aout 2019 ». Alors qu’une vidéo « de 1992 les montre en train de danser entourés de femmes jeunes à Mar-a-Lago, dans le club privé de Trump, où Epstein a même rencontré Virginia Giuffre, embauchée pour des massages à l’âge de 17 ans, avant de devenir l’une de ses principales accusatrices. Elle s’est suicidée en avril dernier » ( extrait de l’article Trump : «  Jeffrey dans le dos et chaud aux fesses » en première page du journal Le Canard Enchaîné numéro 5464 de ce mercredi 30 juillet 2025 Accord bancal entre l’Europe et les Etats-Unis. Après le golf, Trump joue au racket).

Et Rachida Dati, pour parler à nouveau d’elle, avait déclaré avant la naissance de sa fille Zohra que sa vie sentimentale (et sexuelle ?) était « un peu compliquée ». Pour expliquer la difficulté pour elle de parler du père. Par la suite, « nous » avions appris que sa fille est ou serait la fille d’un chef d’entreprise si je ne me trompe. En tout cas d’un homme qui a « réussi ».

Les dizaines de mineures abusées par Epstein et ses amis ( femmes incluses) ont sans doute rendu peu de coups à leurs agresseurs. Ou alors avec un certain délai de retard.

Ceci est une constante.

Dans le film Mystic River réalisé par Clint Eastwood également en 2003 ( comme Dogville ! ) d’après le livre de Dennis Lehane, l’enfant qui sera représenté adulte par l’acteur Tim Robbins est choisi par deux hommes pédophiles ( dont l’un porte une alliance catholique si je me rappelle bien) car ceux-ci évaluent que l’enfant qui sera ensuite interprété adulte par Sean Penn est une forte tête et va se défendre. Tandis que l’autre enfant, interprété adulte par Kevin Beacon est estimé trop malin par les deux hommes. Je précise que lors de cette rencontre, les trois gamins ont une dizaine d’années, sont copains d’enfance et sont en train de jouer dehors lorsque que ces deux hommes en voiture arrivent.

L’enfant interprété adulte par Tim Robbins sera violé et aussi assassiné deux fois. Voire trois fois si l’on prend en compte l’état de dépression du fils de Tim Robbins à la fin du film lors du carnaval.

La personne gentille ou vue comme gentille peut être rapidement identifiable comme « prenable » tel le sac à la main ou la canne de la petite vieille ou du petit vieux qui marche difficilement à quelques mètres devant nous et qui semble déjà prêt pour le dernier coup de grâce. A première vue, il n’y a qu’à se servir. Il devrait y avoir très peu d’efforts à fournir. Ce devrait être très vite terminé au bout de quelques secondes.

La dénomination, le terme « Tu es gentil » ou «  tu es gentille » est donc à double tranchant pour celle ou celui à qui cela s’adresse. Et il vaut mieux, pour elle ou lui, qu’en dépit de ses apparences de « gentil » ou de « gentille », qu’elle ou qu’il dispose de certaines provisions intérieures d’agressivité et de combattivité qu’elle/qu’il pourra utiliser rapidement et massivement si cela devient nécessaire. 

Afin de noircir encore un peu le tableau car je m’aperçois que tous mes exemples, même s’ils sont « bons », sont blancs et plutôt occidentaux, on n’a jamais dit  de :

Malcolm X, Frantz Fanon, Martin Luther King, Miles Davis, Aimé Césaire, Nelson Mandela, Angela Davis, Bob Marley, Fela, James Brown, Aretha Franklin,  Chester Himes, James Baldwin, Desmond Tutu, Toni Morrisson, Denzel Washington, Raphaël Confiant, Patrick Chamoiseau, Maryse Condé, Mohamed Ali ou Barack Obama qu’ils étaient ou sont gentils. On les a acceptés, on les accepte, on les admire ou craints tels qu’ils étaient ou sont.

La personne gentille court le risque d’être certaines fois perçue comme inoffensive. De pouvoir être domestiquée. C’est celle dont on peut penser qu’il est possible de caresser la tête comme un gentil toutou, qui s’excuse d’être là et prie d’être acceptée, tolérée. 

Le contraire du mot « gentil », ce n’est peut-être pas d’être « méchant » finalement, mais, plutôt, d’être « sauvage », « d’être rock and roll »,  » s’affirmer », « vibrer »,  » être imprévisible », « violent », « déterminant », « libre »,  » sans limites », « être instinctif », « être dans l’instant présent »…

Dans les films où il joue, personne n’a envie de prendre le risque de caresser la tête de l’acteur  noir Samuel Jackson comme s’il était un petit chien pékinois. Et ce sera pareil pour l’acteur Denzel Washington. En France, les acteurs noirs et non-blancs doivent plutôt « montrer patte blanche » et rester fréquentables. Ils doivent ou il  vaut mieux qu’ils passent par la comédie, la gentillesse. Autrement, cela choquerait beaucoup trop. L’équivalent du film Cet Out de l’américain Jordan Peele serait beaucoup trop violent en France, dans le pays des « Droits de l’Homme » ou seul le Rassemblement National et les figures politiques- et certaines personnalités médiatiques- qui s’inspirent de ses idées ont « le droit » de marteler des propos agressifs, violents et racistes au moins envers les étrangers qui doivent se montrer reconnaissants d’être généreusement accueillis sur le sol français. Même s’ils ont beaucoup souffert pour arriver là et qu’ils continuent de trimer pour s’en sortir. 

Pour ma part, il est vrai qu’en tant que gentil, je peux retenir certains de mes coups ou de mes remarques. Et ce que je viens d’écrire depuis « Afin de noircir encore un peu le tableau car je m’aperçois que … » le confirme. Toute cette partie vient de sortir alors que je cela fait déjà plusieurs heures que je suis sur cet article.

C’est l’oeuvre du refoulé chez le gentil. Et, dans certaines situations, cela m’a désavantagé. Certains de ces désavantages ont pu être rattrapés ou contournés. D’autres fois, ce refoulé a guidé mes pas et m’a en quelque sorte fait prendre le départ d’un cent mètres à l’envers. Pendant que d’autres se rapprochaient de la ligne d’arrivée, moi, je m’en éloignais. J’ai été jeune. Cela peut être violent de se prendre ce genre de constat dans la tête. Et, pourtant, je suis beaucoup moins à plaindre que d’autres d’autant que ma vie, en principe, n’est pas encore terminée. 

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Essai d’introspection d’une personne gentille

Je crois que la personne gentille se trouve à un moment donné dans une course, une compétition ou dans un combat dont elle prend conscience après les autres. Ou bien après les autres.

La personne gentille n’est pas nécessairement une personne faible, peureuse, idiote ou tout le temps faible et peureuse. Ce peut être une personne optimiste, naïve, pleine de bonnes intentions, un peu ou assez idéaliste, qui croit que les choses peuvent se faire et s’ajuster tranquillement sans qu’il soit toujours nécessaire de se confronter ou de combattre alors qu’en face, ses interlocuteurs et interlocutrices sont dans d’autres dispositions et font acte d’une moindre bienveillance à son égard. Ce peut être une personne qui a une mauvaise connaissance de l’environnement où elle se trouve ou une mauvaise perception des personnes ( et de leurs réelles intentions) qu’elle rencontre ou fréquente. Elle se croit ou se persuade d’être sur la terre ferme alors qu’elle évolue sur des sables mouvants.

Mais il existe d’autres paramètres pour expliquer ce décalage entre la personne gentille et la situation qu’il rencontre.

« Tu es trop bienveillant… ».

Je me rappelle encore ( je l’ai déjà évoqué dans un autre article) de cette remarque que m’a faite plutôt gentiment, de manière éducative, Léo Tamaki, Maitre en Aïkido, alors qu’au Japon, l’année dernière, en juillet, lors du Masters Tour qu’il organise chaque année, lui et moi venions de faire ensemble un exercice d’opposition.

Pourquoi ai-je été aussi bienveillant ? Parce-que je n’étais pas sûr d’avoir bien compris l’exercice. Parce-que je me trouvais « avec » ou « face » à Léo Tamaki, un expert dans son domaine et organisateur qui plus est de ce Masters Tour.

J’ai très certainement fait montre à son égard de trop de politesse, de trop d’attentions. Et, en cela, j’ai faussé et dilué l’exercice qui n’a rien apporté d’autre que l’observation que je pouvais et peux être trop bienveillant mais aussi trop poli ou trop soumis dès lors que je voue à une personne une certaine admiration ou que j’ai pour elle un respect démesuré.

C’est une attitude que l’on peut retrouver, aussi, lorsque l’on est amoureux d’une personne que l’on idéalise ou que l’on met sur un piédestal. Et avec laquelle on se refuse à être en conflit parce-que l’on croit que notre relation sera meilleure sans conflit. Ou que l’on va la gâcher, voire la perdre, si l’on contredit l’autre. Alors que certains conflits, certaines contradictions, certaines remarques et débats mesurés bien-sûr sont nécessaires afin de mieux s’ajuster.

Mais lorsque l’on est dans sa spirale de gentil, on l’est vraiment, comme pris dans un tourbillon. Et comme me l’a dit ma mère, un jour :  » Lorsque l’on est gentil, on reste un gentil ».

Quelques minutes plus tard, avec Issei Tamaki cette fois, frère de Léo, j’ai eu grosso modo la même attitude. Mais cette fois, celui-ci, m’a demandé :

« Tu réfléchis ? ».

Extrême bienveillance ou excès de prudence, docilité, manque de confiance en soi ou doutes quant à ses capacités, peur ou crainte de faire ( du) mal ou de mal faire semblent faire partie des inhibiteurs personnels de la personne gentille qui s’imagine tellement brutale et les autres en face si vulnérables qu’elle peine ou résiste pour allonger le bras ou dire ce qu’elle a à dire. 

Il m’est arrivé de pratiquer un peu de boxe française. Un sport de combat que j’aime plutôt bien. Et lorsqu’en boxe anglaise ( ce qui nous arrivait lors du cours de boxe française), j’ai pu toucher à la tête un partenaire, je me suis souvent senti mal à l’aise. Ce malaise avait été accentué lorsque ce partenaire était une partenaire même si celle-ci était volontaire et particulièrement combattive. Je savais que dans la tête se logeait un organe vital. Et porter un coup à cet endroit avec la possibilité de détruire ou blesser l’autre m’était difficile à supporter.

Cette attitude constitue ou peut constituer un certain handicap pour la personne gentille, car ,pendant ce temps, ses agresseurs ou ses prédateurs (femmes comme hommes, dans la rue comme au travail ou dans la vie sociale ou conjugale) eux, peuvent en profiter.

C’est dans ces moments-là que la personne offensive peut prendre un avantage ou un certain ascendant sur la personne gentille. La personne offensive « prend la confiance » ou s’habitue à penser et à croire qu’elle peut se permettre d’agir ou de parler comme elle le fait avec une personne « gentille ». Car la personne gentille ne dit rien ou ne montre pas de réaction particulière. Et, comme on le dit :  

«Qui ne dit mot, consent ».

Certaines personnes s’en convainquent très rapidement. Ou très facilement.

« S’il ne dit rien, si elle ne dit rien, c’est qu’il ou qu’elle accepte ». Ou, pire :

 

« Oui, elle/il a bien dit que mais même s’il/si elle râle un peu, ensuite, il/le fait quand même…. ».

C’est de cette façon que certaines situations peuvent perdurer parce-que, d’un côté, il y a une personne qui accepte et endure, et, de l’autre côté, une personne (ou plusieurs) qui se servent ou s’imposent ou sont tout simplement dans leur confort personnel jusqu’à un certain égoïsme voire dans la complaisance.

Le jeune d’environ 18 ans que j’avais croisé un jour alors que j’emmenais ma fille à l’école maternelle ou à l’école primaire avait sans doute une tête de gentil lorsque, quelques minutes plus tôt, il s’était fait agresser par plusieurs jeunes pour lui voler son téléphone portable. Sa mère m’avait été reconnaissante pour avoir permis à son fils de l’appeler depuis mon téléphone portable pour la prévenir.

Dans ce que ce jeune m’avait répondu, j’avais compris que ces autres jeunes ( un peu plus âgés que lui) l’avaient repéré dans le train. Il était certes seul et eux, plusieurs, mais plutôt que « gentil », j’en avais aussi déduit que la peur l’avait sûrement empêché d’échapper à ses agresseurs. Un homme ou une femme qui court vite ou qui se réfugie au bon endroit ou auprès des « bonnes personnes » au bon moment a plus de chances d’échapper à ses éventuels agresseurs, même si cet homme ou cette femme est une personne gentille par ailleurs.

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Mais pour cela, il faut d’abord que la victime potentielle perçoive rapidement le traquenard ainsi que les issues qui sont à sa portée lorsque cela est encore possible. Il y a peut-être aussi certaines précautions à prendre afin d’augmenter ses chances pour éviter le traquenard.

Une de mes amies m’a appris qu’elle avait enseigné à ses filles de toujours se mettre dans le métro ou dans le train, dans la voiture la plus proche du conducteur. Avec l’automatisation des lignes de métro, on peut se dire que cette recommandation deviendra plus difficile à suivre dans le temps mais les conseils pratiques de ce genre sont à mon avis très utiles.

Maitre Jean-Pierre Vignau ( plus de 75 ans) m’a dit un jour à l’issue d’un de ses cours :

« Je ne peux pas courir ». Il se déplace en effet en boitant un peu du fait des séquelles d’une cascade en voiture qu’il a faite il y a plusieurs années et qui s’est mal terminée. Il avait  entre-autres fait plusieurs infarctus.

En dépit de son caractère, je trouve en Jean-Pierre Vignau ( voir ( Arts Martiaux) A Toute épreuve : une interview de Maitre Jean-Pierre Vignau  mais aussi les autres articles que j’ai pu écrire inspirés par lui dans mon blog) une grande gentillesse. Il est le seul Maitre d’Arts martiaux que j’ai rencontré à ce jour capable d’appeler tous ses élèves au téléphone soit pour les informer ou leur rappeler que les cours vont reprendre. Ou pour leur laisser un message téléphonique afin de leur dire qu’il espère qu’ils vont bien et que le principal, c’est d’avoir la santé.

Pourtant, en dépit de sa gentillesse, je sais que le ou les agresseurs qui se risquera/se risqueront un jour à seulement voir en lui un vieux papy qui claudique se rappelleront très douloureusement de leur erreur. S’il reste ou restent suffisamment en bon état.

Je ne dirais pas que Jean-Pierre Vignau est un méchant. Puisque j’ai donné un exemple de sa grande gentillesse. Mais en cas d’agression physique, ou même d’intention d’agression physique, je sais qu’il aura le bagage comportemental mais aussi l’état d’esprit adéquat pour porter les coups là où il faut et quand il le faut. Tandis que la personne gentille, elle, va peut-être hésiter ou trop hésiter ou s’imaginer que, par la parole ou la diplomatie, on peut peut-être essayer de désamorcer la situation.

Par gentillesse ou par pragmatisme, Je ne peux toutefois pas donner raison à cent pour cent à une réaction de défense immédiate ou instinctive. Qu’elle soit physique ou verbale. Certaines personnes réagissent quand même au quart de tour y compris lorsque ce n’est pas justifié. Le personnage de Joe Dalton dans la bande dessinée Lucky Luke en est une très bonne illustration.

Mais je ne peux pas non plus occulter ou oublier qu’il est des circonstances où j’aurais mieux fait de réagir tout de suite ou plus vite que je ne l’ai fait ou ne le fais.

Mais tout le monde n’a pas le tempérament, la volonté ou la faculté de démarrer au quart de tour. Cela signifie-t’il donc que la personne gentille est là pour servir de serpillère ou de défouloir ?

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Etre une personne gentille = être une personne non-violente et soumise ?

Même si je suis un gentil, je ne me vois pas comme une personne non violente ou non agressive.

Je suis capable de violence et d’agressivité. Et je sais en être capable. Je vais donner quelques exemples.

Je suis infirmier en psychiatrie et en pédopsychiatrie depuis plus de trente ans. Donc, je fais partie des soignants.

Qu’est-ce qu’un soignant, si ce n’est une personne qui aspire à sauver partiellement ou totalement les autres ?  Et, à travers, eux, à se sauver toute ou partie lui-même ?

Les patients et les familles de patients qu’il rencontre sont des reflets ou peuvent être des reflets ou des bouts de lui-même. Des bouts de questions, des bouts de réponses. Des bouts d’échappatoires. Des bouts d’histoires. Des bouts de solutions. Des bouts de vacarmes, aussi.

Un soignant est donc a priori une personne « gentille », « douce », « patiente », « pacifique », « tolérante » voire sacrificielle.

D’autres personnes essaient, elles, de se sauver mais aussi de se pacifier au travers des Arts Martiaux. D’autres, en faisant carrière. En faisant beaucoup de fric. D’autres, en obtenant plus de Pouvoir et plus de fric. D’autres, en collectionnant les conquêtes féminines et/ou masculines. D’autres, en accumulant les expériences et les aventures en changeant d’emploi, de pays régulièrement.

D’autres, en faisant des enfants.

Certaines personnes cumulent tout cela dans le désordre.

L’intention est d’essayer d’arriver quelque part. De faire quelque chose de soi, de son existence, d’obtenir une certaine valeur pour soi ou pour les autres et de vivre certains plaisirs, de faire des expériences que l’on espère extraordinaires ou qui en valent la peine. Et qui valent la peine d’être transmises.

J’ignorais évidemment cela lorsque, à la fin de ma première année d’études d’infirmier (j’allais avoir 19 ans), j’ai « fait » mon premier stage dans un hôpital de jour en psychiatrie adultes à Colombes. Je me suis donc retrouvé en même temps qu’une de mes camarades de promotion avec beaucoup d’adultes. Des personnes plus âgées que moi. Des soignants ainsi que des patients. Je commençais à découvrir la psychose. Pas celle dont on parle dans les médias pour parler d’un tueur ou d’un violeur en série qui sème la terreur dans une ville ou dans un village ou celle que l’on a peut-être évoquée au moment de la pandémie du Covid et des confinements.

Je parle de la psychose au sens psychiatrique. Tous les patients présents étaient psychotiques. Parmi eux, un homme d’à peu près une trentaine d’années qui, régulièrement, alors que je faisais une partie de dames commentait. Il était très fort. Il était tellement fort que, lui, il ne bougeait jamais telle rangée de pions.

Cet homme avait besoin de dire et de répéter. Même s’il était un patient psychotique, limité, immature, et que son avenir dans la vie était plutôt triste, Il avait fini par m’ulcérer.

Mais je n’avais rien dit. Je ne savais rien faire d’autre.  J’avais pris sur moi. Je n’avais même pas pensé à en parler au personnel soignant.

Je n’avais pas prévu au départ de jouer avec lui. Et, je n’avais rien contre le fait de perdre une partie de dames ou plusieurs. J’avais d’ailleurs perdu contre un autre patient plus âgé deux fois de suite sans pouvoir rien faire. Et, la seule fois où j’avais réussi à « battre » aux dames ce patient plus âgé ( environ la cinquantaine) c’était parce-que cet homme s’était mis à penser à ses enfants comme il me l’avait dit au point de ne plus être dans la partie.

Puis, j’ai oublié comment mais j’ai joué aux dames avec ce patient qui m’avait vraiment bien « chauffé ».

Je ne me suis jamais, je crois, montré sarcastique ou agressif avec ce patient. Mais je me rappelle que ma concentration était, dès le premier coup, à un sommet que je n’avais jamais connu. Et que lorsque je « mangeais » ses pions, j’éprouvais une sorte de jouissance intérieure que je n’avais jamais ressentie auparavant- et que je n’ai jamais ressentie depuis- lors d’une partie de dames tandis que, en face, le patient constatait, quelque peu étonné, sa déconfiture.

Même si j’ai « battu » ce patient dans les règles en restant calme et respectueux, je sais qu’il y avait alors une quantité de violence et/ou d’agressivité importante qui s’était amassée en moi lors de cette partie de dames.

C’est la même violence et/ou agressivité que j’ai ressentie quelques années plus tard, durant mon service militaire dans le service de psychiatrie adulte à l’hôpital Bégin. J’avais alors obtenu mon diplôme d’Etat d’infirmier et avais décidé de travailler en psychiatrie. Mais pour une des aides-soignantes du service, je n’étais qu’un jeune appelé de plus qui venait effectuer son service militaire dans le service.

Certains des appelés qui faisaient leur service comme moi dans cette unité en psychiatrie disaient quelques fois qu’ils mettraient bien un petit coup ou plusieurs à cette aide-soignante en plaçant sa tête sous un oreiller.

Je n’éprouvais aucun désir pour cette collègue.

Cette femme était d’une prétention ! Mon mari, ceci, mon mari cela. Son mari qui était infirmier en réanimation et qui faisait ceci, et qui faisait cela. Et qui savait ceci et qui savait cela.

Elle m’était insupportable. A nouveau, j’avais pris sur moi.

Un jour, cette « collègue, vient me voir. Elle avait compris ou appris que j’aimais écrire et que j’étais plutôt littéraire. Elle avait écrit un courrier, je crois ( j’ai oublié) et elle me demandait de bien vouloir « corriger » les fautes qu’elle avait faites.

Le gentil, comme je l’ai déjà écrit est un optimiste et un naïf. Donc, au début, lorsque cette collègue est venue me présenter son papier, j’ai véritablement voulu lui rendre service. Ma mère fait des fautes lorsqu’elle m’écrit et je ne lui en veux pas. Mais dès que j’ai commencé à voir la feuille de cette collègue gorgée de fautes, cela a été plus fort que moi, j’ai ressenti une bouffée d’agressivité, l’ivresse de la violence, qui s’est mise rapidement à me prendre.

J’avais de quoi humilier ou maltraiter cette collègue.

J’ai décidé de corriger deux fautes. Je me suis arrêté là puis, en restant calme et poli, j’ai rendu sa feuille à cette collègue en lui disant que, pour moi, le reste était bon. Que pour moi, il n’y avait plus de fautes.

Elle a manifesté son étonnement, a insisté un peu et m’a encouragé en me disant que je pouvais vraiment corriger ses fautes.

J’ai décliné poliment. Nous n’en n’avons plus reparlé ensuite. J’ai aussi oublié si, par la suite, cette collègue avait continué de se vanter devant moi.

Il est d’autres circonstances où je sais qu’après une certaine répétition d’une situation qui devient pour moi insupportable ou inacceptable, mon cerveau et mes inhibitions « lâchent ». Certaines fois, cela prend un certain temps. D’autres fois, moins de temps. Mais je sais que, souvent, ou généralement, j’essaie ou ai essayé auparavant de « dialoguer », de « communiquer », de « prévenir ».

J’ai par exemple appelé une de mes anciennes cadres infirmières pour lui demander de ne pas venir à mon pot de départ. Et, lorsque j’ai appris par la suite qu’elle s’était mise à pleurer dans le service, en se donnant à voir en train de pleurer comme une victime, cela m’avait conforté dans le fait que j’avais pris – assez difficilement au départ- la bonne décision.

Ce n’est pas parce qu’une personne pleure en public qu’elle est gentille ou à toujours la plus à plaindre. J’avais supporté de cette cadre infirmière un certain nombre d’abus de langage et d’autorité voire de mépris pendant plusieurs années avant de devoir prendre cette décision de l’exclure de mon pot de départ. Et je ne l’ai jamais regretté même si, par la suite, elle et « mon » ancien médecin chef se sont arrangés pour me  faire un coup de pute.

Donc, je ne suis pas un gentil tout doux. Même s’il m’arrive d’avoir peur, de me soumettre ou d’accepter ou d’avoir accepté certains comportements ou certains propos déplacés ou agressifs et de m’être « laissé faire » comme on dit.

Photo©Franck.Unimon

Les avantages d’être gentil :

Je crois que c’est peut-être dans le fait de rechercher (et de trouver) d’autres personnes gentilles et, donc, de savoir peut-être s’entourer de personnes gentilles ou à peu près gentilles.

Il est sûrement plus agréable et plus facile d’être optimiste, léger, fantaisiste et confiant dans l’avenir et dans notre entourage si l’on est une personne « gentille ». Etre un « tueur » ou une « tueuse » nous donne sans aucun doute bien des avantages en termes de prestige, de Pouvoir ou de réussite mais cela signifie aussi que notre tête est souvent mise à prix et qu’il peut être difficile de trouver des personnes de confiance et, surtout, sincères.

Je ne pourrais sans doute pas me sentir très à l’aise avec les personnes que fréquentent Trump, Zuckerberg ou Dati et celles et ceux qui leur ressemblent ou font tout pour leur ressembler ou leur succéder. Je crois aussi que ces personnalités ont besoin de conflits pour exister, pour s’affirmer, pour se prouver quelque chose. Et que leur quête est sans fin. Je ne crois pas que Trump soit capable de se contenter de la paix. Il lui faut détruire, s’imposer, manoeuvrer, ou essayer de le faire dès lors que cela lui est possible. Et il sait choisir ses victimes. Les pays européens, par exemple, qui n’osent pas trop se confronter à lui. Trump se contrefiche des conséquences sur le long terme. Il se dit peut-être même qu’il ne sera plus là pour les voir ou pour répondre de ces conséquences car il sera déjà mort. En attendant, Trump expose au moins les faiblesses de l’Europe au monde entier, un continent qui, face à lui, au lieu de montrer la mâchoire puissante et intimidante de pays soudés lui montre plutôt des dentiers de personnes âgées. Cela va donner de la confiance aux futures puissances qui dirigeront le Monde.

Mais on ne peut pas s’improviser dirigeant. Et que l’on soit gentil ou pas, le principal, est sûrement d’abord d’être véritablement soi-même. Donc la gentillesse peut être difficile à porter si l’on en supporte régulièrement et uniquement les inconvénients ou si l’on passe son temps à se l’imposer constamment alors que d’autres ont beaucoup moins de scrupules soit pour exploiter notre gentillesse soit pour s’abstenir d’être gentilles ou gentils.

Cela a été un article long. Mais il pourrait être beaucoup plus long.

J’espère surtout qu’il n’aura pas été trop redondant ni trop hors-sujet. Je ne sais pas encore si je dois remercier Nonrien de m’avoir lancé sur le sujet de la gentillesse. Mais je suis plutôt satisfait de ma « copie ». Et j’invite évidemment toute personne qui me lira à écrire aussi sur la gentillesse/le fait d’être gentil ou à me faire part de ses commentaires. Je sais que certaines personnes sincères considèrent que l’on n’est « jamais trop gentil( le) ». J’ai exprimé dans cet article la raison de mes quelques doutes à ce propos. Mais je veux bien croire que la gentillesse de certaines personnes soit en quelque sorte confondante même si elle les expose à mon avis. Je n’aimerais pas par exemple que ma fille ne soit « que » gentille.

 

Ps : Nonrien n’a jamais travaillé dans la finance. C’est une ancienne collègue infirmière rencontrée dans un service de pédopsychiatrie où j’ai travaillé pendant une dizaine d’années. Elle est aujourd’hui à la retraite et donne entre-autres des cours.

On peut être gentil et être aussi un peu farceur.

Ps numéro 2 : on peut voir cet article comme la suite de mon article L’Amour vu par un homme ( L’Amour vu par un homme ).

Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce jeudi 31 juillet 2025.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Embolie pulmonaire : balle de vie ?

 

Photo©Franck.Unimon

Embolie pulmonaire : balle de vie ?

Hier soir, pour la première fois depuis un an et demi, après une concertation avec le pneumologue qui me suit dans le service de consultation d’un hôpital parisien, je n’ai pas pris de comprimé d’Eliquis :

Un traitement que je continuais de prendre de manière préventive contre la récidive d’une embolie pulmonaire.

Fin novembre 2023, j’ai fait une embolie pulmonaire.

«  Vous avez fait un infarctus pulmonaire » avait tenu à me dire le jeune pneumologue (il est plus jeune que moi d’environ une dizaine d’années) qui me suit.

Photo©Franck.Unimon

Une embolie caractéristique

Une embolie pulmonaire « caractéristique » avait-il insisté. Il avait affuté son vocabulaire. Pour à la fois me faire comprendre et bien me faire entrer dans la tête que cette embolie pulmonaire qui avait créé sa boite dans mon corps afin d’y développer son chiffre d’affaires jusqu’à ma mort était grave :

J’avais alors 55 ans, j’étais plutôt sportif et non -fumeur. Jusque- là, j’avais plutôt été une personne en bonne voire en très bonne santé sans facteurs de risque me prédisposant à faire une embolie pulmonaire aussi jeune. Je n’avais pas le profil des patients qu’il suivait après une embolie pulmonaire. Car les patients dont il s’occupait suite à une embolie pulmonaire avaient généralement entre 70 et 80 ans et disposaient d’une santé moins bonne ou plus précaire que la mienne.

Hier, comme il y a un an et demi, il n’a pas su me dire ce qui avait pu causer mon embolie pulmonaire «caractéristique». Selon lui- nous en avions parlé- le fait d’avoir attrapé le Covid deux mois avant mon embolie pulmonaire n’était pas une raison suffisante.

L’ examen sanguin poussé réalisé dernièrement confirme que je n’ai aucune modification génétique de mes facteurs de coagulation. Une modification génétique de mes facteurs de coagulation aurait pu expliquer mon embolie pulmonaire. Mais j’aurais été très étonné d’apprendre que j’étais porteur de cette modification génétique. J’ai plutôt toujours été en bonne santé. Et, dans ma famille, où l’on vit vieux ( ma mère a 77 ans, mon père 81 ans, et ils vivent tous les deux dans leur maison en Guadeloupe depuis des années), je ne connais personne qui ait une modification génétique des facteurs de coagulation.

Avec Maman, fin décembre 2023, en Guadeloupe, à la Pointe des Châteaux. Photo©Franck.Unimon

Je ne vois pas qui, non plus, aurait fait une embolie pulmonaire dans ma famille même du côté de mes grands-parents ou alors ils avaient déja 80 ans ou davantage.

Et je n’ai pas fait de phlébite.

Les premiers symptômes de l’embolie début novembre 2023

Je me rappelle encore des premiers symptômes ressentis au début de mon embolie pulmonaire :

Exposition Chiharu Shiota au Grand Palais, Paris, 2025. Photo©Franck.Unimon

Un essoufflement en montant quelques marches dans le métro alors que je me rendais au pot de départ de Zara, une amie et ancienne collègue de nuit. 

Un essoufflement anormal en effectuant des efforts de la vie quotidienne. Pour monter les marches des escaliers pour rentrer à mon domicile au quatrième étage sans ascenseur ; monter les marches en prenant le métro ; une douleur persistante, un peu comme un coup de poignard, à droite de mes côtes.

Il m’est arrivé de remonter l’équivalent de quarante à cinquante kilos de courses ou plus chez moi et je n’avais jamais ressenti ça.

Ni cette sensation d’avoir perdu- d’être privé- d’à peu près la moitié de mon amplitude et de mon aisance respiratoire habituelle.

Du côté de Loctudy, Mai 2025, avec le Subaquaclub de Colombes.

Je pratique l’apnée depuis quelques années et je suis assez sportif depuis l’adolescence. Un sportif sait être un minimum attentif à son souffle ainsi qu’à « l’état » de certaines de ses capacités physiologiques.

 

Chez le médecin

 

Si je ne comprenais pas ce qui m’arrivait, je n’avais pas été particulièrement angoissé malgré mon progressif affaiblissement physique. Les trois ou quatre médecins consultés en deux semaines avaient été encore moins angoissés que moi :

La première, consultée à la maison médicale hospitalière de ma ville deux à trois jours après le début des symptômes, avait suggéré que j’étais peut-être stressé ou angoissé.

Exposition Chiharu Shiota au Grand Palais, Paris. Photo©Franck.Unimon

Le deuxième médecin, consulté dans un centre médical Cosem à Paris, que j’avais rencontré deux fois à quelques jours d’intervalle m’avait déclaré- après avoir regardé la radio pulmonaire qu’il m’avait demandé de faire- que j’avais sûrement une bronchiolite:

« Il n’y a que ça en ce moment ! ».

Je n’avais pas d’antécédents de bronchiolite ou de crise d’asthme mais j’avais néanmoins commencé à prendre le bronchodilatateur qu’il m’avait prescrit. En étant quelque peu dubitatif.

Faire des recherches sur internet :

Faire des recherches sur internet n’avait servi à rien. A part pour trouver des réponses différentes et contradictoires et, bien-sûr, des métastases de réponses de plus en plus repoussantes.

Ce que j’écris ici est un témoignage. Je peux avoir oublié des détails ou certaines informations mais j’ai un dossier médical.

Et quelques personnes ( des proches voire des anciens collègues)  pourront attester un minimum de ce que je raconte. Internet n’atteste de rien. Il est même courant, sur internet, que les auteurs d’un article à contenu médical préviennent que ce qu’ils écrivent ne dispense pas de prendre avis auprès d’un professionnel de la santé agréé et que leur article ne remplace pas l’avis d’un professionnel de la santé que l’on part consulter. 

Une des réponses que j’avais dénichée sur internet me suggérait que j’avais peut-être un cancer.  Les recherches sur internet peuvent peut-être aiguiller lorsque l’on sait précisément ce que l’on cherche. Voire, elles peuvent confirmer ce que l’on a déjà trouvé ou compris ou conclu. (Les examens médicaux faits depuis le diagnostic et le traitement de mon embolie pulmonaire n’ont retrouvé à ce jour  aucun cancer dans mon organisme).

Gare de Paris St Lazare, Paris. Mai ou juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Epanchement pleural

Fin novembre 2023, deux bonnes semaines après le début de l’histoire de mon embolie pulmonaire, et après être déjà allé consulter des médecins à trois reprises,  sur la suggestion de Florence-Jennifer, une de mes collègues de nuit d’alors, je m’étais fait ausculter par la médecin de garde pendant ma nuit de travail à l’IPPP. Quelques heures plus tôt, avant de revenir travailler de nuit avec elle et d’autres collègues, j’avais appelé Florence-Jennifer, cette collègue infirmière de l’IPPP, pour la prévenir de mon état de méforme. Un état de méforme qui durait depuis deux bonnes semaines donc et qui s’accentuait. Je ne venais plus au travail à vélo depuis plusieurs jours. Je marchais au ralenti dans le métro. J’étais fatigué. J’étais rapidement et constamment essoufflé.

A l’IPPP, La médecin de garde m’avait ausculté et avait entendu « un épanchement pleural » au stéthoscope. Puis, en souriant, elle avait ajouté :

« Je pense que, ce soir, on ne te demandera pas de travailler ».

«Un épanchement pleural », cela ne m’évoquait rien de particulier à part le fait que c’était un « épanchement pleural ». Mais c’était déjà quelque chose. C’était donc ça qui m’épuisait et me faisait mal comme ça ?!

Ligne 14 du métro, Paris, Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Florence-Jennifer, ma collègue infirmière de nuit donc, avait demandé à notre collègue ADS (adjoint de sécurité) de m’emmener aux urgences de l’hôpital le plus proche. Des urgences qu’elle avait prévenues au préalable par téléphone de mon arrivée. Florence-Jennifer, toujours, m’avait dit de demander à notre médecin de garde de me faire un courrier à destination du médecin des urgences. Merci, Florence-Jennifer. Quand tu veux, tu peux. 

Aux urgences

Le jeune collègue ADS m’avait déposé à environ une vingtaine de mètres de l’entrée des urgences. Puis, il était reparti :

Pour nous rendre en voiture jusqu’au parking réservé aux véhicules d’urgences, il lui aurait fallu faire des détours. Car cette nuit-là, la route était barrée. Et, lui, il avait sans doute eu une grosse journée de travail. Il devait être près de 23 heures. Il aurait dû terminer sa journée de travail à 19h ou 20 heures.  

J’avais parcouru les quelques mètres  à pied, seul dans la rue, jusqu’à l’accueil des urgences. Tout était tranquille. Pas de panique. 

Puis, après m’être présenté à l’accueil, je m’étais assis sur une chaise et m’étais adossé à une colonne. Et je m’étais rapidement endormi dans la salle d’attente plutôt calme pour un samedi soir. Je dormais très très bien. 

La Pointe des Châteaux, Guadeloupe, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

A peu près une demi-heure plus tard, j’avais été reçu dans un box. J’avais réexpliqué à la femme médecin des urgences :

« Un essoufflement anormal pour des efforts de la vie quotidienne, une douleur, là…. ».

Une médecin que je voyais impliquée, travailleuse.

On m’avait écouté. On m’avait pris mes constantes, fait un bilan sanguin, fait un ECG. J’étais resté allongé sur le brancard dans le box quelques heures. Puis, en fin de nuit, on m’avait orienté vers une autre partie des urgences où j’avais attendu un peu dans une autre salle d’attente. Puis, nouveau box, nouveau brancard.

Vers 7 ou 8 heures du matin, petit-déjeuner.  Une soignante qui commençait sa journée m’avait appris que je restais afin que l’on puisse ponctionner mon épanchement pleural. Elle avait été étonnée d’être celle qui me l’apprenait. 

Ensuite, direction un service d’hospitalisation dans ce même hôpital où j’avais été accompagné aux urgences.

Je n’étais pas emballé par une ponction pleurale. Je n’en n’avais jamais eue. Mais, pour moi, cela faisait plutôt mal.

Photo©Franck.Unimon

A la recherche de l’épanchement pleural

Une jeune médecin, sans doute interne, était arrivée pour me faire une échographie pleurale. Pour savoir où ponctionner. Mais elle ne parvenait pas à bien voir l’épanchement pleural. Alors, elle m’avait envoyé passer un scanner ou une IRM.

Lorsque l’interne était venue m’annoncer le résultat de l’examen dans la chambre d’hôpital où j’étais retourné entre-temps, dans son regard, j’avais changé de catégorie.

Depuis l’Arc de Triomphe, Paris, fin 2024. Photo©Franck.Unimon

Ce fut peut-être l’une des seules fois de ma vie où je devins une espèce de VIP. Et cela était dû au degré d’inquiétude que suscitait désormais mon état de santé.

Elle était restée calme en m’apprenant que je faisais « une embolie pulmonaire » et en m’informant des précautions d’usage. Mais c’était parce qu’elle se maitrisait. Mon sentiment de surprise contrastait avec, sûrement, le scénario catastrophe qui était en train de s’ériger dans sa tête. Je me souviens lui avoir dit, assis sur le rebord du lit face à elle :

«Une embolie pulmonaire ? Vraiment, je suis épaté ! ».

Je n’ai jamais envisagé qu’un jour, je puisse faire une embolie pulmonaire. Et je n’ai pas davantage entrevu que je pourrais y passer malgré mon épuisement physique de plus en plus affirmé.

Sauf que, jusque là, je ne trouvais pas la porte d’entrée ou de sortie du bon diagnostic. Et en entendant parler « d’embolie pulmonaire », j’avais compris que, cette fois, on tenait la véritable identité de mes ennuis de santé.

La Pointe des Châteaux, Guadeloupe, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Transporté comme une bombe à neutrons

On m’avait transporté en lit roulant jusqu’à un autre service. Avec autant de précautions que possible.  Et une certaine fébrilité. Comme si j’étais une bombe à neutrons pouvant exploser à n’importe quel moment.

On m’avait injecté un anticoagulant à dose curative en m’informant que j’aurais d’autres injections. Deux par jour. On m’avait posé une perfusion. Je devais rester allongé, en position demi-allongée. Désormais, j’urinerais dans un « pistolet » sans quitter mon lit.

Je resterais à l’hôpital.

La vue, la nuit, depuis ma chambre, à l’hôpital, fin novembre 2023. Un endroit qui fait rêver. Photo©Franck.Unimon

Une hospitalisation courte et un état d’ahurissement

L’hospitalisation fut courte. Et cela me surprit beaucoup. Durant ces trois jours, j’eus de la visite de plusieurs de mes proches, particulièrement inquiets. Et de Florence-Jennifer, ma collègue infirmière de l’IPPP.

Ma fille, à peine dix ans, fut peut- être l’une des personnes les plus touchées surtout qu’elle était en train d’arriver dans le service avec sa mère, ma compagne, alors que du personnel exclusivement féminin était en train de me changer de service en déplaçant mon lit comme si j’étais  la bombe à neutrons. 

Mon état d’épuisement avancé explique peut-être cette espèce d’état de somnolence lors des visites que je reçus. Je me souviens des personnes. De leur visage. Du fait que l’on s’est parlé. De mon ahurissement devant ce qui m’était arrivé. Mais je dois aussi faire un certain effort pour bien me rappeler d’elles. Ma mémoire de ces trois jours me revient moins spontanément que pour d’autres circonstances.

Fin novembre 2023, à l’hôpital. On m’avait autorisé à me lever de nouveau.

Sortie d’hôpital

Je sortis après trois jours d’anticoagulants par injection à des doses curatives et une prescription d’anticoagulant oral, l’Eliquis, à prendre deux fois par jour. Je fus en arrêt de travail jusqu’à mon départ de l’IPPP car, deux ou trois mois avant de faire cette embolie pulmonaire, j’avais demandé et obtenu ma mutation pour partir travailler dans un nouvel établissement où j’exerce maintenant depuis un an et demi sans avoir connu de problème de santé. Bien-sûr, la médecine du travail de mon nouvel employeur avait été informée avant mon embauche. 

La colère

Tu piges ?!, une de mes amies et ancienne collègue infirmière, m’a fait comprendre par la suite qu’à ma place, elle aurait été en colère. Et qu’elle serait par exemple retournée voir au centre Cosem, ce deuxième médecin qui m’avait vu à deux reprises en moins de cinq minutes, sans jamais m’ausculter, et qui m’avait diagnostiqué une bronchiolite.

Je ne peux pas donner tort à Tu Piges ?!. Et, je comprendrais que quelqu’un d’autre à ma place fasse ce genre de démarche. Mais j’avais d’autres priorités. D’abord, celle de bien me faire soigner et de faire le nécessaire pour cela. Donc, de m’économiser d’autant que, par ailleurs, ma vie continuait et elle ne se résumait pas à aller mieux et à repartir travailler. 

Pratiquer la médecine

Et, puis, ce qui m’a beaucoup marqué dans cet itinéraire médical, c’est principalement l’absence de réflexion intellectuelle, d’ouverture d’esprit et de curiosité des médecins consultés malgré leur nombre d’années d’études supérieures.

Le nombre d’années d’études, véritablement, n’est pas un gage absolu.

Je n’ai jamais aspiré à devenir médecin. Mais j’ai été amené et je suis amené à en rencontrer un certain nombre soit comme patient soit comme professionnel de la santé.

Lorsque j’avais discuté plus tard avec le médecin du sport qu’il m’arrive de consulter ou avec celui qui était encore mon médecin traitant avant son départ à la retraite, tous deux s’étaient montrés plutôt ironiques envers leurs confrères médecins consultés qui n’avaient pas fait le bon diagnostic. Sauf que lorsque je leur avais parlé de cette mésaventure, le diagnostic avait déjà été trouvé. J’étais sorti de l’hôpital et j’étais « sous » Eliquis. 

Je sais que des médecins auraient rapidement fait le bon diagnostic ou « suspecté » une embolie pulmonaire et donc orienté leurs recherches dans ce sens. Mais je sais aussi que les médecins peuvent aussi avoir des relations très conflictuelles entre eux et se dénigrer les uns, les autres, avec une violence ou une détestation dont le public n’a pas idée. En cela, les médecins sont très semblables aux femmes et aux hommes politiques ou à certains sportifs de haut niveau qui sont en compétition. Le thrash talk, les coups de pute, les délations mutilaloires ou les phrases gorgées de poison à la Game of Thrones sont des prescriptions que certains médecins savent parfaitement délivrer à destination de leurs confrères et consoeurs.

Et la médecine, en tant que telle, est une très vaste discipline. Je crois que c’est le médecin du sport- ou mon thérapeute- qui me l’a rappelé. Il y a tellement de maladies, de symptômes, de façons de décliner ou « d’exprimer » un même symptôme selon l’âge, le sexe, la culture et le contexte ou l’environnement du patient. Il  peut exister tellement de variantes personnelles entre deux patients.

Certains diagnostics sont évidents aussi parce-que l’on se spécialise dans une discipline donnée et que l’on s’y « connait » un peu ou beaucoup dans cette discipline ou que l’on a entendu parler de tel cas. Ou parce-que que l’on peut demander conseil à une collègue ou un collègue plus expérimenté ou suffisamment expérimenté qui peut nous faire des suggestions.

Loctudy, Mai 2025, avec le Subaquaclub de Colombes. Photo©Franck.Unimon

Mais lorsque l’on est « seul » face à un patient, et, surtout, face à ses symptômes et, peut-être aussi face à son comportement et à son « profil », il peut nous arriver de passer à côté du bon diagnostic :

Parce-que l’on a rencontré peu de fois ce genre de situations. Parce-que cette situation ou ce profil de patient est dit « atypique». Parce-que l’on voit beaucoup de patients différents, et que l’on reçoit beaucoup d’informations à chaque fois. Et, aussi, parce-que, par moments ou souvent, on fait de l’abattage ou on est à côté de la plaque pour diverses raisons.

On travaille peut-être mécaniquement. Par habitude. Sans trop s’interroger. Ou en pensant à autre chose. Surtout si le patient ou la patiente est calme, coopérante voire se fait oublier. Ou se plaint trop ou souvent. 

Exposition Chiharu Shiota, au Grand Palais, Paris. Photo©Franck.Unimon

Des Médecins devant un tableau

Dans ma situation, ce qui me marque, d’abord, c’est que, plusieurs médecins sont passés devant le tableau. Le tableau, c’est moi. Et devant le tableau, tous ne peuvent pas avoir pour explication ou excuse le fait d’avoir été dans l’urgence ou d’avoir eu beaucoup de difficultés pour m’examiner car j’aurais été très agité, non-coopérant ou mutique.

A chaque consultation médicale, j’avais été calme, j’avais parlé, j’avais coopéré et j’avais décrit. Sans déverser des litres de voyelles et de consonnes comme je peux le faire dans cet article. 

Ensuite, même lorsque la piste de l’épanchement pleural a été trouvée par une femme médecin qui se destine à travailler en psychiatrie, il n’y a pas eu d’interrogation derrière. On s’est contenté de regarder « épanchement pleural » sur le tableau et de suivre.

La femme médecin des urgences, aussi professionnelle, travailleuse et compétente soit-elle par exemple, ne s’est pas demandée suffisamment ce qui avait pu provoquer cet épanchement pleural. Si elle m’a écouté, et je crois vraiment qu’elle a pris le temps de m’écouter, mon « profil » cadrait si peu avec le profil des personnes qui font une embolie pulmonaire qu’elle n’y a pas pensé. Et l’interne de médecine derrière, le lendemain matin, a continué de suivre la même logique sans trop s’interroger non plus. Peut-être parce-qu’elle n’était « que » interne et que ce n’était pas à  » une petite interne » de remettre en question les conclusions émises par la collègue médecin des urgences vraisemblablement plus expérimentée qu’elle ne l’était. 

Il a néanmoins fallu que cette même interne se trouve devant son incapacité technique et/ou personnelle à localiser mon épanchement pleural et que l’hôpital où nous nous trouvions dispose d’un scanner ou d’une IRM pour que, enfin, on découvre que je faisais une embolie pulmonaire et que celle-ci était déjà magnifique ou «très caractérisée ».

Deux tasses Hagi Ware, du Sencha, un shiboridashi, un plateau. Photo©Franck.Unimon

L’impossibilité de l’action oblige à chercher

Sans scanner ou IRM et sans cette impossibilité pour cette interne de faire son travail, c’est à dire réaliser son geste technique, la ponction pleurale, je serais peut-être reparti ensuite chez moi ponctionné de mon épanchement pleural mais en ayant toujours mon embolie pulmonaire suspendue à mes crochets.

Je suis marqué par cette absence de pensée ou de réflexion personnelle qui peut sévir à hautes doses chez des gens mais aussi chez des soignants :

Dans toutes ces disciplines médicales ou autres ou des divisions de soignants ( de l’aide-soignant au médecin) se donnent et sauvent des gens, sauvent des vies et en soignent par millions depuis des générations.

Photo©Franck.Unimon

Déserter le monde des non-êtres et des non-dits

C’est parce-que l’on attendait trop de nous d’être des non-êtres, d’être des agents aussi dociles et disponibles que des ustensiles, des êtres humains stériles, que j’ai bifurqué vers la psychiatrie trois ans après l’obtention de mon diplôme d’Etat d’infirmier. C’était il y a plus de trente ans.

Il y a des professionnels qui pensent dans les soins généraux, dans les services de médecine et autres. Malheureusement, durant mes études d’infirmier et lors de mes premières années de pratique dans les hôpitaux et les cliniques, j’ai peu eu accès à eux. J’ai plutôt fait l’expérience d’un univers clos. 

Et, vu ma petite histoire vécue avec mon embolie pulmonaire, il va être difficile de me convaincre que les médecins que j’ai rencontrés ont une capacité de réflexion personnelle très poussée en dehors de cet univers clos. 

De son côté, la psychiatrie n’est pas si belle. Elle a mauvaise presse. C’est à la fois là où partent travailler les personnels infirmiers fainéants et ratés, les charlatans, celles et ceux qui ne savent pas réaliser des gestes techniques et qui passent leur temps à discuter ou à boire du café.

Il est vrai que cela fait des années que je n’ai pas fait de prise de sang ou eu à poser une perfusion.

Mais la psychiatrie est aussi l’endroit où se trouvent des patients dangereux ou très bizarres qu’il faudrait débarrasser de leurs perversions; qu’il faudrait décapiter, fusiller, castrer ou incarcérer à vie. C’est aussi en psychiatrie que se trouvent des soignants sadiques et maltraitants qui privent des êtres humains de leurs libertés les plus simples et les plus fondamentales. Je relate ici ce que certains comprennent ou préfèrent croire à propos de la psychiatrie qui ne servirait à rien. A part être une sorte d’ambassade qui accorderait une immunité diplomatique à toutes sortes de déviants, patients comme professionnels, tandis que, bien sûr, tous les gens modèles, fréquentables, respectueux et irréprochables se trouveraient eux hors des murs et des services de consultation de psychiatrie.

Se faire domestiquer et museler

Et puis, la psychiatrie, dans son ensemble, comme la médecine et toutes ses spécialités, s’est aussi faite domestiquer par la semence  de l’abattage, de la déforestation intellectuelle et de la maitrise technologique, comptable et administrative.

Pour ne pas parler de maitrise décorative ou maitrise bling-bling.

En psychiatrie, aujourd’hui, un bon infirmier, c’est d’abord un infirmier qui sait allumer l’ordinateur du service, y entrer ses codes d’accès personnels afin d’y trouver le dossier du patient et les informations confidentielles qu’il comporte et qui sait faire de la bonne saisie informatique pour y entrer des paramètres de surveillance. Pour bien montrer qu’il a bien pris les constantes, bien distribué les médicaments, qu’il était bien présent à l’entretien, qu’il a fait telle activité avec tel patient.

Il faut faire. Et il faut montrer que l’on fait ou que l’on a fait. Cela ressemble un peu à une comédie ou à du fayotage. Même si je sais que beaucoup d’infirmiers sont sincères et véritablement impliqués dans leur travail. 

La grosse boule blanche

La psychiatrie, comme dans la série Le Prisonnier, s’est aussi faite rattraper par la grosse boule blanche. Et, il faut désormais se contorsionner et bien choisir les services de psychiatrie où l’on part travailler, ainsi que nos collègues, si l’on veut pouvoir préserver un peu de notre horizon mental, intellectuel et personnel sans que celui-ci soit constamment zappé par des injonctions institutionnelles diverses qui pratiquent la destruction de pensée et estiment faire leur travail.

Je me dis aujourd’hui que la destruction de la pensée a quelque chose à voir aussi avec la destruction totalitaire du passé un peu comme en Chine sous Mao ou dans n’importe quel pays où l’intégrisme s’est installé et où tout ce qui a existé au préalable est soit pourchassé soit idéalisé. Il n’y a pas de nuance. Il n’existe pas d’entre deux. Pas ou peu de mise en perspective en fonction du contexte. Soit c’était parfait avant, soit tout le passé est désuet. 

Le pneumologue et la boule blanche

Le pneumologue qui me suit peut-être un peu telle la boule blanche dans la série Le Prisonnier n’aborde pas ce genre de sujet avec moi. Mais sans doute que, moi, en tant que patient et « professionnel » de la santé, je pense aussi à ça lorsque je le regarde, l’écoute.  Et lorsque je croise d’autres « confrères » qu’ils soient médecins ou autres. Ils pensent symptôme, diagnostic et traitement. Je pense aussi à ce qu’il y a autour. Mais peut-être aussi que nos doutes passent par des routes différentes.

Depuis l’Arc de Triomphe, fin 2024. Photo©Franck.Unimon

C’est « bien » de me dire que j’ai fait une (grave) embolie pulmonaire. Et d’ajouter, comme il l’a fait hier, que les médecins que j’ai consultés ne sont pas responsables du  fait que j’ai développé une embolie pulmonaire.  Mais c’est bien, aussi, de (lui) rappeler que durant deux semaines, nos confrères médecins consultés sont passés à côté du diagnostic. Et si je me permets devant lui qui est médecin, alors que je ne suis qu’infirmier, de dire « nos confrères médecins », c’est par volonté de rester diplomate. Mais aussi parce-que mon expérience dans le milieu de la santé me fait relativiser cette aura de toute puissance et d’omniscience à laquelle un certain nombre de médecins, femmes comme hommes, est abonnée. Ce qui leur permet aussi de passer rapidement sur certains de leurs ratés professionnels ou personnels.

Je l’ai dit encore récemment à Hagi Ware, une de mes collègues médecins que j’aime bien et celle-ci en a plutôt convenu :

Un certain nombre de personnes deviennent médecins ou « font médecine » plutôt pour accéder à un certain prestige. Leurs motivations humanistes sont secondaires ou dérisoires. Ils peuvent être (très) compétents en tant que médecins et, par ailleurs, être humainement délétères. Peut-être que les médecins que j’ai consultés étaient-ils tous plutôt humanistes. Hormis peut-être celui qui m’a vu moins de cinq minutes à chaque fois sans jamais m’ausculter. 

J’ai du mal à savoir si le pneumologue que je vois est humaniste. Il s’y essaie en tout cas.  

J’aurais dû le revoir un mois plus tôt.  Au début du mois de juin.

Mais la secrétaire m’avait contacté pour décaler notre rendez-vous à hier. Dans son message par téléphone et par mail, la secrétaire m’informait de la nouvelle date de rendez-vous et du nouvel horaire. A moi de m’y faire ou de rappeler pour demander une autre date et un autre horaire. J’ai eu de la chance.

Paris, 13ème arrondissement. Photo©Franck.Unimon

Mon planning, qui n’est pas fixe, et que je découvre entre le milieu et la fin de chaque mois pour le mois suivant, s’accordait bien avec cette nouvelle date de rendez-vous avec le pneumologue.

Pourtant, hier, j’ai failli rater mon rendez-vous avec le pneumologue. Car je m’étais d’abord trompé d’horaire. J’ai failli arriver avec une heure et demie de retard. Si je l’avais raté, j’aurais peut-être dû prendre un autre rendez-vous. Et continuer de prendre de l’Eliquis.

Humaniste ou alambiqué ?

Depuis le début, je trouve que le pneumologue fait des phrases alambiquées pour me dire les choses. Je le crois compétent et désireux de bien faire comme de bien formuler les choses. Mais c’est alambiqué :

« Je ne peux pas vous dire si vous faites partie des 20% qui peuvent refaire une embolie pulmonaire ou des 80% qui n’en referont pas ». « Aujourd’hui, tous les résultats de vos examens m’indiquent que nous pourrions arrêter l’Eliquis. Les résultats de votre dernière épreuve d’effort sont même meilleurs que ceux de l’année dernière et sont très bons. Il n’y a plus, aujourd’hui, de séquelles de votre embolie pulmonaire. Mais c’est une discussion que nous avons à deux. Si vous me dites que vous préférez continuer l’Eliquis pour éviter de refaire une embolie pulmonaire, je le comprendrais. Si vous continuez, je n’aurais pas de raison ensuite pour arrêter de vous en prescrire. Donc, vous aurez de l’Eliquis pour un moment…(note de la rédaction moment = à vie) ».

Ce que je vis avec ce pneumologue me semble très typique :

Pendant des semaines, j’ai consulté des médecins qui ne se sont pas beaucoup inquiétés de mon état de santé. Et, désormais, parce-que, dans mon fichier médical, il est spécifié que, un jour, j’ai fait une embolie pulmonaire tout ou beaucoup de ma santé médicale mais aussi de mon avenir personnel semblent désormais être conditionné par cet événement. Il faudrait presque que je pense en permanence à cette embolie pulmonaire. Voire peut-être que j’expie jusqu’à ma mort pour ma faute qui consiste à avoir fait une embolie pulmonaire.

D’un côté, lorsque je l’ai faite et qu’elle a été diagnostiquée, le discours médical a consisté à chercher à me convaincre que ce qui m’arrivait était bien connu et donc que l’on savait comment s’y prendre avec. Maintenant que mon embolie pulmonaire a disparu et que j’ai bien ou très bien récupéré, ce qui a été attesté par divers instruments de mesure médicaux auxquels je me suis appliqué à me conformer, il faudrait presque que je m’inquiète davantage.

La médecine n’aime pas qu’on lui échappe ou que l’on puisse se passer d’elle. Mais c’est aussi vrai de la psychiatrie.

Mai ou Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

La science et l’ignorance des avions de chasse

Peut-être parce-que le pneumologue ignore la cause de mon embolie pulmonaire. Celle-ci reste un mystère. S’il avait rapidement éliminé comme cause possible, le fait que j’aie attrapé le Covid deux mois avant de la faire, à aucun moment, il n’a mentionné le fait que la vaccination anti-Covid pourrait ou pouvait, chez certaines personnes, provoquer, peut-être, dans certaines circonstances, une embolie pulmonaire. Hier, je n’ai même pas pensé à lui en parler. Il existe un tel interdit de la pensée à ce sujet. Aller dans cette direction, c’est comme être le diable qui tenterait un homme de foi scientifique. C’est comme être un homo qui essaierait de détourner un hétéro du droit chemin. Et ce n’est sûrement pas lui, médecin de formation et de profession, qui peut prendre l’initiative de ce genre de doute ou de réflexion personnelle. On frôlerait l’hérésie. La déchéance éthique. 

Lors de la pandémie du Covid, il y a eu une différence très nette entre l’adhésion des médecins, quasiment unanime en faveur des vaccins anti-Covid, et la défiance des personnels infirmiers par exemple envers les vaccins anti-Covid. J’ai maintenant oublié les pourcentages et mes sources, mais autant on avait plus de 90 pour cent des médecins qui étaient favorables aux vaccins anti-Covid, autant, du côté des infirmiers, on était, je crois, plutôt dans les 50 pour cent d’adhésion à la légitimité de ces vaccins anti-Covid. 

Pour certains collègues médecins avec lesquels il m’est arrivé d’en parler un peu « après » la pandémie du Covid, seuls l’obscurantisme, l’ignorance et l’imbécilité peuvent expliquer la défiance qui a pu exister à l’encontre des vaccins anti-Covid.

Lors de la pandémie du Covid, j’avais croisé deux médecins, qui ne se sont pas faits vacciner contre le Covid. Ils exercent en libéral et j’avais commencé à les consulter avant l’obligation vaccinale.

J’en avais un peu discuté avec eux. Une femme, un homme.

L’ une et l’autre m’avait donné leurs arguments. Ce sont des médecins qui exercent toujours dans des quartiers de Paris plutôt bien référencés et qui, lorsque je les avais consultés, m’ont toujours donné le sentiment de s’y connaître en médecine. J’évite évidemment de donner plus d’indices pour préserver autant que possible leur anonymat. Ils passeront et sont sûrement passés pour de dangereux irresponsables et pour des professionnels indignes de la profession médicale.  

Car il y a, je trouve, chez un bon nombre de nos collègues médecins vis-à-vis de la question des vaccins anti-Covid, un mélange de conviction sincère et inébranlable dans les bienfaits de la science, et, ici, des bienfaits des vaccins anti-Covid. Mais il y a aussi, chez un certain nombre d’entre eux, ce sentiment féroce, voire impitoyable, d’appartenir à une élite qui pense toujours ou souvent beaucoup mieux, beaucoup plus vite et beaucoup plus haut que la masse de péquenauds ou de dégénérés qui se cramponne frénétiquement ou désespérément, pour ne pas dire avidement, et toujours de manière réflexe, à des superstitions et à des conneries aussi manifestes que supersoniques.

Il peut y avoir chez les médecins la même certitude que pouvait avoir le colon, religieux ou non,  lorsqu’il apportait la civilisation aux peuples et aux populations regardées comme attardées et reculées et qui résistaient. Et qui s’accrochaient à leurs gris-gris malgré leur faible bénéfice thérapeutique.  

Les médecins sont à la pensée et au Savoir ce que les avions de chasse et les fusées sont à l’aviation et aux programmes spatiaux. Ce sont des explorateurs de l’univers et des couches supérieures de l’intelligence hors des frontières de la terre et du cadastre  commun. Et tous les autres, les presque cadavres , sont tolérés selon nos humeurs tant qu’ils restent sympas, nous font le café, nous obéissent et nous admirent. 

Tout scientifique qu’est le pneumologue qui me suit, à ce jour, il n’a aucune explication rationnelle pour « justifier » mon embolie pulmonaire. Et cela fait maintenant un an et demi qu’il me suit et m’étudie. Il a donc eu toute latitude, au gré de divers examens et de plusieurs observations pour trouver la cause de cette embolie pulmonaire.

Photo©Franck.Unimon

Sortir de certains standards de pensée

Je ne crois pas qu’à sa place une ou un autre pneumologue puisse faire « mieux » ou plus que lui en termes de recherche scientifique ou d’examens. Sauf si cette professionnelle ou ce professionnel est capable de penser par elle-même ou par lui-même et se permet de sortir de certains standards de la pensée comme on peut se sortir de certains guêpiers.

A mon avis, d’autres hommes aussi jeunes que moi, et en aussi bonne santé que moi, ont fait ou feront des embolies pulmonaires dans des conditions similaires à la mienne. Ils n’auront pas le profil type. On n’aura ou on a eu aucune explication rationnelle concernant la survenue de leur embolie pulmonaire.

A aucun moment, le pneumologue n’a suggéré ou envisagé que, peut-être, dans certaines circonstances, on pouvait penser ou qu’il avait été écrit dans «  la littérature scientifique » (médicale) que certaines personnes qui avaient été vaccinées contre le Covid avaient pu faire une embolie pulmonaire. Ou que certains lots de vaccins anti-Covid avaient pu avoir cet effet-là pour des raisons que l’on ne savait pas trop expliquer dès lors qu’une personne attrapait le Covid. Mais que, à choisir entre une assez forte probabilité que des vaccins anti-Covid favorisent la survenue d’embolies pulmonaires et le fait de décéder du Covid, qu’il avait été « décidé» (par qui ?) de « prendre le risque ».

J’ai reçu trois injections de Moderna contre le Covid. J’ai attrapé le Covid en été 2023, alors qu’il faisait particulièrement chaud. Plusieurs mois après mes injections de vaccin Moderna contre le Covid qui m’avaient permis d’éviter ma suspension professionnelle. Ce sont les seuls événements notables et objectifs dont je me souvienne qui auraient pu perturber la routine de ma santé avant de faire cette embolie pulmonaire. Avant d’attraper le covid en été 2023 et de faire cette embolie pulmonaire deux à trois mois plus tard, j’avais traversé la pandémie du Covid sans affection médicale particulière.

Cependant, le mois dernier, en se fiant à certains éléments de ma vie d’avant mon embolie pulmonaire mais aussi à mon exposition à la psychose, à la souffrance et à la violence, de par mon travail d’infirmier en psychiatrie, un psychologue m’a suggéré que j’avais peut-être somatisé mon embolie pulmonaire.

Il n’y a, ici, aucune démonstration scientifique et rien qui puisse se mesurer objectivement au travers d’une prise de sang, une IRM, un ECG ou un autre type d’exploration fonctionnelle. C’est donc évidemment une piste vers laquelle le pneumologue ne s’est à aucun moment dirigé. Et qu’il n’a jamais formulé. Puisque la psychologie n’est pas son domaine. Et qu’il y accorde sans doute peu d’importance en tant que facteur qui pourrait influer sur la santé physique d’une personne. Sait-il en quoi consiste la somatisation ? Y croit-il  ? En est-il convaincu ?

Il y a des médecins qui sont très sceptiques quant aux bénéfices thérapeutiques de l’hypnose. Ce ne sont pas ces médecins qui vont prêter une attention particulière à ces histoires de somatisation. Vous rigolez.  

Pourtant, la somatisation est plutôt courante.

Il nous arrive de supporter certaines charges personnelles, émotionnelles, psychologiques, sans nous plaindre, jusqu’à ce jour où l’on se rompt. Aujourd’hui, on parle assez souvent du burn-out voire de la dépression qui peuvent survenir après que l’on se soit « brûlé intérieurement » et émotionnellement. Mais le burn-out et la dépression sont la conséquence de cette « brûlure intérieure et émotionnelle » lente et profonde.

Et, excepté le fait, peut-être, que l’on voit (lorsqu’on peut le voir)  chez la personne des signes de fatigue, d’irritabilité, de perte de poids, l’apparition de comportements, de propos ou d’idées plutôt inquiétantes ou inhabituelles qui ne lui ressemblent pas trop, il n’existe pas de dosage sanguin, de signe sur un ECG ou à l’IRM qui permettent de dépister un burn-out ou une dépression en cours de constitution. 

Il existe d’autres équivalents physiques de la dépression ou du burn-out. 

Il y a quelques années, je me suis rompu un tendon d’Achille en pratiquant de la boxe française que j’avais débutée depuis quelques semaines. Il y a l’explication mécanique de la rupture du tendon d’Achille : il est des sports qui prédisposent ( souvent les hommes) à une rupture du tendon d’Achille à partir d’un certain âge lorsqu’ils s’approchent de la quarantaine. Tennis, boxe, football, basket, sports de combat, athlétisme…. tous les sports qui nécessitent beaucoup d’appuis toniques au sol avec des impacts et des changements brutaux de déplacement.

J’avais l’âge et j’avais pratiqué un de ces sports. Classique.

Mais cela m’était aussi arrivé à une époque de ma vie où, célibataire, je me trouvais à un moment de rupture personnelle entre mon passé, et mon présent, et où je voulais être partout. 

Il y a encore quelques années, après l’accouchement difficile de ma compagne et la naissance prématurée et difficile de notre fille, j’ai fait une infection urinaire et j’ai aussi traîné une hypotension pendant plusieurs mois. Je n’avais jamais fait d’infection urinaire auparavant, une affection plutôt réservée à la gente féminine. Et c’est la première hypotension aussi persistante dont je me rappelle.

J’avais aussi perdu du poids.

Le médecin que j’avais consulté et qui m’avait diagnostiqué mon infection urinaire ne m’a jamais dit que j’avais probablement somatisé. A mon avis, il l’ignorait ou ne s’était même pas posé la question. Il avait fait une règle de quatre:

symptôme, diagnostic, traitement,  addition.

J’ai compris tout seul, rétrospectivement, que j’avais probablement somatisé après la naissance de notre fille. Je n’ai pas besoin que cela me soit « objectivé » et confirmé par des examens médicaux. Et cela n’a rien à voir avec de la superstition. Certains événements affectent ou ébranlent notre psyché plus que d’autres. Même si voire surtout peut-être si nous avons souhaité ces événements. Et cela peut ensuite se répercuter sur notre corps. 

Parce-que ces événements sont une rupture décisive avec notre vie d’avant. Parce-qu’ils nous inquiètent particulièrement. Parce-que l’inquiétude et l’anxiété, ça peut nous galvaniser pour nous mettre en état d’alerte afin que beaucoup de nos forces mentales et physiques soient rapidement disponibles pour affronter l’épreuve ou l’événement. Mais cela peut aussi nous user ou nous défigurer.   

Lorsqu’une personne connue pour être solide ou inébranlable, un beau jour, se suicide, c’est souvent un choc pour son « entourage ». Mais que croit-on ?! Qu’on peut toujours tout encaisser sans jamais, à un moment ou à un autre, s’abîmer ? Que celle ou celui qui ne se plaint et qui ne pleure jamais ne déguste jamais ?! 

Parce-que seuls les coups physiques et les maladies peuvent nous faire flancher ?!

La somatisation, pour mon embolie pulmonaire, me paraît être une bonne piste. Et, je me suis aussi déjà demandé ce que devenait toute cette souffrance et toute cette violence que je recevais en tant qu’infirmier psychiatrique sans avoir trouvé de  réponse complète. 

Cette embolie pulmonaire est peut-être un signe de fragilité et de vieillesse intérieure. Si extérieurement, je fais plus jeune que mon âge, peut-être que mon organisme, ou mon moral, surtout, lui, s’est détérioré ou brûlé plus vite.

Sortir de l’angoisse

Hier, j’ai répondu au pneumologue que je préférais arrêter l’Eliquis car je refusais de vivre dans l’angoisse. Le pneumologue m’a répondu qu’il comprenait ma décision. Je ne suis pas sûr qu’il ait compris que je refusais aussi de continuer de vivre (dans) son angoisse.

Je n’ai pas eu besoin, moi, de lui faire passer un scanner, d’épreuves d’efforts, d’examens sanguins, de lui faire prendre un traitement, pour le trouver, assez rapidement, quelque peu anxieux voire angoissé même si, devant moi, il a toujours tenu un discours très cohérent et a toujours suivi une logique protocolaire.  Mathématique.

Celle de la prudence, officiellement.

Et moi, de mon côté, je ne suis ni un irresponsable ni un optimiste béat. Puisque, j’ai ajouté que, bien-sûr, j’étais d’accord pour continuer de venir le consulter mais aussi pour effectuer les examens nécessaires.

Depuis hier soir, je suis donc redevenu libre de l’Eliquis.

Ou en sursis. Je reverrai le pneumologue dans six mois puis, si tout va bien, une fois par an.

Prendre de l’Eliquis deux fois par jour pendant un an et demi n’a pas été très contraignant. Deux petits comprimés par jour. C’est rien du tout comparativement à des médicaments qui ont certains effets secondaires désagréables.

Mais je pense aussi aux personnes diabétiques insulino-dépendantes. Récemment, dans un service de pédopsychiatrie où j’ai fait une nuit en heures sup, j’ai croisé une jeune fille de 14 ans, diabétique, obligée de contrôler sa glycémie plusieurs fois par jour, de se faire au minimum quatre injections d’insuline par jour, deux injections d’insuline rapide, deux injections d’insuline lente. A quatre heures du matin, elle a fait une une hypoglycémie qui l’a réveillée alors que deux heures plus tôt, sa glycémie était un peu au dessus de la normale. Près d’une demie-heure a été nécessaire pour qu’elle retrouve une glycémie « normale » en reprenant du sucre à deux reprises ( c’était la prescription médicale). 

Ces ennuis médicaux se rajoutaient à une situation sociale et personnelle délicate.

J’ai eu de la peine pour cette jeune fille. 

Blade Runner

Le pneumologue n’a pas menti. Dans la salle d’attente, hier, avant qu’il ne me reçoive en consultation, j’ai regardé les patients présents. Deux couples en particulier âgés de 70 à 80 ans en moyenne.

J’ai vu une femme anxieuse s’adressant pratiquement toutes les 60 secondes à son mari. Pour avoir la bouteille d’eau. Pour lui demander combien il avait acheté les cadres de tableau au magasin Action. Pour connaître le trajet pour se rendre à tel endroit. Au départ, l’homme expédiait ses réponses et les répétait plusieurs fois tout en regardant son téléphone portable. Elle aussi avait son téléphone portable à la main mais elle n’en faisait rien. C’était à lui qu’elle parlait.

Par la suite, l’homme s’est vraiment mis à lui parler. Il a même fait un peu d’humour. Ils ont rigolé ensemble tous les deux.

L’ autre couple était plus discret. Le monsieur se déplaçait avec un appareil roulant qui lui fournissait manifestement de l’oxygène. La jeune femme médecin s’est avancée vers eux en souriant en leur disant « A nous ! ». La femme médecin leur a demandé si ça allait. Le couple lui a répondu par l’affirmative. L’ homme s’est levé. Tandis que sa femme commençait à soulever son sac, lui s’est aperçu qu’une partie du tuyau de sa sonde s’était quelque peu entortillée autour d’une des deux roues de l’appareil. La jeune femme médecin et son sourire étaient déja hors de vue.

J’ai un moment envisagé de me lever pour aller aider le monsieur mais il est finalement parvenu plutôt facilement à résoudre son problème. Puis, le couple assez âgé est parti à la suite de la jeune femme médecin.

Je suis plus jeune et a priori en meilleure condition physique que ces personnes. Et mon premier réflexe serait de penser que je suis de passage et que je n’ai rien à voir avec ces personnages âgées. De refuser de vieillir.

De refuser de me voir vieillir.

Cependant, un jour, je serai comme eux. Et comme d’autres. Car être jeune, se sentir jeune, c’est peut-être d’abord se sentir différent des autres même si l’on est souvent comme beaucoup d’autres.

J’ai un peu essayé d’imaginer comment ces couples étaient lorsqu’ils étaient plus jeunes sans pouvoir vraiment le deviner.

Je ne suis pas parvenu à m’imaginer plus vieux, plus affaibli.  Mais hier, avant de rentrer chez moi, j’ai tenu à partir acheter le polar Balanegra de Marto Pariente et je me suis mis à la recherche de 1275 âmes de Jim Thompson. Pour cela, je suis allé à la librairie Delamain, près de la Comédie Française. J’aime bien y aller de temps en temps ou passer par là lorsque je sors du cinéma UGC des Halles.

L’idée d’aller voir Burning Spear en concert au Kilowatt m’était passée.

Hier soir, j’ai commencé à lire Balanegra. Et ce matin en me levant, j’ai commencé à écrire cet article. Un article qui sera peut-être lu à 20 % ou par 20 % de personnes. Je n’ai pas encore 1275 âmes de Jim Thompson parce qu’il est en rupture de stock. La libraire m’a répondu hier qu’il me fallait le chercher en seconde main. Je vais le trouver. 

Franck Unimon, samedi 5 juillet 2025.

 

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Pour les Poissons Rouges

L’Amour vu par un homme

Photo©Franck.Unimon

L’ Amour vu par un homme

C’est une connaissance. Nous n’avons jamais été proches. Mais un jour, je serai comme lui.

Il semble descendre vers la gare. Au volant de ma voiture, arrêté au stop, je le regarde marcher. Lui ne peut que marcher. Une voiture, ça pollue et c’est un objet de luxe et de consommation.

Il porte des sandales de merde. Il a désormais une petite bedaine qui enfle sous sa chemise à carreaux à manches courtes. Il a toujours son catogan. Sauf qu’il a un début de calvitie. La dernière fois que je l’avais vu sourire, c’était au festival d’Avignon, il y a plus de dix ans. C’était l’ami d’une amie comédienne et metteure en scène. Il était sur scène. Je l’avais trouvé bon comédien.

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Lui et sa femme forment un couple socialement et culturellement engagé depuis une bonne vingtaine d’années. Il m’est sûrement impossible d’avoir une idée exacte du nombre d’heures et de jours qu’ils ont données et continuent de donner ensemble ou séparément en tant que femme et homme de théâtre et de culture.

 Je les ai aperçus quelques mois plus tôt dans le train. Assis face à face ou côte à côte, ils ne souriaient pas voire ne se parlaient pas.

Ils ne m’ont pas vu. Ils ne m’ont pas reconnu. J’en ai profité pour aller plus loin. Je ne voulais pas les déranger et, aussi, avoir à leur rappeler qui j’étais ou pire :

 Je ne voulais pas être pour eux une sorte de divertissement.

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C’est un couple qui dure. Ils ont au moins deux enfants. Je l’ai aperçu lui, une fois, dans le bus, avec un de leurs fils. Mal fringué, les cheveux longs, longiligne, presque sale. Mais sans aucun doute très brillant à l’école et très cultivé. Du moins, je l’espère.

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Cet homme que j’aperçois à quelques mètres de moi (et sa femme) se contrefiche des apparences. C’est un homme libre. Et moi qui fais le malin en le décrivant, je suis beaucoup moins libre que lui. Parce-que je m’accroche encore aux apparences comme je m’accroche à mon volant. Alors que les apparences, c’est surtout dans les débuts d’une relation qu’elles comptent. Ensuite, on peut s’en débarrasser une fois que l’on est bien installés et que l’autre est en quelque sorte devenu notre propriété. Lorsque l’on est à peu près convaincu qu’elle ou qu’il restera autant qu’on le pensera.

Je repense à cet homme. A son allure. A l ’espèce de poids mais aussi de combat éternel auxquels il a semblé se consacrer entièrement au point de ne rien voir d’autre que ce point qui le menait vers la gare. Car c’est un homme entier.

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Puis, je démarre et je me rends jusqu’à aujourd’hui, ce lundi 30 juin 2025. Depuis quelques jours, c’est la canicule. 34 ou 35 degrés aujourd’hui en région parisienne, je crois. Je m’attarde peu sur les chiffres comme sur les titres que j’ai pu voir sur un des téléviseurs de mon lieu de travail où l’on se demandait s’il fallait fermer les écoles plus tôt. Rachida Dati, 60 ans cette année, Ministre de la Culture, et Maire du 7ème arrondissement de Paris depuis le 29 mars 2008, veut devenir Maire de Paris. Bruno Retailleau, 65 ans cette année, Ministre de l’Intérieur, Président du parti des Républicains, marche « bien » depuis quelques mois. 

J’ai aperçu à la télé le Président de la République, Emmanuel Macron, 48 ans cette année, avant un match de Rugby récemment. Il saluait les joueurs qui le dépassaient tous de plusieurs têtes ainsi qu’en envergure. Il était enthousiaste, assez excité. Je ne l’ai pas reconnu tout de suite. Il avait pris un coup de vieux. Son double mandat de Président de la République et certains de ses mauvais choix l’auront usé.

On nous parle aussi régulièrement du conflit en cours entre les Etats-Unis et l’Iran à la suite de l’attaque militaire d’Israël sur des sites stratégiques militaires afin d’empêcher l’Iran islamiste de fabriquer la bombe nucléaire.

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En France, c’est l’été. C’est le début des grandes vacances scolaires. Les gens partent se changer les idées. On les voit avec leur valise. C’est le début des soldes. Le marché immobilier a repris de la vigueur. Les gens ont recommencé à acheter.  Il y a aussi plein de festivals de musique. Et comme il fait beau (ou trop chaud), il convient d’être léger ; de se distraire ; d’entreprendre ;  de voir la vie du bon côté ; de « chiller » ; «  d’être fun » ;  de-trouver- sa- moitié- ou- de partir- quelque- part- avec- elle- dans- l’harmonie- puisque- c’est- la- saison- et- aussi- parce- qu’une- existence- accomplie- se- doit- de- toutes- façons- de- se- dérouler- de- cette- manière.

Si nous sommes plus de soixante millions d’habitants en France, il y a sur terre à peu près 7 ou 8 milliards d’êtres humains. Et parmi ces 7 à 8 milliards de personnes, il s’en trouve un certain nombre pour lesquels la France est le pays ou l’un des pays de l’Amour et du « romantisme ».

Photo©Franck.Unimon

« Est-ce que tu l’aimes ? » C’est souvent une femme qui continue de poser ce genre de question à une autre personne. Je peux me rappeler d’une amie me posant cette question. Je ne me rappelle pas qu’un homme, ami, copain ou connaissance, me l’ait posé.

C’est aussi plutôt une femme qui va décider de rester parce qu’elle aime son prochain ou sa prochaine. Quel que soit ce qu’elle peut endurer au sein du couple.

L’Amour semble donner des forces voire certaines certitudes aux femmes. Il semble davantage opprimer les hommes. Je parle ici de relations hétérosexuelles.  Et je ne compte pas beaucoup sur les hommes pour s’exprimer librement et en toute décontraction sur le sujet car ils ont plutôt tendance à le fuir. Et ça, c’était bien avant d’entendre parler de :

« charge mentale », « travail invisible », « déconstruire », « féminisme », « féministe », « patriarcat », « être assigné à son genre », « conditionnement social »  » viols systémiques », « viols », « pervers narcissique », «procès de Mazan », « porc », « culture du viol », « la drogue du viol », « GHB », « grossophobie », « féminicides », « plafond de verre pour les femmes », « haine des femmes », « précarité des femmes », « injonctions patriarcales », « L’ Amour dure trois ans », « L’ Amour peut tout ».

J’ai répété certains termes pour donner un peu une idée de la façon dont ils peuvent nous être rappelés ou dictés.

 Je ne conteste pas la légitimité de ces termes. Je ne conteste pas non plus leurs contradictions.

 Je les ai restitués ici (j’en ai sûrement oublié) pour donner un aperçu des paradoxes qui peuvent s’imbriquer dans les relations amoureuses en France, pays de « l’Amour » voire du « romantisme». Car toutes les personnes qui se quittent ou qui se trompent ou qui sont maltraitées se sont souvent aimées au départ. Au moins en apparence.

Photo©Franck.Unimon

Ma perception de l’Amour a bien sûr changé depuis mon adolescence. Même si mon adolescence a duré longtemps. Ma vision de la masculinité a aussi changé depuis mon adolescence.

Plutôt socialement et extérieurement.

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Adolescent et jeune adulte, j’étais sans aucun doute plus attaché aux regards des autres. Je le redoutais aussi sans doute davantage. Car, adolescent, et même plus tard, il peut être très difficile de se séparer du regard et du jugement du groupe auquel on appartient ou auquel on tient à appartenir. Qu’il s’agisse de la famille, d’un groupe de copains, de camarades de classe sociale, de collègues, des gens du quartier ou du village, d’une culture, d’une religion ou, aujourd’hui, d’un réseau social sur internet ou ailleurs.

Et cette « règle » vaut aussi pour les jeunes femmes. La crainte de décevoir, d’être rejetée par un certain groupe d’appartenance, d’être déconsidérée si l’on adopte un certain type de comportements. Ou, plus simplement, le fait d’être attaché (e), cramponné (e ) – comme j’ai pu l’être au volant de ma voiture au début de ce texte- par loyauté, par facilité et/ou par conditionnement aux rites, croyances, habitudes et certitudes d’un certain groupe qui semble correspondre le mieux à ce que l’on est, à notre identité en tant qu’individu.

Adolescent et jeune adulte, j’étais assez étranger à mon intériorité. Je pouvais même me méfier ou douter d’elle puisqu’autour de moi s’affichaient, se perpétuaient et s’imposaient certains modèles, certaines supposées réussites mais aussi certains stéréotypes. Des modèles qui avaient pour eux l’avantage de l’assurance, de la certitude, de l’expérience…et du nombre. 

Photo©Franck.Unimon

En tant qu’homme d’origine antillaise, j’aurais par exemple peut-être « dû » avoir au minimum trois ou quatre enfants aujourd’hui et « avoir » deux ou trois maitresses qui se battent en duel pour être un « vrai » homme antillais. Cela aurait peut-être contribué à me rendre encore plus attirant auprès de certaines femmes ( antillaises ou non)  car elles auraient ainsi eu la certitude que je suis bien fertile mais aussi fait d’une matière hétérosexuelle. En étant célibataire quelques années et en devenant père plutôt tardivement, j’ai peut-être brouillé les cartes pour certaines femmes. Etais-je homosexuel ? Avais-je un problème sexuel ou une tare quelconque ? J’étais bien difficile à déchiffrer.

L’ humour noir ne convient pas à tout le monde.

Je pense que des hommes se sont aussi posés la question voire se la posent encore à mon sujet. Suis-je homo ? Est-ce que j’aime – sexuellement- les femmes ? Puisque l’on ne me voit pas et l’on ne m’entend pas vraiment « m’exprimer » :

Employer le vocabulaire et le comportement du mec qui drague ou qui joue au moins ce rôle-là en tenant certains propos  « rassurants » ( pour certains hommes) à propos des femmes.

« J’ai envie de lui monter dessus » m’a ainsi dit un de mes collègues à propos d’une de mes collègues ». A mon travail, personne ne m’a entendu parler comme ça.

J’ai aussi pris trop de plaisir à lire Les couilles sur la table de Victoire Tuaillon dans mon précédent service, un service de «mecs ». Et à le redire et à le réécrire.

 Je suis suspect. Mais je me souviens encore de l’identité du collègue à côté duquel je venais de m’asseoir et , qui, après avoir aperçu le titre, s’était levé en silence pour s’éloigner.

Je commence à parler ici de sexualité alors que le titre de départ est celui de l’Amour. Mais finalement, aujourd’hui, je me suis dit que beaucoup de monde se fourvoyait en parlant d’Amour ou même de sexualité. Je crois aujourd’hui que le mot principal dans une relation, son fondement, c’est plutôt :

L’intimité.

Photo©Franck.Unimon

Un couple sans intimité, à mon avis, ne peut pas ou ne peut plus exister. L’ intimité, pour moi, c’est ce que l’on vit avec l’autre parce-que l’on se sent bien avec elle ou lui. En toute confiance. Cela peut être un voyage, le fait d’éduquer un enfant, de faire une promenade, de regarder un film. C’est un moment privilégié où l’on se sent bien et en sécurité avec quelqu’un d’autre. Sans nécessairement être l’un sur l’autre ou avec l’autre à perpétuité. Cela peut durer dix minutes, une heure, trois quarts d’heure. Davantage.

Mais ce n’est pas une permanence. C’est une aptitude.

L’ aptitude à se retrouver avec quelqu’un que l’on a choisi et qui nous a choisi ou accepté. Parce-que, de part et d’autre, il y a la volonté que cela ait lieu et existe à un moment donné. Et ce moment répété d’intimité satisfait véritablement les deux personnes qui sont alors ensemble.

Je crois que si l’on est capable de veiller sur l’intimité – et de la défendre si besoin – que l’on vit avec une personne, que l’Amour entre deux personnes peut plus facilement subsister.

Car l’Amour, tout seul, ne tient pas. Et la sexualité, même lorsqu’elle se passe très bien et donne beaucoup de plaisir ne suffit pas pour faire vivre un couple.

L’ écrire ici ne m’empêchera pas pour autant d’avoir une bedaine comme de marcher vers une gare un jour de canicule.

Photo©Franck.Unimon

 

Franck Unimon, ce lundi 30 juin 2025.

 

 

 

 

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En Concert

Marc Crofts Klezmer Ensemble au MAJH ( Musée d’art et d’histoire du judaïsme) 15 Mai 2025

 

 

Marc Crofts Klezmer Ensemble au MAJH ce 15 Mai 2025. Photo©Franck.Unimon

Marc Crofts Klezmer Ensemble au MAJH ( Musée d’art et d’histoire du Judaïsme) 15 Mai 2025

Je ne connaissais pas le MAJH pourtant situé dans le quartier du Marais à Paris. Ce 15 Mai 2025, une statue vous interpelle dans la cour, l’épée brisée.

Dans la cour intérieure du MAJH ce 15 Mai 2025. Photo©Franck.Unimon

C’est la loyauté du Capitaine Dreyfus ( 1859-1935) dont la mémoire est ici statufiée.

En venant ici ce jeudi 15 Mai, je « sais » ce qui se passe depuis le 7 octobre 2023 en Israël et en Palestine. En Palestine et en Israël.

Il m’arrive aussi de penser à la série Hatufim de Gideon Raff diffusée entre 2010 et 2012..

Je ne suis pas juif et je ne vois pas pour quelle raison j’aurais dû l’être spécifiquement ce soir-là.

Le Klezmer ne fait pas plus partie de mes terres. Même s’il me reste peut-être encore un peu du film Gadjo Dilo réalisé en 1997 par Tony Gatlif. Ou du titre Pagamenska du groupe Oi Va Voi écouté il y a plus d’une quinzaine d’années.

Ce 15 Mai 2025, à peu près libre de toutes mes guerres intérieures et postérieures, je viens  écouter de la musique et voir des artistes dont je n’avais jamais entendu parler deux mois plus tôt.

C’est le label Zamora Productions qui m’a mis sur la piste du Marc Crofts Klezmer Ensemble en m’envoyant leur album Urban Myths. Un album dont j’ai croisé un peu les timbres avant de venir les écouter sur scène.

Le label Zamora Productions est également engagé derrière les artistes Lagon Nwar, Okali mais aussi sur le dernier album de Rocio Marquez. Des artistes dont j’ai parlé dans d’autres articles. ( Voir Lagon Nwar au café de la danse ce 31 mars 2025, et Rocio Marquez au Théâtre Zingaro ) .

A une époque ou des vedettes musicales comme Billie Eilish, Charli XcX, Rosalia, Theodora, Ronisia ou Little Simz suscitent ferveur populaire au sein des jeunesses ( de 14 à 25 ans) en ayant très peu de musiciens sur scène et toujours des paroles dans leurs compositions, je fais peut-être partie d’un public qui surfe sur un passé de plus en plus éloigné et qui peut encore, les problèmes de mémoire aidant, feindre de l’ignorer.

Mais l’amateur de musique que je suis se rappelle que celles et ceux qui savent jouer écoutent et apprécient souvent des artistes a priori plutôt séparés de leur univers. Miles Davis avait écouté aussi bien du Chopin que le Zouk de Kassav’. Bob Marley avait écouté James Brown. Nina Simone aurait voulu être une pianiste classique. Johnny Halliday et Jacques Brel étaient très proches. Gainsbourg était connu pour son bagage musical.

Pour ma part, je n’ai pas peur d’écouter des titres sans paroles comme des artistes que je connais à peine.  

Les musiciens du Marc Crofts Klezmer Ensemble sont bien plus jeunes que moi qui suis né en 1968. Pourtant, Seraphim Von Werra, l’un des musiciens du Marc Crofts Klezmer Ensemble, a un air de Jacques Brel. Mais il ne chantera pas. C’est Marc Crofts qui s’en chargera sur deux ou trois titres en interprétant non du Jacques Brel mais de la musique Klezmer. C’est aussi lui qui présentera les titres avec humour et érudition, rappelant en cela que la musique est un moteur culturel et de transmission. On en apprendra ainsi un peu sur les titres sans doute bien plus âgés que je ne le suis mais aussi sur les membres de l’ensemble qui, en dehors de ces mythes urbains, ont intégré des projets musicaux bien différents de celui de ce soir-là.

Sans doute le lieu, sans doute l’acoustique, sans doute l’intimisme de la salle, sans doute les thèmes et l’époque évoqués ou invoqués ont-ils contribué à faire de ce concert une page d’évasion et de répit. Mais il y a aussi ce plaisir et cette écoute qu’ont eus les musiciens entre eux et qu’il était impossible d’égarer. On ne peut que leur souhaiter de continuer de jouer le plus longtemps possible avec une telle belle volonté.

Mon diaporama de ce concert avec un des titres (Rozmarin Nign) du Marc Crofts Klezmer Ensemble sera ma conclusion.

Article et photos©Franck.Unimon.

 

Balistique du quotidien, ce jeudi 26 juin 2025. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Fantôme de Goût

Paris Tea Festival 15 Juin 2025

Au Paris Tea Festival, Cité Universitaire, ce 15 Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Paris Festival Tea 15 Juin 2025

Fantôme de nos goûts, le thé est une apparition.

A moins qu’il ne soit un peu tout ce que l’on croit, une forme de superstition, une force en apesanteur, selon les températures où il nous libère.

Quelques heures avant de me rendre au Paris Festival Tea à la Cité Universitaire, j’étais pourtant bien plus terre à terre :

Je n’avais plus envie d’y aller.

Ma journée fournie en déplacements de la veille. Le trajet depuis Argenteuil, ma ville de banlieue.

Un lieu de plus où j’irais gesticuler. Et où j’allais bien-sûr dépenser de l’argent après m’être acquitté du droit d’entrée. Vingt euros pour moi, quinze pour les étudiants.

Je prévoyais une arnaque. Une manifestation faite pour attirer les gogos.

Au Paris Tea Festival, Cité Universitaire, 15 Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Le thé fait vendre de plus en plus. J’ai lu quelque part sur un site qui lui est consacré qu’il serait la deuxième boisson la plus bue dans le Monde après l’eau. Cela était déclaré fièrement sans rappeler que sans eau le thé perd beaucoup et aussi que les ressources mondiales en eau s’amenuisent avec la pollution due à la croissance industrielle de nombreux pays, la déforestation, le gaspillage, le réchauffement climatique. Et qu’il existe déjà certaines tensions entre certains pays pour s’accaparer certaines réserves d’eau telles celles entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie.

Mais ce festival, le premier festival de thé auquel je me rendais, était d’abord une fenêtre. Et pour puiser mes conclusions, il me fallait aller sur place, passer de l’autre côté de mes filtres.

Le thé a commencé pour moi en sachets Lipton à l’adolescence. Pour le petit déjeuner avec plusieurs morceaux de sucre blanc. Mais aussi avec du miel. Comme alternative aux boissons chocolatées de mon enfance dont je m’étais lassé.

C’était le chocolat en poudre ou en granulés avec du lait de vache, déja avec des morceaux (jusqu’à quatre) de sucre blanc. Il y a eu l’Ovomaltine, le Nesquik, le Banania, le Benco, le Poulain, rarement le Van Houten. Il y a eu le morceau de beurre qui se foudroie dans le coin du bol de chocolat chaud et que l’on boit. Il y a eu le lait sucré concentré auquel on ajoutait  du chocolat en poudre et de l’eau chaude.

Il y a aussi eu un peu de chicorée, un peu de café au lait bien sucré. Et lors de séjours en Grande-Bretagne, le thé au lait qui me donnait un peu l’impression de devenir un aristocrate.

Puis, un jour, il y a à  peu près quinze ans, est arrivé le thé en vrac.

Comment ? Pourquoi ?  Où ? Qui ? 

Je ne m’en souviens pas. Je ne me souviens pas non plus quand j’ai arrêté de plonger du sucre dans mon thé.

 Mais je me rappelle du premier magasin où je suis devenu assidu afin d’y acheter du thé en vrac :

La Route du Thé au 5, rue de la Montagne Sainte Genevieve dans le 5ème arrondissement. J’ai dû y entrer par curiosité un jour où j’étais seul dans les environs. J’y retourne encore même si, depuis, en parallèle, je vais aussi voir ailleurs :

L’ Autre Thé, Le Palais des Thés ,  Le Conservatoire des Hémisphères, Lupicia ainsi que quelques sites. Cette polygamie du thé ne suscite aucun conflit particulier dans ma vie personnelle tant que le thé m’améliore.  

Je suis aussi passé à Mariage Frères et chez Damman Frères  puisque l’on en parlait beaucoup. J’ai trouvé Mariage Frères cher voire très cher, plutôt prétentieux. Une sorte de yacht statique de l’aisance sociale et matérielle qui ne garantit pas pour autant l’excellence annoncée. A moins d’être prêt à payer le prix fort pour certains de leurs thés. Il y a finalement tellement d’histoires comme celle-là où la suffisance convainc bien des privilégiés qu’ils ont toujours le meilleur à portée de main. 

Après plusieurs années de fréquentation de La Route du Thé, j’ai connu chez Mariage Frères pourtant si réputé une désillusion en matière de Sencha. Il y avait mieux mais il fallait vraiment mettre le prix. Je crois que l’on était dans les 90 ou 100 euros ou plus pour cent grammes de thé.

Je n’ai pas peur de payer entre 25 et 40 euros les 50 ou les 100 grammes de thé. Je peux même payer encore un peu plus si je suis sûr de l’endroit et de ce que j’ y achète.

Je reste pour l’instant réservé concernant Damman Frères car j’y suis allé une seule fois de mémoire.

Pour choisir notre thé en vrac, notre nez et notre mémoire gustative comptent autant voire plus que les commentaires et l’assurance de certains vendeurs qui sont à mon avis beaucoup plus des agents commerciaux que de réels conseillers. Pour peu que l’endroit soit assez luxueux et présente bien, on peut avoir l’impression d’entrer dans une bijouterie où l’on est reçu par des orfèvres du goût et d’un vocabulaire millésimé alors qu’il peut s’agir de simples éléments de langage et du protocole.

Le vendeur et le gérant de La Route du Thé où je retourne est originaire d’Afghanistan. Il m’a raconté un peu son histoire et son arrivée en France à la suite de son frère il y a quelques semaines lorsque je suis allé le rejoindre dans le restaurant vietnamien où il avait l’habitude de déjeuner. Il m’a offert le repas. J’étais un peu fatigué et j’avais déjà un peu déjeuné mais je n’ai pas refusé. A ce jour, je n’ai pas connu d’expérience similaire dans les autres maisons de thé que j’ai connues plus récemment.

La première fois que je suis entré à La Route du thé, je commençais sans doute déja à m’éloigner de plus en plus des grandes surfaces et des magasins bondés et bruyants où nous sommes des prisonniers en liberté conditionnelle. Nos cellules et nos matricules sont nos cartes bancaires ainsi que nos téléphones portables. Nous sommes supposés choisir et nous faire plaisir alors que nous ne faisons que nous assujettir et nous enfermer un peu plus.

A La Route du thé, il n’y avait pas de queue à la caisse. Pas de foule. Je pouvais prendre le temps de sentir le thé que j’allais acheter. Discuter, me faire conseiller.

J’ai commencé par des thés aromatisés. Des thés noirs. Dont certains ont beaucoup plu à mes collègues tels Les fleurs de feu, Les Cavaliers afghans, Ispahan….

Et puis, un beau jour, ces thés se sont tus dans ma bouche. J’ai d’abord cru que c’était une mauvaise production. Le vendeur m’a détrompé. Quelqu’un m’avait recommandé de boire du thé vert. A moi qui buvais encore du thé noir aromatisé avec du sucre.

Je me suis rappelé d’un collègue qui avait loué le Gemmaïcha.

J’ai essayé le Gemmaïcha alors que je buvais très peu de thé vert japonais lors de mon premier séjour au Japon en 1999 même si j’en étais revenu avec de la céramique- que j’ai toujours- mais sans thé….

Aujourd’hui, cela doit faire une dizaine d’années que je bois du thé vert japonais. Du Sencha ou du Gyokuro. Je n’arrive pas à me déloger de ces thés-là. Je me vois comme un intégriste voire un raciste gustatif en matière de thé. Car souvent lorsque  j’essaie un autre genre de thé affirmé, je le quitte.

Au Paris Tea Festival ce 15 Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Au Paris Tea Festival, on nous a remis à l’entrée une petite tasse nous permettant de goûter à peu près tous les thés présentés. J’ai dû approcher entre vingt à quarante thés. Des thés noirs, des thés verts, des thés d’Afrique, des thés de Chine, de Corée du Sud, du Japon, d’Iran.

J’ai croisé un vendeur espagnol qui vivait en Chine depuis une dizaine d’années. Un autre d’origine polonaise qui avait vécu à Taïwan et qui vendait sa céramique. Un autre vendeur de céramique était d’origine tchèque. J’ai croisé un Instagrammeur qui publiait régulièrement à propos des événements liés au thé. Un spécialiste du Japon et du thé qui m’a appris que je pouvais le solliciter si je cherchais un article à me faire ramener du Japon.

J’ai discuté pendant un moment avec une des vendeuses, également formatrice en thé, des Jardins de Gaïa qui a pris le temps de me servir plusieurs thés ainsi qu’à un autre visiteur comme moi qui « travaille dans la mode ». C’est avec elle que j’ai découvert le shiboridashi.

Au Paris Tea Festival ce 15 Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Plus loin, un revendeur m’a appris que la Bretagne se prêtait bien à la culture du thé vert japonais en raison de son climat et de ses terres acides. Il m’a aussi parlé du décalage entre la maison de thé qu’il représentait au Paris Festival Tea et certains de leurs agriculteurs partenaires qui privilégiaient la quantité au lieu de la qualité. D’autres personnes étaient là pour prospecter et nouer des contacts en vue de développer leur business. J’ai aussi relevé la place stratégique occupée par la marque Brita connue depuis des années pour ses carafes filtrantes.

Au Paris Tea Festival ce 15 Juin 2025. Le stand Brita était bien-sûr mieux rangé. Photo©Franck.Unimon

Le Paris Festival Tea a été une opportunité pour présenter la dernière nouveauté de la marque Brita.

Venu principalement pour le thé, je n’avais pas envisagé la présence de céramique. Si j’ai été étonné de trouver des artisans ou des revendeurs européens qui « proposaient » des pièces de céramique plutôt séduisantes et réussies, deux stands m’ont particulièrement plu dont celui représentant les poteries Hagi Ware d’un Japonais résidant aux Pays-Bas depuis 2024 :

Shujiro Tanaka pour le site Tanaka-NL. J’ai appris que la technique Hagi Ware découlait du savoir faire de potiers coréens.

J’ai aussi aimé le travail de Inge Nielsen qui s’inspire de la poterie chinoise et de Jérémy Kéala qui s’inspire, lui, de la poterie japonaise.

Même si l’univers du thé est un marché économique ( on m’a rappelé la spéculation actuelle à propos du matcha)  qui repose sur la concurrence et des conditions de travail éprouvantes, je trouve réconfortant que dans notre monde de console Nintendo Switch seconde génération, de jeux en ligne, de vidéos snapchat, de réseaux sociaux et de téléphones portables toujours disponibles et toujours en activité qu’il y ait des personnes qui prennent le temps de se faire du thé et de se rencontrer à travers lui.

Initialement disposé à rester deux heures au Paris Tea Festival, j’y suis finalement resté plus de quatre heures ! Sans assister à une seule des conférences ainsi qu’à aucun des ateliers.

Le reste, c’est mon diaporama qui le racontera.

 

Franck Unimon/ Balistique du quotidien, ce mercredi 18 juin 2025.