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Rhizomes : Quartier Général en concert à la cave Dimière d’Argenteuil
Un mois plus tôt, le 29 mars, le groupe Rhizomes est passé en concert à la cave Dimière d’Argenteuil. Il s’était associé à cinq chanteuses originaires de Grèce, d’Italie, d’Espagne, de Kabylie, de Turquie et du Maroc. Le groupe Rhizomes étant déja pourvu de deux chanteuses (et musiciennes) originaires d’Israël et de Tunisie, cela a débouché sur sept chanteuses.
L’ensemble s’est appelé Quartier Général. Deux termes masculins qui portaient en leur sein des histoires féministes et des souhaits d’un présent plus apaisant. Il m’a fallu du temps pour choisir ces photos et les publier. Pour que, désormais, à leur tour, elles puissent prendre le temps de vous parler de ce concert.
Quand j’écoute de la musique, je dois avoir à peine 16 ou 17 ans tout au plus. Même si la musique (avec ou sans paroles) nous permet d’arriver à divers âges et époques de la vie.
Quelques fois, je repense à ces moments avec des copains, voire des copines ou quel que soit notre « genre », nos origines culturelles, économiques et raciales, l’œuvre ou l’album de l’artiste était un médium qui nous permettait d’être ensemble, de discuter comme de nous provoquer. De nous rejeter aussi. Mais chacun existait de par son diaphragme et son domaine.
Feu Fred Rister, DJ reconnu, compositeur de plusieurs des tubes de David Guetta, coiffeur à l’origine, « écrit » dans son livre Faire danser les gens ( Paru en 2018), qu’il en était arrivé à détester tout ce qui empêchait ou interdisait de danser.
Sans alerter jusqu’à la haine, je ne comprends pas que l’on puisse se passer de musique. De toutes sortes de musiques. Or, en « arrivant à l’âge adulte » comme l’on entrerait dans une religion ou dans une caserne stricte, en devenant des personnes « responsables », je constate que, peu à peu, la musique a perdu de son pouvoir de rassemblement et de mouvement et que nous sommes devenus amnésiques de cette expérience. Je me rappelle d’une jeune mère un peu embarrassée de répondre à son fils de quatre ou cinq ans qui venait de l’interroger en public :
« Non, on n’a pas dansé à notre mariage… ».
En « prenant » de l’âge, la musique devient superflue car elle ne peut résoudre « nos problèmes ».
La musique qui se produit aujourd’hui – après les années de notre jeunesse – est obligatoirement de la « merde ». Ou la musique se fait territoire de retranchement ou bunker de nos souvenirs à l’intérieur desquels on résiste à notre dépression et nos désillusions, seuls dans notre coin ou avec quelques « fidèles » qui ne nous ont pas ( encore ?) « trahis ».
Pire : La musique devient un bruit de fond comme n’importe quelle source d’images qui nous aspire et nous « aide » à oublier et à maquiller un peu nos fissures ainsi que toutes les menaces qui nous parviennent du monde et nous télescopent lorsque nous sommes chez nous.
Autrement, être devenus des hyperactifs ou des êtres qui accumulent jusqu’à l’excès des objets qui nous survivront largement nous permet aussi de nous croire à peu près à l’abri et de moins être les cibles d’un quelconque tourment. Trois tonnes d’excréments en haut de l’Everest, résultat de l’alpinisme touristique depuis plusieurs années.
Chez moi, j’ai plus de Cds, de livres et de dvds que je ne pourrai en profiter avant ma mort. Et, en ce qui concerne la musique, je continue d’aller en chercher. De façon physique et individualiste. Je me refuse à me dématérialiser. Enfant, en CE2, un de mes maitres de l’école publique, nous avait fait découvrir la médiathèque de notre ville. On peut emprunter beaucoup de Cds, de livres et de dvds dans les médiathèques. On n’est pas obligé de toujours tout acheter. Et on peut même prolonger les prêts.
Je n’ai plus de contacts avec mes camarades de CE2 depuis longtemps. Je ne sais donc pas qui, dans notre classe, depuis, a continué de vivre, et comment, et de se rendre dans une médiathèque. Mais j’espère que la musique que j’écoute inspire et inspirera ma fille.
Dans l’hôpital où je travaille depuis le début de cette année, il y a une très bonne médiathèque que j’ai repérée assez vite. Certains repèrent rapidement les points de deal de stupéfiants, moi, je repère les médiathèques.
Cette semaine, j’ai rajouté huit emprunts à ceux que je venais de faire prolonger à la médiathèque de mon travail. Parmi ces emprunts, l’album Sorore ( sorti en 2021) de Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana ; 30 ( sorti en 2021) d’Adèle et Did You Know There’s a tunnel under Ocean Blvd ( sorti en 2023) de Lana Del Rey ( Parental Advisory Explicit Content).
Je répète que je regrette d’avoir raté au début de l’année le concert de Rocio Marquez et de Bronquio.
Vitaa, Amel Bent, Camélia Jordana, Adele et Lana Del Rey ne figurent pas parmi les artistes que je citerais spontanément si l’on me demandait ce que j’écoute comme musique ou comme artiste. Mais ces artistes ont des voix, des personnalités, des histoires. J’ai déjà entendu parler d’elles. J’ai vu quelques images de certaines d’entre elles ou ai pu écouter quelques uns de leurs titres.
Hier, lors de mon premier jour de repos, j’ai écouté ces trois albums dans l’ordre comme je les ai cités. D’abord l’album Sorore de Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana ; puis 30 d’Adele et Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd de Lana Del Rey.
Trois Françaises, une Anglaise, une Américaine.
Avant de les écouter, j’avais encore tendance à confondre Adele et Lana Del Rey.
Et je confondais Amel Bent avec Chimène Badi.
Le premier titre de Sorore ( Marine) m’a surpris et touché pour son texte sincère adressé à la femme politique Marine Le Pen. Mais surtout pour l’hommage à l’artiste Diam’s, auteure du texte, numéro 1 en France dans les années 2000, aujourd’hui retirée du monde du spectacle. Diam’s était une artiste que je savais très populaire lorsqu’elle chantait mais qui, pour moi, faisait partie du décor. Je n’ai jamais pris le temps d’écouter véritablement ce qu’elle disait dans ses chansons même s’il m’est arrivé, ici ou là, de glaner quelques informations.
Je savais qu’au moins Vitaa était une amie proche de Diam’s mais aussi que cette chanson qui doit avoir une bonne dizaine d’années ( ou davantage) avait toute sa justification en 2021 et encore plus en 2024 :
Lorsque l’on lit que la prestigieuse famille Klarsfeld (parents et fils), auréolée de sa vie consacrée à chasser des anciens nazis, affirme que, aujourd’hui, en avril 2024, « Le Rassemblement National ( de Marine Le Pen) est devenu fréquentable…. ».
Dans l’album Sorore, j’ai aussi aimé l’alliage réussi des trois voix. Je connais trop peu leur signature vocale pour toujours savoir qui chante et j’imagine que c’était le but, de toute façon. J’ai aussi aimé que ces trois chanteuses, qui ont du coffre, s’abstiennent des tours de chauffe et de toute compétition dans les aigus. L’écoute m’a été agréable. J’ai écouté l’album deux ou trois fois de suite sans me demander des comptes.
Puis, j’ai écouté 30 d’Adele et cela m’a tout de suite plu. J’en ai profité pour commencer à regarder sur le net un peu plus qui était Adele. J’ai appris que ses parents s’étaient séparés lorsqu’elle avait trois ans. Que son père, d’origine galloise, était retourné au pays. Et que sa mère, entre-autre masseuse indépendante, mais aussi fabricante de meubles, avait déménagé plusieurs fois. J’ai lu que, plus tard, dans une interview, alors qu’Adele était devenue célèbre, que son père avait confié être « un père pourri », qu’il était mort d’un cancer ( ou d’alcoolisme) avant ses 60 ans mais aussi qu’Adele et lui s’étaient réconciliés auparavant.
Concernant Adele, je ne sais plus si je me trompe ou si c’est pareil pour la chanteuse Taylor Swift, mais elle avait une grand-mère qui chantait très bien à l’église. Adele est néanmoins plutôt une autodidacte avec des capacités vocales extraordinaires. Cependant, je reste fasciné par ces personnes qui se découvrent dans leur enfance des aptitudes vocales hors normes alors que chanter, parait-il, comme le fait de rire peut-être ou apprendre à jouer de la musique, est supposé être un acte assez instinctif et ordinaire chez l’être humain. Mais il se trouve qu’il est des êtres humains qui savent chanter, faire de la musique et rire ou ont des « facilités » pour y parvenir. Et d’autres qui savent faire ni l’un, ni l’autre ou pour lesquels tout est plus « difficile ».
A lire ou écouter les histoires de ces artistes qui se révèlent, on dirait grossièrement qu’il suffirait à certaines et certains d’avoir seulement la volonté, à un moment de leur vie, généralement dans l’enfance, voire au début des mutations de l’adolescence, de se lancer dans la chanson ou dans la musique pour apprendre qu’ils en sont capables. Alors que d’autres, tous les autres, pour des raisons multiples et contradictoires, plus doués ou non, bien que travailleurs, se résolvent ou se résument à se taire, à être des témoins ou des assistants, à disparaître ou à se perdre.
Peut-être que le désespoir ressenti dans les débuts de leur carrière par ces artistes qui « réussissent » et la nécessité, pour eux, de s’en sortir seulement au travers de leur art explique en partie cette réussite. On chante et on fait peut-être d’autant « mieux » de la musique que l’on a d’autant plus peur d’être enfermé à jamais dans une boite ou une prison avant d’avoir commencé à véritablement exister. Lorsque nos rêves et nos idéaux parviennent à se hisser au dessus de l’adversité et des frontières sans que l’on se fasse briser.
Si la peur paralyse et rend docile beaucoup d’entre nous, il en est qu’elle transforme en créatures possédées ou en volontaires tranchés décidés à tenir jusqu’à ce qu’ils aient atteint leur but. Et, c’est généralement cette expérience que la majorité des spectateurs ou des admirateurs part chercher ou retrouver chez les artistes. Car la docilité et le découragement, nous en avons une expérience quotidienne et sommes, pour la plupart d’entre nous, plutôt des experts dans ces domaines. C’est aussi pour cela qu’on nous recrute, qu’on nous administre, qu’on nous protège, qu’on nous police et qu’on nous garde.
Mais ce que je raconte à propos du « désespoir » comme l’aiguillon possible d’une carrière n’est pas une science exacte. Car beaucoup ont essayé et essaient de toutes leurs forces sans parvenir jusqu’à se faire connaître de nous comme il se devrait ou se pourrait. Beaucoup essaient ou ont essayé et, parmi elles et eux, il y a aussi toutes celles et tous ceux qui « finissent mal » ou disséqués. Or, assez peu de monde n’a véritablement envie de « finir mal » ou de se retrouver disséqué vivant.
C’est peut-être pour cela, qu’en lisant la page wikipédia consacrée à Adele, j’ai assez mal supporté que soit plusieurs fois souligné le fait que celle-ci avait fait gagner beaucoup d’argent à l’industrie musicale. C’est mon côté idéaliste et adolescent qui avait repris le dessus : Pour moi, la musique a plutôt à voir, d’abord, avec ce que l’on a besoin d’exprimer, à créer, et comment on touche le public. J’ai du mal à croire qu’Adele et beaucoup d’artistes musicaux, lorsqu’ils se lancent dans la musique, aient comme but prioritaire « d’injecter », comme je l’ai lu, des millions ou des milliards de bénéfices sur les comptes en banque des différents « acteurs » ou agents de l’industrie du disque. Ce qui impliquait que le public qui avait acheté les albums d’Adele mais aussi assisté à ses représentations publiques était avant tout considéré comme un troupeau de consommateurs. Le ruminant, en moi, n’a pas aimé être ainsi quadrillé et éclairé.
Même si le consommateur ruminant que je suis sait aussi que -dès le départ- certains artistes peuvent avoir un plan de carrière, je crois encore que c’est d’abord leur particularité, leur sincérité comme le fait que le public s’identifie à ce qu’ils « montrent » ou ressentent qui fait le succès des artistes mais aussi leur « rencontre » avec leur public.
Car, pour moi, un artiste public est un être qui aspire à créer et à rencontrer quelqu’un d’autre ou un public, tout en cherchant à gagner sa vie de cette façon me semble-t’il. Même si les rencontres que cet artiste peut faire ensuite alterne avec les extrêmes. De l’exceptionnel au plus que désobligeant.
Sur l’album d’Adele, j’ai aimé My Little Love, All Night Parking ( avec Errol Garner). J’avais aimé d’autres titres. J’avais été très étonné d’aimer aussi facilement autant de titres.
Mais j’ai écouté l’album de Lana Del Rey, Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd.
Je pourrais presque écrire que j’ai fait l’erreur, ensuite, d’écouter le dernier album de Lana Del Rey. Car, à partir de là, j’ai eu autant de reconnaissance pour les deux précédents albums qu’une momie peut en avoir pour l’existence.
Le processus d’emprise ou d’hypnose sur moi par Lana Del Rey a probablement dû commencer dès le premier titre de son album :
The Grants.
Un titre tout simple en apparence, même pas criard. Plaisant à écouter. Je n’ai pas fait attention. J’ai continué.
Qu’est-ce que je « savais » sur Lana Del Rey avant d’écouter cet album, son dernier à ce jour ?
J’avais déjà écouté deux ou trois de ses titres dont Blue Jeans qui doit être l’un des deux seuls titres ( si je ne me trompe pas) que j’ai d’elle sur un de mes baladeurs numériques. J’avais un peu entendu parler de polémiques à son sujet qui devaient tourner autour de sa réelle légitimité en tant qu’artiste, je crois. Mais je n’en n’avais jamais fait une artiste à écouter en particulier. Lorsque la programmation du festival Rock en Seine cet été a été annoncée et que j’ai su que Lana Del Rey y serait le premier jour, à aucun moment je n’ai envisagé d’aller la voir sur scène alors que j’aurais pu, alors, acheter une place pour ce jour-là. Je ne partageais pas l’engouement qui accompagnait cette annonce :
Lana Del Rey au festival Rock En Seine !
Aujourd’hui, il est trop tard pour acheter une place pour aller voir Lana Del Rey cet été. Il n’y a plus de places disponibles, officiellement, pour la seule date parisienne, au festival Rock en Seine, de Lana Del Rey, quatre mois avant le début du « festival ».
Rock en Seine était peut-être un festival lorsqu’il a été créé au début des années 2000. Mais, aujourd’hui, c’est une usine à cash. Ses tarifs sont dotés du turbo. Et il existe aussi une certaine tendance à la spéculation. Il est probable que quelques jours avant le concert de Lana Del Rey, des places soient proposées à la revente par des particuliers opportunistes deux ou trois fois la valeur initiale du prix du billet.
J’ai accepté de payer 81 euros pour aller revoir Massive Attack au festival Rock en Seine le samedi 24 aout. Même si d’autres groupes joueront aussi ce jour-là. Mais si j’avais voulu « prendre » un forfait deux jours et voir PJ Harvey le lendemain, par exemple, j’aurais dû payer 135 euros. Ça paraît une bonne réduction mais le tarif devient lourd d’autant que, sur place, il s’agira de consommer, d’acheter à boire ou à manger. Tout sera fait en conséquence pour que cela arrive. Puisque, pour des « raisons de sécurité », on nous interdira de nous rendre sur le site avec ceci ou cela. Lorsque l’on est jeune et » sans charges », on regarde peut-être moins à la dépense. Surtout s’il est question de se rendre à un festival ou à un concert avec des copains et des copines et d’être » avec tout le monde ». Mais lorsqu’on l’est un peu plus « vieux », plus critique et aussi plus individualiste, on aime moins se déplacer pour se faire feinter par ce genre d’entourloupe.
Néanmoins, après ce que j’ai entendu hier, et malgré ce que je dis de l’industrie musicale, j’aurais accepté de payer 81 euros ou un peu moins de 100 euros pour aller voir Lana Del Rey (et d’autres artistes) à un festival. D’autant que je sais que certaines personnes ont bien accepté de payer 3000 euros pour pouvoir assister à la finale du cent mètres en athlétisme aux Jeux Olympiques à Paris cet été. Et d’autres ont déboursé 7000 euros pour pouvoir assister à certaines épreuves olympiques cet été en France.
De telles dépenses ont de quoi couper la voix. Celle de Lana Del Rey est peut-être plus limitée que celle qu’Adele et du trio forgé par Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana. Mais cela ne l’empêche pas de titiller nos humeurs et nos émotions. Des trois albums, son album est sans doute le plus varié en termes d’atmosphères et de musique.
Le titre A&W en est une très bonne démonstration. Entendre ce titre en concert doit être assez inoubliable. Lorsque je l’ai entendu la première fois, je l’ai d’abord pris pour une gentille ballade à la guitare/piano/voix où Lana Del Rey s’emploie à baisser le son de sa voix le plus possible, de celle qui a vécu. Malgré les effets qu’elle met dans sa voix, j’ai eu l’impression d’avoir déjà entendu ça ailleurs. Je me suis éloigné de quelques mètres. Puis, il y a eu un changement ( le titre dure 7 minutes et 14 secondes) et je me suis dit qu’il fallait que je réécoute tout le début. Oui, c’était bien le même morceau que j’avais commencé à entendre. A&W « explique » que c’est une erreur de sous-estimer Lana Del Rey.
Lana Del Rey peut autant livrer des chansons de peines de cœur ( ou « Torch songs ») comme le font Adele, Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana de manière « pop » ou « sage », dirons-nous, que dériver vers le Gospel, le Blues ou le Hip Hop. Elle a certes l’avantage de la langue.
Je me suis demandé si j’étais victime de cette éducation qui, en occident, nous soumet au conditionnement de la langue Anglaise. Sauf qu’Adele chante en Anglais.
C’est peut-être mon conditionnement à la culture américaine, alors ?
Je crois aussi que Vitaa, Amel Bent, Camélia Jordana et Adele font « trop propres » sur elles. Pourtant, Adele parle de son alcoolisme par exemple et sa carrière initiée avant sa majorité fait d’elle un poids lourd en matière de vécu. Et, Vitaa, Amel Bent et Camélia Jordana, séparées ou en trio ne manquent pas de vécu non plus.
Mais il y a dans la musique de Lana Del Rey un refus de la sécurité qui s’infiltre et qui s’attarde. Elle m’a rappelé l’actrice Nicole Kidman dans le film Paper Boy réalisé par Lee Daniels en 2012. J’ai parlé « d’emprise et d’hypnose » pour Lana Del Rey. Mais on pourrait aussi bien parler d’elle comme d’une femme des marécages qui vous retient. On ne peut pas dire d’elle :
« L’essayer, c’est l’adopter ». Car Lana Del Rey, c’est une toile d’araignée. Et une Alien. On avance a priori facilement dans son album comme dans son antre pour ne plus avoir très envie d’en sortir.
Si l’on compare les trois couvertures d’album, il y a aussi, chez Lana Del Rey, une très nette maitrise de l’image. J’ai lu qu’elle avait pu réaliser certains de ses clips et que certains de ses amis avaient comparé son univers à celui du réalisateur David Lynch. Je comprends cette comparaison. A ceci près que Lana Del Rey ne viendrait pas des films de Lynch mais attesterait par elle-même du fait que le réalisateur, pour ses films, s’était inspiré de personnes qu’il avait véritablement rencontrées mais jamais employées comme comédiens.
Sur la couverture de son album, en noir et blanc, alors que celle des albums de Vitaa, Amel Bent, Camélia Jordana et Adele est en couleur, le regard de Lana Del Rey interroge autant qu’il suggère qu’elle s’ennuie. Celui d’Adèle semble regarder un horizon encore lointain ou qui se dérobe. Dans le regard de Camélia Jordana, Vitaa et Amel Bent, je trouve de la fierté ou de la dignité, de la solidarité et de l’optimisme. On peut tout supposer d’un regard. Mais l’album de Lana Del Rey a pour titre une question contrairement aux deux autres.
Lorsque j’ai un peu essayé de savoir à quoi Océan Blvd faisait référence, en m’attendant à ce qu’il me confirme qu’il s’agissait d’Hollywood, j’ai trouvé que c’était le titre du deuxième album d’Eric Clapton. Il y a très vraisemblablement des explications plus évidentes à ce titre. Mais le peu que j’ai compris du personnage de Lana Del Rey m’indique que l’allusion au deuxième album d’Eric Clapton est aussi possible.
On a de quoi se creuser la tête avec Lana Del Rey. Mais il y a aussi son langage.
Autant, elle peut être assez sobre, ou d’allure enfantine, autant elle nous susurre son sexe et nous le suture dans la tête avec douceur à la façon de l’épouse attentive, presque plaintive et soumise, qui nous accueillerait en nous disant :
« Je t’ai laissé tranquille toute la journée, j’ai tout fait à la maison. Maintenant, fais-moi jouir et rêver autant que je t’ai attendu et espéré. Fais en sorte que plus rien d’autre ne compte vraiment ».
Son “Fuck me to death and love me until I love myself” répété au moins trois fois dans son titre Did you know that there’s a tunnel under Ocean Blvd en est un des exemples. Sauf que c’est plutôt, elle, Lana Del Rey, qui nous baise jusqu’à la mort.
Quant à savoir, si nous nous aimons véritablement, personnellement, il ne nous reste, qu’à la réécouter à nouveau pour tenter de nous en assurer tant, avec elle, les illusions sont presque parfaites.
J’étais au travail ce jeudi 14 mars, lorsque, dans l’après-midi, en le lisant quelque part, j’ai appris qu’Ann O’aro passait en concert le soir même. A 20h30. Je finissais mon travail à 20 heures à Paris près de la gare Montparnasse.
Si je souhaitais y aller, il me faudrait aller chercher mes appareils (photos) dans ma ville de banlieue, à Argenteuil. Pour mon blog, je ne pouvais pas me contenter de photos prises avec mon smartphone. Et, après le concert, je me réveillerais, comme ce jeudi, le lendemain matin un peu avant 5h30 afin de retourner au travail pour une journée de 12 heures.
Mais il y avait ce concert d’Ann O’aro dans quelques heures. Je l’avais déjà « ratée » comme j’ai aussi raté les concerts de René Lacaille ou de Rocio Marquez lorsqu’ils se sont présentés. Je m’étais un peu rattrapé la semaine précédente avec le concert de Tricky à l’Olympia ( voir Tricky à l’Olympia ce 6 mars 2024).
Quand une ou un artiste nous « parle » ou nous a parlé, on part souvent du principe qu’autour de nous, tout le monde la connait ou le connait. En évoquant Ann O’aro, je n’écoute pas de la musique secrète ou que je mettrais en cachette.
J’ai commencé à la « connaître » par son premier album Ann O’aro sorti en 2018. J’avais publié un article dessus dans mon blog il y a environ quatre ans :
Ensuite, il y a eu l’album Longoz arrivé en 2020 que j’ai moins écouté pour le moment et avec lequel j’ai eu plus de mal.
Ce jeudi 14 mars, j’ai aussi appris qu’un troisième album venait de sortir (fin février 2024). Il s’appelle Bleu. Ann O’Aro continue d’être représentée par le label Cobalt dirigé par Philippe Conrath.
« Ann O’aro ? »
C’est la question qu’a pu me poser, surpris, un de mes collègues, réunionnais certifié, porteur de dreadlocks, la quarantaine, chanteur de Gospel et précédemment joueur de Reggae proche de la professionnalisation. Ce n’est donc pas un amateur ni un ignorant. Pourtant, il n’avait jamais entendu parler de Ann O’aro. Je lui ai orthographié son nom tel qu’elle l’a choisi à «la Créole ». Un nom que j’ai moi-même encore du mal à bien écrire. Et, il m’a dit qu’il allait « regarder ».
La Réunion n’est pas mon pays. Même si, par la suite, j’ai rencontré ma compagne, réunionnaise, et que notre fille, née en France ( encore trop petite pour certains des thèmes des chansons de Ann O’aro) a donc également des origines réunionnaises.
La première fois que je me rappelle avoir entendu du Maloya et son rythme ternaire, c’était dans la boite de nuit LeManapany, dans les années 90 où, avec certains collègues, nous étions plutôt venus nous rapprocher (- je suis un Moon France mais voir aussi Tuer des noix de coco-) de nos origines antillaises et des femmes au travers du Zouk.
Ensuite, j’ai voulu entendre un peu plus le Maloya dit traditionnel. Et, en particulier, sur ce qu’il peut avoir en commun avec le Gro-Ka et le Lewoz. Car j’essaie de m’inspirer à ma mesure d’un des principes de mon artiste préféré, Miles Davis, qui disait aussi :
« Mon esprit n’est pas fermé ». ( “My mind is not shut”).
A la médiathèque, j’avais trouvé les Cds d’artistes comme Firmin Viry, Danyel Waro et d’autres de la Réunion que j’ai essayé d’écouter et de comprendre. J’ai pu voir Daniel Waro en concert lorsqu’il est passé en concert à Argenteuil il y a près d’une dizaine d’années. Mon blog n’existait pas, alors. Je sais que Daniel Waro passe le 18 Mai au Cabaret Sauvage à Paris. Maya Kamaty le 21 mars à la Bellevilloise et Lindigo le 11 avril au Cabaret Sauvage.
«La musique, ça te permet un équilibre vu le métier que tu fais » m’a dit quelqu’un récemment. J’ai acquiescé car il y a du vrai dans cette affirmation. Et, cela m’a permis d’éluder.
Car l’équilibre est aussi une limite. Ainsi qu’une souricière.
On peut être équilibré parce-que l’on est aussi très bien domestiqué. On ne dérange pas. On reste à sa place. On subit. On accepte. On endure. On s’endurcit. On croupit. On se terre en soi et en silence.
Mais on ne vit pas. On reste derrière des barrages. Ou on passe son temps à attendre, emmitouflés dans nos mirages et parfois dans nos naufrages. Parfois, on s’auto-détruit en permanence, discrètement. De manière méthodique. Cathodique. Et équilibrée. Telles ces tours ou ces histoires dont les fondations et les émanations explosent et s’affaissent, érigées, droites, et achèvent leur parcours pulvérisées, télévisées, en étant toujours restées bien vissées sur place et fidèles au poste, tétant leur devoir et leur espoir en attendant une mue qui n’est jamais venue. D’elles, on dira peut-être plus tard :
« C’était une belle tour ( ou une belle histoire) à l’origine. Dommage qu’elle soit devenue désuète. Les temps ont changé. Il a bien fallu s’en séparer. Qu’est-ce que tu veux ? C’est comme ça…. ».
La musique, pour moi, ça reste de la vie. Ça surgit et ça permet d’aller au-delà de nos limites. Les musiciens, les artistes ou les personnes qui nous « parlent », c’est quand même assez souvent, celles et ceux qui nous « font » ça. Un des premiers pouvoirs de la musique, comme le feu partagé, c’est de rassembler. Les forces, les volontés vers l’autre, vers l’ailleurs, vers l’inconnu même si ce sont des souvenirs que l’on retrouve aussi.
La musique, pour moi, c’est aussi un bagage et un héritage. C’est à la fois les musiques que j’ai écoutées par les pores de mes parents en France, pays, où, contrairement à moi, ils ne sont pas nés. Puis, celles de mon adolescence et de certaines amitiés quasi fraternelles, à cette période de la vie où l’on a plein de notes et plein de projets mais où l’on manque d’audace, de confiance, de persévérance et de connaissances pour composer. Et où l’on redoute plus les conséquences de la matraque du jugement qu’on ne prévoit les réussites de nos tentatives.
On peut penser que je me contente de parler de moi. Je ne le crois pas. Je n’écris pas seulement pour moi. Mais aussi parce-qu’il le faut. Parce-que c’est mon tour du sort.
J’écris d’ailleurs cet article en réécoutant le dernier album de Fally Ipupa, Formule 7. Et puis, on sait maintenant que, évidemment, je suis allé au concert d’Ann O’aro ce jeudi 14 mars 2024 au studio de l’ermitage, à Paris. Les autres dates et les autres lieux de ses concerts prévus en 2024 ne m’ont pas laissé d’autre choix.
Hormis ce concert du 14 à l’Ermitage, à Paris. Il restait possible de voir Ann O’aro sur scène ailleurs en mars 2024 :
Le 17 à Dunkerque. Le 19 à Guyancourt. Le 21 à Tourcoing. Le 23 à Aubusson et le 26 à Ljubliana, en Slovénie. Je serais bien allé à l’un de ces endroits mais pour des raisons pratiques, le plus simple, restait Paris.
Les dates de ses concerts mais aussi de ceux de Danyèl Waro sont aussi affichées sur le site du label Cobalt qui représente d’autres artistes réunionnais tels que Christine Salem, Zanmari Baré et d’autres.
Je suis arrivé au concert avec une bonne demie heure de retard avec ma place achetée en prévente sur internet : 15 euros et 50 centimes. Soit près de quatre fois moins que le concert de Tricky à l’Olympia quelques jours plus tôt.
En entrant dans la salle de concert du studio de l’ermitage, Ann O’aro était en train de chanter, accompagnée de ses musiciens :
Teddy Doris au trombone ; Bino Waro au roulèr, sati, pikèr, kayamn et à la batterie et Brice Nauroy aux machines.
Le public était posé, majoritairement assis, très attentif. Il devait y avoir environ 200 personnes à vue d’œil (pour une capacité d’accueil de 250 personnes contre une capacité d’accueil de 4000 personnes pour l’Olympia).
L’ambiance et l’acoustique de la salle étaient intimistes et très confortables. Je me suis tout de suite senti bien. J’ai aussitôt tout effacé. Les doutes. La recherche de la salle. La fatigue. Le trajet. Le retard. La routine. La chevrotine. La journée de travail le lendemain matin.
Voir Ann O’aro au studio de l’ermitage après Tricky à l’Olympia ?
Je me suis dit qu’ils étaient proches tous les deux malgré ce que l’on pourrait estimer en prime abord. Tricky, « de » Bristol, plutôt contrarié par la notoriété, aimerait sans doute pouvoir se produire dans une salle comme le studio de l’ermitage. En écoutant Ann O’aro, j’ai aussi pensé à la musicienne et compositrice bretonne Kristen Noguès.
Bien-sûr, Ann O’aro existe par elle-même et a ses propres inspirations et références. Mais lorsque l’on est amateur de musique, on aime certaines fois imaginer que se rencontrent les ombres de certains artistes. Des rencontres entre des artistes qui ne se matérialisent jamais- ou parfois mal- par manque d’inspiration, d’époques ( Kristen Noguès est morte depuis 2007) ou du fait d’une mauvaise entente et qu’il faut sans doute apprendre à imaginer ou à créer soi-même.
Devant nous, nous avions peu à imaginer. La voix d’Ann O’aro est très douce et forte. Elle s’empare de vous et chante comme un boxeur. Son chant part depuis ses pieds. Elle chante en emmenant tout son corps et en nous portant vers une…certaine tension émotionnelle.
C’est ce que l’on appelle avoir une présence. La présence de celle qui s’approche et aussi de la sentinelle.
Je me suis dit qu’elle avait de quoi jouer dans un film ou au théâtre.
Son humour et son aisance, y compris au piano qu’elle a désormais ajouté à son usage des sorts- les sorts de l’enfance- sont aussi déconcertants qu’insaisissables. Je me suis un peu demandé :
« Comment fait-elle ? ».
On aurait presque dit que c’était nous qui étions à un enterrement (peut-être le nôtre) tandis que, elle, et ses musiciens s’amusaient bien parce qu’ils le voulaient. Tandis que nous, hé bien, nous restions très polis et très guindés sans faire de bruit de peur de déranger ou de tâcher en sortant de notre réserve militaire.
Soit parce-que nous n’avions jamais appris à remuer et à tinter au son de la musique ou parce-que nous étions intimidés et captivés par ce que nous voyions et entendions devant nous :
Nous avions un peu « peur » d’interrompre la séance d’hypnose. Ou nous n’osions pas moufter connaissant les sujets chargés qu’elle abordait sous les déguisements aiguisés de sa voix apaisée.
Mon excuse était que je prenais des photos. Mais j’imagine facilement ce que la même musique jouée ce jeudi soir peut entraîner ailleurs ou dans un Kabar ( ou kabaré), là où l’on s’autorise à danser plus vite que la lumière ne pense.
Nous avons été des privilégiés d’assister à ce concert. J’ai été content, après le concert, de pouvoir parler un peu à Ann O’aro et de poser pour la photo avec elle et Philippe Conrath qui dirige le label Cobalt.
Ann O’aro chante aussi dans le groupe Lagon Noir lors du festival Banlieues Bleue au centre culturel Jean à la Courneuve le vendredi 29 mars 2024 à 20h30.
Ce jeudi soir, elle a superbement clos son concert en nous chantant son titre Valval rouz ( si je ne me trompe) un de ses titres acapella, présent sur son premier album.
Tricky, les années 1990 et 2000. Martina Topley-Bird, Massive Attack, le Trip Hop. Mais aussi PJ Harvey, Björk, Sly & Robbie….Tricky a rencontré et joué avec bien d’autres artistes. Il a aussi figuré dans quelques films tels que Le Cinquième élément de Luc Besson ou Clean d’Olivier Assayas.
C’est, grosso modo, toujours les mêmes histoires que l’on raconte à propos de Tricky, une espèce de prophète de la musique nostalgique. Celui qui a perdu sa mère très jeune. Celui qui est devenu à nouveau orphelin (assez récemment) mais cette fois de sa fille. Celui qui avait quitté Massive Attack, sa célébrité, sa puissance, sa sécurité. Celui qui subsiste par lui-même. Par la douleur et malgré elle.
Celui qui lance ou se met en duo avec des chanteuses qu’il produit. L’homme fusible imprévisible avec ses lubies et ses pensées. Ses toxicomanies. Son corps lésé. Tatoué sans doute de la tête aux pieds et difficile à amadouer. Difficile à cerner et, sans doute, à captiver. L’homme hanté qui rôde là où très peu souhaiteraient se promener même avec un ou une escorte.
Durant toutes ces années, j’ai raté Tricky ou suis passé à côté de lui. A part pour un concert gratuit lors de l’inauguration du centre culturel, le 104. Il y avait beaucoup de monde. On se bousculait. Les conditions sonores étaient mauvaises. Je me rappelle de Tricky plutôt seul sur scène, assez peu concerné, et très loin. Une prestation très frustrante.
Je n’avais pas persisté.
J’avais d’autres artistes à écouter et à regarder sur scène. Je ne faisais pas de lui une priorité. Je trouvais à sa musique des côtés inaboutis. On parlait de chef-d’œuvre. J’avais l’impression qu’il y avait beaucoup pour que cela soit le cas mais qu’il y avait régulièrement rupture lorsque cela se précisait. Comme si Tricky arrachait le disque vinyle de la platine précisément au moment où l’on commençait à entrer dans le songe. Comme s’il jetait à la poubelle toutes les pièces du puzzle que l’on avait presque terminé. Et cela recommençait plusieurs fois de suite.
La musique de Tricky n’est pas ceinturée ou cérébrale comme peut l’être ou l’est devenue celle de Massive Attack ou de Björk.
Tricky pratique l’hémorragie et les intubations difficiles :
« Seule, compte l’énergie ! ». A partir de là, inutile de faire durer un morceau quatre, cinq minutes, à coups de maquillage ou davantage. On n’est pas là pour se regarder le nombril ou pour se montrer. On est là pour faire de la musique et pour sentir ce qui se passe lorsque l’on presse son corps contre le sang chaud de quelqu’un.
Ce concert de Tricky, à l’Olympia hier soir, j’ai appris qu’il allait avoir lieu quelques jours plus tôt, par hasard. Tricky ne fait plus partie des musiciens dont on parle « beaucoup ». Désormais ou encore, on parle beaucoup plus d’artistes comme Beyoncé, Dua Lipa, Taylor Swift, Billie Eilish, Rihanna ou Rosalia si l’on veut parler d’artistes féminines dites « internationales ». Ou, en France, j’imagine que d’autres seront davantage happés par le concert du rappeur Ninho au Stade de France…l’année prochaine, le 2 Mai 2025. Ou par le concert du rappeur Kalash à l’Olympia ( complet) ce 20 mars 2024.
J’ai hésité avant d’acheter cette place de concert. Je me suis demandé si j’essayais de rattraper le temps perdu.
Quatre jours avant le concert, j’ai croisé une connaissance sur le quai de la gare d’Argenteuil alors que je partais à l’anniversaire de Tu piges ?
Cette connaissance – un photographe professionnel rencontré lors d’un concert de Marc Ribot à la Cave Dimière, à Argenteuil- m’a dit :
« Tu me diras ce que ça a donné. Avec Tricky, on ne sait pas ce que ça va donner, un concert. Il est caractériel… ».
Lui, aussi, avait le souvenir de ce concert donné au centre culturel, le 104. Il y était aussi et bien placé. Il connaissait les organisateurs de l’événement. Son avis sur ce concert était le même que le mien : très mauvais son. Et très mauvais concert… de trente minutes.
Mais j’étais confiant pour ce concert à l’Olympia. Je connaissais mieux sa musique. Je l’aimais mieux. ( Hate This Pain un titre de Tricky ) Et, j’avais lu que Tricky était content des bons retours concernant son album Maxinquaye Reincarnated sorti en octobre 2023. Un album que j’avais acheté et écouté.
« Colossal et jamais vu » est un des commentaires que l’on a pu lire dans le métro à propos de la deuxième partie du film Dune réalisé par Denis Villeneuve et sorti la semaine dernière. Un film dont on parlera sans doute beaucoup plus que du concert de Tricky hier soir et que je suis allé voir le jour de sa sortie ( ce 28 février 2024) dès la première séance.
Tricky aurait eu sa place dans le film Dune.
Soit pour un rôle, soit pour la composition musicale. Hier soir, Tricky nous a rappelé que la musique, c’était de la création. Et la possibilité de faire une expérience hors de notre conscience rituelle et de nos automatismes.
Pas du bling-bling. Pas de l’édulcoré.
J’avais fait le choix d’acheter une place en mezzanine pour assister à ce concert de Tricky. Pour cela, j’ai payé plus cher, 56 euros, afin d’être dans les meilleures conditions pour voir et entendre Tricky. Résultat : j’ai raté mes photos. Pour faire de bonnes photos, il ne faut pas être fainéant et rester assis trop loin de la scène.
Et, pour bien photographier Tricky, il aurait fallu que je vienne plus tôt. Bien plus tôt. Car lorsque je suis arrivé devant l’Olympia pour le concert, dix minutes avant le début officiel du concert avec la première partie, Dajak, je suis tombé sur une queue pratiquement aussi longue que pour le concert des sœurs Ibeyi.
Tricky a son public. Un public plutôt blanc pratiquement aussi féminin que masculin. J’étais par exemple assis entre deux femmes venues ensemble et deux hommes venus aussi ensemble.
Il devait y avoir entre cinq à dix pour cent de noirs dans la salle au sein du public à ce que j’ai aperçu.
La moyenne d’âge du public dans la salle tournait autour de la quarantaine-cinquantaine même si j’ai pu voir deux adolescents venus vraisemblablement avec leur mère.
Le public présent connaissait à l’évidence les « classiques » de Tricky. Même si le terme « classiques » lui déplairait certainement : quand on l’écoute parler de sa musique, il se défend de toute nostalgie.
A l’image de son concert en janvier 2023 (que j’ai malheureusement découvert sur le net )à l’espace culturel Ground Control avec la chanteuse Marta, hier soir, à l’Olympia, celui-ci s’est déclaré dans une forme de pénombre. Une intimité et une ambiance qui vont très bien avec sa musique. Une musique qui entre dans la syncope, le blues, la répétition, la rugosité, la vitalité punk et rock mais aussi une extrême douceur de par la voix de Marta.
En voyant Tricky sur scène essayer de sortir de son corps, je me suis dit qu’il faisait une musique de Chamane. Un couple est parti en plein concert. Nous sommes restés.
Franck Unimon, ce jeudi 7 mars 2024.
Ps/bonus de ce vendredi 8 mars 2024 :
Dans sa sélection critique avant ce concert à l’Olympia de Tricky, le journaliste Erwan Perron de Télérama ( Télérama numéro 3869 qui inclut le guide culturel Télérama Sortir du 6 mars au 12 mars 2024 ) avait écrit :
» (….) On se souvient de l’avoir vu interpréter ce disque dans ce même Olympia baigné de lumières rouges. Il avait chanté dos au public durant toute la durée du concert ! Trente ans plus tard, l’Anglais au nez cabossé et à la voix rocailleuse revient dans la plus célèbre des salles parisiennes pour y chanter à nouveau Maxinquaye ( 1995), son oeuvre la plus renversante et intense. Il en aurait réarrangé six titres. Mais avec lui, on n’est jamais sûr de rien…. ».
Tricky n’a sans doute pas lu cet article. Mais si Erwan Perron était comme moi dans la salle ce 6 mars 2024, il aura aussi vu Tricky interpréter ce titre de cette façon.
Plus rien ne pourra me blesser un livre de David Goggins.
« Tu as des drôles de lectures…. ».
Dans le nouveau service où je travaille depuis le début de l’année, les toilettes sont un des endroits où l’on y croise ses collègues bien plus souvent que devant la machine à café ou dans les vestiaires.
C’est la première fois que cela m’arrive.
En passant par les toilettes, on quitte pour quelques secondes ou quelques minutes, cette sorte d’open space où nous pouvons être trente ou quarante, ou davantage, à travailler dans notre coin, à discuter avec certains de nos collègues les plus proches, à écouter ce que répondent les autres et à nous figurer la situation qu’ils rencontrent comme à nous concentrer sur les appels que nous recevons nous-mêmes. En restant dans la quête de prendre la meilleure décision possible selon le caractère d’urgence.
Peu de personnes mentent lorsqu’elles se rendent aux toilettes ou quand elles en sortent. Et nous ne mentons pas davantage lorsque nous recevons des appels. Mais les toilettes, c’est une sorte de sas – et pas seulement du fait de la chasse d’eau- où les menottes de l’urgence médicale ou psychiatrique nous sont retirées pour être remplacées par celles de certaines nécessités physiologiques bien connues de tous, petits et grands.
Durant la poignée de secondes où l’on se croise après un passage devant le lavabo et les miroirs, on peut bien-sûr y échanger des banalités, un sourire, de l’embarras. Mais de brèves confidences peuvent aussi venir s’ajouter à celles que l’on a laissées derrière soi dans notre plus stricte intimité.
On peut aussi malgré soi laisser des indices. Tel ce livre de Laurence Beneux, Brigade d’intervention, que j’avais emmené avec moi dans les toilettes non pour l’y lire en cachette, il est possible de lire entre les appels, mais parce-que je revenais de ma pause dans un bureau en accord avec mon collègue direct ce jour-là.
Ce collègue qui a trouvé « drôle » ma lecture, je peux le comprendre. Nous travaillons à des postes différents lui et moi. Et, la dernière fois- et première fois à ce jour- que nous avions eu une conversation personnelle, c’était quelques jours plus tôt, lors de l’anniversaire d’un autre de nos collègues. Il m’avait raconté un peu sa vie professionnelle d’avant, dans la pub, lorsqu’il existait encore de la vraie pub m’avait-il expliqué et qu’il s’épanouissait dans sa partie créative. Jusqu’à ce qu’il décide de se mettre à son compte et que la pandémie du Covid n’arrive, le contraignant à se reconvertir dans ce nouveau métier qui nous a fait nous rencontrer.
A partir de là, il est facile de comprendre que, pour lui, tomber sur ce genre d’ouvrage est déconcertant. Il existe un monde entre une fête anniversaire durant laquelle on a pu entendre des tubes du Top 50 des années 80 telles que Banana split et subitement ce titre :
Brigade d’intervention.
Pourtant, ce livre, pour moi, était dans la continuité de celui que j’avais terminé quelques jours auparavant, Plus rien ne pourra me blesser de David Goggins, ancien Navy seal et athlète rompu aux épreuves d’endurance extrêmes. Sans compter que je n’ai pas abordé avec mon collègue ou d’autres personnes mon intérêt pour l’événement Survival Expo auquel je m’étais rendu en juin dernier au parc floral de Vincennes sans avoir encore pris le temps d’en parler dans mon blog. J’ai par ailleurs appris récemment l’annulation de l’édition de Survival Expo prévue à Lyon cette année pour cause de Jeux Olympiques en France :
L’organisation des Jeux Olympiques en France a tellement fait monter les prix de diverses prestations que cela n’était pas soutenable économiquement pour la survival expo.
« Verser » plus ou moins dans le survivalisme comme dans la lecture d’ouvrages relatifs à l’armée, à la brigade d’intervention, à la police, à toutes sortes de corps d’Etats d’interventions, à la criminologie, aux sports de combat et aux Arts martiaux pourrait suffire à me portraiturer comme un dangereux extrémiste ou un illuminé. Pourtant, il est d’autres aspects de l’existence dont je me préoccupe et dont j’aime(rais) aussi rendre compte. Sauf que mon temps est limité. La preuve :
Nous sommes à la fin de ce mois de février et je n’ai ou n’avais encore rien publié ce mois-ci dans mon blog. Malgré divers sujets en tête dont, par exemple, ma visite de la Tour Eiffel en ce début d’année. Ou les films L’Empire de Bruno Dumont et Dune 2ème partie de Denis Villeneuve, sorti aujourd’hui, et que je suis allé voir ce matin dès la première séance de 9 heures.
J’aurais aussi voulu parler un peu plus de mon séjour de quelques jours en Guadeloupe à la fin de l’année dernière mais aussi de mes préparatifs pour mon séjour au Japon cet été en profitant de la proposition de Léo Tamaki, expert en Aïkido, de nous faire découvrir le Japon tant au travers de certains des Maitres d’Arts martiaux qu’il va nous permettre de rencontrer comme de certains endroits du Japon. Mais je dois me contenter de faire allusion à ces projets afin de faire mon possible pour réussir au mieux cet article qui, je crois, justifie une certaine attention.
Ce soir, pour mieux faire comprendre mon intérêt pour des livres comme celui de David Goggins, je crois utile de préciser ou de rappeler que dès lors qu’une personne, femme ou homme, est attachée à une pratique sportive assidue, que ce soit du fait de son mode de vie, de son éducation, de ses valeurs ou par recherche de la compétition, qu’elle trouvera dans ce genre d’ouvrages des indications, un état d’esprit ou des exemples qui lui parleront.
On l’oublie souvent mais l’une des particularités de la pratique sportive, c’est de nous permettre de développer des capacités d’adaptation à notre environnement. Ne serait-ce que d’un point de vue topographique.
Parce-que nous sommes devenus majoritairement des citadins et que nous bénéficions plutôt facilement de moyens de transports développés ou de véhicules nous permettant de nous déplacer, nous sommes devenus quelque peu amnésiques, fainéants ou ignorants concernant ce genre de faits. Des faits pas si lointains pourtant.
Il y a quelques jours, je suis retombé sur des notes que j’avais prises en lisant un ouvrage consacré au sport. Il y était rappelé que dans la première moitié du vingtième siècle, en athlétisme, la Finlande, avec des champions comme Lasse Viren, dominait les courses de demi-fond et de fond mondial. Mais à cette époque, la Finlande était… un pays pauvre et principalement…rural.
Aujourd’hui, lorsque l’on constate que les coureurs Kenyans sont souvent les premiers des marathons, on oublie assez régulièrement de souligner que ce sont souvent des coureurs d’origine sociale modeste qui sont capables et prêts à s’entrainer- dur- plusieurs fois par jour pour être les meilleurs.
A mon niveau, j’ai su que mes deux grands pères avaient beaucoup marché pour se déplacer. Ma mère m’a beaucoup fait marcher, petit. Et, elle marchait vite.
A la fin de l’année dernière, dans notre appartement, nous avons eu la mauvaise surprise de découvrir des souris. C’était la première fois que cela nous arrivait et cela nous a quelque peu déstabilisé voire angoissé. Des souris ! Ces petits animaux qui, si nous avions toujours vécu à la campagne, auraient été pour nous des banalités voire les terrains de jeux de nos pulsions sadiques primaires ou infantiles. Lorsque l’on commence à se rappeler qu’il existe des « tonnes » de rats vivants dans nos égoûts, on peut sourire de cette inquiétude qu’ont pu susciter quelques souris.
`Enfin, il y a quelques jours, j’ai eu à connaître une courte panne d’électricité rapidement résolue au bout de quelques heures. Là, aussi, l’habitude, le fait d’être installé dans un certain confort m’avait donné l’illusion que tout cela était dû et immuable étant donné que je paie mes factures.
Nous sommes nombreux à connaître ou à avoir connu ce genre d’anecdotes.
Cependant, nous vivons en grande majorité dans nos repaires intérieurs en nous reposant régulièrement et constamment sur un socle d’illusions et d’habitudes nous concernant mais aussi à propos de notre environnement ou de notre entourage. Nous pensons que dans telle situation, nous ferions ceci, nous ferions cela. Nous pensons que ce que nous vivons est acquis alors que cela l’est beaucoup moins ou peut l’être beaucoup moins que prévu. Et lorsque arrive la confrontation avec le réel, certaines nouvelles ou certaines situations imprévues qui durent plus ou moins, qui sont plus ou moins difficiles ou inconfortables, subitement, nous sommes moins beaux à voir et à entendre. Nous peinons à adopter la bonne action ou la bonne décision.
Chacune et chacun s’arrange ensuite comme elle/il le peut avec ce genre de moment désagréable où il a à se voir moins valeureuse et moins valeureux ou simplement moins bien inspiré (e) qu’elle ou qu’il le croyait.
Je n’ai pas oublié, quelques mois après les attentats terroristes que nous avions connus à partir de 2015, comment, dans une rame de métro remplie, personne n’avait réagi en plein Paris lorsqu’une jeune femme s’était faite aborder de manière plus insistante et déplacée que véritablement dangereuse par un grand gaillard, assez bien constitué, mais aussi alcoolisé (l’homme avait une canette ou une bouteille de bière à la main).
Personne n’avait réagi à part un homme et moi. Cet homme qui avait réagi avec moi était plutôt du genre quelconque d’un point de vue physique et, à ce que j’ai vu, très peu porté sur la bagarre. Et, moi, je ne suis pas un soldat. Je fais de mon mieux et j’essaie de faire de mon mieux.
David Goggins, lui, c’est un guerrier. Du genre frontal, militaire. Tout n’est pas beau chez lui. J’ai tendance à croire que l’on aurait pu aussi bien donner comme titre à son livre Plus rien ne pourra m’angoisser. Je le perçois aussi egocentrique, psychorigide, assez masochiste, vraisemblablement nationaliste.
Je pense qu’en tant que père, il a complètement raté ou négligé ce qu’il a pu réussir ailleurs. Et qu’en tant que fils, il a finalement été au-delà de ce que son père, dont il s’est éloigné, a pu souhaiter ( « Je ne veux pas que vous deveniez des fiottes ! »). Je trouve aussi qu’il y a une absurdité et une tristesse dans le fait qu’il puisse être aussi populaire de par ses exploits sportifs et ses interventions médiatisées et sa vie solitaire.
Mais je crois aussi que quelqu’un comme moi peut apprendre quelque chose de ce genre de personne. En filtrant bien-sûr. En prenant ce que je peux.
Et, c’est ce qui m’a amené à lire ce livre sur lequel je suis tombé « par hasard », alors que j’étais entré avec ma fille dans une librairie du 7 ème arrondissement que je ne connaissais pas, afin, au départ, de lui acheter des livres pour l’école. Jusqu’à ce que je voie le livre de Goggins, là, à l’entrée, plutôt bien en évidence parmi d’autres ouvrages.
La librairie où j’ai acheté le livre de Goggins n’a rien de militaire. Si la station de métro Ecole Militaire se trouve à une bonne dizaine de minutes à pied, les personnes que j’ai croisées ce jour-là que ce soit dans la librairie ou dans les rues m’ont plutôt fait l’effet de bobos ou de bourgeois parisiens d’un âge certain ou adulte. Et, rien de particulier chez eux m’a fait penser qu’ils pouvaient avoir la rage ou l’envie de s’engager dans la légion étrangère. Ça, ce seraient plutôt les muses de Goggins, ancien enfant maltraité par son père, ancien obèse, ancien élève en échec scolaire et noir victime du racisme aux Etats-Unis. Mais aussi ancien pauvre ou presque pauvre mais aussi ancien employé affecté à la tâche qui consistait à tuer -la nuit- des cafards dans les lieux de restauration.
J’ai aimé que dans son livre, Goggins, relate aussi certains de ses échecs. S’il élude la raison de son échec conjugal avec sa compagne Kate ( qu’il ne cite même pas à la fin du livre dans ses remerciements ! ) qui l’a pourtant soutenu et souligne l’importance de la présence et du soutien de sa mère, et de quelques autres ( pas nombreux), il raconte aussi comment certains de ses excès lui ont nui. En particulier à propos de sa carrière militaire. Mais aussi à propos de sa santé.
Pour le reste, ce sont ses propos qui sont les plus éloquents et qu’il faut prendre, bien-sûr, comme on le peut, c’est-à-dire, en tenant compte de nos propres limites. Goggins n’a pas de vie de famille à proprement parler lorsqu’il s’exprime et il partait de tellement loin qu’il n’avait en quelque sorte plus rien à perdre. Et, rappelons-nous, aussi, que Goggins est Américain et que cela peut expliquer, aussi, en partie, ce côté « Tout ou rien » puisqu’aux Etats-Unis, il n’y a pas l’équivalent de la sécurité sociale que nous avons encore en France.
Voici quelques extraits du livre de David Goggins, Plus rien ne pourra me blesser :
« Vous courez le risque de mener une vie si confortable et si ramollie que vous allez mourir sans avoir jamais atteint votre plein potentiel ».
« Ne vous arrêtez pas quand vous serez fatigué. Arrêtez-vous quand vous aurez fini ».
« Tout le monde connaît son lot d’échecs et la vie n’est vraiment pas censée être juste, encore moins se plier à chacune de vos lubies.
La chance est une chose capricieuse. Elle n’ira pas toujours dans votre sens, alors ne vous laissez pas piéger par l’idée selon laquelle vous mériteriez d’avoir de la chance au simple motif que vous avez imaginé la faisabilité de quelque chose. La propension à croire que quelque chose vous est dû est un handicap. Débarrassez-vous en. Ne vous focalisez pas sur ce que vous pensez mériter. Attaquez-vous à ce que vous avez la volonté de conquérir ! ».
« (….)je me pris aussi en pleine gueule pas mal de remarques négatives(….). Cependant, tout cela n’avait rien de bien nouveau. A-t’on jamais rêvé de quelque chose pour soi sans que des amis, des collègues ou la famille ne viennent tout remettre en question ? Nous sommes en général motivés à l’extrême pour faire l’impossible afin de réaliser nos rêves, jusqu’à ce que notre entourage nous mette en garde contre les dangers, les inconvénients ou nos limites en nous rappelant tous ceux qui, avant nous, ont échoué dans leur quête. Ces conseils viennent parfois de personnes bien intentionnées. Elles pensent sincèrement agir pour votre bien, mais si vous les laissez faire, ces mêmes personnes finiront par vous faire renoncer à vos rêves- aidées en cela par votre régulateur ».
« (……) Préparez-vous !
Nous savons que la vie peut être dure, et pourtant nous nous apitoyons sur notre sort quand elle s’avère injuste. A partir de maintenant, acceptez les règles qui suivent comme étant les lois de la nature selon Goggins :
On se moquera de vous.
Vous serez inquiet.
Vous ne serez sans doute pas le meilleur tout le temps.
Vous pourrez être le seul, ou la seule, à être noir, blanc, asiatique, latino, femme, homme, gay, lesbienne ou (indiquez ici votre identité) dans une situation donnée.
Il y aura des moments où vous vous sentirez très seul.
Passez outre ! ».
« Notre esprit est sacrément puissant. C’est même notre arme la plus puissante, mais nous avons cessé de l’utiliser. Nous avons accès à plus de ressources aujourd’hui que nous n’en n’avons jamais eues, et pourtant nous nous révélons moins capables que tous ceux qui nous ont précédés. Si vous voulez être l’un des rares à contrarier cette tendance au sein de notre société ramollie, il faudra que vous partiez en guerre contre vous-même et que vous vous façonniez une nouvelle identité, ce qui nécessite une ouverture d’esprit. C’est bizarre, mais être ouvert d’esprit est souvent associé avec le fait d’être « New Age » ou mou. Qu’ils aillent se faire foutre. Etre suffisamment ouvert d’esprit pour trouver la bonne solution n’a rien de nouveau. C’est ce que faisaient les hommes préhistoriques. Et c’est exactement ce que je fis (…) ».
Un article de Franck Unimon/ Balistiqueduquotidien, ce mercredi 28 février 202
Ici s’achève le monde connu un court métrage de Anne-Sophie Nanki
Il y a quelques jours, j’ai fait le nécessaire pour regarder Ici s’achève le monde connu de Anne-Sophie Nanki. Un court métrage d’une vingtaine de minutes. Les fictions réalisées et produites par des artistes de l’Outre-Mer, d’Océanie et d’Afrique que l’on peut voir assez facilement restent rares. Et ces productions sont très nettement désavantagées en termes de diffusion. Il est beaucoup plus facile et plus simple de trouver des salles de cinéma pour y voir quantités de productions occidentales- pour simplifier– bien plus largement distribuées et aussi mieux annoncées.
Je suis amateur de cinéma mais j’ai beaucoup moins de disponibilité qu’auparavant pour aller chercher des films qui passent dans deux ou trois salles de cinéma, pour une durée très limitée, et seulement à certains horaires. J’opte donc régulièrement pour la facilité qui consiste à aller voir dans une salle ce qui est déjà facilement visible ou plus ou moins visible devant moi. Dans des salles de cinéma que je connais et où j’ai mes habitudes :
Je cherche moins qu’avant dans les « coins », dans les productions plus ou moins discrètes ou les festivals dont on parle beaucoup moins.
Mais pour Ici s’achève le monde connu, je me suis obligé à aller contre certaines de mes habitudes de facilités. Le titre et l’affiche du film, ainsi que quelques avis favorables aperçus, m’ont donné le coup de pouce pour franchir la ligne du regard. J’ai regardé Ici s’achève le monde connu deux fois de suite. En ligne. Je le regarderai peut-être encore à nouveau tant qu’il sera disponible en ligne gratuitement. On pourrait penser que mettre un film en ligne le rend plus accessible. Mais c’est sous-estimer à quel point nous pouvons être dispersés ou captés par diverses sollicitations visuelles. Comme le fait que nous pouvons aussi préférer une certaine passivité à l’image de ces personnes affalées dans un transat, canapé ou lit bercées par l’action de prendre aucune décision.
L’histoire de Ici s’achève le monde connu se déroule en 1645. Nous sommes en 2024. En 2024, en France, de quoi nous parle-t’on le plus en ce moment ? :
Des agriculteurs français qui, à nouveau, bloquent certaines routes et qui pourraient arriver jusqu’à Paris ? Suspense écrasé. De la guerre en Ukraine qui s’enlise. De la possible réélection/ré-érection assez « crainte » de Donald Trump aux Etats-Unis ?
De l’armée israélienne et des milliers de Palestiniens tués en représailles à l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023. Des migrants qui se noient en plein mer ou qui se font refouler ou expulser. Des Jeux Olympiques en France de 2024, c’est cette année, dans six mois. De la nomination récente de Gabriel Attal comme Premier Ministre à la suite d’Elizabeth Borne et des défis qui l’attendent en tant que nouveau chef du gouvernement, plus jeune Premier Ministre de France et premier homosexuel à ce poste, qui devrait faire ceci, qui devrait faire cela pour plaire à tout le monde sans trop gêner le jeune Président Emmanuel Macron qui l’a choisi. De Rachida Dati, figure -et alibi- politique psychopathe, revenue dans le défilé de mode médiatique nommée pour casser des bras et embarrasser l’adversité plus que pour la Culture pour laquelle elle a été officiellement nommée Ministre. Du prix de l’électricité et de l’essence qui gonfle. De la crise immobilière.
En ce moment, en France, en 2024, c’est l’hiver. Il arrive qu’il fasse froid. Qu’il y ait de la neige. Certains partent faire du ski ou envisagent de le faire. D’autres ne le peuvent pas.
Il fait assez gris par moments. Même si les jours se rallongent, même s’il y a des très bonnes séries télévisées à regarder et que nous sommes de plus en plus en symbiose avec nos téléphones portables et nos écrans garants de notre photosynthèse personnelle, même s’il y a encore les soldes, nous sommes dans une période de l’année, voire de notre vie, passablement déprimante ou tâtonnante. Une nouvelle fois.
Même si l’on sourit et que l’on affirme que l’on a plein de projets, autour de nous et près de nous, il y a toujours beaucoup de personnes isolées et plus captives de leur destinée qu’elles n’en sont les grandes décisionnaires. Et, l’on peut se dire ou murmurer quelques fois :
« C’était mieux avant… ».
La réalisatrice Anne-Sophie Nanki a dit dans une interview qu’elle aurait aimé qu’on lui raconte des histoires comme celle de son film Ici s’achève le monde connu. Son court métrage est bien vu par la critique et bénéficie de bons échos. L’acteur et réalisateur Jean-Pascal Zadi, qui a commencé à être plus connu depuis son film Tout simplement noir ( Tout simplement Noir), dit beaucoup de bien de son film.
Ici s’achève le monde connu a reçu plusieurs prix et a été présélectionné dans la catégorie Meilleur court métrage pour les Césars 2024. J’en profite pour saluer Claire Diao, qui, je le sais, œuvre depuis des années maintenant, avec les personnes qui travaillent avec elle, à faire en sorte que le cinéma d’Outremer, d’Océanie et d’Afrique soit autre chose qu’un cinéma d’Outre-tombe.
Dans Ici s’achève le monde connu, nous sommes en 1645. Il fait beau. Nous sommes dans les Antilles françaises, en Guadeloupe.
Pas de Poutine. Pas de Chine. Pas de Donald Trump. Pas de Hamas. Pas d’armée israélienne. Pas de risque de guerre mondiale, de catastrophe nucléaire, de déclin écologique. Ibatali, une jeune femme enceinte jusqu’à l’os, une indigène Kalinago, marche péniblement dans la forêt. Elle s’enfuit.
Elle souffre, oui, mais elle est libre. Elle a été vendue à 14 ans comme esclave par son père à des colons blancs. Elle part retrouver sa famille. Courageusement. Sans Mondial Assistance et sans transports en commun. Sans téléphone satellite.
Ibatali doit avoir à peine la vingtaine et a conclu que la vie, pour elle, parmi les blancs, ce n’est pas pour elle. Pour elle, aussi, finalement :
» C’était mieux, avant… ». Avant la colonisation. Avant d’être vendue.
Ibatali essaie de franchir une rivière. Dans Le seigneur des anneaux, c’est en franchissant une rivière magique, qu’Aragorn, presque défunt, récupéré à cheval par celle qu’il va aimer, échappe aux créatures de mort qui les poursuivaient sur leurs étalons. Ibatali, elle, glisse sur une roche et se rétame. Elle arrive sur le dos. Lorsqu’elle parvient à se redresser, difficilement, elle aperçoit un homme noir à moitié nu qui s’avance lentement dans l’eau vers elle un peu comme un serpent qui la regarde. Rien de comparable avec le portrait de l’ange Gabriel blond aux yeux bleus ou du coup de foudre que l’on peut avoir pour le prince charmant aperçu sur un site de rencontres. Ibatali prend une raclée mentale. Autant dire qu’elle a peur. L’homme noir, c’est un film d’horreur aussi vivant qu’il respire. C’est le pire de l’Humanité. Pire que l’esclavagiste et ses chiens. L’homme blanc, même s’il peut être très violent, comme un alcoolique lorsqu’il a trop bu, appartient au moins à une espèce supérieure et conquérante. Alors que l’homme noir…d’ailleurs, l’homme noir n’est même pas un être humain. Pourquoi ai-je utilisé le terme de « homme » ?
Parce-que j’étais en train de rêver. Ou par conflit d’intérêt.
Parce-que je suis un complice : Un « homme » noir. Et parce-que depuis Ibatali et Olaudah (la « chose » noire nous donne son prénom et sa signification plus tard), beaucoup de femmes et d’hommes noirs ont accédé à certains enseignements tels que celui qui consiste à se servir d’un clavier d’ordinateur afin de domestiquer et écrire leurs pensées pour les faire paraître sur internet ( sur un blog !) dans une langue que le monde occidental blanc peut aussi comprendre et plus ou moins accepter (oui, oui, oui !). Puisqu’il s’agit de la langue du monde occidental blanc (oui, oui, oui !).
D’esclaves et de migrants forcés, nous sommes devenus des citoyens intégrés et plus ou moins acceptés selon les circonstances. Gabriel Attal, nouveau Premier Ministre en 2024, est peut-être jeune et homosexuel mais il est blanc et a fait les (très) bonnes écoles qui mènent au Pouvoir. Rachida Dati, notre nouvelle Ministre de la Culture, maire précédemment du très «pauvre » 7ème arrondissement de Paris, a beau avoir des origines sociales modestes et être Arabe mais c’est pareil. Elle, aussi, a fait les très bonnes écoles. Et, comme Attal vraisemblablement, elle se distingue par une aptitude stratégique hors norme et remarquable en termes de plan de carrière qui ne s’apprend pas dans les écoles. En comparaison, toutes mes années de travail et mes études ont la valeur et la force d’un simple aérosol et, pour eux deux, je suis à peu près l’équivalent d’une Ibatali ou d’un Olaudah. Bien-sur, si on les interrogeait, les deux affirmeraient le contraire mais ils peuvent mentir.
Ai-je aimé Ici s’achève le monde connu ? J’ai aimé la rencontre entre un esclave d’origine africaine qui s’est enfui (ce que l’on appelle un Nègre marron) et une représentante du peuple «premier », d’avant la colonisation. C’est peut-être ça qu’a voulu dire Anne-Sophie Nanki lorsqu’elle a déclaré qu’elle aurait voulu qu’on lui raconte des histoires de ce genre :
Que s’est-il passé, au moment de la colonisation, quand un esclave africain ou une esclave africaine a rencontré une membre ou un membre du peuple premier ?
Car le peu que nous « savons », c’est que les Arawaks, les Caraïbes, les Kalinagos ou d’autres auraient très vite décliné après l’arrivée ( l’intrusion ?) des colons européens. Qu’ils auraient succombé aux maladies importées par les colons et leur « pureté » ; qu’ils n’auraient pas survécu à l’esclavage ou qu’ils auraient été rapidement laminés par les armes. Ils auraient disparu ou se seraient évaporés rapidement comme dans un rêve.
Mais c’est flou.
Des femmes et des hommes indigènes ont continué d’exister pendant la colonisation des Antilles. Mais on a peu de récits de cette période. Comme le dit le jeune enfant à propos de sa mère disparue qu’il n’a jamais connue dans le film Le Cheval venu de la mer réalisé par Mike Newell en 1992 :
« Je n’ai pas image ».
Enfants des Antilles que nous sommes, nous n’avons pas d’images de cette époque de la colonisation où, pourtant, pour nous, notre vie a débuté par nos ancêtres. Comme si nous étions nés et que nos parents n’avaient jamais pris et laissé de photos d’eux et de nous, plus jeunes. Et que l’on était déja passé directement à l’âge adulte lorsque l’on pu se regarder, pour la première fois, dans un miroir.
Beaucoup de nos images et de nos histoires ayant été privées de tirages, on peut parler pour beaucoup de nos ancêtres d’une existence entière soumise au tirage au sort :
« C’est toi et ta chance… ».
L’Histoire des Antilles a d’abord été (d)écrite par des descendants de blancs qui avaient d’autres priorités et d’autres aspirations que les esclaves et les Indigènes présents en 1645 puis les années suivantes :
S’il était demandé à Emmanuel Macron, Gabriel Attal, Rachida Dati, Poutine, Trump, et d’autres de raconter les événements importants qui les auront marqués à la fin de cette année 2024, il est certain qu’ils évoqueront des sujets très différents de ceux auxquels je peux tenir dans ma vie personnelle de simple citoyen. Donc, si eux et moi avions à écrire de notre point de vue l’année 2024 actuellement en cours, il est prévisible que les contenus de nos ouvrages seraient très éloignés les uns des autres. Mais ils pourraient, aussi, par endroits, se compléter de manière étonnante à condition que ces personnes soient capables de sincérité et d’introspection. Ce qui reste à vérifier. Car la capacité de sincérité et la capacité d’introspection sont sans doute incompatibles, sur le long terme, avec certaines fonctions de dirigeants mais aussi avec certaines carrières.
Je crois que Anne-Sophie Nanki, elle, a réalisé une œuvre sincère en se livrant à une certaine introspection. Je préfère d’ailleurs comprendre son intention à travers ce film de cette façon plutôt que de le voir comme une énième création antillaise où on doit nous parler à nouveau de l’esclavage et de ses conséquences- réelles- sur notre descendance :
Etant donné que l’on ne nous dit rien à propos de ce qui a pu se passer, humainement, lors de cette rencontre un peu du troisième type entre une personne africaine et une personne indigène, mais aussi, avec un colon blanc européen, essayons d’imaginer comment c’était, comme cela a pu être.
Les réalisatrices et les réalisateurs de cinéma (ainsi que les auteurs et les artistes d’une manière générale mais aussi des enquêteurs et des journalistes) passent leur temps à faire ça. A partir d’un fait réel, essayer de raconter ce qui a bien pu se passer dans l’intimité – et la tête- des gens.
Le dernier film de Todd Haynes, sorti récemment, dont les critiques sont plutôt bonnes, en est un exemple parmi beaucoup d’autres. Pour son May December, avec les actrices Natalie Portman et Julianne Moore, des actrices blanches et américaines (Natalie Portman est israélo-américaine) plus que reconnues, Todd Haynes, réalisateur également reconnu (blanc et américain également) est parti d’une histoire réelle pour raconter « son » histoire et faire son film . Avec le concours et la subjectivité des actrices et des acteurs engagés dans le projet.
On peut penser ce que l’on veut de ce qui est montré ou affirmé dans le film de Todd Haynes d’autant que celui-ci s’est inspiré librement de la vie de deux personnes ( et de leurs proches) réelles qui avaient par ailleurs raconté et fait publier leur histoire par écrit. Mais en voyant ce film (je l’ai vu quelques heures après avoir regardé Ici s’achève le monde connu) on peut se dire qu’il y a du « vraisemblable » dans May December. Même si je reproche à Todd Haynes d’avoir fait un film finalement assez convenu où la femme ( jouée par Julianne Moore), civilement plus mature et coupable d’un point de vue légal et moral que son amant qui avait 12 ou 13 ans au début de leur relation avant de devenir son mari, est quand même pointée du doigt à la fin du film comme il se doit.
J’ai préféré les autres films de Todd Haynes, perçu comme un réalisateur assez anticonformiste, et, pour moi, Natalie Portman, malgré toute son application, et son statut de comédienne encensée et oscarisée, reste une actrice plate, froide, très propre sur elle, et ennuyante. Soit tout le contraire d’une Julianne Moore, d’une Virginie Efira ou d’une Laure Calamy.
Les deux acteurs de Ici s’achève le monde connu le jouent bien.
Sauf un peu au début où il y a quelques accrocs dans le regard de Ibatali ( la comédienne Lorianne Alami Jawari). Ma préférence va à Olaudah ( le comédien Christian Tafanier) :
Le « sauvage ».
J’écris « Le sauvage » car c’est comme ça que Ibatali le voit. Et c’est comme ça que le colon blanc- ou autre- le voyait ou le voit encore.
Anne-Sophie Nanki a voulu croire possible une telle rencontre plutôt « moderne » où un esclave en fuite se préoccupe d’une femme enceinte, donc porteuse d’avenir. Dans Les fils de l’homme très bon film mal connu de Alfonso Cuaron (2006), la grossesse d’une jeune femme noire migrante représente l’espoir dans un monde moderne où l’humanité est devenue stérile. Et le héros, joué par l’acteur Clive Owen la protège.
On pourrait voir le personnage de Olaudah comme une version avant-gardiste de Clive Owen. Sauf que l’on est dans un autre monde que celui de Les fils de l’homme.
Olaudah est clandestin, isolé et menacé. Les colons veulent sa peau. Et il n’y a pas de Garde des Sceaux favorable aux esclaves à cette époque.
Dans le Django Unchained ( 2012) de Tarantino, Django, interprété par Jamie Foxx, est un esclave noir à cheval libéré et habile de la gâchette qui désarçonne et dérange le Nègre (extraordinairement bien joué par Samuel Jackson) fondu dans le modèle du Maitre blanc ( très bien joué aussi par Léonardo dicaprio ). Le film a un côté spectaculaire et excessif afin de conjurer l’accablement de cette époque ainsi que la honte et la culpabilité qu’ont pu engendrer chez certains le régime esclavagiste et la traite négrière. C’est un film de « détente » où Django est intrépide mais aussi allié à un blanc abolitionniste et aventurier qui sait se servir d’une arme. Soit des anomalies assez peu crédibles dans l’époque où se déroule l’action même si la guerre de Sécession ( 1861-1865) couve et avec son issue la fin de l’esclavage.
Dans Ici s’achève le monde connu, l’atmosphère est plus réaliste et, aussi, plus tentaculaire. Nous sommes dans les débuts de la colonisation deux cents ans plus tôt dans les Antilles françaises. L’ Etat français fait partie des Etats négriers et esclavagistes de l’époque. Une époque qui va durer deux bons siècles. Soit bien plus longtemps que la durée de vie moyenne d’un être humain ordinaire. Il n’y a pas de super héros. Il n’y a pas d’intervention d’une Force autre que celle dont disposent les protagonistes et qui s’accompagne de leurs émotions, de leur audace et de leurs tâtonnements.
Nous sommes enracinés voire enchevêtrés dans le film. Nous marchons avec eux. Et le fait de laisser enfouis « hors champ » les blancs colons fait partie des aimants du film. Non pour les ignorer et les exclure car ils font partie de l’Histoire de toute façon. Mais parce-que cela permet de plus se concentrer sur l’Histoire des « autres », ces astres que l’on ignore ou que l’on a ignorés. Parce-que cela permet de donner plus de place à ces personnes qui, autrefois ( ou aujourd’hui ) occupaient et occupent majoritairement l’espace et que, pourtant, on ne voit pas ou que l’on voit très peu que ce soit dans nos miroirs ou dans nos images.
J’espère que Anne-Sophie Nanki réussira à mener à bien son projet de donner une version long métrage de son Ici s’achève le monde connu.
Enfant, lorsque nous descendions vers la station du bus 304 en passant devant le théâtre des Amandiers, à Nanterre, il me fallait multiplier les pas pour diviser l’allure de ma mère.
Je trottinais à côté d’elle sans toujours connaître la destination.
Un jour, alors que nous chevauchions le macadam depuis plusieurs minutes et que nous nous rapprochions du but, la station de bus, ma mère, après m’avoir interrogé, malgré mes réponses et plusieurs hésitations, avait décidé de rebrousser chemin.
Elle n’était pas sûre d’avoir bien fermé le gaz dans la cuisine de notre appartement en partant. Nous avions dû remonter jusqu’au sixième étage de l’immeuble.
Bien-sûr, elle l’avait fait.
Enfants, nos parents sont les archers, mais aussi les cochers ainsi que les sillons de nos horizons. La cible, pour nous, et les moyens de l’atteindre, peuvent être assez flous. Mais nous suivons.
Quelques années et des milliers de kilomètres plus tard, je me retrouve ce 25 décembre 2023 avec ma mère ( Tuer des noix de coco ) à la Pointe des Châteaux, en Guadeloupe.
Ma précédente venue en Guadeloupe remontait à 2014 avec ma compagne et notre fille alors à peine âgée de un an. Pour ce séjour, il m’importait de venir seul en tant que fils aîné. Mon père avait eu des ennuis de santé assez prononcés quelques semaines plus tôt. Ma mère m’avait exprimé son souhait que je puisse venir avant la fin de l’année 2023.
Pour l’année 2024, j’ai entre-autres le projet de retourner au Japon après mon premier séjour là-bas en 1999. Et, cette fois, ce sera en bénéficiant du séjour organisé par Léo Tamaki, expert en Aïkido ( Dojo 5 , Les 24 heures du Samouraï au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2ème édition ), qui nous a préparé des rencontres avec des Maitres d’Arts martiaux ainsi que la visite de lieux culturels à forte valeur ajoutée.
Il m’était nécessaire, même si je retournerai bien-sûr en Guadeloupe, d’aller voir mes parents avant ce nouveau voyage au Japon ainsi qu’à toute autre destination où je me rendrai.
La Pointe des Châteaux et la plage de Raisins clairs à St François.
Pourquoi la Pointe des Châteaux et la plage de Raisins clairs ? C’est arrivé comme ça.
Je dois à J…ancien collègue croisé à l’hôpital de Pontoise dans les années 90, un peu plus jeune que moi de deux ou trois ans et qui a grandi en France comme moi, de m’avoir fait découvrir une petite partie de cette Guadeloupe touristique que j’ai longtemps méconnue.
Au point de me retrouver en France dans des situations honteuses :
Je n’oublierai pas ce moment où une « connaissance » toute contente d’apprendre que j’étais originaire de la Guadeloupe avait commencé, enthousiaste, à égrener devant moi la liste de ces endroits magnifiques qui l’avaient émerveillée durant ses vacances en Guadeloupe.
Je l’avais regardée comme un idiot censé s’exprimer à propos d’un tableau extraordinaire que tout le monde admire et qu’il n’a jamais vu. Ou comme un croque-mort en train d’assister à l’expression exagérée d’un bon moment.
Si, quelques années plus tard, J…m’avait quelque peu déniaisé, j’avais néanmoins été surpris par la suite, en apostrophant mon père, de l’entendre se défendre en Créole de la façon suivante :
« Mais ce sont des endroits où, même moi, je ne suis jamais allé !».
Mon père qui patrouillait sur les routes de la Guadeloupe durant deux mois, nous trimballant de temps à autre sur la plage, pour rencontrer (beaucoup) de personnes dont un certain nombre faisait mine de s’intéresser à nous quelques secondes ou de m’apprendre « Je t’ai vu quand tu étais tout petit… » avant de recommencer à discuter avec mon père comme si je n’avais jamais existé, n’était jamais allé au Saut de la Lézarde !
Cela se trouve à Petit-Bourg, commune où il était né, où il avait grandi, où il revenait passer une grande partie de ses vacances chez ses propres parents et où j’avais passé mes tous premiers jours de vacances en Guadeloupe en 1975.
« La Guadeloupe, c’est ton pays ! » m’avait pourtant plusieurs fois répété mon père avant que, enfant, nous n’allions à nouveau prendre l’avion avec la compagnie Air France pour deux mois de vacances estivales lors des congés bonifiés.
Entre 1975 et 1986, avec mes parents, aucun de nos séjours en Guadeloupe ne nous a mené jusqu’à la Pointe des Châteaux. Il est ainsi un certain nombre d’endroits plébiscités par les touristes ou les personnes un peu curieuses en Guadeloupe dont j’ai pu, parfois, entendre le nom, sans jamais y mettre les pieds.
Par contre, La plage de Raisins clairs, à St François, est un de mes premiers souvenirs de plage ou peut-être mon premier souvenir de plage en Guadeloupe en 1975.
Lorsque l’on vient de l’île de la Basse Terre, comme mes parents, il faut faire un peu de route pour se rendre à St François, commune située en Grande Terre. C’est sûrement possible en car mais le plus pratique reste la voiture. Il n’existe pas de ligne de RER, de métro, de train ou de TGV en Guadeloupe.
Avec J, sa copine et d’autres …nous étions partis de la commune de Morne à L’eau. Ce 25 décembre 2023, ma mère et moi sommes partis de la commune de Ste Rose. C’est plus long. Une bonne heure de route. C’est peut-être pour cette raison que mon père a préféré rester à la maison. On peut en effet avoir l’impression de partir pour le bout du monde.
Mais, cette fois-ci, pas de course-poursuite à côté de maman puisque je conduis la voiture de mon père. D’ailleurs, c’est moi qui ai attendu ma mère dans la voiture tandis qu’elle finissait de se préparer. Ainsi, elle a sans doute pu prendre le temps de s’assurer que le gaz était bien fermé.
Son sac à main sous le bras, alors qu’elle regarde la Croix de la Pointe des Châteaux, je n’ai aucune idée de ce à quoi peut bien penser ma mère. Et, si je sais que l’on peut apercevoir l’île de la Désirade, j’ignore toujours la raison de cette Croix. J’ai même appris la veille dans un guide touristique qui date de plusieurs années- que m’a remis ma mère- que la Pointe des Châteaux serait le site touristique le plus visité de la Guadeloupe avec environ 500 000 personnes par an.
Cette forte affluence cause d’ailleurs des dégâts écologiques. S’il y a assez peu de voitures lorsque nous nous garons et que je trouve assez facilement une place de stationnement, je suis aussi étonné de voir un ou deux guichets touristiques où l’on propose des promenades en kayak ou des randonnées. Je ne me rappelle pas de ça.
Etant donné l’heure de notre arrivée, près de 13 heures, et la chaleur, je propose d’abord de nous restaurer au restaurant La Saveur du soleil que je découvre.
Mais la cuisinière n’est pas encore arrivée ou n’est pas encore revenue. Alors, nous partons pour la Croix, ma mère et moi. Et, chemin faisant, je lui porte son sac et sa bouteille d’eau minérale.
Nous avançons tranquillement. L’endroit m’attire pour sa symbolique et son point de vue.
Lorsque nous arrivons près de la Croix, il y a encore à peine dix personnes. A l’aller comme au retour, nous y avons rencontré principalement des francophones, plutôt adultes, et majoritairement blancs. Lesquels, dans leur ensemble, ont soit devancé nos salutations soit nous les ont « rendues ».
Quelques minutes plus tard, ma mère et moi avons l’endroit pour nous deux. Si l’on peut sans doute s’y plaire en amoureux ou en famille, ou en tant que photographe ou artiste peintre, je trouve que l’on peut aussi aimer y venir pour se recueillir.
Ce n’est qu’une fois en bas, que ma mère m’apprendra que c’était la première fois qu’elle montait jusqu’à la Croix de la Pointe des Châteaux. Quelques années plus tôt, avec son club de randonnée, elle avait marché vingt kilomètres pour s’arrêter au bord de la plage et apercevoir la Croix qui pointait à l’horizon.
Devant moi, ce 25 décembre 2023, ma mère ne se rappelle pas la raison pour laquelle elle et son groupe de marche s’en étaient tenus à ce trajet. Peut-être que quelqu’un, dans le groupe, s’était-il soudainement rendu compte qu’il avait oublié de fermer le gaz chez lui ?
A notre retour de la Croix, entre-temps, la cuisinière de La Saveur du soleil a pu revenir. Nous commandons notre repas.
Si le service a été un petit peu long, j’ai été très agréablement surpris par l’originalité, la quantité et la qualité de ce que nous avons mangé. J’avais commandé le dernier bokit à la morue disponible. Ma mère en avait pris un au poulet. Le bokit, servi également avec une salade accompagné d’une très bonne vinaigrette, est croustillant et n’est pas en « plâtre » ou gorgé d’huile. Le poulet adressé a été grillé sur la braise.
On nous a aussi servi une purée d’igname et de giraumon faite sur place. En dessert, nous avons eu une très bonne salade de fruits locale.
Après notre repas, je suis allé féliciter le personnel. J’ai appris que La Saveur du Soleil existait depuis au moins une vingtaine d’années, ouvert au départ par le père d’une des employées. Et que la carte visait à essayer de renouveler la cuisine traditionnelle de la Guadeloupe.
Ensuite, nous sommes partis pour la plage de Raisins Clairs où, muni d’un de mes masques d’apnée, j’ai pu faire des bulles dans l’eau pour la première fois depuis mon embolie pulmonaire, courant novembre.
Depuis mon retour de Guadeloupe, j’ai l’impression d’avoir une petite vie. Ainsi qu’une petite bite. Cela a commencé dans l’avion, pendant le vol du retour, alors que je voyais la Guadeloupe parcheminée et électrifiée de lumière s’éloigner tout en bas. Je ne crois pas que partir vivre en Guadeloupe me donnerait plus de virilité.
Et, je crois être suffisamment immunisé contre la croyance qui consisterait à idéaliser tout le bleu que l’on peut y trouver.
Mais dans l’habitacle de l’avion suspendu dans l’air, alors que je regardais à travers le hublot, je me trouvais évidemment au chevet de mes pensées et de ma conscience. Dans un de ces moments, où, telles des vagues, certains reflets de notre lucidité nous parviennent puis repartent ou disparaissent si on les laisse faire. Si on l’accepte. Si on les rejette.
J’écris aussi pour essayer d’avoir une (plus) grande vie. Si j’ai eu l’impression d’avoir une petite vie, c’est sûrement parce-que, soudainement, dans l’avion, je me suis aperçu que j’avais trop souvent pris soin de certaines conventions au détriment de mon inspiration et de mon intuition. Et, chaque fois que j’écris, j’essaie de remédier à ce détournement.
J’étais en train d’écrire, il y a quelques jours, chez mes parents, à Sainte-Rose, lorsque devant le « studio » (plutôt un F2 d’une bonne cinquantaine de mètres carrés), j’ai commencé à entendre un bruit répété et plutôt sec. Malgré mes dix séjours ici depuis mes sept ans, entre 1975 et 2023, je n’ai pas identifié ce bruit.
Citadin né et éduqué en région parisienne, je suis ce que mes compatriotes peuvent appeler un Moun Frans’( terme plutôt méprisant au départ pour désigner celle ou celui qui est né(e)ou qui a été « fait(e) » en France ). J’avais sept ans la première fois qu’en colère, une mère, à Morne-Bourg, m’avait traité de Moun Frans’ pour une maladresse que j’avais dû faire.
Depuis, j’ai transformé cette expression de Moun Frans’…en Moon France. Cet article est dans la catégorie Moon France et Voyage de mon blog.
Mais il y a aussi l’expression » C’est un bounty ! » que m’avait apprise un collègue d’origine guyanaise. Aucun rapport avec les révoltés du Bounty. Le ou la bounty, c’est celle ou celui qui ne connaît pas son pays ( ici, la Guadeloupe) :
Noir(e) à l’extérieur et blanc/che à l’intérieur. Une vraie lessive. Plus blanc/che que blanc/che.
Il y a aussi l’expression Négropolitain. Celui-ci n’a rien à voir avec le Napolitain.
Il y a quelques jours, donc, alors que j’étais encore en Guadeloupe chez mes parents, le Moun Frans’/ bounty/ négropolitain que je suis qui était occupé à écrire sur son ordinateur portable a voulu, une fois de plus, en savoir plus.
J’ai ouvert les portes en bois du studio.
C’était ma mère, 75 ans, debout en haut d’un escabeau, son sabre (une machette) à la main. Elle finissait de tuer (cueillir) une grappe de noix de coco. Mais aussi de nettoyer l’arbre.
Je suis allé la rejoindre. A peine trois mètres nous séparaient. J’étais resté sur l’idée, dont elle m’avait informé la veille, que ce matin, elle partirait faire de la marche à 5h30. J’avais oublié cette histoire de noix de coco dont elle m’avait parlé un ou deux jours plus tôt.
Ma mère n’avait pas encore pris son petit-déjeuner tout comme moi. Dans la brouette se trouvaient une dizaine de noix de coco et une grappe de bananes poyo.
Elle est partie chercher des feuilles de patchouli. Et, en se servant d’eau de pluie qu’elle avait versée dans un seau, elle a lavé les noix de coco « Car les rats montent dans l’arbre » m’a-t’elle expliqué.
Alors qu’elle s’activait, debout et courbée devant moi, je lui ai demandé :
« Tu ne t’assieds pas ?! ».
Tout en continuant, elle m’a répondu :
« Le banc est là -haut, dans la maison. De toute façon, je n’en n’ai pas pour longtemps… ».
« Moi, aussi, je n’en n’ai pas pour longtemps… ». Je suis parti lui chercher le banc. Ma mère s’est assise dessus sans rien dire avec un certain soulagement.
Nous avons continué de discuter tandis qu’elle s’affairait. L’aider ? Je l’aurais plutôt ralentie.
Ensuite, ma mère m’a montré des pieds de patchouli, de dafalgan, d’efferalgan. Je les ai sentis pour essayer de les retenir dans ma mémoire.
En 2023, on opposait et on classifiait généralement les gens selon leur réussite sociale et économique, leurs caractéristiques culturelles, physiques et personnelles ou d’après la plaque d’immatriculation de leur véhicule.
En 2024, ce sera identique.
Nous nous imprégnons tous des conventions que nous apprenons et voyons dans l’environnement dans lequel nous grandissons. Cela nous influence et contribue à faire de nous, quel que soit notre Pouvoir et notre Savoir, des êtres plus ou moins performants, plus ou moins adéquats, plus ou moins désirables et plus ou moins heureux.
Ma mère, aide-soignante en réanimation pendant des années en région parisienne – jusqu’à son départ en pré-retraite en 1999- a vécu en France un peu plus de trente ans tout comme mon père. Tous deux avaient une vingtaine d’années lorsqu’ils ont quitté leur Guadeloupe natale à la fin des années 60.
Ces gestes qu’elle a accomplis pratiquement devant moi, tuer des noix de cocos, les laver, elle ne les a pas appris à Sciences Po. Elle les avait appris bien avant que je n’entende ces mots de Sciences Po pour la première fois.
Jamais, en France, je n’ai vu ma mère et mon père tuer des noix de coco. Que ce soit devant notre immeuble HLM ou dans le jardin de ce pavillon de banlieue qu’ils avaient fini par acheter à crédit à Cergy-Pontoise au milieu des années 80 en s’éloignant de trente kilomètres de la ville de Nanterre où ils avaient continué de travailler. Elle, à l’hôpital et lui à la Poste.
J’ai demandé à ma mère :
– Qui t’a appris à faire ça ? ».
– Je ne sais pas. Un frère ou ma mère. J’ai dû voir faire quelqu’un. Quand tu vois faire, ensuite, tu essaies de faire pareil…..
– Tu avais quel âge quand tu as appris ça ? .
– J’étais jeune…je devais avoir 10-12 ans…..
Ce que j’ai appris et ce que j’apprends me permet de l’écrire quand j’y pense. Mais pas toujours de l’appliquer ou de le vivre. Eduqué ou bien éduqué, je pourrai sans doute parler du livre Une soudaine liberté de Thomas Chatterton Williams ou de Le Cœur sur la table de Victoire Tuaillon, le livre que j’ai le plus offert à la fin de cette année 2023. Mais cela ne me permettra pas de connaître l’usage d’un sabre et de tuer des noix de coco comme ma mère ou mon père.
Bien-sûr, par chez moi, en région parisienne et là où je réside principalement, les cocotiers, s’il y en a, savent se tenir à distance de la connaissance et de la vue telles ces créatures fantastiques ou légendaires dont on peut entendre parler.
Aussi, je n’ai pas une grande nécessité a priori à apprendre à me servir de cette machette fabriquée au Brésil (j’ai regardé) utilisée par ma mère afin de tuer des noix de coco.
On ne brille pas dans les soirées, sur une piste de danse, sur un plateau télé ou lors d’un casting en sachant tuer des noix de coco. On ne serre pas plus de meufs ou de mecs sur Insta, au travail ou à un barbecue en région parisienne ou dans une autre ville de France parce-que l’on sait faire pousser des ignames jaunes, occire un cochon comme un de mes oncles paternels et faire du boudin avec.
Ces Savoirs ont par contre toute leur importance à la campagne, en Guadeloupe et ailleurs, lorsque la recherche de la survie est au menu dans un milieu naturel, lors d’une guerre ou d’une catastrophe ou dans des émissions ou des films grand public tels que Koh-Lantah ou Hunger Games. Ou lorsque des touristes ou des voyageurs sont de passage et viennent découvrir « autre chose» qui les dépayse.
Sauf que chaque Savoir est entouré de ses croyances et de ses valeurs. De ses codes et de sa langue ou de son langage. Mais aussi de ses hameçons.
On peut se marrer devant certaines de ces croyances et de ces valeurs ou avoir du mal à les avaler mais il me semble pourtant que c’est comme ça dans chaque région du monde, dans chaque microcosme, aujourd’hui comme demain.
Imprégné des valeurs et des croyances campagnardes et traditionnelles de ma famille aussi bien paternelle que maternelle, même sans avoir jamais essayé de faire pousser un igname ou de tuer une noix de coco, j’ai été formé puis influencé par elles lors de mes voyages et de mes rencontres depuis des années.
Pour le meilleur et aussi pour le pire :
Il m’est arrivé d’être mal inspiré dans mes rencontres personnelles et intimes. Amicales comme amoureuses. Mais aussi pour prendre certaines décisions de tout ordre.
Et, en buvant ce matin-là, à jeun, avant mon petit-déjeuner, l’eau d’une des noix de coco que ma mère m’a ensuite tendu, puis en mangeant ensuite avec plaisir le lait qu’elle avait retiré de plusieurs de ces noix de coco, j’ai, sans même y penser, comme des milliards d’êtres humains en ce début d’année, renouvelé le pacte qui me liait à mes parents et à mes origines familiales.
Parce-que c’est d’abord eux qui m’ont appris ou montré comment vivre.
Ensuite, il faut grandir. Apprendre à lire et à ajuster ce que l’on a reçu.
Savoir transposer là où l’on est ce que nos parents- et nos maitres comme nos modèles- nous ont appris et montré en se taillant si possible une vie sur mesure qui, d’une part, les rassure, mais aussi, nous permet les meilleures aventures.
Il y a le mystère de la Joconde mais aussi de la disparition d’artistes aux débuts de carrière prometteurs. Pour moi, désormais, il y aura, aussi, le mystère du Covid.
Je « sais » que, désormais, on dit La Covid plutôt que Le Covid. Mais je reste sur la toute première formulation.
Aujourd’hui, je reste accroché à l’idée que le Covid que j’ai attrapé début septembre 2023 m’a donné mon embolie pulmonaire du début de ce mois de novembre 2023.
Même si un certain nombre de personnes autour de moi a pu l’attraper avant moi sans faire d’embolie pulmonaire par la suite.
Pour avoir cette idée, il m’a fallu, après avoir fait mon embolie pulmonaire et être sorti de l’hôpital la semaine dernière – le 22 novembre- effectuer quelques recherches sur le net qui m’ont rappelé que le Covid provoque ou peut provoquer des problèmes de thrombose et de coagulation du sang.
Un essoufflement anormal
Cela a commencé par un essoufflement anormal que j’ai ressenti le 3 novembre alors que je me rendais au pot de départ d’une de mes anciennes collègues et amie, Zara, au restaurant La Timbale, dans le 18 ème.
Je me suis senti étrangement fatigué. Mais j’ai mis ça sur le compte de la nuit que j’avais travaillée la veille. Ce devait être ça. Et puis, j’ai trouvé assez indigeste le repas que j’avais commandé à La Timbale. Bien que tous nos collègues semblent satisfaits de ce qu’ils avaient mangé.
Deux jours plus tard, j’avais toujours cet essoufflement anormal. J’estimais mon amplitude respiratoire diminuée pratiquement de moitié.
J’avais même l’impression d’avoir le diaphragme « bloqué ». Je savais que c’était impossible car si cela avait été le cas, j’aurais été en bien plus mauvais état. Mais je respirais mal. Avec un confort et une facilité bien moindres que d’habitude.
En amateur, pour mes loisirs, je pratique l’apnée en club depuis quelques années. Et, même avant cette expérience, j’avais ressenti l’importance de la respiration, que ce soit pour faire des massages, pour faire des étirements, pour me détendre ou pour réviser des katas de karaté….
Pour obtenir un certain équilibre, une certaine force mais aussi une certaine aisance, la respiration a beaucoup d’importance. Si on respire mal, on se retrouve amputé en partie de ça.
Infarctus pulmonaire
J’avais aussi mal sur le côté droit. J’étais un peu constipé. Je ne savais pas que j’avais commencé à faire une embolie pulmonaire due à un caillot de sang.
C’est l’un des pneumologues qui m’a vu le 21 novembre, dans ce service de pneumologie où je suis resté hospitalisé trois jours, qui, la veille de ma sortie de l’hôpital, me l’a appris :
« Le 3 novembre, votre embolie pulmonaire a commencé ».
Ce même pneumologue a employé les termes « infarctus pulmonaire ». Je savais qu’il employait ces termes sciemment. Pour bien me faire comprendre la gravité de mon embolie pulmonaire.
Un caillot et des médecins
Restait le mystère de ce caillot sanguin. Pour lui et ses deux collègues femmes, restées en retrait, spontanément, la piste pouvait être une phlébite voire devait être une phlébite. Alors, tandis que j’étais alité, il a encore été question de mes pieds.
Comme la veille avec ces deux femmes médecins, on a de nouveau regardé mes pieds.
Mais mes pieds n’avaient rien à déclarer. Ils n’ont pas doublé de volume lorsque j’ai commencé à être essoufflé. Et je n’ai ressenti aucune douleur particulière à une de mes jambes.
Pour expliquer l’origine de ce caillot, le Covid que j’ai attrapé en septembre a été la première suggestion que j’ai faite. Avec le rappel de mon vaccin contre l’hépatite B. Le fait de travailler de jour et nuit. Et la pratique de l’apnée.
Mes suggestions les ont laissé froids.
Le pneumologue m’a expliqué que je faisais peut-être partie de ces deux personnes sur dix qui font une embolie pulmonaire sans que l’on sache très bien en expliquer l’origine. Je ne croyais pas beaucoup à cette idée mais je n’ai rien dit.
La piste de mes facteurs de coagulation a aussi été envisagée. J’avais peut-être des problèmes de coagulation que j’ignorais. On m’a donc fait une prise de sang à ce sujet.
Une sortie rapide de l’hôpital
J’ai été étonné de pouvoir sortir aussi vite après une embolie pulmonaire (après trois jours d’hospitalisation). J’aurais accepté de rester deux jours de plus à l’hôpital. Et j’ai appris depuis que la durée moyenne d’une hospitalisation après une embolie pulmonaire serait de trois à cinq jours. Et le scanner thoracique, pelvien et abdominal que l’on m’a fait passer le jour de ma sortie a montré que je n’avais pas de cancer.
Mon caillot ne pouvait donc pas provenir d’un cancer.
Je suis sorti de l’hôpital il y a plus d’une semaine maintenant. Je vais de mieux en mieux. J’estime être à 60% de mes possibilités respiratoires et physiques.
Je considère que je vais mieux qu’avant mon hospitalisation et le diagnostic de l’embolie pulmonaire. Je suis moins essoufflé. Je ne ressens plus vraiment ma douleur basithoracique. Pendant environ deux jours, après ma sortie de l’hôpital, les antibiotiques que j’ai pris m’ont donné la diarrhée. Après en avoir pris durant six jours, je n’ai plus besoin de les prendre. Et, aujourd’hui, je vais à la selle comme tout le monde sans en mettre partout dans les toilettes. J’ai retrouvé l’appétit. Je dors correctement même s’il m’arrive de tousser encore un peu. Il m’est arrivé de cracher du sang mais c’est terminé.
Mon activité physique principale consiste à marcher. J’ai perdu un peu de poids. Deux à trois kilos. Mais cela me convient.
A l’hôpital, certaines recommandations m’ont été faites afin de me ménager.
Mais on a oublié de me dire qu’il me faudrait attendre entre trois et six mois avant de pouvoir reprendre la pratique de l’apnée. C’est le médecin fédéral du sport que je consulte de temps à autre qui me l’a appris plus tard lorsque je suis allé le consulter ce mardi 28 novembre non loin du Trocadéro.
On a aussi oublié de me dire qu’il me faudrait entre six mois et un an pour récupérer totalement de mon embolie pulmonaire. Car on récupère très bien d’une embolie pulmonaire à condition bien sûr d’être raisonnable. C’est mon thérapeute, ancien réanimateur, qui me l’a dit après ma sortie de l’hôpital lorsque je l’ai vu ce lundi 27 novembre.
A l’hôpital, on m’a appris que j’aurais un traitement anti-coagulant oral pendant au moins six mois et qu’il me faudrait attendre au moins un mois avant de pouvoir prendre l’avion en portant des bas de contention. Et que je serais aussi arrêté pendant quinze jours. Période d’arrêt maladie qui pourrait être prolongée par mon médecin traitant.
Les voies du caillot
En attendant de revoir en consultation le pneumologue mi-janvier, donc environ sept semaines après ma sortie de l’hôpital , avec une échographie cardiaque que j’aurais passée au préalable, je vois deux ou trois explications possibles au fait d’avoir « fait » un caillot qui m’a ensuite donné cette embolie pulmonaire.
La phlébite et mes pieds n’ont rien à voir là-dedans.
1) Le fait d’avoir du cholestérol un peu élevé dans le sang a pu m’exposer à la formation d’un caillot du fait du Covid qui perturbe la coagulation sanguine. ( 2,56 g/L de cholestérol total le 8 novembre, contre 2, 21 g/L hier, le 30 novembre 2023 pour une normale qui doit se situer au maximum à 2 g/ L de cholestérol total).
2 ) Le Covid à lui tout seul a pu perturber ma coagulation sanguine. Les résultats de mon bilan sanguin hier m’ont montré que mon dosage de plaquettes sanguines affiche un « score » de 444 Giga/L alors que la normale se situe entre 161 et 398.
J’aimerais bien que l’on m’explique ce chiffre de 444 Giga/L alors que j’ai désormais- depuis le 19 novembre- un traitement anticoagulant bi-quotidien pour une durée de six mois.
Le 8 novembre, donc cinq jours après le début de mon embolie pulmonaire, le même laboratoire avait trouvé un « score » de 234 Giga/ L pour mes plaquettes sanguines.
3) La conjugaison des effets des vaccins contre le Covid…et des effets du Covid.
Ma compagne, opposée aux vaccins contre le Covid et suspendue pour cela durant dix huit mois, m’a assez vite parlé des « vaccins » contre le Covid comme pouvant être la cause de ce caillot sanguin qui m’a donné cette embolie pulmonaire.
Je l’ai aussitôt contredite car je ne voyais pas le rapport entre mes trois doses de Moderna contre le Covid il y a deux ans et mon caillot début novembre 2023.
Je pouvais admettre que le Covid attrapé début septembre 2023 provoque la production d’un caillot début novembre 2023. Je trouvais par contre peu plausible que les trois injections d’un vaccin faites deux ans plus tôt provoquent « subitement » la production d’un caillot….
Parce-que je n’avais pas pensé à la synergie des effets des vaccins contre le Covid…avec les effets du Covid.
On sait que certains vaccins contre le Covid ont pu provoquer des troubles de la coagulation sanguine.
Je crois aujourd’hui que la rencontre entre les vaccinations contre le Covid et le Covid peuvent provoquer la production de caillot sanguin.
Cela varie selon les personnes et le moment où elles attrapent le Covid. Puisque je connais des personnes vaccinées contre le Covid qui ont attrapé le Covid par la suite sans pour autant faire d’embolie pulmonaire.
Pour l’instant, dans mon entourage, je suis a priori la seule personne que je connaisse à avoir fait une embolie pulmonaire deux mois après avoir attrapé le Covid pour la première fois. Et deux ans (ou trois) après avoir été vacciné trois fois contre le Covid.
Je ne suis pas diabétique. Je ne suis pas hypertendu. Je ne suis pas obèse. Je ne fume pas. Je bois peu d’alcool. Je suis assez sportif. Je ne suis pas dépressif. Mais je porte des lunettes tous les jours. Je fais parfois de l’humour, j’écoute assez peu de Rap, j’écoute de la musique de vieux, je fréquente des médiathèques et des bonnes boulangeries et j’aime le cinéma d’auteur en version originale. Même si j’aime aussi regarder des films grand public.
Vertueux mais vulnérable
Malgré toutes ces « vertus », j’ai attrapé le Covid dans un moment de vulnérabilité physique assez inhabituelle et importante.
Après ou alors que j’aidais mon frère à effectuer son déménagement fin aout ou début septembre alors qu’il faisait particulièrement chaud.
Plus de trente degrés.
Cet été, même si certains estiment que nous avons eu un été pourri, il a plusieurs fois été question de canicule.
Du fait de cette chaleur, le déménagement de mon frère a été physiquement particulièrement éprouvant. J’étais largement le plus âgé ( 55 ans pour une moyenne d’âge de 40 ans de mon frère et de ses amis) parmi ceux qui aidaient mon frère à déménager.
Et, c’était la première fois, lorsque je participe à un déménagement, que je doive décider d’arrêter ma participation parce-que j’étais très ou trop fatigué.
Donc, il y a eu un moment de vulnérabilité physique particulier avant que j’attrape le Covid ou lorsque j’ai attrapé le Covid. Car c’est peu de temps après, deux ou trois jours après ce déménagement, que j’ai appris avoir le Covid. Un des copains de mon frère a ensuite, lui aussi, attrapé le Covid.
J’ai été en arrêt maladie quelques jours. Et, attraper le Covid a été pour moi une très grande surprise. J’avais toujours été persuadé que je ne l’attraperais pas. Avec ou sans vaccin.
J’ai passé quelques jours chez moi sans difficulté respiratoire particulière. J’ai eu un peu de fièvre qui est passée très vite avec le repos sans prendre le moindre doliprane. J’ai été fatigué deux ou trois jours avec une perte d’appétit. J’ai peut-être un peu toussé. Puis, comme après mon arrêt maladie j’avais des jours de congés, j’ai très vite récupéré.
Du moins était-ce que je croyais lorsque j’ai repris mon travail mi-octobre 2023.
De l’épanchement pleural à l’embolie pulmonaire importante
Puisque, ensuite, environ un mois plus tard, cela a été une très grande surprise pour moi d’apprendre à l’hôpital où je m’étais fait hospitaliser au départ- le 19 novembre- pour un épanchement pleural que j’avais « une embolie pulmonaire importante ».
Cela faisait alors plus de deux semaines que je me sentais anormalement essoufflé (depuis le 3 novembre) et, à aucun moment, je n’ai pensé à une embolie pulmonaire.
A chaque fois que j’ai été par vu par un médecin, y compris aux urgences, je parlais de cet « essoufflement anormal » pour des efforts de la vie quotidienne, tels que le fait de monter des escaliers ou des escalators, qui, là, étrangement, me fatiguaient bien plus que d’ordinaire.
J’estimais mon amplitude respiratoire diminuée de moitié. J’avais aussi une douleur persistante sur le côté droit. J’étais constipé. Je n’avais plus beaucoup d’appétit.
Comme je gardais le moral, j’essayais de trouver ce que je pouvais bien avoir. J’ai pensé à une hépatite, à une péritonite, à une pancréatite voire à une appendicite.
Mais à aucun moment, je n’ai pensé à une embolie pulmonaire.
Stressé, angoissé, constipé et bronchitique
La femme médecin que j’ai consulté en premier début novembre m’a ausculté et examiné.
Elle a suggéré que j’étais peut-être « stressé » ou « angoissé ». Je n’ai pas voulu jouer au mec macho donc je n’ai pas protesté. Je suis reparti avec une prescription de doliprane, de flector et de Macrogol (contre la constipation). J’ai dû insister pour qu’elle accepte de me prescrire un bilan sanguin hépatique. Puisqu’elle estimait en prime abord qu’il me fallait aller voir mon médecin traitant pour me faire prescrire un bilan sanguin.
J’ai passé un test antigénique au Covid vers le 16 ou le 17 novembre. Le résultat a été négatif.
Puis, le 17 novembre, devant une radio pulmonaire normale, le résultat de mon bilan sanguin et mes quintes de toux, le second médecin que j’ai revu pour la seconde fois en une semaine m’a appris que je faisais une bronchite :
« Il n’y a que ça en ce moment ! ».
Il m’avait prescrit un bronchodilatateur la première fois. Le fait que mes transaminases soient élevées au delà de la normale ne l’inquiétaient pas. Il m’a répondu que cela restait élevé dans des proportions raisonnables. Ce médecin, que j’ai vu à deux reprises, ne m’a jamais ausculté et n’a jamais pris ma température. Mon temps de passage dans son cabinet, à chaque fois, a duré cinq minutes tout au plus.
L’ange au scanner
Le lendemain soir, aux urgences, dans la nuit du 18 au 19 novembre, on s’est focalisé sur mon épanchement pleural. Pour cela, il fallait m’hospitaliser afin de le ponctionner. Sauf que, dans la journée du 19 novembre, on ne voyait pas très bien à l’échographie où il se situait. Alors, il a été décidé de me faire passer un angio-scanner. Lequel a beaucoup aidé à localiser et révéler que je faisais « une embolie pulmonaire importante ».
Deux semaines pour diagnostiquer une embolie pulmonaire.
Ralentir
Il y a beaucoup à dire sur ce qui se peut se passer dans une vie en deux semaines. Bien-sûr, on peut imaginer le pire en se remémorant telle ou telle situation dans cet intervalle. Même si j’étais étonné par ce qui m’arrivait et ce que je ressentais de ce souffle qui continuait de me fuir, je n’ai pas paniqué. Je n’ai pas envisagé le pire. Même alors que j’en étais quelques fois à respirer un peu par la bouche debout dans des transports en commun bondés.
Ausculter
Pendant ces deux semaines, j’ai ralenti mon allure. J’ai arrêté de faire une partie de mon trajet pour le travail à vélo. J’ai uniquement pris les transports en commun. J’ai essayé d’assembler et de trouver des éléments de compréhension. J’ai un peu parlé autour de moi de ce qui m’arrivait. Jusqu’à ce qu’une de mes collègues infirmières, la plus qu’aimable Florence-Jennifer, dans notre service d’urgences médico-légales, le 18 novembre, alors que nous travaillions de nuit, me suggère de me faire ausculter par notre psychiatre de garde qui a entendu un épanchement pleural. Ce qui a amené mon transport par un de nos collègues aux urgences….
J’ai plutôt été « soulagé » que l’on me trouve un épanchement pleural. J’étais claqué. Je me disais que, enfin, on tenait quelque chose. Même si, pour respirer, j’avais l’impression de devoir tirer comme lors d’une bronchite asthmatiforme et que le bronchodilatateur avait en effet calmé mes quintes de toux, le fait d’être de plus en plus fatigué, de continuer de manquer d’appétit, d’être constipé, de me « refroidir » ( j’avais 38 degrés 2 aux urgences) me faisait comprendre qu’il manquait quelque chose au diagnostic.
Ausculter l’univers
Je n’ai pas de colère particulière concernant le temps qu’il a fallu pour débusquer cette embolie pulmonaire. Je ne suis pas médecin. Chaque être humain est un univers et le soigner et le comprendre est difficile.
Mais je comprends celles et ceux qui se sont beaucoup inquiétés pour moi ou qui sont en colère.
Et, j’ai aussi l’impression d’avoir été mal écouté par des personnes consciencieuses et travailleuses mais qui se sont laissées téléguider par une façon de penser assez stéréotypée ou qui n’ont fait que continuer de suivre la piste préalable signalée par d’autres sans essayer d’approfondir, de comprendre ou de remonter aux origines du « mal ».
Ce qui m’a été dit par les médecins, en résumé, après le diagnostic de mon embolie pulmonaire, c’est :
« Vous n’avez pas le profil ».
Tenir compte des signes
Moi, aussi, j’ai pensé et cru que je n’avais pas le profil. Mais un profil, c’est aussi une apparence. Alors qu’il faut aussi tenir compte des signes. Les voir et les écouter.
L’erreur principale, à mon avis, a été celle-là. Ne voir et ne regarder que le profil et se fermer au reste : l’essoufflement anormal, la douleur basithoracique. L’expérience de la personne qui consulte.
Quoiqu’il en soit, quoique l’on puisse penser de tout ça, ces surprises émanent, ici, du Covid. Que les vaccinations contre le Covid jouent un rôle ou non dans ce qui m’est arrivé avec cette embolie pulmonaire.
Mais une autre surprise est arrivée avec le Covid.
Le Covid en librairie
On parle du Covid maintenant depuis presque quatre ans. L’année prochaine, en 2024, on devrait entrer dans la cinquième année de « l’apparition » du Covid sur la scène publique et internationale. Il y a eu beaucoup d’avis, de controverses, d’examens, de recherches et de milliards consacrés au Covid.
Pourtant, lorsque cette semaine, que ce soit à la librairie La Procure ou à la médiathèque d’Eaubonne, j’ai cherché un livre qui synthétise ce que l’on avait appris de médical sur le Covid, j’ai été surpris de découvrir qu’il n’y en n’a pas.
A la très jolie et grande librairie La Procure, cette semaine, la libraire qui s’est occupée de moi m’a dit que les gens en avaient désormais assez du Covid. Cela, je le comprends parfaitement. Sans mon embolie, je me serais dispensé de ce genre de recherche. A part mes recherches d’un livre sur le Covid, je suis reparti de la librairie La Procure avec Le Cœur sur la table de Victoire Tuaillon, Au Nom du Temple ( Israël et l’arrivée au pouvoir des juifs messianiques) de Charles Enderlin et Aikido Enseignements secrets de Morihei Ueshiba. Et j’ai commencé à lire Stéréo-scopie de la réalisatrice Marina De Van ainsi que Une Soudaine Liberté de Thomas Chatterton Williams donc des ouvrages qui portent sur des sujets a priori fort distincts de la thématique du Covid.
La libraire, de son côté, a néanmoins fait de son mieux pour me trouver les livres disponibles sur le Covid. Elle m’en a rapporté deux ou trois que j’ai feuilletés.
Il y a bien des livres sur le Covid. Mais c’est pour raconter ou décrypter comment la pandémie est arrivée, pour critiquer les erreurs répétées de la gestion de la pandémie ou les mensonges qui ont été ou auraient été dits.
Par contre, pour trouver un livre qui étudie la maladie et qui vous explique ses symptômes, ses effets médicaux connus, irréfutables et recensés, de manière synthétique et simple, je n’en n’ai pas trouvé.
Le Covid : problèmes de coagulation et de publication
C’est sur le net que j’ai trouvé des articles qui parlent du Covid et de ses effets sur la coagulation. Parce-que j’ai tapé des mots clés comme « Covid et thrombose » ou « Covid et problèmes de coagulation » ou « Covid et embolie pulmonaire ». J’ai donc été dirigé vers des articles en ligne ou vers des articles de journaux papier qui ont été digitalisés par la suite et qui évoquent le fait que le covid augmente le risque de thromboses et d’embolies pulmonaires.
Mais je n’ai trouvé aucun livre papier, concret et matériel qui synthétise les connaissances médicales sur le Covid. Malgré tous les milliards et toute l’attention portée à la pandémie du Covid, notre connaissance à son sujet n’est pas fixée dans des livres et reste, apparemment, minimale, ou réservée à une minorité médicale.
Nous avons pourtant certaines connaissances médicales sur le Covid même si des mystères demeurent.
Cette absence de « synthèse » mais aussi de diffusion à grande échelle de certaines connaissances médicales à propos du Covid explique peut-être en partie l’incrédulité à l’hôpital des trois pneumologues devant moi, il y a quelques jours, lorsque je leur ai entre-autres suggéré la piste Covid pour expliquer l’origine probable de mon caillot responsable de mon embolie pulmonaire.
Mais aussi peut-être le fait qu’aucun des deux premiers médecins généralistes que j’avais d’abord consultés ne m’ait demandé si j’avais attrapé le Covid récemment ou dernièrement alors que je leur disais être « essoufflé de manière anormale ». Alors que le Covid est aussi connu pour donner certaines difficultés respiratoires.
Le Covid est vivant
On croit s’être débarrassé du Covid parce-que l’on ne parle plus de pandémie. Parce-que nous avons nos vaccins. Parce-que nous ne parlons plus d’obligation vaccinale et ne sommes plus obligés de respecter certains gestes barrières comme de porter des masques anti-Covid comme nous l’avons fait pendant des mois. Parce-que nous avons eu plus que nos doses du Covid dans les média.
Mais mon embolie pulmonaire et la difficulté pour la diagnostiquer démontrent un peu que nous avons enterré et décidé d’ignorer le Covid un peu trop hâtivement. Et que, ce faisant, c’est sans doute lui ou elle qui va mettre à mal encore un certain nombre de personnes faute d’attention, d’ouverture d’esprit et de prudence. Je me dis que si, moi, qui n’ai pas le profil, j’ai pu faire une embolie pulmonaire, d’autres sont susceptibles d’en faire une ou en ont déjà fait une dans des circonstances aussi surprenantes que celles que j’ai connues.
Ce témoignage vise à informer plutôt qu’à effrayer.
Plus de deux semaines sont passées depuis que j’ai vu ce film en projection de presse.
Et je n’ai toujours rien écrit dessus. Le film va bientôt sortir et j’ai déjà commencé à apercevoir – sur l’affiche du film- des commentaires de la presse dithyrambiques.
Pour « bien » m’aider à rédiger cet article, j’ai égaré les quelques notes, bicoques de mes pensées, que j’avais écrites peu après avoir vu le film. Je les retrouverai peut-être après, lorsque le film sera sorti. Ce 15 novembre 2023.
Ce matin, je me mets à repenser à ce film alors que, pour d’autres raisons qui n’ont rien à voir avec lui, je raisonne tout seul à propos de ces besoins que nous avons, qui nous poussent à vivre certaines relations douloureuses ou heureuses, et qui se partagent peu avec les contingences de la morale et du Devoir.
Le titre du film est une entourloupe. Le sexe. Le sexe, ça excite.
Ou ça effraie.
C’est un peu comme une chouette qui nous surprend la nuit ou dans un environnement inconnu et dont on a du mal à identifier, avec autorité, l’identité ou les véritables intentions à notre sujet. On s’est alors beaucoup trop avancé, d’un pas décidé, pour passer de l’autre côté et, maintenant, on commence un peu à hésiter. A se hérisser. Mais on ne peut plus reculer. On a oublié ou perdu le trajet qui pourrait nous faire revenir à notre point de départ. Lorsque l’on était sain et sauf et que l’on avait envie d’aller de l’avant. On s’était voulu déterminé, on se rencontre maintenant autrement. On se rend compte que l’on n’avait pas tout à fait tout prévu comme on le croyait au départ, en terrain familier.
On croit que le sujet de How to have sex, c’est le sexe. On a de quoi se frotter les mains ou se caresser les lèvres du vagin en découvrant ce titre si l’on est « intéressé ( e) ».
Le résumé de l’histoire nous apprend que trois copines, Em, Skye et Tara, mineures, et encore collégiennes, partent en vacances dans l’équivalent d’un endroit comme Ibiza afin de perdre leur virginité et de connaître ce grand moment de la première fois contre le corps de l’autre. Sea, Sex and sun.
Mais il faut voir ce que l’on met dans la boite à lettres du sexe. Cette boite à lettres se trouve dans notre tête.
Pour certaines personnes, il s’agit de tirer son coup et de s’en battre les couilles- ou les ovaires- après, que l’on soit un homme ou une femme.
Je suis tombé récemment sur une vidéo de la chanteuse Miley Cirus affirmant crânement qu’après avoir couché avec quelqu’un, celle-ci ou celui-ci n’existe plus. C’est à peu près l’équivalent d’un cadavre qui a rempli son office – ainsi que ses orifices- de son vivant et dont il faut se débarrasser ou dont il faut s’éloigner au plus vite par la suite sans laisser de traces.
Avec Miley Cirus, lorsque l’on a un rapport sexuel, on n’est pas là pour vivre ensemble. Ni pour concevoir une quelconque relation. Si l’on recherchait un suivi de relation comme on le fait d’une lettre suivie par la poste, on s’est trompé d’endroit et de personne.
On s’est juste mis « bien » pour coucher ensemble. On est bien d’accord ! Que les choses soient claires !
Sous cette vidéo de ce qui ressemblait à une interview de Miley Cirus, on pouvait lire des commentaires admiratifs et enthousiastes de personnes vantant son inconditionnelle franchise. Je n’ai aucune idée de l’âge moyen de ces admiratrices et admirateurs mais j’ai envie de croire qu’ils étaient « jeunes », c’est à dire, pour faire très simple :
Moins de trente ans.
Lorsque l’on a moins de trente ans (ou plus ) et que, finalement, on a vécu assez peu d’histoires ou de relations qui comptent, on pourrait rejoindre cet avis de Miley Cirus ou de ces « fans ».
« Moi, c’est juste pour baiser ». « C’était pour s’amuser. Je ne lui ai rien promis. On n’est pas marié… ».
Nous sommes régulièrement « convaincus » que le sexe est devenu une livraison banale sans engagement particulier de notre part :
Entre les pubs dénudées ; les soirées plus ou moins festives; les occasions et les propositions diverses; les lieux et les sites dits de rencontres; les femmes et les hommes qui voient le sexe comme Miley Cirus ; les images élaborées d’influenceuses ou de stars féminines (Beyoncé, Rihanna etc…) acharnées à se montrer suggestives et parfaitement à l’aise pour nous expliquer que tout cela est transgressif et vise surtout à secouer ou démolir la pudibonderie hypocrite, veule et patriarcale préétablie dont le seul projet- ou objet- est de domestiquer mais aussi d’éradiquer la femme ;
Beaucoup est fait, dit, répété et montré pour nous convaincre que la sexualité, finalement, même pas mal. C’est même un outil ou un engin de délivrance et d’affirmation de soi en tant que personne libre, consciente et responsable.
» Je fais de mon corps ce que je veux… »
Tel est à peu près l’état d’esprit de Em, Skye et Tara, les trois « meilleures amies pour la vie » lorsqu’elles décident de partir ensemble dans ce lieu de ré-jouissances où, à la façon d’un club Méd, bien des animations sont organisées (par des adultes souvent plus âgés que les jeunes venant s’y défouler) afin de boire beaucoup d’alcool mais aussi de permettre des interpénétrations charnelles faciles et rééditées sans, a priori, aucune conséquence.
Sur le papier, un tel programme, cela peut être le pied à condition d’accepter de se bourrer la gueule et de trouver ça festif. Personnellement, dans ce genre d’ambiance, j’aurais dérangé et emmerdé bien des gens car prendre une cuite, partir vomir ensuite et avoir plaisir à le raconter ne m’a jamais fait bander. Probablement, je le sais maintenant, parce-que je suis un type coincé et sans avenir.
Mais là où se rendent nos trois héroïnes, Em, Skye et Tara, fort heureusement, tout le monde ou à peu près est beaucoup plus drôle, sait prendre la vie du bon côté et se montre consentant et participatif puisque l’on y vient tous pour ça. Cela change tellement des mimiques et des corps embarrassés et des méthodes de dragues à deux balles, lorsque, dans la rue, sur la plage, en pleine forêt, sur l’autoroute ou dans le métro, on croise un inconnu ou une inconnue qui nous plait sans trop savoir comment l’aborder ou en prenant le risque-en public- de se faire jeter ou traiter de pauvre type, de pervers ou de harceleur.
En pratique, malgré leurs bonnes dispositions, nos trois jeunes collégiennes vont découvrir qu’elles manquent peut-être encore un peu de réalisme. Et que l’on peut être une fille intelligente et rusée, et, par ailleurs, se jouer des tours à soi-même. Ou se faire rouler dans la farine.
Le réalisme, How to have sex en est pourvu. On pourra donc, lors de certaines scènes quasi-documentaires, se sentir quelque peu mal à l’aise sans être dans une position de voyeur. Comme devant des images du film Kids ( 1995) de Larry Clark auquel ce film m’a au moins fait penser. On pourra aussi se rappeler le personnage interprété par l’actrice Thora Birch dans le American Beauty de Sam Mendes ( 1999) ou de certaines des paroles plus récentes du titre Teenage Fantasy de la chanteuse Jorja Smith. Une chanson qui aurait pu faire partie de la bande son du film.
How to have Sex, avec méthode, nous dévoile comment se forme le canevas qui va permettre la « chute » : on y trouve des personnes vulnérables qui se croient suffisamment prêtes, ouvertes, adultes et fortes pour l’aventure dans laquelle elles se sont lancées; une figure maternelle et protectrice qui ne peut pas être omniprésente et deviner la présence et l’imminence du danger; le sentimental crédule, timide, bienveillant et gentil dominé par « l’ami » tapi en embuscade, infiltré, qui, lui, agit à la moindre opportunité et sans le moindre scrupule.
Tout n’est pas pourri dans cet univers où des jeunes viennent un peu de tous les pays pour « s’amuser ». Mais il suffit qu’une personne malintentionnée s’invite et se cache parmi eux pour que les premières victimes apparaissent.
Initiatique, How to have sex l’est autant pour les trois protagonistes qu’il pourra l’être pour certaines spectatrices et spectateurs qui pourront aller voir ce film à partir de ce 15 novembre 2023.
Franck Unimon, ce samedi 4 novembre 2023.
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