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Fantôme de Goût

Paris Tea Festival 15 Juin 2025

Au Paris Tea Festival, Cité Universitaire, ce 15 Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Paris Festival Tea 15 Juin 2025

Fantôme de nos goûts, le thé est une apparition.

A moins qu’il ne soit un peu tout ce que l’on croit, une forme de superstition, une force en apesanteur, selon les températures où il nous libère.

Quelques heures avant de me rendre au Paris Festival Tea à la Cité Universitaire, j’étais pourtant bien plus terre à terre :

Je n’avais plus envie d’y aller.

Ma journée fournie en déplacements de la veille. Le trajet depuis Argenteuil, ma ville de banlieue.

Un lieu de plus où j’irais gesticuler. Et où j’allais bien-sûr dépenser de l’argent après m’être acquitté du droit d’entrée. Vingt euros pour moi, quinze pour les étudiants.

Je prévoyais une arnaque. Une manifestation faite pour attirer les gogos.

Au Paris Tea Festival, Cité Universitaire, 15 Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Le thé fait vendre de plus en plus. J’ai lu quelque part sur un site qui lui est consacré qu’il serait la deuxième boisson la plus bue dans le Monde après l’eau. Cela était déclaré fièrement sans rappeler que sans eau le thé perd beaucoup et aussi que les ressources mondiales en eau s’amenuisent avec la pollution due à la croissance industrielle de nombreux pays, la déforestation, le gaspillage, le réchauffement climatique. Et qu’il existe déjà certaines tensions entre certains pays pour s’accaparer certaines réserves d’eau telles celles entre l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie.

Mais ce festival, le premier festival de thé auquel je me rendais, était d’abord une fenêtre. Et pour puiser mes conclusions, il me fallait aller sur place, passer de l’autre côté de mes filtres.

Le thé a commencé pour moi en sachets Lipton à l’adolescence. Pour le petit déjeuner avec plusieurs morceaux de sucre blanc. Mais aussi avec du miel. Comme alternative aux boissons chocolatées de mon enfance dont je m’étais lassé.

C’était le chocolat en poudre ou en granulés avec du lait de vache, déja avec des morceaux (jusqu’à quatre) de sucre blanc. Il y a eu l’Ovomaltine, le Nesquik, le Banania, le Benco, le Poulain, rarement le Van Houten. Il y a eu le morceau de beurre qui se foudroie dans le coin du bol de chocolat chaud et que l’on boit. Il y a eu le lait sucré concentré auquel on ajoutait  du chocolat en poudre et de l’eau chaude.

Il y a aussi eu un peu de chicorée, un peu de café au lait bien sucré. Et lors de séjours en Grande-Bretagne, le thé au lait qui me donnait un peu l’impression de devenir un aristocrate.

Puis, un jour, il y a à  peu près quinze ans, est arrivé le thé en vrac.

Comment ? Pourquoi ?  Où ? Qui ? 

Je ne m’en souviens pas. Je ne me souviens pas non plus quand j’ai arrêté de plonger du sucre dans mon thé.

 Mais je me rappelle du premier magasin où je suis devenu assidu afin d’y acheter du thé en vrac :

La Route du Thé au 5, rue de la Montagne Sainte Genevieve dans le 5ème arrondissement. J’ai dû y entrer par curiosité un jour où j’étais seul dans les environs. J’y retourne encore même si, depuis, en parallèle, je vais aussi voir ailleurs :

L’ Autre Thé, Le Palais des Thés ,  Le Conservatoire des Hémisphères, Lupicia ainsi que quelques sites. Cette polygamie du thé ne suscite aucun conflit particulier dans ma vie personnelle tant que le thé m’améliore.  

Je suis aussi passé à Mariage Frères et chez Damman Frères  puisque l’on en parlait beaucoup. J’ai trouvé Mariage Frères cher voire très cher, plutôt prétentieux. Une sorte de yacht statique de l’aisance sociale et matérielle qui ne garantit pas pour autant l’excellence annoncée. A moins d’être prêt à payer le prix fort pour certains de leurs thés. Il y a finalement tellement d’histoires comme celle-là où la suffisance convainc bien des privilégiés qu’ils ont toujours le meilleur à portée de main. 

Après plusieurs années de fréquentation de La Route du Thé, j’ai connu chez Mariage Frères pourtant si réputé une désillusion en matière de Sencha. Il y avait mieux mais il fallait vraiment mettre le prix. Je crois que l’on était dans les 90 ou 100 euros ou plus pour cent grammes de thé.

Je n’ai pas peur de payer entre 25 et 40 euros les 50 ou les 100 grammes de thé. Je peux même payer encore un peu plus si je suis sûr de l’endroit et de ce que j’ y achète.

Je reste pour l’instant réservé concernant Damman Frères car j’y suis allé une seule fois de mémoire.

Pour choisir notre thé en vrac, notre nez et notre mémoire gustative comptent autant voire plus que les commentaires et l’assurance de certains vendeurs qui sont à mon avis beaucoup plus des agents commerciaux que de réels conseillers. Pour peu que l’endroit soit assez luxueux et présente bien, on peut avoir l’impression d’entrer dans une bijouterie où l’on est reçu par des orfèvres du goût et d’un vocabulaire millésimé alors qu’il peut s’agir de simples éléments de langage et du protocole.

Le vendeur et le gérant de La Route du Thé où je retourne est originaire d’Afghanistan. Il m’a raconté un peu son histoire et son arrivée en France à la suite de son frère il y a quelques semaines lorsque je suis allé le rejoindre dans le restaurant vietnamien où il avait l’habitude de déjeuner. Il m’a offert le repas. J’étais un peu fatigué et j’avais déjà un peu déjeuné mais je n’ai pas refusé. A ce jour, je n’ai pas connu d’expérience similaire dans les autres maisons de thé que j’ai connues plus récemment.

La première fois que je suis entré à La Route du thé, je commençais sans doute déja à m’éloigner de plus en plus des grandes surfaces et des magasins bondés et bruyants où nous sommes des prisonniers en liberté conditionnelle. Nos cellules et nos matricules sont nos cartes bancaires ainsi que nos téléphones portables. Nous sommes supposés choisir et nous faire plaisir alors que nous ne faisons que nous assujettir et nous enfermer un peu plus.

A La Route du thé, il n’y avait pas de queue à la caisse. Pas de foule. Je pouvais prendre le temps de sentir le thé que j’allais acheter. Discuter, me faire conseiller.

J’ai commencé par des thés aromatisés. Des thés noirs. Dont certains ont beaucoup plu à mes collègues tels Les fleurs de feu, Les Cavaliers afghans, Ispahan….

Et puis, un beau jour, ces thés se sont tus dans ma bouche. J’ai d’abord cru que c’était une mauvaise production. Le vendeur m’a détrompé. Quelqu’un m’avait recommandé de boire du thé vert. A moi qui buvais encore du thé noir aromatisé avec du sucre.

Je me suis rappelé d’un collègue qui avait loué le Gemmaïcha.

J’ai essayé le Gemmaïcha alors que je buvais très peu de thé vert japonais lors de mon premier séjour au Japon en 1999 même si j’en étais revenu avec de la céramique- que j’ai toujours- mais sans thé….

Aujourd’hui, cela doit faire une dizaine d’années que je bois du thé vert japonais. Du Sencha ou du Gyokuro. Je n’arrive pas à me déloger de ces thés-là. Je me vois comme un intégriste voire un raciste gustatif en matière de thé. Car souvent lorsque  j’essaie un autre genre de thé affirmé, je le quitte.

Au Paris Tea Festival ce 15 Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Au Paris Tea Festival, on nous a remis à l’entrée une petite tasse nous permettant de goûter à peu près tous les thés présentés. J’ai dû approcher entre vingt à quarante thés. Des thés noirs, des thés verts, des thés d’Afrique, des thés de Chine, de Corée du Sud, du Japon, d’Iran.

J’ai croisé un vendeur espagnol qui vivait en Chine depuis une dizaine d’années. Un autre d’origine polonaise qui avait vécu à Taïwan et qui vendait sa céramique. Un autre vendeur de céramique était d’origine tchèque. J’ai croisé un Instagrammeur qui publiait régulièrement à propos des événements liés au thé. Un spécialiste du Japon et du thé qui m’a appris que je pouvais le solliciter si je cherchais un article à me faire ramener du Japon.

J’ai discuté pendant un moment avec une des vendeuses, également formatrice en thé, des Jardins de Gaïa qui a pris le temps de me servir plusieurs thés ainsi qu’à un autre visiteur comme moi qui « travaille dans la mode ». C’est avec elle que j’ai découvert le shiboridashi.

Au Paris Tea Festival ce 15 Juin 2025. Photo©Franck.Unimon

Plus loin, un revendeur m’a appris que la Bretagne se prêtait bien à la culture du thé vert japonais en raison de son climat et de ses terres acides. Il m’a aussi parlé du décalage entre la maison de thé qu’il représentait au Paris Festival Tea et certains de leurs agriculteurs partenaires qui privilégiaient la quantité au lieu de la qualité. D’autres personnes étaient là pour prospecter et nouer des contacts en vue de développer leur business. J’ai aussi relevé la place stratégique occupée par la marque Brita connue depuis des années pour ses carafes filtrantes.

Au Paris Tea Festival ce 15 Juin 2025. Le stand Brita était bien-sûr mieux rangé. Photo©Franck.Unimon

Le Paris Festival Tea a été une opportunité pour présenter la dernière nouveauté de la marque Brita.

Venu principalement pour le thé, je n’avais pas envisagé la présence de céramique. Si j’ai été étonné de trouver des artisans ou des revendeurs européens qui « proposaient » des pièces de céramique plutôt séduisantes et réussies, deux stands m’ont particulièrement plu dont celui représentant les poteries Hagi Ware d’un Japonais résidant aux Pays-Bas depuis 2024 :

Shujiro Tanaka pour le site Tanaka-NL. J’ai appris que la technique Hagi Ware découlait du savoir faire de potiers coréens.

J’ai aussi aimé le travail de Inge Nielsen qui s’inspire de la poterie chinoise et de Jérémy Kéala qui s’inspire, lui, de la poterie japonaise.

Même si l’univers du thé est un marché économique ( on m’a rappelé la spéculation actuelle à propos du matcha)  qui repose sur la concurrence et des conditions de travail éprouvantes, je trouve réconfortant que dans notre monde de console Nintendo Switch seconde génération, de jeux en ligne, de vidéos snapchat, de réseaux sociaux et de téléphones portables toujours disponibles et toujours en activité qu’il y ait des personnes qui prennent le temps de se faire du thé et de se rencontrer à travers lui.

Initialement disposé à rester deux heures au Paris Tea Festival, j’y suis finalement resté plus de quatre heures ! Sans assister à une seule des conférences ainsi qu’à aucun des ateliers.

Le reste, c’est mon diaporama qui le racontera.

 

Franck Unimon/ Balistique du quotidien, ce mercredi 18 juin 2025.

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self-défense/ Arts Martiaux

Ellis Amdur à Asnières sur Seine ce 24 avril 2025

Ellis Amdur à Asnières sur Seine ce 24 avril 2025. Tout au fond, Jean-Marc Chamot. Photo©Franck.Unimon

 

A l’initiative de Jean-Marc Chamot, Ellis Amdur était à Asnières sur Seine ce 24 avril 2025. J’ai un ou deux de ses livres chez moi que je n’ai toujours pas pris le temps de lire. Je suis parti avec ma fille assister à ce stage qu’il animait dans le dojo de Jean-Marc Chamot avec celui-ci. Ce qui m’a aussi permis de rencontrer ce dernier pour la première fois.

 

J’ai été étonné par la stature imposante de Ellis Amdur. Cette particularité physique mise à part, j’ai vu un homme impliqué dans ce qu’il faisait, rigoureux, au fait de ce qu’il enseignait et néanmoins accessible.

 

En regardant ces photos et en les choisissant plusieurs semaines plus tard pour cet article, je remarque son regard, sa présence et son aisance pour manier son arme avec ses deux mains. Le bokken a beau être une arme factice en bois, on se convainc facilement que dans ses mains celle-ci pourrait tuer ou au moins mutiler.

 

Je crois que le diaporama parlera suffisamment de lui-même pour en dire davantage à propos de cette intervention d’Ellis Amdur. C’est en réécoutant tout à l’heure le titre Brothers in Arms du groupe Dire Straits que je me suis senti suffisamment inspiré pour écrire cet article et le publier.

Brothers in Arms date de 1995.  Même si elle peut parler à tous les âges comme d’autres titres, c’est une chanson de vieillots comme moi , ne nous illusionnons pas. Aujourd’hui, seul Captain America, en sortant de la banquise de son coma, pourrait trouver cette chanson futuriste ou révolutionnaire. Elle appartient à un autre régime musical que celui de l’électro, du Rap et de la Pop qui font désormais les tendances musicales les plus courantes. Et on la trouvera très peu utilisée sur Tik Tok ou Instagram comme bande son.

Cependant, j’ai estimé que « poser » un titre de Charli XCX ou de Lala & Ce avec ce diaporama aurait moins bien collé même si j’ai été un moment tenté de le faire.

Franck Unimon, ce vendredi 6 juin 2025.

 

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En Concert

Rocio Marquez au Théâtre Zingaro

Rocio Marquez au Théâtre Zingaro, 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

Rocio Marquez au Théâtre Zingaro

Sourds, nous le sommes devenus. A partir de quand ?

Dans les tumultes devenus nos chambres et nos pensées, nous l’avons oublié.

Je ne fais pas exception. Cependant, quelques fois, pour des raisons particulières, nos cellules s’ouvrent. Nous parvenons à prendre des issues où les limites permutent et où nous échappons à nos (ab)surdités derrière lesquelles nous vivons camouflés la plupart du temps.

Rocio Marquez au Théâtre Zingaro ce 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

La musique fait partie des substituts de notre mémoire.  Le film Sinners de Ryan Coogler sorti récemment nous apprend que la musique est capable de déchirer le voile qui sépare les morts des vivants, qu’elle peut guérir mais qu’elle peut aussi attirer le diable.

Dans Sinners, le Blues est à l’honneur. Cette musique, comme d’autres, sort du ventre. Il s’agit d’un chant braqué au garrot comme le flamenco entendu à travers Rocio Marquez ce 8 avril dernier.

Rocio Marquez au Théâtre Zingaro ce 8 avril 2025. Photo©FrancK.Unimon

Ce 8 avril dernier, plutôt que damné, j’ai eu l’impression de faire partie des privilégiés à assister à ce concert sous le chapiteau du théâtre Zingaro lors du festival Fragile. J’avais raté Rocio Marquez l’année dernière lors de ses prestations avec Bronquio pour leur album Tercer Cielo. Je ne voulais pas recommencer pour la sortie de son nouvel album Himno Vertical.

Rocio Marquez au Théâtre Zingaro ce 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce 6 Mai 2025.

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Sur scène

Le théâtre Zingaro ce 8 avril 2025

Le théâtre Zingaro, ce 8 avri 2025l après le concert de Rocio Marquez. Photo©Franck.Unimon

Le théâtre Zingaro ce 8 avril 2025

 

Ils sont là, tout en bois, immobiles. Ils flottent à plusieurs mètres au dessus de nous, esprits ou vaisseaux prêts à charger pour ces voyages que nous avions imaginés. Mais nous les avons abandonnés ou oubliés. Par le corps et la peur. Par facilité, aussi.

Au Théâtre Zingaro, ce 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Ils ne descendront pas. C’est à nous de percevoir l’éclat qui leur reste et, pour eux et par eux, de faire le nécessaire avant de renaître en poussière.

Sous le chapiteau du théâtre Zingaro, ce 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

Je ne devrais pas avoir à le dire mais le théâtre Zingaro est un endroit étrange. C’est le contraire d’un supermarché du divertissement. Même s’il s’est adapté à l’économie et à notre environnement commerçant. Mappemonde du Temps, il nous promet ou nous propose encore notre possible affranchissement. Pourvu que l’on soit aussi proche de notre état de conscience que l’on peut l’être de la sortie d’une bouche de métro.

 Autrement, nous repartirons titubant en continuant à nous éclabousser de nos défaites et de nos blessures comme nous sommes venus. Mais au moins, nous aurons essayé, ici aussi, de nous libérer en mettant un pas devant l’autre. Ce sera déjà mieux que rien.

Pour quelques jours ou quelques heures encore, le festival Fragile se déroute au théâtre Zingaro. Plusieurs artistes y sont déjà passés.

J’ai raté Mayra Andrade ainsi que Molécule. Rodolphe Burger, Mehdi Haddab et Sofiane Saïdi, que j’ai déjà « vus », ont fait partie de la liste. Aucune de ces têtes d’affiche, à ce que je sache, ne fait de publicité pour une marque de voiture électrique ou de slip hybride.

Aucune d’entre elle n’occupe une activité rémunérée d’influenceur ou d’influenceuse sur les réseaux sociaux. Ces musiciennes, musiciens, chanteuses et chanteurs existent et se produisent sans bling-bling, sans rattrapage visuel, et, pour l’instant, sans intelligence artificielle.

Celles et ceux qui tendent encore l’oreille ou cherchent un peu ont entendu parler d’elles ou d’eux. Pour les autres, c’est l’ignorance. Car ce n’est pas du Rap et c’est peut-être, tout simplement, aussi, une musique « de » vieux et « pour » les vieux.

Car je suis vieux, c’est évident. Et, comme beaucoup de vieux, je fais mon maximum pour l’ignorer et pour ne pas me faire repérer. J’ai un très bon maquillage. Cependant, comme tous les vieux, je laisse derrière moi un faisceau d’indices qui me ressemblent et me signalent : « Tu vois là-bas, c’est un vieux ».

Je dois me faire une raison et continuer d’apprendre à me raccorder aux autres tant que cela est possible.

Ce n’est pas facile.

C’est beaucoup plus facile de se faire livrer à domicile d’un simple clic, de suivre la file devant soi mais aussi de s’énivrer d’algorithmes sans file d’attente. Cela m’est encore arrivé récemment. J’ai à nouveau pris une bonne cuite d’algorithmes jusqu’à trois heures du matin. Ensuite, je me suis vomi. Je me suis senti minable de m’être laissé aller une nouvelle fois malgré tout ce que je savais et connaissais déjà de l’expérience.

On se dit que l’on va passer juste quelques minutes à regarder pour se distraire un peu. On se convainc que l’on a la maitrise du Temps et qu’on l’a bien mérité : Le Temps.

On a encore la capacité de regarder l’heure qu’il est. Puis, on voit que l’heure passe mais on se rassure. On n’a toujours pas compris que le Temps n’appartenait à personne. Mais ce n’est pas très grave. On « a » du Temps. On se sent bien comme on est. Devant nous passent les images et les « contenus » sans dérangement désagréable ni rupture dans une parfaite, propre – et artificielle- continuité. Ce qui est tellement différent de ce que l’on vit d’ordinaire ou survient toujours une moisissure et une contrariété quelconque mais toujours viscérale.

Bien-sûr, si l’on faisait le ratio entre le nombre d’heures passées à regarder ces images et ce que l’on en a retenu, on s’apercevrait que l’on a perdu « notre » Temps. Mais dans ces moments-là, on est très loin d’être fort en calcul mental. Car on est alors beaucoup plus proche d’être d’un « bon » cul mental relié à nos besoins d’état régressif et végétatif. Et tout cela grâce à notre petit écran que nous pouvons transporter partout où nous allons et où nous le décidons.

Mais pour aller au théâtre Zingaro, cela ne marcherait pas.  Car pour s’y rendre, il faut rester sobre, être encore capable de regarder autre chose que son écran. Etre volontaire pour employer « son » temps autrement. Et se déplacer.

Le théâtre Zingaro, ce 8 avril 2025 après le concert de Rocio Marquez. Photo©Franck.Unimon

Afin d’y voir Rocio Marquez ce 8 avril, je me suis déplacé. Environ trois quarts d’heure de trajet par les transports en commun. De banlieue à banlieue en passant par Paris. Du Val d’Oise à la Seine Saint Denis.

En convenant au préalable avec ma fille qu’elle resterait à la maison faire ses devoirs le temps que sa mère rentre du travail une à deux heures plus tard. J’aurais vraiment voulu emmener ma fille mais elle avait ses « devoirs » pour l’école le lendemain. Pour elle, cette soirée aurait fini tardivement.

J’ai vraiment bien fait de partir plus tôt. Au théâtre Zingaro, on commence à l’heure. J’ai eu le temps de m’installer, de retrouver cette disposition des tables et des places faite de telle manière à ce que l’on se sente à l’aise ici mais, aussi, à ce que l’on puisse saluer et converser avec les autres personnes venues comme nous assister au même spectacle.

C’est seulement la deuxième fois que je viens au théâtre Zingaro malgré ce que j’en avais entendu pendant des années. C’est sans doute mieux que rien.

L’ article sur le concert de Rocio Marquez ce 8 avril au théâtre Zingaro est pour bientôt.

Rocio Marquez au théâtre Zingaro, ce 8 avril 2025. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce samedi 12 avril 2025.

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En Concert

Lagon Nwar au café de la danse ce 31 mars 2025

Le Groupe Lagon Nwar au Café de la danse ce lundi 31 mars 2025, Paris. Photo©Franck.Unimon

Lagon Nwar au Café de la danse ce 31 mars 2025

Un texte est une peau dont on se débarrasse. Et certaines sont plus tenaces que d’autres.

Le 31 mars 2025 aura été cette journée où a eu lieu à l’hôpital Georges Pompidou, à Paris, la quatrième journée scientifique de la CUMP (cellule d’urgence médico psychologique destinée à s’occuper des victimes de situation sanitaire exceptionnelle et potentiellement psycho-traumatisante) à laquelle je suis allé assister. J’y ai aussi pris des photos. Un peu plus de cent cinquante professionnels de la Santé ( psychologues, infirmières et infirmiers, psychiatres, autres…) étaient présents.

C’est aussi lors de cette journée que nous avons appris que la meneuse du Rassemblement National (ex Front National), Marine Le Pen, a été condamnée, elle et certains des membres de son parti politique, pour détournements répétés, pendant  plusieurs années ( douze), de fonds publics à hauteur de quatre millions d’euros.

Cet argent a été employé pour des emplois fictifs.

Marine Le Pen a décidé de faire appel car cette condamnation, si elle s’appliquait, la rendrait inéligible lors des prochaines élections Présidentielles de 2027.

Elle et ses partisans « menacent » de son innocence. Ils affirment aussi que le résultat de ce jugement est « politique » et mensonger et qu’il signifie que la démocratie en France est en danger car  elle et ils estiment que c’est elle, la victime du « système ».

Marine Le Pen a entre autres déclaré qu’elle ne se laisserait pas faire et a précisé :  » Je suis combattive ». 

Les juges qui, eux, ont démontré sa culpabilité sont désormais -pour certains d’entre eux dont une femme- sous protection policière. Car ils sont « coupables » de l’avoir déclarée  » coupable », elle, Marine Le Pen, et plusieurs membres et proches de son parti politique. 

Cette « pression » ou cette façon qu’ont Marine Le Pen et ses partisans – sincères ou intéressés- de vouloir faire plier et diriger, de façon brutale et autoritaire, le monde et les autres à leur volonté, en cherchant à intimider ou à détruire, font un peu penser au moins au style du Président américain Donald Trump lorsqu’il avait perdu- et contesté- le résultat des précédentes élections américaines et alors que réélu récemment, il veut aujourd’hui régenter, distribuer et imposer des taxes au monde entier. Comme si le monde était une pièce montée dont il serait le pâtissier et le commerçant et qu’il entendrait la découper- et la vendre- comme il l’entendrait en fonction des personnes qu’il aurait décidé d’inviter (en leur faisant payer l’accès à son salon ou à son jardin) à son anniversaire.

Mais ce 31 mars 2025, il y a aussi eu heureusement des événements plus réconfortants et plus démocratiques :

il y a aussi eu le concert du groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, du côté de Bastille, dans un des arrondissements très prisés et festifs de Paris.

Le groupe Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025, au Café de la Danse. Photo©Franck.Unimon

Le Café de la danse est une belle salle de concert intimiste, très agréable, de cinq cents places assises, où la scène est proche et la musique est réelle, ouverte et sans menaces. C’est en y retournant que je me suis rappelé y être allé une première fois une vingtaine d’années plus tôt afin d’aller y voir Susheela Raman dont on entend moins parler aujourd’hui. Et le groupe Lagon Nwar est sans doute inconnu pour beaucoup de personnes.

Le groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Je l’ai connu ou en ai entendu parler parce-que la chanteuse et musicienne réunionnaise Ann’ O’Aro en fait partie.

 

 

Ann’OAro du groupe Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025 au Café de la Danse. Photo©Franck.Unimon

J’ai commencé à écouter Ann’ O’Aro à partir de son premier album ( voir l’article Ann O’Aro  ). Et l’année dernière, pour la première fois, je l’avais vue en concert. J’étais arrivé en retard. Le concert m’avait beaucoup plu. Mais je n’avais pu prendre de photos dans les meilleures conditions.

Je suis allé au concert de Lagon Nwar sans avoir écouté leur album. Les critiques à son sujet étaient bonnes mais de toute façon, j’étais confiant. Et curieux.

Le groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Le groupe Lagon Nwar est le rassemblement de plusieurs artistes déjà rodés par d’autres projets. La jeune spectatrice d’à peine vingt ans apparemment venue seule de province, groupie du saxophoniste, qui était assise à ma droite, m’a ainsi appris que celui-ci jouait avec Clara Ysé que je connais pour l’instant uniquement de nom.

Elle m’a d’ailleurs fortement recommandé d’aller voir Clara Ysé à l’Olympia en m’informant qu’il ne restait plus beaucoup de places pour son concert.

Le saxophoniste de Lagon Nwar s’appelle Quentin Biardeau et durant la prestation, il s’est aussi occupé des synthétiseurs. Il est aussi celui qui, dès le début, nous a amusé avec son humour :

« On va vous jouer tous les morceaux de l’album et ensuite vous allez l’acheter ».

Le groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

A la batterie, au chant et au Koundé, il y avait Marcel Balboné du Burkina Faso dont l’allure avec ses lunettes noires au début du concert faisait penser à une sorte de Stevie Wonder.

 

Le groupe Lagon Nwar au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Puis, il y avait Valentin Ceccaldi comme bassiste. Aucun(e) guitariste n’était prévu et ce « fantôme » ne nous a pas manqué durant le concert puisque dès le début, le groupe Lagon Nwar nous a possédé. Si les critiques de leur album, que j’ai donc acheté après leur concert et me suis fait dédicacé par Ann’ O’Aro, sont très bonnes, leur concert a été, selon moi, bien meilleur.

 

Le groupe Lagon Nwar au Café de la danse, lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Car ces musiciens font partie de ces artistes qui déploient leurs sortilèges sur scène.

Le groupe Okali qui avait assuré leur première partie était très bon.

Le groupe Okali au Café de la Danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Okali, fait de la chanteuse Gaëlle Minali d’origine camerounaise et de Florent Sorin pour les instruments, nous ayant donné une performance simple et toute autant mémorable.

Gaëlle Minali du groupe Okali, Café de la Danse, lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 Si la voix et la présence de Gaëlle Minali ont pu toucher aussi par sa puissance et son élégance, l’accompagnement musical de Florent Sorin a aussi su faire mouche. Alors qu’il est très difficile d’assurer une première partie et que, pour ma part, je ne m’attendais pas à être aussi agréablement surpris par Okali. Et, comme je l’ai ensuite dit à Florent Sorin passé près de nous, j’aurais facilement « pris » pour quinze à trente minutes de musique supplémentaire du groupe Okali. Lequel est ensuite resté pour assister comme nous au concert de Lagon Nwar.

Concernant Ann’O’Aro dont la présence s’impose même lorsqu’elle sort du « chant », je me suis demandé comment une telle captation sonore pouvait par moments sortir d’un si petit corps.

Le groupe Lagon Nwar, lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

25 euros la place pour voir Okali puis Lagon Nwar en me trouvant au premier rang, place non numérotée, à moins de dix mètres de la scène, en plein Paris ce 31 mars.

J’aime me rappeler ce genre de chiffres et d’heur-eux-montant. Cela a pour moi une fonction et une affection incantatoire. Et me rappelle qu’il n’est pas nécessaire d’aller se tire-bouchonner pendant des heures à l’entrée d’une grande salle de concert. Tout cela afin de venir scruter et ausculter sur grand écran, au milieu des aéropages multipliés d’autres buffles comme moi, une artiste ou un artiste dont la place de concert aura coûté le triple ou le quadruple ou davantage. Même si l’on sera content, malgré tout, d’être allé « voir » cet/cette artiste ( voir l’article  Rosalia au festival LOLLAPALOOZA 2023).

Certaines fois, la surpopulation présente à certains concerts et festivals peut nous exposer au triple pontage. Surtout si l’on rajoute que ces festivités peuvent nous priver d’apporter un peu d’eau pour de prétendues raisons de sécurité mais aussi exiger une assez bonne condition physique voire peut-être un peu de matériel d’alpinisme ou de randonnée- mais toujours un moyen de paiement infaillible- car elles peuvent aller se nicher à des endroits modérément pratiques d’accès où la pluie et la boue parfois nous apportent en plus leur souffle et leurs secondes peaux.

Rien de cela ce 31 mars dans la salle de concert couverte du Café de la Danse. Une ambiance détendue. Un public qui aurait pu être familial (j’ai aperçu un petit au début du concert qui n’avait pas plus de dix ans) et Ann’ O’Aro, comme lors du précédent concert l’année dernière, a invité à la danse. Que ce soit lorsque Ann’ O’Aro ou Marcel Balboné qui chantent – ensemble ou séparément-dans leur langue natale ou en Français, le public a suivi.

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Il y a même eu un spectateur, qui, le temps d’un morceau, s’est fait le premier danseur de tous, parmi nous qui étions assis, au point que l’on a pu croire que cela avait été prévu par le groupe.

 

 

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 

 

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

 

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

D’autres spectateurs sont arrivés plus tard pour danser. Certains avec Ann’ O’Aro, artère et vigile mobile du groupe.

Cette fois, j’ai réussi à desserrer le frein à main car j’ai plus de mal qu’avant à me laisser faire. Je suis parvenu à déposer mon appareil photo et à quitter mon siège. Je m’en serais voulu d’avoir manqué une fois de plus cette occasion. De seulement continuer d’endurer et d’entretenir cette expérience quotidienne et exclusive du spectateur.

Un concert où les artistes sont proches, jouent (très) bien, mieux que sur leur album, et où de l’imprévu, en plus, reste possible, est un très bon concert. Un concert que l’on pourrait regretter d’avoir raté.

Au concert de Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Mais bientôt, je vous parlerai un peu du concert de Rocio Marquèz- autre voix tenace et persistante- que je suis depuis allé voir et écouter, enfin, au théâtre Zingaro, alors que je l’avais ratée l’année dernière lorsqu’elle était passée en concert ailleurs avec Bronquio.

 

Franck Unimon, ce jeudi 10 avril 2025.

 

 

 

 

 

 

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Pour les Poissons Rouges

Jorja smith en concert cet été et les détournements de fonds publics de Marine Le Pen

 Jorja Smith en concert cet été et les détournements de fonds publics de Marine Le Pen

Tout à l’heure, à la Fnac, j’ai eu de la chance. Il y avait peu de monde à faire la queue à la billetterie. Il était environ 15h. Un jeudi.

Mais il n’y avait plus de place pour Jorja Smith avec la billetterie de la Fnac. Epuisé. Sold out.

Dans le train pour Argenteuil, sur mon téléphone portable, j’ai quand même regardé sur la billetterie du festival. Apparemment, il était encore possible d’acheter des places.

J’ai voulu me mettre dans les meilleures conditions pour aller voir ce concert. J’ai commencé à regarder la place la plus chère qui nous permet de « chiller », d’avoir un espace réservé, aéré, et d’être bien placé sur « le côté droit de la scène » sans avoir besoin de venir très longtemps à l’avance. 149 euros la place. Ou, plutôt, 149 euros pour le billet de ce samedi 23 aout dans ces conditions.

J’ai hésité.

Ce qui m’a fait hésiter, c’est la ribambelle de questionnaires qu’il faut désormais remplir chaque fois que l’on veut acheter certains billets pour des spectacles sur internet. Notre nom, notre adresse, notre date de naissance, notre genre sexuel, notre position préférée, la taille de nos pieds, la date de nos dernières règles, notre couleur détestée, si l’on veut une assurance annulation/remboursement (15 euros, ici).

Au moment de payer, il y avait toujours quelque chose qui coinçait. Ça devait se sentir que je ne me livrais pas sincèrement.

Puis, j’ai réussi à passer à l’étape suivante. Là où l’on commençait à me demander les coordonnées de ma carte bancaire. A ce moment-là, j’étais dans le train. Je me suis dit que je n’allais pas faire ça dans le train. Si j’avais pu payer par paypal, j’aurais peut-être pris la place. 149 euros.

Lorsque je suis arrivé à Argenteuil, quelques minutes plus tard, je me suis dit que l’année dernière, j’avais très bien pu tolérer de « rater » le concert de Lana Del Rey à l’ouverture du festival Rock en Seine. Je pouvais très bien recommencer pour Jorja Smith cette année. 149 euros.

Pour l’instant, je les ai, ces 149 euros. Sauf que je suis déjà juste dans mes comptes ce mois-ci. Et nous sommes le 3. Je suis encore créditeur. Mais il va me falloir faire attention. Ma superbe voiture électronique actuellement clouée sur place – des paramètres électroniques de sécurité plus sophistiqués que moi et que je ne sais pas désactiver estiment que je n’ai pas le droit de m’en servir et elle reste stationnée dans le noir sur la place de parking que je loue–  me coûte 272 euros de crédit tous les mois. Et, en plus, je paie une assurance spéciale  de 55 euros mensuels dessus.

Je me suis dit que je pouvais utiliser ces 149 euros mieux. Et autrement.

Si j’avais le fric, si je n’avais pas besoin de faire des acrobaties comptables pour donner ces 149 euros, j’aurais pris ce billet pour voir Jorja Smith entre-autres dans les meilleures conditions possibles. Mais je me suis dit qu’il fallait soit être aisé financièrement, soit renoncer à ses vacances, être nourri, logé, donc vivre encore chez ses parents ou être désespéré pour accepter de donner 149 euros «pour » Jorja Smith.

Mais mes parents sont repartis vivre en Guadeloupe pour leur retraite il y a plusieurs années. Et je suis marié et père de famille. Il est donc nécessaire que je m’assume financièrement ne serait-ce que pour donner- un peu- le change. 

Et j’ose encore croire que ma vie vaudra encore quelque chose même si je ne « vois » pas Jorja Smith sur scène ce 23 aout 2025. D’ailleurs, c’est elle qui fera tout son possible pour venir me voir. Elle se déplacera sans aucun doute jusqu’à mon domicile après sa prestation. Elle prendra un train de la ligne J depuis la gare St Lazare. Elle se sera renseignée auparavant ou je la guiderai par sms. Et si elle a un empêchement, elle se sentira tenue de me passer un coup de fil. Impossible pour elle de repartir comme ça. Trop douloureux. Car je suis irrésistible.

 

Le groupe Okali au Café de la danse, ce lundi 31 mars 2025. Photo©Franck.Unimon

Et puis, un peu de « logique » : ce lundi 31 mars, il y a trois jours, pour voir deux très bons concerts au Café de la Danse, près de Bastille, d’abord  celui du groupe Okali puis du groupe Lagon Nwar avec  entre-autres la chanteuse, musicienne et poétesse Ann’ O’Aro, il m’a suffi de payer 25 euros. J’étais dans une très bonne salle de concert, intimiste, assis au premier rang à moins de dix mètres de la scène. Et, j’ai pu prendre toutes les photos que je voulais sans être bousculé. 500 personnes maximum, assises et bien disciplinées au Café de la danse, contre les milliers de spectatrices et spectateurs debout au festival Rock en Seine en Aout dans quelques mois.

Trois membres du groupe Lagon Nwar, ce lundi 31 mars 2025 au café de la danse. Photo©Franck.Unimon

 

Et, ce 8 avril, dans quelques jours, cette fois ce sera sous le chapiteau du Théâtre Zingaro, que j’irai enfin voir la chanteuse Rocio Marquez en concert. Je l’avais ratée l’année dernière en concert lorsqu’elle était passée avec Bronquio.

Je « sais » que le concert de Rocio Marquez sera exceptionnel. Pour ce concert, j’ai pris le tarif le plus cher, me mettant au plus près de la « scène, avec personne devant moi. Une place assise et numérotée. Pour cela, j’ai payé…39 euros.

Rien qu’avec ces deux concerts, je n’atteins toujours pas la barre des 149 euros minimum que me coûterait celui de Jorja Smith et des autres artistes présents ce jour-là à Rock en Seine. Et je sais que j’ai des courses alimentaires à faire, peut-être demain, sur le marché d’Argenteuil.

Malgré mes plus de trente années- la retraite se rapproche- d’expérience en tant qu’infirmier psychiatrique qui me valent un salaire supérieur à celui de mes collègues plus jeunes  (infirmiers mais aussi psychologues) et malgré le fait que mon pouvoir d’achat reste « dopé » par le fait que ma compagne et moi mettons en commun nos salaires pour nos dépenses, je n’ai pas le droit à l’erreur en matière de gestion. Mais, comme beaucoup de personnes, j’en fais un certain nombre. Jusqu’à ce que cela ne soit plus possible.

Marine Le Pen, elle, mais aussi un certain nombre de ses électrices et électeurs- dont désormais un certain nombre de soignants- voient ça autrement. Pour eux, les détournements de fonds publics répétés pendant plusieurs années par Marine Le Pen et plusieurs de ses relations et proches de son parti sont inventés par « le système » ou sont des informations dérisoires. Des manoeuvres destinées à éviter les « vrais » sujets.

Plus de 4 millions d’euros de fonds publics ont été détournés. C’est une des conclusions apportées par le tribunal correctionnel récemment.

Mais selon Marine Le Pen et ses « partisans », cela serait des mensonges ou une Kabbale contre elle car elle est si proche du but : devenir Présidente de la République. 

Pour elle et son camp, « le système a sorti ( ou employé) la bombe nucléaire » contre eux. 

Pourtant, je pense que jusqu’à maintenant, Marine Le Pen avait beaucoup flirté avec la justice et s’en était toujours très bien tirée jusque là. Elle a dû se croire définitivement immunisée contre ses lois.

Je pense aussi que Marine Le Pen aime le fric. Et qu’elle en a déjà pas mal. Or, les électrices et les électeurs qui votent pour elle ont tendance à le minimiser.  Entre- autres parce qu’ils sont en colère et ont reporté sur elle beaucoup de leurs espoirs.

Je pense que bien des électrices et des électeurs en manque de pouvoir d’achat et de reconnaissance sociale ou autre croient que Marine Le Pen est comme eux et vit comme eux. Ou pour eux.

Non, elle n’est pas comme eux. Tout à l’heure, j’ai repensé à ces images que j’avais pu voir de Marine Le Pen il y a quelques années alors qu’elle passait ses vacances en Thaïlande. J’avais trouvé paradoxal que cette personne et cette figure politique frontale qui ne voit que par la France pour les Français parte passer des vacances en Thaïlande, dans un pays étranger et d’étrangers. Au lieu de les passer en France. 

Aujourd’hui, j’aurais tendance à croire qu’elle y était sûrement en vacances comme le colon peut être en vacances dans un pays étranger. En infantilisant les autochtones, en les résumant à leurs apparences, en feignant de les trouver sympathiques dès l’instant où ils restent à leur place contrairement à ce qui se passe dans le film Parasites. 

 Je crois qu’elle était venue chercher en Thaïlande du tourisme récréatif  et superficiel  ambiance club med et lambada. Même si la lambada est sûrement peu prisée en Thaïlande.

J’ai beaucoup de mal à l’imaginer allant véritablement à la rencontre des autres. Je la vois plutôt comme la vacancière  restant dans sa bulle de champagne avec des gens comme elle et pensant comme elle, se faisant bronzer dans un transat ou participant à des safaris et à des sauteries pour touristes préservés.

 Je ne la vois pas partant faire du trek à pied, faisant du stop, lavant ses chaussettes et ses culottes à la main ou allant se recueillir dans un quelconque monastère qu’elle aurait atteint à la sueur de son front après avoir gravi 10 000 marches  afin d’y pratiquer l’introspection. A moins d’y avoir été menée et éventée par des porteurs- étrangers- tout le trajet durant.

Enfin, je doute que ses vacances en Thaïlande aient été les mêmes que celles que puissent s’offrir un bon nombre de ses électrices et ses électeurs.

Je ne peux imaginer Marine Le Pen que dans des hôtels de luxe ou du personnel se plie au doigt et à l’œil  devant toutes ses volontés pendant qu’elle maintient ses doigts de pied en éventail et qu’une ou deux manucures étrangères s’en occupent avec application.

Cependant, je ne crois pas particulièrement que les jeunes et moins jeunes qui iront piétiner à Rock en Seine cette année votent plus que d’autres pour Marine Le Pen ou Eric Zemmour ou Marion Maréchal ou Bruno Retailleau ou Eric Ciotti. Par contre, je crois qu’à ma place ( elle et moi avons un ou deux ans d’écart), Marine Le Pen aurait payé cette place de 149 euros pour aller voir Jorja Smith ou se la serait faite offrir. D’ailleurs, le festival se déroule dans la ville de St Cloud. Ce n’est pas très loin de sa maison et de sa cellule familiale. Elle s’y rendra peut-être tandis que moi, soit je resterai à Argenteuil ce jour-là, soit je serai au travail finalement afin de pouvoir continuer de payer mes charges et mes crédits. Et je ne crois pas un moment, et ne le souhaite pas, qu’elle viendra me voir ou me passera le moindre coup de fil. 

Franck Unimon, ce jeudi 3 avril 2025. 

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English version

Parent’s Praise

 

Photography©Franck.Unimon

Parent’s Praise

I readily accept that other parents may be “ better” than I am with their children.

My work day ended at midnight yesterday. I was back home and became a father again this morning. I did my best.

This morning, when my daughter saw me standing up, she walked towards me, smiling, and said:

“ I Just wanted to give you a kiss” or “ I wanted to hold you in my arms”.

My daughter came to hug me and fell on me. When this kind of moment comes, many parents like me are pleased. They tell themselves that they have been good parents since the birth of their children. They think everything is fine. They may also consider that it is really worth being parents. Despite the work and all the commitments that this may involve.

How many true joys do we live in one existence ?  How many joys, at first superb, turn out to be false, derisory, disappointing, deleterious or funereal ?

The attachment of a child is hardly questionable. It is always or often “right”, massive, without calculation, immediate and at the same time very surprising. But also temporary.

Because we are not always available. We are not always well-inspired and well-disposed as parents. As parents and individuals officially “responsible”, “mature” and “ conscious”, we have a number of injunctions and dead ends in our heads. Injunctions and dead ends that we as parents must “ inculcate”.

Injunctions and dead ends that we as parents must also know how to preserve them from.

Preserving them.

To “ make” children, we stop using condoms and any other contraceptive means. And once our children are sown, taken from the “void”, born, present and exposed, we as parents must also know how to preserve them.

We must know how to prevent them.

This morning, I did everything to be as receptive as possible when my daughter was telling me of her good mood and her very good disposition towards me. We were the first day of the weekend, on Saturday. The time of week when she is not at school and even though she has her homework, she will be able to relax and spend time with her parents. Since this weekend, I do not work.

So I listened and looked at my daughter. I also had to do some storage reminders. The two packets of paper tissues and the two sheets I had seen near her school bag were not to remain on the floor.

But it all went well. My daughter went to her swimming class with her mother. And I, “ the match by the fire”, I didn’t get angry. I started my breakfast trying to estimate the time at my fingertips so that I could take some time to write or perhaps go to the market next door.

I did not tell my daughter and my partner about my work day the day before. I tell them little about my work. I usually choose to distinguish between the two worlds. Professional and personal. The mental and emotional. Even if the two atmospheres certainly permeate me. I separate them or do my best to separate them when I am in either. It’s about finding ways out.

But this morning, I was thinking about this almost 15-year old who came out of football training last night and got stabbed in the shoulder to have his mobile phone stolen.

Aorta ruptured. Three cardiac arrests. I heard the news last night while at work. It happened between 8 p.m and 9 p.m.

Despite the mysterious pulmonary embolism I had in late 2023, cardiac arrest is not my field. But I work in a kind of open space where you can see and hear almost in real time the situations announced and the means deployed to deal with them. And then, before I went into psychiatry in 1992, I had first been a trained nurse for somatic care.

The young man was attacked in a good or very good district of Paris. This information was publicized a few hours later.

Almost 15 years old, stabbed for a mobile phone. Both attackers were reportedly arrested.

I imagine two boys slightly older than the victim. I would say:

No more than 20 years old and having already assaulted other people or having a criminal record.

I thought that you really had to live day by day, and again, to hope to get through life by stealing mobile phones until you were ready to kill, pardon, to attack with a knife, for that.

We are really in the immediate result by breaking into, at all costs. For a mobile phone, one is ready to put in shreds younger by stabbing.

The victim’s life is ruined. That of the parents ( who were present at the hospital where their son was) is ruined. The lives of relatives and witnesses may also be ruined. For a mobile phone that will now remain unconnected, offline and in evidence.

Perhaps some people – now rather old at least- still remember the Nokia advertising when the mobile phone was first marketed to the general public in the 1990s. It said :

Connecting People…”.

The anger of parents and relatives will prevent them from seeing that the life of the aggressors is probably as messed up or was already.

Last night, I tried to imagine what my father’s attitude would be in front of these two attackers. I thought maybe I’d go visit one of the two men regularly in the parlor, in prison, after the conviction. Let’s say once a month. To look at him, to listen to him. To inflict the true sentence on him. To humanize or re-humanize him. To talk about my daughter. Show him two or three pictures of her. One of her, small, against me, and a recent before her death after being stabbed for a mobile phone.

On the street, unless you’re in a settling of scores where you see the other as an enemy or an official rival who takes that status, I think the aggressors most often go after strangers. People they have never seen and will never see again in principle because they live in very different areas and rhythms even opposed and they cross each other by “ opportunism” of for predatory purposes ( here for aggression). Which is very practical to “forget” or trivialize the event since we do not see again or more, “ in principle”, the victim. So we have less to confront with the violence of what we did. We can be all the more convinced that this is part of the past or that the victim has not suffered too much or that she/he will recover from it since we do not have to witness her/his agony.

But I’m probably going too far. The parents and relatives of the young person will be angry and will stay there, for some, for years, so as not to get depressed.

How do you get over that as a parent ? While everything was going well or better where it was going as usual, in an instant, because he was on this street rather than another one, their son got stabbed in the middle of Paris.

No parent can prepare for that. Nor can you keep your child in the same place all the time. So being a parent is a gamble. Nothing is definitively assured despite encouraging promises and all the parental work committed from the beginning. After several years, all this suddenly explodes in your face and throughout your body like a pressure cooker. And, in front of you, there are the aggressors or perpetrators ( people you had never seen, never met before) when they are arrested and tried, who force you to brutally take knowledge of this :

You must trade the oppressive disappearance of a loved one, educated and chosen ( your child) for the imposed and incongruous presence of these strangers. Individuals you have never invoked nor chosen and on whom you will have to rely through their story. A story that you will have to endure and discover during their trial when there is one.

Photography©Franck.Unimon

Franck Unimon, Monday 27  of January 2025 for the English version based on the French version of Saturday 25 January 2025.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Détroits

Eloge des parents

Photo©Franck.Unimon

Eloge des parents

 

J’admets très facilement que d’autres parents puissent être «meilleurs » que moi avec leurs enfants. 

Après ma journée de travail terminée hier soir à minuit, je suis redevenu un père ce matin. J’ai fait comme j’ai pu. 

Lorsque ce matin, ma fille m’a vu debout, elle s’est engagée vers moi, souriante, en me disant :

« Justement, je voulais te faire un bisou » ou «  Je voulais te prendre dans mes bras ».

Ma fille est venue me faire un câlin en se plaquant contre moi. Lorsque ce genre de moment arrive, beaucoup de parents, comme moi, sont plutôt contents ou satisfaits. Ils se disent que tout ce qu’ils ont fait et font depuis la naissance de leurs enfants a porté ou porte.

Ils se disent qu’ils sont des « bons » parents et que tout va bien. Ils peuvent aussi se dire qu’être parent, cela vaut vraiment le coup. Malgré le travail et tous les engagements que cela peut impliquer.

Combien de joies véritables vivons-nous dans une existence ? Combien de joies, en prime abord, superbes, s’avèrent-elles ensuite factices, dérisoires, décevantes, délétères ou funèbres ?

L’attachement d’un enfant, c’est difficilement contestable. C’est toujours ou souvent « juste », massif, sans calcul, spontané, immédiat et en même temps très surprenant.

Mais également passager.

Car nous ne sommes pas toujours disponibles. Nous ne sommes pas toujours bien inspirés et bien disposés en tant que parents.

En tant que parents et individus officiellement « responsables », «mûrs » et « conscients », nous avons un certain nombre d’injonctions et d’impasses dans la tête dont, en principe, l’enfant est encore délivré ou désintéressé. Des injonctions et des impasses qu’en tant que parents nous devons leur « inculquer » mais à des dosages et des fréquences supportables. Des injonctions et des impasses dont nous devons aussi, en tant que parents, savoir les préserver.

 

Les préserver.

 

On cesse d’utiliser un préservatif et tout moyen contraceptif pour faire des enfants et, une fois, qu’ils sont semés, prélevés du néant, nés, présents et exposés, il nous faut aussi, en tant que parents, savoir les préserver.

 

Savoir les prévenir.

 

Ce matin, j’ai tout fait pour être aussi réceptif que possible lorsque ma fille me faisait part de sa bonne humeur et de ses très bonnes dispositions à mon égard. Nous étions le premier jour du week-end, le samedi. La période de la semaine où elle n’a pas école et où, même si elle a ses devoirs scolaires à faire, elle va pouvoir aussi se relâcher et passer du temps avec ses parents. Puisque ce week-end, je ne travaille pas.

 

Je l’ai donc regardée et écoutée. J’ai aussi dû faire quelques rappels de rangement. Les deux paquets de mouchoirs en papier et les deux feuilles que j’avais aperçus près de son sac d’école ne devaient pas rester par terre dans le salon.

 

Mais tout s’est bien passé. Ma fille est partie détendue à son cours de piscine avec sa mère et , moi, «  l’allumette près du feu », je ne me suis pas fâché.

j’ai commencé à prendre mon petit déjeuner en essayant d’évaluer le temps à ma portée afin de prendre le temps d’écrire ou, peut-être, d’aller sur le marché à côté de chez nous.

 

Je n’ai pas parlé à ma fille ni à ma compagne de ma journée de travail de la veille. Je leur parle assez peu de mon travail. J’opte généralement pour bien distinguer les deux univers. Le professionnel et le personnel. Le mental et l’émotionnel.

 

Même si les deux atmosphères m’imprègnent bien sûr, je les disjoins ou fais de mon mieux afin de les séparer lorsque je me trouve dans l’une ou l’autre. Il s’agit de savoir se ménager des issues.

 

Mais ce matin encore, je repensais à ce jeune de presque 15 ans, qui, hier soir, sortait de son entraînement de football et qui s’est fait planter à l’épaule pour se faire voler son téléphone portable. Rupture de l’aorte. Trois arrêts cardiaques.

J’ai entendu la « nouvelle » hier soir, alors que j’étais au travail. C’est arrivé entre 20 heures et 21 heures.

 

Malgré la mystérieuse embolie pulmonaire ( Le mystère du Covid : Covid et embolie pulmonaire ) que j’ai faite fin 2023, Les arrêts cardiaques ne sont pas mon domaine. Mais je travaille dans une sorte d’Open Space où l’on assiste et entend presque en temps réel les situations annoncées et les moyens déployés pour y faire face. Et puis, avant d’opter pour la psychiatrie à partir de 1992, j’avais d’abord été un infirmier formé pour les soins somatiques.

 

Le jeune s’est fait agresser non « loin » du lieu de travail de ses parents qui ont une situation sociale plutôt élevée. Dans un bon voire un très bon arrondissement de Paris.

 

Vers 23h30, hier soir, je suis allé voir le collègue médecin chef urgentiste le plus expérimenté pour lui demander des « nouvelles». Celui-ci m’a confirmé que le pronostic vital était mauvais voire très mauvais.

 

Presque 15 ans, planté à coups de couteau pour un téléphone portable.

 

Les deux agresseurs auraient été arrêtés. J’imagine deux garçons à peine plus âgés que la victime. Je dirais : pas plus de 20 ans et ayant déjà agressé d’autres personnes ou ayant déjà un casier judiciaire.

 

Je me suis dit qu’il fallait vraiment vivre au jour le jour, et encore, pour espérer s’en sortir dans la vie en volant des téléphones portables jusqu’à être prêt à tuer, pardon, à agresser à coups de couteau, pour cela. On est vraiment dans le résultat immédiat par effraction, coûte que coûte. Pour un téléphone portable, on est prêt à mettre en charpie un plus jeune à coups de couteau.

 

La vie de la victime est bousillée. Celle des parents (qui étaient présents hier soir à l’hôpital où se trouvait leur fils) est bousillée. Celle des proches et ou de certains témoins est peut-être aussi bousillée. Pour un téléphone portable qui restera désormais sans réseau, hors connexion, et à l’état de pièce à conviction.

 

La colère des parents et des proches les empêchera de voir que la vie des agresseurs est sans doute aussi bousillée ou qu’elle l’était déjà auparavant.

Cette nuit, j’ai un peu essayé d’imaginer quelle serait mon attitude de père devant ces deux agresseurs. Je me suis dit que j’irais peut-être visiter l’un des deux régulièrement au parloir, en prison, après la condamnation. Disons, une fois par mois. Pour le regarder, l’écouter. Pour lui infliger sans doute la vraie sentence. Pour l’humaniser ou le ré-humaniser.

Pour lui parler de ma fille. Lui montrer deux ou trois photos d’elle. Une d’elle, petite, contre moi et une récente avant sa mort après avoir reçu des coups de couteau. Pour un téléphone portable.

Dans la rue, à moins d’être dans un règlement de comptes où l’on voit l’autre comme un ennemi officiel qui accepte ou qui endosse ce statut, je crois que les agresseurs s’en prennent le plus souvent à des inconnus. Des personnes qu’ils n’ont jamais vues et qu’ils ne reverront en principe jamais puisqu’ils vivent dans des aires et des rythmes très différents voire opposés et qu’ils se croisent soit par « opportunisme » ou à des buts de prédation (ici, pour l’agression). Ce qui est bien pratique pour « oublier » ou banaliser ensuite l’événement puisque l’on ne revoit pas ou plus, « en principe », la victime. On a donc moins à se confronter à la violence de ce que l’on a fait. On peut d’autant plus se convaincre que cela fait partie du passé ou que la victime n’a pas trop souffert ou qu’elle s’en remettra puisque l’on n’a pas à assister à son agonie.

 

Mais je vais sans doute beaucoup trop loin. Les parents et les proches du jeune seront dans la colère et y resteront, pour certains, pendant des années, afin de ne pas déprimer.

 

Comment peut-on se relever de ça en tant que parents ? Alors que tout allait bien ou mieux où se déroulait comme d’habitude, en un instant, parce qu’il était dans cette rue-là plutôt que dans une autre, leur fils s’est fait poignarder en plein Paris.

 

Aucun parent ne peut se préparer à ça. Et on ne peut pas non plus couver son enfant en permanence. Etre parent reste donc un pari. Rien n’est définitivement assuré malgré des promesses encourageantes et tout le travail parental engagé depuis le début.  Après plusieurs années, tout cela vous explose subitement en plein visage ainsi que dans tout le corps telle une cocotte- minute. Et face à vous, il y a les agresseurs ou les auteurs de l’acte (des gens que vous n’aviez jamais vus, jamais rencontrés) lorsqu’ils sont arrêtés et jugés, qui vous obligent à prendre violemment conscience de ça :

 

 Il vous faut troquer la disparition brutale d’un être cher, éduqué et choisi (votre enfant) contre la présence imposée de ces inconnus que vous n’avez pas choisis, sur lesquels vous allez devoir en quelque sorte vous appuyer, et qu’il vous faut découvrir, écouter et regarder lors de leur procès lorsqu’il y en a un.

Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, samedi 25 janvier 2025.

 

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Soixante photos du Japon juillet 2024/ Sixty shots of Japan July 2024

 

 

Soixante photos du Japon Juillet 2024/ Sixty shots of Japan July 2024

Inosaki, Himeji, Tokyo, Kyoto, Hiroshima, Kurashiki….

Quelques mois après mon second séjour au Japon, je retourne sur les talons de ces photos que j’y ai prises durant ces trois semaines. Ni détresse ni nostalgie dans ces instants qui m’inspirent ce « retour ».

Il faut bien quelques semaines, quelques mois voire quelques années pour pouvoir mieux regarder certains moments. Et celles et ceux qui savent prendre leur temps comme leur pouls le comprendront certainement. Pour les autres, cela viendra peut-être plus tard. J’ai déjà publié au moins deux articles sur mon blog sur ce séjour que je dois cette fois-ci au Masters Tour proposé et organisé depuis plusieurs années par Léo Tamaki. Mais cette fois, c’est peut-être le moment de faire autrement la synthèse de ce que j’ai vécu lors de ce séjour au Japon.

 

En 1999, lors de mon premier voyage au Japon, les réseaux sociaux n’existaient pas et les téléphones portables que nous avions ne permettaient pas de naviguer sur internet, de filmer ou de prendre des photos. Et je n’avais pas de blog. Il me reste les photos papier de ce séjour ainsi que divers objets, impressions et souvenirs que j’en avais rapportés. Mais je n’avais rien écrit ni publié.

Aujourd’hui, c’est différent. Nous pouvons presque quotidiennement faire savoir à d’autres personnes quel grand génie nous sommes et la chance qu’elles ont toutes de nous connaître, jour après jour. Même s’il est parfois nécessaire de savoir le leur rappeler régulièrement :

Les meilleures réussites comme les pires initiatives peuvent désormais se diffuser vingt quatre heures sur vingt quatre sur les réseaux sociaux et sur le net en un tour de piste. Certaines de ces dernières sont tenaces et répétitives tandis que les premières peuvent rapidement se faire avaler par cette obligation et cette obsession de la nouveauté et d’originalité censées définir la valeur de notre personnalité et de notre vie.

Il n’existe pas de sérum définitif à ce sébum narcissique. On peut s’assagir et être lucide quelques temps puis recommencer à gesticuler dans le courant environnant. Car cela signifie aussi que l’on est une personne « normale » jusqu’à un certain point : que l’on ressemble à une majorité.

Lorsque l’on décide de se rendre au Japon pour quelques semaines en partant de la France, on « sait » que l’on multiplie les probabilités pour s’extraire de ce que l’on connaît et peut-être de ce que l’on est habituellement en France ou en occident.

La langue et les codes sociaux sont différents, les croyances aussi sans doute.

L’Anglais d’Oxford ou d’ailleurs y reste assez peu parlé et l’Espagnol ou le Créole n’y seront d’aucune aide. On y est quelque peu dépouillé. Mais pas toujours de ce que l’on croit. Car il se peut que l’on se fasse dépouiller, comme lors de tout véritable voyage et de toute véritable rencontre, d’une partie de nos insuffisantes connaissances sur le monde sur celles et ceux qui nous entourent et, bien-sûr, sur nous-mêmes.

J’ai été étonné après mon retour du Japon qu’il me soit demandé par plusieurs personnes si j’y avais bien mangé. J’ai eu l’impression que c’était la première fois, après un de mes voyages, que l’on avait autant besoin de s’assurer que l’on y mangeait bien.

Je peux répondre à nouveau que j’ai très facilement trouvé de quoi me satisfaire d’un point de vue alimentaire sur le territoire nippon. Et que je n’ai pas eu à errer dans des bas fonds interlopes afin de trouver des dealers mafieux à même de me revendre au marché noir des denrées alimentaires typiquement françaises que je puisse serrer dans mes bras avant de les confier à mon estomac.  

Cet été, j’ai bien remarqué sur place que le Japon était en effet devenu une destination plus touristique qu’en 1999. Lors de mon premier voyage, les touristes étaient « clairsemés » et j’en avais peu rencontré. Cette année, il était plus fréquent d’en croiser. Et à la gare de Kyoto, j’ai même eu la surprise de tomber sur une famille de compatriotes guadeloupéens qui se promenait dans les galeries commerçantes.

Il faut néanmoins préciser que cette année, notre séjour s’est déroulé en pleine période touristique, lors du mois de juillet alors qu’en 1999, j’étais venu en septembre.

J’ai aussi trouvé qu’il y avait nettement plus de ressortissants chinois, qu’ils soient simples touristes ou habitants. Cela m’a marqué compte-tenu des différends culturels et politiques qui peuvent exister ou ont pu exister entre la Chine et le Japon.

Le Japon est un pays riche et ambitieux tant historiquement, culturellement qu’économiquement. Appelé «  Le pays du Soleil Levant », il est peut-être aussi le pays des contraires ordonnés. 

Aussi, soixante photos dans un diaporama afin de laisser le meilleur aperçu possible de ce séjour au Japon, c’est assez peu. Mais je crois que l’on dit qu’une image vaut autant que dix mille mots. Il est possible que je me sois trompé sur le chiffre exact. Je sais par contre qu’au départ, ce diaporama devait contenir cent photos. J’aimais bien le chiffre cent. Peut-être parce-qu’il est proche en sonorité du mot « sang ».

Sauf que, sur les plus de 8000 photos prises là-bas, je me suis retrouvé avec 176 photos. Cela faisait beaucoup trop. Trop de sang. J’ai donc coupé. Surtout qu’aujourd’hui, il faut savoir livrer du concentré. Je ferai peut-être un autre diaporama après celui-là.

Comme musique, je voulais d’abord mettre du Dub. Pendant environ deux jours, j’ai écouté plusieurs titres de Brain Damage et de Manutention. J’ai été beaucoup tenté de réutiliser un des titres de Brain Damage dont je ne me lasse pas.

Finalement, ce matin, je me suis rappelé de Rosalia que j’étais allé voir en concert en été 2023 à l’hippodrome de Longchamp avant de partir ensuite travailler de nuit.

Le titre La Combi Versace m’a rapidement convaincu. On s’attend peu, je crois, à retrouver apposée une telle musique et la langue espagnole « sur » des photos relatives au Japon. On est le plus souvent tenté, en tant qu’occidental admiratif, de l’accoler à une musique solennelle ou qui inspire certaines attitudes de respect ou supposées zen.

J’ai bien évidemment du respect pour le Japon et je suis sensible à la recherche du zen. Mais je crois que ce titre de Rosalia sert très bien ce diaporama car il a parmi ses avantages le fait, je crois, de représenter l’avenir, d’être entraînant et plein de vie. Il est aussi composé et interprété par une femme qui a ses idées et qui s’exprime dans une autre langue que l’incontournable langue anglaise de beaucoup de nos titres préférés. Et le décès récent de Quincy Jones est là pour nous le remémorer.

Je cite feu Quincy Jones. Mais il ne manquera pas de personnes pour se rappeler de lui ou pour écouter sa musique qui, d’une façon ou d’une autre, est une mémoire, sa mémoire. Par contre, en écoutant de la musique ce matin afin d’en choisir une pour ce diaporama, j’ai pensé à toutes ces personnes qui n’ont plus ou qui n’ont pas la possibilité de connaître ce plaisir qui est simplement d’écouter de la musique qu’elles aiment et de se laisser entraîner par elle et qui partiront sans laisser de mémoire. Car elles vivent dans une trop grande pauvreté ou dans une trop grande violence.

C’est une très grande liberté et un grand privilège que de pouvoir écouter de la musique, « sa » musique, lorsqu’on le souhaite comme de pouvoir l’emporter avec soi dans son téléphone portable, sur son ordinateur ou dans un baladeur numérique. De se mettre où l’on veut et de l’écouter voire de la faire écouter et de la vivre avec d’autres.

Je ne suis pas certain que l’on s’en rappelle toujours. Ce diaporama est aussi là pour m’aider à m’en rappeler. Car j’ai besoin de m’en rappeler.

Franck Unimon, ce mercredi 13 novembre 2024.

 

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Massive Attack à Rock en Seine Aout 2024

Massive Attack à Rock en Seine, Aout 2024.
Photo©Franck.Unimon

 

I was about to forget about Massive Attack at Rock en Seine Festival in August 2024. I was there. I took those pictures and videos. Je m’en rappelle ce soir avant que le vide ne m’entraîne à nouveau et avant mon coucher.

 

Massive Attack, groupe créé à Bristol à la fin des années 1980… (en 1988). Cela fait plusieurs fois que je la lis. Mais  j’ai du mal à assimiler cette information. 

Massive Attack à Rock en Seine, Aout 2024.
Photo©Franck.Unimon

1988, c’est sept années après la mort de Bob Marley. Trois ans avant le décès de Miles Davis et de Serge Gainsbourg. Quatre années et une année après les albums Purple Rain et Sign o’ the Times de Prince ; six années et une année après les albums Thriller et Bad de Michaël Jackson ; une année après l’album Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me de The Cure ; quatre années après l’album An ba Chen’n la de Kassav’ ; six années après l’album The Message de Grandmaster Flash….

Horace Andy avec Massive Attack à Rock en Seine, Aout 2024.
Photo©Franck.Unimon

Pour moi, la musique de Massive Attack a fait partie des miracles des années 90 et 2000 avec, pour apothéose, leur troisième album Mezzanine ( sorti en 1998) dont le titre Dissolved Girl comptera parmi les titres du film Matrix réalisé par les ex-frères Wachowski qui connaîtra un succès mondial et qui est depuis devenu une référence pour bien des cinéphiles.

Mezzanine fut pour moi un miracle ambivalent, évident et captivant. Car aussi vénéneux, angoissant, aliénant et potentiellement mortel que potentiellement salvateur. 

C’est surgir au bord du gouffre, nous prévenir de sa proximité et de son imminence. Et nous convaincre de rester écouter. Nous suggérer qu’il y a, parmi les éclairs, encore un espoir…

Daddy G/Grant Marshall du groupe Massive Attack à Rock en Seine, Aout 2024. Photo©Franck.Unimon
Massive Attack au festival Rock en Seine, Aout 2024. Photo©Franck.Unimon

Si l’aura et la force du groupe se sont effilochées après Mezzanine,  Massive Attack, par la suite, a néanmoins adressé d’autres titres qui ont du poids.

Je pense principalement à ceux de l’album Heligoland (sorti en 2010).  

Massive Attack au festival Rock en Seine, Aout 2024. Photo©Franck.Unimon
Au Festival Rock en Seine, Aout 2024. Concert de Massive Attack. Photo©Franck.Unimon

Lors de ce concert de Massive Attack en aout, j’ai été étonné par le jeune âge des spectateurs autour de moi. Normal :

Je fais désormais partie des vieux et ce sera encore plus vrai dans quelques minutes, date de mon anniversaire. Et celles et ceux que j’ai vus, assez près de la scène avec moi, avaient dans leur grande majorité à peu près l’âge que j’avais lorsque j’écoutais Massive Attack dans les années 90 : La trentaine ou un peu moins.

Ce qui signifie quand même que la plupart d’entre eux étaient à peine nés lors des premiers albums de Massive Attack ( Blue Lines, le premier album, est sorti en 1991).

A nouveau, comme pour d’autres artistes, cet exemple rappelle que, malgré les « changements » d’époque, une certaine attraction et identification demeurent. Comme chaque fois que l’oeuvre d’un(e ) artiste ou d’une personnalité « parle » au plus grand nombre.

Il est des oeuvres que le Temps camisole, d’autres qu’il libère.

Massive Attack est sans doute bien moins connu et bien moins écouté aujourd’hui qu’il y a trente ans mais il est bien des artistes qui aimeraient signifier au moins autant qu’eux au point de pouvoir encore se produire sur la grande scène d’un festival de « Rock » très suivi.

Shara Nelson avec Massive Attack, festival Rock en Seine, Aout 2024. Photo©Franck.Unimon

On peut aussi lire/voir l’article Tricky à l’Olympia ce 6 mars 2024

Franck Unimon, ce 1er octobre 2024.