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Les rappeurs Joey Starr, Orelsan et Tricky : quelques idées pour réussir

Gare du Nord, ce lundi 31 janvier 2022.

 

 

 Les rappeurs Joey Starr, Orelsan et Tricky : quelques idĂ©es pour rĂ©ussir

 

Ces derniers temps, Orelsan est le rappeur ou l’un des rappeurs français dont on parle le plus et le «mieux Â». MĂȘme le PrĂ©sident Macron, qui va sans doute se reprĂ©senter lors des prochaines Ă©lections prĂ©sidentielles d’avril 2022, tenait des propos Ă©logieux Ă  son sujet Ă  la fin de l’annĂ©e derniĂšre. Comparant Orelsan Ă  un « sociologue Â» dĂ©crivant bien la sociĂ©tĂ© française.

InterrogĂ© au sujet de cette flatterie prĂ©sidentielle, alors qu’il faisait la promotion de son dernier album, Civilisation,  Orelsan a rĂ©pondu quelque chose comme :

« Il ( le PrĂ©sident Macron) ne serait pas en train de gratter mon buzz ? Â».

Avant de rĂ©ussir et d’ĂȘtre ce rappeur Ă  propos duquel, dĂ©sormais, beaucoup de monde est content de dire : «  Je l’admire Â», Orelsan a beaucoup doutĂ©. Je le sais comme d’autres car j’ai un peu lu sur lui. Auparavant. Sans trop insister.

 

Lorsque mon petit frĂšre de 14 ans mon cadet, qui a grandi dans le Rap, m’avait offert Ă  NoĂ«l il y a trois ou quatre ans maintenant, un album d’Orelsan, je l’avais un peu Ă©coutĂ©. Mais, d’une part, avant d’écrire cet article, lorsque j’ai cherchĂ© ce cd, j’ai dĂ» constater qu’il n’était plus lĂ  oĂč je l’avais initialement rangĂ©. A un endroit facile d’accĂšs. Ce qui signifie que je l’ai rangĂ© avec d’autres cds, dans un carton. Et, d’autre part, j’ai oubliĂ© le titre de cet album. Je me rappelle d’Orelsan sur la pochette, attendant Ă  une station de bus en tenue de ninja. Tenue que j’avais trouvĂ©e modĂ©rĂ©ment appropriĂ©e. A la fois car il est courant que des rappeurs se rĂ©clament des Arts martiaux. Mais, aussi, parce-que je trouvais que ces habits ne lui allaient pas. Je me rappelle aussi d’Orelsan derriĂšre une vitre humidifiĂ©e. 

On comprend donc facilement qu’Orelsan, aujourd’hui saluĂ© et reconnu pour son originalitĂ©, ses vertus de rappeur et la qualitĂ© de ses textes, ne m’avait pas particuliĂšrement marquĂ©. Alors que cet album, dĂ©jĂ , contenait plusieurs titres que bien des amateurs de Rap, et d’ailleurs, citeront comme des rĂ©fĂ©rences, tout en s’étonnant de mon ignorance voire de mon handicap psychique et auditif total et Ă©vident.

MĂȘme si, depuis, j’ai quand mĂȘme commencĂ© Ă  goĂ»ter des textes et des vidĂ©os de l’artiste Orelsan, je vais choisir de continuer de m’enfoncer encore un petit peu plus Ă  parler de lui, de Joey Starr et du Rap en gĂ©nĂ©ral.

 

Aujourd’hui, tout le monde Ă©coute du Rap. Je ne vais pas prĂ©tendre le faire autant que d’autres parce-que je respecte le Rap. Mais, aussi, parce-que, pour moi, Ă©couter de la musique, cela se fait “sĂ©rieusement”. En profondeur plutĂŽt qu’en passant. Je n’ai jamais aimĂ© le terme de “musique d’ambiance” ou de “musique d’ascenseur”. Encore moins de “musique de chiottes”.

Or, je sais que je n’ai pas, Ă  ce jour, consacrĂ© ou pu consacrer toute mon attention au Rap comme je l’aurais pu ou l’aurais dĂ». Pour cet article, je vais donc conserver le statut de celui qui sait Ă  moitiĂ© de quoi il en retourne lorsque l’on parle de Rap. 

 

Ce faisant, je continuerai de triquer la musique de l’artiste Tricky dont je rĂ©ecoute et dĂ©couvre des titres en ce moment.

 

Puisque, selon moi, cela est compatible avec le fait de parler davantage, ici, de Joey Starr et Orelsan. Tricky est du reste un artiste que je vois trĂšs mal l’un ou l’autre me reprocher d’Ă©couter. Non seulement il m’est dĂ©ja arrivĂ© de me dire que Joey Starr et Tricky ont une certaine ressemblance physique. Ensuite, pour sa façon qu’a Tricky d’ĂȘtre envoutĂ© par sa propre musique, comme pour ses compositions, je ne peux qu’imaginer Joey Starr et Orelsan plutĂŽt adeptes de la “filiĂšre” Tricky. Reste Ă  savoir si toutes celles et tous ceux qui, aujourd’hui et demain, Ă©coutent Joey Starr et Orelsan savent qui est Tricky. Mais cela n’est pas directement le sujet de l’article…

 

 

Cette nuit, dans un de ces moments d’égarement devenu frĂ©quent pour tout individu « connectĂ© Â», je me suis laissĂ© aller Ă  regarder des rubans d’images et de vidĂ©os. Parmi elles, une intervention de Joey Starr, qui, cinq minutes durant, revenait sur quelques uns des titres qui ont « fait Â» l’histoire du groupe NTM.  

NTM  : Groupe de Rap aujourd’hui devenu « mythique Â» ? « Iconique ? Â» « IntergĂ©nĂ©rationnel ? Â».

Au point qu’aussi bien des personnes qui l’ont connu en activitĂ© que des biens plus jeunes le citent comme faisant partie des groupes de Rap qui ont comptĂ© et continuent de compter. LĂ , aussi, c’est ce que l’on appelle la rĂ©ussite. Et si cette rĂ©ussite revĂȘt maintenant le panache des pionniers et des anciens, on peut facilement concevoir que plus tard, bien des personnes parleront d’Orelsan et d’autres rappeurs et chanteurs actuels avec le mĂȘme reflux de dynamisme et de nostalgie : 

Aya Nakamura, Niska, Maes, PNL, SCH, Ninho, Soprano, Damso,  et beaucoup d’autres. 

 

Dans cette vidĂ©o oĂč l’on voit Joey Starr parler de quelques uns des titres de NTM – c’était apparemment avant la sortie du film SuprĂȘmes d’Audrey Estrougo ( sorti en novembre 2021) que Starr cite un moment- il lui est demandĂ© qui, parmi les nouveaux rappeurs, il Ă©coute. Starr finit alors par citer :

«  Orelsan Â».

 

Si Orelsan ne fait pas partie de ma catĂ©gorie d’ñge, Joey Starr, si. A un ou deux ans prĂšs. Je reste convaincu que si nous avions habitĂ© dans la mĂȘme citĂ© que nous nous serions connus de vue :

Dans la citĂ© oĂč j’ai grandi Ă  Nanterre, je connaissais de vue, de nom ou de rĂ©putation, certains jeunes « durs Â» ou « voyous Â». La fascination qu’ils exerçaient, avant de se faire rattraper par les tridents de la Loi, de l’échec scolaire ou des substances Ă©tait suffisante pour qu’ils soient connus. Sans oublier cette impression de libertĂ© et de force qui se dĂ©gageaient d’eux ou qu’on leur prĂȘtait.

Dans ma jeunesse, j’ai donc connu « des Â» Joey Starr. Mais ils ne faisaient pas de Rap. Ils ne sont pas devenus cĂ©lĂšbres. Ou s’ils l’ont Ă©tĂ©, cela a peu durĂ© et cela s’est ensuite trĂšs mal terminĂ© pour eux. Au point de finir par se faire oublier. Leur jeunesse ayant Ă©tĂ© sans doute leur acmĂ© fut-il fait d’actes et de comportements hors-la-loi.

 

Mais, moi, comme la majoritĂ© des jeunes et sĂ»rement aussi comme la majoritĂ© de ces personnes qui Ă©coutent aujourd’hui du Rap, j’ai toujours respectĂ© la loi. J’ai toujours obĂ©i et marchĂ© droit. C’est la raison pour laquelle je crois que plus jeune, si nous avions frĂ©quentĂ© la mĂȘme citĂ©, Joey Starr et moi n’aurions pas Ă©tĂ© amis ou proches. Je l’aurais peut-ĂȘtre mĂȘme fui. Par peur ou par jugement moral. Et lui, comme d’autres, m’aurait perçu comme un petit intello de plus ou de trop. 

 

Une peur et un jugement moral qui m’ont suivi mĂȘme, lorsqu’adulte, le groupe NTM, dans les annĂ©es 90, a commencĂ© Ă  faire parler de lui.

Je me rappelle encore un peu de ce jour, oĂč j’avais eu Ă  choisir entre :

 

Me rendre Ă  un concert de NTM. J’avais achetĂ© leur album j’appuie sur la gĂąchette ( sorti en 1993. J’avais 25 ans, et, grĂące Ă  mon mĂ©tier d’infirmier avais alors commencĂ© Ă  m’insĂ©rer en trouvant en psychiatrie une discipline qui me plaisait).

 

Et un concert de Me’Shell NdĂ©geocello aprĂšs son premier album : Plantation Lullabies.

 

 Si j’avais Ă©tĂ© dans une bande ou avais connu un groupe d’amis solidaire et curieux d’aller Ă  ce concert, peut-ĂȘtre me serais-je risquĂ©  Ă  aller voir NTM. AprĂšs ĂȘtre allĂ© voir le gentil Mc Solaar (que j’aimais beaucoup alors mais dont la prestation sur scĂšne m’avait déçu car trop molle) au ZĂ©nith. Et avant d’aller voir I AM Ă  l’Olympia Ă  l’époque de je danse le Mia (un des meilleurs concerts auxquels je sois allĂ©).

 

Mais j’allais seul en concert et avais Ă©tĂ© plus rassurĂ© par le public de MeShell Ndegeocello. Son concert Ă  l’ElysĂ©e Montmartre avait d’ailleurs Ă©tĂ© trĂšs trĂšs bon. Artiste que je suis ensuite retournĂ© voir deux ou trois autres fois en concert.

MeShell Ndegeocello, moins connue en France que Joey Starr et Orelsan, mais sĂ»rement connue par au moins l’un des deux (puisque une grande culture musicale est souvent une des caractĂ©ristiques des artistes qui « marchent Â» quel que soit leur genre musical) est une artiste bien plus qu’honorable :

 

Chanteuse, poĂ©tesse, rappeuse, bassiste, claviĂ©riste, compositrice, elle a jouĂ© au moins avec les Rolling Stones, Marcus Miller et, de plus, aujourd’hui, fait figure de fĂ©ministe militante et LGBT. Donc, MeShell Ndegeocello est tout sauf une artiste de surface.

 

 

Sauf que, ne pas aller Ă  ce concert de NTM, dans les annĂ©es 90, c’est quand mĂȘme rater un sacrĂ© coche. Parce qu’il m’a fallu du temps pour comprendre l’importance du groupe dans ma vie. Pour dĂ©passer certaines images dĂ©favorables du groupe.

 

 

Rencontrer Joey Starr

 

Comparativement Ă  Joey Starr, Orelsan fait plus frĂ©quentable. Il fait plus attention Ă  son image que Joey Starr au mĂȘme Ăąge. Il a par ainsi gommĂ© la casquette de sa prĂ©sentation aprĂšs s’ĂȘtre aperçu que certaines personnes restaient “bloquĂ©es” devant un jeune en casquette.

 J’avais aussi oubliĂ© qu’il Ă©tait ce rappeur, qui, il y a presque dix ans, avait fait polĂ©mique avec un titre considĂ©rĂ© comme misogyne. Un titre que je n’ai pas vraiment Ă©coutĂ©. Comme d’autres rappeurs avant lui, Orelsan avait choquĂ© avec un titre et il avait plus Ă©tĂ© question de ce titre et du sens Ă  donner Ă  son texte qu’au reste de sa discographie. Le groupe MinistĂšre Amer ou le rappeur Disiz La Peste Ă©taient aussi passĂ©s par lĂ .

 

Pour NTM, le scandale passait- aussi- beaucoup par les frasques de Joey Starr : frapper un singe dans une cage, insulter une hĂŽtesse de l’air, se battre dans la rue, faire de la prison, prendre des substances, son ancienne relation avec BĂ©atrice Dalle etc
.

 

Au point que, pour moi, il Ă©tait Ă©vident que cet homme peu recommandable mourrait jeune. Telle Ă©tait la sanction morale et pudibonde qui l’attendait d’aprĂšs ce que j’avais alors compris de l’existence.

 

Mais Joey Starr a survĂ©cu. Et moi, aussi. 

Il Ă©tait Ă©galement vivant ce jour oĂč je l’ai croisĂ©. La seule fois, Ă  ce jour. C’était en 2007  vraisemblablement. Au festival Furia, aux Ă©tangs de Cergy-Pontoise. Festival qui n’existe plus aujourd’hui.

Joey Starr, aprĂšs la « dissolution Â» de NTM continuait une carriĂšre en solo. C’était  avant son rĂŽle dans la sĂ©rie Mafiosa ( 2008). Avant son rĂŽle dans le film Polisse ( 2011) de MaĂŻwenn. Film que je verrais d’ailleurs au festival de Cannes, sans pouvoir l’interviewer, car l’attachĂ© de presse du film n’aimait pas le journal cinĂ©ma pour lequel j’écrivais alors, journal cinĂ©ma aujourd’hui disparu : Brazil.

 

Octobre, 2019, au centre Joey Starr, Ă  sa droite, BĂ©atrice Dalle, aux moments des saluts, Ă  la fin de la piĂšce “Elephant Man” que j’Ă©tais allĂ© voir aux Folies BergĂšres.

 

Aujourd’hui, on peut trouver normal de voir Joey Starr acteur, au thĂ©Ăątre ou Ă  la tĂ©lĂ©. Mais, Ă  cette Ă©poque, en 2007, Joey Starr -ou simplement le fait d’ĂȘtre rappeur-, en France,  ne rimait pas du tout avec le fait d’ĂȘtre comĂ©dien de thĂ©Ăątre ou acteur de cinĂ©ma. Mc Solaar, rappeur “chouchou” des mĂ©dia, Ă©tait du reste allĂ© au festival de Cannes, en tant que membre du jury, plusieurs annĂ©es avant Joey Starr. En 1998, au sein du jury prĂ©sidĂ© par Martin Scorsese.  Et, autant que je me souvienne, Mc Solaar, malgrĂ© son Ă©lĂ©gance, n’a jamais fait d’apparition marquante par la suite ou carriĂšre dans le cinĂ©ma ou sur des planches de thĂ©Ăątre. Alors que Joey Starr, dans ces domaines, fait aujourd’hui figure d’exemple mais aussi d’exception. Il est ainsi, en France, le premier rappeur Ă  avoir rĂ©alisĂ© ce grand Ă©cart avec autant de rĂ©ussite entre son univers artistique d’origine ( le Rap) et le cinĂ©ma, le thĂ©Ăątre et la tĂ©lĂ©. 

 

Joey Starr, quittant la scĂšne, oct 2019, aux Folies BergĂšres, aprĂšs voir jouĂ© le rĂŽle “d’Elephant Man”.

( Voir l’article Elephant Man ). 

 

 

Hormis peut-ĂȘtre Eddy Mitchell ou Marc Lavoine, que je trouve aussi bons acteurs que chanteurs, il faut ensuite regarder plutĂŽt aux Etats-Unis pour voir une carriĂšre Ă  peu prĂšs Ă©quivalente d’un chanteur ou rappeur qui a, par ailleurs, une carriĂšre cinĂ©matographique notable. Je pense d’emblĂ©e, au choix, soit Ă  Harry Connick Jr ou Ă  Common. 

Mais en 2007, en France, Joey Starr Ă©tait encore Joey Starr. Un rappeur ainsi qu’un bonhomme incontrĂŽlable qui faisait peur ou qui pouvait encore faire peur. En tout cas, en 2007 , avant mĂȘme son arrivĂ©e sur le festival Furia, il m’avait indirectement fait peur ainsi qu’à certaines personnes de l’organisation du festival.

 

GrĂące Ă  un ami, Luc Rajaonarison ( chanteur et musicien, alors, du groupe Full Screen, et, aujourd’hui du groupe September Boy ) j’avais pu faire partie de l’organisation du festival, en tant que bĂ©nĂ©vole. CĂŽtĂ© production. DerriĂšre la scĂšne. Je pouvais donc et voir les artistes avant leur concert. Mais aussi sur scĂšne.

 

C’est ainsi que j’ai croisĂ© Joey Starr. J’avais alors une jambe dans le plĂątre. Rupture du tendon d’achille. Entre le jour oĂč je m’étais portĂ© volontaire pour ĂȘtre bĂ©nĂ©vole et le moment oĂč le festival avait dĂ©butĂ©, je m’étais rompu le tendon d’achille en faisant du sport.

 

Ce jour-lĂ , je n’ai pas osĂ© aborder Joey Starr. Par contre je l’ai observĂ©. Qui n’observait pas Joey Starr ?

Je me rappelle que le groupe The Roots, convoyĂ© par mon ami Luc, avait tenu, jusqu’au bout Ă  son statut de groupe Star. Le trajet menant du backstage jusqu’à la scĂšne Ă©tait trĂšs peu pratique Ă  monter en camion ou en voiture. Mais par le biais de son meneur, le batteur ?, le groupe avait tenu Ă  se faire emmener en camion jusqu’à la scĂšne. Les roues du camion patinaient dans le ridicule alors qu’il se rapprochait pĂ©niblement de la scĂšne situĂ©e Ă  une centaine de mĂštres.

 

En attendant son concert, assis, Joey Starr « l’énervĂ© Â», avait Ă©tĂ© particuliĂšrement calme. Discret. Aucune frasque. Au moment de monter sur scĂšne, sans faire d’histoire, lui et ses musiciens avaient fait le trajet Ă  pied. Puis avaient donnĂ© leur concert. Et Ă©taient ensuite repartis sans plus d’accrochage.

 

Mon admiration pour Joey Starr :

 

Un certain nombre de fois, dans le passĂ© ou mĂȘme rĂ©cemment, Joey Starr a dĂ©connĂ©. Dans ses comportements comme dans certains de ses propos.

 

Mais en le regardant cette nuit, j’ai listĂ© quelques raisons qui me font l’admirer.

 

D’abord avec NTM, parti de nulle part, car la ville de Saint Denis, et lĂ  oĂč il vivait, c’était alors nulle part, Joey Starr a crĂ©Ă© quelque chose. Dans la musique, le Rap.

 

MĂȘme relativement Ă©loignĂ© de cette scĂšne du Rap qui s’est construite dans les annĂ©es 90 avec Assassin, NTM ou d’autres groupes, je « sais Â» que la musique dominante,  dans les annĂ©es 90 alors, en France, Ă©tait loin d’ĂȘtre le Rap. Mais, aussi, que cette musique Ă©tait loin d’ĂȘtre incarnĂ©e par des artistes noirs ou arabes comme maintenant avec le Rap.

 

Si je commence Ă  faire un effort de mĂ©moire pour essayer de trouver des artistes noirs ou arabes qui, en France, dans la musique, avaient une grande ou assez grande audience, dans les annĂ©es 90, qui vais-je trouver ?

 

Henri Salvador ? Kassav’ ? Zouk Machine ? Francky Vincent ? Laurent Voulzy ?

J’ai oubliĂ© si La Compagnie CrĂ©ole tournait encore dans les annĂ©es 90. Et, avant les annĂ©es 90, qui avions-nous autrement comme artiste français non-blanc :

 

 

Carte de sĂ©jour ? Karim Kacel ? Ottawan ? David Martial ? 

 

En dĂ©couvrant ce lundi 31 janvier 2022, cette vidĂ©o du groupe Ottawan de ce tube qui doit dater de la fin des annĂ©es 70, je me dis qu’il a dĂ» falloir beaucoup de courage Ă  ce duo pour surmonter bien des prĂ©jugĂ©s racistes de l’Ă©poque. Cette remarque vaut aussi pour Karim Kacel : je me rappelle d’une de ses interventions, oĂč, agacĂ©, il avait rappelĂ© ” Je ne m’appelle pas MichaĂ«l Jackson. Je m’appelle Karim Kacel !”. 

 

J’ai peut-ĂȘtre oubliĂ© un ou deux artistes arabes ou noirs tels qu’Alain Bashung ( en partie Kabyle) ou voire Etienne Daho ( nĂ© Ă  Oran) ou peut-ĂȘtre Mirwais ( moitiĂ© afghan par son pĂšre et ex-membre du groupe Taxi Girl ).

 

 

 

Mais, autrement, il faut s’imaginer que tous les autres artistes de la chanson française, jusqu’à l’installation du Rap dans les annĂ©es 90, Ă©taient principalement ou beaucoup des artistes de variĂ©tĂ©. Bien des sujets graves sont abordĂ©s au travers de la variĂ©tĂ© et il serait trompeur de croire que les artistes de variĂ©tĂ©s ne sont que des petites midinettes et des petits gars qui interprĂštent des chansons « douces Â». Sauf que les canons d’expression dominants de l’époque, d’avant le Rap excluaient certaines catĂ©gories de populations ainsi que certains codes de langage ou vestimentaires.

 

Le Rap portĂ© et popularisĂ© par des groupes et des artistes comme NTM mais aussi Mc Solaar et I AM  a permis de « voir Â» certaines de ces catĂ©gories de populations jusque lĂ  exclues des plateaux tĂ©lĂ©s mais aussi de l’industrie du disque et du spectacle.

 

Si fin 2021, le PrĂ©sident Macron a pu essayer de « gratter le buzz Â» d’Orelsan en l’encensant, dans les annĂ©es 90, le PrĂ©sident de la RĂ©publique de l’époque, Mitterrand puis, ensuite, Chirac, s’y sont pris diffĂ©remment. Jack Lang, le Ministre de la culture de Mitterand avait peut-ĂȘtre tentĂ© de rĂ©cupĂ©rer le groupe NTM. Chirac, lui, ne m’a pas marquĂ© pour ses tentatives de rapprochement avec des artistes Rap. Alors que Nicolas Sarkozy, dĂ©jĂ , une fois PrĂ©sident, lui, s’était « fait Â» le rappeur Doc GynĂ©co.

 

Mais j’extrapole.

 

 

Avec le Rap, donc, Joey Starr et NTM  ou NTM et Joey Starr ont crĂ©Ă© une nouveautĂ©.

D’autres diraient qu’ils ont crĂ©Ă© une rupture plutĂŽt. Une rupture conventionnelle avec la musique qui se faisait avant. Avec les textes qui se disaient avant.

 

Donc, une rupture. Une certaine radicalitĂ©. Mais aussi une Ă©nergie. D’autres diraient :

Une urgence.

L’urgence de quoi ? L’urgence de faire un voyage, de vivre une expĂ©rience, une rencontre.

Une rencontre et une expĂ©rience suffisamment proches de soi, de l’auditrice et de l’auditeur qui Ă©coute, pour s’identifier Ă  ce qui est racontĂ© dans le Rap. Mais, aussi, pour donner envie Ă  l’auditrice et Ă  l’auditeur de se rapprocher davantage de ces artistes et de ce qu’ils racontent.

 

Un peu comme on se rapproche d’un feu de camp dans une forĂȘt sombre ou d’une cheminĂ©e qui crĂ©pite dans une maison oĂč l’on se sent enserrĂ© par un certain froid mais aussi par une presque solide solitude.

 

On se rapproche de ces artistes afin de changer d’univers, d’histoire, de condition. On l’espùre tout au moins.

 

CrĂ©er. Apporter une Ă©nergie (ou une chaleur particuliĂšre qui, jusque lĂ  a manquĂ© Ă  d’autres) dans une certaine radicalitĂ©. Que faut-il d’autre pour rĂ©ussir et ce qui me fait, aussi, admirer Joey Starr ?

 

 

La LongĂ©vitĂ© :

 

Joey Starr est encore prĂ©sent pour raconter. Il est un ensemble de hĂ©ros, artistes ou autres, morts trĂšs tĂŽt, et dont l’exemple marque, instruit et guide. Mais je trouve qu’une personne qui vit suffisamment vieux pour transmettre, c’est mieux. C’est mon point de vue.

 

 

Mais il manque encore quelques piÚces pour réussir.

 

 

Se canaliser :

 

Joey Starr, d’aprĂšs ses frasques, a du mal ou a pu avoir du mal Ă  se canaliser. Du moins en apparence. Car, tel le joueur de tennis Mc Enroe, qui, rĂ©guliĂšrement, se mettait en colĂšre sur un court de tennis, Joey starr s’est toujours canalisĂ© dans le Rap. Il a su tenir ses engagements. Comme Mc Enroe avait su tenir son tennis. 

 

Je citais Doc GynĂ©co un peu plus haut. Alors que Doc GynĂ©co avait fait un trĂšs bon premier album solo, toujours plĂ©biscitĂ© par certaines personnes, j’ai l’impression que l’on ne compte plus les tentatives de retour ratĂ©es de Doc GynĂ©co. Comme s’il s’était dissous. D’autres artistes, trĂšs bons, se sont ainsi Ă©vaporĂ©s. Par exemple, je pense de temps  Ă  autre, avec tristesse Ă  Finley Quaye, qui, dans les annĂ©es 90, avait tout un avenir devant lui : Jazz, Reggae, dub, Ă©lectro
.

 

Pour moi, il avait rĂ©alisĂ© une fusion unique de plusieurs genres musicaux. Et puis, il s’est en quelque sorte dĂ©sagrĂ©gĂ©.

 

Joey Starr, lui, est resté non seulement compact. Mais, il a continué à se canaliser et à se concentrer dans le Rap malgré ses accidents de parcours, et ses aller-retour en prison.

 

Il a donc cumulĂ© de hautes doses et aussi de hautes charges de travail dans le Rap. Au point de devenir, d’une maniĂšre ou d’une autre, un expert dans le Rap. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, son travail et sa persĂ©vĂ©rance ont Ă©tĂ© au rendez-vous. Et, cela, sans compter ses heures. Mais, bien-sĂ»r, s’il n’a pas comptĂ© ses heures, ses heures de travail n’ont pas comptĂ© pour du beurre. Il fallait qu’à un moment, tout ce travail se « voit Â» et se « matĂ©rialise Â» concrĂštement. Etre le meilleur rappeur, ou parmi les meilleurs, dans ses toilettes, c’est bien. L’ĂȘtre sur scĂšne ou sur des millions de disques, c’est bien mieux.

 

C’est lĂ  oĂč l’on en arrive Ă  ce qui, selon moi, est sans doute, le plus dĂ©terminant, et, cela, sans doute dĂšs le dĂ©but de toute entreprise.

 

 

L’entourage

 

J’ai oubliĂ© de parler de la sincĂ©ritĂ© de Joey Starr ou d’Orelsan lorsqu’ils ont commencĂ© Ă  se lancer dans le Rap. Pour rĂ©ussir, il me semble que la sincĂ©ritĂ© est indispensable. On continue, des annĂ©es aprĂšs leur mort, de nous parler de la sincĂ©ritĂ© d’artistes comme Georges Brassens, Jacques Brel  ou Barbara. Et on continuera de nous parler de leur sincĂ©ritĂ© pendant encore des annĂ©es. Cela veut bien dire que la sincĂ©ritĂ© d’un artiste nous touche particuliĂšrement. Comment expliquer, autrement, le succĂšs actuel de l’humoriste Blanche Gardin ?

 

Cependant, Ă  la sincĂ©ritĂ© de l’artiste, de Rap ou dans un autre domaine, doit correspondre la sincĂ©ritĂ© de son entourage. Car celui-ci fait, Ă  un moment ou Ă  un autre, la diffĂ©rence. Vers le succĂšs ou vers l’échec.

 

Que cet entourage soit intime ou non, qu’il soit prĂ©sent dĂšs le dĂ©but de l’aventure ou ensuite, pour que la rĂ©ussite soit atteinte, il faut que cet entourage soit un entourage qui :

 

Conseille ; qui guide ; qui soutient et qui fournit du courage plutĂŽt qu’un comportement anthropophage.

 

Il faut aussi que cet entourage soit facilement disponible en cas de besoin. Et prĂȘt Ă  se dĂ©vouer, Ă  se battre voire Ă  se sacrifier pour le projet. Et pour sa rĂ©ussite.

 

Dans la rĂ©ussite de bien des personnalitĂ©s que je regarde, chaque fois que je regarde de prĂšs, il y a toujours un entourage constituĂ©, permanent et solide autour d’elle. Telle une toile d’araignĂ©e.

 

Il y a ensuite d’autres paramùtres à prendre en compte.

 

L’époque/ La chance

 

On dit de certaines Ɠuvres et de certains artistes qu’ils arrivent au bon « moment Â». Que d’autres sont trop en avance sur leur temps ou trop en retard. Il est vrai que j’ai du mal Ă  m’imaginer le groupe NTM,  Orelsan ou Blanche Gardin dans les annĂ©es 60. Et, il peut ĂȘtre trĂšs drĂŽle de les imaginer Ă  cette Ă©poque.

 

Cependant, s’ils avaient vĂ©cu dans les annĂ©es 60, sans doute ou peut-ĂȘtre auraient-ils proposĂ© une Ɠuvre en rapport avec cette Ă©poque. Soit mus par leurs envies et leurs instincts mais, aussi guidĂ©s par l’exemple ou les conseils de quelqu’un de leur entourage.

 

Enfin, pour conclure, on va terminer avec ce qui est le plus souvent mis en exergue lorsqu’un artiste ou une personnalitĂ© « rĂ©ussit Â» :

 

Le talent/ Le don :

 

On rĂ©sume souvent la rĂ©ussite d’une personne Ă  son talent ou Ă  son don. Beaucoup de personnes ont du talent mais ne rĂ©ussissent pas pour autant. Soit parce qu’elles s’égarent. Parce qu’elles n’ont pas le meilleur ou le bon entourage. Parce qu’elles manquent de persĂ©vĂ©rance. Ou parce qu’elles se reposent trop sur leurs dons et leurs « facilitĂ©s Â».

 

Enfin, le mot « rĂ©ussite Â» est un mot fĂ©minin. Mais on dirait, aussi, parfois, que pour rĂ©ussir, ne serait-ce que pour rĂ©ussir tout simplement Ă  vivre, qu’il vaut mieux ĂȘtre un homme qu’une femme.

Charlie Hebdo, de ce 26 janvier 2022.

 

Ainsi, la jeune ShaĂŻna Hansye : « une jeune fille de Creil, dans l’Oise Â» (
.) « retrouvĂ©e brĂ»lĂ©e dans un cabanon abandonnĂ© d’un jardin ouvrier, Ă  l’ñge de 15 ans, en 2019. Le meurtrier prĂ©sumĂ© venait d’apprendre qu’elle Ă©tait enceinte de lui. Avant cela, la jeune fille avait Ă©tĂ© victime d’un viol collectif, commis par d’autres garçons de la citĂ©, et avait eu le courage de porter plainte Â» (
.) « Dossier dans lequel nous rĂ©vĂ©lons que, Ă  plusieurs reprises, policiers, experts ou magistrats n’ont pas entendu la parole de ShaĂŻna Â». ( Charlie Hebdo numĂ©ro 1540 du 26 janvier 2022).

 

Paris, prĂšs de la Gare de l’Est, ce lundi 31 janvier 2022.

 

Franck Unimon, ce lundi 31 janvier 2022.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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self-défense/ Arts Martiaux

Je cours depuis longtemps

Spot 13, samedi 15 janvier 2022. Paris 13Ăšme.

                               Je cours depuis longtemps

 

Plus jeune, je courais aprĂšs les bus et les trains que je voyais arriver. Puis, j’ai arrĂȘtĂ© et j’ai cru que j’avais arrĂȘtĂ© de courir. Lorsqu’ensuite, j’en voyais d’autres qui couraient aprĂšs des moyens de transports, j’ai pu sourire. Bien-sĂ»r, cela me permettait aussi d’oublier qu’entre-temps, j’avais vieilli. Mais comme j’arrivais gĂ©nĂ©ralement Ă  destination et honorais mes rendez-vous les plus importants, je n’y ai pas accordĂ© d’attention particuliĂšre.

 

Je n’ai rien contre le fait de courir, de faire du sport et de transpirer. Mais je n’aime pas courir pour rien. Je n’aime pas m’inquiĂ©ter pour rien non plus. Ou, du moins, de fournir beaucoup d’efforts pour, aprĂšs, devoir m’apercevoir que je me suis Ă©reintĂ© pour trĂšs peu de rĂ©sultats. Les travaux d’Hercule tous les jours seulement pour arriver Ă  l’heure, cela ne vaut pas le clou.

 

 

Alors, j’ai arrĂȘtĂ© de courir. Soit je suis Ă  l’heure ou trĂšs en avance. Soit je suis en retard. Mais je suis moins en retard qu’avant. On parlera de sagesse, d’expĂ©rience, d’économie de moyens, d’anticipation, de maturitĂ©, de meilleure perception de soi-mĂȘme comme de son environnement proche et lointain.  Ou de meilleur systĂšme d’évacuation sudoripare. Peut-ĂȘtre. Si on veut.

 

Car, par ailleurs, j’ai continuĂ© de courir. Je n’avais jamais vĂ©ritablement arrĂȘtĂ©. En pensĂ©es, en actions, en projets, en regrets, en illusions, en dĂ©sirs, en devoirs, en Ă©criture.

 

Prenons mon blog. Prenons les films qui sortent au cinéma.

 

A ce jour, mes cinq articles les plus lus sont consacrĂ©s aux Arts Martiaux. A ma rencontre avec deux Maitres d’Arts Martiaux : respectivement, par anciennetĂ©, Ă  Maitre Jean-Pierre Vignau et Ă  Maitre LĂ©o Tamaki. ( Dojo 5 et Arts Martiaux : un article inspirĂ© par Maitre Jean-Pierre Vignau)

 

Puis suit un article sur le mĂ©tier infirmier, celui que je pratique depuis quelques annĂ©es en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie : CrĂ©dibilitĂ©

 

Devant un article qui raconte ma rencontre avec l’acteur Steve Tientcheu et son co-scĂ©nariste et co-rĂ©alisateur Tarik Laghdiri dans leur ville en Seine Saint Denis : Le cinema-A ciel ouvert avec Steve Tientcheu et Tarik Laghdiri

Et, enfin
.un article que j’avais Ă©crit aprĂšs avoir Ă©coutĂ© un podcast sur l’ex-actrice française de porno Brigitte Lahaie : Brigitte Lahaie en podcast

 

Je n’ai pas choisi cette chronologie. Comme je ne choisis pas la frĂ©quence de sortie des films dans les salles de cinĂ©ma. MalgrĂ© ou en dĂ©pit des diffĂ©rentes plateformes sur internet qui permettent de voir des films ou des sĂ©ries chez soi.

 

Plus jeune, j’allais voir autant de films que possible. J’ai aimĂ© ça. Au festival de Cannes, oĂč j’ai pu aller deux fois en tant que journaliste de cinĂ©ma, j’ai aussi aimĂ© bouffer du film de maniĂšre trĂšs rapprochĂ©e. Aujourd’hui, je regarde tous ces films sortir en salles. Dont certains en avant-premiĂšres lors de projections de presse. Si, auparavant, il m’était impossible de tous les voir, c’est encore plus vrai aujourd’hui.

Si, auparavant, il m’était possible d’écrire sur les films que je voyais en avant-premiĂšres, c’est moins vrai aujourd’hui.

 

Abdel, un copain de lycĂ©e m’avait dit un jour : «  Si tu veux te battre contre le Temps, c’est perdu d’avance Â». C’était Ă  la fac de Nanterre. Je sortais du bassin de la piscine oĂč je venais de terminer mes longueurs. Il arrivait. Abdel devait ĂȘtre en fac de Droit ou d’Economie. J’étais alors en Fac d’Anglais. Pourtant, j’avais parfaitement compris son langage.

 

Le Temps peut faire penser Ă  des arbres ou Ă  ces ĂȘtres qui nous entourent que l’on abat et bouscule en permanence. Mais on ne s’en aperçoit pas. Car ces arbres et ces ĂȘtres ne crient pas, restent passifs et, aussi, parce qu’on ne les voit pas. Ils font partie du dĂ©cor. Et lorsqu’ils disparaissent, on ne le voit pas tout de suite.

 

Nous prenons davantage en compte celles et ceux qui crient et réagissent. Qui nous font réagir. Ou qui sont mobiles.

Sauf que le Temps, lui, a cette particularitĂ©, qu’il nous repousse toujours vers nous mĂȘmes. Pas besoin de crier ou de s’agiter. Pas besoin d’ĂȘtre vu, non plus. Il s’impose. C’est tout. Tels tous ces films qui sortent, toutes ces pensĂ©es et ces expĂ©riences qui dĂ©filent par bobines et qu’il est impossible de retranscrire exactement.

 

Il faut choisir. Il faut trancher. Il faut Ă©couter. Ecrire. Parfois, c’est rĂ©ussi. Du titre au contenu. D’autres fois, c’est moins bien. Mais on ne peut jamais savoir avant d’avoir effectuĂ© le geste. Et avant de l’avoir publiĂ©. Ce que l’on sait, c’est que l’on ne peut pas courir Ă©ternellement et aprĂšs tout ce qui se passe autour de nous. C’est perdu d’avance.

 

 

Lors de mon dernier entraĂźnement d’apnĂ©e, ce samedi matin, notre moniteur d’apnĂ©e, Maitre Yves (il sera gĂȘnĂ© d’apprendre que je le vois comme un Maitre) m’a rappelĂ© l’importance du relĂąchement :

Alors que j’effectuais une de mes longueurs sous l’eau, mon partenaire qui assurait ma sĂ©curitĂ©, au dessus de moi Ă  la surface, avait Ă©tĂ© dans l’impossibilitĂ© de me suivre. J’avais accĂ©lĂ©rĂ©. J’avais accĂ©lĂ©rĂ© parce-que je manquais d’air et que je voulais arriver au bout des vingt cinq mĂštres. Yves m’a alors rĂ©pondu que, dans ce cas, il fallait se relĂącher, et permettre Ă  celui qui est en surface, de pouvoir suivre. Puisque l’on va bien plus vite sous l’eau qu’en surface. Maitre LĂ©o Tamaki, aussi, insiste sur le relĂąchement en AĂŻkido.

 

Cela doit ĂȘtre pareil pour mes articles. Au lieu de chercher Ă  aller vite afin de voir le plus de films possibles qui sortent, ou de traiter le maximum de sujets, je vais ralentir.

Hier ou avant hier, ma fille m’a demandĂ© s’il y avait des journaux oĂč j’avais Ă©crit. Je lui ai rĂ©pondu :

« Oui, dans un mensuel de cinĂ©ma papier qui s’appelait Brazil Â».

Ce matin, je lui ai montrĂ© quelques articles de Brazil en bas desquels se trouvaient mon prĂ©nom et mon nom. C’était en 2009. Il y avait d’abord l’interview de Reda Kateb, Lucide Ă  Paris, Ă  la Place d’Italie. Pour le film Qu’un seul tienne et les autres suivront de LĂ©a Fehner.

 

 

 

Puis, je suis tombĂ© sur l’interview que j’avais faite du rĂ©alisateur philippin Brillante Mendoza pour son film Kinatay ( Massacre). Kinatay avait eu un prix Ă  Cannes mais avait Ă©galement choquĂ© pour sa violence. Le film avait fait rĂ©agir. Mais aujourd’hui, qui s’en rappelle ?

 

 

 

 J’ai relu quelques bouts de l’interview de Brillante Mendoza. Les piles de mon enregistreur numĂ©rique avaient capitulĂ© dĂšs le dĂ©but. J’avais fait l’erreur de mal les recharger et de ne pas avoir prĂ©vu de piles de rechange. En rentrant chez moi, je m’étais empressĂ© de tout restituer de tĂȘte.

 

C’était en 2009. Il y a 13 ans. On peut se dire que c’est trĂšs ancien. Que c’est ressasser le passĂ©, et les souvenirs de nos « rĂ©ussites Â». Mais en quoi, le passĂ© et l’ancien sont-ils nĂ©cessairement des camouflets ? En quoi, la nouveautĂ© est-elle obligatoirement et, toujours, meilleure ?

 

Ce week-end, je me suis demandĂ© la raison pour laquelle, par moments, ou souvent, nous nous tenons rĂ©guliĂšrement Ă©loignĂ©s de ce qui nous fait du bien ou le plus de bien ?

 

Par soumission ? Par Devoir ? Par lĂąchetĂ© ? Par idiotie ? Par illogisme ? Par sacrifice ?

 

J’ai commencĂ© hier la lecture de l’ouvrage de Stanley Pranin, paru en 1993, Les MaĂźtres de l’AĂŻkido ( ElĂšves de MaĂźtre Ueshiba PĂ©riode d’Avant Guerre). Un livre d’interviews que j’avais achetĂ© d’occasion, il y a dĂ©jĂ  plusieurs mois. A un prix assez Ă©levĂ© (environ 60 euros) car devenu difficile Ă  trouver.

 

 

1993, c’est encore plus ancien que 2009. Et, la pĂ©riode d’Avant Guerre ( avant la Seconde Guerre Mondiale), c’est encore pire. Pourtant, qu’est-ce que la lecture de ces interviews m’a fait du bien ! Cela fait des mois, voire des annĂ©es, que je cours. Que je m’abreuve Ă  des informations anxiogĂšnes en continu par devoir ou par masochisme. Et que je passe Ă  cĂŽtĂ© de nourritures bien plus saines qui se trouvent prĂšs de moi et qui, comme les arbres et le Temps, ne font pas de bruit et gesticulent trĂšs peu.

 

En lisant une partie de l’interview de Brillante Mendoza, pour son film Kinatay, je me suis dit :

 

C’est plaisant Ă  lire. Tout ce travail que j’avais initiĂ© avec Brazil mais aussi tous ces films que j’ai pu voir dans le passĂ©, qui m’ont marquĂ© et dont j’ai les dvds et les blu-rays, doivent me servir pour mes articles cinĂ©ma. Je ne peux pas et ne veux pas courir aprĂšs tout ce qui sort Ă  la vitesse d’un Ball-trap, au cinĂ©ma ou ailleurs. Par contre, je peux prendre le temps de m’arrĂȘter sur des expĂ©riences qui ont Ă©tĂ© particuliĂšres pour moi. Ce qui signifie prendre le contre-pied de cette furie dans laquelle, trop souvent, notre vie prend souche. Comme si nous Ă©tions toujours condamnĂ©s Ă  mourir.

 

Franck Unimon, ce lundi 17 janvier 2022.

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Corona Circus Photos

Mes photos préférées de 2021

Mes  photos prĂ©fĂ©rĂ©es de 2021 

 

Ce sont des moments et des sentiments que j’ai photographiĂ©s avec mon smartphone et mon appareil photo.

 

Au centre commercial des Halles, alors que les magasins étaient fermés pour cause de pandémie du Covid.

 

 

Paris 13 Ăšme. Il faisait assez froid, ce matin lĂ . Pas trĂšs loin du spot 13 que je ne connaissais pas encore.

 

 

 

 

 

PrÚs de la Tour Eiffel. Nous pouvions de nouveau sortir sans limitation horaire ou kilométrique.

 

 

Dans un jardin botanique Ă  Amiens.

 

 

PrĂšs de la gare du Nord.

 

 

En revenant du travail, je suis tombé sur ce tournage.

 

 

Du cĂŽtĂ© de Montreuil, en allant acheter un cd d’Erykah Badu Ă  quelqu’un.

 

Certaines oeuvres, alors que vous passez en voiture, arrĂȘtent votre regard. Je suis ensuite revenu quelques jours plus tard. Paris, prĂšs de la Place d’Italie.

 

 

Non loin du jardin des Tuileries.

 

Un matin en partant au travail. En haut, le “luxe” lumineux et Ă©tincelant de Dalloyau qui reste. En bas, ceux de passage et dans l’ombre, sans qui le luxe plus haut et ailleurs ne tiendrait pas.

 

 

Au spot 13, Paris 13 Ăšme, que C…m’a fait dĂ©couvrir.

 

A Cergy-St-Christophe, dans une rĂ©gion oĂč j’ai passĂ© la deuxiĂšme partie de ma vie. Cette mĂ©diathĂšque m’a connu.

 

 

 

 

Dans Paris, alors que j’allais recevoir ma premiĂšre ou ma seconde injection de Moderna. J’ai attendu le dernier moment. Lorsque la vaccination est devenue obligatoire ( passe sanitaire ou test nĂ©gatif obligatoire).

 

Paris 13Ăšme.

 

 

Paris, vers St Michel.

 

Paris. Cette religieuse pourrait ĂȘtre celle de l’affiche du film. Cette idĂ©e m’a plu.

 

” Screws” d’Alexander Vantournhout. Un des Ă©vĂ©nements dans la catĂ©gorie Cirque/Danse de la manifestation Cergy’soit ! A Cergy-PrĂ©fecture ce samedi 25 septembre 2021.

 

A la cathĂ©drale d’Amiens.

 

Sur l’autoroute.

 

A la gare de Cergy St Christophe.

 

Au cimetiĂšre le PĂšre Lachaise, le jour de l’enterrement du rĂ©alisateur Jacques Bral.

 

Le croisement entre le film ” Les Oiseaux” de Hitchcock avec le rappeur Jay-Z en “sosie” de l’artiste Basquiat avec sa femme, la chanteuse/comĂ©dienne BeyoncĂ© en arriĂšre plan, tout cela en plein Paris, c’Ă©tait une belle opportunitĂ© Ă  photographier.

 

Du cĂŽtĂ© de Quiberon, avec mon club d’apnĂ©e.

 

J’ai aimĂ© croire que ces deux femmes, confortablement installĂ©es dans leur grand jardin, voient subitement surgir toutes ces personnes inconnues. Au jardin des Tuileries, bien-sĂ»r.

 

Toutes ces photos m’ont donnĂ© faim. Mon club d’apnĂ©e compte des spĂ©cialistes de la chasse sous-marine. Ce qui nous assure, lors des stages, des repas plus qu’amĂ©liorĂ©s. Un seul plat, sur cette table, comporte un mets achetĂ©. Le reste a Ă©tĂ© pĂȘchĂ© ou chassĂ©. Saurez-vous le dĂ©couvrir ?

 

Tout ce pouvoir, toutes ces ambitions, parfois toute cette culture… et tout ce ridicule. Avant qu’on ne les oublie : De gauche Ă  droite, Eric Ciotti, ValĂ©rie PĂ©cresse, Marine Le Pen, et allongĂ© en Nabilla bimbo, Eric Zemmour.

 

Paris 13 Ăšme, au spot 13.

 

“GrĂące” au GĂ©nĂ©ral de Gaulle, rĂ©fĂ©rence des femmes et des hommes politiques de France, les IndigĂšnes avaient Ă©tĂ© exclus du dĂ©filĂ© de la victoire sur les Champs ElysĂ©es, Ă  la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Car trop arabes, trop noirs, trop sauvages et trop colonisĂ©s. Ces deux agents de sĂ©curitĂ© auraient pu faire partie des IndigĂšnes. A quelques minutes Ă  pied des Champs ElysĂ©es, je me suis demandĂ© Ă  quoi ils pensaient. Et ce lion, non loin de lĂ , pouvait aussi bien ĂȘtre avec eux, pour s’assurer que tout se passe bien. Autant pour le touriste, le passant que pour celui qui part ou revient de son travail comme moi ce jour-lĂ .

 

Paris, prĂšs des Galeries Lafayette.

 

 

 

A la cathĂ©drale d’Amiens.

 

 

 

 

 

Paris, spot 13.

 

 

Paris, spot 13.

 

Paris, spot 13.

 

Paris, spot 13.

 

Gare de Paris St Lazare.

 

Paris, spot 13.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A Cergy PrĂ©fecture. Pendant Cergy, Soit ! ” Screws” d’Alexander Vantournhout dans la catĂ©gorie Cirque/ Danse, ce samedi 25 septembre 2021.

 

” Screws” d’Alexander Vantournhout, ce samedi 25 septembre 2021, Ă  Cergy-PrĂ©fecture, aux Points Communs/ThĂ©Ăątre 95.

 

 

Cergy-Préfecture.

 

 

 

 

Gare du Nord.

 

 

Argenteuil.

 

Argenteuil. Dans le parc du conservatoire.

 

Cergy St Christophe, pendant Cergy, Soit !

 

Quiberon.

 

Franck Unimon, mardi 11 janvier 2022. 

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Corona Circus Puissants Fonds/ Livres

Panser les attentats- un livre de Marianne KĂ©dia

 Panser les attentats –un livre de Marianne KĂ©dia

 

(Pour ne pas céder à la peur)

 

DĂ©termination et bienveillance

 

 

La couverture dĂ©couvre deux mains l’une dans l’autre. C’est un geste simple. On pourrait se dire qu’il concerne un adulte et un enfant. Mais il s’adresse Ă  tous. Les derniers mots du livre de la psychologue et psychothĂ©rapeute Marianne KĂ©dia sont « dĂ©termination et bienveillance Â».

 

Une dĂ©termination et une bienveillance dont elle entoure son livre et celles et ceux qui le touchent.  Un livre paru en 2016. 2016, cela paraĂźt loin maintenant. Il y a quelques jours encore, nous fĂȘtions NoĂ«l 2021. Puis a suivi la nouvelle annĂ©e, 2022.

L’annĂ©e 2016, c’est loin alors que la pandĂ©mie du Covid reflue lors de l’hiver. Avec le variant Omicron, ses plus de trente mutations- contre moins de dix pour le variant Delta encore prĂ©sent du Covid. Alors que plus de cent mille personnes attrapent le Covid tous les jours, que le gouvernement, aprĂšs le passe sanitaire, aspire dĂ©sormais Ă  imposer le passe vaccinal et sans doute la vaccination anti-Covid pour les enfants de moins de 11 ans.

 

La mort kilométrique

 

 

En 2016, nous Ă©tions « ailleurs Â». L’assassinat par un terroriste de l’enseignant Samuel Paty, a eu lieu le 16 d’octobre 2020. Mais, dĂ©jĂ ,  en 2020, les attentats terroristes nous semblaient plus loin qu’ en 2016. Peut-ĂȘtre aussi parce-que, comme l’explique Ă©galement Marianne KĂ©dia dans son livre, avec le principe de la « mort kilomĂ©trique Â», notre perception de l’assassinat de Samuel Paty a t’elle Ă©tĂ© influencĂ©e par notre distance avec l’évĂ©nement :

 

Plus la mort est donnĂ©e loin de nous, moins elle nous terrorise. Conflans Ste Honorine, oĂč Samuel Paty a Ă©tĂ© assassinĂ©, c’est une ville de banlieue distante de vingt kilomĂštres de Paris. Conflans Ste Honorine est une ville de banlieue parisienne moins connue que d’autres.

 

Bien que situĂ©e dans les Yvelines, la ville de Conflans Ste Honorine est moins connue que Versailles ou St Germain en Laye, lesquelles, dĂ©jĂ , font sans doute plus partie de l’histoire- ancienne- ou du Patrimoine de France. MĂȘme si, ces derniers temps, au travers de la candidate aux Ă©lections PrĂ©sidentielles de 2022, ValĂ©rie PĂ©cresse, on entend peut-ĂȘtre un petit peu plus parler de ces deux villes des Yvelines :

 

Saint Germain en Laye et Versailles.

 

Pour ma part, je connais la ville de Conflans Ste Honorine au moins pour y avoir travaillĂ©. Mais aussi pour y avoir vu le guitariste John McLaughlin en concert. Et, une de mes ex y vit sans doute encore. Donc, pour moi, la ville de Conflans Ste Honorine est bien plus qu’un simple nom sur une carte. Je sais Ă©galement comment m’y rendre. D’ailleurs, j’y suis passĂ© avant hier en train. Mais je fais ici partie d’une minoritĂ© mĂȘme si cette minoritĂ© se compte en milliers de personnes.

 

Alors que les attentats du 13 novembre 2015- dont le procÚs se déroule encore pendant quelques mois, à Paris- avaient eu lieu en plein Paris. Ou à Saint-Denis.

Contrairement Ă   la ville de Conflans Ste Honorine ou de Magnanville (ville situĂ©e dans l’agglomĂ©ration de Mantes la Jolie, Ă  60 kilomĂštres de Paris, ou en juin 2016, un policier et sa compagne s’étaient faits  assassiner par un terroriste islamiste) Saint Denis, dĂ©jĂ , est une ville de banlieue proche de Paris.

 

Le 13 novembre 2015, les attentats avaient dĂ©butĂ© dans un endroit oĂč peuvent se retrouver beaucoup de personnes de tous les environs dont Paris : Au Stade de France qui peut accueillir un peu plus de 80 000 personnes et oĂč se dĂ©roulent des Ă©vĂ©nements sportifs de masse. Le Stade de France reçoit des Ă©vĂ©nements sportifs qui bĂ©nĂ©ficient d’un retentissement mĂ©diatique mondial. C’est donc un lieu sans doute plus connu dans le monde que Conflans Ste Honorine ou Magnanville.

 

Puis, aprĂšs le Stade de France, le 13 novembre 2015, les attentats avaient essaimĂ© en plein Paris. Je me rappelle encore oĂč j’étais cette nuit-lĂ  : au travail, dans le 18 Ăšme arrondissement de Paris. J’avais appris la « nouvelle Â» des attentats par ma collĂšgue de nuit, qui, elle-mĂȘme, l’avait appris par son compagnon. Autrement, de notre cĂŽtĂ©, tout Ă©tait calme. Tant dans le service que dans le quartier.

Le lendemain matin, vers 7 heures du matin, j’était rentrĂ© chez moi. On rentre chez soi diffĂ©remment lorsque l’on sait que durant la nuit ont eu lieu des attentats dans la ville oĂč l’on se trouve.

Photo prise ce 22 décembre 2021 au Spot 13, à Paris.

En 2016, quand paraĂźt ce livre de Marianne KĂ©dia, notre attention, tant gĂ©ographiquement, psychologiquement que chronologiquement, est davantage happĂ©e par les attentats- rapprochĂ©s–  comparativement Ă  aujourd’hui, en 2022.

Rappelons aussi qu’Ă  Nice, le 14 juillet 2016, un attentat terroriste effectuĂ© ” au camion-bĂ©lier” sur la promenade des Anglais- donc pendant les rĂ©jouissances nationales du 14 juillet- avait fait 86 morts et plus de 400 blessĂ©s.

 

DĂ©termination et bienveillance

 

 

En 2016, ces attentats semblaient partis pour muter sans s’arrĂȘter. C’est dans ce contexte que Marianne KĂ©dia a Ă©crit ce livre, Panser les attentats.  En psychologue et psychothĂ©rapeute dont les armes sont faites de
.dĂ©termination et de bienveillance. Il faut bien se rappeler que les deux termes- dĂ©termination et bienveillance– sont ici rassemblĂ©s et clĂŽturent le livre. C’est qu’ils prononcent l’intention principale de l’ouvrage. Une personne terroriste, peu importe son idĂ©ologie, islamiste ou autre, est Ă©galement dĂ©terminĂ©e. Mais elle est rarement ou exceptionnellement bienveillante pour autrui lorsqu’elle passe Ă  l’action.

 

Selon le dernier ouvrage de Hugo Micheron, Le Jihadisme Français : Quartier, Syrie, Prisons paru en 2020 (citĂ© comme l’ouvrage actuel de rĂ©fĂ©rence sur le sujet par Charlie Hebdo dans son numĂ©ro de cette semaine), la stratĂ©gie des jihadistes serait dĂ©sormais de privilĂ©gier davantage l’infiltration dans la sociĂ©tĂ© française par le biais de l’action sociale, politique et culturelle surnommĂ©e le « soft power Â».  Par ailleurs, d’autres attentats auraient Ă©tĂ© dĂ©samorcĂ©s Ă  temps par les services dont c’est la fonction.

 

Mais cela ne nous prĂ©serve pas pour autant dĂ©finitivement d’autres attentats. Notre monde continue de se transformer. Et, ce qui se dĂ©roule par exemple en Afghanistan avec les Talibans qui ont repris le Pouvoir, ou ailleurs, peut avoir pour consĂ©quence la rĂ©alisation d’autres attentats.

 

Les atouts et attraits de cette lecture

 

La prévention

 

Souvent, nous attendons que certains Ă©vĂ©nements nous heurtent. Comme s’ils Ă©taient Ă  jamais improbables ou disparus pour toujours. Comme si nous devions constamment ou rĂ©guliĂšrement dĂ©couvrir ou redĂ©couvrir que certaines violences et certaines catastrophes subsistent et existent. Alors que nous avons la possibilitĂ© mais aussi la capacitĂ©, en nous informant mais aussi en nous formant, de le savoir voire de nous y prĂ©parer.

 

Aujourd’hui, en 2022, on peut aussi lire cet ouvrage Ă  titre prĂ©ventif pour diverses situations – extrĂȘmes- de notre vie courante. La prĂ©vention est une prĂ©caution dont on fait trop souvent l’économie. Je pars du principe qu’il y a de fausses Ă©conomies :

 

A ĂȘtre trop sĂ»rs de soi, certaines fois, on nĂ©glige certains domaines. Et, ensuite, il arrive de se retrouver dans l’embarras, du genre en panne sĂšche sur l’autoroute Ă  cinquante kilomĂštres de la premiĂšre station d’essence, ou en Ă©tat de panique face Ă  une situation rĂ©ellement inquiĂ©tante qui, pourtant, s’était dĂ©jĂ  produite. Dans certains pays tels le Japon, sujet aux tremblements de terre, la population est Ă©duquĂ©e ou entraĂźnĂ©e de façon Ă  savoir comment rĂ©agir lorsque la terre tremble.  

 

Marianne KĂ©dia le rappelle bien : le terrorisme a pour but de dĂ©truire la cohĂ©sion sociale.

Vu comme ça, la « cohĂ©sion sociale Â», peut faire penser Ă  une chose abstraite, floue et gĂ©nĂ©rale, donc trĂšs distante de soi. La « cohĂ©sion sociale Â», on peut penser que c’est les autres Ă  vingt ou trente kilomĂštres de soi. Ou que cela concerne l’assistante sociale. MĂȘme si c’est vrai, ce qui va se passer Ă  vingt ou trente kilomĂštres de soi- ou plus proche de soi- aura des effets, d’une façon ou d’une autre, sur nous.

 

Si le but du terrorisme, c’est de dĂ©truire la cohĂ©sion sociale, ce qui nous tue, aussi, d’abord, tous les jours, c’est d’ĂȘtre de plus en plus, chacun dans son camp, Ă©trangers les uns aux autres. Cela a ses avantages : une certaine libertĂ© hors du jugement des autres. Sauf que si nous sommes Ă©trangers les uns ou autres, il arrive aussi que nous soyons aussi des Ă©trangers pour nous-mĂȘmes.

Dans la vie sociale, nous sommes souvent plus superposĂ©s ou amenĂ©s Ă  occuper un espace et un moment qu’ensemble. Donc, dĂ©jĂ , nous sommes plus ou moins quelque peu extĂ©rieurs Ă  une certaine cohĂ©sion sociale :

 

Si une personne dans les transports en commun, ou ailleurs, se fait agresser devant plusieurs tĂ©moins qui restent passifs. Alors que ces tĂ©moins sont numĂ©riquement plus nombreux que le ou les agresseurs, c’est aussi parce-que cette personne qui se fait agresser devant eux leur est « inconnue Â». Distante et inconnue. EtrangĂšre. Le destin de cette victime leur semble d’abord n’avoir aucun rapport avec leur propre destin ou ne serait-ce qu’avec leur rĂ©putation.

 

 

Cependant, je ne passe pas mes jours et mes nuits Ă  guetter l’attentat qui rĂŽde. Je continue de prĂ©fĂ©rer d’autres occupations que celles de « chasseur Â» ou de « pisteur Â» d’attentats. Et puis, je n’ai pas de compĂ©tences ou de dons pour dĂ©tecter les attentats.

 

Par contre, j’ai trouvĂ© dans les propos de Marianne KĂ©dia des rĂ©ponses qui peuvent s’appliquer, aussi, Ă  bien d’autres situations que des attentats.

 

Trop souvent, la tendance est Ă  cloisonner les disciplines comme les expĂ©riences. Alors que ce que l’on apprend dans une discipline ou dans une expĂ©rience peut se transposer dans d’autres domaines. C’est pour cela que j’ai lu l’ouvrage de KĂ©dia autant en tant que personne qu’en tant que soignant.

Par exemple, lors de la nuit des attentats du 13 novembre 2015, aprĂšs avoir appris par son compagnon que des attentats avaient lieu en plein Paris, oĂč notre service d’hospitalisation pĂ©dopsychiatrique pour adolescents se trouve , ma collĂšgue de nuit m’avait alors dit :

 

« J’ai envie d’allumer la tĂ©lĂ© pour regarder les infos
. Â»

 

Ma rĂ©action avait Ă©tĂ© instinctive :

 

« Tu peux. Mais sans moi ! Â».

 

Avant mĂȘme d’allumer la tĂ©lĂ©, je savais ce sur quoi nous allions tomber. Regarder la tĂ©lĂ©, Ă  ce moment-lĂ , c’était se faire gaver comme des oies, en continu, avec des informations anxiogĂšnes. Je ne voyais pas en quoi cela allait ou pouvait m’apporter quoique ce soit de bĂ©nĂ©fique. Cette certitude me venait sans aucun doute de mes souvenirs de ces heures passĂ©es, chez mes parents, Ă  rester cramponnĂ©, pendant des heures, Ă  des programmes tĂ©lĂ© de plus en plus dĂ©biles Ă  mesure que je les regardais. Je m’apercevais que je m’avançais de plus en plus sur l’autoroute du nĂ©ant de la pensĂ©e. Pourtant, je restais fixĂ©, crucifiĂ©, devant l’écran.

 

Mes souvenirs des spots d’informations rĂ©pĂ©titifs de la radio France Info, Ă©coutĂ©s Ă  une Ă©poque oĂč j’ambitionnais ainsi de m’informer et me cultiver, sont sans doute aussi remontĂ©s la nuit du 13 novembre 2015. Lorsque j’ai rĂ©pondu Ă  ma collĂšgue et amie.

 

A la fin de son livre, Marianne KĂ©dia, donne entre-autres, comme recommandation, de limiter notre exposition Ă  la tĂ©lĂ© en pĂ©riode d’attentats prĂ©cisĂ©ment pour Ă©viter de connaĂźtre une anxiĂ©tĂ© galopante qui pourrait franchir toutes les frontiĂšres. A la place, elle prĂ©conise, Ă  juste titre, de s’informer en lisant des journaux voire, en Ă©coutant la radio (en Ă©vitant les radios qui rĂ©pĂštent les mĂȘmes flashes en continu).  Car la surinformation fait des dĂ©gĂąts comme le surarmement.  Marianne KĂ©dia fait ainsi cette analyse :

 

Le plus souvent, lorsque des informations nous sont « donnĂ©es Â»Ă  chaud par rapport Ă  un Ă©vĂ©nement catastrophique ou choquant, ces informations, masquent leur vide par leur rĂ©pĂ©tition industrielle. Elles nous injectent principalement du bruit sonore, des suppositions, de l’agitation et du parasitage qui mettent et maintiennent en alerte. Alors que cet Ă©tat d’hyper-vigilance, de peur et d’alerte maximale n’a aucune utilitĂ© pour la majoritĂ© des personnes qui Ă©coutent ou regardent ces informations. 

 

Marianne KĂ©dia considĂšre que les mĂ©dia, lorsqu’ils se comportent de cette maniĂšre, agissent comme un « cerveau traumatisĂ© Â» qui rĂ©pĂšte en boucle la mĂȘme information. Je me dis ce soir qu’à comparer alors certains mĂ©dia Ă  un  « cerveau traumatisĂ© Â» que KĂ©dia est encore trop indulgente. Et qu’elle pense encore en soignante bienveillante et optimiste qui peut aider Ă  guĂ©rir.

 

Je suis peut-ĂȘtre moins bienveillant ou moins optimiste qu’elle car, moi, devant cette banalisation et cette hyperproduction de bruit sonore, de suppositions, d’agitation et de parasitage, je vois surtout ce avec quoi notre civilisation et notre sociĂ©tĂ© nous  Ă©duque, nous nourrit et nous dirige rĂ©guliĂšrement. Et, il faut des Ă©vĂ©nements plus marquants que d’autres, tel un attentat, une pandĂ©mie ou les fĂȘtes de NoĂ«l avec toute sa mise en scĂšne avec les illuminations, les promotions et les rĂ©clames oĂč, d’un seul coup, on se doit d’ĂȘtre joyeux coĂ»te que coĂ»te pour s’apercevoir de certains aspects disproportionnĂ©s et pathologiques de notre mode de vie.

 

Pedigree, pédagogie

 

Je n’avais jamais entendu parler de Marianne KĂ©dia avant ma lecture rĂ©cente de Ricochets-Un livre de Camille Emmanuelle qui la cite, entre autres. Dans son livre, Camille Emmanuelle cite aussi Patrick Pelloux, lequel avait Ă©galement Ă©crit sur son deuil aprĂšs les attentats de Charlie Hebdo ( voir L’instinct de vie ). 

 

 

Marianne KĂ©dia, spĂ©cialisĂ©e dans le traitement des psycho-traumas (ou PTSD dans son appellation anglaise) a Ă©galement Ă©crit Dissociation et mĂ©moire traumatique et participĂ© Ă  la rĂ©daction de L’aide-mĂ©moire psycho-traumatique.

 

Par ailleurs, elle cite entre autres Bessel A. Van Del Kolk qu’elle prĂ©sente comme l’un des plus grands spĂ©cialistes actuels du syndrome post-traumatique. Lequel a Ă©crit l’ouvrage Le corps n’oublie rien.

 

DiplĂŽmĂ©e en 2003, Marianne KĂ©dia compte dĂ©jĂ  une certaine expĂ©rience clinique dans plusieurs univers. Dans le monde de l’entreprise, dans l’Humanitaire, dans des associations et Ă  l’hĂŽpital.

 

J’ai Ă©tĂ© marquĂ© par son engagement dans son travail. Je me demande comment on peut maintenir un tel engagement, sur la durĂ©e, comme elle le fait, lĂ  oĂč elle le fait. Son mĂ©tier est autrement plus Ă©prouvant que d’autres. Pour moi, le mĂ©tier de soignant consiste Ă  « manger de la violence et de la souffrance Â».

 

Son trĂšs grand engagement vient-il de son « jeune Â» Ăąge ou d’une passion comme elle le dit ?

 

Quoiqu’il en soit, dans une pĂ©riode de grande violence et de grande souffrance, les personnes qui savent nous divertir, nous faire rĂȘver mais aussi celles qui visent Ă  nous rassurer et nous soigner jouent un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans une sociĂ©tĂ©. On l’oublie souvent- mĂȘme des soignants l’oublient- mais un soignant joue Ă©galement un rĂŽle fondateur, pacificateur, Ă©galitaire, dĂ©mocratique et stabilisateur dans une sociĂ©tĂ©. Soit l’opposĂ© du terrorisme qu’il soit religieux, intellectuel, Ă©conomique ou politique.  Ou de l’inquisition.

 

L’ouvrage, Panser les attentats (sans doute aussi un jeu de mot avec le verbe « penser Â») de Marianne KĂ©dia est parĂ© de ces vertus fondatrices, pacificatrices, Ă©galitaires, dĂ©mocratiques et stabilisatrices.

 

Son livre se parcourt plutĂŽt facilement. Il est trĂšs pĂ©dagogique. L’humour le ponctue dans certains passages. La fin me donne un peu l’impression d’avoir Ă©tĂ© Ă©crite plus rapidement que les trois premiers quarts. Je trouve aussi qu’elle insiste beaucoup pour orienter vers son corps de mĂ©tier, en cas de besoin, les psychologues.  Mais elle connaĂźt son sujet. Son livre est Ă  avoir, Ă  lire et  Ă  appliquer. Avec dĂ©termination.

 

Franck Unimon, ce dimanche 9 janvier 2022.

 

 

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Pour prendre son temps en main

                         Pour prendre son temps en main

 

« AprĂšs la folie des achats de cadeaux de NoĂ«l, la folie du retour des vacances de NoĂ«l
 Â»

 

 

C’est ce que je me suis dit, il y a quelques jours. Seulement perchĂ© sur mon petit vĂ©lo pliant achetĂ© dans l’enseigne DĂ©cathlon  l’annĂ©e derniĂšre. Tandis que je me rendais Ă  mon travail depuis la gare St Lazare.

 

Depuis, comme Ă  chaque fois, je m’y suis fait. Puisque je suis aussi fait de cette folie. Nos ennuis avec les autres commencent peut-ĂȘtre – ou toujours- lorsque notre folie est par trop diffĂ©rente de celle des autres. Et qu’elle nous contraint, eux et nous, Ă  nous adapter, Ă  nous adopter, les uns aux autres.

 

A force d’efforts, d’épuisement, de dĂ©couragement ou peut-ĂȘtre parce-que, prĂ©cisĂ©ment, nous n’avons pas du tout envie de faire des efforts, de trop nous fatiguer ou de persister et que nous estimons que c’est aux autres de faire le plus d’efforts, les conflits Ă©clatent. Nos dĂ©railleurs sautent. Nos freins ne fonctionnent plus. Nos phares s’éteignent. Nos cerveaux disjonctent, batterie faible.

 

Ensuite, nous nous escrimons dans l’absolu et la violence, tels des vers de terre emmĂȘlĂ©s les uns aux autres, milliers de spaghettis obsĂ©dĂ©s par cette destination que nous voulons Ă  tout prix atteindre- et au plus vite- hors de l’assiette et surtout hors de portĂ©e de la Grande Fourchette. Comme si cet endroit- hors des bouchĂ©es du nĂ©ant-   nous possĂ©dait. Sauf que les autres ont, aussi, la mĂȘme obsession et sont tout autant possĂ©dĂ©s que nous. Eux, aussi, veulent sortir, par n’importe quel moyen de leur statut de ver de terre ou de spaghetti qui s’enlise dans de la trĂšs mauvaise sauce tomate et oĂč toutes les artĂšres, un beau jour, se figent.

 

 

Ce matin, rien de tout ça. Je suis simplement allĂ© emmener ma fille Ă  l’école, Ă  pied, Ă  quelques minutes de chez nous. Je voulais discuter avec le directeur. Mais pas pour lui parler de vers de terre et de spaghettis.

 

Le directeur de l’école Ă©tait absent dans la cour. Par contre, Ă  l’entrĂ©e de l’école, la maitresse de ma fille, et une de ses anciennes maitresses, vĂ©rifiaient que chacun ait bien l’attestation sur l’honneur des parents, Ă  la date du jour, spĂ©cifiant que, oui, leur enfant avait bien effectuĂ© ( ou subi) un autotest antigĂ©nique Ă  la maison. Et que celui-ci Ă©tait bien nĂ©gatif. Devant moi, j’ai vu un mĂŽme d’à peine huit ans, venu seul Ă  l’école, faisant de son mieux pour rĂ©pondre lorsque la maitresse lui a demandĂ© avec gentillesse s’il avait bien fait un test et s’il avait l’attestation sur l’honneur signĂ©e par ses parents. Non, il ne l’avait pas. Elle lui a alors demandĂ©- avec indulgence- d’entrer dans la cour et d’attendre sur le cĂŽtĂ©.

 

La rentrĂ©e des classes s’est faite ce lundi. Premier cas positif du Covid dans la classe de ma fille. Jusque lĂ , j’en entendais parler ailleurs, dans la classe d’un de mes neveux, dans l’ancien service oĂč je travaillais oĂč, cette semaine, une de mes ex-collĂšgues et amie m’a parlĂ© de cluster. Comme j’avais entendu parler des plus de cent mille cas positifs de Covid par jour depuis les vacances de NoĂ«l. Mais jusque lĂ , nous y avions Ă©chappĂ©. AprĂšs m’ĂȘtre fait matraquer, comme tout le monde, par l’abattage mĂ©diatique – et autre-  supra anxiogĂšne, Ă  partir de juillet 2020, j’ai quittĂ© l’aussi gigantesque que tentaculaire tapis mĂ©canique qui semblait n’avoir que pour principale activitĂ© de faire de nous des soldats de plomb qu’il s’agissait de convoyer d’un champs de mines de la peur Ă  d’autres champs de mines de la peur. Je porte des masques, je me lave les mains avec du savon, j’ai fait mes deux injections de Moderna et bientĂŽt trois quand ce sera le moment. Je ne peux pas faire plus. Et je ne veux pas faire plus en matiĂšre de folie viscĂ©rale et sociĂ©tale.

 

J’avais beaucoup aimĂ© la phrase du psychiatre Serge Hefez. J’ai retenu ça de celle-ci :

 

« La pandĂ©mie du Covid a plutĂŽt tendance Ă  stabiliser les patients psychotiques et Ă  rendre fous les gens normaux Â».

 

 

Qu’est-ce que nous sommes nombreux Ă  ĂȘtre devenus fous depuis le dĂ©but de cette pandĂ©mie du Covid. Et nous avons encore un trĂšs grand potentiel crĂ©atif. Je suis sĂ»r que nous sommes encore Ă©loignĂ©s de nos plus grands chefs d’Ɠuvre en matiĂšre de comportement et de raisonnement Ă  propos du Covid. D’abord, en un temps record, nous sommes pratiquement tous devenus Ă©pidĂ©miologistes. Soit la version sanitaire de toutes celles et ceux qui se font les arbitres et les sĂ©lectionneurs Ă©minents de matches de Foot,  de hand, de tennis ou de combat UFC. Comme de toutes celles et ceux qui se font critiques de cinĂ©ma.

 

Un peu plus fou que d’habitude :

 

 

Moi, ce matin, je suis devenu un peu plus fou que d’habitude parce-que :

 

Trois jours de cours ( ce mardi, la maitresse Ă©tait absente l’aprĂšs-midi et le mardi matin, notre fille est restĂ©e avec nous) trois tests antigĂ©niques ?

 

Mais j’ai su rester calme et digne devant ma fille. Alors qu’elle s’éloignait dans la cour vers son destin d’écoliĂšre, j’ai demandĂ© Ă  discuter avec la maitresse.

 

Fort heureusement, nous sommes rapidement arrivés à nous entendre, la maitresse et moi. Et puis, le troisiÚme test était déjà fait.

C’est un mail adressĂ© par la maitresse et le directeur d’école, lu hier soir sur le compte Beneylu, qui a amenĂ© une certaine confusion.

 

Et, ce matin, la solution Ă  cette confusion a Ă©tĂ© donnĂ©e par cette pratique ancestrale, traditionnelle, archaĂŻque, primitive et rĂ©volutionnaire :

 

La discussion.

 

 

Une pratique ancestrale, traditionnelle, archaĂŻque, primitive et rĂ©volutionnaire :

 

Prendre le temps de s’adresser Ă  l’autre. De le rencontrer. Lui parler calmement. Lui expliquer qu’il puisse comprendre ce qui nous « motive Â». Lui laisser le temps d’incorporer et d’additionner les informations que nous lui donnons. Des informations qu’il ne peut pas deviner mĂȘme si celles-ci sont Ă©videntes pour nous tant nous avons pu les ruminer. Le laisser respirer. Ne pas le saisir comme on jette de l’huile sur un poĂȘle qui se trouve sur le feu depuis une bonne heure. Parler de maniĂšre aussi dĂ©tendue que possible.  Si possible, articuler. Etre Ă©coutĂ© de lui. Ecouter sa rĂ©ponse. Prendre sa rĂ©ponse comme l’on pourrait prendre notre propre pouls. Avoir encore la croyance ou l’optimisme que cette personne en face de nous est aussi sincĂšre que nous.

 

Cela nécessite du temps. Un peu de temps.

 

En moins de trois minutes – je n’ai mĂȘme pas eu le temps de chronomĂ©trer- la discussion Ă©tait terminĂ©e et l’accord trouvĂ©. Je n’ai, Ă  aucun moment, eu l’impression que ces trois minutes de conversation (cinq si l’on inclue la petite attente afin que la maitresse qui accueillait les enfants qui arrivaient puisse se rendre disponible) m’ont demandĂ© un effort surhumain.

 

Je n’ai pas eu besoin de me ronger les ongles, d’allumer une cigarette ou de donner des coups de pied dans la grille ou de hurler devant l’école pour patienter. Et, je n’ai pas eu l’impression, non plus, de passer pour un moins que rien parce-que la maitresse m’a demandĂ© d’attendre un petit peu.

 

Cela valait la peine d’attendre un peu :

 

Ma fille n’avait pas Ă  subir un nouvel autotest antigĂ©nique aujourd’hui aprĂšs en avoir  dĂ©jĂ  eu un la veille. Mais demain, samedi. Soit tous les deux jours. Au passage, la maitresse de me dire qu’elle compatissait beaucoup avec les enfants. Elle-mĂȘme trouve ça trĂšs dur, ces tests Ă  rĂ©pĂ©tition. Merci madame et bonne journĂ©e.

 

Le minimum des corrections

 

En rentrant, je passe saluer cette commerçante. Cela fait des annĂ©es que, quelques fois, je passe pour discuter un peu avec elle. Cela n’a rien Ă  voir avec de la drague. On peut ĂȘtre un spaghetti ou un ver de terre et avoir d’autres intentions que celle de se reproduire.

 

Il existe des commerçants et des commerçantes qui prennent le temps de discuter avec leur clientĂšle. MĂȘme si cette clientĂšle ne les a sollicitĂ©s qu’une fois ou deux. J’ai ce profil.

 

Ce matin, je passe la voir parce-que je me dis que, quand mĂȘme, une nouvelle annĂ©e a commencĂ©. Et, il y a plus d’un mois, je lui avais demandĂ© de me refaire des masques en tissu anti-Covid. Elle m’avait alors rĂ©pondu que certains clients le lui avaient demandĂ©, pour, finalement, ne jamais revenir les acheter. Je lui avais passĂ© commande et lui avais  alors assurĂ© :

« Moi, je reviendrai Â».

 

Je reviens donc aussi pour ça. C’est le minimum des corrections. Elle m’apprend qu’elle n’en fait plus. Elle s’est renseignĂ©e : elle n’a plus le droit d’en vendre car les masques qu’elle fait ne sont pas homologuĂ©s. Pourtant, elle a pris un de ces masques homologuĂ©s, l’a ouvert. Ils sont faits de la mĂȘme maniĂšre que les siens. Elle ajoute que certaines entreprises ont beaucoup de stocks de masques en tissus Ă  Ă©couler. Qu’elle pourrait en vendre. Cela lui a peut-ĂȘtre mĂȘme Ă©tĂ© proposĂ©.

 

Je lui demande « Pourquoi vous n’en vendez pas ? Â».

 

Elle me rĂ©pond :

 

« Pour vendre des masques cinq euros alors que je vendais les miens, deux euros ? DĂ©jĂ  que je ne prenais pas d’argent sur la vente de ces masques. Je prenais juste sur mon temps personnel. Mais, lĂ , je ferais ça pour gagner un euro ? Â».

 

Il existe donc, encore, des commerçantes et des commerçants comme cette personne. Mais la suite de notre discussion se fait plus personnelle lorsque je lui demande :

 

« Alors, quels sont vos projets pour cette annĂ©e ? Â»

 

Elle me rĂ©pond : «  Prendre soin de moi Â».

Je lui rĂ©ponds : « C’est un beau projet Â». Elle m’en dit plus alors que je l’interroge. Elle se raconte. Je comprends complĂštement son expĂ©rience. Et l’encourage. Je lui parle aussi un peu de moi, de ma fille qu’elle « connaĂźt Â». Tout ce qu’elle me dit m’encourage aussi et concorde avec mes projets de vie. Nous nous apercevons que, malgrĂ© une quarantaine   d’annĂ©es d’écart, certaines de nos expĂ©riences de vie se ressemblent. Elle a Ă©tĂ© une grande prĂ©maturĂ©e Ă  la naissance. Ma fille a Ă©tĂ© une grande prĂ©maturĂ©e Ă  la naissance.

 

Je dĂ©couvre qu’elle Ă©crit, qu’elle peint, qu’elle a fait du thĂ©Ăątre. 

 

Notre conversation aura durĂ© dix minutes. Peut-ĂȘtre quinze. C’est le genre de discussion qui peut devenir le moteur de toute une journĂ©e. Alors que nous passons tant de temps, tous les jours, Ă  nous dĂ©foncer pour des actions et des rĂ©sultats qui ne nous apportent mĂȘme pas le quart de ce que cette discussion m’a donnĂ© ou redonnĂ©. Et c’est comme ça, tous les ans. Presque tous les jours. 

 

Donner du temps psychique

 

 

Tout Ă  l’heure, je vais revoir un ancien collĂšgue, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ©. Son pot de dĂ©part Ă  la retraite devait avoir lieu hier dans ce service oĂč nous nous sommes rencontrĂ©s il y a plus de dix ans. Mais il a Ă©tĂ© annulĂ© pour cause de pandĂ©mie du Covid. C’est lui qui, assez embarrassĂ© de me reprendre, m’avait dit, un jour, alors que je faisais passer le temps en regardant mon tĂ©lĂ©phone portable :

 

« Notre travail, c’est de donner du temps psychique Â».

 

 AprĂšs avoir publiĂ© cet article, je vais passer le voir chez lui. Comme nous en avons convenu, lui et moi.  Je prendrai le train. Une autre façon de bien prendre mon temps en main.

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 7 janvier 2022.

 

 

 

 

 

 

 

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Aujourd’hui, nous avons repris l’entraĂźnement d’apnĂ©e

La piscine de Colombes, fin novembre 2021.

   Aujourd’hui, nous avons repris l’entraĂźnement d’apnĂ©e

 

Ce soir Ă  20 heures, nous avons repris l’entraĂźnement d’apnĂ©e dans la piscine de Colombes. Dans quelques mois, nous irons nous entraĂźner dans la piscine d’une autre ville. La municipalitĂ© va entreprendre des travaux afin que le bassin oĂč nous nous entraĂźnons habituellement soit rĂ©servĂ© Ă  l’entraĂźnement d’une discipline olympique.

 

La tempĂ©rature extĂ©rieure ce soir, 7 ou 8 degrĂ©s, m’a peut-ĂȘtre un peu refroidi pour venir. Mais je savais qu’une fois dans l’eau, tout cela serait oubliĂ©. En conduisant, j’écoute des titres du groupe haĂŻtien Tabou Combo : Mario Mario et Bambou Penche – Pa Casse.

 

 

Jean-Pierre, le plus ancien du club, cinquante ans de prĂ©sence, plus de 70 ans, est le moniteur du groupe dans lequel je suis. Je l’ai rencontrĂ© dĂšs mes dĂ©buts dans le club il y a quatre ou cinq ans. DĂšs mes premiĂšres sĂ©ances sous l’eau. J’ai un peu Ă©voluĂ© depuis.

 

Mais moins que lui.

 

Avant notre Ă©chauffement qui  consiste Ă  faire « au moins Â» deux cent mĂštres de natation, il nous apprend ĂȘtre allĂ© nager ce matin aux Ă©tangs de Cergy.

« Je vais nager tous les deux jours Â» nous rappelle-t’il. Ce matin, aux Ă©tangs de Cergy, il faisait moins un degrĂ©. Lorsque je l’entends parler de sa sortie aux Ă©tangs ce matin, je me dis que j’ai encore ratĂ© une occasion d’aller nager aussi.

 

AprĂšs les deux cents mĂštres d’échauffement, Jean-Pierre nous demande, par binĂŽme, sur deux cent mĂštres, d’alterner vingt cinq mĂštres en apnĂ©e suivis de vingt cinq mĂštres de rĂ©cupĂ©ration active. Et ainsi de suite. Pour « digĂ©rer Â» les excĂšs des repas de NoĂ«l nous dit-il avec son petit sourire.

 

A ce moment de la sĂ©ance, nous avons tous nos palmes aux pieds. Je fais partie de ceux qui s’échauffent en nageant sans palmes. J’ai aussi mis ma souris ( une combinaison en nĂ©oprĂšne sans manches de 2 Ă  3 mm) qui comporte une capuche. Dans la piscine, nous avons obligation de porter un bonnet.

Assis au premier plan, au milieu, T. A sa droite, S. A gauche, M. Debout qui s’Ă©loigne, avec le nĂ©cessaire de secours, Yves, le responsable de la section apnĂ©e du club. La piscine de Colombes, un samedi matin, fin novembre 2021.

 

Je suis avec T. T dit rĂ©guliĂšrement en dĂ©but de sĂ©ance qu’il n’est pas en forme. Qu’il a trop fumĂ©. Qu’il a trop ceci. Qu’il a trop cela. Ce soir encore. Mais une fois sous l’eau, je constate alors que je le regarde onduler qu’il se porte bien.

 

Vingt cinq mĂštres d’apnĂ©e d’emblĂ©e, c’est gĂ©nĂ©ralement trop pour moi dĂšs le dĂ©but. J’ai besoin de me rĂŽder. C’est Ă©tonnant comme chacun selon son tempĂ©rament- mais aussi ses capacitĂ©s- a besoin de plus ou moins de temps pour bien entrer dans l’eau. Par exemple, souvent, lors de l’échauffement, je vois des copains et des copines d’entraĂźnement fuser dans l’eau comme pressĂ©s ou catapultĂ©s. Je ne peux pas faire ça. Je risquerais la fracture.

 

Pourtant, ce soir, je tiens assez bien l’exercice de dĂ©part. Les vingt cinq mĂštres  d’apnĂ©e, la prise d’appui, respirer, faire le signe OK Ă  mon partenaire. Faire vingt cinq mĂštres en rĂ©cupĂ©ration active. Puis repartir pour vingt cinq mĂštres d’apnĂ©e. Pendant deux cents mĂštres.

 

Tout le monde termine l’exercice. Nous rĂ©cupĂ©rons. Jean-Pierre nous demande cette fois-ci de commencer par faire vingt cinq mĂštres d’apnĂ©e. De rĂ©cupĂ©rer une minute. Et de repartir pour vingt cinq mĂštres d’apnĂ©e. Et de souffler quarante cinq secondes. Avant de se lancer pour vingt cinq autres mĂštres en apnĂ©e. Retirer quinze secondes de rĂ©cupĂ©ration Ă  chaque arrĂȘt. C’est moi qui tiens le chrono pour mon partenaire et moi. Ma montre, dĂ©sormais rayĂ©e, a une petite histoire avec l’apnĂ©e dans cette piscine. Mais je la raconterai un autre jour.

 

Lorsque nous avons effectuĂ© la sĂ©rie oĂč il s’agit de rĂ©cupĂ©rer quinze secondes, T me rĂ©pond qu’à son avis, il s’agit ensuite d’augmenter de quinze secondes les phases de rĂ©cupĂ©ration. Nous prenons trente secondes de rĂ©cupĂ©ration puis nous nous arrĂȘtons aprĂšs vingt cinq mĂštres d’apnĂ©e. Le reste du groupe nous rejoint dont Jean-Pierre.

 

Le nouvel exercice est le suivant : nous commencerons pas quinze secondes d’apnĂ©e statique puis nous partirons pour vingt cinq mĂštres d’apnĂ©e. A la sortie de l’eau, une minute de rĂ©cupĂ©ration. Puis trente secondes d’apnĂ©e statique avant de repartir pour vingt cinq mĂštres d’apnĂ©e. Suivis d’une minute de rĂ©cupĂ©ration, quarante cinq secondes d’apnĂ©e statique et vingt cinq mĂštres d’apnĂ©e. Jusqu’à arriver Ă  une minute de rĂ©cupĂ©ration pour une minute d’apnĂ©e statique suivie de vingt cinq mĂštres d’apnĂ©e.

 

Cette alternance apnĂ©e statique/apnĂ©e dynamique met le corps et l’esprit en condition pour l’apnĂ©e. Il nĂ©cessite un relĂąchement ainsi qu’une certaine prise de confiance en soi. Car, instinctivement, aprĂšs avoir arrĂȘtĂ© de respirer pendant un certain temps, le rĂ©flexe est plutĂŽt de sortir sa tĂȘte hors de l’eau pour reprendre de l’air. Alors que, nous, nous faisons tout le contraire. Nous faisons un canard et descendons vers le fond de la piscine  jusqu’aux vingt cinq mĂštres.

 

Nous avons dĂ©jĂ  fait cet exercice. Si je me rappelle bien, il avait pu nous arriver de monter jusqu’ Ă  deux minutes d’apnĂ©e statique avant de descendre ensuite pour faire  vingt cinq mĂštres en apnĂ©e.

 

Mais ce soir, lorsqu’arrive le moment oĂč nous devons faire une minute d’apnĂ©e statique avant de partir, je n’y arrive pas. Je sors alors ma tĂȘte pour respirer, regarde la trotteuse. Et lorsque c’est le moment, je touche T pour lui signifier le dĂ©part et le suit en apnĂ©e.

 

J’ai dĂ» mal rĂ©cupĂ©rer Ă  un moment donnĂ©. Ou peut-ĂȘtre que le fait de tenir la montre m’a-t’il empĂȘchĂ© de me dĂ©tendre suffisamment. Habituellement, durant cet exercice, lorsque quelqu’un d’autre annonce le dĂ©part, je ferme les yeux dans la phase d’apnĂ©e statique et m’allonge le plus possible. Je n’ai pas pu fermer les yeux ce soir vu que je regardais ma montre. Et regarder les secondes passer aide assez peu pour effacer le temps.

 

AprĂšs un nouveau moment de rĂ©cupĂ©ration, Jean-Pierre nous demande de faire vingt cinq mĂštres en apnĂ©e, puis, passĂ©s les vingt cinq mĂštres, de « vider nos poumons Â» en expirant jusqu’aux trente sept mĂštres cinquante. Et de rĂ©cupĂ©rer activement ensuite jusqu’aux cinquante mĂštres. Expirer est ici la consigne donnĂ©e par Jean-Pierre et elle permet de se dĂ©tendre. Hors de cette consigne, une personne pratiquant l’apnĂ©e qui expire sous l’eau et qui lĂąche des bulles Ă©voque un dĂ©but de noyade.

 

Pour finir, Jean-Pierre nous propose de faire un cinquante mĂštre en apnĂ©e au maximum. Nous en faisons un premier. Le groupe prend le temps de se reposer. Jean-Pierre fait quelques rappels afin de bien se relĂącher et de bien faire baisser son diaphragme afin de prendre le plus possible d’air.

 

En tout, nous ferons trois cinquante mÚtres en apnée. Ce dimanche, il y aura une sortie en fosse à Conflans Ste Honorine. Mais je ne pourrai pas y aller.

 

Sur le parking de la piscine, je recroise Yves, le responsable la section apnĂ©e en pleine discussion avec d’autres responsables du club.

 

Je lui dis qu’il est trop couvert : Yves- trĂšs peu frileux- porte un petit blouson en cuir grand ouvert sur un tee-shirt manches courtes. Il me rĂ©pond que c’est sa tenue de ville. Puis m’apprend que les rĂ©servations sont ouvertes sur le site du club pour le stage d’apnĂ©e et de chasse sous-marine prĂ©vu en Bretagne au moins de juin. Pour moi, c’est un stage Ă  ne pas manquer. Si j’y vais, ce sera mon quatriĂšme stage d’apnĂ©e avec le club, Ă  chaque fois en Bretagne.

 

Du cÎté de Quiberon, avec le club, Mai 2021.

 

 

En repartant, j’écoute Tricky & Radagon sur le titre Street Times de Sly and Robbie.

 

Franck Unimon, ce jeudi 6 janvier 2022.