Soixante photos du Japon Juillet 2024/ Sixty shots of Japan July 2024
Inosaki, Himeji, Tokyo, Kyoto, Hiroshima, KurashikiâŠ.
Quelques mois aprĂšs mon second sĂ©jour au Japon, je retourne sur les talons de ces photos que jây ai prises durant ces trois semaines. Ni dĂ©tresse ni nostalgie dans ces instants qui mâinspirent ce « retour ».
Il faut bien quelques semaines, quelques mois voire quelques annĂ©es pour pouvoir mieux regarder certains moments. Et celles et ceux qui savent prendre leur temps comme leur pouls le comprendront certainement. Pour les autres, cela viendra peut-ĂȘtre plus tard. Jâai dĂ©jĂ publiĂ© au moins deux articles sur mon blog sur ce sĂ©jour que je dois cette fois-ci au Masters Tour proposĂ© et organisĂ© depuis plusieurs annĂ©es par LĂ©o Tamaki. Mais cette fois, câest peut-ĂȘtre le moment de faire autrement la synthĂšse de ce que jâai vĂ©cu lors de ce sĂ©jour au Japon.
En 1999, lors de mon premier voyage au Japon, les rĂ©seaux sociaux nâexistaient pas et les tĂ©lĂ©phones portables que nous avions ne permettaient pas de naviguer sur internet, de filmer ou de prendre des photos. Et je nâavais pas de blog. Il me reste les photos papier de ce sĂ©jour ainsi que divers objets, impressions et souvenirs que jâen avais rapportĂ©s. Mais je nâavais rien Ă©crit ni publiĂ©.
Aujourdâhui, câest diffĂ©rent. Nous pouvons presque quotidiennement faire savoir Ă dâautres personnes quel grand gĂ©nie nous sommes et la chance quâelles ont toutes de nous connaĂźtre, jour aprĂšs jour. MĂȘme sâil est parfois nĂ©cessaire de savoir le leur rappeler rĂ©guliĂšrement :
Les meilleures rĂ©ussites comme les pires initiatives peuvent dĂ©sormais se diffuser vingt quatre heures sur vingt quatre sur les rĂ©seaux sociaux et sur le net en un tour de piste. Certaines de ces derniĂšres sont tenaces et rĂ©pĂ©titives tandis que les premiĂšres peuvent rapidement se faire avaler par cette obligation et cette obsession de la nouveautĂ© et dâoriginalitĂ© censĂ©es dĂ©finir la valeur de notre personnalitĂ© et de notre vie.
Il nâexiste pas de sĂ©rum dĂ©finitif Ă ce sĂ©bum narcissique. On peut sâassagir et ĂȘtre lucide quelques temps puis recommencer Ă gesticuler dans le courant environnant. Car cela signifie aussi que lâon est une personne « normale » jusquâĂ un certain point : que lâon ressemble Ă une majoritĂ©.
Lorsque lâon dĂ©cide de se rendre au Japon pour quelques semaines en partant de la France, on « sait » que lâon multiplie les probabilitĂ©s pour sâextraire de ce que lâon connaĂźt et peut-ĂȘtre de ce que lâon est habituellement en France ou en occident.
La langue et les codes sociaux sont différents, les croyances aussi sans doute.
LâAnglais dâOxford ou dâailleurs y reste assez peu parlĂ© et lâEspagnol ou le CrĂ©ole nây seront dâaucune aide. On y est quelque peu dĂ©pouillĂ©. Mais pas toujours de ce que lâon croit. Car il se peut que lâon se fasse dĂ©pouiller, comme lors de tout vĂ©ritable voyage et de toute vĂ©ritable rencontre, dâune partie de nos insuffisantes connaissances sur le monde sur celles et ceux qui nous entourent et, bien-sĂ»r, sur nous-mĂȘmes.
Jâai Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© aprĂšs mon retour du Japon quâil me soit demandĂ© par plusieurs personnes si jây avais bien mangĂ©. Jâai eu lâimpression que câĂ©tait la premiĂšre fois, aprĂšs un de mes voyages, que lâon avait autant besoin de sâassurer que lâon y mangeait bien.
Je peux rĂ©pondre Ă nouveau que jâai trĂšs facilement trouvĂ© de quoi me satisfaire dâun point de vue alimentaire sur le territoire nippon. Et que je nâai pas eu Ă errer dans des bas fonds interlopes afin de trouver des dealers mafieux Ă mĂȘme de me revendre au marchĂ© noir des denrĂ©es alimentaires typiquement françaises que je puisse serrer dans mes bras avant de les confier Ă mon estomac.
Cet Ă©tĂ©, jâai bien remarquĂ© sur place que le Japon Ă©tait en effet devenu une destination plus touristique quâen 1999. Lors de mon premier voyage, les touristes Ă©taient « clairsemĂ©s » et jâen avais peu rencontrĂ©. Cette annĂ©e, il Ă©tait plus frĂ©quent dâen croiser. Et Ă la gare de Kyoto, jâai mĂȘme eu la surprise de tomber sur une famille de compatriotes guadeloupĂ©ens qui se promenait dans les galeries commerçantes.
Il faut nĂ©anmoins prĂ©ciser que cette annĂ©e, notre sĂ©jour sâest dĂ©roulĂ© en pleine pĂ©riode touristique, lors du mois de juillet alors quâen 1999, jâĂ©tais venu en septembre.
Jâai aussi trouvĂ© quâil y avait nettement plus de ressortissants chinois, quâils soient simples touristes ou habitants. Cela mâa marquĂ© compte-tenu des diffĂ©rends culturels et politiques qui peuvent exister ou ont pu exister entre la Chine et le Japon.
Le Japon est un pays riche et ambitieux tant historiquement, culturellement quâĂ©conomiquement. AppelĂ© « Le pays du Soleil Levant », il est peut-ĂȘtre aussi le pays des contraires ordonnĂ©s.
Aussi, soixante photos dans un diaporama afin de laisser le meilleur aperçu possible de ce sĂ©jour au Japon, câest assez peu. Mais je crois que lâon dit quâune image vaut autant que dix mille mots. Il est possible que je me sois trompĂ© sur le chiffre exact. Je sais par contre quâau dĂ©part, ce diaporama devait contenir cent photos. Jâaimais bien le chiffre cent. Peut-ĂȘtre parce-quâil est proche en sonoritĂ© du mot « sang ».
Sauf que, sur les plus de 8000 photos prises lĂ -bas, je me suis retrouvĂ© avec 176 photos. Cela faisait beaucoup trop. Trop de sang. Jâai donc coupĂ©. Surtout quâaujourdâhui, il faut savoir livrer du concentrĂ©. Je ferai peut-ĂȘtre un autre diaporama aprĂšs celui-lĂ .
Comme musique, je voulais dâabord mettre du Dub. Pendant environ deux jours, jâai Ă©coutĂ© plusieurs titres de Brain Damage et de Manutention. Jâai Ă©tĂ© beaucoup tentĂ© de rĂ©utiliser un des titres de Brain Damage dont je ne me lasse pas.
Finalement, ce matin, je me suis rappelĂ© de Rosalia que jâĂ©tais allĂ© voir en concert en Ă©tĂ© 2023 Ă lâhippodrome de Longchamp avant de partir ensuite travailler de nuit.
Le titre La Combi Versace mâa rapidement convaincu. On sâattend peu, je crois, Ă retrouver apposĂ©e une telle musique et la langue espagnole « sur » des photos relatives au Japon. On est le plus souvent tentĂ©, en tant quâoccidental admiratif, de lâaccoler Ă une musique solennelle ou qui inspire certaines attitudes de respect ou supposĂ©es zen.
Jâai bien Ă©videmment du respect pour le Japon et je suis sensible Ă la recherche du zen. Mais je crois que ce titre de Rosalia sert trĂšs bien ce diaporama car il a parmi ses avantages le fait, je crois, de reprĂ©senter lâavenir, dâĂȘtre entraĂźnant et plein de vie. Il est aussi composĂ© et interprĂ©tĂ© par une femme qui a ses idĂ©es et qui sâexprime dans une autre langue que lâincontournable langue anglaise de beaucoup de nos titres prĂ©fĂ©rĂ©s. Et le dĂ©cĂšs rĂ©cent de Quincy Jones est lĂ pour nous le remĂ©morer.
Je cite feu Quincy Jones. Mais il ne manquera pas de personnes pour se rappeler de lui ou pour Ă©couter sa musique qui, dâune façon ou dâune autre, est une mĂ©moire, sa mĂ©moire. Par contre, en Ă©coutant de la musique ce matin afin dâen choisir une pour ce diaporama, jâai pensĂ© Ă toutes ces personnes qui nâont plus ou qui nâont pas la possibilitĂ© de connaĂźtre ce plaisir qui est simplement dâĂ©couter de la musique quâelles aiment et de se laisser entraĂźner par elle et qui partiront sans laisser de mĂ©moire. Car elles vivent dans une trop grande pauvretĂ© ou dans une trop grande violence.
Câest une trĂšs grande libertĂ© et un grand privilĂšge que de pouvoir Ă©couter de la musique, « sa » musique, lorsquâon le souhaite comme de pouvoir lâemporter avec soi dans son tĂ©lĂ©phone portable, sur son ordinateur ou dans un baladeur numĂ©rique. De se mettre oĂč lâon veut et de lâĂ©couter voire de la faire Ă©couter et de la vivre avec dâautres.
Je ne suis pas certain que lâon sâen rappelle toujours. Ce diaporama est aussi lĂ pour mâaider Ă mâen rappeler. Car jâai besoin de mâen rappeler.
Franck Unimon, ce mercredi 13 novembre 2024.