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Ici s’achève le monde connu un court métrage de Anne-sophie Nanki

Ici s’achève le monde connu un court métrage de Anne-Sophie Nanki

Il y a quelques jours, j’ai fait le nécessaire pour regarder Ici s’achève le monde connu de Anne-Sophie Nanki. Un court métrage d’une vingtaine de minutes. Les fictions réalisées et produites par des artistes de l’Outre-Mer, d’Océanie et d’Afrique que l’on peut voir assez facilement restent rares. Et ces productions sont très nettement désavantagées en termes de diffusion. Il est beaucoup plus facile et plus simple de trouver des salles de cinéma pour y voir quantités de productions occidentales- pour simplifier– bien plus largement distribuées et aussi mieux annoncées.

Je suis amateur de cinéma mais j’ai beaucoup moins de disponibilité qu’auparavant pour aller chercher des films qui passent dans deux ou trois salles de cinéma, pour une durée très limitée,  et seulement à certains horaires. J’opte donc régulièrement pour la facilité qui consiste à aller voir dans une salle ce qui est déjà facilement visible ou plus ou moins visible devant moi. Dans des salles de cinéma que je connais et où j’ai mes habitudes :

Je cherche moins qu’avant dans les « coins », dans les productions plus ou moins discrètes ou les festivals dont on parle beaucoup moins.

Mais pour Ici s’achève le monde connu, je me suis obligé à aller contre certaines de mes habitudes de facilités. Le titre et l’affiche du film, ainsi que quelques avis favorables aperçus, m’ont donné le coup de pouce pour franchir la ligne du regard.  J’ai regardé Ici s’achève le monde connu deux fois de suite. En ligne.  Je le regarderai peut-être encore à nouveau tant qu’il sera disponible en ligne gratuitement. On pourrait penser que mettre un film en ligne le rend plus accessible. Mais c’est sous-estimer à quel point nous pouvons être dispersés ou captés par diverses sollicitations visuelles. Comme le fait que nous pouvons aussi préférer une certaine passivité à l’image de ces personnes affalées dans un transat, canapé ou  lit bercées par l’action de prendre aucune décision. 

L’histoire de Ici s’achève le monde connu se déroule en 1645. Nous sommes en 2024. En 2024, en France, de quoi nous parle-t’on le plus en ce moment ? :

Des agriculteurs français qui, à nouveau, bloquent certaines routes et qui pourraient arriver jusqu’à Paris ?  Suspense écrasé. De la guerre en Ukraine qui s’enlise. De la possible réélection/ré-érection assez « crainte » de Donald Trump aux Etats-Unis ?

De l’armée israélienne et des milliers de Palestiniens tués en représailles à l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023. Des migrants qui se noient en plein mer ou qui se font refouler ou expulser. Des Jeux Olympiques en France de 2024, c’est cette année, dans six mois. De la nomination récente de Gabriel Attal comme Premier Ministre à la suite d’Elizabeth Borne et des défis qui l’attendent en tant que nouveau chef du gouvernement, plus jeune Premier Ministre de France et premier homosexuel à ce poste, qui devrait faire ceci, qui devrait faire cela pour plaire à tout le monde sans trop gêner le jeune Président Emmanuel Macron qui l’a choisi.  De Rachida Dati, figure -et alibi- politique psychopathe, revenue dans le défilé de mode médiatique  nommée pour casser des bras et embarrasser l’adversité plus que pour la Culture pour laquelle elle  a été officiellement nommée Ministre. Du prix de l’électricité et de l’essence qui gonfle. De la crise immobilière.

En ce moment, en France, en 2024, c’est l’hiver. Il arrive qu’il fasse froid. Qu’il y ait de la neige. Certains partent faire du ski ou envisagent de le faire. D’autres ne le peuvent pas.

Il fait assez gris par moments. Même si les jours se rallongent, même s’il y a des très bonnes séries télévisées à regarder et que nous sommes de plus en plus en symbiose avec nos téléphones portables et nos écrans garants de notre photosynthèse personnelle, même s’il y a encore les soldes, nous sommes dans une période de l’année, voire de notre vie, passablement déprimante ou tâtonnante. Une nouvelle fois.

Même si l’on sourit et que l’on affirme que l’on a plein de projets, autour de nous et près de nous, il y a toujours beaucoup de personnes isolées et plus captives de leur destinée qu’elles n’en sont les grandes décisionnaires. Et, l’on peut se dire ou murmurer quelques fois :

« C’était mieux avant… ».

La réalisatrice Anne-Sophie Nanki a dit dans une interview qu’elle aurait aimé qu’on lui raconte des histoires comme celle de son film Ici s’achève le monde connu. Son court métrage est bien vu par la critique et bénéficie de bons échos. L’acteur et réalisateur Jean-Pascal Zadi, qui a commencé à être plus connu depuis son  film Tout simplement noir ( Tout simplement Noir), dit beaucoup de bien de son film.

Ici s’achève le monde connu a reçu plusieurs prix et a été présélectionné dans la catégorie Meilleur court métrage pour les Césars 2024.  J’en profite pour saluer Claire Diao, qui, je le sais, œuvre depuis des années maintenant, avec les personnes qui travaillent avec elle, à faire en sorte que le cinéma d’Outremer, d’Océanie et d’Afrique soit autre chose qu’un cinéma d’Outre-tombe.

Dans Ici s’achève le monde connu, nous sommes en 1645. Il fait beau. Nous sommes dans les Antilles françaises, en Guadeloupe.

En Guadeloupe, à Ste Rose, mais fin décembre 2023. Je n’avais pas de photo de 1645 à ma disposition. Photo©Franck.Unimon

Pas de Poutine. Pas de Chine. Pas de Donald Trump. Pas de Hamas. Pas d’armée israélienne. Pas de risque de guerre mondiale, de catastrophe nucléaire, de déclin écologique. Ibatali, une jeune femme enceinte jusqu’à l’os, une indigène Kalinago, marche péniblement dans la forêt. Elle s’enfuit.

Elle souffre, oui, mais elle est libre. Elle a été vendue à 14 ans comme esclave par son père à des colons blancs. Elle part retrouver sa famille. Courageusement. Sans Mondial Assistance et sans transports en commun. Sans téléphone satellite.  

Ibatali doit avoir à peine la vingtaine et a conclu que la vie, pour elle, parmi les blancs, ce n’est pas pour elle. Pour elle, aussi, finalement :

C’était mieux, avant…”. Avant la colonisation. Avant d’être vendue. 

Ibatali essaie de franchir une rivière. Dans Le seigneur des anneaux, c’est en franchissant une rivière magique, qu’Aragorn, presque défunt, récupéré à cheval par celle qu’il va aimer, échappe aux créatures de mort qui les poursuivaient sur leurs étalons. Ibatali, elle, glisse sur une roche et se rétame. Elle arrive sur le dos. Lorsqu’elle parvient à se redresser, difficilement, elle aperçoit un homme noir à moitié nu qui s’avance lentement dans l’eau vers elle un peu comme un serpent qui la regarde. Rien de comparable avec le portrait de l’ange Gabriel blond aux yeux bleus ou du coup de foudre que l’on peut avoir pour le prince charmant aperçu sur un site de rencontres. Ibatali prend une raclée mentale.  Autant dire qu’elle a peur. L’homme noir, c’est un film d’horreur aussi vivant qu’il respire. C’est le pire de l’Humanité.  Pire que l’esclavagiste et ses chiens. L’homme blanc, même s’il peut être très violent, comme un alcoolique lorsqu’il a trop bu, appartient au moins à une espèce supérieure et conquérante. Alors que l’homme noir…d’ailleurs, l’homme noir n’est même pas un être humain. Pourquoi ai-je utilisé le terme de « homme » ?

Parce-que j’étais en train de rêver. Ou par conflit d’intérêt.

Parce-que je suis un complice : Un « homme » noir.  Et parce-que depuis Ibatali et Olaudah (la « chose » noire nous donne son prénom et sa signification plus tard), beaucoup de femmes et d’hommes noirs ont accédé à certains enseignements tels que celui qui consiste à se servir d’un clavier d’ordinateur afin de domestiquer et écrire leurs pensées pour les faire paraître sur internet ( sur un blog !) dans une langue que le monde occidental blanc peut aussi comprendre et plus ou moins accepter (oui, oui, oui !).  Puisqu’il s’agit de la langue du monde occidental blanc (oui, oui, oui !).

D’esclaves et de migrants forcés, nous sommes devenus des citoyens intégrés et plus ou moins acceptés selon les circonstances. Gabriel Attal, nouveau Premier Ministre en 2024, est peut-être jeune et homosexuel mais il est blanc et a fait les (très) bonnes écoles qui mènent au Pouvoir. Rachida Dati, notre nouvelle Ministre de la Culture, maire précédemment du très «pauvre » 7ème arrondissement de Paris,  a beau avoir des origines sociales modestes et être Arabe mais c’est pareil. Elle, aussi, a fait les très bonnes écoles. Et, comme Attal vraisemblablement,  elle se distingue par une aptitude stratégique hors norme et remarquable en termes de plan de carrière qui ne s’apprend pas dans les écoles. En comparaison, toutes mes années de travail et mes études ont la valeur et la force d’un simple aérosol et, pour eux deux, je suis à peu près l’équivalent d’une Ibatali ou d’un Olaudah. Bien-sur, si on les interrogeait, les deux affirmeraient le contraire mais ils peuvent mentir.

Ai-je aimé Ici s’achève le monde connu ? J’ai aimé la rencontre entre un esclave d’origine africaine qui s’est enfui (ce que l’on appelle un Nègre marron)  et une représentante du peuple «premier », d’avant la colonisation. C’est peut-être ça qu’a voulu dire Anne-Sophie Nanki lorsqu’elle a déclaré qu’elle aurait voulu qu’on lui raconte des histoires de ce genre :

Que s’est-il passé, au moment de la colonisation,  quand un esclave africain ou une esclave africaine a rencontré une membre ou un membre du peuple premier ?

Car le peu que nous « savons », c’est que les Arawaks, les Caraïbes, les Kalinagos ou d’autres auraient très vite décliné après l’arrivée ( l’intrusion ?) des colons européens. Qu’ils auraient succombé aux maladies importées par les colons et leur « pureté » ;  qu’ils n’auraient pas survécu à l’esclavage ou qu’ils auraient été rapidement laminés par les armes. Ils auraient disparu ou se seraient évaporés rapidement comme dans un rêve.

Mais c’est flou.

Des femmes et des hommes indigènes ont continué d’exister pendant la colonisation des Antilles. Mais on a peu de récits de cette période. Comme le dit le jeune enfant à propos de sa mère disparue qu’il n’a jamais connue dans le film Le Cheval venu de la mer réalisé par Mike Newell en 1992 :

« Je n’ai pas image ».

Enfants des Antilles que nous sommes, nous n’avons pas d’images de cette époque de la colonisation où, pourtant, pour nous, notre vie a débuté par nos ancêtres. Comme si nous étions nés et que nos parents n’avaient jamais pris et laissé de photos d’eux et de nous, plus jeunes. Et que l’on était déja passé directement à l’âge adulte lorsque l’on pu se regarder, pour la première fois, dans un miroir.

Beaucoup de nos images et de nos histoires ayant été privées de tirages, on peut parler pour beaucoup de nos ancêtres d’une existence entière soumise au tirage au sort :

 « C’est toi et ta chance… ».

 L’Histoire des Antilles a  d’abord été (d)écrite par des descendants de blancs qui avaient d’autres priorités et d’autres aspirations que les esclaves et les Indigènes présents en 1645 puis les années suivantes :

 S’il était demandé à Emmanuel Macron, Gabriel Attal, Rachida Dati, Poutine, Trump, et d’autres de raconter les événements importants qui les auront marqués à la fin de cette année 2024, il est  certain qu’ils évoqueront des sujets très différents de ceux auxquels je peux tenir dans ma vie personnelle de simple citoyen. Donc, si eux et moi avions à écrire de notre point de vue l’année 2024 actuellement en cours, il est prévisible que les contenus de nos ouvrages seraient très éloignés les uns des autres. Mais ils pourraient, aussi, par endroits, se compléter de manière étonnante à condition que ces personnes soient capables de sincérité et d’introspection. Ce qui reste à vérifier. Car la capacité de sincérité et la capacité d’introspection sont sans doute incompatibles, sur le long terme, avec certaines fonctions de dirigeants mais aussi avec certaines carrières.

Je crois que Anne-Sophie Nanki, elle, a réalisé une œuvre sincère en se livrant à une certaine introspection. Je préfère d’ailleurs comprendre son intention à travers ce film  de cette façon plutôt que de le voir comme une énième création antillaise où on doit nous parler à nouveau de l’esclavage et de ses conséquences- réelles- sur notre descendance :

Etant donné que l’on ne nous dit rien à propos de ce qui a pu se passer, humainement, lors de cette rencontre un peu du troisième type entre une personne africaine et une personne indigène, mais aussi, avec un colon blanc européen, essayons d’imaginer comment c’était, comme cela a pu être.

Les réalisatrices et les réalisateurs de cinéma (ainsi que les auteurs et les artistes d’une manière générale mais aussi des enquêteurs et des journalistes) passent leur temps  à faire ça. A partir d’un fait réel, essayer de raconter ce qui a bien pu se passer dans l’intimité – et la tête- des gens.

Le dernier film de Todd Haynes, sorti récemment, dont les critiques sont plutôt bonnes, en est un exemple parmi beaucoup d’autres. Pour son May December, avec les actrices Natalie Portman et Julianne Moore, des actrices blanches et américaines (Natalie Portman est israélo-américaine) plus que reconnues, Todd Haynes, réalisateur également reconnu (blanc et américain également)  est parti d’une histoire réelle pour raconter « son » histoire et faire son film . Avec le concours et la subjectivité des actrices et des acteurs engagés dans le projet.

On peut penser ce que l’on veut de ce qui est montré ou affirmé dans le film de Todd Haynes d’autant que celui-ci s’est inspiré librement de la vie de deux personnes ( et de leurs proches) réelles qui avaient par ailleurs raconté et fait publier leur histoire par écrit. Mais en voyant ce film (je l’ai vu quelques heures après avoir regardé Ici s’achève le monde connu) on peut se dire qu’il y a du « vraisemblable » dans May December. Même si je reproche à Todd Haynes d’avoir fait un film finalement assez convenu où la femme ( jouée par Julianne Moore), civilement plus mature et coupable d’un point de vue légal et moral que son amant qui avait 12 ou 13 ans au début de leur relation avant de devenir son mari, est quand même pointée du doigt à la fin du film comme il se doit.

J’ai préféré les autres films de Todd Haynes, perçu comme un réalisateur assez anticonformiste, et, pour moi, Natalie Portman, malgré toute son application, et son statut de comédienne encensée et oscarisée, reste une actrice plate, froide, très propre sur elle, et ennuyante. Soit tout le contraire d’une Julianne Moore, d’une Virginie Efira ou d’une Laure Calamy.

Les deux acteurs de Ici s’achève le monde connu le jouent bien.  

Sauf un peu au début où il y a quelques accrocs dans le regard de Ibatali ( la comédienne Lorianne Alami Jawari). Ma préférence va à Olaudah ( le comédien Christian Tafanier) :

Le « sauvage ».

J’écris « Le sauvage » car c’est comme ça que Ibatali le voit. Et c’est comme ça que le colon blanc- ou autre- le voyait ou le voit encore.

 Anne-Sophie Nanki a voulu croire possible une telle rencontre plutôt « moderne » où un esclave en fuite se préoccupe d’une femme enceinte, donc porteuse d’avenir. Dans Les fils de l’homme très bon film mal connu de Alfonso Cuaron (2006), la grossesse d’une jeune femme noire migrante représente l’espoir dans un monde moderne où l’humanité est devenue stérile. Et le héros, joué par l’acteur Clive Owen la protège.

On pourrait voir le personnage de Olaudah comme une version avant-gardiste de Clive Owen. Sauf que l’on est dans un autre monde que celui de Les fils de l’homme.

Olaudah est clandestin, isolé et menacé. Les colons veulent sa peau. Et il n’y a pas de Garde des Sceaux favorable aux esclaves à cette époque.

Dans le Django Unchained ( 2012) de Tarantino, Django, interprété par Jamie Foxx, est un esclave noir à cheval libéré et habile de la gâchette qui désarçonne et dérange le Nègre (extraordinairement bien joué par Samuel Jackson) fondu dans le modèle du Maitre  blanc ( très bien joué aussi par Léonardo dicaprio ). Le film a un côté spectaculaire et excessif afin de conjurer l’accablement de cette époque ainsi que la honte et la culpabilité qu’ont  pu engendrer chez certains le régime esclavagiste et la traite négrière. C’est un film de “détente” où Django est intrépide mais aussi allié à un blanc abolitionniste et aventurier qui sait se servir d’une arme. Soit des anomalies assez peu crédibles dans l’époque où se déroule l’action même si la guerre de Sécession ( 1861-1865) couve et avec son issue la fin de l’esclavage.

Dans Ici s’achève le monde connu, l’atmosphère est plus réaliste et, aussi, plus tentaculaire. Nous sommes dans les débuts de la colonisation deux cents ans plus tôt dans les Antilles françaises. L’ Etat français fait partie des Etats négriers et esclavagistes de l’époque. Une époque qui va durer deux bons siècles. Soit bien plus longtemps que la durée de vie moyenne d’un être humain ordinaire. Il n’y a pas de super héros. Il n’y a pas d’intervention d’une Force autre que celle dont disposent les protagonistes et qui s’accompagne de leurs émotions, de leur audace et de leurs tâtonnements.

Nous sommes enracinés voire enchevêtrés dans le film. Nous marchons avec eux. Et le fait de laisser enfouis  « hors champ » les blancs colons fait partie des aimants du film. Non pour les ignorer et les exclure car ils font partie de l’Histoire de toute façon. Mais parce-que cela permet de plus se concentrer sur l’Histoire des « autres », ces astres que l’on ignore ou que l’on a ignorés. Parce-que cela permet de donner plus de place à ces personnes qui, autrefois ( ou aujourd’hui ) occupaient et occupent majoritairement l’espace et que, pourtant, on ne voit pas ou que l’on voit très peu que ce soit dans nos miroirs ou dans nos images.

J’espère que Anne-Sophie Nanki réussira à mener à bien son projet de donner une version long métrage de son Ici s’achève le monde connu

Franck Unimon, ce lundi 29 janvier 2024.

 

 

 

 

 

 

 

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La Pointe des Châteaux, Guadeloupe, ce 25 décembre 2023.

La Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

La Pointe des Châteaux, Guadeloupe, ce 24 décembre 2023.

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Enfant, lorsque nous descendions vers la station du bus 304 en passant devant le théâtre des Amandiers, à Nanterre, il me fallait multiplier les pas pour diviser l’allure de ma mère.

Je trottinais à côté d’elle sans toujours connaître la destination.

Un jour, alors que nous chevauchions le macadam depuis plusieurs minutes et que nous nous rapprochions du but, la station de bus, ma mère, après m’avoir interrogé, malgré mes réponses et plusieurs hésitations, avait décidé de rebrousser chemin.

Elle n’était pas sûre d’avoir bien fermé le gaz dans la cuisine de notre appartement en partant. Nous avions dû remonter jusqu’au sixième étage de l’immeuble.

 

Bien-sûr, elle l’avait fait.

 

Enfants, nos parents sont les archers, mais aussi les cochers ainsi que les sillons de nos horizons. La cible, pour nous, et les moyens de l’atteindre, peuvent être assez flous. Mais nous suivons.

Quelques années et des milliers de kilomètres plus tard, je me retrouve ce 25 décembre 2023 avec ma mère ( Tuer des noix de coco ) à la Pointe des Châteaux, en Guadeloupe.

Ma précédente venue en Guadeloupe remontait à 2014 avec ma compagne et notre fille alors à peine âgée de un an. Pour ce séjour, il m’importait de venir seul en tant que fils aîné. Mon père avait eu des ennuis de santé assez prononcés quelques semaines plus tôt. Ma mère m’avait exprimé son souhait que je puisse venir avant la fin de l’année 2023.

Pour l’année 2024, j’ai entre-autres le projet de retourner au Japon  après mon premier séjour là-bas en 1999. Et, cette fois, ce sera en bénéficiant du séjour organisé par Léo Tamaki, expert en Aïkido ( Dojo 5 , Les 24 heures du Samouraï au dojo d’Herblay ce 20 et ce 21 Mai 2023, 2ème édition ), qui nous a préparé des rencontres avec des Maitres d’Arts martiaux ainsi que la visite de lieux culturels à forte valeur ajoutée.

Il m’était nécessaire, même si je retournerai bien-sûr en Guadeloupe, d’aller voir mes parents avant ce nouveau voyage au Japon ainsi qu’à toute autre destination où je me rendrai.

Lors de ce court séjour en Guadeloupe chez mes parents que j’avais dû reporter (Le mystère du Covid : Covid et embolie pulmonaire) , je me suis fixé deux endroits où retourner :

La Pointe des Châteaux et la plage de Raisins clairs à St François.

A la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

Pourquoi la Pointe des Châteaux et la plage de Raisins clairs ? C’est arrivé comme ça.

Je dois à J…ancien collègue croisé à l’hôpital de Pontoise dans les années 90, un peu plus jeune que moi de deux ou trois ans et qui a grandi en France comme moi, de m’avoir fait découvrir une petite partie de cette Guadeloupe touristique que j’ai longtemps méconnue.

Au point de me retrouver en France dans des situations honteuses :

Je n’oublierai pas ce moment où une « connaissance » toute contente d’apprendre que j’étais originaire de la Guadeloupe avait commencé, enthousiaste, à égrener devant moi la liste de ces endroits magnifiques qui l’avaient émerveillée durant ses vacances en Guadeloupe.

Je l’avais regardée comme un idiot censé s’exprimer à propos d’un tableau extraordinaire que tout le monde admire et qu’il n’a jamais vu. Ou comme un croque-mort en train d’assister à l’expression exagérée d’un bon moment.

Si, quelques années plus tard, J…m’avait quelque peu déniaisé, j’avais néanmoins été surpris par la suite, en apostrophant mon père, de l’entendre se défendre en Créole de la façon suivante :

« Mais ce sont des endroits où, même moi, je ne suis jamais allé !».

Mon père qui patrouillait sur les routes de la Guadeloupe durant deux mois, nous trimballant de temps à autre sur la plage, pour rencontrer (beaucoup) de personnes dont un certain nombre  faisait mine de s’intéresser à nous quelques secondes ou de m’apprendre « Je t’ai vu quand tu étais tout petit… » avant de recommencer à discuter avec mon père comme si je n’avais jamais existé, n’était jamais allé au Saut de la Lézarde !

Cela se trouve à Petit-Bourg, commune où il était né, où il avait grandi, où il revenait passer une grande partie de ses vacances chez ses propres parents et où j’avais passé mes tous premiers jours de vacances en Guadeloupe en 1975.

A Ste-Rose, Guadeloupe, décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

« La Guadeloupe, c’est ton pays ! » m’avait pourtant plusieurs fois répété mon père avant que, enfant, nous n’allions à nouveau prendre l’avion avec la compagnie Air France pour deux mois de vacances estivales lors des congés bonifiés.

Entre 1975 et 1986, avec mes parents, aucun de nos séjours en Guadeloupe ne nous a mené jusqu’à la Pointe des Châteaux. Il est ainsi un certain nombre d’endroits plébiscités par les touristes ou les personnes un peu curieuses en Guadeloupe dont j’ai pu, parfois, entendre le nom, sans jamais y mettre les pieds.

Par contre, La plage de Raisins clairs, à St François, est un de mes premiers souvenirs de plage ou peut-être mon premier souvenir de plage en Guadeloupe en 1975. 

Lorsque l’on vient de l’île de la Basse Terre, comme mes parents, il faut faire un peu de route pour se rendre à St François, commune située en Grande Terre. C’est sûrement possible en car mais le plus pratique reste la voiture. Il n’existe pas de ligne de RER,  de métro,  de train ou de TGV en Guadeloupe. 

Sur le trajet, en s’approchant de la Pointe des Châteaux, ce 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

 

 Avec J, sa copine et d’autres …nous étions partis de la commune de Morne à L’eau. Ce 25 décembre 2023, ma mère et moi sommes partis de la commune de Ste Rose. C’est plus long. Une bonne heure de route. C’est peut-être pour cette raison que mon père a préféré rester à la maison. On peut en effet avoir l’impression de partir pour le bout du monde.

Mais, cette fois-ci, pas de course-poursuite à côté de maman puisque je conduis la voiture de mon père. D’ailleurs, c’est moi qui ai attendu ma mère dans la voiture tandis qu’elle finissait de se préparer. Ainsi, elle a sans doute pu prendre le temps de s’assurer que le gaz était bien fermé. 

Maman, à la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, ce 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Son sac à main sous le bras, alors qu’elle regarde la Croix de la Pointe des Châteaux, je n’ai aucune idée de ce à quoi peut bien penser ma mère. Et, si je sais que l’on peut apercevoir l’île de la Désirade, j’ignore toujours la raison de cette Croix. J’ai même appris la veille dans un guide touristique qui date de plusieurs années- que m’a remis ma mère- que la Pointe des Châteaux serait le site touristique le plus visité de la Guadeloupe avec environ 500 000 personnes par an.

Cette forte affluence cause d’ailleurs des dégâts écologiques. S’il y a assez peu de voitures lorsque nous nous garons et que je trouve assez facilement une place de stationnement, je suis aussi étonné de voir un ou deux guichets touristiques où l’on propose des promenades en kayak ou des randonnées. Je ne me rappelle pas de ça.

Etant donné l’heure de notre arrivée, près de 13 heures, et la chaleur, je propose d’abord de nous restaurer au restaurant La Saveur du soleil que je découvre.

Mais la cuisinière n’est pas encore arrivée ou n’est pas encore revenue. Alors, nous partons pour la Croix, ma mère et moi. Et, chemin faisant, je lui porte son sac et sa bouteille d’eau minérale.

Nous avançons tranquillement. L’endroit m’attire pour sa symbolique et son point de vue.

La Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Lorsque nous arrivons près de la Croix, il y a encore à peine dix personnes. A l’aller comme au retour, nous y avons rencontré principalement des francophones, plutôt adultes, et majoritairement blancs. Lesquels, dans leur ensemble, ont soit devancé nos salutations soit nous les ont « rendues ».

Près de la Croix de la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Quelques minutes plus tard, ma mère et moi avons l’endroit pour nous deux. Si l’on peut sans doute s’y plaire en amoureux ou en famille, ou en tant que photographe ou artiste peintre, je trouve que l’on peut aussi aimer y venir pour se recueillir.

La Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Ce n’est qu’une fois en bas, que ma mère m’apprendra que c’était la première fois qu’elle montait jusqu’à la Croix de la Pointe des Châteaux. Quelques années plus tôt, avec son club de randonnée, elle avait marché vingt kilomètres pour s’arrêter au bord de la plage et apercevoir la Croix qui pointait à l’horizon.

Devant moi, ce 25 décembre 2023, ma mère ne se rappelle pas la raison pour laquelle elle et son groupe de marche s’en étaient tenus à ce trajet. Peut-être que quelqu’un, dans le groupe, s’était-il soudainement rendu compte qu’il avait oublié de fermer le gaz chez lui ?

Point de vue depuis la Pointe des Châteaux, commune de St François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

A notre retour de la Croix, entre-temps, la cuisinière de La Saveur du soleil a pu revenir. Nous commandons notre repas.

Si le service a été un petit peu long, j’ai été très agréablement surpris par l’originalité, la quantité et la qualité de ce que nous avons mangé. J’avais commandé le dernier bokit à la morue disponible. Ma mère en avait pris un au poulet. Le bokit, servi également avec une salade accompagné d’une très bonne vinaigrette, est croustillant et n’est pas en “plâtre” ou gorgé d’huile. Le poulet adressé a été grillé sur la braise. 

On nous a aussi servi une purée d’igname et de giraumon faite sur place. En dessert, nous avons eu une très bonne salade de fruits locale.

Après notre repas, je suis allé féliciter le personnel. J’ai appris que La Saveur du Soleil existait depuis au moins une vingtaine d’années, ouvert au départ par le père d’une des employées. Et que la carte visait à essayer de renouveler la cuisine traditionnelle de la Guadeloupe.

Ensuite, nous sommes partis pour la plage de Raisins Clairs où, muni d’un de mes masques d’apnée,  j’ai pu faire des bulles dans l’eau pour la première fois depuis mon embolie pulmonaire, courant novembre.

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Franck Unimon, ce dimanche 21 janvier 2024.

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Tuer des noix de coco

La Guadeloupe, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

                         Tuer des noix de coco

Depuis mon retour de Guadeloupe, j’ai l’impression d’avoir une petite vie. Ainsi qu’une petite bite. Cela a commencé dans l’avion, pendant le vol du retour, alors que je voyais la Guadeloupe parcheminée et électrifiée de lumière s’éloigner tout en bas. Je ne crois pas que partir vivre en Guadeloupe me donnerait plus de virilité.

Et, je crois être suffisamment immunisé contre la croyance qui consisterait à idéaliser tout le bleu que l’on peut y trouver.

Vue depuis la Pointe des Châteaux, commune de Saint-François, Guadeloupe, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Mais dans l’habitacle de l’avion suspendu dans l’air, alors que je regardais à travers le hublot, je me trouvais évidemment au chevet de mes pensées et de ma conscience. Dans un de ces moments, où, telles des vagues, certains reflets de notre lucidité nous parviennent puis repartent ou disparaissent si on les laisse faire. Si on l’accepte. Si on les rejette.

J’écris aussi pour essayer d’avoir une (plus) grande vie. Si j’ai eu l’impression d’avoir une petite vie, c’est sûrement parce-que, soudainement, dans l’avion, je me suis aperçu que j’avais trop souvent pris soin de certaines conventions au détriment de mon inspiration et de mon intuition. Et, chaque fois que j’écris, j’essaie de remédier à ce détournement.

J’étais en train d’écrire, il y a quelques jours, chez mes parents, à Sainte-Rose, lorsque devant le « studio » (plutôt un F2 d’une bonne cinquantaine de mètres carrés), j’ai commencé à entendre un bruit répété et plutôt sec. Malgré mes dix séjours ici depuis mes sept ans, entre 1975 et 2023, je n’ai pas identifié ce bruit.

Citadin né et éduqué en région parisienne, je suis ce que mes compatriotes peuvent appeler un Moun Frans’ (  terme plutôt méprisant au départ pour désigner celle ou celui qui est né(e)ou qui a été “fait(e)” en France ). J’avais sept ans la première fois qu’en colère, une mère, à Morne-Bourg, m’avait traité de Moun Frans’ pour une maladresse que j’avais dû faire.

Depuis, j’ai transformé cette expression de Moun Frans’…en Moon France. Cet article est dans la catégorie Moon France et Voyage de mon blog.  

Mais il y a aussi l’expression ” C’est un bounty ! ” que m’avait apprise un collègue d’origine guyanaise. Aucun rapport avec les révoltés du Bounty. Le ou la bounty, c’est celle ou celui qui ne connaît pas son pays ( ici, la Guadeloupe) :

Noir(e) à l’extérieur et blanc/che à l’intérieur. Une vraie lessive. Plus blanc/che que blanc/che.

Il y a aussi l’expression Négropolitain. Celui-ci n’a rien à voir avec le Napolitain.

Il y a quelques jours, donc, alors que j’étais encore en Guadeloupe chez mes parents, le  Moun Frans’/ bounty/ négropolitain que je suis qui était occupé à écrire sur son ordinateur portable a voulu, une fois de plus, en savoir plus. 

J’ai ouvert les portes en bois du studio.

C’était ma mère, 75 ans, debout en haut d’un escabeau, son sabre (une machette) à la main. Elle finissait de tuer (cueillir) une grappe de noix de coco. Mais aussi de nettoyer l’arbre.

Chez mes parents, fin décembre 2023. On aperçoit sur la gauche l’arme du “crime” qui a servi à tuer les noix de coco. Photo©Franck.Unimon

Je suis allé la rejoindre. A peine trois mètres nous séparaient. J’étais resté sur l’idée, dont elle m’avait informé la veille, que ce matin, elle partirait faire de la marche à 5h30. J’avais oublié cette histoire de noix de coco dont elle m’avait parlé un ou deux jours plus tôt.

Ma mère n’avait pas encore pris son petit-déjeuner tout comme moi. Dans la brouette se trouvaient une dizaine de noix de coco et une grappe de bananes poyo.

Les victimes vues de plus près, fin décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Elle est partie chercher des feuilles de patchouli. Et, en se servant d’eau de pluie qu’elle avait versée dans un seau, elle a lavé les noix de coco « Car les rats montent dans l’arbre » m’a-t’elle expliqué.

Alors qu’elle s’activait, debout et courbée devant moi, je lui ai demandé :

« Tu ne t’assieds pas ?! ».

Tout en continuant, elle m’a répondu :

« Le banc est là -haut, dans la maison. De toute façon, je n’en n’ai pas pour longtemps… ». 

« Moi, aussi, je n’en n’ai pas pour longtemps… ». Je suis parti lui chercher le banc. Ma mère s’est assise dessus sans rien dire avec un certain soulagement.

Nous avons continué de discuter tandis qu’elle s’affairait. L’aider ? Je l’aurais plutôt ralentie.

Ensuite, ma mère m’a montré des pieds de patchouli, de dafalgan, d’efferalgan. Je les ai sentis pour essayer de les retenir dans ma mémoire.

En 2023, on opposait et on classifiait généralement les gens selon leur réussite sociale et économique, leurs caractéristiques culturelles, physiques et personnelles ou d’après la plaque d’immatriculation de leur véhicule.

En 2024, ce sera identique.

Nous nous imprégnons tous des conventions que nous apprenons et voyons dans l’environnement dans lequel nous grandissons. Cela nous influence et contribue à faire de nous, quel que soit notre Pouvoir et notre Savoir, des êtres plus ou moins performants, plus ou moins adéquats, plus ou moins désirables et plus ou moins heureux.

Maman, à la Pointe des Châteaux, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Ma mère, aide-soignante en réanimation pendant des années en région parisienne – jusqu’à son départ en pré-retraite en 1999- a vécu en France un peu plus de trente ans tout comme mon père. Tous deux avaient une vingtaine d’années lorsqu’ils ont quitté leur Guadeloupe natale à la fin des années 60.

Ces gestes qu’elle a accomplis pratiquement devant moi, tuer des noix de cocos, les laver, elle ne les a pas appris à Sciences Po. Elle les avait appris bien avant que je n’entende ces mots de Sciences Po pour la première fois.

Jamais, en France, je n’ai vu ma mère et mon père tuer des noix de coco. Que ce soit devant notre immeuble HLM ou dans le jardin de ce pavillon de banlieue qu’ils avaient fini par acheter à crédit à Cergy-Pontoise au milieu des années 80 en s’éloignant de trente kilomètres de la ville de Nanterre où ils avaient continué de travailler. Elle, à l’hôpital et lui à la Poste.

J’ai demandé à ma mère :

– Qui t’a appris à faire ça ? ».

– Je ne sais pas. Un frère ou ma mère. J’ai dû voir faire quelqu’un. Quand tu vois faire, ensuite, tu essaies de faire pareil…..

– Tu avais quel âge quand tu as appris ça ? .

– J’étais jeune…je devais avoir 10-12 ans…..

 

Ce que j’ai appris et ce que j’apprends me permet de l’écrire quand j’y pense. Mais pas toujours de l’appliquer ou de le vivre. Eduqué ou bien éduqué, je pourrai sans doute parler du livre Une soudaine liberté de Thomas Chatterton Williams ou de Le Cœur sur la table de Victoire Tuaillon, le livre que j’ai le plus offert à la fin de cette année 2023. Mais cela ne me permettra pas de connaître l’usage d’un sabre et de tuer des noix de coco comme ma mère ou mon père.

Bien-sûr, par chez moi, en région parisienne et là où je réside principalement, les cocotiers, s’il y en a, savent se tenir à distance  de la connaissance et de la vue telles ces créatures fantastiques ou légendaires dont on peut entendre parler.

Aussi, je n’ai pas une grande nécessité a priori à apprendre à me servir de cette machette fabriquée au Brésil (j’ai regardé) utilisée par ma mère afin de tuer des noix de coco.

On ne brille pas dans les soirées, sur une piste de danse, sur un plateau télé ou lors d’un casting en sachant tuer des noix de coco. On ne serre pas plus de meufs ou de mecs sur Insta, au travail ou à un barbecue en région parisienne ou dans une autre ville de France parce-que l’on sait faire pousser des ignames jaunes, occire un cochon comme un de mes oncles paternels et faire du boudin avec.

Ces Savoirs ont par contre toute leur importance à la campagne, en Guadeloupe et ailleurs, lorsque la recherche de la survie est au menu dans un milieu naturel, lors d’une guerre ou d’une catastrophe ou dans des émissions ou des films grand public tels que Koh-Lantah ou Hunger Games. Ou lorsque des touristes ou des voyageurs sont de passage et viennent découvrir « autre chose» qui les dépayse. 

Sauf que chaque Savoir est entouré de ses croyances et de ses valeurs. De ses codes et de sa langue ou de son langage. Mais aussi de ses hameçons.

On peut se marrer devant certaines de ces croyances et de ces valeurs ou avoir du mal à les avaler mais il me semble pourtant que c’est comme ça dans chaque région du monde, dans chaque microcosme, aujourd’hui comme demain.

Imprégné des valeurs et des croyances campagnardes et traditionnelles de ma famille aussi bien paternelle que maternelle, même sans avoir jamais essayé de faire pousser un igname ou de tuer une noix de coco, j’ai été formé puis influencé par elles lors de mes voyages et de mes rencontres depuis des années.

Pour le meilleur et aussi pour le pire :

Il m’est arrivé d’être mal inspiré dans mes rencontres personnelles et intimes. Amicales comme amoureuses. Mais aussi pour prendre certaines décisions de tout ordre.

Et, en buvant ce matin-là, à jeun, avant mon petit-déjeuner, l’eau d’une des noix de coco que ma mère m’a ensuite tendu, puis en mangeant ensuite avec plaisir le lait qu’elle avait retiré de plusieurs de ces noix de coco, j’ai, sans même y penser, comme des milliards d’êtres humains en ce début d’année, renouvelé le pacte qui me liait à mes parents et à mes origines familiales. 

Parce-que c’est d’abord eux qui m’ont appris ou montré comment vivre.

Ensuite, il faut grandir. Apprendre à lire et à ajuster ce que l’on a reçu.

Savoir transposer là où l’on est ce que nos parents- et nos maitres comme nos modèles- nous ont appris et montré en se taillant si possible une vie sur mesure qui, d’une part, les rassure, mais aussi, nous permet les meilleures aventures.

Vue depuis la Pointe des Châteaux, le 25 décembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce lundi 1er janvier 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Le mystère du Covid : Covid et embolie pulmonaire

Les terrasses du Trocadéro, ce mardi 28 novembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Le mystère du Covid : Covid et embolie pulmonaire

 

Il y a le mystère de la Joconde mais aussi de la disparition d’artistes aux débuts de carrière prometteurs. Pour moi, désormais, il y aura, aussi, le mystère du Covid.

Je « sais » que, désormais, on dit La Covid plutôt que Le Covid. Mais je reste sur la toute première formulation.

Aujourd’hui, je reste accroché à l’idée que le Covid que j’ai attrapé début septembre 2023 m’a donné mon embolie pulmonaire du début de ce mois de novembre 2023.

Même si un certain nombre de personnes autour de moi a pu l’attraper avant moi sans faire d’embolie pulmonaire par la suite.

Pour avoir cette idée, il m’a fallu, après avoir fait mon embolie pulmonaire et être sorti de l’hôpital la semaine dernière – le 22 novembre- effectuer quelques recherches sur le net qui m’ont rappelé que le Covid provoque ou peut provoquer des problèmes de thrombose et de coagulation du sang.

Un essoufflement anormal

Cela a commencé par un essoufflement anormal que j’ai ressenti le 3 novembre alors que je me rendais au pot de départ d’une de mes anciennes collègues et amie, Zara, au restaurant La Timbale, dans le 18 ème.

Je me suis senti étrangement fatigué. Mais j’ai mis ça sur le compte de la nuit que j’avais travaillée la veille. Ce devait être ça. Et puis, j’ai trouvé assez indigeste le repas que j’avais commandé à La Timbale. Bien que tous nos collègues semblent satisfaits de ce qu’ils avaient mangé.

Deux jours plus tard, j’avais toujours cet essoufflement anormal.  J’estimais mon amplitude respiratoire diminuée pratiquement de moitié.

J’avais même l’impression d’avoir le diaphragme « bloqué ». Je savais que c’était impossible car si cela avait été le cas, j’aurais été en bien plus mauvais état. Mais je respirais mal. Avec un confort et une facilité bien moindres que d’habitude.

En amateur, pour mes loisirs, je pratique l’apnée en club depuis quelques années. Et, même avant cette expérience, j’avais ressenti l’importance de la respiration, que ce soit pour faire des massages, pour faire des étirements, pour me détendre ou pour réviser des katas de karaté….

Pour obtenir un certain équilibre, une certaine force mais aussi une certaine aisance, la respiration a beaucoup d’importance. Si on respire mal, on se retrouve amputé en partie de ça.

Infarctus pulmonaire

J’avais aussi mal sur le côté droit. J’étais un peu constipé. Je ne savais pas que j’avais commencé à faire une embolie pulmonaire due à un caillot de sang.

C’est l’un des pneumologues qui m’a vu le 21 novembre, dans ce service de pneumologie où je suis resté hospitalisé trois jours, qui, la veille de ma sortie de l’hôpital, me l’a appris :

« Le 3 novembre, votre embolie pulmonaire a commencé ».

Ce même pneumologue a employé les termes « infarctus pulmonaire ». Je savais qu’il employait ces termes sciemment. Pour bien me faire comprendre la gravité de mon embolie pulmonaire.

Un caillot et des médecins

Restait le mystère de ce caillot sanguin. Pour lui et ses deux collègues femmes, restées en retrait, spontanément, la piste pouvait être une phlébite voire devait être une phlébite. Alors, tandis que j’étais alité,  il a encore été question de mes pieds. 

Comme la veille avec ces deux femmes médecins, on a de nouveau regardé mes pieds.

Mais mes pieds n’avaient rien à déclarer. Ils n’ont pas doublé de volume lorsque j’ai commencé à être essoufflé. Et je n’ai ressenti aucune douleur particulière à une de mes jambes.

Pour expliquer l’origine de ce caillot, le Covid que j’ai attrapé en septembre a été la première suggestion que j’ai faite. Avec le rappel de mon vaccin contre l’hépatite B. Le fait de travailler de jour et nuit. Et la pratique de l’apnée.

Mes suggestions les ont laissé froids.

Le  pneumologue m’a expliqué que je faisais peut-être partie de ces deux personnes sur dix qui font une embolie pulmonaire sans que l’on sache très bien en expliquer l’origine. Je ne croyais pas beaucoup à cette idée mais je n’ai rien dit.

La piste de mes facteurs de coagulation a aussi été envisagée. J’avais peut-être des problèmes de coagulation que j’ignorais. On m’a donc fait une prise de sang à ce sujet.

Une sortie rapide de l’hôpital

J’ai été étonné de pouvoir sortir aussi vite après une embolie pulmonaire (après trois jours d’hospitalisation). J’aurais accepté de rester deux jours de plus à l’hôpital. Et j’ai appris depuis que la durée moyenne d’une hospitalisation après une embolie pulmonaire serait de trois à cinq jours. Et le scanner thoracique, pelvien et abdominal que l’on m’a fait passer le jour de ma sortie a montré que je n’avais pas de cancer.

Mon caillot ne pouvait donc pas provenir d’un cancer.

Je suis sorti de l’hôpital il y a plus d’une semaine maintenant. Je vais de mieux en mieux. J’estime être à 60% de mes possibilités  respiratoires et physiques.

Je considère que je vais mieux qu’avant mon hospitalisation et le diagnostic de l’embolie pulmonaire. Je suis moins essoufflé. Je ne ressens plus vraiment ma douleur basithoracique. Pendant environ deux jours, après ma sortie de l’hôpital, les antibiotiques que j’ai pris m’ont donné la diarrhée. Après en avoir pris durant six jours, je n’ai plus besoin de les prendre. Et, aujourd’hui, je vais  à la selle comme tout le monde sans en mettre partout dans les toilettes. J’ai retrouvé l’appétit. Je dors correctement même s’il m’arrive de tousser encore un peu. Il m’est arrivé de cracher du sang mais c’est terminé.

Mon activité physique principale consiste à marcher. J’ai perdu un peu de poids. Deux à trois kilos. Mais cela me convient.

A l’hôpital, certaines recommandations m’ont été faites afin de me ménager.

Mais on a oublié de me dire qu’il me faudrait attendre entre trois et six mois avant de pouvoir reprendre la pratique de l’apnée. C’est le médecin fédéral du sport que je consulte de temps à autre qui me l’a appris plus tard lorsque je suis allé le consulter ce mardi 28 novembre non loin du Trocadéro.

On a aussi oublié de me dire qu’il me faudrait entre six mois et un an pour récupérer totalement de mon embolie pulmonaire. Car on récupère très bien d’une embolie pulmonaire à condition bien sûr d’être raisonnable. C’est mon thérapeute, ancien réanimateur, qui me l’a dit après ma sortie de l’hôpital lorsque je l’ai vu ce lundi 27 novembre.

A l’hôpital, on m’a appris que j’aurais un traitement anti-coagulant oral pendant au moins six mois et qu’il me faudrait attendre au moins un mois avant de pouvoir prendre l’avion en portant des bas de contention. Et que je serais aussi arrêté pendant quinze jours. Période d’arrêt maladie qui pourrait être prolongée par mon médecin traitant.

Les voies du caillot

En attendant de revoir en consultation le pneumologue mi-janvier, donc environ sept semaines après ma sortie de l’hôpital , avec une échographie cardiaque que j’aurais passée au préalable, je vois deux ou trois explications possibles au fait d’avoir « fait » un caillot qui m’a ensuite donné cette embolie pulmonaire.

La phlébite et mes pieds n’ont rien à voir là-dedans.

1) Le fait d’avoir du cholestérol un peu élevé dans le sang a pu m’exposer à la formation d’un caillot du fait du Covid qui perturbe la coagulation sanguine. ( 2,56 g/L de cholestérol total le 8 novembre, contre 2, 21 g/L hier, le 30 novembre 2023 pour une normale qui doit se situer au maximum à 2 g/ L de cholestérol total).

2 ) Le Covid à lui tout seul a pu perturber ma coagulation sanguine. Les résultats de mon bilan sanguin hier m’ont montré que mon dosage de plaquettes sanguines affiche un « score » de 444 Giga/L alors que la normale se situe entre 161 et 398.

J’aimerais bien que l’on m’explique ce chiffre de 444 Giga/L alors que j’ai désormais- depuis le 19 novembre- un traitement anticoagulant bi-quotidien pour une durée de six mois.

Le 8 novembre, donc cinq jours après le début de mon embolie pulmonaire, le même laboratoire avait trouvé un « score » de 234 Giga/ L pour mes plaquettes sanguines.

3) La conjugaison des effets des vaccins contre le Covid…et des effets du Covid.

Ma compagne, opposée aux vaccins contre le Covid et suspendue pour cela durant dix huit mois, m’a assez vite parlé des « vaccins » contre le Covid comme pouvant être la cause de ce caillot sanguin qui m’a donné cette embolie pulmonaire.

Je l’ai aussitôt contredite car je ne voyais pas le rapport entre mes trois doses de Moderna  contre le Covid il y a deux ans et mon caillot début novembre 2023.

Je pouvais admettre que le Covid attrapé début septembre 2023 provoque la production d’un caillot début novembre 2023. Je trouvais par contre peu plausible que les trois injections d’un vaccin faites deux ans plus tôt provoquent « subitement » la production d’un caillot….

Parce-que je n’avais pas pensé à la synergie des effets des vaccins contre le Covid…avec les effets du Covid.

On sait que certains vaccins contre le Covid ont pu provoquer des troubles de la coagulation sanguine.

Je crois aujourd’hui que la rencontre entre les vaccinations contre le Covid et le Covid peuvent provoquer la production de caillot sanguin.

Cela varie selon les personnes et le moment où elles attrapent le Covid. Puisque je connais des personnes vaccinées contre le Covid qui ont attrapé le Covid par la suite  sans pour autant faire d’embolie pulmonaire.

Pour l’instant, dans mon entourage, je suis a priori la seule personne que je connaisse à avoir fait une embolie pulmonaire deux mois après avoir attrapé le Covid pour la première fois. Et deux ans (ou trois) après avoir été vacciné trois fois contre le Covid.

Je ne suis pas diabétique. Je ne suis pas hypertendu. Je ne suis pas obèse. Je ne fume pas. Je bois peu d’alcool. Je suis assez sportif. Je ne suis pas dépressif. Mais je porte des lunettes tous les jours. Je fais parfois de l’humour, j’écoute assez peu de Rap, j’écoute de la musique de vieux, je fréquente des médiathèques et des bonnes boulangeries et j’aime le cinéma d’auteur en version originale. Même si j’aime aussi regarder des films grand public.

Vertueux mais vulnérable

Sur les terrasses du Trocadéro, ce mardi 28 novembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Malgré toutes ces « vertus », j’ai attrapé le Covid dans un moment de vulnérabilité physique assez inhabituelle et importante.

Après ou alors que j’aidais mon frère à effectuer son déménagement fin aout ou début septembre alors qu’il faisait particulièrement chaud.

Plus de trente degrés.

Cet été, même si certains estiment que nous avons eu un été pourri, il a plusieurs fois été question de canicule.

Du fait de cette chaleur, le déménagement de mon frère a été physiquement particulièrement éprouvant. J’étais largement le plus âgé ( 55 ans pour une moyenne d’âge de 40 ans de mon frère et de ses amis) parmi ceux qui aidaient mon frère à déménager.

Et, c’était la première fois, lorsque je participe à un déménagement, que je doive décider d’arrêter ma participation parce-que j’étais très ou trop fatigué.

Donc, il y a eu un moment de vulnérabilité physique particulier avant que j’attrape le Covid ou lorsque j’ai attrapé le Covid. Car c’est peu de temps après, deux ou trois jours après ce déménagement, que j’ai appris avoir le Covid. Un des copains de mon frère a ensuite, lui aussi, attrapé le Covid.

J’ai été en arrêt maladie quelques jours. Et, attraper le Covid a été pour moi une très grande surprise. J’avais toujours été persuadé que je ne l’attraperais pas. Avec ou sans vaccin.

J’ai passé quelques jours chez moi sans difficulté respiratoire particulière. J’ai eu un peu de fièvre qui est passée très vite avec le repos sans prendre le moindre doliprane. J’ai été fatigué deux ou trois jours avec une perte d’appétit. J’ai peut-être un peu toussé. Puis, comme après mon arrêt maladie j’avais des jours de congés, j’ai très vite récupéré.

Du moins était-ce que je croyais lorsque j’ai repris mon travail mi-octobre 2023.

De l’épanchement pleural à l’embolie pulmonaire importante

Puisque, ensuite, environ un mois plus tard, cela a été une très grande surprise pour moi d’apprendre à l’hôpital où je m’étais fait hospitaliser au départ- le 19 novembre- pour un épanchement pleural que j’avais « une embolie pulmonaire importante ».

Cela faisait alors plus de deux semaines que je me sentais anormalement essoufflé (depuis le 3 novembre) et, à aucun moment, je n’ai pensé à une embolie pulmonaire.

A chaque fois que j’ai été par vu par un médecin, y compris aux urgences, je parlais de cet « essoufflement anormal » pour des efforts de la vie quotidienne, tels que le fait de monter des escaliers ou des escalators, qui, là, étrangement, me fatiguaient bien plus que d’ordinaire. 

J’estimais mon amplitude respiratoire diminuée de moitié. J’avais aussi une douleur persistante sur le côté droit. J’étais constipé. Je n’avais plus beaucoup d’appétit.

Comme je gardais le moral, j’essayais de trouver ce que je pouvais bien avoir. J’ai pensé à une hépatite, à une péritonite, à une pancréatite voire à une appendicite.

Mais à aucun moment, je n’ai pensé à une embolie pulmonaire.

Stressé, angoissé, constipé et bronchitique

La femme médecin que j’ai  consulté en premier début novembre m’a ausculté et examiné.

Elle a suggéré que j’étais peut-être « stressé » ou « angoissé ». Je n’ai pas voulu jouer au mec macho donc je n’ai pas protesté. Je suis reparti avec une prescription de doliprane, de flector et de Macrogol (contre la constipation). J’ai dû insister pour qu’elle accepte de me prescrire un bilan sanguin hépatique. Puisqu’elle estimait en prime abord qu’il me fallait aller voir mon médecin traitant pour me faire prescrire un bilan sanguin.

J’ai passé un test antigénique au Covid vers le 16 ou le 17 novembre. Le résultat a été négatif.

Puis, le 17 novembre, devant une radio pulmonaire normale, le résultat de mon bilan sanguin et mes quintes de toux, le second médecin que j’ai revu pour la seconde fois en une semaine m’a appris que je faisais une bronchite :

« Il n’y a que ça en ce moment ! ».

Il m’avait  prescrit un bronchodilatateur la première fois. Le fait que mes transaminases soient élevées au delà de la normale ne l’inquiétaient pas. Il m’a répondu que cela restait élevé dans des proportions raisonnables. Ce médecin, que j’ai vu à deux reprises, ne m’a jamais ausculté et n’a jamais pris ma température. Mon temps de passage dans son cabinet, à chaque fois, a duré cinq minutes tout au plus.

L’ange au scanner

Le lendemain soir, aux urgences, dans la nuit du 18 au 19 novembre, on s’est focalisé sur mon épanchement pleural. Pour cela, il fallait m’hospitaliser afin de le ponctionner. Sauf que, dans la journée du 19 novembre, on ne voyait pas très bien à l’échographie où il se situait. Alors, il a été décidé de me faire passer un angio-scanner. Lequel a beaucoup aidé à localiser et révéler que je faisais « une embolie pulmonaire importante ».

Deux semaines pour diagnostiquer une embolie pulmonaire.

Ralentir

Il y a beaucoup à dire sur ce qui se peut se passer dans une vie en deux semaines. Bien-sûr, on peut imaginer le pire en se remémorant telle ou telle situation dans cet intervalle. Même si j’étais étonné par ce qui m’arrivait et ce que je ressentais de ce souffle qui continuait de me fuir, je n’ai pas paniqué.  Je n’ai pas envisagé le pire. Même alors que j’en étais quelques fois à respirer un peu par la bouche debout dans des transports en commun bondés.

Ausculter

Pendant ces deux semaines, j’ai ralenti mon allure. J’ai arrêté de faire une partie de mon trajet pour le travail à vélo. J’ai uniquement pris les transports en commun. J’ai essayé d’assembler et de trouver des éléments de compréhension. J’ai un peu parlé autour de moi de ce qui m’arrivait. Jusqu’à ce qu’une de mes collègues infirmières, la plus qu’aimable Florence-Jennifer, dans notre service d’urgences médico-légales, le 18 novembre, alors que nous travaillions de nuit, me suggère de me faire ausculter par notre psychiatre de garde qui a entendu un épanchement pleural. Ce qui a amené mon transport par un de nos collègues aux urgences….

J’ai plutôt été « soulagé » que l’on me trouve un épanchement pleural. J’étais claqué. Je me disais que, enfin, on tenait quelque chose. Même si, pour respirer, j’avais l’impression de devoir tirer comme lors d’une bronchite asthmatiforme et que le bronchodilatateur avait en effet calmé mes quintes de toux, le fait d’être de plus en plus fatigué, de continuer de manquer d’appétit, d’être constipé, de me « refroidir » ( j’avais 38 degrés 2 aux urgences) me faisait comprendre qu’il manquait quelque chose au diagnostic.

Ausculter l’univers

Je n’ai pas de colère particulière concernant le temps qu’il a fallu pour débusquer cette embolie pulmonaire. Je ne suis pas médecin. Chaque être humain est un univers et le soigner et le comprendre est difficile.

Mais je comprends celles et ceux qui se sont beaucoup inquiétés pour moi ou qui sont en colère.

Et, j’ai aussi l’impression d’avoir été mal  écouté par des personnes consciencieuses et travailleuses mais qui se  sont laissées téléguider par une façon de penser assez stéréotypée ou qui n’ont fait que continuer de suivre la piste préalable signalée par d’autres sans essayer d’approfondir, de comprendre ou de remonter aux origines du « mal ».

Ce qui m’a été dit par les médecins, en résumé, après le diagnostic de mon embolie pulmonaire, c’est :

« Vous n’avez pas le profil ».

Tenir compte des signes

Moi, aussi, j’ai pensé et cru que je n’avais pas le profil. Mais un profil, c’est aussi une apparence. Alors qu’il faut aussi tenir compte des signes. Les voir et les écouter.

L’erreur principale, à mon avis, a été celle-là. Ne voir et ne regarder que le profil et se fermer au reste : l’essoufflement anormal, la douleur basithoracique. L’expérience de la personne qui consulte.

Quoiqu’il en soit, quoique l’on puisse penser de tout ça, ces surprises émanent, ici, du Covid. Que les vaccinations contre le Covid jouent un rôle ou non dans ce qui m’est arrivé avec cette embolie pulmonaire.

Mais une autre surprise est arrivée avec le Covid.

Le Covid en librairie

On parle du Covid maintenant depuis presque quatre ans. L’année prochaine, en 2024, on devrait entrer dans la cinquième année de « l’apparition » du Covid sur la scène publique et internationale. Il y a eu beaucoup d’avis, de controverses, d’examens, de recherches et de milliards consacrés au Covid.

Pourtant, lorsque cette semaine, que ce soit à la librairie La Procure ou à la médiathèque d’Eaubonne, j’ai cherché un livre qui synthétise ce que l’on avait appris de médical sur le Covid, j’ai été surpris de découvrir qu’il n’y en n’a pas.

A la très jolie et grande librairie La Procure, cette semaine, la libraire qui s’est occupée de moi m’a dit que les gens en avaient désormais assez du Covid. Cela, je le comprends parfaitement. Sans mon embolie, je me serais dispensé de ce genre de recherche. A part mes recherches d’un livre sur le Covid, je suis reparti de la librairie La Procure avec Le Cœur sur la table de Victoire Tuaillon, Au Nom du Temple ( Israël et l’arrivée au pouvoir des juifs messianiques) de Charles Enderlin et Aikido Enseignements secrets de Morihei Ueshiba. Et j’ai commencé à lire Stéréo-scopie de la réalisatrice Marina De Van ainsi que Une Soudaine Liberté de Thomas Chatterton Williams donc des ouvrages qui portent sur des sujets a priori fort distincts de la thématique du Covid.

La libraire, de son côté, a néanmoins fait de son mieux pour me trouver les livres disponibles sur le Covid. Elle m’en a rapporté deux ou trois que j’ai feuilletés.

Il y a bien des livres sur le Covid. Mais c’est pour raconter ou décrypter comment la pandémie est arrivée, pour critiquer les erreurs répétées de la gestion de la pandémie ou les mensonges qui ont été ou auraient été dits.

Par contre, pour trouver un livre qui étudie la maladie et qui vous explique ses symptômes, ses effets médicaux connus, irréfutables et recensés, de manière synthétique et simple, je n’en n’ai pas trouvé.

Le Covid :  problèmes de coagulation et de publication

C’est sur le net que j’ai trouvé des articles qui parlent du Covid et de ses effets sur la coagulation. Parce-que j’ai tapé des mots clés comme « Covid et thrombose » ou « Covid et problèmes de coagulation » ou « Covid et embolie pulmonaire ». J’ai donc été dirigé vers des articles en ligne ou vers des articles de journaux papier qui ont été digitalisés par la suite et qui évoquent le fait que le covid augmente le risque de thromboses et d’embolies pulmonaires.

Mais je n’ai trouvé aucun livre papier, concret et matériel qui synthétise les connaissances médicales sur le Covid. Malgré tous les milliards et toute l’attention portée à la pandémie du Covid, notre connaissance à son sujet n’est pas fixée dans des livres et reste, apparemment, minimale, ou réservée à une minorité médicale.

Nous avons pourtant certaines connaissances médicales sur le Covid même si des mystères demeurent.

Cette absence de « synthèse » mais aussi de diffusion à grande échelle de certaines connaissances médicales à propos du Covid explique peut-être en partie l’incrédulité à l’hôpital des trois pneumologues devant moi, il  y a quelques jours, lorsque je leur ai entre-autres suggéré la piste Covid pour expliquer l’origine probable de mon caillot responsable de mon embolie pulmonaire.

Mais aussi peut-être le fait qu’aucun des deux premiers médecins généralistes que j’avais d’abord consultés ne m’ait demandé si j’avais attrapé le Covid récemment ou dernièrement alors que je leur disais être « essoufflé de manière anormale ». Alors que le Covid est aussi connu pour donner certaines difficultés respiratoires.

Le Covid est vivant

On croit s’être débarrassé du Covid parce-que l’on ne parle plus de pandémie. Parce-que nous avons nos vaccins. Parce-que nous ne parlons plus d’obligation vaccinale et ne sommes plus obligés de respecter certains gestes barrières comme de porter des masques anti-Covid comme nous l’avons fait pendant des mois. Parce-que nous avons eu plus que nos doses du Covid dans les média.

Mais mon embolie pulmonaire et la difficulté pour la diagnostiquer démontrent un peu que nous avons enterré et décidé d’ignorer le Covid un peu trop hâtivement. Et que, ce faisant, c’est sans doute lui ou elle qui va mettre à mal encore un certain nombre de personnes faute d’attention, d’ouverture d’esprit et de prudence. Je me dis que si, moi, qui n’ai pas le profil, j’ai pu faire une embolie pulmonaire, d’autres sont susceptibles d’en faire une ou en ont déjà fait une dans des circonstances aussi surprenantes que celles que j’ai connues. 

Ce témoignage vise à informer plutôt qu’à effrayer.

Les terrasses du Trocadéro, ce mardi 28 novembre 2023. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, vendredi 1er décembre 2023.

 

 

 

 

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Cinéma

How to have Sex un film de Molly Manning Walker

Tara ( l’actrice Mia McKenna Bruce) et Badger ( l’acteur Shaun Thomas).

How to have Sex un film de Molly Manning Walker

Plus de deux semaines sont passées depuis que j’ai vu ce film en projection de presse.

Et je n’ai toujours rien écrit dessus. Le film va bientôt sortir et j’ai déjà commencé à apercevoir – sur l’affiche du film- des commentaires de la presse dithyrambiques.

Pour “bien” m’aider à rédiger cet article, j’ai égaré les quelques notes, bicoques de mes pensées, que j’avais écrites peu après avoir vu le film. Je les retrouverai peut-être après, lorsque le film sera sorti. Ce 15 novembre 2023. 

Ce matin, je me mets à repenser à ce film alors que, pour d’autres raisons qui n’ont rien à voir avec lui, je raisonne tout seul à propos de ces besoins que nous avons, qui nous poussent à vivre certaines relations douloureuses ou heureuses, et qui se partagent  peu avec les contingences de la morale et du Devoir.

Le titre du film est une entourloupe. Le sexe. Le sexe, ça excite.

Tara ( l’actrice Mia McKenna Bruce) et Skye ( l’actrice Lara Peake)

Ou ça effraie.

C’est un peu comme une chouette qui nous surprend la nuit ou dans un environnement inconnu et dont on a du mal à identifier, avec autorité, l’identité ou les véritables intentions à notre sujet. On s’est alors beaucoup trop avancé, d’un pas décidé, pour passer de l’autre côté et, maintenant, on commence un peu à hésiter. A se hérisser. Mais on ne peut plus reculer. On a oublié ou perdu le trajet qui pourrait nous faire revenir à notre point de départ. Lorsque l’on était sain et sauf et que l’on avait envie d’aller de l’avant. On s’était voulu déterminé, on se rencontre maintenant autrement. On se rend compte que l’on n’avait pas tout à fait tout prévu comme on le croyait au départ, en terrain familier.

On croit que le sujet de How to have sex, c’est le sexe. On a de quoi se frotter les mains ou se caresser les lèvres du vagin en découvrant ce titre si l’on est « intéressé ( e) ».

Em ( l’actrice Enva Lewis) et Tara ( l’actrice Mia McKenna Bruce) deux des amies “for Life”.

Le résumé de l’histoire nous apprend que trois copines, Em, Skye et Tara, mineures, et encore collégiennes, partent en vacances dans l’équivalent d’un endroit comme Ibiza afin de perdre leur virginité et de connaître ce grand moment de la première fois contre le corps de l’autre. Sea, Sex and sun.

Mais il faut voir ce que l’on met dans la boite à lettres du sexe. Cette boite à lettres se trouve dans notre tête.

Badger ( l’acteur Shaun Thomas)

Pour certaines personnes, il s’agit de tirer son coup et de s’en battre les couilles- ou les ovaires- après, que l’on soit un homme ou une femme.

Je suis tombé récemment sur une vidéo de la chanteuse Miley Cirus affirmant crânement qu’après avoir couché avec quelqu’un, celle-ci ou celui-ci n’existe plus. C’est à peu près l’équivalent d’un cadavre qui a rempli son office – ainsi que ses orifices- de son vivant et dont il faut se débarrasser ou dont il faut s’éloigner au plus vite par la suite sans laisser de traces. 

Avec Miley Cirus, lorsque l’on a un rapport sexuel, on n’est pas là pour vivre ensemble.  Ni pour concevoir une quelconque relation. Si l’on recherchait un suivi de relation comme on le fait d’une lettre suivie par la poste, on s’est trompé d’endroit et de personne.

On s’est juste mis « bien » pour coucher ensemble. On est bien d’accord ! Que les choses soient claires !

Sous cette vidéo de ce qui ressemblait à une interview de Miley Cirus, on pouvait lire des commentaires admiratifs et enthousiastes de personnes vantant son inconditionnelle franchise. Je n’ai aucune idée de l’âge moyen de ces admiratrices et admirateurs mais j’ai envie de croire qu’ils étaient « jeunes », c’est à dire, pour faire très simple :

Moins de trente ans.

Tara ( l’actrice Mia McKenna Bruce)

Lorsque l’on a moins de trente ans (ou plus ) et que, finalement, on a vécu assez peu d’histoires ou de relations qui comptent, on pourrait rejoindre cet avis de Miley Cirus ou de ces « fans ».

« Moi, c’est juste pour baiser ». « C’était pour s’amuser. Je ne lui ai rien promis. On n’est pas marié… ».

Nous sommes régulièrement « convaincus » que le sexe est devenu une livraison banale sans engagement particulier de notre part :

Entre les pubs dénudées ; les soirées plus ou moins festives; les occasions et les propositions diverses; les lieux et les sites dits de rencontres; les femmes et les hommes qui voient le sexe comme Miley Cirus ; les images élaborées d’influenceuses ou de stars féminines (Beyoncé, Rihanna etc…) acharnées à se montrer suggestives et parfaitement à l’aise pour nous expliquer que tout cela est transgressif et vise surtout à secouer ou démolir la pudibonderie hypocrite, veule et patriarcale préétablie dont le seul projet- ou objet- est de domestiquer mais aussi d’éradiquer la femme ;

Beaucoup est fait, dit, répété et montré pour nous convaincre que la sexualité, finalement, même pas mal. C’est même un outil ou un engin de délivrance et d’affirmation de soi en tant que personne libre, consciente et responsable.

Je fais de mon corps ce que je veux…”

Skye ( l’actrice Lara Peake), Em ( l’actrice Enva Lewis) et Tara ( l’actrice Mia McKenna Bruce).

 

Tel est à peu près l’état d’esprit de Em, Skye et Tara, les trois « meilleures amies pour la vie » lorsqu’elles décident de partir ensemble dans ce lieu de ré-jouissances où, à la façon d’un club Méd, bien des animations sont organisées (par des adultes souvent plus âgés que les jeunes venant s’y défouler) afin de boire beaucoup d’alcool mais aussi de permettre des interpénétrations charnelles faciles et rééditées sans, a priori, aucune conséquence.

Sur le papier, un tel programme, cela peut être le pied à condition d’accepter de se bourrer la gueule et de trouver ça festif. Personnellement, dans ce genre d’ambiance, j’aurais dérangé et emmerdé bien des gens car prendre une cuite, partir vomir ensuite et avoir plaisir à le raconter ne m’a jamais fait bander. Probablement, je le sais maintenant, parce-que je suis un type coincé et sans avenir.

Mais là où se rendent nos trois héroïnes, Em, Skye et Tara, fort heureusement, tout le monde ou à peu près est beaucoup plus drôle, sait prendre la vie du bon côté et se montre consentant et participatif puisque l’on y vient tous pour ça. Cela change tellement des mimiques et des corps embarrassés et des méthodes de dragues à deux balles, lorsque, dans la rue, sur la plage, en pleine forêt, sur l’autoroute ou dans le métro, on croise un inconnu ou une inconnue qui nous plait sans trop savoir  comment l’aborder ou en prenant le risque-en public- de se faire jeter ou traiter de pauvre type, de pervers ou de harceleur.

En pratique, malgré leurs bonnes dispositions, nos trois jeunes collégiennes vont découvrir qu’elles manquent peut-être encore un peu de réalisme. Et que l’on peut être une fille intelligente et rusée, et, par ailleurs, se jouer des tours à soi-même. Ou se faire rouler dans la farine.

Le réalisme, How to have sex en est pourvu. On pourra donc, lors de certaines scènes quasi-documentaires, se sentir quelque peu mal à l’aise sans être dans une position de voyeur. Comme devant des images du film Kids ( 1995) de Larry Clark auquel ce film m’a au moins fait penser. On pourra aussi se rappeler le personnage interprété par l’actrice Thora Birch dans le  American Beauty de Sam Mendes ( 1999) ou de certaines des paroles plus récentes du titre Teenage Fantasy de la chanteuse Jorja Smith. Une chanson qui aurait pu faire partie de la bande son du film.

How to have Sex, avec méthode, nous dévoile comment se forme le canevas qui va permettre la « chute » : on y trouve des personnes vulnérables qui se croient suffisamment prêtes, ouvertes, adultes et fortes pour l’aventure dans laquelle elles se sont lancées; une figure maternelle et protectrice qui ne peut pas être omniprésente et deviner la présence et l’imminence du danger; le sentimental crédule, timide, bienveillant et gentil dominé par « l’ami » tapi en embuscade, infiltré, qui, lui, agit à la moindre opportunité et sans le moindre scrupule.

Tout n’est pas pourri dans cet univers où des jeunes viennent un peu de tous les pays pour « s’amuser ». Mais il suffit qu’une personne malintentionnée s’invite et se cache parmi eux pour que les premières victimes apparaissent.

Initiatique, How to have sex l’est autant pour les trois protagonistes qu’il pourra l’être pour certaines spectatrices et spectateurs qui pourront aller voir ce film à partir de ce 15 novembre 2023.  

 

Franck Unimon, ce samedi 4 novembre 2023.

 

 

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En Concert

PJ Harvey à l’Olympia, octobre 2023

 

PJ Harvey, à l’Olympia, Paris, ce 12 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

PJ Harvey à l’Olympia, octobre 2023

PJ Harvey, c’est lors des années 90 et 2000 qu’elle avait tout emballé.  Je l’avais ratée au festival Rock En Seine entre 2003 et 2005 au parc de St Cloud. J’avais trop hésité.

Trente ans plus tard, ses deux dates pour l’Olympia ont été complètes. S’il y avait moins la queue pour son concert que pour celui des deux sœurs Ibeyi, PJ Harvey a néanmoins son public.

Ce 12 octobre 2023, après le concert de PJ Harvey. Photo©Franck.Unimon

On a plutôt la quarantaine voire la cinquantaine lorsque l’on vient voir PJ Harvey en concert et l’on est plutôt blanc, aussi. C’est ce que je me dis subitement alors que je me trouve dans la salle où, à part les vigiles pour filtrer les entrées ou dans la salle pour assurer la sécurité, je n’ai pas vu un seul noir dans le public.

Il y a aussi pas mal de femmes. De la trentaine à la cinquantaine.

Bien plus que lorsque j’étais allé découvrir Joe Bonamassa grâce à Christophe Goffette et, qu’à côté de moi, dès le début du concert, un homme avait chaussé ses lunettes noires et ostensiblement refusé toute interaction avec moi. Nous n’étions pas du tout du même bord. Lui, c’était un pur. Et, moi, je devais ressembler à un artéfact. Il était peut-être aussi dans la salle, parmi les spectateurs, ce soir.

PJ Harvey, à l’Olympia, ce 12 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

A ce concert de PJ Harvey, je le sais, se trouvent aussi un ami, rencontré trente ans plus tôt, et une de ses collègues dont j’ai fait la connaissance un peu plus tôt dans la journée. Avec eux, j’aurai un peu plus d’interactions car aucun des deux ne porte de lunettes noires.

Sans nous être consultés, tous les trois, nous avions pris notre place pour ce concert de PJ Harvey environ deux mois plus tôt. Les places sont vite parties.

Les artistes, entre eux, ont souvent bien moins de frontières que celles et ceux qui les « suivent » et les écoutent. C’est parce-que, progressivement, j’ai fait mien ce principe ou cette conduite de vie que j’ai été amené, il y a plusieurs années, à écouter PJ Harvey. Tout en écoutant du Zouk ( Jacob Desvarieux)  ou du Reggae ( En concert avec Hollie Cook au Trabendo).

Mon ami de trente ans, je le sais, n’écoute pas du tout du Zouk, du Kompa, de la Salsa ou du Reggae. Et encore moins du Dub :

( En concert avec Zentone à la Maroquinerie) .

Pas même du Funk. Lui, me (re)parlera de Franck Black (que j’ai eu la chance de voir un jour en concert et ce fut une très très belle performance), de John Zorn, de Roger Waters… Des artistes que je peux aimer écouter (Roger Waters) ou que j’ai essayé d’entendre (John Zorn).

Sa collègue, elle, après le concert, me donnera envie en m’apprenant avoir vu Massive Attack avec Tricky en 2008. Ces derniers jours, j’ai beaucoup écouté et réécouté Tricky. J’ai cherché des nouvelles versions de ses titres. Mon ami n’écoute pas Tricky. Mais PJ Harvey avait fait un titre avec lui :

Broken homes.

Après le concert, cependant, la collègue de mon ami me laissera un peu pantois lorsqu’elle citera les Artic Monkeys. Car elle n’a pas trop aimé la prestation que nous avons vue de PJ Harvey. Elle a trouvé les paroles très belles mais le son mauvais. Pour elle, on ne sentait pas assez les basses. Elle aurait voulu se sentir « transpercée » par les basses comme cela s’était fait lors du concert des Artic Monkeys ou de Massive Attack par exemple. Je connais les Artic Monkeys seulement de nom. D’après mes préjugés, c’est une musique froide, « blanche », ça ne se danse pas. Je n’ai pas envie d’y aller. Mais je n’ai rien écouté d’eux à ce jour alors que je peux beaucoup aimer des titres de Cure, Joy Division, Depeche Mode, Soft Cell, Radiohead….

 D’ailleurs, j’ai vu le film consacré à Ian Curtis, leader du groupe Joy Division : Control réalisé en 2007 par Anton Corbijn. J’ai aimé le film même s’il est déprimant.

Et, Tricky, lui-même, ou Massive Attack, ont assurément puisé aussi dans des inspirations qui ont pu être communes aux Artic Monkeys. On ne peut pas dire non plus que les compositions de Tricky et Massive Attack soient des inventions particulièrement festives.

PJ Harvey, A l’Olympia, ce 12 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Mon ami, lui, pour nous redonner du tonus, après le concert, nous dit :

« Je pense qu’on est venu la voir trop tard. Il aurait fallu la voir vingt ans plus tôt ».

Mon ami souligne aussi que la mise en scène théâtrale de PJ Harvey ne l’a pas séduit. Il est vrai que, durant le concert, PJ Harvey a beaucoup posé tout à son rôle ou aux histoires qu’elle nous a racontées dans ses chansons. Mais cela a été très pratique pour moi. Pour prendre des photos. Je n’ai peut-être jamais réussi autant de photos en concert.

Nous avons vieilli. PJ Harvey, aussi. Mais nous le reprochons plus à PJ Harvey qu’à nous-mêmes. Toutefois, moi, qui ai moins bien compris les paroles de ses chansons que mon ami et sa collègue, j’ai aimé le concert. Jusqu’alors, je n’avais pas remarqué le nombre de fois où elle mentionne les mots « Amour » et  « Jésus ».  

Au plus près de la scène afin de pouvoir faire mes photos, j’ai aimé le dévouement de PJ Harvey. J’ignore si cela a toujours été comme ça mais nous savions que son concert commencerait à 20 heures piles comme annoncé sur nos billets. Par ailleurs, des mesures ont été prises contre la revente des places de son concert au marché noir. Il vaut donc mieux avoir acheté son entrée par les biais officiels. J’ai un peu oublié maintenant mais il me semble avoir payé 55 euros pour être debout dans la fosse. Et, au départ, toutes les bonnes places près de la scène m’ont semblé déjà prises.

PJ Harvey, ce 12 octobre 2023, à l’Olympia. Photo©Franck.Unimon

La « prêtresse du Rock » PJ Harvey (c’est ainsi qu’elle a été surnommée dans la presse pour ces concerts) a développé sa conscience du monde. J’ai lu ou appris qu’elle se préoccupait de ce que nous faisions de notre planète, de ce qui s’y passait. Devenue plus cérébrale sans doute qu’à ses « débuts », comme Björk,  sa musique rentre moins dans le tas qu’avant. Et, il y a beaucoup moins de gravats après les passages de sa voix et de sa guitare. Or, visiblement, c’est ce que un certain nombre d’entre nous attendaient.

PJ Harvey change d’ailleurs plusieurs fois de guitare. Il s’agit donc d’un instrument qui lui reste familier. Le public reste sage ou tout en dévotion. Il s’anime d’emblée lorsque l’artiste entame certains de ses anciens « tubes » tels que Down by the water par lequel j’avais, je crois, entendu parler d’elle pour la première fois dans un film de Laetitia Masson avec Sandrine Kiberlain. Alors que Laetitia Masson, dans les années 90, était une réalisatrice de films d’auteurs qui étalonnait son époque.

PJ Harvey a aussi entonné Dress mais, si j’ai bien entendu, aucun titre de l’album Is it Desire ?

Je n’aurais pas dû pouvoir prendre toutes ces photos au concert de PJ Harvey. Même si dans la salle, j’ai bien vu des personnes prendre des photos, ou filmer, y compris à proximité d’un des vigiles, avec tout ce qu’il fallait pour bien zoomer, j’ai aussi vu une personne devoir déposer son appareil photo à la consigne avant d’entrer dans la salle.

Je suis content ou très content de ces photos. Et, je m’en sers non pas pour me faire du fric sur le dos de l’artiste et de celles et ceux qui travaillent avec elle, mais afin d’avoir des photos originales, mes photos, et pour restituer aussi bien que possible cette expérience qu’a été pour moi ce concert ainsi que l’œuvre d’une artiste. Avec autant de sincérité que possible ainsi qu’avec les moyens dont je dispose pour mon blog.

Pour le diaporama de photos que j’ai fait et qui arrive à la fin de cet article, j’ai choisi des anciens titres de PJ Harvey. Cela lui déplairait peut-être. Mais je crois que cela devrait faire plaisir à celles et ceux qui, comme moi, ont vieilli, et ont conservé une partie de leur jeunesse et de leur vitalité dans les fûts et les refus de ces titres.

Franck Unimon, ce mercredi 1er novembre 2023.

 

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Théâtre

Zingaro : Cabaret de l’exil femmes persanes conception Bartabas

Au théâtre Zingaro, à Aubervilliers, ce samedi 28 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Zingaro : Cabaret de l’Exil femmes persanes (conception Bartabas)

 

Cela faisait des années que j’avais entendu parler de Bartabas, du théâtre Zingaro, de « ses » chevaux et que j’avais envie d’aller les voir. J’avais aussi lu un ou deux articles sur lui. Ou peut-être une interview. Cela m’avait décidé.

Bartabas, après la représentation ce samedi 28 octobre 2023 au théâtre Zingaro. Photo©Franck.Unimon

Mais mes envies sont aussi des bagages que je tire derrière moi. On peut me trouver excentrique et original. Pourtant, je vis le plus souvent avec les badges, les numéros, les heures, les consignes ou les directions qui me sont attribuées et pour lesquelles je (me) suis renseigné.

Il faut des sorts contraires ou en être arrivé à un stade particulier dans son histoire personnelle, pour, un jour, ou par moments, renoncer complètement et oublier beaucoup de ce que à quoi l’on a pu tenir pendant des années. Ou faire le nécessaire pour que tout arrive.

Il a fallu que je me marie et devienne père pour que je pense cette année à offrir à ma fille un spectacle de Bartabas comme cadeau d’anniversaire et que je l’y emmène avec sa mère.

J’avais bien vu un de ses spectacles. Mais c’était au château de Versailles. Dans une autre vie avec une autre personne. Nous étions loin. Cela allait vite. Il était difficile de bien distinguer ce qui se passait même s’il m’en était resté quelques visions. Et, cela n’était pas au théâtre Zingaro.

Une des parties du théâtre Zingaro, à Aubervilliers, ce samedi 28 octobre 2023, là où s’est tenu la représentation. Photo©Franck.Unimon

Créé en 1989, situé dans la ville d’Aubervilliers, je m’étais toujours imaginé que le théâtre Zingaro était difficile d’accès. Que c’était soit trop loin ou soit trop cher.

Je suis pourtant né en banlieue parisienne et ai toujours vécu en banlieue parisienne. Un de mes cousins vit depuis plus de vingt ans dans la ville de Saint Denis. J’ai déjà fait des voyages à l’étranger et en France. J’ai aimé ça et continuer d’aimer faire des voyages. A Paris et en île de France, je préfère largement les transports en commun à la voiture et je les emprunte très facilement depuis des années.

Je n’ai peut-être pas assez aimé.

Tout est fait pour pouvoir se rendre à la station Fort d’Aubervilliers, par la ligne 7 du métro, et aller au théâtre Zingaro. C’est même beaucoup plus pratique que la voiture, le soir de la finale de coupe du monde de Rugby au stade de France entre la Nouvelle Zélande et l’Afrique du Sud.

Lorsque, tous les trois, nous partons découvrir le théâtre Zingaro et son dernier spectacle Cabaret de l’Exil femmes persanes, le match de Rugby n’a pas encore débuté. Et nous sommes à quelques heures du passage à l’heure d’hiver. Mais nous sommes un samedi soir, entre 18 heures et 19 heures, en pleines vacances de la Toussaint.

Il y a beaucoup de monde dans le métro. Des touristes. Des personnes habillées pour sortir le samedi soir. Des amatrices et des amateurs de Rugby qui se rendent au « stade » (au stade de France) ou ailleurs pour regarder le match. Telle cette jeune femme plutôt longiligne d’une vingtaine d’années en face de qui je m’assieds, qui porte un maillot ( de Foot ou de Rugby ?) de l’équipe de France et des écouteurs intra-auriculaires sans fil.

Arrivés à la station Fort d’aubervilliers, juste avant le terminus, nous descendons et, tels des exilés, nous cherchons notre chemin.

Sous le chapiteau où il est possible de se restaurer et de s’asseoir près du théâtre Zingaro, ce samedi 28 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon

Le jeune homme noir (la vingtaine) devant lequel je me fige et que je salue avant de l’interroger tient son téléphone portable à la main. Il est un petit plus grand que moi, debout, près de l’une des sorties du métro.

A l’intonation et aux accents de sa voix comparativement à mes expressions en Français « soutenu », je mesure à la fois sa surprise mais aussi que nous sommes, lui et moi, de deux mondes différents mais aussi que nous sommes bien en banlieue.

Pourtant, nous venons d’Argenteuil et je suis né à Nanterre. Argenteuil et Nanterre – là où j’y ai vécu en immeuble HLM- n’ont rien à voir avec Versailles, St Germain en Laye, Neuilly sur Seine ou le 6 ème arrondissement de Paris.

Mais nous sommes néanmoins deux étrangers lui et moi qui parlons alors dans une même langue, le Français, tout en ayant- a priori- des perspectives très différentes.

Toujours sous le même chapiteau que précédemment, ce samedi 28 octobre 2023, au théâtre Zingaro. Photo©Franck.Unimon

Je vois bien que le théâtre Zingaro, Bartabas, ça ne lui dit rien même s’il est du quartier vraisemblablement et qu’il me renseigne. J’ai été pareil que lui, durant des années, adolescent, lorsque je passais devant le théâtre des Amandiers, à Nanterre, et que je voyais, étonné et dubitatif, des personnes faire la queue dans la rue afin d’y entrer. Nous avons habité à environ dix minutes à pied du théâtre des Amandiers jusqu’en 1985. Soit quatre ans avant la création du théâtre Zingaro à Aubervilliers, ville qui, comme Nanterre, avait alors probablement un maire communiste.

Chaque fois que je connais un peu plus l’histoire du théâtre des Amandiers de Nanterre, je me rappelle avec une certaine amertume de ce genre d’opportunités que j’ai pu rater à cause, déjà, de mon infirmité :

Le manque de curiosité, de volonté et d’autonomie de pensée. Tout cela conduit à la cécité – morale, intellectuelle, psychologique- et à la lâcheté tant morale, que sociale et physique.

Ou, comme cela est mon cas, par moments, à une sorte de rage, de colère et d’amertume contre moi-même. Parce-que j’ai une certaine mémoire contre moi-même.

Personne, dans mon histoire, dans mon quartier, dans mes relations ou dans ma famille n’avait pu ou n’avait su saisir la chance ou l’intérêt que cela pouvait être, pour nous, personnes de banlieue, de milieu social modeste ou moyen, quelles que soient nos origines ou nos religions, d’avoir un tel lieu culturel près de chez nous.

Malgré les ambitions d’ouverture et de mixité sociale du théâtre des Amandiers et de tous les endroits ou de toutes les personnes qui lui ressemblent ou qui lui ont ressemblé.

Pourtant, j’étais une personne normale.

Quelques uns des artistes après la représentation, ce samedi 28 octobre 2023 au théâtre Zingaro. Photo©Franck.Unimon

J’allais à l’école, à la bibliothèque. Je regardais la télé, le journal télévisé. Je lisais. Je faisais mes devoirs, scolaires ou autres.
Et, lorsque je ne les faisais pas et les remplaçais par des bêtises ou des mauvais comportements et que j’étais démasqué, j’étais puni ou corrigé, que ce soit à l’école ou à la maison. Mauvaise note, gifles, oreilles tirées, remontrances devant la classe, coups de ceinture à la maison ou en public, engueulades.
Je jouais aussi au Foot avec les copains ou un autre sport. Je rigolais aussi avec eux. Je n’étais pas un isolé. Je partais en vacances. En colonie ou avec ma famille. J’avais des rêves et de l’imagination. J’avais une vie semblable à d’autres. Et, j’apprenais ce qu’il y avait à apprendre pour que tout se passe bien pour moi, par la suite.

En montant les marches nous amenant à la sortie du métro, ce samedi soir, sous la pluie qui ne nous avait pas quittés, il a fallu interroger deux ou trois autres personnes à une station de bus pour trouver le théâtre.

Un homme noir d’une cinquantaine d’années qui vendait des marrons grillés sous la pluie et qui ne connaissait pas le coin. Une femme noire, large, la quarantaine, qui voyait avec délivrance son bus se rapprocher. C’est une seconde femme, également noire, nettement plus âgée et plus svelte, à côté d’elle, qui m’a répondu que c’était sur le même trottoir, un peu plus loin.

Malgré les panneaux indiquant le théâtre Zingaro dès la sortie du métro, la pluie, la nuit et l’inconnu faisaient de nous des myopes ou des presque aveugles. Nous aurions tout aussi bien pu nous égarer un peu. Un grand centre commercial ou une autoroute restent mieux signalés. D’autant que, lorsque je cherche un endroit en me déplaçant à pied, malgré les GPS et les plans devenus courants depuis des années dans nos smartphones, je persiste à chercher parmi les personnes que je croise dans la rue, les étoiles qui vont m’indiquer ma route jusqu’à ma destination.

L’entrée du théâtre Zingaro se trouve à à peine cinq minutes à pied de la station de métro.

Les musiciennes et chanteuses, lors de la représentation : Firozeeh Raeesdanae, Shadi Fathi, Farnaz Modarresifar, Niloufar Mohseni. Photo©Franck.Unimon

Puisque l’on nous parlait d’un Fort, je m’attendais à ce que le théâtre Zingaro se découvre dans l’enceinte d’un fort et soit en quelque sorte invisible à l’extérieur. Mais c’est depuis la rue que le théâtre Zingaro s’expose. C’est aussi un lieu, un monde, qui impose son architecture et son univers dès l’accueil et la présentation des billets.
Il m’a fait penser au théâtre du Soleil « d’Ariane » Mnouchkine qui se trouve à la cartoucherie Vincennes dont Bartabas s’était sûrement en partie inspiré comme il s’était sûrement, aussi, inspiré du théâtre des Amandiers.

Alors qu’aujourd’hui existe une crise sévère de l’immobilier et qu’il a pu se construire à l’excès des logements en défigurant certains quartiers, le théâtre Zingaro fait penser à ce qui reste de certains millésimes d’espaces conçus pour être beaux, pour être accueillants, pour être divertissants, pour être chauds, pour être confortables, pour être aérés, pour y venir en famille avec ses enfants, pour libérer et faire rêver et réfléchir celles et ceux qui y viennent ne serait-ce que pour y voir un spectacle. Et, l’on comprend vite que ce programme vaut le déplacement mais aussi le prix que l’on peut mettre pour le vivre et/ou y assister. J’ai payé 39 euros la place pour ma fille, et deux fois 59 euros pour ma compagne et moi afin d’être bien placés de manière à ce que je puisse faire des photos.

Finalement, alors que je fais partie des mitrailleurs anarchiques de la prise de vue, je n’ai fait aucune photo durant le spectacle car j’ai très rapidement accepté de respecter au moins les chevaux et les artistes mais aussi l’état d’esprit du lieu.

Avant la représentation, le public a été d’ailleurs invité à appliquer le mot « Respect » mais aussi à « éteindre son intelligence artificielle même si cela est difficile pour certains ». Les photos de cet article ont donc été prises- sans flash comme toujours- avant la représentation ou à la fin de celle-ci. Je ne suis pas très content de ces photos (il va vraiment falloir que j’apprenne à me servir correctement de mes appareils photos). Par contre, je suis content d’être allé au théâtre Zingaro et que cela ait plu à ma compagne et à notre fille. Et, je me demande si je vais y retourner bientôt.

Près d’un des deux bars au théâtre Zingaro, après la représentation, ce samedi 28 octobre 2023. Photo©Franck.Unimon. Sur les deux photos du bas, on peut reconnaître Bartabas, il y a quelques années.

Il est plutôt rare d’envier la caissière ou l’employé d’un supermarché lorsque l’on part y faire ses achats. Mais on peut croire et espérer que celles et ceux qui travaillent au théâtre Zingaro y ont une belle vie ou se consacrent à une œuvre qui a son importance bien au delà de sa valeur marchande. Alors qu’il est tant d’autres endroits où l’on donne de soi où par lesquels on passe où croyance et espérance passent pour des expériences de dégénérés qu’il importe d’éconduire et de détruire.

C’est en partie ce que raconte Cabaret de l’Exil Femmes persanes où les principaux rôles sont tenus par des femmes de différents profils. Une jeune femme naine ouvre le spectacle et déclame. D’autres, cavalières, danseuses, acrobates, chanteuses ou musiciennes ont d’autres silhouettes. Mais avec leurs partenaires masculins, toutes réclament leur droit de vivre ainsi que leur droit à l’Amour.

Bien-sûr, on ne peut que penser à ce qui se passe depuis quelques temps en Iran mais aussi partout où des femmes sont martyrisées et tuées. Cela peut aussi se passer en France, près du théâtre Zingaro mais aussi à Versailles ou dans le 6ème arrondissement de Paris.

Le cercle dans lequel se déroule le spectacle ainsi que ses diverses dimensions vise sans doute à nous dire que notre vie se déroule souvent sur plusieurs niveaux. Il y a ce sur quoi nous fixons la plus grande partie de notre attention, ce vers quoi, aimantés, obsédés, nous nous dirigeons. Et, il y a tout ce qui nous entoure de merveilleux, de fantastique ou de possible et que nous ne voyons pas ou que nous ratons.

Ainsi, c’est la première fois, où, en me rendant à un spectacle, j’ai été surpris d’être reçu par la chaleur thermique présente alors que nous venions nous asseoir aux places que j’avais réservées et payées. Je m’attendais à ce qu’il fasse froid. Pour moi, il fallait qu’il fasse froid dans l’enceinte du théâtre car, dehors, en plus de la pluie, la température avait baissé ces derniers jours. Et, pour les chevaux, je me disais qu’il valait mieux qu’il fasse assez froid.

Par ailleurs, devant nous, comme pour d’autres, la table était mise : une théière remplie, quatre petits verres, quatre boudoirs et quatre serviettes en papier étaient disposés sur notre table de quatre. Je ne pouvais que saluer la jeune femme qui nous avait précédé et, ensuite, lui proposer de lui servir du thé comme je l’avais fait au préalable pour ma compagne et notre fille. Ce fut un contraste avec la brutalité et la totalité des concerts, des festivals, des pièces de théâtre, des séances de cinéma et autres manifestations culturelles auxquels je suis parti assister et où , généralement, c’est toujours chacun pour soi ou pour nos connaissances. Même si nous venons admirer ou découvrir la même œuvre ou le même artiste que beaucoup d’autres inconnus, nous nous comportons en ces circonstances de la même façon que nous pouvons le faire dans les transports en commun, en voiture ou sur notre lieu de travail ! En troupeaux séparés ou en individualités forcenées.

Pour conclure et pour l’anecdote, et, je suis un peu désolé d’être quelque peu paralysé avec ça car je sais que ce sujet revient assez régulièrement dans mes articles :

La représentation de Cabaret de l’Exil Femmes persanes à laquelle nous avons assisté hier soir était complète ainsi que celle d’aujourd’hui. Mais lorsque les lumières se sont rallumées, en plus de moi, j’ai vu un seul homme noir dans la salle, au sein du public.

Je ne lui ai pas parlé. Cependant, à vue d’œil, je dirais qu’il avait une bonne quarantaine d’années.
Il demeure un paradoxe entre, d’un côté, beaucoup de noirs (et d’autres) présents ou qui vivent aux alentours du théâtre Zingaro depuis des années et si peu, manifestement, qui, de leur propre volonté ou par curiosité, viennent y voir ce qui s’y passe.

On devrait peut-être inventer le service culturel obligatoire.

Cela existe peut-être déjà quelque part. A partir d’un certain âge, et pour une certaine durée, on devrait peut-être obliger les jeunes femmes et les jeunes hommes, quelles que soient leurs origines, le volume de leur poitrine, la taille de leur pénis, celle de leurs religions, de leur classe sociale et de leur compte en banque, à quitter pendant un certain temps leur quartier, leur famille et leur environnement afin de partir découvrir mais aussi afin de participer à la création d’oeuvres culturelles et artistiques diverses.

Et, toute personne ou toute famille qui s’y opposerait devrait être sanctionnée moralement ou pénalement ou considérée comme désertant ses obligations civiques envers ses semblables. Ou perçue comme potentiellement dangereuse. Après tout, nous sommes beaucoup à devoir quitter un jour notre famille, nos amis, nos copines, nos copains et notre environnement pour des obligations au moins d’ordre économique ou personnelles. Et nous faisons avec généralement.

Au théâtre Zingaro, après la représentation, ce samedi 28 octobre 2023. Un feu de camp avait été fait. Photo©Franck.Unimon

La culture et l’Art, à eux seuls, ne sauvent pas de la barbarie, mais avoir à les créer, à les transmettre, à y assister et rencontrer véritablement d’autres personnes mais aussi des figures qui y contribuent, cela procure sans doute plus facilement d’autres ambitions, d’autres armes, d’autres âmes mais aussi d’autres responsabilités que celles de morceler sa prochaine ou son prochain pour de vrai ou de les ensorceler avec des barbelés.

Franck Unimon, ce mercredi 1er novembre 2023.

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Catherine Breillat

Catherine Breillat, aussi insupportable que remarquable

Catherine Breillat, aussi insupportable que remarquable

 

Il y a trois ans, la citer dans mon article sur le film ADN de Maïwenn qui allait sortir en 2020 a sans doute contribué à me faire rayer de la liste des journalistes pouvant la rencontrer ou voir ses prochains films en projection de presse. ( ADN-un film de Maïwenn au cinema le 28 octobre 2020 )

Cela a sans doute beaucoup déplu à l’attaché de presse qui s’occupe de ses films.

Comparer Maïwenn à Catherine Breillat ?!

Pour qui je me prenais ?!

Pourtant, j’avais aimé ADN de Maïwenn comme ses films précédents et, cela, depuis son tout premier : Pardonnez-moi (2006).  

Mais je n’avais pas encore tout à fait compris, alors, à quel point Catherine Breillat peut exaspérer les autres  (elle dit elle-même qu’elle est souvent « détestée ») mais aussi comme on peut s’empresser de s’éloigner d’elle comme d’une personne qu’il faudrait de toute urgence rebouter. Elle pourrait faire penser un petit peu au boxeur Muhammad Ali, Breillat, lorsque celui-ci fanfaronnait et que ses adversaires ou ses détracteurs se disaient entre eux :

« Il faudrait lui faire fermer sa gueule une bonne fois pour toutes ! Oui, mais qui peut le faire ? ».

Si la maladie de Parkinson finit par assagir Muhammad Ali, un AVC et une hémiplégie avaient entrepris de faire à peu près pareil pour Breillat :

« Ma mère m’a coupé horizontalement et l’hémiplégie, verticalement » raconte Breillat dans ce livre d’entretiens avec Murielle Joudet, sorti récemment ( Je ne crois qu’en moi) peu après son dernier film L’été Dernier ( au cinéma depuis le 13 septembre 2023). Un film peut-être éclipsé par la présence sur les écrans de Anatomie d’une chute (Palme d’or à Cannes) dernière réalisation de Justine Triet qui rencontre un bon succès en salles depuis sa sortie le 23 aout 2023 (plus d’un million  de spectateurs).  Un film que j’ai vu à un jour près après ou avant celui du dernier Breillat et dont même le titre peut aussi l’évoquer.

Avant que, ces deux ou trois derniers mois, je ne réentende parler de Breillat, réalisatrice, la dernière fois que je l’avais évoquée, un peu amusé, et en avais entendu parler, c’était vers 2010 ou 2011. Je venais d’assister à un débat lors du festival Chéries, chéris au forum des halles.

Peut-être à propos du thème « Qu’est-ce qu’être Queer ? ». Je ne connaissais pas le terme. Je me demandais de quoi il s’agissait.

Aujourd’hui, j’en sais à peine beaucoup plus mais, ce soir-là, j’avais entendu et appris que le réalisateur Jacques Demy était homosexuel. Cela semblait un fait établi mais aussi une sorte de prix ou de trophée acquis à la cause LGBT. C’était donc important, lors de cette soirée, de dire que Jacques Demy, le réalisateur et modèle admiré et reconnu par la critique et le monde du cinéma, était homosexuel.  

C’était l’équivalent de James Brown chantant des années plus tôt:

« Say it loud, I’m Black and proud ! ». Là, on était dans « Say it loud, I’m gay and proud ! ».

Je comprenais la logique. Même si j’étais un peu étonné par ce besoin de dire.

A ce jour, je n’ai vu aucun des films de Demy même si je connais bien sûr de nom au moins Les Parapluies de Cherbourg. « On » nous en parle tellement ainsi que des sœurs Deneuve si magnifiques…

 Je le regarderai sans doute un jour mais je trouve que les critiques idolâtrent beaucoup Demy  ce qui me donne beaucoup envie de m’en éloigner. Et puis, je n’ai pas encore perçu, pour moi, la nécessité primordiale de voir ses films.

Lors de ce débat très sérieux ( je ne me rappelle pas qu’il y ait eu beaucoup d’humour lors des interventions) j’avais aussi entendu un participant estimer que le cinéma de François Ozon ( dont j’ai vu et aimé plusieurs de ses premiers films) était « queer ».

Assis en haut de cette salle amphithéâtre plutôt remplie dans mon souvenir, j’entendais et découvrais ce soir-là des avis et des visions qui m’étaient étrangers.

A la fin de ce débat, alors qu’un de ses animateurs en était à remonter les marches afin de sortir de la salle, je lui avais dit, un peu provocateur et amusé, alors qu’il s’avançait devant moi :

« Il y a une personne dont vous avez oublié de parler : Catherine Breillat… ».

Celui-ci m’avait alors regardé, et, comme on annonce un décret, m’avait rapidement et très sérieusement répondu :

« Catherine Breillat ? Elle s’est faite escroquer, je crois ! ». Puis, aussitôt, il était parti, me plantant-là avec des restes me permettant de comprendre que Catherine Breillat était définitivement sur la touche. Que l’on n’entendrait plus parler d’elle. Que sa bouche avait été clôturée pour de bon.

J’avais alors à peine entendu parler du fait qu’elle s’était en effet bien faite (dé)plumer par Christophe Rocancourt- le « bien connu» arnaqueur des stars- alors qu’elle était encore quelque peu convalescente d’une hémiplégie contractée à la suite d’un AVC.

Comme je suis un demi-tiède et une personne foncièrement peu curieuse, je n’avais pas beaucoup poussé mes recherches pour chercher à en savoir plus. Catherine Breillat n’était pas une de mes proches. Et, je n’avais pas encore forcément compris, alors, comme ce qu’elle était ou pouvait raconter m’importait beaucoup plus que le fait de voir Les Parapluies de Cherbourg (1963) de Jacques Demy.

Il nous faut parfois des années pour nous apercevoir que telle personne ou telle œuvre a une importance très particulière pour nous. L’une des premières fois où je me rappelle avoir eue cette impression, ce fut après la dissolution du groupe….NTM.

Tant que le groupe NTM de Kool Shen et de Joey Starr était en activité, je les écoutais et les regardais plus ou moins de loin. Je m’accrochais plutôt à leurs frasques que je réprouvais moralement. Je promettais alors à Joey Starr une existence courte et un épilogue existentiel douloureux, honteux et brutal en raison de ses excès. Je ne lui donnais pas plus de quarante années de vie.

Je préférais MC Solaar à NTM. Je l’avais vu en concert au Zénith une fois. MC Solaar était tellement plus classe, plus respectable. Il n’avait pas ces tics de langage ou gestuels auxquels, schématiquement, on identifiait et auxquels on identifie encore les personnes de la banlieue. Je venais aussi de la banlieue et je n’avais pas les attitudes et les propos de Joey Starr et Kool Shen. Je n’aspirais pas à leur ressembler ou à ce que l’on me confonde avec eux. Eux, c’étaient des mauvais garçons. Ils étaient violents, ils étaient agressifs, ils parlaient mal, se comportaient mal. Avec eux, tout pouvait partir en vrille à n’importe quel moment. Or, moi, j’avais plutôt l’esprit gazon de jardin britannique. Tout devait être impeccable et carré au centimètre près comme sur le stade de Wimbledon. Il ne devait pas y avoir de trous ou de bouteilles vides de bière, de rhum ou de vodka par terre. Kool Shen et Joey Starr, c’était sûr que si vous les invitiez chez vous, qu’en repartant, ils vous laissaient plein de mégots partout y compris dans les yaourts et les pots de confiture. En plus, votre logement était délabré et, à coup sûr, ils (ou leurs copains ) vous auraient tabassés entretemps pour vous remercier de les avoir invités ou parce qu’il n y avait pas assez de filles et que la musique ne leur avait pas plu.

Je n’aurais pas pris le risque de passer une soirée avec Kool Shen et Joey Starr. Alors qu’avec MC Solaar, j’aurais pu l’envisager. Nous aurions bu du thé, discuté de la banlieue et parlé philosophie….

Même si le voir en concert m’avait….déçu. Mais pendant des années, j’ai eu du mal à faire mon coming out et à reconnaître que son concert m’avait laissé frustré.  Cela voulait  bien dire quelque chose même si, sur scène, et bien entouré ( Soon MC, Les Démocrates D…) MC Solaar ne s’était pas ménagé.

Les NTM, eux, j’avais eu peur d’aller les voir en concert. Pour leur public. Seul à vouloir m’y rendre, je n’avais pas envie de me faire agresser en plein concert par une bande. Si on m’avait obligé à y aller, peut-être que je serais resté très prudemment proche de la première issue de secours. Et, si on m’y avait mal regardé, peut-être que je me serais gelé instantanément sur place. Je n’aurais peut-être pas pu écouter grand chose. J’aurais peut-être passé la plus grande partie de mon temps, durant le concert, à observer et à surveiller autour de moi si quelqu’un me voulait du mal.  Et, à la fin, je serais peut-être parti en courant. En sprintant pendant au moins cinq cents mètres. Jusqu’à ce que je me sente en sécurité en quelque part.

Donc, à la place de NTM, j’étais allé voir, toujours seul, le premier concert de Me’Shell Ndégeocello à l’Elysée Montmartre, je crois, après son premier album : Plantation Lullabies. Une ambiance beaucoup plus safe. Sur scène, Me’Shell nous avait fait un festival. Chant, claviers, basse, présence, avec ses petites lunettes rondes et son allure longiligne/androgyne, elle avait tenu son groupe et nous avait servi de la vie. A aucun moment, je ne m’étais senti menacé. ( Me’Shell Ndégeocello au festival Jazz à la Villette ce 1er septembre 2023 )

Pour essayer de me racheter de ma lâcheté concernant NTM, j’étais allé voir I Am à l’Olympia. Ils y avaient fêté leur million d’albums vendus mais aussi entonné leur Je chante le Mia. Un des meilleurs concerts auxquels j’ai assistés tant pour les artistes que pour l’ambiance dans la salle. Mais aussi pour avoir la vie sauve peut-être.

C’était dans les années 90. Alors que maintenant, écouter du RAP, aller à un concert de Rap, c’est tout à fait mainstream. Vous allez rencontrer des personnes de bonne famille, d’un (très) bon milieu social, très bonnes études, blanc cachemire, vous dire qu’elle sont allées voir tel artiste de Rap ou les entendre employer des formules telles que « Je m’en bats les couilles » comme si c’était normal.

C’est à peu près au milieu des années 2000, après avoir appris la dissolution du groupe NTM, après quatre albums, que j’avais commencé à comprendre que plusieurs de leurs titres avaient à voir avec mon histoire. Tant qu’ils faisaient partie du décor sonore ou médiatique et semblaient permanents, je ne leur prêtais pas une attention particulière ou alors, plutôt pour réprouver ou craindre leurs manières et leurs façons de faire.

Leurs apparences me dérangeaient. Ce n’était pas comme ça qu’il fallait faire. Pour tout dire, à l’époque, je trouvais même Joey Starr très moche alors qu’aujourd’hui, lorsque je revois des images de lui à cette époque, je le trouve beau gosse. C’est étonnant, hein ?

Lorsque Kool Shen et Joey Starr ont finalement disparu du décor sonore et médiatique en tant que NTM, je me suis aperçu qu’il me manquait quelque chose. Et, avec Breillat, il y a sûrement eu le même phénomène et la même prise de conscience.

Assez ironiquement, l’histoire ou l’avenir, m’a donné en quelque sorte raison.

Puisque, par la suite, Joey Starr a commencé à faire du cinéma ( il m’a tout de suite convaincu en tant qu’acteur) et a rencontré Maïwenn au moins pour faire le film Polisse (2011) qui avait marqué le festival de Cannes, une année où j’y avais été comme journaliste de cinéma.

J’y avais alors croisé une journaliste (pour Le Parisien, je crois) d’une bonne quarantaine d’années toute fière de me répondre qu’elle allait interviewer Joey Starr !

L’attaché de presse qui s’occupait du film Polisse de Maïwenn étant fâché avec le média cinéma (le mensuel papier Brazil) pour lequel j’écrivais, j’avais, moi, été privé « de » Joey Starr comme l’on est privé de dessert. Et, j’étais parti interviewer Valérie Donzelli pour La Guerre est déclarée, film qu’elle avait co-réalisé avec Jérémie Elkaïm, également présent en tant qu’acteur dans Polisse.

 

De son côté, Kool Shen, lui, l’autre moitié de NTM, a fini par incarner Christophe Rocancourt au cinéma dans la fiction que Breillat a tirée de sa rencontre avec celui-ci d’après son ouvrage Abus de faiblesse dont j’ai terminé la lecture hier soir.

 

Joey Starr/ Maïwenn, Kool Shen/ Catherine Breillat, il sera difficile de me convaincre que l’une et l’autre n’ont absolument rien en commun.

Par ailleurs, que ce soit chez l’une ou chez l’autre, on peut trouver, dans leur cinéma, plutôt que du Jacques Demy, du Pialat, du Jean Yanne ou même…du Jean-Pierre Mocky. Je sais qu’en écrivant ça, je leur attribue des références « masculines » mais ce n’est pas une insulte. D’autant que, dans une certaine mesure, malgré leur machisme et leurs outrances, ces trois artistes masculins ont sans doute, aussi, eu des traits féministes….et féminins. Si l’on se rappelle, aussi, leur insolence, leur attachement à leur indépendance ou leur mépris pour certaines convenances, on doit bien parvenir à déboucher à nouveau sur des artistes tels que Catherine Breillat, Maïwenn… NTM ou d’autres.

J’avais donc vu juste, à la fin de ce débat sur la question « Queer », en mentionnant Catherine Breillat. Et, j’avais aussi vu juste, dans mon article sur le film de Maïwenn qui venait de sortir, de la citer Breillat à nouveau. Sauf que je l’avais fait intuitivement comme je le fais, aussi, de l’usage de certains mots ou de certaines tournures de phrases sans être toujours capable, sur le moment, de l’expliquer ou de le théoriser.

Aujourd’hui, ce 1er novembre 2023, jour de la Toussaint, s’il me plait bien sûr de parler de Catherine Breillat parce-que c’est le jour de la Toussaint, bien que je ne sache pas très bien dans les détails à quoi cela correspond à part pour réciter que c’est « le jour de la fête des morts », je peux un peu plus expliquer ce qui me tient chez Breillat.

D’abord, il est difficile de se débarrasser de Catherine Breillat. Elle est toujours quelque part en train de mijoter une recette ou une action qui nous sera servi à table à un moment ou à un autre, qu’on le décide ou non.

Lorsque j’ai commencé à essayer de me rappeler par quel film je l’ai découverte la première fois, je me suis trompé. J’avais oublié le titre. J’ai essayé Parfait Amour (1996), Romance ( 1999). Ça ne collait pas. L’histoire dont je me rappelais, avec l’acteur Patrick Chesnay, ne figurait dans aucune distribution des films de Breillat que je regardais. L’histoire d’une femme, mariée, qui ne parvenait pas à faire le deuil de son histoire d’amour avec son amant. Deuil difficile que son mari, Patrick Chesnais, encaissait stoïquement avec cette patte qui lui est spécifique, Mi-droopy, mi-Pierre Richard.

A la fin du film, la femme, qui passait par tous les états, finissait par se jeter dans une rivière depuis un gros rocher la surplombant d’une bonne dizaine de mètres. Puis, elle réapparaissait, bien vivante, à la surface. Pour moi, c’était du Breillat.

Hé bien, c’était du Brigitte Rouän qui jouait d’ailleurs le rôle principal ! Mais lorsque l’on regarde le titre du film, réalisé en 1996, on aurait pu dire que c’était du Breillat :

Post-coïtum, animal triste.

Dans son film Romance, on retrouve de ça. Mais on retrouve, aussi, la même colère et la même violence que peut mettre Maïwenn dans son Pardonnez-moi . Sauf que dans Romance, Breillat s’en « prend » à l’Amour, au couple amoureux. C’est son sujet. Tandis que Maïwenn ( mais je n’ai pas vu Mon Roi, réalisé en 2015 ) s’attaque plus à la famille. Même si j’ai relevé que dans Je ne crois qu’en moi, le livre d’entretiens livré par Murielle Joudet, s’il est régulièrement fait allusion à sa mère, avec laquelle elle a noué des relations très difficiles, et à sa sœur, son père n’est jamais mentionné une seule fois. Au point que j’ai cru que celui-ci était décédé lorsqu’elle était très jeune alors que dans les faits, il semble que non.

Sur la table de chevet de Breillat mais aussi à l’intérieur de ses chevilles,, il doit sans doute y avoir en permanence une sorte de plan qui, toujours, la ramène, vers ça. Le couple, l’Amour.

Et, elle bétonne, la Breillat. On peut dire, on a le droit de dire, qu’elle tringle sec et dur, à même la croupe, le sujet du couple et de l’Amour, Breillat.

C’est sans détour.

S’il est interdit d’en parler ou d’y aller, c’est que c’est pour elle. Et, elle y va, Breillat. Maïwenn, pour moi, n’est pas très différente. Elle, aussi, recherche le saut d’obstacles.

A côté de ça, on comprendra que L’Anatomie d’une chute de Justine Triet, même s’il m’a plu (il m’a même été recommandé par mon thérapeute) m’a moins touché que L’été dernier de Catherine Breillat.

Dans L’été dernier, sorti donc il y a presque deux mois ( le 13 septembre), j’ai retrouvé tout Breillat. Ses excès, sa franchise «  Oui, c’est vrai que c’est beau, l’Amour conjugal même si on s’emmerde » ( Breillat, dans le dernier livre d’entretiens sorti récemment intitulé Je ne crois qu’en moi).

Son humour.

Il peut m’arriver d’être mal à l’aise devant des images de Breillat. Mais je ne peux pas dire que c’est faux. Breillat montre ce qui peut arriver ou ce qui arrive. Elle ne nous montre pas ce qui doit ou devrait arriver.

J’ai parlé de Pialat, Jean Yanne, Mocky pour Breillat. Mais j’ai aussi pensé à Rohmer dont le cinéma me plait moins. Pialat, c’est quand même celui qui a réalisé, avec Marlène Jobert et Jean-Yanne :

Nous ne vieillirons pas ensemble.

Ça a quand même plus d’abattage que ce que peuvent se susurrer, avec un glaçon dans la bouche, les protagonistes des films de Rohmer que j’ai envie de voir se faire décapiter dans un film de zombies. Alors que dans les films de Pialat, Breillat ou Maïwenn, leurs personnages s’occupent du service après vente des aimables réglements de comptes.

J’ai oublié de dire que Breillat me fait penser, aussi, à Cioran :

«  L’homme va disparaître. C’est ce que j’ai dit un jour. Depuis, j’ai changé d’avis : Il doit disparaître ».

J’en profite pour me rappeler de la première fois que j’avais entendue la voix de Catherine Breillat. Une très belle voix, fort agréable. Dans son livre d’entretiens, Breillat dit qu’elle a été une très belle femme, avec une poitrine affolante, mais elle parle seulement de son physique et non de sa voix, pour moi, très séduisante. Je m’attendais davantage à une voix de crécelle vus ses films.  

Or, lorsque j’ai entendu la voix de Breillat pour la première fois, c’était pour l’entendre dire :

« Les acteurs qui ne se donnent pas, moi, je les déteste ! ».

Dans Abus de faiblesse, qu’elle a écrit avec l’aide de Jean-François Kervéan, elle affirme :

« En tant que réalisatrice, je suis la propriétaire des corps ».

On peut reprocher à Breillat ses méandres bourgeois, sa mauvaise foi, son égocentrisme, sa négligence envers celles et ceux qu’elle est censée protéger et non exposer.

Il demeure que , sans employer les termes  désormais très à la mode tels que « déconstruire », « empowerment », « transgresser », sans s’affirmer être une personne « rock and roll » et sans être une influenceuse pourvue de millions de followers, Breillat est, pense et fait ce que d’autres ne font qu’annoncer, fantasmer ou répéter.

Breillat, toute entière, n’en fait qu’à sa tête. Elle le fait comme quelqu’un d’insupportable peut le faire mais aussi comme un Joao César Monteiro que j’ai été étonné qu’elle cite et dont La Comédie de Dieu (1995)  m’avait…époustouflé. Pour aimer ce film, il faut au moins aimer les gentils fous, la fantaisie, l’insolence, mais aussi le plaisir et l’érotisme.

C’est comme cela que je m’explique que Breillat puisse être l’amie de la réalisatrice Claire Denis (je l’ai appris en lisant Abus de faiblesse). Mais c’est aussi comme ça que je m’explique l’apparition dans L’été dernier de l’avocat- aux extrêmes limites de la loi et des bonnes convenances- Karim Achoui.

Karim Achoui, en plus d’être cet avocat doué, roué et charismatique très fortement soupçonné de baigner dans le grand banditisme, serait ou a été un des « amis » de Christophe Rocancourt d’après ce qu’en dit Breillat également dans Abus de faiblesse, paru en 2009. Karim Achoui est celui qui a « écrit » en 2008 Un avocat à abattre  d’après la tentative d’assassinat dont il a été victime en 2007. On peut le voir, à l’image de Rocancourt, mais aussi de Breillat, comme quelqu’un qui joue ou a  souvent joué sa vie- et ses réussites- à la roulette :

Achoui, avec son savoir faire avec la loi et son métier d’avocat ; Rocancourt avec son habilité à habiter ses mensonges et à y faire entrer et participer – en toute confiance, jusqu’à les amener à un état avancé de dépendance-  ses victimes ; Breillat, avec son œuvre cinématographique et littéraire dans lesquelles elle transpose sa conscience et son intimité.

Breillat aurait été capable de suivre le tueur en série Guy Georges dans une chambre d’hôtel, de lui faire payer la chambre, de lui faire une scène, sans coucher avec lui, de l’étudier et de lui parler toute la nuit de telle façon, qu’à la fin, soulagé d’être délivré d’elle, Guy Georges aurait pu s’exclamer : « Elle m’a pris la tête ! ».

Pour ces quelques raisons autant que pour ces déraisons, je n’ai pas fini de voir ou revoir, mais aussi de lire ou d’entendre les propos et les œuvres de Madame Catherine Breillat, aussi insupportable que remarquable. J’aimerais bien, si elle le peut, si elle le veut, que Catherine Breillat fasse quelque chose avec « l’autre » Catherine, celle qui reste des Parapluies de Cherbourg de Demy. Mais c’est peut-être déjà trop tard ou cela l’a peut-être toujours été. Après tout, Léa Drucker dans L’été dernier, c’est un peu Catherine Deneuve ou Isabelle Huppert, plus jeunes.

Franck Unimon, ce mercredi 1er novembre 2023.

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Survival Expo Juin 2023 première partie

Bunker à vendre à la Survival Expo en juin 2023. Facilités de paiement proposées. Aucune l’aide de l’Etat fournie pour l’instant. Photo©Franck.Unimon

 

 

Survival Expo juin 2023-Première partie

 

Coming out survivaliste

« Ohhh, le survivaliste ! » s’est marré A… au téléphone, un de mes amis, alors que je venais de lui apprendre que j’avais prévu de me rendre à la Survival Expo 2023. Evénement qui, cette année, pour la première fois, allait se dérouler dans le parc floral de Vincennes. Non loin de son château, de son bois, de sa caserne militaire aussi mais également de la cartoucherie de Vincennes où se trouve, entre-autres, la compagnie du théâtre du Soleil dirigée par Ariane Mnouchkine. Mais bien-sûr, tout cela, en plus du fait que jusqu’alors j’avais connu le parc floral principalement pour ses très bons concerts estivaux (dont un du Cubain Chucho Valdès) n’entraient pas en ligne de compte. Comme l’anecdote qui veut quand même que cet ami et moi nous étions rencontrés pour la première fois, plusieurs années auparavant, lors de notre service militaire à l’hôpital inter-armées Bégin qui se trouve assez proche, à Saint-Mandé.

D’ailleurs, il avait pu arriver à cet ami et moi de passer par la caserne de Vincennes au début de notre service militaire.

Si on a suivi jusqu’alors ce que j’ai écrit, un rapide calcul mental très simple nous apprend que j’ai pris plusieurs mois pour me décider, aujourd’hui, à parler dans mon blog de la Survival Expo 2023. Nous sommes en octobre, en automne. Et cette manifestation a eu lieu quelques semaines avant le début de l’été le 9 et le 10 juin dernier….

Cela donne une idée des précautions que j’ai préféré prendre avant de me lancer. ( J’en parle ou je n’en parle pas ?).

Le Programme des conférences de la Survival Expo de juin 2023, laquelle se déroulait en même temps que l’événement consacré à la maison autonome, juste à côté. Photo©Franck.Unimon

Mais en complétant ce calcul mental « très simple », on peut aussi déduire que je suis au bord de l’âge, presque vieillard. Peut-être suis-je une personne presque sénile après tout ? Pour l’instant, je ne peux pas encore le savoir. Cependant, ce qui est certain, c’est que la personne qualifiée de survivaliste est une bête curieuse.

 

On peut mettre de tout dans une personne survivaliste.

 

Comme dans une dent creuse. On peut décider qu’il s’agit d’une personne complotiste, raciste, misogyne, esclavagiste, despotique, timbrée, paranoïaque, dangereuse. On peut la voir comme une personne complètement à côté de la plaque. Ou comme son opposé, la super aventurière ou l’héroïne sexy et indépendante, sosie de Lara Croft, Gamora ou Bear Grylls, Mike Horn des vrais hommes robustes, aptes à tout, comme ils devraient tous l’être au lieu de ceux que l’on a, des fétichistes de la bandelette et du bandana. 

Oui, je connais un petit peu quelques classiques.  Je suis donc d’abord très suspect avant d’être pré-sénile.

Mais j’ai néanmoins- j’y tenais- répondu à mon ami :

« ça fait du crossfit – entre trois à cinq fois par semaine– ça, se laisse pousser une barbe de plusieurs mois (qu’il prend soin d’aller se faire tailler chez son barbier attitré régulièrement) et ça me traite de survivaliste!».

Mon ami a commencé à rigoler. Je devrais peut-être ajouter aussi que mon ami a plutôt le crâne rasé. Alors que quand je l’avais connu, il avait des cheveux, fumait et avait emmagasiné quelques kilos en trop. Et, le sport, pour lui, était une destination touristique à haut risque ou un programme que l’on regardait à la télé.

Petite ambiance Hunger Games lors de la Survival Expo de juin 2023 au parc floral de Vincennes. Photo©Franck.Unimon

Cependant, mon ami m’avait exprimé spontanément ce qui peut se profiler dans la tête de beaucoup lorsqu’on leur parle de survivalisme. Si pour certains, le survivalisme est une nécessité ou une évidence, pour d’autres, c’est une démarche louche.

Cet article, mon article, ne pourra ni combattre ni épuiser ce qui peut être reproché au survivalisme par beaucoup. Car cet article, mon article, raconte surtout ma perception du survivalisme. Perception qui peut évoluer selon mes expériences et certains événements.

Pour tout « arranger » ou pour rajouter un peu de trouble et de mystère, j’ai profité d’une étonnante et plutôt rare insomnie pour commencer, cette nuit, à rédiger cet article alors qu’il était quatre heures du matin. Alors que je suis en vacances depuis plusieurs jours et encore pour une bonne semaine. Je suis donc, en principe, tout ce qu’il y a de plus détendu d’autant que personne chez moi n’a de problème de santé particulier ou déclaré.

J’ai bien attrapé le Covid pour la première fois – à ma grande surprise- début septembre, mais c’était une forme minorée qui m’a permis en plus d’avancer de quelques jours mes vacances. Et, je sais avoir participé auparavant à un déménagement par plus de trente degrés. Ce qui a sûrement contribué à rajouter de l’épuisement à un état de fatigue préétabli par une alternance de travail  de jour et de nuit ainsi que quelques heures sup travaillées durant cet été.

Pierre “1911” en pleine conférence. A la fin de celle-ci, celui-ci m’a répondu qu’il s’était surnommé ” 1911″ en mémoire de son grand-père né cette année-là. Photo©Franck.Unimon

Professionnellement, je sais aussi qu’un poste attractif m’attend début janvier et mon banquier me laisse tranquille. Je n’ai donc pas de raison particulière, pas plus que d’habitude, pour être angoissé ou me réveiller en sueurs en pleine nuit comme on peut le voir dans certains films. Je n’ai pas les inquiétudes de l’acteur Michael Shannon dans le film Take Shelter de Jeff Nichols. Ni celles des protagonistes de The Creator de Gareth Edwards. Un film ( The Creator) qui m’a assez ennuyé, exceptions faites du regard ( et de la réflexion) qu’il porte sur l’intelligence artificielle, les relations multiculturelles et multiraciales mais aussi sur le handicap, j’ai vu dans ce film une nouvelle énorme machinerie cinématographique dans laquelle les Américains refont à nouveau leur guerre du Vietnam. Je ne vois pas trop non plus ce que l’on trouve à l’acteur David John Washington si j’ai son père ( Denzel) en tête.  J’ai donc préféré nettement Anatomie d’un couple de Justine Triet et encore plus L’été dernier de Catherine Breillat. Pourtant, ces deux films n’ont rien à voir avec The Creator et Breillat est une personnalité aussi insupportable que remarquable. Et, j’attends avec impatience la deuxième partie de Dune par Denis Villeneuve, un réalisateur, dont les films, pour l’instant, m’ont tous plu. Contrairement à Christopher Nolan dont j’ai trouvé le Oppenheimer beaucoup trop clinquant. 

Le dimanche

Selon l’ouvrage La Peur et la Haine de Mathieu Burgalassi, paru en 2021, « anthropologue français spécialiste de la pensée politique, des questions sécuritaires et de la violence », les principales motivations des personnes survivalistes radicales seraient le racisme et la peur de l’autre.

J’ai aimé lire son ouvrage il  y a plusieurs mois maintenant. Jusqu’à maintenant, je n’avais pas pris le temps d’en parler dans mon blog.

J’avais lu son La Peur et la Haine bien avant de connaître les dates du Survival Expo de ce mois de juin.

C’est un livre qui m’a étonné car pendant plusieurs jours, alors que je continuais de le parcourir, je me demandais s’il s’agissait d’un roman noir étant donné la façon dont c’était écrit, dans un style très entraînant ou s’il s’agissait véritablement d’une enquête anthropologique.

 Je me suis même demandé si Burgalassi avait inventé ce qu’il racontait. Car je ne m’attendais pas à cette façon de présenter ses expériences.

Dans son livre, Burgalassi nous explique avoir poussé particulièrement loin l’expérience du survivalisme. Il nous dit d’abord ce qui l’a amené à entrer dans cet univers. Une agression physique dont lui et un de ses amis auraient été victimes une nuit en revenant d’une soirée ratée. Ainsi que le fait d’avoir grandi dans une certaine insécurité économique et sociale. Burgalassi, d’origine immigrée, est issu d’un milieu social très moyen. A le lire, les fins de mois ont été régulièrement assez difficiles autant pour manger que pour se divertir. Certaines personnes sont habituées à des soirées feutrées ou tout va bien, Burgalassi a plutôt dû se rabattre sur certaines soirées craignos. Ce genre de soirée où l’on peut pronostiquer dès le départ, avant même de s’y rendre, qu’il va y avoir une embrouille car celle-ci est incluse dans le contrat.

Selon Burgalassi, il a commencé à se sortir de ça en développant ses compétences dans le survivalisme. En débutant par les sports de combat et la Self Défense de type Krav Maga. En s’y montrant assidu. Et, tout porte à devenir assidu si l’on craint pour sa peau.

Puis, avec le temps et devenu anthropologue, il a voulu en savoir plus sur le survivalisme et, pour cela, a rencontré des gens qui sont véritablement dedans. En France mais aussi à l’étranger, aux Etats-Unis. Dans certaines conditions limites ou très dangereuses par moments.

J’avais entendu parler de Burgalassi par un article lu dans Télérama. Il y était fait référence à un podcast dans lequel on pouvait entendre Burgalassi parler aussi de son livre. J’ai écouté le podcast d’une vingtaine de minutes, je crois. Et, si ce que disait Burgalassi dans ses conclusions m’intriguait mais ne me dérangeait pas, car fondé a priori sur son enquête, j’avais par contre été agacé par les réactions des journalistes- quel(le)s cruches !- qui l’interviewaient ( je me souviens de femmes et d’hommes) trop contents de dépeindre les survivalistes comme des abrutis chevronnés et dangereux. Tout allait au mieux dans le monde, il y avait juste quelques crétins, là, des survivalistes, qui s’imaginaient qu’il fallait flinguer les autres à bout portant et dont il fallait éviter de s’approcher. Pour cela, il convenait de les laisser dans leur coin, là où ils se terraient de toute façon, à l’abri de la civilisation et, surtout, de la raison. Ils finiraient bien par crever en attrapant le tétanos après s’être blessés avec une de leurs boites de conserves qu’ils auraient essayé de perforer avec leurs dents ou en développant un cancer après avoir  bu l’eau de leur puits bourrée de phosphates pendant plusieurs années.

Assez régulièrement, durant la Survival Expo, se sont tenues à cet endroit des interventions ( très) pratiques portant sur divers sujets, autant sur la manière de faire du feu assez simplement avec du matériel accessible, que sur des conseils pour faire de meilleures photos avec son téléphone portable ou un appareil photo… Photo©Franck.Unimon

Je suis un survivaliste du dimanche. Comme il existe des sportifs du dimanche. Ce que je « sais », je l’ai beaucoup lu ou regardé.

Cela signifie que, comme beaucoup de personnes peuvent le faire avec le sport ou lorsqu’elles prennent certaines résolutions, en matière de survivalisme, je suis un faible. Mais je vais un peu mieux m’expliquer avant de repartir me planquer.

Je suis né en ville et ai toujours vécu en ville. Lorsque je me trouve en présence de plantes ou d’arbres, je suis incapable de retenir le nom des plantes ou des arbres que je vois, lorsque j’en vois, comme de les décrire. Cela peut être pareil pour certains oiseaux. A part reconnaître les pigeons, peut-être parce-que je me reconnais en eux, je ne sais pas très bien reconnaître tel ou tel type d’oiseau que je croise. Je ne sais pas faire un feu. Je ne sais pas construire une cabane en bois avec quelques branches. Si on me parle de tarp, je suis capable de faire la différence avec un pétard. Je vois très bien de quoi il s’agit  parce-que j’ai lu et regardé des images, j’en ai peut-être même acheté un, car-on-ne-sait-jamais, mais je ne m’en suis jamais servi.

Je sais casser des œufs, je peux réussir à planter un clou dans un mur, je sais lacer mes chaussures tout seul, je peux porter un seau rempli d’eau, mais je ne suis pas très manuel. Au fond, et par bien des aspects, je suis un assisté. Je m’en remets à des personnes plus compétentes que moi, à des artisans, à des commerçants, à des animateurs, aux services publics, à l’Etat, aux autres, à ma fainéantise, à ma patience mais aussi à mes soumissions.

J’ai quand même quelques capacités. Je ne suis pas un incapable majeur ou complet. Autrement, je ne serais même pas là à écrire cet article.

Mais si je peux encore m’émerveiller devant celles et ceux qui font du scoutisme dès leur enfance ou en repensant au fait que mon grand père paternel, maçon lorsqu’il travaillait, avait construit sa maison pratiquement tout seul, durant ses congés, je me sens incapable de  faire de même. De construire l’équivalent de cette maison où, à Morne Bourg, j’ai passé mes premières vacances en Guadeloupe alors que j’allais avoir 7 ans. Pourtant, mon grand père paternel savait à peine lire. Et il ne savait pas écrire. J’ai donc une culture générale et une situation économique et sociale qui lui sont, officiellement, très nettement supérieures, et, sans doute ai-je pu être une de ses fiertés et, pourtant, il est pratiquement évident que le survivaliste le plus accompli entre lui et moi, c’était lui, de très loin. Et, je ne parle pas d’un homme qui vous guettait dans la pénombre avec un fusil de chasse. Mais de quelqu’un que j’ai connu retraité, qui menait sa vie tranquille avec ses voisins, sa famille, qui se rendait régulièrement sur sa mobylette- sans porter de casque- jusqu’à son jardin où il avait établi une petite cabane en tôle et bois dans laquelle il se posait. Et où se trouvaient les ananas ou les légumes qu’il avait pu cultiver ainsi que ses « poules » qu’il appelait en sifflotant pour les nourrir de grains de maïs tandis que ses coqs de combat, eux, étaient dans leur cage. Je parle d’un homme de la campagne, qui, de temps à autre, partait faire un tour à Marie-Galante, et avait plus de soixante ans, lorsque, pour la première fois, il a pris l’avion pour venir en France, en île de France, où plusieurs de ses enfants- dont mon père- étaient partis vivre.

On est ici très loin du portrait de forcenés qui aspirent à vous «déflagrer » ou à vous délocaliser les vertèbres cervicales.

Nos besoins

Les journalistes qui ont « entouré » Burgalassi m’avaient agacé car je les imaginais, relativement jeunes (la trentaine), citadins calfeutrés (ça existe), privilégiés, très sûrs d’eux mais en fait très ignorants et peuplés de préjugés. S’ils étaient a priori dépourvus de toute intention de se servir d’une arme à feu contre autrui, leur immaturité (je crois que l’on peut dire ça) légitimée gratuitement et avec facilité au travers d’un médium capable de toucher une grande audience m’est apparue assez irresponsable.

Dans d’autres circonstances, je me rappelle encore avoir entendu une jeune femme dire un jour fièrement :

« Ce n’est pas parce-que je porte une jupe que je ne sais pas changer une batterie de voiture ! ».

Pour moi, cette jeune femme avait un état d’esprit survivaliste. Je suis persuadé que ces journalistes qui ont reçu Burgalassi ne savaient pas changer une batterie ou une roue de voiture. Par contre, beaucoup de personnes survivalistes, à mon avis, armées ou non, s’appliqueront à apprendre à le faire ou à penser à une solution alternative en cas de besoin.

Le terme « besoin » devrait être plus souvent employé lorsque l’on parle de survivalisme  à mon avis. De quoi avons-nous vraiment besoin ? Comment satisfaisons nous nos besoins ? Avec quels moyens? A quelles conditions ? A quel prix ?

Sortie de la Survival Expo de juin 2023. Photo©Franck.Unimon

Je me méfie des « c’était mieux avant ». Cependant, lorsque je nous vois pratiquement tous, la tête penchée et rivés, quasi cramponnés à nos téléphones portables dans les transports en commun où dès qu’il nous faut attendre cinq minutes ou plus, je me dis que nous nous sommes faits capturer.

Je ne crois pas que la satisfaction de nos besoins nécessite que nous soyons autant, aussi souvent et à une telle fréquence, en train de regarder nos téléphones portables. Je l’ai même vu chez des couples dans les transports en commun. Un malaise s’installe au sein du couple, hop, baguette magique, je sors mon téléphone portable et je pianote dessus ou regarde quelque chose. Il vaut mieux ça que de se prendre le malaise- ou le problème- de face.

Le silence, l’observation, la patience et la contemplation sont les ennemis de nos  écrans mais aussi de nos « navigations » compulsives sur internet.

Je crois qu’ils font partie de nos besoins mais nous passons outre. Des cascades d’images et de stimulations à volonté se chargent de faire barrage entre eux et nous. Il ne faut surtout pas penser. Il ne faut surtout pas y penser. Il faut vibrer.

J’en suis déjà à cinq pages pour cet article. Et, je me dis que cela fait déjà suffisamment. Il est certain que je vais retrouver plus facilement le sommeil cette fois. Mais je crois aussi que plus de pages, pour cet article, cela fera trop d’un seul coup. Il vaut mieux que je passe par une première partie que je termine maintenant.

Fin de la première partie. A bientôt. Avant la fin du monde, bien-sûr. Sourire. En attendant la deuxième partie, on peut lire quelles avaient été mes impressions lorsque, l’année dernière, je me rendais pour la première fois au Survival Expo Paris, alors situé du côté de la Villette Survival Expo Paris 2022 .

Franck Unimon, ce mercredi 4 octobre 2023.

 

 

 

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En Concert

Rosalia au festival LOLLAPALOOZA 2023

Rosalia au festival LOLLAPALOOZA, à l’hippodrome de Longchamp, samedi 22 juillet 2023. Photo©Franck.Unimon

Rosalia au festival LOLLAPALOOZA 2023

 

Avant le concert de Rosalia, au festival LOLLAPALOOZA, hippodrome de Longchamp, samedi 22 juillet 2023. Photo©Franck.Unimon

On a plutôt la vingtaine voire un petit peu moins lorsque l’on va voir Rosalia ce samedi 22 juillet 2023 au festival LOLLAPALOOZA à l’hippodrome de Longchamp. Beaucoup de jeunes femmes. Des hommes eau. Même un homme en fauteuil roulant, poussé par un de ses amis, a voulu traverser la foule pour être au plus près de la scène. Un des agents de sécurité, pédagogue, a su être convaincant :

 « Au moindre mouvement de foule, la première personne à se faire écraser, ce sera vous ».

Plus d’une heure avant le concert de Rosalia, toutes les bonnes places face à la scène sont prises. Elles l’étaient dès le concert précédent. J’ai essayé de me faufiler comme j’ai pu. Je n’ai pas pu faire mieux que d’être sur le côté à plus d’une vingtaine de mètres de là où ça s’est « passé ». Mais j’avais un grand écran au dessus de moi et mon matériel photo et audio. Ci-dessous, le titre Saoko :

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J’ai beaucoup hésité avant de venir à ce concert de Rosalia. 89 euros la place pour la journée du festival ( contre 28 euros pour aller voir Oumou Sangaré récemment. Voir Oumou Sangaré en concert) . Seule Rosalia me donnait envie de venir. Rosalia, dont le dernier album Motomami – que j’avais acheté et écouté- avait été adoubé par la critique. Rosalia dont les vidéos provocantes déployaient une audace et une assurance en même temps qu’un certain « contraste».

Rosalia, hippodrome de Longchamp, au festival LOLLAPALOOZA, samedi 22 juillet 2023. Photo©Franck.Unimon

Ici, la langue espagnole prend le dessus sur la langue anglaise. Rosalia se joue des tendances musicales.  Techno, kizomba, Flamenco, Reggaeton, la forme piano/voix ou d’autres allures d’Amérique latine peuvent ainsi cohabiter. Elle peut aussi très bien danser. On peut considérer qu’elle sait tout faire et avoir l’impression d’assister à un renversement de modèle où l’Espagne, pays « minoré » sur la scène musicale internationale, prend en quelque sorte sa revanche sur les pays anglo-saxons qui, au moins depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale environ, dominent le monde avec leurs artistes et leurs névroses Rock. Ci-dessous, une autre vidéo montrant Rosalia lors du festival LOLLAPALOOZA:

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Adémas (en outre), Rosalia est une femme séduisante, affirmée, indépendante et ouverte aux différents genres. On a donc le Jackpot. Une musique et une culture différentes. Même si, même si, lorsque l’on y regarde bien, Rosalia, par certains aspects, et sûrement malgré elle, colle à l’image que l’on se fait d’une femme espagnole. Brune, ardente, virilement- presque brutalement- et fièrement sensuelle.

Rosalia, ce samedi 22 juillet 2023. Photo©Franck.Unimon

Mais c’est toujours ça. Ne nous privons pas d’un bon moment d’autant que l’on a payé- plutôt cher- pour cela. Et marché aussi près de deux kilomètres au moins depuis l’endroit où l’on a pu trouver où se garer.

Il fait beau ce samedi et il s’agit du dernier concert de la tournée mondiale de Rosalia qui a été un très grand succès. Désormais, Rosalia fait partie des grandes vedettes et cette prestation a été présentée comme l’événement à ne pas manquer. Son concert de décembre dernier, à Paris, a bien été déclaré « meilleur concert de l’année ». On n’a pas envie de rater des moments pareils.

 

Dès l’entrée sur scène de Rosalia avec ses danseurs et le début de son concert avec le titre Saoko, le public est happé par la toile Rosalia. Laquelle a gardé la main et la maitrise totale sur sa représentation. Passionnée et souriante, oui, mais pas liée à l’approximatif.

Rosalia est très à l’aise avec l’image et les technologies de communication moderne. Elle aime aussi beaucoup se voir même si elle tourne cela aussi en dérision. Le public, lui, l’adore, et reprend plusieurs de ses paroles. Il se trouve bien un public hispanophone parmi nous mais d’autres se sont aussi visiblement mis à l’Espagnol.

J’aurais préféré être plus près de la scène, entendre des titres de quatre minutes ou plus, et y voir des « vrais » musiciens. Le festival, officiellement, entend proposer une alternative à notre société d’argent en nous imposant un système de recharge. Système qui, d’après mon expérience, expose surtout à offrir au festival ce que l’on n’a pas pu dépenser. Qu’est-ce que cela m’a agacé par ailleurs de devoir me promener avec un gobelet en carton rempli d’eau simplement « pour des raisons de sécurité ». A moins de filouter, Il est devenu de plus en plus difficile de se trouver à un concert avec une bouteille d’eau munie de son bouchon en plastique. Car trop d’artistes ont reçu des projectiles inopportuns lors de leur prestation.

Mais le spectacle valait le déplacement. Et, lorsqu’ensuite, je me suis mis à réécouter l’album Motomami, j’ai su que cela m’avait véritablement plu.

Rosalia, festival LOLLAPALOOZA 2023, hippodrome de Longchamp, samedi 22 juillet 2023. Photo©Franck.Unimon

Franck Unimon, ce lundi 2 octobre 2023.