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Refaire le match

 

Refaire le match

 

Le match et son enjeu sportif me sont totalement passés au dessus de la tête. J’étais au travail lorsqu’il a eu lieu. Mais j’aurais néanmoins pu en voir des images. Aujourd’hui, nous avons tout ce qu’il faut à notre disposition pour faire le plein d’images. Il n’y a rien de plus facile que de trouver un réservoir à images en accès libre et illimité.

 

Lorsque mon collègue médecin a eu fini de regarder le match, je n’ai même pas pensé à lui en parler. J’étais concentré sur ma lecture du livre de Kersauson, Le Monde comme il me parle. Tout en me postant à un endroit stratégique pour repérer l’adolescent qui viendrait éventuellement se présenter devant la porte de la chambre de sa dulcinée.

 

On peut avoir des idĂ©es suicidaires,  des pensĂ©es et des humeurs incertaines entre la psychose et la nĂ©vrose, un trauma personnel, se scarifier quelques fois et avoir une libido en bonne et due forme. Comme connaĂ®tre des moments d’appartenance Ă  l’adolescence la plus frondeuse et la plus insouciante. C’est la vie.

 

Mais c’est aussi notre responsabilité d’adultes et de soignants de nous assurer que le service ne se confonde pas avec un foyer où se pratiquerait la fécondation in vivo. Nous pourrions être bien embarrassés si, un jour, une adolescente quittait le service en étant enceinte de quelques semaines ou de plusieurs jours.

 

Ce serait dommage d’attraper un torticolis

 

J’ai vu les images du rĂ©sultat du match le lendemain matin. Du match de Foot Bayern de Munich contre le PSG de Neymar et M’BappĂ©. Je ne parle pas ici du match sportif qui oppose spermatozoĂŻdes et ovocytes. 

 

C’était pendant ma séance de kiné.

Mon kinĂ© a vu que j’étais happĂ© par les images qui ont suivi le rĂ©sultat du match ainsi que par les commentaires sur Cnews.  Il m’a alors proposĂ© de m’installer en face de la tĂ©lĂ©. Il m’a dit :

« Ce serait dommage que vous attrapiez un torticolis. Et que je vous soigne ensuite pour un torticolis».

Le sensationnel et le répétitif

 

Je pense beaucoup de mal de cette tĂ©lĂ© allumĂ©e en permanence dans cette grande salle de rééducation Open space. D’autant qu’elle est braquĂ©e sur la chaine Cnews qui fait beaucoup dans le sensationnel et le rĂ©pĂ©titif. Le sensationnel angoissant. MĂŞme s’il sort de ce que je vois de cette chaĂ®ne de tĂ©lĂ© une certaine vĂ©ritĂ©, elle prend les Ă©vĂ©nements d’une telle façon que son traitement de l’info agit comme un tord-boyaux :

 

DiarrhĂ©e et pensĂ©es suspectes vous encombrent après l’avoir regardĂ©e. Parce-que vous avez peur ou ĂŞtes en colère.

Beaucoup est fait sur cette chaine pour avoir peur ou être en colère. Pour donner la part belle à tout ce qui peut faire peur ou mettre en colère.

 

Une chaine de télé commotionnelle

 

«  La peur fait vendre Â» ai-je lu rĂ©cemment. Il suffit de regarder Cnews pour en avoir une idĂ©e. On dira que je la considère comme une chaine commotionnelle.

 

C’est plutôt particulier, dans un cabinet de kiné où l’on s’occupe de rééducation, d’avoir choisi de planter Cnews , chaine commotionnelle, presque constamment.

 

Cependant, Cnews m’a permis ce matin-là de découvrir des images que, sans doute, la majorité des autres patients, soit chez eux, soit sur leur téléphone portable toujours allumé pendant leur séance, avaient déjà vues.

 

Je n’ai pas la tĂ©lĂ©. Et si je l’avais, je ne regarderais pas les « informations Â».

Après avoir regardĂ© les « informations Â» chez mes parents pendant des annĂ©es, j’en suis arrivĂ© Ă  me convaincre que le but des « informations Â» est souvent de faire peur, d’inquiĂ©ter ou de mettre en colère. Il se trouve très peu de recul et de perspective dans le journal des « informations Â». La prioritĂ© semble ĂŞtre de fournir rĂ©gulièrement des « nouvelles Â» qui crĂ©ent un malaise, un suspense, du sensationnel. Pas de faire Ă©voluer les mentalitĂ©s. Pas d’apprendre aux gens Ă  relativiser, Ă  nuancer ou Ă  mieux comprendre les Ă©vĂ©nements exposĂ©s.

 

Les journaux d’informations ne préparent pas à la vie

 

 On a compris : pour moi, bien des journaux d’informations ne prĂ©parent pas Ă  la vie. Ils prĂ©parent plutĂ´t aux anxiolytiques et aux antidĂ©presseurs, aux guerres et Ă  l’armement (toutes sortes d’armements et toutes sortes de guerres) comme Ă  la mĂ©fiance voire au racisme envers ses contemporains. Et je regarderais donc des journaux d’informations, certains journaux d’informations, (et d’intimidation) pour ça ?!

Des images de casse près des Champs Elysées

 

J’ai donc « vu Â» ces images de casse près des Champs ElysĂ©es. J’ai entendu certaines rĂ©actions. De Michel Onfray, le philosophe mĂ©diatique, qui constate que le gouvernement passe Ă  tabac les gilets jaunes lorsque ceux-ci manifestent. Mais qu’il laisse faire lorsque des dĂ©linquants cassent. Parce-que le gouvernement a «  peur Â». Et, de ce fait, la situation empire.

 

Sur le plateau de tĂ©lĂ© de CNews, j’ai perçu le mĂŞme Ă©lan et les mĂŞmes remontrances, en gĂ©nĂ©ral, envers le gouvernement. Celui-ci est trop mou et trop complaisant envers «  la racaille Â». D’autres parlent « d’ensauvagement Â». De « sauvageons Â». Une autre personne a parlĂ©, aussi, de certains jeunes « issus de l’immigration Â». Une autre personne encore, qui reprĂ©sentait- Ă©videmment- le Rassemblement National ( ex- Front National) a mis cette violence sur le compte d’une immigration trop importante et mal contrĂ´lĂ©e.

 

Les images montrées et remontrées de jeunes qui cassent des voitures. De jeunes qui se filment. De jeunes qui, fièrement, se montrent défiant l’Autorité et, sans doute, la République française, sont éloquentes.

 

Plainte pour « non assistance Ă  personnes en danger Â»

 

Les tĂ©moignages de victimes (voitures cassĂ©es, vitrines de magasins brisĂ©es), sont tout autant incontestables. De mĂŞme que leur grand sentiment de vulnĂ©rabilitĂ©, de colère et d’impuissance. Dans le 8ème arrondissement de Paris, je crois, plainte a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e contre l’Etat pour « non assistance Ă  personnes en danger Â».

 

Débat sur Cnews

 

Sur CNews, une certaine majoritĂ© des intervenants, le journaliste animateur en tĂŞte, estime qu’il faut rĂ©primer. Qu’il faut une tolĂ©rance zĂ©ro. Qu’il n’y a qu’en France qu’on laisse faire ça ! Qu’il existe un sentiment d’impunitĂ© chez ces « racailles Â». l’Etat  français est responsable de ce sentiment d’impunitĂ© des « racailles Â». l’Etat français ne fait rien parce-qu’il a « peur Â» ! Peur d’une bavure policière.  l’Etat français veut ou croit acheter la « paix sociale Â» en laissant faire ces « casseurs Â» !

 

Tout en faisant ma rééducation, j’ai Ă©coutĂ© et regardĂ© ça, en veillant Ă  ne pas me faire mal. A bien expirer lors de l’effort. A bien respirer. Je n’ai eu, alors, aucun avis particulier en prime abord. Cela fait des annĂ©es que nous assistons Ă  des scènes de violence en France. Cela fait des annĂ©es que l’on parle de « racailles Â» et de « sauvageons Â». Il y a des saisons oĂą on en parle davantage. Ainsi que des Ă©vĂ©nements qui forcent le passage vers la première place des sujets traitĂ©s dans les mĂ©dia.

 

Désolé pour les victimes

Je suis Ă©videmment dĂ©solĂ© pour toutes les victimes directes ou indirectes de ces accès de violence.  Je ne vais pas non plus « excuser Â» toute cette casse. Mais lorsque je dis ça, je redis ce qui a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© dit depuis des annĂ©es. Et ce que certains mĂ©dia se sont presque dĂ©ja engagĂ©s Ă  rĂ©pĂ©ter lors des siècles suivants. Avant cela, dans 50 ans, devant certaines manifestations de violence, des mĂ©dia et des citoyens rĂ©clameront aussi encore plus de rĂ©pression.

Plus de rĂ©pression :

Certaines personnes considèrent qu’il faudrait plus de répression pour réduire ou éteindre ces accès de violence comme ceux qui ont suivi le match de Foot Bayern de Munich/ Le PSG.

 

Il faut bien-sĂ»r une certaine rĂ©pression. Si une personne casse, agresse, tue ou vole, la Loi doit pouvoir le freiner. Pour commencer. Ce qui signifie quand mĂŞme rĂ©pondre Ă  la violence par une autre violence. La violence de l’Etat supposĂ©e ĂŞtre « bonne Â», « Ă©quitable Â»â€¦et dĂ©mocratique. Ce qui peut dĂ©jĂ  faire un peu ricaner car on peut ĂŞtre un citoyen honnĂŞte au casier judiciaire vierge et irrĂ©prochable. Et avoir des doutes sur l’Etat français « bon Â», « Ă©quitable Â» et « dĂ©mocratique Â». Mais on s’en accommode assez facilement parce-que l’on sait aussi que dans d’autres pays, c’est pire. Ou que  Ă§a peut ĂŞtre pire.

 

Il y a des Etats bien plus limitĂ©s que l’Etat français lorsque l’on parle de « bontĂ© Â», « d’équitĂ© Â» et de «dĂ©mocratie Â».

Je préfère vivre en France qu’en Afrique du Sud par exemple. Et je me rappelle encore d’un camarade de fac qui m’avait fait comprendre que lors d’un séjour aux Etats-Unis, autant, lui, pourrait passer facilement dans certains Etats parce qu’il était blanc. Autant, pour moi, ça pourrait se gâter parce-que je suis noir. Or, la police des Etats-Unis est selon moi plus frontale et bien plus agressive que la police française. Même sans homicide.

Une de mes copines de Fac, une belle eurasienne plutĂ´t tranquille, m’avait racontĂ© l’interpellation qu’elle et son copain (blanc) avaient connus aux Etats-Unis. Alors qu’ils visitaient en voiture….un parc national. Ils avaient eu droit Ă  l’interpellation comme «  dans les films Â». Mains sur le capot etc….Tout ça juste pour un contrĂ´le de papiers.

Il y a quelques mois, un ami a fait un pĂ©riple en voiture aux Etats-Unis avec un de ses fils. Il a pris la route du Blues. Un très beau sĂ©jour de plusieurs mois au cours duquel il a pu prendre de très belles photos. Cela a Ă©tĂ© plus fort que moi pendant son pĂ©riple. Je me suis demandĂ© si, moi, homme noir, j’aurais pu faire le mĂŞme pĂ©riple aux Etats-Unis. Sans connaĂ®tre certains dĂ©sagrĂ©ments « causĂ©s Â» par ma seule couleur de peau. Je reste persuadĂ© que j’aurais connu quelques difficultĂ©s Ă  certains endroits.

L’Aveuglement

 

Ce qui m’ennuie avec la répression réclamée par ces personnes si sûres d’elles qu’elles se contentent de s’exprimer sur un plateau de télé ou à travers des média, c’est que la répression est aveugle. A l’aveuglement de ces personnes qui réclament plus de répression, correspond l’aveuglement de la répression.

 

Lorsque l’on devient une machine à répression, on ne fait plus dans le détail. Tout ce qui dépasse ou n’est pas dans les cases ou dans le protocole est bon pour la matraque, le clé de bras, les gaz lacrymogènes, le plaquage au sol ou le cercueil.

 

On tape d’abord. On réfléchit peut-être ensuite.

 

Il y a des fois où c’est bien-sûr comme ça qu’il faut agir. Et d’autres fois où ça sera inadéquat de réprimer pour réprimer.

 

 

RĂ©primer pour faire respecter la Loi dans l’instant, Oui. Tu casses une voiture, un endroit ou une personne, il est normal qu’on t’arrĂŞte. Si tu veux casser selon les règles, tu t’en prends Ă  quelqu’un qui est prĂ©venu, qui est d’accord pour te combattre, et, Ă©ventuellement, pour te casser aussi. Parce qu’il sait et peut se dĂ©fendre. Si tu t’en prends Ă  ton Ă©gal en matière de violence, cela peut ĂŞtre acceptable. Par contre, dans le cas de figure, oĂą, en sociĂ©tĂ©, tu t’en prends Ă  plus vulnĂ©rable que toi, il est normal que la Loi te reprenne. Parce-que nous sommes dans une dĂ©mocratie. Et d’autres ajouteraient : Parce-que nous sommes dans une rĂ©publique et entre personnes civilisĂ©es.

 

Donc, au départ, réprimer des casseurs est justifié. Sauf qu’au sein des casseurs, les profils sont différents.

 

D’abord, il faudrait parler de l’effet de groupe.

 

L’effet de groupe

 

On peut parler de « racailles Â», de « sauvageons Â» et « d’ensauvagement Â» si on veut. Mais c’est selon moi très insuffisant. Il faut parler de l’effet de groupe. Je serais très curieux de savoir comment se comportent ces casseurs que nous avons aperçus Ă  la tĂ©lĂ© dans la vie de tous les jours. Et lorsqu’ils sont seuls. On ne le saura jamais avec exactitude. Mais je m’attends Ă  certaines surprises.

 

D’abord, on va parler des casseurs pour lesquels il est dĂ©jĂ  « trop tard Â» pour espĂ©rer les rĂ©insĂ©rer. Qu’ils soient meneurs dans la casse ou suiveurs.

 

Je vais rappeler ce que l’on sait dĂ©jĂ  et qui, pourtant, est souvent oubliĂ© dans certains mĂ©dia depuis des dizaines d’annĂ©es. Vous allez voir le scoop !

 

On ne naĂ®t pas casseur. On ne naĂ®t pas racaille. Et on ne naĂ®t pas violent sur la place publique. Je ne crois pas que beaucoup de parents aient dit de leur enfant dĂ©linquant :

« Dès sa naissance, dĂ©jĂ , il cassait tout dans son berceau  ! Â».

 

Lorsque Simone de Beauvoir Ă©crit «  On ne naĂ®t pas femme, on le devient Â», encore aujourd’hui, on trouve ça très sensĂ©. Et on opine plutĂ´t facilement de la tĂŞte. Mais, Ă©tonnamment, on n’applique pas ce raisonnement pour la « racaille Â» et les « casseurs Â».

 

Les casseurs « endurcis Â»

 

Ceci pour dire que cela prend un certain temps pour devenir un « casseur Â» et une « racaille Â». Quelques annĂ©es. Et lors de ces manifestations de violence comme ce week-end, certains de ces casseurs sont dĂ©jĂ  beaucoup trop engagĂ©s dans la violence.  Et leurs capacitĂ©s d’insertion dans la sociĂ©tĂ© sont devenues proportionnellement si restreintes que les rĂ©primer aura pour effet de les stopper provisoirement. Puis, de contribuer, comme une sorte de retour de flammes, Ă  les radicaliser et Ă  les enrager davantage contre la sociĂ©tĂ©.

 

Ces casseurs ” endurcis” ne sont pas seulement engagĂ©s dans la violence. Leur rĂ©putation au sein du groupe auquel ils se rĂ©fèrent et auquel ils appartiennent est aussi engagĂ©e. Avoir une rĂ©putation de «dur Â» au sein de certains groupes, c’est beaucoup plus valorisant et porteur que d’être celui ou celui sur qui tout le monde peut pisser et cracher. Et c’est aussi plus valorisant et porteur d’avoir une rĂ©putation de dur que d’aller pointer Ă  Pole Emploi si l’on est sans travail. Ou si l’on a du mal Ă  en trouver.

 

Ça peut aussi ĂŞtre plus valorisant et plus porteur d’avoir un CV de « dur Â» que d’accepter un emploi oĂą l’on est en bas de l’échelle sociale et que l’on vous donne des ordres. C’est Ă©galement plus valorisant d’être connu comme Ă©tant «  un dur Â»  que d’accepter de faire un travail oĂą l’on s’ennuie.

 

Dans la vie de tous les jours, celles et ceux qui sont Rock and roll attirent les regards et le dĂ©sir mĂŞme s’ils s’attirent aussi des ennuis avec la justice et la santĂ©. A cĂ´tĂ©, celles et ceux qui respectent toutes les lois, qui sont toujours « gentils Â» et « polis Â», apparaissent souvent fades. On les « aime bien Â» mais on ne recherche pas auprès d’eux le grand frisson….

 

 

Ces casseurs « endurcis Â» voire « Ă©mĂ©rites Â», au pire, seront des futurs candidats pour toutes sortes de dĂ©linquances, le grand banditisme ou le terrorisme. Au « mieux Â», ce seront des futurs dĂ©pressifs, des futurs alcooliques, des futurs toxicomanes (s’ils ne le sont pas dĂ©jĂ ) ou de futurs suicidĂ©s.  Quand leur violence, qui leur sert  de bouclier et d’élan vital, s’effritera en se frottant de trop près Ă  l’impuissance.

 

Quelques uns de ces casseurs « endurcis Â» peuvent s’en tirer, faire repentance et monter l’échelle sociale. Par exemple dans le milieu artistique et culturel. Ou peut-ĂŞtre en montant un commerce qui marche bien.  En se convertissant Ă  une religion. En trouvant un emploi pĂ©renne. Et ils peuvent ĂŞtre citĂ©s en exemple. Comme susciter beaucoup d’attirance au sein du « système Â» car ils ou elles sont hors norme. Ils ou elles sont si « spĂ©ciaux ». Ils sont revenus de tout. 

 

Mais pour des exceptions comme eux, combien de futurs braqueurs ? De futurs terroristes ? De futurs dĂ©pressifs ? De futurs macchabĂ©es  après une overdose, Ă  la suite d’un accident de la route ou un règlement de comptes qui a mal tournĂ© ?

 Ces chiffres-lĂ , si on les connaĂ®t, on n’en veut pas sur la place publique. Parce-que l’on a « besoin Â» de « racailles Â», de « sauvageons Â» et « d’ensauvagement Â» pour s’enivrer de sensationnel. C’est presque aussi bon que la cocaĂŻne et c’est lĂ©gal.

 

C’est aussi pratique d’avoir des « sauvageons Â» et de la « racaille Â» pour pratiquer une certaine politique. Sur le plateau de Cnews, mais il n’était pas le seul, le reprĂ©sentant du Rassemblement National a Ă©tĂ© particulièrement bon Ă©lève pour rĂ©citer ses Ă©lĂ©ments de langage. Il avait très bien assimilĂ© ses fiches mĂ©mo-techniques.   

 

Un effet paradoxal :

 

 

RĂ©primer et seulement rĂ©primer ces casseurs « endurcis Â» a un effet paradoxal. Il faut bien-sĂ»r les rĂ©primer et les arrĂŞter. Mais seulement et toujours les rĂ©primer aura pour effet de les renforcer dans leurs accès de violence.

 

 C’est un travail très difficile d’accrocher humainement avec une personne violente. De croire en elle et de lui proposer des perspectives qui pourront, peut-ĂŞtre, après plusieurs annĂ©es, lui permettre de prĂ©fĂ©rer la vie en sociĂ©tĂ© Ă  la violence. Il faut prendre le temps d’apprendre Ă  la connaĂ®tre. Avoir suffisamment de patience, d’empathie voire de sympathie pour elle malgrĂ© ce qu’elle a pu faire. MalgrĂ© ses limites, ses impatiences et ses moments de violence.

 

Il est sĂ»rement beaucoup plus facile, et plus rapide, par contre, de parler sur un plateau de tĂ©lĂ©, ou ailleurs, et d’affirmer qu’il faut plus de rĂ©pression. De la mĂŞme façon qu’il y a des endurcis et des rĂ©cidivistes de la « casse Â» et de la « violence Â», en face, il y a aussi des endurcis et des rĂ©cidivistes qui exigent constamment « plus de rĂ©pression Â».

 

On voit la suite : l’escalade de part et d’autre. Plus de violence d’un cĂ´tĂ© et plus de rĂ©pression de l’autre.

 

Mais il est vrai que certains casseurs endurcis sont sans doute dĂ©jĂ  perdus pour la vie « normale Â» quoiqu’on puisse leur proposer. Parce-que c’est trop tard. Lorsqu’ils faisaient moins de bruit, moins de dĂ©gâts, et qu’ils Ă©taient encore « rĂ©cupĂ©rables Â», c’était lĂ  qu’il aurait fallu tenter de les aider Ă  sortir d’une certaine violence.

 

Vorace :

 

 

Je le rappelle : je suis pour une certaine rĂ©pression. Mais pas pour une rĂ©pression totale comme semblent le rĂ©clamer et le fantasmer certaines personnes qui, Ă  mon avis, dĂ©chanteraient si elles avaient Ă  vivre dans la dictature qu’elles demandent Ă  demi mot. Parce-que la rĂ©pression que ces personnes exigent est vorace. Elle s’étendrait, aussi, Ă  un moment ou Ă  un autre, Ă  des honnĂŞtes citoyens. Car après l’avoir utilisĂ©e contre les « sauvageons Â» et les «  racailles Â», certaines de ses pratiques ayant fait leurs « preuves Â», il se trouverait et se trouveront des sensibilitĂ©s et un certain Pouvoir pour les appliquer Ă  une nouvelle catĂ©gorie de personnes. Mais avant d’en arriver lĂ , il faudra d’abord en « finir Â» avec les casseurs.

 

 

Les casseurs « opportunistes Â» ou de passage :

 

Ce paragraphe me sera sĂ»rement reprochĂ©. Car on aura peut-ĂŞtre –encore- le sentiment ou la conviction, en le lisant, que je cautionne les manifestations violentes rĂ©centes. Alors que je condamne ces violences. Mais voici ce que je crois :

On dit bien, « il faut que jeunesse se passe Â». Ou «  Il faut que jeunesse se fasse Â». On pourrait ironiser en Ă©crivant :

 

«  Il faut plutĂ´t que certaines jeunesses se cassent Â» ou « Il faut que certaines jeunesses se tassent Â».

 

Il y a sûrement des personnes d’un âge adulte assez avancé (25-30 ans) parmi ces casseurs que l’on a aperçus dans ces quelques images montrées sur Cnews et ailleurs.

 

Mais je crois plutôt à des jeunes dont l’âge moyen se situe autour des 25 ans au maximum. Contrairement à la moyenne d’âge des gilets jaunes probablement plus élevée. Cependant, je n’ai pas de preuves. Je n’étais pas avec ces jeunes au moment des faits. Je ne les connais pas. Et je n’en n’ai rencontré aucun.

 

Mais j’ai Ă©tĂ© jeune. Je travaille avec des jeunes. Cela ne fait bien-sĂ»r pas du tout  de moi la personne la plus efficiente. Cela ne fait pas non plus de moi un modèle d’ouverture et de sagesse.  Je peux ĂŞtre très rigide. Je ne suis pas toujours la personne la mieux inspirĂ©e au travail comme avec ma propre fille pour commencer.

 

Mais me rappeler encore un peu de ma jeunesse et travailler avec des jeunes me permet ou « m’aide» Ă  revoir certaines particularitĂ©s de cette pĂ©riode de vie comprise entre, disons, 14 et 25 ans. Parce que la rencontre, dans mon travail,  de jeunes diffĂ©rents, filles comme garçons, de milieux sociaux et de cultures variĂ©es, aux comportements divers, dans un certain nombre de circonstances me donne aussi des indices. Et entretient peut-ĂŞtre une certaine mĂ©moire.

 

Une certaine mĂ©moire d’une certaine « jeunesse Â»

 

Je « sais Â» ou me souviens que dans cette fourchette d’âge comprise entre 14 et 25 ans, pour schĂ©matiser, alors que se rapproche l’âge adulte, on  a peur.

 

Individuellement, on a peur de ne pas ĂŞtre Ă  la hauteur de certaines responsabilitĂ©s qui nous attendent. Quel que soit le profil que l’on a. Que l’on soit d’un bon milieu social ou non. Que l’on soit un bon Ă©lève ou non. Et notre norme de pensĂ©e de rĂ©fĂ©rence, c’est plutĂ´t celle du groupe. Celle des copines et des copains de notre âge. Pas celle des adultes. Puisque l’on est adolescent ou jeune adulte. A moins, bien-sĂ»r, d’avoir un adulte de rĂ©fĂ©rence, parent, Ă©ducateur ou autre. Mais ce n’est pas toujours le cas. Et cet adulte de rĂ©fĂ©rence n’est pas toujours prĂ©sent. Et on ne lui dit pas tout non plus. Lorsque vous Ă©tiez plus jeunes (je m’adresse principalement aux adultes de plus de trente ans qui liront cet article) vous avez racontĂ©, vous, Ă  un adulte ? :

 

« Aujourd’hui, j’ai commencĂ© Ă  me masturber Â». « Hier, j’ai fumĂ© un joint Â». « J’ai couchĂ© avec untel Â».

« L’autre jour, je suis allĂ© voler dans un supermarchĂ©. Personne ne m’a attrapĂ© Â».

 

On fait des conneries. Certaines plus graves que d’autres. Et, en groupe, cela s’amplifie. Cela est d’ailleurs vrai même pour les adultes. Même s’il s’agit d’autres sortes de conneries moins visibles sur la place publique qu’une casse de voitures dans une rue près des Champs Elysées.

 

Parmi les jeunes casseurs « opportunistes Â» ou de « passage Â», il doit bien s’en trouver quelques uns qui ont cassĂ© ce week-end pour faire comme les copains.

Pour ĂŞtre avec les copains.  Pour kiffer. Pour se sentir très forts. Sans rĂ©flĂ©chir aux consĂ©quences. Et le reste du temps, ces mĂŞmes jeunes casseurs « opportunistes Â» ou de « passage Â»  sont plutĂ´t tranquilles. Ce sont peut-ĂŞtre des jeunes bien Ă©levĂ©s et de « bonne famille Â». Qui sont bons Ă  l’école ou en sport. Ou qui pourraient ĂŞtre bons.

 Il ne s’agit pas d’une attitude rĂ©flĂ©chie de leur part. Je ne pense pas que ces jeunes, casseurs opportunistes ou de passage, se soient dit :

« Je suis un bon Ă©lève en classe. Mon casier judiciaire est vierge. Je suis un jeune sans problèmes. Tout le monde me connaĂ®t et j’ai une bonne cote. C’est bon, j’ai une très bonne couverture. Je peux aller casser quelques voitures et quelques vitrines de magasins avec les copains. On ne pourra pas me retrouver. Il ne m’arrivera rien Â».

Quelques uns de ces jeunes «  bien sous tous rapports Â» ont peut-ĂŞtre eu ce raisonnement très calculateur mais ils sont Ă  mon avis une minoritĂ©.

 

Le piège du tout répressif

 

Le « piège Â», avec ce tout rĂ©pressif demandĂ© par certaines personnes est qu’il suffit que ces jeunes casseurs opportunistes ou de passage assistent Ă  une bavure ou soient victimes d’une bavure pour que cela se passe très mal ensuite. On dira :

« Ils n’avaient pas  Ă  ĂŞtre lĂ  Ă  tout casser. Tant pis pour eux ! Et les victimes de leurs comportements, vous pensez aux victimes de leurs comportements ?! Â».

 

Oui, je pense aux victimes de leurs comportements. A celles et ceux qui n’ont rien demandĂ© et qui se sont trouvĂ©es sur leur passage. Des personnes, d’ailleurs,  ( les victimes) qui pourraient autant faire partie des patients que mes collègues et moi rencontrons…. comme certains de ces jeunes casseurs ou agresseurs.

Un casseur de passage ou opportuniste qui est le tĂ©moin direct d’une bavure ou qui en est victime du fait d’une rĂ©pression jusque-boutiste peut se radicaliser. Et il peut devenir un violent d’un autre type. Du type plus persistant. Du genre politisĂ© tendance extrĂ©miste ou terroriste. 

 

A l’inverse, un casseur de passage ou opportuniste, peut, aussi, passĂ©e une certaine pĂ©riode, de lui-mĂŞme, ou après avoir Ă©tĂ© interpellĂ©, se retirer de ce genre de manifestation violente. Parce qu’il a compris la « leçon Â» et la sanction. Parce qu’il a compris de lui-mĂŞme que la violence Ă©tait allĂ©e trop loin du cĂ´tĂ© de ses copains.

Parce qu’il a d’autres projets et d’autres intérêts dans l’existence. Et qu’il a les moyens de les réaliser.

 

Cependant, il y a aussi parmi ces casseurs, endurcis ou de passage, des personnes qui sont soit des individus habituellement de seconde zone ou qui ont du mal à se déterminer d’un point de vue identitaire.

 

Des individus habituellement de seconde zone ou qui ont du mal à se déterminer d’un point de vue identitaire

 

Sur CNews et ailleurs, il y a eu un fait qui s’est Ă  nouveau rĂ©pĂ©tĂ© et qui se rĂ©pète depuis des annĂ©es voire depuis plusieurs gĂ©nĂ©rations sur les plateaux de tĂ©lĂ© et dans certains mĂ©dia. Je ne sais pas si je suis obsĂ©dĂ© par cette observation.  SĂ»rement. Mais je crois que ce fait  change, aussi, un peu, la façon de voir les Ă©vĂ©nements. Parce-que, je peux ĂŞtre très satisfait de mon analyse et me tromper totalement. Mais si mon analyse est juste, je n’ai aucun mĂ©rite. Parce-que j’écris, je crois, des Ă©vidences qui sont pourtant souvent absentes de certains plateaux tĂ©lĂ© comme de certains mĂ©dia lorsque l’on parle de certains faits de violence dus Ă  des jeunes ou Ă  certains jeunes « issus de l’immigration Â».

 

Sur le plateau de Cnews, lors du « dĂ©bat Â» concernant les faits de violence de la veille, une majoritĂ© de blancs, femmes comme hommes. Bien-sĂ»r, on peut ĂŞtre blanc et ĂŞtre très ouvert Ă  l’autre. Comme on peut ĂŞtre noir et ĂŞtre raciste et très Ă©troit d’esprit.

 

Alors, je continue : je me demande lesquels, parmi ces intervenants lors de ce dĂ©bat sur Cnews, et dans quelles proportions, Ă©taient issus d’un milieu social modeste ou dĂ©favorisĂ© ? Ou, tout simplement:

Lesquels,  parmi ces intervenantes et intervenants, et dans quelles proportions, et combien de temps, avaient grandi dans une citĂ© ou un quartier Ă©quivalent oĂą la rĂ©putation d’être « un dur Â» (ou « une dure Â») est plus gratifiant que d’avoir de bonnes notes Ă  l’école ou d’être calme et sans histoires ?

 

Je me rĂ©pète : je n’approuve pas ces actes de violence qui ont suivi le match Bayern de Munich/ Le PSG. Et, plus jeune, je n’aurais pas fait partie des casseurs parce qu’à cette heure-lĂ , j’aurais Ă©tĂ© chez mes parents. Soit couchĂ©. Soit en train de faire mes devoirs ou en train de lire. Quoiqu’il en soit, mes parents ne m’auraient pas permis, mĂŞme Ă  18 ans, d’aller sur les Champs ElysĂ©es après la fin d’un match de Foot. On pourra dire que j’ai eu une bonne Ă©ducation. Je ne suis pourtant pas persuadĂ© qu’avoir une Ă©ducation très sĂ©curitaire, et parfois très enfermĂ©e, comme celle que j’ai pu avoir, ait toujours Ă©tĂ© une Ă©ducation appropriĂ©e me prĂ©parant toujours au mieux pour ma vie d’adulte. Mais ce qui est certain, c’est qu’en pratique, en Ă©tant chez mes parents Ă  « l’heure des poules Â», je n’aurais pas pu faire partie des casseurs de ce dimanche soir. Il y a pourtant sĂ»rement eu un certain nombre de jeunes sortis dimanche soir, et d’autres soirs, « issus de l’immigration Â» ou non, qui n’ont rien cassĂ© du tout. Mais, comme souvent, on parle, on parlera et on reparlera de celles et ceux qui cassent et agressent.

 

Je suppose que ceux qui ont cassĂ© dimanche soir, pour les plus actifs et les plus meneurs, sont ordinairement des individus de « seconde zone Â». Des individus que l’on ne voit pas. Ou, en tout cas, que l’on ne voit pas lorsqu’ils sortent de chez eux : lorsqu’ils sortent de leur quartier. Lorsque l’on y regarde bien, il y a aussi quelque chose de très triste et d’assez pathĂ©tique dans cette jeunesse qui a cassĂ© ce dimanche soir :

 

Pour s’illustrer et se faire remarquer (j’ai aperçu quelques jeunes filmant l’action avec leur tĂ©lĂ©phone portable) ils en sont rĂ©duits Ă  tout casser. Si les dĂ©gâts qu’ils ont causĂ©s sont bien sĂ»r un  grave prĂ©judice pour leurs victimes, ils s’occasionnent au passage un prĂ©judice dont ils ignorent sĂ»rement certaines consĂ©quences. Ils se coupent un peu plus de la sociĂ©tĂ©. Et, s’ils ont Ă©tĂ© victimes eux-mĂŞmes ou se sentent victimes, de façon lĂ©gitime ou non, de la sociĂ©tĂ© française, on les enferme et on les enfermera uniquement dĂ©sormais dans la case des « sauvageons Â» et de «  la racaille Â».

 

 Avant de les enfermer en prison.

 

 

Une prison identitaire

 

Surtout qu’il y a sûrement une prison dans laquelle se trouve en partie, ou beaucoup, certains de ces jeunes casseurs de ce dimanche soir et d’autres fois. La prison identitaire.

 

Lorsque l’on est enclavé entre deux directions identitaires apparemment incompatibles, l’une française et l’autre étrangère, entre l’enfance et l’âge adulte, entre la réussite personnelle et sociale et le sentiment d’échec ou d’errance, on peut soit déprimer et s’effondrer. Soit parvenir à se maintenir la tête hors de l’eau par différents moyens. Soit exploser. Et casser.

 

Et, face Ă  cela, certains affirment qu’il faut…. plus de rĂ©pression. RĂ©pression. Ce mot lĂ  les fait rĂŞver. On dirait que ce mot est tout pour eux. On va « juste Â» rĂ©primer et tout va aller mieux ensuite.

 

D’un autre cĂ´tĂ©, ĂŞtre jeune et ĂŞtre dĂ©jĂ  prisonnier d’une rĂ©putation de « sauvageon Â» et de « racaille», c’est quand mĂŞme plus dĂ©courageant et plus handicapant que d’être perçu comme « un espoir Â» ou un « prodige Â». MĂŞme si les jeunes qualifiĂ©s de « racailles Â» et de « sauvageons Â» vont affirmer fièrement, devant les copains, qu’ils s’en battent les couilles ou se marrer.

Parce qu’une fois que l’on a fini de tout casser, avec les copains, que l’on s’est bien dĂ©foulĂ©, ou amusĂ© Ă  le faire, et que l’on a remportĂ© quelques trophĂ©es, l’ordinaire du quotidien nous reprend. Et casser plus de voitures et de vitrines de magasins ne changera rien, au fond, Ă  la vie qui nous effraie et qui nous frustre. MĂŞme en volant quantitĂ© d’objets. MĂŞme en suscitant l’admiration ou la crainte dans notre entourage direct. On finira bien par s’en apercevoir un jour ou l’autre. Qu’il y ait la rĂ©pression de la police et de la justice ou non.

 

Une casse d’autant plus mal perçue d’un point de vue moral

 

Mais ce qu’une partie des citoyens « veut Â», c’est des rĂ©sultats immĂ©diats. Je le comprends : je n’aurais pas aimĂ© retrouver  la vitrine de mon magasin Ă©clatĂ©e en mille morceaux. Je n’aurais pas aimĂ© ĂŞtre agressĂ© physiquement par plusieurs personnes.

 

En plus, les consĂ©quences Ă©conomiques du Covid-19, que l’on appelle de plus en plus « La Â» Covid, comme si ce virus Ă©tait hermaphrodite ( on va bientĂ´t apprendre que ce virus a Ă©tĂ© finalement transmis par des escargots) ont rendu toute cette casse d’autant plus « sensible Â» d’un point de vue moral :

 

On considère sĂ»rement ces jeunes casseurs comme d’autant plus irresponsables alors que l’on « sait» que la pandĂ©mie du Covid-19 a mis des gens au chĂ´mage ; va en mettre d’autres au chĂ´mage ; Et avoir d’autres effets catastrophiques Ă  court et Ă  moyen terme sur l’ensemble de la sociĂ©tĂ©.

 

Ces jeunes casseurs ne se sentent pas concernés a priori par tout ça du fait, en partie, de leur insouciance (ça va avec leur âge). Mais peut-être aussi parce qu’ils n’ont rien à perdre. Ou parce qu’à peine adultes, ils ont déjà tout perdu ou à peu près tout perdu. Ou qu’ils se considèrent déjà comme exclus de la société française et de la société des adultes travailleurs.

 

Mais ce genre de considĂ©rations est secondaire pour les adeptes de la rĂ©pression car l’urgence est Ă  l’ordre. Et, pour que la rĂ©pression soit active, il faut d’abord que la police intervienne et ait les moyens d’intervenir au lieu de laisser faire «  la racaille Â» et «  les sauvageons Â».

 

La police

 

Je n’aimerais pas être agent de la paix en 2020 dans les zones urbaines où des affrontements fréquents ont lieu entre certains jeunes et les forces de l’ordre.

 

RĂ©sumer la police Ă  une meute de racistes et d’incapables revient au mĂŞme, pour moi, que rĂ©sumer des jeunes « issus de l’immigration Â» Ă  des sauvageons et Ă  de la racaille.

 

Il y a des racistes, des incapables ainsi que des casseurs dans la police. De même qu’il y a des erreurs médicales à l’hôpital. Ou des erreurs de jugement. Cela ne signifie pas que tous les policiers sont des incapables, des casseurs et des racistes. Et qu’il n y a que des erreurs médicales et du personnel médical et paramédical incompétent et des juges dilettantes.

 

 

Je n’aimerais pas ĂŞtre agent de la paix en 2020 parce-que si certains jeunes sont entravĂ©s entre deux directions de vie apparemment inconciliables, bien des policiers se sentent  sĂ»rement certaines fois en contradiction avec certaines de leurs valeurs lorsqu’ils doivent exĂ©cuter certaines directives.

 

Faire peur :

 

On rĂ©pète que la police ne fait plus peur. Qu’elle puisse et sache se faire respecter, c’est nĂ©cessaire. Mais je trouve ça Ă©tonnant que l’on attende avant tout de la police qu’elle fasse principalement peur. Voire qu’elle ne puisse faire que ça. Inspirer de la peur. 

 

Si la police n’inspirait que de la peur, nous vivrions sous  un autre rĂ©gime politique. MĂŞme le citoyen lambda et innocent la fuirait. Croiser une voiture de police sur la route alors que l’on conduit en respectant scrupuleusement le code de la route nous donnerait des palpitations.  Il suffirait qu’un policier ou une policière nous regarde pour avoir aussitĂ´t le sentiment d’être indigne d’exister.  En nous rendant Ă  un commissariat pour dĂ©clarer que la vitre avant de notre voiture a Ă©tĂ© cassĂ©e et le vol de certains objets, nous n’aurions qu’à acquiescer sans reprendre ou contredire l’agent de police si celui-ci a mal compris nos propos.

 

Une police qui fait peur est aussi une police qui compterait plus d’agents qui pourraient se permettre à peu près n’importe quoi.

 

Avoir du Pouvoir, en particulier celui d’intimider et de commander, inspire quand mĂŞme Ă  quelques personnes une certaine ivresse des grandeurs.  Ainsi qu’ une certaine paresse de la rĂ©flexion et de l’autocritique. Cela peut venir très rapidement lorsque l’on voit certaines femmes et hommes politiques dès qu’ils accèdent au Pouvoir. Ou, plus simplement, certaines personnes qui deviennent cadres au sein d’une entreprise tandis que leurs collègues sont restĂ©s de « simples Â» employĂ©s.

Alors, un agent de police qui ferait exclusivement peur, serait d’autant plus effrayant qu’il porte sur lui  une arme lĂ©tale que le citoyen « normal Â» n’a pas le droit d’avoir sur lui.

Un citoyen « normal Â» qui peut ĂŞtre menottĂ©, immobilisĂ© et qui peut ĂŞtre contraint de rendre des comptes sans s’opposer ni rĂ©sister. Qu’il soit Ă  pied ou dans un vĂ©hicule.  Qu’il se rende Ă  son travail ou chez le mĂ©decin. Qu’il ait une urgence personnelle ou non. Qu’il soit seul ou avec sa femme et ses enfants.

 

Selon certains syndicats policiers, l’impunitĂ© dont jouissent certains dĂ©linquants rĂ©cidivistes met Ă  mal leur travail et leur crĂ©dibilitĂ©. Je les comprends. Mais ce qui me dĂ©range aussi, c’est que la police soit Ă  la fois la baĂŻonnette et  la marionnette dont l’Etat se sert contre certains mouvements sociaux (gilets jaunes et autres). Alors que ces mouvements sociaux proviennent, aussi, comme pour les jeunes casseurs,  mais pour d’autres raisons peut-ĂŞtre, de dĂ©gradations de conditions de vie rĂ©pĂ©tĂ©es sur plusieurs annĂ©es.

 

 

Les parents des « sauvageons Â» et de la « racaille Â» :

Assez frĂ©quemment, on « aime Â» bien aussi taper sur les parents des « sauvageons Â» et de la «racaille Â». Ces parents sont souvent considĂ©rĂ©s comme des irresponsables responsables des exactions de leurs enfants. C’est vrai qu’il y a un hĂ©ritage. Mais il faut voir de quel hĂ©ritage on parle. On « sait Â» que l’on peut ĂŞtre pauvre, dĂ©favorisĂ©, noir, arabe, chinois, musulman, juif, « issu de l’immigration Â» et ĂŞtre en règle avec la Loi. Lorsqu’il a Ă©tĂ© nommĂ© dernièrement Ministre de l’IntĂ©rieur, GĂ©rald Darmanin a cru judicieux de faire savoir qu’il Ă©tait petit fils « d’immigrĂ© Â» ou qu’il avait des origines immigrĂ©es. J’ai trouvĂ© ça très hypocrite ou très fayot de sa part. MĂŞme si, Ă©videmment, c’était sa façon de dire que l’on peut ĂŞtre d’origine immigrĂ©e en France et y rĂ©ussir socialement.

Mais j’ai trouvĂ© ça très hypocrite  et très calculĂ© de sa part car je crois qu’il faut ĂŞtre très hypocrite ou vraiment très ignorant pour passer sur le fait que la couleur de peau importe presque autant, voire plus, que les origines personnelles pour accĂ©der Ă  une certaine rĂ©ussite sociale en France. Et il en est de mĂŞme pour les prĂ©noms que l’on porte : ça passe mieux de s’appeler Mathilde ou Sandrine que de s’appeler AĂŻcha ou Aya si l’on aspire Ă  certaines (bonnes) Ă©coles.  MĂŞme si on peut certainement trouver des AĂŻcha et des Aya dans les bonnes Ă©coles.

 

Dans le monde du travail, s’appeler Mouloud ou Gérald ne produit pas le même effet sur un CV selon l’endroit où l’on postule en France. Si l’on postule en tant que balayeur, on peut s’appeler Mouloud. Aucun problème. On peut même s’appeler Mamadou. Cela ne sera pas un handicap. Par contre, si l’on postule en tant que consultant ou en tant qu’ingénieur, s’appeler Gérald sera en France plutôt un bon début. Même si Mouloud pourra malgré tout obtenir le poste finalement. Car il y a de bonnes surprises aussi en France.

 

Mais on « sait Â» aussi que si l’on a des parents pauvres, dĂ©pressifs, au chĂ´mage, alcooliques, exploitĂ©s, larguĂ©s, humiliĂ©s, Ă©puisĂ©s moralement et physiquement, qui ont des tĂŞtes et des vies de vaincus plutĂ´t que des tĂŞtes et des vies de vainqueurs, que cela joue un peu quand mĂŞme quant au modèle Ă  suivre lorsque l’on est enfant. Que ces parents soient blancs, jaunes, arabes, noirs ou jupitĂ©riens.

 

Et ces parents largués et dépossédés d’eux-mêmes ne sont pas tous des parents parasites ou haineux envers la France et la société. Ce peut être des parents qui ont véritablement donné de leur personne et qui se sont entamés pour obtenir une vie courante qui fait difficilement rêver. Et, selon l’environnement où ils habitent et vivent avec leurs enfants, il peut y avoir plus de débouchés et d’exemples immédiats dans la délinquance que dans les études et l’emploi.

 

Dans mon collège, j’ai pu ĂŞtre marquĂ© par certains Ă©lèves qui faisaient partie de la section haut niveau de natation de la ville. Dans la cour de l’école, ils  dĂ©notaient. Les cheveux assez souvent dĂ©colorĂ©s par le chlore, ils se regroupaient souvent ensemble. J’en ai connu deux dans une de mes classes. Ils Ă©taient  plutĂ´t bons Ă©lèves. La mère de l’un des deux m’a  gracieusement donnĂ© des cours de maths en 4ème ou en 3ème. Mais malgrĂ© mon assiduitĂ© Ă  ces cours particuliers, j’étais dĂ©jĂ  une cause perdue pour les maths oĂą son fils, par contre, mon camarade de classe, Ă©tait bon. Un de ses frères aĂ®nĂ©s dĂ©tenait un record de France en athlĂ©tisme. Leur père Ă©tait mĂ©decin et avait son cabinet. Et ils vivaient dans une maison individuelle. Dans la mĂŞme ville, Ă  Nanterre, je vivais quant Ă  moi au 6ème Ă©tage dans un appartement, en location, avec mes parents, dans un immeuble HLM de 18 Ă©tages. C’était un petit peu le jour et la nuit, quand mĂŞme, non ?

 

Ces collĂ©giens qui appartenaient Ă  la section haut niveau de natation faisaient partie des bons Ă©lĂ©ments du collège. Ils se singularisaient en tout cas plus de cette façon que comme des collĂ©giens bagarreurs ou Ă  problèmes. On retrouve Ă  nouveau le phĂ©nomène de groupe et aussi d’identification Ă  un groupe dans lequel ils se sentaient vraisemblablement valorisĂ©s mais aussi entraĂ®nĂ©s. Sauf que, lĂ , il s’agissait d’un groupe vertueux et modèle. Et non d’un groupe de casseurs ou de bagarreurs. La bagarre et la casse ne faisaient pas partie des valeurs premières de ce groupe de jeunes nageurs de haut niveau. Cela n’empĂŞche pas et n’a sans doute pas empĂŞchĂ© qu’ensuite, certains « membres Â» de ce groupe de natation de haut niveau aient pu mal « tourner Â» Ă  partir de la fin du collège et des annĂ©es de lycĂ©e. Ou ensuite. NĂ©anmoins, la « photo Â» que je garde de ce groupe de nageurs de haut niveau lorsque je repense Ă  cette Ă©poque, est celle de jeunes qui avaient la rĂ©putation de faire des vagues seulement dans un bassin de natation. Certainement que par la suite, il en a Ă©tĂ© tout autrement pour quelques unes ou quelques uns de ces nageurs. Mais, en attendant, plusieurs de nos « casseurs Â» de ce week-end, Ă  la mĂŞme pĂ©riode de leur vie, celle du collège, faisaient sĂ»rement dĂ©jĂ  des vagues autour d’eux.

 

Une autre sorte de prison

 

Lâcher- en apparence- la bride aux jeunes casseurs et « tabasser Â» les gilets jaunes via la police est peut-ĂŞtre un acte de lâchetĂ© de l’Etat. Mais c’est peut-ĂŞtre, aussi, une dĂ©cision choisie. Et stratĂ©gique. Cela permet de laisser pourrir un certain climat social.

Et d’obtenir l’accord voire la bĂ©nĂ©diction de la population pour plus de police. Pour plus de contrĂ´les. Moins de libertĂ©s individuelles. Pour plus de rĂ©pression. Pour plus de « sĂ©curitĂ© Â». Pour plus de justice expĂ©ditive et punitive. Pour plus de prisons. Pendant le dĂ©bat sur Cnews, il a aussi pu ĂŞtre affirmĂ© qu’il fallait plus de prisons !

 

Il faut sûrement plus de prisons comme il faut aussi de la répression face à la casse. D’accord. Mais il faut voir ce qui se passe ensuite dans les prisons. Ce qu’on y fait. Et pour qui. Si c’est pour créer, au travers de nouvelles prisons, de nouvelles pépinières de radicalisation et d’inadaptations sociales, il est difficile de se contenter de ces seules solutions. Parce qu’un certain nombre des détenus sortent un jour de prison. Et s’ils sont encore plus inadaptés à la sortie qu’à l’arrivée, ils retourneront à ce qu’ils savent faire et iront retrouver les seuls qui les accepteront. Leurs proches et celles et ceux qui leur ressemblent…..

 

Avec la pandémie du Covid-19, et le plan Vigie Pirate en raison du risque terroriste, sans omettre la façon dont nous sommes pistés sur internet chaque fois que nous nous connectons ou effectuons un achat ou une recherche, nos libertés individuelles ont déjà perdu une certaine amplitude. Nous avons appris à nous en accommoder. Or, tout ce que l’on nous promet pour cette rentrée à venir et pour les deux ou trois prochaines années, c’est plus d’efforts à produire, donc plus d’enfermement d’une façon ou d’une autre.

 

Finalement, j’ai l’impression que ces dĂ©bats rĂ©pĂ©tĂ©s et millimĂ©trĂ©s, autour de la « racaille Â» et des «sauvageons Â» qui n’ont pas Ă©voluĂ© tant que ça depuis des annĂ©es, sont aussi une autre sorte de prison. Et que nous sommes encore (très) loin ĂŞtre sortis de ce type de prison. Parce-que la principale finalitĂ© de cette prison- mentale- est de s’auto-rĂ©gĂ©nĂ©rer indĂ©finiment. Seuls les visages et les noms de ses reprĂ©sentants et de ses gardiens changent.

 

Une chaine comme Cnews ou tout autre mĂ©dia identique qui tourne en boucle nous hypnotise avec du vide. Le vide de l’angoisse, de la peur, du sensationnel et de l’amnĂ©sie. Le plus ironique serait d’apprendre qu’un certain nombre des casseurs de ce week-end, lorsqu’ils sont devant la tĂ©lĂ©,  perçoivent Cnews comme une des chaines de rĂ©fĂ©rence. Comme l’une des chaines tĂ©lĂ© qu’il convient de regarder rĂ©gulièrement.

 

Franck Unimon, mercredi 26 aout 2020.

 

 

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Argenteuil Croisements/ Interviews

La Route du Tiep

 

 

                                              La Route du Tiep

Qu’est-ce qu’un igname ?

 

«  Qu’est-ce qu’un igname ? Â». Lors d’un atelier d’écriture, un homme d’une soixantaine d’annĂ©es m’avait un jour posĂ© cette question. On dĂ©couvre aussi le monde par ses lĂ©gumes, ses plantes et sa cuisine.

 

J’avais bien sĂ»r expliquĂ© ce qu’est un igname.  Bien que nĂ© en  France, mon Ă©ducation et mes vacances familiales en Guadeloupe m’avaient fait connaĂ®tre le zouk, le kompa, l’igname, le fruit Ă  pain (et non le fruit Ă  peines), le piment, les donbrĂ©s et d’autres spĂ©cialitĂ©s culinaires antillaises.

 

 

Je dois Ă  mon amie BĂ©a, d’origine martiniquaise, de quelques annĂ©es mon aĂ®nĂ©e, d’avoir dĂ©couvert le Tiep ( «  riz au poisson Â»), les pastels et le M’Balax. J’avais 21 ou 22 ans. Olivier de Kersauson, le navigateur, avait 23 ou 24 ans lorsqu’il a fait la rencontre d’Eric Tabarly (son livre Le Monde comme il me parle, dont j’ai dĂ©butĂ© la lecture). Moi, Ă  23 ou 24 ans, j’entrais davantage de plain pied dans la fonderie des hĂ´pitaux. J’avais fait la connaissance de BĂ©a pendant ma formation.

 

Elle était déja en couple avec C… un Cap verdien, de plusieurs années son aîné.

Et c’est au cours d’une grande fĂŞte avec eux, dans le Val D’oise, je crois, du cĂ´tĂ© de Jouy le Moutier, que j’avais dĂ©couvert :

 

 Tiep, pastels et M’Balax.

 

Le Tiep n’est pas le nom d’un vent ou d’un microclimat proche de la ville de Dieppe. Il n’a pas de lien de parentĂ© Ă  avec la pitiĂ©. Et il n’a pas Ă©tĂ© recensĂ© sur le continent  du Tchip que les Antilles se partagent très bien avec l’Afrique. Le Tiep ou ThiĂ©boudiene  est le plat national du SĂ©nĂ©gal.

 

Avec BĂ©a, indirectement, moi qui ne suis, Ă  ce jour, toujours pas allĂ© en Afrique, j’ai dĂ©couvert des bouts du SĂ©nĂ©gal. Du Wolof et du Cap Vert. Avant que CĂ©saria Evora ne (re) devienne populaire et que le chanteur StromaĂ©, beaucoup plus tard, n’en parle dans une de ses chansons. Avant que Youssou N’Dour ne lâche son tube 7 secondsavec Neneh Cherry. Hit que j’ai toujours eu beaucoup de mal Ă  supporter. Si Ă©loignĂ© de son M’Balax que j’ai, finalement, pu voir, aimer et Ă©couter sur scène trente ans plus tard : l’annĂ©e dernière Ă  la (dernière ?) fĂŞte de l’Huma.

 

 

Par hasard

 

J’ai retrouvé la route du Tiep il y a quelques mois. Par hasard. J’avais rendez-vous près de la gare du Val de Fontenay pour acheter une lampe de poche. Entre le moment où j’ai découvert le Tiep et les pastels et cette transaction, il s’est passé environ trente ans. J’avais bien-sûr mangé à nouveau du Tiep entre-temps. Mais cela était occasionnel. En me rendant sur certains marchés.

 

Le Val de Fontenay n’est pas mon coin. Je n’y habite pas. J’y Ă©tais allĂ© Ă  une « Ă©poque Â», ou, durant une annĂ©e, j’y avais Ă©té…entraĂ®neur de basket. Mais je parlerai de cette expĂ©rience dans un autre article. Ce matin, je m’applique Ă  me mettre au rĂ©gime :

 

Pour faire court

 

J’essaie de faire des phrases courtes. Et d’écrire un article court. C’est Yoast qui l’affirme : Certaines de mes phrases durent plus de vingt mois . Je sais que c’est vrai.

 

Mes articles manquent de titres. Si je décode bien Yoast, je fais beaucoup de victimes parmi mes lectrices et lecteurs. Et je pourrais mieux faire. Je n’écoute pas toujours Yoast.

 

En revenant de ma « transaction Â», il y a quelques mois, je suis donc retournĂ© Ă  la gare du Val de Fontenay. Et j’ai oubliĂ© si j’avais aperçu ce traiteur Ă  l’aller mais je m’y suis pointĂ© avant de reprendre le RER. J’y suis retournĂ© plusieurs fois depuis. Ainsi que ce week-end puisque nous avions prĂ©vu de faire un repas au travail.

 

 

 

 

Au Thiep DĂ©lices d’Afrique Keur Baye Niass

 

La nouveautĂ©, c’est que je suis allĂ© deux jours de suite au Thiep DĂ©lices d’Afrique Keur Baye Niass. Le vendredi, c’est le jour du Tiep au poisson. Les autres jours, on y trouve, entre-autres, du Tiep Ă  la viande qui me plait bien. Mais je voulais goĂ»ter son Tiep au poisson. J’ai donc appelĂ© suffisamment tĂ´t pour passer commande. Puis, une fois, sur place, j’ai vu qu’il ne restait plus de pastels. La cuisinière m’a confirmĂ© qu’il n’y en n’avait plus. ça m’a frustrĂ© mais c’était de ma faute. J’aurais dĂ» en commander en mĂŞme temps que le Tiep. Donc, le lendemain, j’ai rappelĂ© assez tĂ´t et j’ai commandĂ© des pastels au poisson. Et quelques uns Ă  la viande. Pour goĂ»ter.

 

 

Avec nos masques sur le visage : de cĹ“ur Ă  coeur

 

Avec nos masques sur le visage, nous sommes encore plus indistincts que « d’habitude Â». C’est peut-ĂŞtre aussi pour cette raison que j’ai tenu Ă  donner mon prĂ©nom, la veille. Puis que, lorsque j’y suis retournĂ©, que j’ai fait ce que je fais quelques fois : parler avec les gens. Leur demander de me parler d’eux. Un peu de cĹ“ur Ă  cĹ“ur. Je fais ça avec les personnes avec lesquelles je me sens bien. Avec lesquelles je ne discute pas du prix de ce qu’elles me vendent. On pourrait dire que cette dame qui me dĂ©passe d’une bonne dizaine de centimètres, et qui a sans doute presque l’âge de ma mère, est peut-ĂŞtre un Ă©quivalent maternel pour moi. Mais je ne crois pas que ce soit la seule raison.

 

Un mal pour un bien 

 

J’avais dĂ©jĂ  appris, qu’auparavant, elle travaillait avec ses collègues du cĂ´tĂ© de CrĂ©teil. Mais qu’elle avait dĂ» quitter les lieux que la RATP avait mis Ă  sa disposition. J’ai appris qu’avant de faire la cuisine, elle faisait dans le prĂŞt- Ă - porter. Elle avait trouvĂ© des fournisseurs en Italie et ça avait marchĂ© très vite. «  Je vendais de la bonne came ! Â» me dit-elle sans qu’il soit question de quoique ce soit d’autre que de prĂŞt-  Ă - porter. J’avais dĂ©jĂ  entendu parler de la qualitĂ© italienne en matière de vĂŞtements et de chaussures.

 

Le prĂŞt Ă  porter a Ă©tĂ© fructueux de 2004 jusqu’à environ 2015. Et puis, la concurrence chinoise…. 

« Les gens regardaient plus leur porte-monnaie….mais la qualitĂ© n’était pas du tout la mĂŞme… Â». Elle a alors dĂ» rendre ses locaux Ă  la RATP. Locaux dans lesquels elle avait effectuĂ©s des travaux. Travaux pour lesquels la RATP ne l’a jamais dĂ©dommagĂ©e. A la place, la RATP a fini par lui proposer cet endroit Ă  la gare du Val de Fontenay oĂą c’est « dix fois mieux Â» m’explique-t’elle :

« Il y a plus de passage. Avec les bureaux. Et on est près de la gare. LĂ , il y a le RER A. Il y a le RER E».

 

Prendre la vie par le bon bout

 

En l’écoutant, je prends Ă  nouveau la mesure du fait que, quelles que soient les circonstances et le contexte qui nous prĂ©occupent, qu’il y a des personnes comme cette dame et ses collègues qui travaillent. Et qui prennent la vie par le bon bout.  La cuisine, elle en avait toujours fait. Et après le prĂŞt- Ă - porter, l’idĂ©e lui est donc venue rapidement. Je ne connais pas son niveau d’études. Et je prĂ©sume qu’elle est nĂ©e au SĂ©nĂ©gal et y a vĂ©cu sĂ»rement ses vingt premières annĂ©es. Comme mes propres parents ont vĂ©cu leurs vingt premières annĂ©es sur leur Ă®le natale, la Guadeloupe.

 

Je n’ai pas insistĂ© pour savoir, comment, venant du SĂ©nĂ©gal et de la France, on fait pour trouver des fournisseurs de prĂŞt- Ă  -porter en Italie. Mais cela implique au moins de quitter son quartier. De passer la frontière. D’avoir un rĂ©seau de connaissances. Ou de savoir aller rencontrer des gens, y compris Ă  l’étranger. De les dĂ©marcher et de leur inspirer confiance. De savoir s’exprimer un minimum dans leur langue. D’être fiable dans son travail. Ce qui est facilitĂ© lorsque l’on  aime le faire ( son travail).

 

“L’argent n’est souvent qu’une consĂ©quence”

 

J’ai relevĂ© ces phrases  dans un livre empruntĂ© rĂ©cemment dans la mĂ©diathèque de ma ville, Ă  Argenteuil. Un ouvrage dont j’ai lu, pour l’instant, les dernières pages et que je chroniquerai peut-ĂŞtre.

 

Changer de vie professionnelle ( C’est possible en milieu de carrière) de Mireille Garolla, aux Ă©ditions Eyrolles. Les propos sont les suivants, en bas de la page 147 :

« Ce n’est pas parce-que vous allez faire quelque chose qui vous plaĂ®t que vous n’arriverez pas Ă  en tirer un bĂ©nĂ©fice.

L’équation n’est pas toujours aussi simpliste que : je rentre dans un système capitaliste, donc, je gagne de l’argent, quitte Ă  souffrir tous les jours jusqu’à l’âge de la retraite, et un autre système qui consisterait Ă  faire des choses qui vous plaisent rĂ©ellement mais qui ne devraient donner lieu qu’à des rĂ©munĂ©rations symboliques.

(……) l’argent n’est souvent qu’une consĂ©quence du fait que vous faites quelque chose qui vous plaĂ®t et que vous le faites correctement Â».

 

 

Cette femme et ses collègues font partie des personnes qui rendent ces phrases concrètes. De 11h à 22h tous les jours de la semaine.

 

Je me suis senti tenu de lui parler un peu de moi. C’était un minimum. Le mĂ©tier que je faisais. Dans quelle ville j’habitais. Elle m’a Ă©coutĂ© avec attention. 

 

Il y a un stade où ce n’est plus l’argent qui fait le monde

 

Alors que je restais discuter avec elle, pendant que son collègue préparait mes plats, j’ai commandé quelques pastels supplémentaires. Vu, que cette fois, il en restait quelques uns. J’ai aussi commandé deux canettes de jus. Il s’agissait, aussi, d’en rapporter un peu à la maison. Elle m’a fait cadeau des deux canettes comme des pastels supplémentaires. Evidemment, je les aurais payés sans négocier.

 

Après avoir payĂ©, j’étais sur le dĂ©part lorsqu’ouvrant le rĂ©frigĂ©rateur, elle m’a tendu une petite bouteille de jus de gingembre. Il y a un stade de la relation dans la vie, oĂą mĂŞme entre inconnus, ce n’est plus l’argent qui fait le monde. L’argent (re)devient un masque ou un accessoire. Et il vaut alors beaucoup moins que ce qu’une personne nous donne volontairement. 

 

Ce soir-lĂ , sur la route du Tiep

 

Lorsqu’elle m’a fait cadeau de ces pastels et de ces deux canettes, je n’ai pas vu une commerçante habile qui tient à fidéliser un client qui lui était sympathique. Même s’il faut aussi, lorsque l’on tient un commerce, et quand on tient à une relation, savoir chouchouter celles et ceux que l’on veut garder. Et je ne doute pas qu’elle sait très bien faire ça.

Mais ce que j’ai vu, c’est surtout une personne qui « sait Â» que l’on se parle et que l’on se voit maintenant, mais que l’on ne sait pas lorsque l’on se reverra.

Et si l’on se reverra.

Alors, avant de se sĂ©parer, on “arme” comme on peut celle ou celui que l’on a croisĂ© pour la suite du trajet. 

Certaines personnes font des enfants pour conjurer ça. Mais, moi, ce soir-lĂ  et sur la route du Tiep qui m’avait ramenĂ© Ă  nouveau jusqu’à elle, et pendant quelques minutes,  j’ai Ă©tĂ© sans doute , un peu, un de ses enfants.

C’était ce week-end.

 

Franck Unimon, ce lundi 24 aout 2020.

 

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Addictions Puissants Fonds/ Livres

Ma vie en réalité

 

                                                     Ma vie en rĂ©alitĂ©

Magali Berdah est la crĂ©atrice et dirigeante de Shauna Events :

 

« La plus importante agence de mĂ©dia-influenceurs de France Â».  Nabilla, Jessica Thivenin, Julien Tanti et Ayem Nour font partie de ses « protĂ©gĂ©s Â».

 

Un livre publié en 2018

 

Dans ce livre publiĂ© en 2018 (il y a deux ans), Magali Berdah raconte son histoire jusqu’à sa rĂ©ussite professionnelle, Ă©conomique et personnelle dans l’univers de la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© et de la tĂ©lĂ©. Pourtant, Il y a encore Ă  peu près cinq ans, Magali Berdah ne connaissait rien Ă  la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© comme au monde de la tĂ©lĂ©. Elle ne faisait pas partie du sĂ©rail. Son histoire est donc celle d’une personne qui, partie de peu, s’est sortie des ronces. C’est sĂ»rement ça et le fait qu’elle nous parle de la tĂ©lĂ© et de la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© qui m’a donnĂ© envie d’emprunter son livre Ă  la mĂ©diathèque de ma ville. En mĂŞme temps que des livres comme Le Craving Pourquoi on devient accro du Dr Judson Brewer ; Tout bouge autour de moi de Dany Laferriere; DĂ©veloppement (im)personnel de Julia De Funès.

 

 

Un homme du vingtième siècle

 

Je me la pète sĂ»rement avec ces titres parce-que je suis un homme du 20ème siècle. J’ai Ă©tĂ© initiĂ© Ă  l’âge de 9 ans aux bĂ©nĂ©fices de  ce que peut apporter une mĂ©diathèque :

 

Ouverture sur le monde, culture, lien social, tranquillité, recueillement. Des vertus que l’on peut retrouver ailleurs et que Magali Berdah, dans son enfance, comme elle le raconte, a connues par à-coups.

 

Une femme du vingtième siècle

 

Magali Berdah, née en 1981, est aussi une femme du 20ème siècle.

 

Son enfance, c’est celle du divorce, du deuil et de plusieurs sĂ©parations. D’un père plus maltraitant que sĂ©curisant ; d’une mère qui a Ă©tĂ© absente pendant des annĂ©es puis qui est rĂ©apparue. C’est aussi une enfance dans le sud, sur la CĂ´te d’azur, du cĂ´tĂ© de Nice et de St Tropez oĂą elle a pu vivre plus Ă  l’air libre, au bord de la nature. Loin de certains pavĂ©s HLM, stalactites immobilières et langagières qui  semblent figer bien des fuseaux horaires.

 

Les éclaircies qu’elle a pu connaître, elle les doit en grande partie à ses grands-parents maternels, tenants d’un petit commerce. Mais aussi à ses aptitudes scolaires et personnelles. Son sens de la débrouille et son implication s’étalonnent sur ses premiers jobs d’été qu’elle décroche alors qu’elle a à peine dix huit ans. Fêtarde la nuit et travailleuse le jour, elle apprend auprès d’aînés et de professionnels qu’elle s’est choisie. Cela l’emmènera à devenir une très bonne commerciale, très bien payée, dans les assurances et les mutuelles. C’est sûrement une jolie fille, aussi, qui présente bien, qui a du culot et qui a le contact social facile. Mais retenons que c’est une bosseuse. Elle nous le rappelle d’ailleurs après chacun de ses accouchements (trois, sans compter son avortement) où elle a repris le travail très vite. Elle nous parle aussi de journées au cours desquelles elle travaille 16 heures par jour. Et quand elle rentre chez elle, son mari et ses enfants l’attendent.

 

 

Le CV et le visage au moins d’une guerrière et d’une résiliente

 

 

Si l’on s’en tient Ă  ce rĂ©sumĂ©, Magali Berdah a le CV et le visage au moins d’une guerrière et d’une rĂ©siliente. Mais elle officie dĂ©sormais dans le pot au feu de la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, de la tĂ©lĂ©, et est proche de personnalitĂ©s comme Cyril Hanouna. On est donc très loin ou assez loin de ce que l’on appelle la culture « noble Â» ou « propre sur elle Â». Et Magali Berdah critique l’attitude et le regard mĂ©prisants portĂ©s gĂ©nĂ©ralement sur la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© et une certaine tĂ©lĂ©.

 

 

Le début de la téléréalité

 

 

La tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, pour moi, en France, ça commence avec le « Loft Â» : Loana, Steevy, Jean-Edouard….

 

J’avais complètement oubliĂ© que ça s’était passĂ© en 2001, l’annĂ©e du 11 septembre, de l’attentat des «  Twin Towers Â» et de l’émergence mĂ©diatique de Ben Laden, et, avec lui, des attentats islamistes. Dans son livre, Magali Berdah nous le rappelle. A cette Ă©poque, elle avait 20 ans et commençait Ă  s’assumer professionnellement et Ă©conomiquement ou s’assumait dĂ©jĂ  très bien.

 

Un monde en train de changer

 

 

En 2001, je vivais déjà chez moi et je n’avais pas de télé, par choix. Mais dans le service de pédopsychiatrie où je travaillais alors, il y avait la télé. J’ai des souvenirs d’avoir regardé Loft Story dans le service ainsi que des images, quelques mois plus tard, de l’attentat du 11 septembre. Et d’en avoir discuté sans doute avec des jeunes mais, surtout, avec mes collègues de l’époque. On était en train de changer de monde d’une façon comme une autre avec le Loft et les attentats du 11 septembre. Comme, depuis plusieurs mois, nous sommes en train de changer de monde avec le Covid-19.

 

Une image

 

Une image, ça vous prend dans les bras. La tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© est pleine d’images. Il y a quelques jours, j’ai tâtĂ© le terrain en parlant de Magali Berdah et de  Julien Tanti Ă  deux jeunes du service oĂą je travaille. Cela leur disait vaguement quelque chose. Puis l’une des deux a dĂ©clarĂ© :

 

« Quand je me sens bĂŞte, je regarde. Ça me permet de me vider la tĂŞte Â». L’autre jeune prĂ©sente a abondĂ© dans son sens. J’ai fini par comprendre que cela leur servait de dĂ©fouloir moral. Que cela leur remontait le moral de voir Ă  la tĂ©lĂ© des personnes qu’elles considĂ©raient comme plus « bĂŞtes Â» qu’elles.

Pour l’avoir vu, je sais que des adultes peuvent aussi regarder des émissions de téléréalité. Ça m’a fait drôle de voir des Nigérians musulmans d’une trentaine d’année, en banlieue parisienne, regarder Les Marseillais. Mais pour eux, venus travailler en France, une émission comme Les Marseillais offre peut-être quelque chose d’exotique et d’osé. Et puis, ce que l’on voit dans cette émission est facile à suivre et à comprendre pour toute personne qui a envie de se distraire et qui est dépourvue de prétentions intellectuelles ou culturelles apparentes.

 

 

Magali Berdah défend ses protégés

 

 

Lorsque l’on lit Magali Berdah, celle-ci dĂ©fend ses « protĂ©gĂ©s Â». On pourrait se dire :

 

«  Evidemment, elle les dĂ©fend car ils sont un peu ses poules aux Ĺ“ufs d’or. Ils lui permettent de très bien gagner sa vie. Les millions de followers sur les rĂ©seaux sociaux de plusieurs de ses « poulains Â» permettent bien des placements de produits et lui assurent aussi une très forte visibilitĂ© sociale dans un monde oĂą, pour rĂ©ussir Ă©conomiquement, il est indispensable d’être très connu Â».

 

Mais quand on a lu le dĂ©but de son livre, on perçoit une sincère identification de Magali Berdah envers ses « protĂ©gĂ©s Â» :

 

Le destin de la plupart des candidats du Loft de 2001 mais aussi de bien d’autres candidats d’autres Ă©missions de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© ou similaires telles The Voice ou autres, c’est de retourner ensuite au « vide Â», « Ă  l’abandon Â», et  Ă  l’anonymat de leur existence de dĂ©part. Et ça se retrouvait dĂ©ja dans le monde du cinĂ©ma, de la chanson ou du théâtre mĂŞme avant l’arrivĂ©e du Covid.

 

Dominique Besnehard, ancien agent d’acteurs et crĂ©ateur de la sĂ©rie Dix pour cent,  parlait un peu dans son livre Casino d’hiver de ces actrices et acteurs, qui, faute de s’être reposĂ©s uniquement sur leur physique et sur leur jolie frimousse avaient fini par disparaĂ®tre du milieu du cinĂ©ma. Et je me rappelle ĂŞtre tombĂ© un jour sur un des anciens acteurs du film L’Esquive d’Abdelatif Kechiche. D’accord, cet acteur avait un rĂ´le très secondaire dans L’Esquive mais ça m’avait mis assez mal Ă  l’aise de le retrouver, quelques annĂ©es plus tard, Ă  faire le caissier Ă  la Fnac de St Lazare, dans l’indiffĂ©rence la plus totale. Il Ă©tait un caissier parmi d’autres.

 

 

Un certain nombre d’acteurs et d’humoristes que l’on aime « bien Â», avaient un autre mĂ©tier avant de s’engager professionnellement et de percer dans le milieu du cinĂ©ma, du stand up, du théâtre, de l’art et de la culture en gĂ©nĂ©ral. Si je me rappelle bien, MickaĂ«l Youn Ă©tait commercial.

 

Etre Ă  leur place

 

Si on peut se bidonner ou se navrer devant les comportements et les raisonnements de beaucoup de candidats de téléréalité, qui sont souvent jeunes, il faut aussi se rappeler que tant d’autres personnes, parmi nous, secrètement, honteusement ou non, aimeraient être à leur place. Et gagner, comme certains d’entre eux, les plus célèbres, cinquante mille euros par mois. Magali Berdah fournit ce chiffre dans son livre.

 

C’est un peu comme l’histoire du dopage dans le sport : le dopage persistera dans le sport et ailleurs car certaines personnes resteront prĂŞtes Ă  tout tenter pour « rĂ©ussir Â». Surtout si elles sont convaincues que leur existence est une dĂ©charge publique. Et que le dopage est un moyen comme un autre qui peut leur permettre de se sortir de ce sentiment d’être une dĂ©charge publique.

 

Pour d’autres, le sexe aura la mĂŞme fonction que le dopage. MĂŞme en pleine Ă©poque de Me Too et de Balance ton porc, je crois que certaines personnes (femmes comme hommes) seront prĂŞtes Ă  coucher si elles sont convaincues que cela peut leur permettre de rĂ©ussir.  Et de rĂ©ussir vite et bien. Quel que soit le milieu professionnel, ces personnes se feront seulement un peu plus discrètes et un peu plus prudentes.

 

 

Concernant Loft Story et l’intérêt que la première saison avait suscité, mais aussi les sarcasmes, je me souviens que l’acteur Daniel Auteuil, dont la carrière d’acteur était alors bien plantée, avait dit qu’il aurait fait Le Loft ou tenté d’y participer s’il avait été un jeune acteur qui cherchait à se lancer et à se faire connaître.

 

 

Compromettre son image

 

Lorsque l’on est optimiste, raisonnable, raisonnĂ©, patient mais aussi fataliste, docile et obĂ©issant, on refuse le dopage ainsi que certaines conduites Ă  risques.  Comme on peut refuser de  prendre le risque de « compromettre Â» son image en participant Ă  une Ă©mission de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© ou Ă  une autre Ă©mission.

 

Mais lorsque l’on recherche l’immédiateté, l’action, le résultat et que l’on tient à sortir du lot, on peut bifurquer vers la téléréalité, une certaine télé et une certaine célébrité. Il y aura d’une part des producteurs, des vendeurs de rêves (proxénètes ou non) et d’autre part un public qui sera demandeur.

 

Magali Berdah, Ă  la lire, s’intercale entre les deux parties : c’est elle qui a permis aux vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© de tirer le meilleur parti financièrement de leur exposition mĂ©diatique. Et lorsqu’on la lit, on se dit « qu’avant elle Â», les vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© Ă©taient vraiment traitĂ©es un peu comme ces belles filles que l’on voit sur le podium du Tour de France avec leur bouquet de fleurs Ă  remettre au vainqueur.

 

L’évolution du statut financier des vedettes de téléréalité

 

 

L’évolution du statut financier des vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© fait penser Ă  celle qu’ont pu connaĂ®tre des sportifs professionnels ou des artistes par exemple. Avant l’athlète amĂ©ricain Carl Lewis, un sprinter de haut niveau gagnait moins bien sa vie. Usain Bolt et bien d’autres athlètes de haut niveau peuvent « remercier Â» un Carl Lewis pour l’augmentation de leur train de vie. On peut sans doute faire le mĂŞme rapprochement pour le Rap ainsi que pour la techno. Ou pour certains photographes ou peintres. Entre ce qu’ils peuvent toucher aujourd’hui et il y a vingt ou trente ans. Certains diront sans doute qu’ils gagnent nettement moins d’argent aujourd’hui qu’il y a vingt ou trente ans avec le mĂŞme genre de travail. Mais d’autres gagnent sĂ»rement plus d’argent aujourd’hui que s’ils s’étaient faits connaĂ®tre il y a vingt ou trente ans. Pour les vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, il est manifeste que d’un point de vue salarial il vaut mieux ĂŞtre connu aujourd’hui qu’à l’époque de Loft story en 2001.

 

 

Une motivation aussi très personnelle

 

Cependant, la motivation de Magali Berdah est aussi très personnelle. Disponible pratiquement en permanence via son tĂ©lĂ©phone portable, malgrĂ© ses trois enfants et son mari, elle reçoit aussi chez elle plusieurs de ses « protĂ©gĂ©s Â», les week-end.  C’est bien-sĂ»r une très bonne façon d’apprendre Ă  connaĂ®tre ses clients et de crĂ©er avec eux un lien très personnel.

 

Toutefois, dans mon métier, en pédopsychiatrie, on crierait au manque de distance relationnelle et affective. On parlerait d’un mélange des genres, vie privée/vie publique. On évoquerait un cocktail émotionnel addictif. On parlerait aussi des conséquences qu’une telle proximité – voire une telle fusion- peut causer ou cause. Parmi elles, une forte dépendance affective qui peut déboucher sur des événements plus qu’indésirables lorsque la relation se termine ou doit s’espacer ou se terminer pour une raison ou une autre. Que ce soit la relation à la célébrité et à l’exposition médiatique constante. Ou une relation à une personne à laquelle on s’est beaucoup trop attachée affectivement.

 

Il y a donc du pour et du contre dans ma façon de voir ce type de relation que peut avoir Magali Berdah avec ses « protĂ©gĂ©s Â».

 

«  Pour Â» : une relation affective n’est pas une science exacte. Bien des personnes sont consentantes, quoiqu’elles disent, pour une relation de dĂ©pendance affective rĂ©ciproque. Que ce soit envers un public ou avec des personnes. Et on peut avoir plus besoin de quelqu’un Ă  mĂŞme de savoir nous prendre dans les bras et nous rĂ©conforter rĂ©gulièrement, comme un bĂ©bĂ©, que de quelqu’un qui nous « raisonne Â». MĂŞme si, Magali Berdah, visiblement, donne les deux : elle rĂ©conforte et raisonne ses « poulains Â».

 

Loyauté et vertu morale

 

En lisant Ma vie en réalité , je crois aussi au fait que l’on peut faire une carrière dans des programmes télé auxquels, a priori, je ne souscris pas, et, pourtant être une personne véritablement loyale dans la vie.

Je ne crois pas que les participants, les producteurs et les animateurs d’émissions de tĂ©lĂ©, de théâtre ou de cinĂ©ma plus « nobles Â» soient toujours des modèles de vertu morale. Surtout qu’ils peuvent Ă©galement ĂŞtre « ambidextres Â» et parfaitement Ă©voluer dans les diffĂ©rents univers.

 

Le Tsadik

 

J’ai beaucoup aimé ce passage dans son livre, ou, alors surendettée, et déprimée, et avant de travailler dans la téléréalité, elle va rencontrer un rabbin sur les conseils d’une amie.

Juive par ses grands-parents maternels, Magali Berdah apprend par le Rabbin qu’elle est sous la protection d’un Tsadik, un de ses ancêtres.

Dans le hassidisme, le Tsadik est un « homme juste Â», un «  Saint Â», un «  maĂ®tre spirituel Â» qui n’est pas rĂ©compensĂ© de son vivant mais qui peut donner sa protection Ă  un de ses descendants.

J’ai aimĂ© ce passage car il me plait d’imaginer- mĂŞme si je ne suis pas juif ou alors, je l’ignore- qu’un de mes ancĂŞtres puisse me protĂ©ger. Mais aussi que les soignants (je suis soignant) sont sans doute des Ă©quivalents d’un Tsadik et que s’ils en bavent, aujourd’hui, que plus tard, ils pourront peut-ĂŞtre assurer la protection d’un de leurs descendants. Ça peut faire marrer de me voir croire en ce genre de « chose Â». Mais je prĂ©fère aussi croire Ă  ça plutĂ´t que croire Ă  un complot, faire confiance Ă  un dirigeant opportuniste ou Ă  un dealer.

 

J’ai d’abord cru que Magali Berdah Ă©tait juive non-pratiquante. Mais sa rencontre avec le rabbin et sa façon de tomber enceinte « coup sur coup Â» me fait quand mĂŞme penser Ă  l’attitude d’une croyante qui «laisse Â» le destin dĂ©cider. Je parle de ça sans jugement. J’ai connu une catholique pratiquante qui avait la mĂŞme attitude avec le fait d’enfanter. Je souligne ce rapport Ă  la croyance parce qu’il est important pour Magali Berdah. Et que sa « foi Â» lui a sĂ»rement permis de tenir moralement Ă  plusieurs moments de sa vie.

 

Je précise également que, pour moi, cette protection d’un Tsadik peut se transposer dans n’importe quelle autre religion ainsi que dans bien d’autres cultures.

 

Incapable d’une telle proximité affective

 

«  Contre Â» : Je m’estime et me sens incapable d’une telle proximitĂ© affective Ă  l’image d’une Magali Berdah avec ses «  vedettes Â». Donc celle qu’elle instaure avec ses protĂ©gĂ©s m’inquiète.  Une des vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© dont elle s’occupe l’appelle «  Maman Â». MĂŞme si je comprends l’attitude de Magali Berdah au vu de son histoire personnelle, je m’interroge quant aux retombĂ©es de relations personnelles aussi Ă©troites :

 

Il est impossible de sauver quelqu’un malgrĂ© lui. Et ça demande aussi beaucoup de prĂ©sence et d’énergie. Une telle implication peut ĂŞtre destructrice pour soi-mĂŞme ou pour son entourage. Donc, croire, vouloir ou penser que l’on peut, tout( e)   seul (e), sauver ou soutenir quelqu’un, c’est prendre de grands risques. Mais peut-ĂŞtre que Magali Berdah prend-t’elle plus de prĂ©cautions qu’elle ne le dit pour elle et sa famille. Il est vrai que le fait qu’elle soit mariĂ©e et mère lui impose aussi des limites.  Il lui est donc impossible, si elle Ă©tait tentĂ©e de le faire, de se dĂ©vouer exclusivement Ă  ses « protĂ©gĂ©s Â».

La Norme :

 

NĂ©anmoins, au milieu de ce « pour Â» et de ce « contre, je comprends que ce « support Â» affectif est la Norme dans le milieu de la tĂ©lĂ© et des cĂ©lĂ©britĂ©s en gĂ©nĂ©ral. Et ce qui est peut-ĂŞtre plus effrayant encore, c’est d’apprendre en lisant son livre que lorsque la « mode Â» des influenceurs est apparue en France (il y a environ cinq ans), que, subitement, ses « protĂ©gĂ©s Â» sont devenus attractifs Ă©conomiquement. Et  des producteurs se sont manifestĂ©s pour venir placer leurs billes. Les vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© avaient peut-ĂŞtre la tĂŞte « vide Â» mais s’il y avait- beaucoup- de fric Ă  se faire avec eux maintenant qu’ils Ă©taient devenus des influenceuses et des influenceurs. Grâce Ă  leurs placements de produits via les rĂ©seaux sociaux avec leurs millions de followers, on voulait bien en profiter. Magali Berdah n’en parle pas comme je le fais  avec une certaine ironie. Car cet intĂ©rĂŞt des producteurs pour les vedettes de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© a permis Ă  sa carrière et Ă  sa notoriĂ©tĂ© de prendre l’ascenseur.

 

Le Buzz ou le mur du son de la Notoriété

 

En 2001, Ă  l’époque du Loft et des attentats de Ben Laden, on Ă©tait très loin de tout ça. Les rĂ©seaux sociaux n’en n’étaient pas du tout Ă  ce niveau et on ne parlait pas du tout de « followers Â». Je me rappelle d’un des candidats du Loft Ă  qui, après l’émission, on avait proposĂ© de travailler…dans un cirque. Il avait fait la gueule.

 

En 2020, à l’époque du Covid-19, on est en plein dans l’ère des followers et des réseaux sociaux. Et on peut penser que la téléréalité et le pouvoir des réseaux sociaux va continuer de s’amplifier. Sans forcément simplifier le climat social et général :

Parmi toutes les rumeurs, toutes les certitudes absolues, tous les emballements mĂ©diatiques et toutes les peurs qui sont semĂ©es de manière illimitĂ©e, j’ai un tout “petit peu ” de mal Ă  croire que l’Ă©poque des followers et des rĂ©seaux sociaux soit une Ă©poque oĂą l’on court totalement et librement vers l’apaisement et la nuance. 

 

 D’autres empires, aujourd’hui timides voire modĂ©rĂ©s, vont sĂ»rement s’imposer d’ici quelques annĂ©es. Ça me rappelle les premiers tubes du groupe Indochine et de Mylène Farmer dans les annĂ©es 80. Vous les trouvez peut-ĂŞtre ringards. Pourtant, Ă  l’époque de leurs tubes Bob Morane et Maman a tort, j’aurais Ă©tĂ© incapable de les imaginer devenir les « icones Â» qu’ils sont devenus. Et puis, il y a sans doute pire comme dictature et comme intĂ©grisme que celle et celui d’un monde oĂą nous devrions tous chanter et danser Ă  des heures imposĂ©es sur  Bob Morane et sur Maman a tort. MĂŞme si ces deux titres sont loin d’ĂŞtre mes titres de chevet.

 

Se rendre incontournable

 

Il est très difficile de pouvoir dire avec exactitude qui, devenu un peu connu ou encore inconnu aujourd’hui, sera une sommitĂ© dans une vingtaine d’annĂ©es. Les candidates et les candidats du Loft, et les suivants, Ă©taient souvent perçus comme ringards. Dès qu’un marchĂ© se crĂ©e, et que l’on en est la cause ou que l’on est prĂ©sent dès l’origine, et que l’on sait se rendre incontournable, la donne change et l’on devient dĂ©sirable et frĂ©quentable. C’est le principe du buzz. Principe qui existait dĂ©jĂ  avant les rĂ©seaux sociaux et la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© mais qui s’est accĂ©lĂ©rĂ© et dĂ©multipliĂ©. On peut dire que le buzz, c’est le mur du son de la notoriĂ©tĂ©. Faire le buzz cela revient Ă  vivre Ă  Mach 1 ou Ă  Mach 2 ou 3. Ça peut faire vibrer. Mais ça fait aussi trembler. Après avoir lu le livre de Dany Laferrière, Tout bouge autour de moi,  dans lequel il raconte le tremblement de terre Ă  HaĂŻti le 12 janvier 2010 ( il y Ă©tait), on comprend qu’un tremblement, ça change aussi un monde et des personnes. ça ne fait pas que les tuer et les dĂ©truire. 

 

Une histoire déjà vue

 

L’histoire que nous raconte Magali Berdah est une histoire qui s’est dĂ©jĂ  vue et qui se verra encore : une personne crĂ©e un concept. Peu importe qui est cette personne et si ce concept est moralement acceptable ou non. Il suffit que ce concept soit porteur Ă©conomiquement et tout un tas de commerciaux s’en emparent pour le faire connaĂ®tre – et monnayer-par le plus grand nombre, ce qui gĂ©nère un intĂ©rĂŞt et un chiffre d’affaires grandissant. Ce faisant, ces commerciaux et celles et ceux qui sont proches d’eux prennent du galon socialement et s’enrichissent Ă©conomiquement.

 

A La recherche du scoop et du popotin du potin

 

J’ai aimĂ© lire Ma vie en rĂ©alitĂ© pour ces quelques raisons. Il se lit très facilement. Et vite. Si Ă  la fin de son livre, Magali Berdah parle bien-sĂ»r de plusieurs de « ses Â» vedettes, la lectrice ou le lecteur qui serait Ă  la recherche du scoop et du popotin du potin Ă  propos d’Adixia, AnaĂŻs Camizuli, Anthony MatĂ©o, Astrid, AurĂ©lie Dotremont, Jessica Errero, Nikola Lozina, Manon Marsault, Paga, Ricardo, Jaja, Ayem Nour, Nabilla, Milla Jasmine et d’autres sera mieux inspirĂ©(e) de concentrer ses recherches ailleurs. De mon cĂ´tĂ©, j’ai dĂ©couvert la plupart de ces prĂ©noms et de ces noms en lisant ce livre.

 

Franck Unimon, vendredi 21 août 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

               

 

 

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Pour les coquines et les coquins

Le thĂ© dans l’âtre

 

                                              Le ThĂ© dans l’âtre

 

« Nous irons boire du thĂ© dans l’âtre Â» me dit cette ballerine.  « Vous me direz vos lettres. Nous parlerons de l’ErythrĂ©e et irons dire bonjour Ă  Gagarine. OĂą commence l’Homme et oĂą finit-il ? Â» continue t’elle.

 

Sa voix soulève cette question plus qu’elle ne la pose. Son souffle a aussi cet effet sur ses seins-filtres. On dirait du papier. Je suis fait de ce papier qu’elle déchire un peu plus à chacune de ses respirations.

 

L’œil Ă©clairĂ© par l’ampoule rectale de JosĂ©phine – c’est le prĂ©nom de cette spĂ©cialiste en saut poudrĂ©- je dĂ©couvre ma longue vue alors que ses expirations Ă©toffent la peau de mon cou.  Lui croquer le cul, en prendre la mesure pour l’enterrer vivant dans un beau cercueil de mains et de pain. En faire du boudin. Eclabousser la figure et le cul-de-cette-fĂ©e-des-plaisirs. Devenir le multiple de sa chair et de sa bouche. Nous serons dix dans son Addis Abeba – Moi et mes neuf vits- Ă  clamer la vie, quitte Ă  en clamser, et Ă  commĂ©morer le retour du NĂ©gus.

 

« Le frigo, c’est toujours alors que je me couche qu’il fait des siennes. Avec ces hommes qui circulent dehors bruyamment dans leurs voitures et les enfants qui crient, j’ai du mal Ă  me concentrer. Et toutes ces femmes qui me regardent au point que cela me met Ă  l’aise. C’est Ă  croire que je suis lesbienne Â».

 

Laisser mon sexe prendre toute sa forme dans la glaise de sa bouche, fumer sa bouche d’ozone. La grimper, la camper, tente Ă  cul. Et la regarder s’accrocher aux branches comme Ă  ses branchies. En me disant que je tiens mon ange. Mais oĂą se trouve son aurĂ©ole ? Il faut que je me tĂ©lĂ©porte.

 

« Je suis passĂ©e Maitresse dans la rĂ©solution des Ă©nigmes de l’absence. Marcher, c’est souvent aller vers soi. Se faire mettre, c’est souvent prendre. L’Amour, c’est peut-ĂŞtre cette mĂ©moire que l’autre est lĂ . Que ce n’est pas juste un miroir mais aussi des larmes que l’on brise. Je n’ai pas de mĂ©moire. Je suis juste au corps. Pour avoir de la mĂ©moire, il faut perdre son corps. Le mien s’infiltre partout Â».

 

Je suis chargé en accréditations testiculaires. Si je suis un homme de couleurs, ce n’est pas pour voir la vie en noir. Mais pour avoir la vie sauve alors que Joséphine fait danser mon regard sur ses lèvres. Lesquelles portent cet accent qui me la rendent plus détectable-délectable que n’importe quel maquillage.

 

« Mon visage est sans tain mais le Ska et le Gro-Ka y font naĂ®tre des Ă©toiles. J’aime les hommes au bord de l’explosion telles des locomotives qu’auditionne l’enfer. Et pour lesquels les sĂ©quelles du verre sur la tĂŞte n’est mĂŞme pas un frein. Mais plutĂ´t un refrain vers un lien. Leurs cicatrices sont ces alliances de chair qu’ils se sont faites pour s’unir Ă  la vie. Elles ont pour moi bien plus de valeur que ces bagues de sympathie que l’on achète dĂ©sormais Ă  crĂ©dit dans des bijouteries. Mais de tels hommes n’existent plus. Soit ils ont le Sida. Soit ils s’affairent sur internet. Soit ils sont devenus fonctionnaires ou mariĂ©s – c’est pareil- soit ils prĂ©fèrent rester cĂ©libataires. Les hommes, maintenant, sont devenus des femmes Â». JosĂ©phine se met  Ă  pleurer puis crie sur un ton implorant :

« Les hommes, aujourd’hui, ne veulent plus jouir ! Â».

 

Elle reprend son souffle puis dit :

 

« Vous, par exemple, vous n’êtes pas mon genre. Baisez-moi si vous voulez. Bien et fort. Vous m’êtes de bonne compagnie. Comme le vent dans la voile, notre intimitĂ© dĂ©rapera et nous donnera l’occasion de croire en une sorte d’aventure. Mais cela restera pĂ©riphĂ©rique. Nous n’irons nulle part ensemble. Comme pour la majoritĂ© des hommes, dĂ©sormais, baiser une femme ne signifie pas qu’on lui prĂŞte plus d’importance qu’à une autre. Mais juste que, celle-lĂ , on a pu la regarder d’un peu plus près. Baisez-moi, pesez-moi, dĂ©branchez-moi puis allez dormir ! Partez ensuite prendre votre train-train, votre navette ou votre omnibus nocturne de banlieue. Vous, les hommes, vous ĂŞtes douĂ©s pour le sommeil dès qu’on vous adore. C’est ce que l’on appelle le sommeil rĂ©parateur. Il faut vous donner des cauchemars pour vous maintenir attentifs et en Ă©veil. Bien des femmes sont pauvres de ce cĂ´tĂ©-lĂ  Â».

 

Quelques secondes passent. Puis JosĂ©phine repart :

 

« Nous parlerons de l’ErythrĂ©e et de Gagarine une autre fois. C’est Ă  dire, autrefois. Ne revenez-pas. DĂ©jĂ , on prĂ©pare les vitrines pour les fĂŞtes de fin d’annĂ©e. Et il y aura de plus en plus de monde. Il y aura beaucoup de travail. Je n’aurai pas le temps de vous laisser me parler. Ensuite ? Après les fĂŞtes, je serai importĂ©e en Chine. Vous ne ferez tout de mĂŞme pas le voyage jusque là….. Â».

 

 

Franck Unimon, Ă  une date disparue.  ( bientĂ´t dans sa version audio).

 

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Lieux communs du 15 aout

 

 

                                                      Lieux communs du 15 aoĂ»t

Ce 15 aoĂ»t, il est entrĂ© dans le mĂ©tro. Les deux titres qu’il a jouĂ©s -et avait dĂ©jĂ  probablement jouĂ©s  des milliers de fois- n’étaient pas de lui.  En guise de prĂ©liminaires, des artistes avaient dĂ©limitĂ© le terrain plusieurs annĂ©es auparavant. Peut ĂŞtre avant sa naissance et sa rĂ©sistance.

 

C’était les chants fracturés de sa vie. Des wagons qu’il essayait peut-être encore de raccrocher. Et que j’ai aussitôt écoutés.

 

C’était la première fois que le voyais. La première fois que je l’entendais. Et sûrement aussi la dernière fois. C’est ce que je crois. Il nous faut souvent plusieurs fois pour bien nous rappeler d’un nom, d’un visage, d’un usage ou d’une rencontre.

 

Peut-ĂŞtre pour contrer ça, j’ai très vite sorti mon appareil photo.  J’aurais pu faire sans.  En Ă©crivant. Mais je me rendais au travail. Il Ă©tait peu frĂ©quent que je passe par lĂ . Et j’étais un peu en retard. Il me fallait une image. Une marge. D’autant plus que, comme lui avec ces deux titres, les mots de cet article, je les ai dĂ©jĂ  employĂ©s des milliers de fois.

 

Je lui ai fait signe. Il m’a vu et m’a rapidement fait comprendre qu’il acceptait que je le prenne en photo. Je ne connais pas son nom, ni son âge ni  son histoire. Tout ce que je sais et ce que je vois, c’est comment il est « dressĂ© Â» (« habillĂ© Â»). Comment il est fait ; qu’il chante du Blues en Anglais ou en AmĂ©ricain et qu’il a la guitare appropriĂ©e.  Et en passant plus tard entre nous, après que je lui aie donnĂ© une pièce, il me donnera, en Anglais, les deux noms des artistes dont il a interprĂ©tĂ© les titres.

 

Je n’en saurai pas plus.  Et ça me suffira pour quelques minutes et davantage. ça m’apportera plus que ce que j’ai en commun avec des millions de gens. Cette partie de ma vie oĂą je m’entraĂ®ne souvent Ă  ĂŞtre un dĂ©funt plutĂ´t qu’un ĂŞtre vivant.

 

Le Blues vient de l’Afrique. C’est ce que j’ai lu et entendu dire. Je n’ai pas l’impression que les deux noirs africains prĂ©sents dans le mĂ©tro pressentent une Ă©motion particulière devant ce chanteur. OĂą alors ils sont très pudiques. La pudeur « africaine Â»â€¦.

 

Peut-ĂŞtre ces deux passagers africains ont-ils tout simplement dĂ©passĂ© la station du Blues depuis très longtemps. Car ils le vivent depuis tant d’agrĂ©gations que, pour eux, ça n’a plus rien d’exceptionnel. Alors que ça semble exceptionnel pour ce chanteur, blanc, qui a dĂ©couvert le Blues « rĂ©cemment Â». 

 

Peut-ĂŞtre aussi que le Blues de ce 15 aout et dont nous parlons en occident est-il une invention de « Blanc occidental Â» ? Les restes bazardĂ©s du Blues originel. Un peu comme ce qu’il peut rester d’une crĂ©ation, d’une bizarrerie ou d’une particularitĂ© individuelle, linguistique ou culturelle brute après son industrialisation, son concassage, sa standardisation et sa commercialisation. Un Ă©chantillon.

Je crois me rappeler qu’au dĂ©part, le Blues Ă©tait plutĂ´t une musique peu convenable. Donc interdite sur les lieux officiels et publics, les jours d’affluence comme en plein jour. Comme le Gro-Ka.  Comme le Maloya. Comme le Rock ensuite. Puis comme le Rap. Comme toute forme et force d’expression identitaire et culturelle intestine qui dĂ©range une norme et une forme de pensĂ©e militaire, Ă©conomique, sociale et religieuse dominante.

 

Après l’administration du traitement de choc- ou de cheval- de l’industrialisation, du concassage, et de la commercialisation, on viendra ensuite déplorer que telle source, tel Art, telle culture ou telle personne a perdu son âme et s’est tarie. Qu’elle est devenue polluée ou insipide….

 

Peut-ĂŞtre que ces remarques sont  des conneries dominantes. Et qu’il suffit d’écouter avec ses oreilles sans chercher Ă  faire pschitt et son show en jouant avec des « shit holes Â» : avec les trous Ă  merde de certaines Ă©lucubrations.   

 

Plus qu’une opposition chronique et manichĂ©enne entre noirs et blancs, et entre Occident et Afrique, cette anecdote avec ce chanteur de « mĂ©tro Â» est Ă  nouveau le constat de l’échec rĂ©pĂ©tĂ© de certains aspects de notre « modernitĂ© Â» :

 

Les transports en commun sont un formidable et indiscutable moyen de déplacement. Internet et les réseaux sociaux font désormais partie de nos transports en commun.

Mais nous sommes souvent les marchandises et les prisonniers communs de nos transports en commun. 

Et nous sommes des marchandises et des prisonniers Ă©blouis par des ailleurs qui sont sĂ»rement assis Ă  quelques mètres de nous. Mais nous ne les voyons pas. Nous ne les reconnaissons pas. Parce que nous avons d’autres connexions Ă  faire.  Il n’est pas certain que mĂŞme ce chanteur parti au bout de deux chansons pourtant calibrĂ©es pour s’Ă©vader s’en sorte mieux que nous :

On peut passer sa vie à être à l’heure à nos rendez-vous et, finalement, avoir néanmoins plusieurs trains ou plusieurs métros de retard.

 

Parfois, pour essayer de changer de vie et de boulons, certaines personnes dĂ©cident de tout faire sauter. D’autres se jettent sur les rails. D’autres encore agressent physiquement et moralement d’autres personnes ou les volent. Il s’agit heureusement d’une minoritĂ©. Ça créé du changement chez certaines personnes. Mais ça créé aussi beaucoup de traumatismes qui pousseront peut-ĂŞtre d’autres personnes Ă  vouloir ensuite tout faire sauter, se jeter sur les rails,  agresser et voler leur entourage…

 

 

Arrivé à ma station de métro, j’ai fait comme la plupart des gens. Je me suis descendu calmement dans un coin puis je suis allé travailler.

 

 

Franck Unimon, mercredi 19 aout 2020.

 

 

 

 

 

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Cinéma self-défense/ Arts Martiaux

Ip Man 4

 

 

                                        Ip Man 4- Le Dernier Combat

«  C’est naze ! Â». Une grimace.

 

Il y a plein de films Ă  voir au cinĂ©ma depuis que certaines salles ont rouvert le 22 juin. Des films que j’aimerais voir et Ă  propos desquels j’ai un très bon a priori. Je vais en citer quelques uns :

 

Voir le jour  de Marion Laine ; The Crossing de Bai Xue ; L’infirmière de KĂ´ji Fukada ; Le DĂ©fi du champion  de Leonardo D’agostini ; The Perfect Candidate de Haifaa Al-Mansour ; Lil’ Buck, Real Swan de Louis Wallecan et d’autres dĂ©jĂ  sortis ou qui vont sortir en salles.

 

Mais je ne pourrai pas voir la plupart de ces films comme d’autres rĂ©alisations avant eux. D’abord parce-que j’écris pour le plaisir. Et ce plaisir ne me paie pas financièrement. C’est mon mĂ©tier d’infirmier en pĂ©dopsychiatrie (de nuit depuis quelques annĂ©es) qui continue de me faire vivre. Je ne me plains pas : bien des personnes sont au chĂ´mage ou ont perdu leur emploi rĂ©cemment du fait du Covid-19 ou vont bientĂ´t le perdre.

 

Ecrire un article

 

Ensuite, Ă©crire un article me prend du temps. Au minimum entre 3 Ă  5 heures en moyenne.  Et c’est comme ça depuis longtemps.

 

Avant la naissance de ma fille, j’arrivais à concilier mon métier d’infirmier, mes séances de cinéma et l’écriture d’articles à propos des films que je voyais ou des acteurs et réalisateurs que je rencontrais. Ma fille est née. J’en suis content. Et, comme chaque parent, aussi, désormais, je fais l’expérience qu’avoir un enfant ou plusieurs divise mon temps par deux ou par trois.

 

Evidemment, entre choisir de passer du temps avec ma fille et passer du temps au cinéma et à écrire, je choisis encore ma fille.

 

 

Dans sa biographie Ma Vie en rĂ©alitĂ© que j’ai fini de lire, et dont je compte bien reparler bientĂ´t dans un article, Magali Berdah, qui « s’occupe Â» des influenceurs tels Nabilla et Julien Tanti mais fait aussi de la tĂ©lĂ©,  dit travailler 16 heures par jour et fait comprendre qu’après ses journĂ©es de travail, elle enchaine avec sa vie de mère ( elle a trois filles) et de femme au « foyer Â». Aujourd’hui, elle gagne très bien sa vie. Mais il y a encore quatre ou cinq ans, elle Ă©tait surendettĂ©e.

 

 

Je n’ai pas 16 heures par jour Ă  consacrer Ă  l’écriture et Ă  mon blog en plus de mon mĂ©tier d’infirmier et de ma fille par exemple. C’est sĂ»rement pour cela que je suis encore « loin Â» d’une certaine rĂ©ussite avec mes articles et mon blog. D’autant que je constate « bien Â» que, souvent, derrière la rĂ©ussite ( quelle que soit la rĂ©ussite) se niche une certaine quantitĂ© d’heures de travail en plus d’un Savoir faire et d’un « ruisseau Â» ( un rĂ©seau) de connaissances et de sympathies dans le milieu oĂą l’on veut Ă©voluer.

Mon engagement dans mes articles et mon blog est sincère. Mais cet engagement est sans doute encore trop discontinu, trop limitĂ© et trop confidentiel pour rencontrer un public plus large. J’utilise aussi sans aucun doute des moyens de communication encore trop inappropriĂ©s.  J’aime prendre le temps d’écrire. Mes articles sont assez longs alors que l’on est beaucoup dans une Ă©poque d’images, de buzz et de « punchlines Â». Une photo ou une vidĂ©o bien choisie, bien montĂ©e, a une vitesse de propagation bien plus forte, peut-ĂŞtre Ă©quivalente Ă  celle d’une balle, qu’une centaine de phrases.  

 

Et puis, je suis attachĂ© Ă  la polyvalence. Il y a des thĂ©matiques qui « marchent Â» bien sur le net pour peu qu’on en parle « bien Â» :

 

Mode et people, cosmétique, cuisine, tourisme, bricolage, certaines musiques, fitness, sport, un certain cinéma…..

 

Je ne rejette pas ces thĂ©matiques. Je peux aussi les accoster si ce n’est dĂ©jĂ  fait. Mais j’aime aussi aller vers d’autres sujets que je crois moins porteurs. Ou peut-ĂŞtre aussi que je les « vends Â» très mal. Il est vrai que je ne me vois pas passer toutes mes journĂ©es sur mon blog, sur mes articles et sur les rĂ©seaux sociaux. Mais dès que j’ai un peu plus de disponibilitĂ©, j’en profite pour publier plusieurs articles de manière rapprochĂ©e.

 

 

A côté de ça, lire aussi prend du temps. Que ce soit des livres ou des articles. Ainsi qu’avoir une compagne (la mère de ma fille).

MĂŞme si ma compagne me laisse plus de latitude pour Ă©crire, lire et faire du sport que certaines compagnes ou certains compagnons. Et, chez nous, je peux Ă©crire jusqu’à très tard la nuit. Je peux aussi Ă©crire après une nuit de travail sans me reposer et dĂ©jeuner. Puis, manger un bout de pain et de fromage et partir chercher ma fille au centre de loisirs parce-que c’est l’heure. C’est ce qui s’est passĂ© il y a quelques jours en Ă©crivant GĂ©missements. ( GĂ©missements).

 

 

On pense peut-ĂŞtre que ce que je raconte n’a rien Ă  voir avec le film Ip man 4 ? Que je ferais mieux de parler du film au lieu de raconter ma vie ? Pourtant, dès le dĂ©but de cet article, Ă  ma façon, j’ai commencĂ© Ă  raconter le film et Ă  donner mon avis Ă  son sujet. 

 

C’est naze !

 

 

«  C’est naze ! Â». C’est une remarque faite par un de mes anciens collègues dans un des prĂ©cĂ©dents hĂ´pitaux oĂą j’ai travaillĂ©. Spock (c’est le surnom que je lui avais donnĂ©) allait beaucoup moins souvent moi au cinĂ©ma. Mais il trouvait « nazes Â» tous ces films de Kung-Fu, d’action, d’arts martiaux et de sports de combat oĂą tout Ă©tait prĂ©texte pour se bastonner.

 

C’était il y a plus de vingt ans.

 

Spock est aujourd’hui Ă  la retraite depuis plusieurs annĂ©es. Il a fait partie de mes modèles :

 

Que ce soit au travail ou dans la vie, il semblait toujours maitre de lui-mĂŞme et serein. Il semblait toujours savoir comment agir et penser. Et je l’avais vĂ©rifiĂ© plusieurs fois en pratique devant des situations oĂą j’estimais que j’aurais fait « moins bien Â» que lui. OĂą j’aurais plus que pataugĂ©.

 

Spock avait aussi pour lui la faculté de l’humour et de la dérision.

 

Lors de cette remarque «  c’est naze ! Â», Spock, mon aĂ®nĂ© de plusieurs annĂ©es, Ă©tait dĂ©ja un homme Ă©tabli avec femme, maison, petit chien, grosse voiture ( une BMW) et enfant. Plus tard, la quarantaine passĂ©e, il allait passer son permis moto et nous allions le voir arriver au travail sur sa grosse moto. A ce jour, je n’ai jamais rĂ©ussi Ă  briser l’interdit maternel me commandant de ne jamais faire de la moto. Pourtant, mes yeux brillent assez souvent en voyant passer une moto.

Aide-soignante pendant des annĂ©es en rĂ©animation, ma mère avait eu Ă  s’occuper de plusieurs jeunes motards qui, une fois sortis du coma lui avaient dit :

 

« E….tu as un fils ? Ne lui achète jamais de moto ! Â». A l’âge de l’adolescence, lorsque, comme d’autres jeunes garçons je m’étais avancĂ© vers ma mère en faveur d’une mobylette, celle-ci s’était très vite montrĂ©e catĂ©gorique. Et je n’ai mĂŞme pas essayĂ© d’insister. Ma mère m’avait prĂ©parĂ© depuis tellement d’annĂ©es Ă  ce refus.

 

 

Lorsque j’ai commencĂ© Ă  connaĂ®tre Spock, après mon service militaire, je venais d’emmĂ©nager dans un studio de fonction fourni alors par l’hĂ´pital. J’étais encore cĂ©libataire et je collectais plutĂ´t les histoires sentimentales Ă  la mords-moi-le-nĹ“ud. Professionnellement, j’étais au dĂ©but de ma croissance mĂŞme si j’avais dĂ©ja commencĂ© Ă  me constituer quelques expĂ©riences. Spock, lui, il Ă©tait bien-sĂ»r dĂ©jĂ  un professionnel reconnu plutĂ´t unanimement. Une sorte « d’ancien Â» Ă  qui je m’adressais lorsque j’avais besoin de  rĂ©ponses diverses sur certains sujets personnels et professionnels sensibles et qui m’a accordĂ© plusieurs fois son attention et sa bienveillance. Il Ă©tait d’autres personnes dans le service, parmi mes collègues plus âgĂ©s, principalement des hommes, que je voyais comme des modèles. Spock en faisait partie. Scapin et D….aussi. Ainsi que P, un autre infirmier dont j’admirais la dĂ©contraction en toute circonstance, le fait qu’il soit musicien ainsi que son humour. Tous ces collègues qui faisaient partie de mes modèles avaient le sens de l’humour. Y compris de l’humour très noir. Ce qui me convenait bien.

 

Et puis, Ă  force d’apprendre, on « grandit Â». D….s’est suicidĂ©. Il a Ă©tĂ© retrouvĂ© pendu au bout d’une corde chez lui par son fils adolescent. P est devenu la « chose Â» de notre cadre que j’avais un peu connue infirmière alors que j’étais encore Ă©tudiant ( on disait « l’élève Â» pour « Ă©lève infirmier) et qui, l’accès au Pouvoir « aidant Â», s’est Ă©rigĂ©e de plus en plus en autoritĂ© dynastique – et supra anxieuse. Et, ceci, avec le consentement mutuel du mĂ©decin chef, parfait dans le rĂ´le hypocrite et politique du descendant direct de Ponce Pilate qui s’en lavait les mains pourvu que « sa Â» maison (le service et le pĂ´le de psychiatrie adulte de l’hĂ´pital) lui appartienne.

Scapin, lui, avait eu besoin de partir travailler dans un autre service de l’hôpital.

De mon cĂ´tĂ©, j’ai fait quelques conneries dont, selon moi, les principales, ont surtout Ă©tĂ© de nĂ©gliger l’image (entre autre, parce-que je m’auto-dĂ©valorisais beaucoup) que je donnais de moi. D’être trop gentil et de m’en remettre un peu trop Ă  la bonne comprĂ©hension et au bon vouloir des autres. Et d’être restĂ© trop longtemps collĂ© Ă  ce service et Ă  cet hĂ´pital devenus une sorte de seconde membrane ( nĂ©vrotique) Ă  laquelle j’avais fini par avoir peur de m’arracher. Alors que je savais qu’il fallait le faire. Comme je savais avoir dĂ©jĂ  travaillĂ© ailleurs avant ce service et cet hĂ´pital et donc ĂŞtre capable de le refaire. Mais il y avait une dissociation entre ce que je comprenais intellectuellement : ce que la raison me soufflait de faire. Et mes Ă©motions ( la peur, l’attachement nĂ©vrotique) et mon corps.

 

Mais quand arrive le dĂ©clic, enfin, on part. On part par nĂ©cessitĂ©. Pour soi.  

 

 

Dans Ip Man 4, Ip Man, la soixantaine, apprend qu’il est porteur d’un cancer malin. Or, son fils adolescent cumule les conneries Ă  l’école. Il se bat tout le temps pour un oui et pour un non. Son fils est  (aussi) en colère contre lui depuis la mort de sa mère. Ip Man (l’acteur Donnie Yen) envisage donc d’envoyer son fils poursuivre ses Ă©tudes aux Etats-Unis puisque l’établissement oĂą est scolarisĂ© son fils ne veut plus lui donner de nouvelle chance. Les Etats-Unis sont l’équivalent d’un pays de la Seconde chance. LĂ  oĂą l’on peut repartir du bon pied. Comme une bonne pension. Mais ce voyage est quand mĂŞme une aventure. Changer de pays. De langue. De culture. De mĹ“urs. De monnaie. Ip Man, qui a rĂ©ellement existĂ©, dans la vraie vie, n’a pas fait ce voyage. Mais il aurait pu. D’ailleurs, quand j’y pense maintenant, mon grand-père paternel avait environ la soixantaine, l’âge du personnage d’Ip Man dans le film, la première fois qu’il a quittĂ© sa Guadeloupe natale pour venir en France oĂą plusieurs de ses fils ( dont mon propre père) Ă©taient partis travailler Ă  l’âge adulte.

 

 En quittant mon service de psychiatrie adulte oĂą j’avais connu Spock, Scapin, D, P et d’autres,  j’avais Ă©tĂ© surpris d’apprendre qu’aucun de mes collègues, dans une certaine unanimitĂ©, ne se seraient risquĂ©s Ă  tenter l’expĂ©rience professionnelle et personnelle que je m’apprĂŞtais Ă  vivre : aller travailler en pĂ©dopsychiatrie. A faire le « voyage Â» en pĂ©dopsychiatrie.

 

C’était il y a vingt ans.

 

Entretemps, j’avais aussi appris que les super-héros n’existent pas. Certains modèles que j’avais pu idéaliser à une époque de ma vie m’étaient apparus, avec le temps, plus vulnérables qu’ils ne le semblaient. Plus faillibles. Voire pas toujours si honorables que cela.

J’avais Ă©galement appris que mĂŞme celles et ceux qui roulent des mĂ©caniques et qui semblent increvables et très sĂ»rs d’eux ont tous leurs moments indiscutables de faiblesse ou de dĂ©bâcle. Et, moi aussi, j’avais dĂ» apprendre Ă  faire connaissance avec mes propres limites :

On peut jouer un rĂ´le devant les autres Ă  condition de savoir rester sincère au moins avec soi-mĂŞme et de bien se connaĂ®tre. Ça nous Ă©vitera de trop en faire. De trop nous la jouer. Ça nous aidera, aussi, Ă  avoir des relations plus sincères avec les autres. On peut truquer les apparences et tricher avec elles. Et on peut obtenir plein de « choses Â» comme ça. En truquant. Mais cela impliquera de passer sa vie en restant sur le qui-vive en permanence. Je ne veux pas d’une vie telle qu’on la voit dans Le Talentueux Mr Ripley.

 

 

Quand débute Ip Man 4, Ip Man est un homme simple. Il n’est plus ce jeune combattant d’un milieu social aisé aimant relever les défis comme nous le montre Wong Kar-Wai au début de son film The Grandmaster ( réalisé en 2013) avec l’acteur Tony Leung Chiu-Wai dans le rôle d’Ip Man.

 

Dans Ip Man 4, Ip Man, pourtant réputé, subsiste en donnant des cours de Wing Chun dans son école à des élèves qui l’idolâtrent mais qui sont aussi très bornés et assez peu doués. Ils rappellent ces élèves dont Kacem Zoughari parle dans l’interview qu’il donne au magazine Yashima dit ( je cite ce passage dans l’article Gémissements) :

 

 

«  Certains Ă©lèves copient le maitre jusque dans ses dĂ©formations de dos, de genou, etc. Au-delĂ  de l’aspect caricatural, c’est mĂŞme dĂ©lĂ©tère pour leur santĂ© ! Ce type de pratiquants intĂ©gristes refusent souvent aussi souvent de voir ce qui se fait ailleurs pour ne pas corrompre l’image qu’ils ont de leur maĂ®tre. C’est une grave erreur Â».

 

Ces Ă©lèves (comme ceux d’Ip Man dans Ip Man 4) sont incapables de penser par eux-mĂŞmes. Ils se fondent dans le groupe.  A mon avis, ces Ă©lèves n’ont pas de conscience. Pas de capacitĂ©- bienveillante- d’autocritique. Ils sont soit sur la dĂ©fensive soit dans l’attaque. Il y a très peu de nuance entre ces deux actions. On peut  aussi retrouver ça chez  certains intĂ©gristes (religieux, administratifs,  technocratiques, conjugaux ou autres) qui s’évertuent Ă  appliquer des règles et des protocoles Ă  la microseconde et au millimètre près par automatisme sans prendre le temps, Ă  un moment ou Ă  un autre, de se demander si la procĂ©dure ou l’action engagĂ©e Ă©tait vĂ©ritablement, rĂ©trospectivement, la plus appropriĂ©e. On attaque et on frappe d’abord. On rĂ©flĂ©chit après. Si on y pense. Si on estime utile de se demander après coup si c’était bien utile d’attaquer d’abord. Dans une scène du film, face Ă  une situation totalement nouvelle – quoique pacifique- on voit donc les Ă©lèves d’Ip Man très combattifs, excitĂ©s et très bavards. Mais aussi très bornĂ©s et très sourds. Ils provoquent eux-mĂŞmes la bagarre qu’ils entendent Ă©viter en espĂ©rant sincèrement protĂ©ger leur Maitre qui, Ă  aucun moment, n’est menacĂ© : Ip Man.

 

 

J’ai choisi de travailler en psychiatrie (puis en pĂ©dopsychiatrie) au lieu de rester dans un service de soins somatiques car j’ai refusĂ© d’être un automate. Je crois que la santĂ© mentale est un milieu qui m’a permis de penser, de mieux penser, par moi-mĂŞme.  Mais on peut travailler en psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie et se comporter comme un automate. On peut aussi combattre comme un automate. 

 

On peut mĂŞme faire sa vie comme un automate tout en cumulant les honneurs et les signes extĂ©rieurs de « rĂ©ussite Â» et d’épanouissement personnel.

 

On peut aussi très bien penser et croire que l’on peut tout rĂ©soudre dans sa vie juste par l’adresse de la pensĂ©e. En psychiatrie et en pĂ©dopsychiatrie, on peut aussi ĂŞtre très « fort Â» (on est surtout très nĂ©vrosĂ©) dans ce domaine :

Pour croire Ă  ce que j’appelle la pensĂ©e « souveraine Â». Qu’il suffit de penser pour aller bien et mieux.

Dans certains compartiments de ma vie et Ă  certains moments de ma vie, mon « entraĂ®nement Â» en psychiatrie m’a aidĂ© et m’aide. Mais dans d’autres situations, je suis aussi complètement Ă  cĂ´tĂ© de la plaque ou je peux ĂŞtre complètement Ă  cĂ´tĂ© de la plaque.

 

 

J’ai appris que, peu après son départ à la retraite, Spock avait quitté femme et enfants pour partir vivre avec un ancien amour. Spock, l’inébranlable, s’est révélé, finalement, plus vulnérable. Il a été jugé moralement, par certaines connaissances communes, pour cela. Il l’est sûrement encore. Spock, homme très droit, en partant vivre avec cet ancien amour a pu alors donner l’impression d’être un fuyard, un menteur, un calculateur et un homme égoïste qui battait pavillon après avoir claironné pendant des années que tout dans sa vie lui allait. Au point qu’il avait pu lui arriver de citer son mariage en exemple, avec un peu de provocation, devant des jeunes collègues ( des femmes) séparées ou divorcées de leur compagnon ou de leur conjoint.

 

 

Plus qu’un vantard et un fuyard, je vois en Spock un homme qui, devant la mort, s’est dit qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps pour le perdre dans les options du mensonge. Et pour lequel, vivre selon ses désirs plutôt que selon ses devoirs et les apparences sociales, est devenu alors la priorité. Il y a des femmes et des hommes qui font le même choix que Spock bien plus tôt. Il en est d’autres qui aimeraient pouvoir faire ce genre de choix.

 

Les arts martiaux sont aussi un art de vivre et donnent aussi des rĂ©ponses Ă  ce qui nous prĂ©occupe. Pour d’autres, la religion joue ce rĂ´le. 

 

Dans Ip Man 4, on pourrait penser qu’Ip Man, expert en arts martiaux, saurait comment s’y prendre avec son fils. On comprend très vite que c’est le contraire. Le grand expert Ip Man est dĂ©passĂ© par les agissements de son fils adolescent qui lui manque de respect de façon rĂ©pĂ©tĂ©e. C’est un des points du film que j’ai le plus aimĂ©s d’autant qu’il me parle beaucoup en tant que père :

 

Avant d’être père, lorsque je lisais des interviews de cĂ©lĂ©britĂ©s diverses, j’étais obsĂ©dĂ© par une question qui revenait assez souvent et qui Ă©tait :

 

Quelles sont ses relations avec ses parents ?

 

Aujourd’hui,  rĂ©gulièrement, lorsque je vois une cĂ©lĂ©britĂ© quelconque, je me dis assez souvent :

 

«  Dans ce domaine, il (ou elle) est extraordinaire. C’est un champion (ou, c’est une championne). Mais je me demande comment il/elle s’en sort avec son enfant lorsqu’il se rĂ©veille la nuit ? Son enfant fait-il ses nuits ? Â».

 

RĂ©cemment, sur un rĂ©seau social, un ami très sportif a postĂ© une nouvelle vidĂ©o d’un coach fitness faisant une dĂ©monstration. Je n’ai rien Ă  dire sur sa dĂ©monstration et je n’ai rien contre ce coach fitness. Mais, ça a Ă©tĂ© plus fort que moi : nous voyons en permanence des vidĂ©os de vedettes (ou autres) dont la vie semble rĂ©glĂ©e comme du papier Ă  musique, progĂ©niture comprise. Alors, j’ai laissĂ© un commentaire dans lequel je disais que j’aimerais bien voir ce coach fitness lorsque sa compagne lui rappelle qu’il y a la vaisselle et le mĂ©nage Ă  faire, la couche du bĂ©bĂ© Ă  changer etc….

 

Je crois que ça n’a pas plu Ă  un internaute. Et je le comprends : ce coach fitness n’est pas lĂ  pour nous parler de sa vie personnelle. Mais ma rĂ©action a Ă©tĂ© provoquĂ©e par cette lassitude de voir rĂ©gulièrement des images de « personnes Â» quelque peu immaculĂ©es tandis que, nous, au quotidien, hĂ© bien, il nous arrive de ramer sans maquilleuse et sans monteur pour raccommoder le tout et nous restituer une image très flatteuse de nous-mĂŞmes.

 

MĂŞme si Ip Man, dans Ip Man 4 reste Ă©videmment très digne, il m’a beaucoup plu de voir ce sujet d’une relation conflictuelle entre un père (illustre qui plus est) et son fils adolescent dans un film « d’arts martiaux Â». Parce-que l’univers des Arts Martiaux et des sports de combat et de Self-DĂ©fense est quand mĂŞme un univers, oĂą, malgrĂ© toutes les paroles officielles de « humilitĂ© Â», « respect de l’autre Â» etc…on va aussi très loin dans le narcissisme, la suffisance et l’autosatisfaction. Ce que l’on retrouve (ce narcissisme et cette suffisance)  dans Ip Man 4 lorsqu’Ip Man, arrivĂ© depuis peu aux Etats-Unis, va rendre visite au prĂ©sident de l’association culturelle chinoise. Lequel prĂ©sident de l’association culturelle chinoise est le seul habilitĂ© Ă  lui faire la lettre de recommandation pouvant lui permettre d’inscrire son fils ans un Ă©tablissement amĂ©ricain.

 

 

On peut le dire, je crois : si Ip Man croit naĂŻvement et humblement que cette rencontre va se dĂ©rouler facilement, il est reçu comme de la merde par ce prĂ©sident d’association culturelle chinoise. Ainsi que par la majoritĂ© des personnes qui constituent l’assemblĂ©e qui entoure ce prĂ©sident d’association culturelle, Ă©quivalent dans cette situation d’un haut dignitaire chinois alors que pour les AmĂ©ricains (blancs) il est n’est qu’un « petit Â» chinois de rien du tout.

 

Jet Li dans le film ” The One”. Photo achetĂ©e lors d’un festival de Cannes au dĂ©but des annĂ©es 2010.

 

La Grimace

 

La grimace mentionnĂ©e au dĂ©but de cet article est peut-ĂŞtre celle du lecteur ou de la lectrice devant la longueur de cet article. Mais elle est sĂ»rement celle de Christophe, c’est son vrai prĂ©nom, il y a une dizaine d’annĂ©es, lorsqu’au festival de Cannes, tout content, je venais de lui montrer une photo de Jet Li que je venais d’acheter avec d’autres photos d’autres actrices et acteurs dans des films qui n’ont rien Ă  voir avec jet Li :

 

Karin Viard, Salma Hayek, Antonio Banderas, Béatrice Dalle, Jean-Hugues Anglade et Daniel Auteuil, Forest Whitaker, Sami Bouajila, Wesley Snipes, John Malkovich, Guillaume et Gérard Depardieu, Marie Meideros, Jeanne Balibar….

 

C’était alors l’époque du mensuel de cinéma papier, Brazil, dont Christophe était le rédacteur en chef. Brazil ou Le cinéma sans concessions dont j’étais un des rédacteurs.

 

Brazil était un journal plutôt tourné vers le cinéma d’auteur de tous horizons ainsi que vers le cinéma bis. Et assez peu sur le cinéma commercial et les grosses productions. Donc, pas tout à fait sur les films de Jet Li.

 

 

La continuité de Bruce Lee

 

 

Mais, pour moi, Jet Li, c’était la continuitĂ© de Bruce Lee. J’avais Ă©tĂ© Ă©patĂ© par la prestation de Jet Li plusieurs annĂ©es plus tĂ´t dans L’Arme fatale 4 (rĂ©alisĂ© en 1998 par Richard Donner) face Ă  Danny Glover et Mel Gibson. Et c’est drĂ´le de mentionner L’Arme Fatale 4  dans un article oĂą je parle de Ip Man 4.

 

Les pitreries de Jackie Chan (dans certains de ses films) après la mort de Bruce Lee m’avaient d’abord beaucoup contrariĂ©. Il m’avait fallu des annĂ©es pour comprendre la valeur d’un Jackie Chan. SĂ»rement parce-que je n’avais pas vu les « bons Â» films pour le dĂ©couvrir.

Mais avec Jet Li, dans L’Arme Fatale 4, ça avait été instantané et, ensuite, j’avais essayé d’en savoir plus sur lui.

 

La mauvaise image des films de Kung-Fu, d’action, d’arts martiaux, de Wu Xi Pian et autres, provient du fait qu’en occident, on a enfermĂ© ces films dans une boite. Celle d’un spectacle. Celle d’une addition de performances. Celle d’une caricature de l’homme infatigable, capable de cascades martiales innombrables comme dans un cirque. On a gardĂ© ce qui tape Ă  l’oeil dans les arts martiaux. On en a fait une sorte de pop-corn ou de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© avec un scĂ©nario stĂ©rĂ©otypĂ© et simplet que l’on a dĂ©clinĂ© Ă  la chaine un peu comme cela se fait dans beaucoup de films pornos. Parce-qu’il y avait un marchĂ© et du fric Ă  se faire. Les gens voulaient voir des films de Kung Fu ? Ils voulaient un peu d’exotisme ?  On allait leur donner des films de Kung Fu.

 

RĂ©sultat : l’Histoire et l’esprit des arts martiaux ont disparu puisque tout ce que l’on a cherchĂ© Ă  rĂ©pliquer, c’est une recette pour faire venir des consommateurs plutĂ´t que des adeptes ou des disciples Ă©ventuels. Un peu comme on l’a fait avec Lourdes ou tout autre lieu de recueil religieux devenu l’équivalent d’un centre commercial.

 

 

C’est quand mĂŞme Spock, je crois, qui m’avait recommandĂ© la lecture de La Pierre et le sabre  que j’avais lu ! ( et beaucoup aimĂ©). Ce livre d’Eiji Yoshikawa, classique pour certains adeptes des Arts Martiaux, a pourtant bien des points communs ( et vitaux) avec des personnalitĂ©s comme Bruce Lee, Jet Li ou d’autres qui se sont fait connaĂ®tre dans des films considĂ©rĂ©s comme « nazes Â» par Spock et d’autres !

 

 

Bruce Lee et MichaĂ«l Jackson :

 

Et puis, Ă  l’inverse, lorsque certains intellectuels, peut-ĂŞtre pour se donner un cĂ´tĂ© « rebelle Â» ou « rock and roll Â», parlaient de Bruce Lee, ça a pu faire flop. Je repense Ă  ce livre Ă©crit par un journaliste des Cahiers du cinĂ©ma. Son intention Ă©tait louable. Mais en commençant Ă  lire son livre ( j’ai vite interrompu sa lecture) dans lequel il nous parlait de son attachement Ă  Bruce Lee, j’avais eu cette impression que la musicienne et chanteuse Me’shell a pu dĂ©crire en Ă©coutant certains morceaux de musique de MichaĂ«l Jackson produits post-mortem :

 

Celle d’une musique sans corps.

 

Me’Shell Ndégéocello avait appris que Michaël Jackson avait besoin de danser quand il enregistrait en studio. Et que cela ne ressortait pas dans certains des titres produits –et commercialisés- plusieurs années après sa mort.

 

En commençant Ă  lire le livre de ce journaliste des Cahiers du cinĂ©ma, j’avais peut-ĂŞtre eu la mĂŞme impression :

Trop d’intellect. Pas assez de corps. Pour un livre censĂ© nous parler de Bruce Lee !

Ça fait penser à ces musiciens très calés techniquement mais dont la musique nous ennuie. Ou à ces profs très cultivés mais dont les cours sont atones.

 

A travers mes articles, j’essaie autant que possible d’éviter de ressembler à ces exemples.

 

 

 

Ip Man 4 – Le dernier combat de Wilson Yip, donc.

 

 

Le magazine Taichichuan ( le numéro 2 paru il y a plusieurs semaines) montre l’acteur Donnie Yen, interprète de Ip Man, en couverture. Le magazine, par son rédacteur en chef, encense le film.

 

 

 

J’ai envoyĂ© un mail au rĂ©dacteur en chef de Taichichuan  (et Ă©galement rĂ©dacteur en chef d’autres magazines tels que Self & Dragon mais aussi Survivre) pour demander Ă  l’interviewer. C’était il y a plus d’un mois. Je n’ai pas eu de rĂ©ponse. Sans doute ce rĂ©dacteur en chef Ă©tait-il trop occupĂ©. Peut-ĂŞtre aussi considère-t’il que ce sont plutĂ´t les Maitres et experts qui interviennent dans les magazines dont il est le rĂ©dacteur en chef qu’il faudrait plutĂ´t chercher Ă  rencontrer et Ă  interviewer ?

Et puis, mĂŞme si je suis devenu un lecteur des magazines dont il est le rĂ©dacteur en chef, je suis un inconnu pour lui. Et il avait sĂ»rement d’autres prioritĂ©s. Ou, peut-ĂŞtre faut-il que, d’une certaine façon, je persiste et fasse mes preuves ? Comme Ip Man, lorsqu’il dĂ©barque aux Etats-Unis dans Ip Man 4, doit faire ses preuves. Lui, avec son attitude et les Arts martiaux. Moi, avec mes articles.

 

 

Ce n’est nĂ©anmoins pas pour faire mes « preuves Â» ou pour apporter des preuves Ă©ventuelles que j’ai choisi hier matin, après ma nuit de travail, d’aller voir Ip Man 4. Et de poursuivre la rĂ©daction de cet article aujourd’hui après ma deuxième nuit de travail et avant ma sieste de rĂ©cupĂ©ration.

 

Hier, je suis allé voir ce film par plaisir. Comme on peut déjà l’avoir compris avec mon anecdote, à Cannes, à propos de la photo de Jet Li.

 

 

 

L’acteur Donnie Yen

 

J’ai dĂ©couvert Donnie Yen au cinĂ©ma il y a environ vingt ans. Je vĂ©rifie tout de suite :

 

Au moins depuis le film Hero rĂ©alisĂ© en 2002 par Zhang Yimou. Je ne me rappelle pas particulièrement de lui dans Blade 2  rĂ©alisĂ© par Guillermo Del Toro la mĂŞme annĂ©e.

 

Et, spontanĂ©ment, dans L’Auberge du Dragon rĂ©alisĂ© en 1992 par Raymond Lee et Tsui Hark, je me souviens surtout de Maggie Cheung que l’on ne voit plus aujourd’hui au cinĂ©ma et qui semble avoir « disparu Â» du cinĂ©ma peu après sa palme d’or d’interprĂ©tation pour son rĂ´le dans Clean, rĂ©alisĂ© en 2004 par Olivier Assayas et qui, pour moi, n’était pas du tout son meilleur rĂ´le.

 

Une fois, j’ai aperçu Maggie Cheung se rendant dans la salle de cinéma dont je venais peut-être de sortir. C’était avant son rôle dans In the mood for love de Wong Kar Wai (réalisé en 2000), je crois. Personne n’avait fait attention à elle m’a-t’il semblé. Par contre, mon regard sur elle avait sans doute été trop appuyé car j’avais eu l’impression qu’elle avait senti mon attention particulière.

 

Dans les annĂ©es 90 et 2000, lorsque je pense au cinĂ©ma asiatique, je pense d’abord Ă  des acteurs comme Tony Leung Chiu-Wai (un de mes acteurs prĂ©fĂ©rĂ©s qui rejoue avec Maggie Cheung dans In The Mood for love et qui, lui, obtiendra la palme d’or d’interprĂ©tation Ă  Cannes, l’annĂ©e oĂą Björk obtiendra la palme d’or d’interprĂ©tation pour son rĂ´le dans Dancer in the dark  de Lars Von Trier).

 

Dans les années 90 et 2000, lorsque je pense au cinéma asiatique, je pense aussi à Chow Yun-Fat, aux réalisateurs John Woo, Kirk Wong et Johnnie To. Bien-sûr, j’ai entendu parler de Tsui Hark et je lis et achète le magazine HK vidéo dont je dois avoir conservé tous les numéros.

Mais je pense aussi beaucoup, au Japon (pays oĂą je me rendrai en 1999, l’annĂ©e de la sortie du film Matrix des « frères Â» Wachowski) et Ă  Takeshi Kitano dont je vais voir la plupart des films.

 

Le premier film que je vois de Takeshi Kitano est Sonatine (réalisé en 1993). Et mon film préféré de John Woo avant son exil pour les Etats-Unis est A toute épreuve (ou Hard-boiled) réalisé en 1992.

 

Evidemment, j’irai voir Tigre et Dragon d’Ang Lee (réalisé en 2000) dont j’ai vu les premiers films comme Garçon d’honneur (réalisé en 1993).

 

J’irai aussi voir Le Secret des Poignards volants réalisé en 2004 par Zhang Yimou par exemple.

 

Mais il me faut encore plusieurs années avant que je n’apprécie vraiment des acteurs comme Leslie Cheung (un des rôles principaux dans Adieu ma concubine, de Chen Kaige, palme d’or à Cannes en 1993 ex-aequo avec La Leçon de Piano de Jane Campion que j’ai également vu et aimé) Andy Lau…ou Donnie Yen.

 

Leslie Cheung s’est malheureusement suicidé il y a plusieurs années maintenant.

Andy Lau m’a marquĂ© par son rĂ´le dans Infernal Affairs  dont le premier volet a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par Andrew Lau et Alan Mak en 2002.

 

Et, je crois que j’ai commencé à véritablement aimer le jeu de Donnie Yen en prenant de l’âge et avec les Ip Man. C’est assez récent. Un ou deux ans peut-être. J’ai déjà oublié.

 

Ces quelques acteurs asiatiques cités ( Andy Lau, Leslie Cheung, Chow Yun Fat, Tony Leung Chiu Wai, Donnie Yen….) s’ils sont majoritairement chinois ou de Hong-Kong, à l’exception de Takeshi Kitano, qui est japonais, ont pour eux d’avoir interprété des rôles dont des valeurs se retrouvent dans le personnage de Ip Man. A commencer peut-être par une certaine intégrité morale.

 

 Une certaine intĂ©gritĂ© morale

 

 

 

Avoir une très grande intĂ©gritĂ© morale ne suffit pas Ă  voir Ip Man dans Ip Man 4. Aux Etats-Unis, Ip Man tombe surtout de haut lorsqu’il rencontre avec humilitĂ© ses compatriotes chinois. Ceux-ci le mĂ©prisent. Le problème, c’est qu’en tant qu’experts d’arts martiaux,  et en tant que chinois, leur attitude aurait dĂ» ĂŞtre le contraire. Mais ils s’estiment en droit d’avoir une telle attitude et, ce, en tant que personnes hautement civilisĂ©es et raffinĂ©es. L’intĂ©gritĂ© morale d’Ip Man se confronte…. Ă  l’intĂ©grisme de ses pairs. Et, ce qui est malin dans le scĂ©nario, c’est que ces pairs reprochent Ă  Ip Man les agissements de Bruce Lee aux Etats-Unis, un de ses anciens Ă©lèves, mais, aussi, d’une certaine façon, son fils spirituel. On peut dire qu’Ip Man collectionne les problèmes avec ses fils. L’un, Ă  Hong-Kong, passe son temps Ă  se battre et se fait exclure de l’école. L’autre ( Bruce Lee), rĂ©ussit Ă  s’intĂ©grer aux Etats-Unis et Ă  susciter l’admiration publique mais inspire jalousies et suspicion. On pourrait voir un comique de rĂ©pĂ©tition mais on a plutĂ´t tendance Ă  avoir de la compassion pour Ip man. Alors que reste-il Ă  Ip Man comme atouts ? La persĂ©vĂ©rance, la confiance en soi et le sens de la diplomatie comme le refus d’offenser qui que ce soit mais aussi le refus de se rabaisser.

 

Bruce Lee dans Ip Man 4

Je m’en remets totalement Ă  la compĂ©tence du chorĂ©graphe, des acteurs et artistes martiaux dans ce film. Ce n’est quand mĂŞme pas moi qui vais espĂ©rer apprendre Ă  Scott Adkins ( le Marine Barton Geddes dans le film), Ă  Danny Kwok-Kwan ( Bruce Lee dans le film) Ă  Donnie Yen et aux autres comment on doit donner un coup de pied.

 

Mais Bruce Lee fait partie du panthĂ©on de notre mĂ©moire. Et cela pouvait ĂŞtre très risquĂ© de le faire «revivre Â» dans Ip Man 4. HĂ© bien, l’acteur Danny Kwok-Kwan, qui l’interprète dans Ip Man 4 , m’a bien plu. Mieux :

Aux Etats-Unis, on peut considĂ©rer que les AmĂ©ricains qui dĂ©fient Bruce Lee ( KaratĂ© contre Wing Chun pour simplifier) sont des enfants qui ont mal tournĂ©. On me pardonnera mon obsession dans cet article pour la filiation mais cette image me plait. Dans Ip Man 4, je vois tous ces AmĂ©ricains qui, forts de leur KaratĂ©, veulent affronter Bruce Lee, puis Ip Man, comme des enfants qui auraient reçu un enseignement martial  mais avec de mauvais tuteurs et qui souhaitent ensuite ardemment se mesurer ( ou se frotter) Ă  des adultes : des Maitres. 

Il y a d’ailleurs peut-ĂŞtre un sous-entendu dans le film : celui d’opposer la culture chinoise, millĂ©naire, Ă  la culture amĂ©ricaine, une culture jeune voire adolescente, donc immature, faite d’imports en tout genres, et qui croit pouvoir tout surmonter et tout maitriser par les seuls effets de sa volontĂ©, de ses relations et de sa vitalitĂ©. D’ailleurs, tous les opposants amĂ©ricains que l’on voit dans le film sont des caricatures du cow-boy bourrin qui sont tout en force. 

 

Kacem Zoughari (encore lui) dans le magazine Yashima, explique que bien des Maitres d’arts martiaux, dĂ©libĂ©rĂ©ment, transmettaient partiellement une partie de leur Savoir Ă  leurs Ă©lèves lorsque ceux-ci arrivaient Ă  un certain niveau de pratique donc de conscience. Et que pour confondre parmi ses Ă©lèves, le « traĂ®tre Â» Ă©ventuel, celui qui, ensuite allait « donner Â» ou vendre Ă  une autre Ă©cole une partie de son Savoir, il arrivait aussi que des Maitres changent des mouvements. A tel Ă©lève, ils montraient tels mouvements ou telle variation. A tel autre, d’autres mouvements. Le but Ă©tait donc de prĂ©venir les trahisons mais aussi de prendre le temps d’évaluer si l’élève Ă©tait fiable.

 

Dans Ip Man 4, on peut voir les AmĂ©ricains comme des combattants arrogants, très fiers d’exhiber leur trĂ©sor de guerre, le KaratĂ©, qu’ils ont arrachĂ© aux fiers japonais qu’ils ont aussi humiliĂ©s avec leurs deux bombes atomiques. Mais je crois qu’il faut aussi voir ces combattants amĂ©ricains comme les reflets enlaidis par l’ego, donc comme les rejetons, de ces Maitres qui les ont « enfantĂ©s Â». Car ces combattants amĂ©ricains ont appris leur KaratĂ© avec des Maitres et peu importe qu’ils soient japonais alors qu’Ip man et Bruce Lee, eux, sont chinois :

 

Les Maitres ( et pères spirituels) de ces combattants amĂ©ricains auraient dĂ» s’assurer qu’ils auraient – ensuite- Ă©tĂ© dignes de l’enseignement reçu.  Cela me rappelle un souvenir :

Enfant, j’ai pratiquĂ© un peu le karatĂ©. Je n’étais pas très douĂ©. Mais je me souviens de Boussade, dont le frère aĂ®nĂ© pratiquait aussi le karatĂ©. Un autre de ses frères, que j’allais croiser des annĂ©es plus tard sur un tatamis, pratiquait, lui, le Judo. Et il avait dĂ» ĂŞtre un très très bon judoka. Je me rappelle encore de certaines des “balayettes” ( ou sasaĂ©) qu’il m’a passĂ©es en me narguant des annĂ©es plus tard, alors, que, très fier de mon judo pubescent, j’attaquais. 

 

Mais notre professeur de karatĂ©, Danco ( ou Danko), avait un jour fait passer les ceintures. Boussade connaissait son kata pour changer de ceinture. J’aimais bien Boussade. C’était un camarade d’école. Mais, ce jour-lĂ , Danco avait refusĂ© de lui donner sa ceinture supĂ©rieure (la bleue ou la marron). Parce-que, lors de son kata, Boussade avait mis trop de hargne. Trop de violence. J’avais 12 ans tout au plus ce jour-lĂ . Et j’avais Ă©tĂ© plutĂ´t triste pour Boussade. Mais  je me rappelle encore de cette leçon aujourd’hui quarante ans plus tard. Comme on le voit, ce genre d’expĂ©rience marque.

 

 

Dans Ip Man 4, il est difficile de croire que les combattants américains qui défient Ip Man et Bruce Lee aient été remis à leur place par leur Maitre et père spirituel comme Boussade l’avait été ce jour par Danco ( ou Danko).

 

Un Maitre, un professeur ou mĂŞme un Ă©ducateur peut ĂŞtre un père spirituel ou symbolique. Certains de ces Maitres sont fascinĂ©s par la violence et l’encensent. D’autres ne s’en laissent pas conter par la violence. La violence ne les sĂ©duit pas. Et j’ai tendance Ă  penser qu’un Maitre qui sait s’en tenir Ă  une certaine abstinence en matière de violence pourra plus facilement inciter ses Ă©lèves au pacifisme. Alors que le « Maitre Â» qui, lui, kiffe la violence et le fait de soumettre les autres encouragera plus facilement ses Ă©lèves Ă  aller vers la violence voire et vers….le terrorisme. Surtout si ses Ă©lèves l’admirent et boivent ses paroles. Pour certains terroristes, pratiquer le jihad avec force violence et explosions revient sans doute Ă  avoir ” l’esprit du sabre” tel que peut le concevoir un pratiquant d’arts martiaux. Dans le film OpĂ©ration Dragonle dernier film rĂ©alisĂ© du vivant de Bruce Lee, Han, est plus proche du meneur de secte et du terroriste que du pratiquant d’arts martiaux qu’il a pourtant Ă©tĂ©. L’histoire se dĂ©roule sur une Ă®le. Mais on aurait pu imaginer que si ce film se tournait aujourd’hui, qu’on y verrait aussi des attentats dans certaines parties du monde comme on peut le voir dans bien des films de James Bond vers lequel OpĂ©ration Dragon lorgne. 

 

Pour revenir Ă  Bruce Lee dans Ip Man 4, on nous le montre plutĂ´t pragmatique et responsable (bien qu’un peu provocateur tout de mĂŞme). Il accepte le combat. Car il sait que le combat fait partie du Voyage qu’il a initiĂ© en se rendant aux Etats-Unis.  C’est, du reste, un des sens du film et de tous les films de ce genre :

Le combat est un voyage mais aussi un tremblement. S’opposer Ă  l’autre pousse Ă  faire un voyage vers soi-mĂŞme. Un voyage intĂ©rieur dont les tremblements nous rĂ©vèlent Ă  nous-mĂŞmes. Ulysse a accompli l’odyssĂ©e. Bruce Lee, lui, fait de mĂŞme au travers des arts martiaux qu’il amène aux Etats-Unis. A moins que ce ne soient les arts martiaux qui, par leur existence propre, ne le poussent Ă  se rendre aux Etats-Unis. Puisque au travers de ces Maitres chinois qu’Ip Man rencontre aux Etats-Unis, on comprend qu’ils sont les gardiens exclusifs et fĂ©roces d’un art martial qui a peut-ĂŞtre Ă©tĂ© très vivant en eux auparavant mais qu’ils ont laissĂ© mourir en quelque sorte pour mieux laisser pousser le souvenir qu’ils en ont. 

.

 Il me semble que lors du  second combat de rue de Bruce Lee (face Ă  un adversaire qui se servira finalement d’un nunchaku), on accède Ă  une dimension mystique des arts martiaux. C’est une chose de voir que Bruce Lee devine les mouvements – prĂ©visibles pour  lui- car mal appris finalement, mal incorporĂ©s, ou trop vite ingurgitĂ©s, de son adversaire qui a suffisamment de pratique pour intimider le citoyen lambda Ă©tranger au combat. Pratique qui se rĂ©vèle grossière devant un Maitre comme Bruce Lee qui « est Â» le combat. Un peu comme si, dans l’ocĂ©an, on voulait battre Ă  la nage un dauphin ou un requin avec une paire de palmes en carbone.

 

C’en est une autre de « voir Â», lorsque l’adversaire de Bruce Lee, dominĂ©, sort son nunchaku comme une baguette magique,  que c’était comme s’il touchait en fait Ă  une divinitĂ© ou Ă  un objet sacrĂ© qu’il souillait. Et que, pour cela, Bruce Lee, alors quasiment en transe, le corrigeait.

 

 

Conclusion

 

 

Dans cette opposition entre diffĂ©rents pratiquants d’arts martiaux dans Ip Man 4- Le dernier combat, on perçoit que pour certains adeptes, les arts martiaux servent surtout Ă  dĂ©truire ou Ă  assurer un sentiment personnel de suffisance et de supĂ©rioritĂ©.  Pour Ip Man, les Arts martiaux doivent servir Ă  « vaincre les prĂ©jugĂ©s Â». Si en prime abord, la position de Ip Man est « jolie Â» moralement et que ses relations avec son fils ainsi qu’avec la fille d’un de ses rivaux font partie des gros atouts du film, le message final gâche beaucoup. Parce-que le message final, concernant l’opposition entre le Wing Chun et le karatĂ©, c’est qu’en raison de son efficacitĂ© finalement dĂ©montrĂ©e, le Wing Chun va ĂŞtre enseigné…aux Marines qui sont formĂ©s pour dĂ©truire et tuer de par le monde pour assurer la domination amĂ©ricaine. Donc, c’est quand mĂŞme dommage d’avoir rĂ©alisĂ© un film qui prĂ´ne la tolĂ©rance, l’antiracisme, qui montre Ă  des pères qu’ils font erreur lorsqu’ils s’obstinent Ă  vouloir  Ă  tout prix imposer leurs propres rĂŞves Ă  leurs enfants pour, au final, nous dire :

 

Grâce Ă  Ip Man et au Wing Chun, l’armĂ©e amĂ©ricaine sera dĂ©sormais encore plus forte. Merci la Chine ! Quant aux Marines fortes tĂŞtes tels que Barton Geddes ( interprĂ©tĂ© par Scott Adkins) et son bras droit, Collins, qui se font « ratatiner Â», on ne sait pas ce qu’ils auront appris de leur dĂ©faite. Qu’ils ont eu tort ? Ou qu’ils doivent s’entraĂ®ner plus dur au karatĂ© pour revenir plus fort et aller dĂ©fier Ip Man dans sa tombe ?

 

 

Pareil pour la jeune lycĂ©enne amĂ©ricaine, blonde aux yeux bleus, qui, faute d’avoir Ă©chouĂ© Ă  museler la jeune chinoise Yonah a eu recours au harcèlement et Ă  la violence physique : on ignore ce qu’elle devient Ă  la fin du film. La maitresse de Bruce Lee ?

 

 

Cet article est une construction. Quelle que soit l’énergie consacrée pour l’écrire et le temps passé dessus, il est loin d’être une vérité absolue. Chaque nouvel article est sans doute un ancien article que l’on a déjà écrit et que l’on essaie de mieux écrire afin qu’il soit au plus près de nos émotions et de nos réflexions du moment.

 

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 14 aout 2020.

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

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Un article simple

 

                                                                 Un article simple. 

 

 

 

On peut aussi complĂ©ter la dĂ©couverte de cet article avec Dans la galerie de Michel ainsi qu’avec GĂ©missements

 

Franck Unimon, ce lundi 10 aout 2020. 

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On lui a dit.

On lui a dit.

 

 

Franck Unimon, lundi 10 aout 2020. 

A ma fille, ainsi que pour deux collègues, la première, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e et l’autre, puĂ©ricultrice. 

 

 

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Gémissements

 GĂ©missements.

C’est notre souffle qui nous tient. C’est Ă  dire : trois fois rien. Dans nos pensĂ©es et nos souvenirs se trouvent tant de trajectoires. De ce fait, on ne s’étonnera pas si je fais quelques excursions en des temps et des Ă©vĂ©nements diffĂ©rents et si je me retrouve ensuite Ă  nouveau dans le prĂ©sent.

 

Aujourd’hui, ce mercredi 5 aout 2020 oĂą il a fait entre 29 et 30 degrĂ©s Ă  Paris, je devrais ĂŞtre au cinĂ©ma. J’ai l’impression de le trahir. Il y a tant de films Ă  voir mĂŞme si le nombre de films a Ă©tĂ© restreint. Les salles de cinĂ©ma, pour celles qui ont pu rouvrir depuis le 22 juin,  peinent Ă  s’en sortir Ă©conomiquement.

 

EnrĂ´lĂ©es dans la bobine du cycle Covid-19, les salles de cinĂ©ma ont peu de spectateurs. Je m’en suis aperçu directement le 14 juillet en allant voir Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi. Le film m’a beaucoup plu. J’en parle dans un article qui porte le nom du film sur mon blog: Tout simplement Noir.

 

Mais nous Ă©tions Ă  peine dix spectateurs dans la grande salle de ce multiplexe parisien que je connais depuis plus de vingt ans. C’est vrai que j’y suis allĂ© Ă  la première sĂ©ance, celle de 9h et quelques, mais je ne crois pas que l’heure matinale ait jouĂ© tant que ça sur le nombre que nous Ă©tions dans la salle :

 

 Le confinement de plusieurs semaines dĂ» Ă  la pandĂ©mie du Covid-19 et l’arrivĂ©e de l’étĂ© au moins ont eu un effet sĂ©cateur sur le nombre des entrĂ©es. En plus, cela fait plusieurs mois qu’il fait beau. Je crois que les gens ont besoin de se rattraper. Ils ont aussi peut-ĂŞtre peur que le couteau d’un autre confinement ne se dĂ©ploie Ă  nouveau sous leur  gorge.  

 

 

Mais on va un petit peu oublier le Devoir ce matin. Ou on va le dĂ©fendre autrement.  On va se faire notre cinĂ©ma Ă  domicile.

 

 

Les photos qui dĂ©filent dans le diaporama sont un assemblage Ă  la fois de quelques photos de vacances, d’ouvrages que je lis, ai essayĂ© de lire ou voudrais lire, du Cd dont la musique m’a inspirĂ©….

 

Et je vais essayer de vous parler d’à peu près tout ça à ma façon.

 

 

On va vers l’autre pour essayer de combler ou de soulager un vide. Mais nous ne partons pas du même vide. Nous ne portons pas le même vide. Et nous ne parlons peut-être même pas du même vide. Beaucoup de conditions sont donc assez souvent réunies pour que, dans la vie, nous fassions….un bide. Et, pourtant, nous connaissons des réussites et des possibilités de réussite. Mais encore faut-il savoir s’en souvenir et s’en apercevoir.

 

 

Je ne connaissais pas du tout Magali Berdah dont j’ai commencĂ© Ă  lire la biographie, Ma Vie en RĂ©alitĂ©. J’en suis Ă  la moitiĂ©. Et j’ai très vite dĂ©cidĂ© de lire son livre plutĂ´t que celui de Julia De Funès intitulĂ© DĂ©veloppement ( Im) Personnel.  Qu’est-ce que je reproche au livre de Julia De Funès dont j’ai commencĂ© Ă  lire l’ouvrage ?

 

Le fait, d’abord, que l’on sente la « bonne Ă©lève Â» qui a eu des très bonnes notes lors de ses Ă©tudes supĂ©rieures et qui a, donc, une très haute opinion d’elle-mĂŞme. Je suis bien-sĂ»r pour avoir des bonnes notes et pour faire des Ă©tudes supĂ©rieures autant que possible. Je suis aussi  favorable  au fait d’avoir de l’estime de soi.  Parce qu’il peut ĂŞtre très handicapant pour soi-mĂŞme comme pour notre entourage de passer notre vie Ă  avoir peur de tout comme Ă  toujours dĂ©cider que l’on ne sait jamais rien et que l’on ne sait absolument rien faire en toute circonstance.

 

 Mais je ne crois pas Ă  la certitude absolue. Y compris la certitude scolaire.

 

Julia De Funès veut « philosophiquement Â» « dĂ©construire Â» les arnaques des « coaches Â» et des vendeurs de « recettes du bonheur Â» qui font florès. C’est très bien. Et j’espère bien profiter de ce qu’elle a compris de ces arnaques. Mais elle abat ses certitudes en se servant de sa carte routière de la philosophie dont elle connaĂ®t des itinĂ©raires et des soubresauts par cĹ“ur.  

 

Elle, elle Sait. Et elle va nous dĂ©montrer comme elle Sait  quitte Ă  ce que, pour cela, en la lisant, on ait mal Ă  la tĂŞte en essayant de suivre sa propre pensĂ©e inspirĂ©e de celles de très grands philosophes qu’elle a dĂ©chiffrĂ©s et qui ont rĂ©solu depuis l’antiquitĂ© le mal dont on essaie de se guĂ©rir aujourd’hui en tombant dans les bras et sur les ouvrages des  commerçants du dĂ©veloppement personnel qu’elle veut confondre.

 

RĂ©sultat immĂ©diat : pour accĂ©der Ă  sa connaissance et profiter de ses lumières, on comprend dès les premières pages de son livre qu’il faut avoir la philo dans la peau. On lit son livre comme on pourrait lire un livre de Droit. J’aime la philo. Et j’aime prendre le temps de rĂ©flĂ©chir.

 

 J’aime moins avoir l’impression, lorsque je lis un livre,  de devoir apprendre des lois. En plus, et c’est sĂ»rement un de mes torts, dès les premières pages, Julia de Funès cite Luc Ferry comme une de ses rĂ©fĂ©rences.  D’abord, je n’ai pas compris tout de suite. J’ai confondu Luc Ferry avec le Jules Ferry de l’école publique. Oui, j’ai fait ça. Ce genre de confusion. Et puis, comme Julia de Funès cite plusieurs fois Luc Ferry en moins de dix pages, j’ai  fini par comprendre.

 

J’ai sĂ»rement de très très gros prĂ©jugĂ©s envers Luc Ferry, ancien Ministre de l’Education. Mais, de lui, j’ai surtout retenu qu’il avait une très belle femme et qu’il savait se faire payer très cher pour des confĂ©rences sur la philo. Et quand je pense Ă  lui, je « vois Â» surtout quelqu’un de très suffisant. Je n’ai pas beaucoup aimĂ© ce qu’il a pu dire, dans le journal Les Echos,  ou peut-ĂŞtre plus dans Le Figaro. A savoir, que, selon lui, après le confinement, le business reprendrait «  as usual Â» et que, en quelque sorte, les Nicolas Hulot et toutes celles et tous ceux qui pensent comme lui, peuvent aller se rhabiller avec leurs histoires de « Il faut changer le monde et essayer de tirer des enseignements de ce que la pandĂ©mie du Covid a pu nous obliger Ă  comprendre du monde et de la vie Â».

 

On a le droit de critiquer Nicolas Hulot et celles et ceux qui lui ressemblent. On peut critiquer plein de choses sur la manière dont la pandĂ©mie a Ă©tĂ© gĂ©rĂ©e et dont elle continue d’être gĂ©rĂ©e. Mais dire que ce sera « business as usual Â» revient Ă  dire que notre monde marche bien tel qu’il est Ă©conomiquement, politiquement, industriellement et socialement ; qu’il est rĂ©glĂ© comme une horloge suisse et que rien ne peut ou ne doit modifier cet ordre et cet Ă©tat du monde dans lequel un Luc Ferry, « philosophe Â» de formation a ses entrĂ©es et ses privilèges. MĂŞme si Luc Ferry a sans aucun doute des connaissances et des raisonnements plus qu’honorables, il est vrai que, pour moi, pour l’instant, l’homme qu’il incarne est pour moi un repoussoir. Et voir que, dès le dĂ©but de son livre que j’ai eu pour l’instant un plaisir limitĂ© Ă  lire, Julia de Funès le place sur un piĂ©destal, m’a poussĂ© Ă  fermer son livre et Ă  passer Ă  la biographie de Magali Berdah.

 

Oui, Magali Berdah.

 

Car, la biographie de Magali Berdah, c’est le contraire. Je ne connaissais pas Magali Berdah auparavant. Et en tombant sur son livre Ă  la mĂ©diathèque, il y a quelques jours, je me suis dit que je pourrais apprendre quelque chose. De mon Ă©poque. Pour moi. Pour mon blog. Afin de  mieux le promouvoir mais aussi, peut-ĂŞtre, l’orienter diffĂ©remment. Sans pour autant aller dans la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© ou biberonner du Cyril Hanouna que Magali Berdah cite comme un de ses premiers soutiens avant de devenir «  la manageuse Â» des influenceurs et des influenceuses. Avec Julia de Funès, finalement, on est dans une pensĂ©e très puritaine. PensĂ©e que je partage aussi. Car je ne me fais pas tant que ça une si haute opinion de moi-mĂŞme :

 

Je peux, aussi, ĂŞtre très très puritain Ă  ma manière. Si ! Si !

 

Sauf que avoir un certain sens et une certaine idĂ©e de la moralitĂ© ne suffit pas pour ĂŞtre heureux et pour ce que l’on appelle « rĂ©ussir sa vie Â». Car notre vie se rĂ©sume quand mĂŞme souvent Ă  ces deux questions :

 

Sommes-nous heureux ? Et faisons vraiment nous tout ce que nous pouvons, dans la mesure de nos moyens, pour ĂŞtre heureux ?

Parce-que pour moi, rĂ©ussir sa vie, c’est ça : ĂŞtre heureux autant que possible, le plus longtemps possible et savoir le redevenir si on est malheureux, triste ou dĂ©primĂ©.

 

Et si je veux bien croire que Julia de Funès peut m’aider, aussi, Ă  rĂ©pondre Ă  ces deux questions au moins dans son livre, je crois que Magali Berdah peut Ă©galement y contribuer. Car je ne vois pas pourquoi citer Luc Ferry pourrait suffire Ă  me rendre heureux. 

 

Alors que la biographie de Magali Berdah, elle, est concrète. On peut trouver qu’elle nous raconte sa vie de façon Ă  passer pour une Cosette. On lui reprochera peut-ĂŞtre de trop Ă©taler sa vie privĂ©e, de se donner le beau rĂ´le (celui de la victime, de la personne  moralement intègre ou protectrice) et de s’en servir pour son sens de la Communication et des affaires. Elle est peut-ĂŞtre ou sans doute moins « jolie Â» moralement que ce qu’elle nous donne Ă  entrevoir dans son livre mais elle nous parle aussi d’un monde que l’on connaĂ®t :

 

Celui où des personnes vulnérables (mineures comme adultes), ignorantes, bosseuses et de bonne volonté, peuvent se faire….arnaquer, kidnapper, trahir etc…..

 

Et Magali Berdah nous raconte aussi comment elle s’en « sort Â». Concrètement. Ainsi que certains de ses fiascos et de ses coups durs. Par des exemples rĂ©pĂ©tĂ©s. Ce qui parle souvent beaucoup mieux qu’en citant des philosophes ou des Anciens Ministres, fussent-ils très cultivĂ©s et dans le « Vrai Â» lorsqu’ils ( nous) parlent. A moins que ces Anciens Ministres et philosophes ne se parlent, d’abord, Ă  eux-mĂŞmes.

 

Oui, Magali Berdah est beaucoup dans l’affectif. Elle le dit et le fait comprendre avec sa « garde rapprochĂ©e Â» parmi ses collaborateurs. Et elle est Ă  l’aise avec l’argent et le fait d’en gagner beaucoup. Il n’est pas donnĂ© Ă  tout le monde, comme elle, de s’épancher facilement auprès d’autrui. Moi, par exemple, dans la vraie vie, je me confie oralement assez peu. C’est une histoire de pudeur et de mĂ©fiance. Quant Ă  l’argent, en gagner beaucoup n’a pas Ă©tĂ© ma prioritĂ© lorsque j’ai commencĂ© Ă  travailler. Je ferais plutĂ´t partie des personnes qui auraient du mal Ă  mieux mettre en valeur mes articles par exemple.

 

 

 Vis Ă  vis de la « cĂ©lĂ©britĂ© Â», je suis ambivalent :

 

J’aime me mettre en scène et faire le spectacle. Vraiment. Mais j’aime aussi pouvoir être tranquille, pouvoir me retirer et me faire oublier. Soit deux attitudes très difficilement conciliables qui expliquent par exemple au moins, en partie, la raison pour laquelle mon blog a sûrement (beaucoup) moins de vues qu’il ne pourrait en avoir. Mais aussi la raison pour laquelle, à ce jour, mon activité de comédien est plutôt une activité sous-marine (c’est peut-être aussi pour cela que je pratique l’apnée) ou sous-cutanée voire intramusculaire.

 

C’est sûrement aussi pour cela que, certaines fois, je me retrouve à nouveau au moins témoin de certaines situations qui, dans mon métier d’infirmier, restent la norme.

 

Parce-que lorsque l’on est infirmier, on aime assez peu se mettre en scène et prendre toute la lumière. On est plus dans le don de soi que dans la revendication pour soi. Et ça amène ce rĂ©sultat et cette vĂ©ritĂ© automatiquement renouvelĂ©e :

 

D’autres profitent de cette lumière et de cet argent.

 

Dans son livre, Magali Berdah explique qu’elle dĂ©couvre l’univers de la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ© et des rĂ©seaux sociaux en rencontrant Jazz, une ancienne candidate de tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©,  amie d’une de ses anciennes salariĂ©es, Martine, Ă  qui elle rend un service.

 

A cette Ă©poque, Magali Berdah, mariĂ©e, trois enfants, est surendettĂ©e, et a surtout une expĂ©rience consistante en tant que commerciale et auto-entrepreneuse dans les assurances et les mutuelles. A première vue, grossièrement, on dira que cela n’a rien Ă  voir. Sauf que Magali Berdah, est fonceuse, bosseuse, curieuse. Elle a sans doute aussi envie de garantir Ă  ces jeunes vedettes cette protection et cette sĂ©curitĂ© dont elle a manquĂ© enfant.  

 

Magali Berdah offre donc Ă  ces jeunes vedettes son sens des affaires et du commerce ; une certaine indĂ©pendance. Ainsi qu’une prĂ©sence affective permanente qui contraste avec ce monde des marques, des reflets et des images qu’incarnent et vendent ces jeunes vedettes qu’elle protège.

 

Quelques temps plus tĂ´t, alors qu’elle Ă©tait dĂ©primĂ©e du fait de ses problèmes professionnels, financiers et personnels rĂ©pĂ©titifs, elle s’était confiĂ©e Ă  une amie. Laquelle lui avait conseillĂ© de consulter un Rav (l’équivalent d’un rabbin) de sa connaissance. Magali Berdah, juive non pratiquante, avait acceptĂ© de le rencontrer. Après s’être racontĂ©e,  ce Rav, le Rav Eli, lui avait affirmĂ© qu’un de ses ancĂŞtres, du cĂ´tĂ© de son grand-père maternel, Ă©tait lui-mĂŞme un Rabbin très « rĂ©putĂ© Â» considĂ©rĂ© comme un Tsadik.

 

Dans le vocabulaire hassidique, le Tsadik est un « homme juste Â». Un Maitre spirituel. L’équivalent d’un Saint. Mais ce Saint n’est pas protĂ©gĂ© par Dieu de son vivant. Par contre, ce Tsadik protègera un « descendant Â» et lui « offrira une vie extraordinaire : qui sort de l’ordinaire Â».

Et le Rav Eli d’apprendre à Magali qu’elle était cette personne protégée par le Tsadik.

 

Ces propos du Rav Ă©taient-ils sincères ? Relèvent-ils de la gonflette morale ou du placebo ? Sont-ils l’équivalent de ces « trucs Â» vendus et proposĂ©s par les coaches « bien-ĂŞtre Â» que Julia De Funès veut «dĂ©construire Â» ?

 

Je précise d’abord que je ne suis pas juif. Où alors je l’ignore. Mais j’aime beaucoup l’histoire de cette rencontre dans laquelle je vois du conte et de l’universel. Un conte pour adultes. Un conte qu’on aurait pu évidemment transposer autrement en parlant d’une rencontre avec un marabout, un psychologue, un Imam ou toute autre rencontre étonnante ou mystérieuse pourvu que ce soit une rencontre hors-norme, hors de nos habitudes et inattendue dans une période de notre vie où l’on a besoin de changement mais où on ne sait pas comment s’y prendre pour donner une autre direction à notre vie.

 

 

Dans cette histoire du Tsadik qui est l’équivalent du Saint, je pense bien-sĂ»r Ă  la vallĂ©e des Saints qu’un ami m’a conseillĂ© d’aller dĂ©couvrir lors de notre sĂ©jour rĂ©cent en Bretagne. On trouvera facilement mon diaporama de la vallĂ©e des Saints sur mon blog. La VallĂ©e des Saints

 

Pour l’instant, je ne vois pas quelles retombées concrètes sur ma vie a pu avoir le fait d’avoir pris la décision de me rendre avec ma compagne et ma fille à la vallée des Saints. Et ma remarque fera sans doute sourire ou ne manquera pas de me faire envisager comme un candidat idéal pour le programme subliminal de n’importe quel gourou foireux et vénal.

 

Alors, il reste le Tsadik, Ă©quivalent du Saint, qui, je crois, lui, sera plus difficile Ă  contredire et Ă  dĂ©loger, que l’on se moque de moi ou pas :

 

Religion juive ou pas, le soignant, infirmier ou autre, est souvent assimilĂ© au Saint ou Ă  la bonne sĹ“ur. Lorsque l’on regarde les conditions de travail et les conditions salariales d’un infirmier et qu’on les compare Ă  ce que celui-ci donne de sa personne au cours d’une carrière, on « sait Â» que le compte n’y est pas du tout. Et que les infirmiers, comme d’autres corps soignants, sont sous-payĂ©s et sous estimĂ©s comparativement Ă  ce qu’ils donnent. Mais aussi comparativement Ă  ce qu’ils endurent. J’ai dĂ©jĂ  entendu dire que, souvent, dans les ancĂŞtres des soignants, il y a eu un malade, une grande souffrance. Mais on peut aussi penser, Ă  travers l’exemple du Tsadik, qu’un soignant (infirmier ou autre) est un Tsadik et que, lui aussi, donnera sa protection Ă  un de ses descendants un jour ou l’autre.

 

Cette histoire-lĂ  me plait beaucoup et elle m’est inspirĂ©e en lisant la biographie de Magali Berdah. Pas en lisant l’ouvrage de Julia de Funès. J’ai presque envie d’ajouter :

 

« Alors que cela aurait dĂ» ĂŞtre le contraire. A quoi sert-t’il d’avoir autant de connaissances- comme Julia de Funès- si c’est pour plomber l’atmosphère et le moral des gens alors que ceux-ci essaient de trouver des astuces pour s’allĂ©ger, respirer un petit peu mieux et s’octroyer un peu de rĂ©pit avant de devoir reprendre leur labeur ? Â».

 

Récemment, dimanche après-midi, j’ai effectué un remplacement dans un service. La collègue infirmière du matin, ai-je appris plus tard, se lève à 3 heures du matin lorsqu’elle commence sa journée de travail à 6h45.

 

C’est sans doute rare qu’une infirmière se lève aussi tôt lorsqu’elle commence à 6h45 pour être à l’heure au travail. Mais je l’aurais vu au moins une fois dans ma vie.

 

Ce qui est moins rare, c’est d’avoir appris que cette infirmière avait pu se faire « dĂ©foncer Â» en plein staff un matin parce-que le travail n’avait pas Ă©tĂ© fait en temps et en heure. Pour quelle raison ?

Peut-être parce qu’elle était nouvelle dans le service. Et encore en CDD. Mais, aussi, parce-que le service manque de personnel infirmier. Quatre infirmiers en poste dans le service alors qu’il en manque sept autres. Il y a sept postes d’infirmier vacants dans ce service. Le service tourne donc régulièrement avec des remplaçants.

 

Ce qui est aussi moins rare, c’est qu’en se faisant « dĂ©foncer Â» en plein staff, cette infirmière ait subi sans broncher. C’est une Ă©tudiante infirmière prĂ©sente lors des faits qui, ensuite, en a parlĂ© au collègue infirmier qui m’a racontĂ© ça le dimanche après-midi.

 

Ce qui est Ă©galement moins rare c’est d’avoir demandĂ© ce dimanche (j’étais alors prĂ©sent) Ă  cette mĂŞme infirmière de revenir travailler le lendemain matin sur son jour de repos. Parce qu’il manquait du personnel infirmier le lundi matin.  

 

 Pourquoi je parle de ça ? Le Covid a fait des soignants, officiellement, «  des hĂ©ros Â». Mais des personnes se font « dĂ©foncer Â» cette fois-ci physiquement, sur la place publique lorsqu’ils rappellent Ă  d’autres citoyens de porter- correctement- le masque de prĂ©vention anti-covid. Ou simplement d’un porter un.

 

Pendant ce temps, dans leur service, des soignants continuent de se faire « dĂ©foncer Â» en plein staff comme cette collègue infirmière. On peut donc dĂ©foncer en plein staff une hĂ©roĂŻne. Et c’est normal.

 

Alors, qu’est-ce qu’il reste aux soignants hĂ©roĂŻques alors qu’ils continuent de se faire dĂ©foncer par leur hiĂ©rarchie ? Il leur reste la dĂ©pression ou le burn-out. Il leur reste les accidents de travail. Il leur reste les congĂ©s longue maladie. Il leur reste la dĂ©mission. Il leur reste la colère ou la contestation. Il leur reste le Tsadik ou son Ă©quivalent. Et c’est en lisant la biographie de Magali Berdah, que je n’ai pas terminĂ©e, que je le comprends. Pas en lisant le livre sĂ»rement très cultivĂ© de Julia de Funès.

 

Ce matin, ça a fait marrer une de mes jeunes collègues infirmières lorsque je leur ai parlé de Magali Berdah. Elle était sans doute gentiment amusée par une de mes nouvelles bizarreries. Pourtant, je ne fais que prolonger à ma façon ce en quoi je crois depuis des années.

 

Miles Davis disait « My mind is not shut Â» : Mon esprit n’est pas fermĂ©. Dans la revue Yashima dont j’ai beaucoup aimĂ© les articles cette fois-ci, il y a entre autres une interview de Kacem Zoughari.

 

Kacem Zoughari est «  docteur en Histoire et Culture du Japon et adepte de Ninjutsu du plus haut niveau Â». J’ai dĂ©couvert l’existence de Kacem Zoughari il y a Ă  peine dix jours par ce magazine Yashima achetĂ© durant mes vacances.

 

Quel rapport entre la tĂ©lĂ©rĂ©alitĂ©, le monde du fric et du commerce de Magali Berdah et l’ascèse martiale Ă  laquelle se tient Kacem Zoughari que je devrais appeler au moins Sensei ou Maitre au vu de ses titres ?  A priori, Ă  la tĂ©lĂ©, ce n’est pas la mĂŞme chaine. Il n’y a aucun rapport si on oppose ces deux personnes et ces deux expĂ©riences selon leur image et leur parcours. Et puis, dans l’interview, Kacem Zoughari dit par exemple :

 

« Quand j’arrive lĂ -bas (au Japon), je pense ĂŞtre bon. J’ai reprĂ©sentĂ© la discipline Ă  Bercy et Ă  la tĂ©lĂ© et je suis ceinture noire. Mais au premier cours chez Ishizuka sensei, on me reprend. On me reprend gentiment, mais j’ai l’impression d’être giflĂ© ! Â».

 

On peut donc ĂŞtre « très bon Â», bosseur et expĂ©rimentĂ© comme le pense alors Kacem Zoughari et, comme Magali Berdah, dans son domaine professionnel…échouer.

 

Or, que l’on Ă©volue dans le commerce ou dans le domaine des arts martiaux ou ailleurs, ce qui va importer, c’est notre rĂ©action par rapport Ă  « l’échec Â». Ce que l’on va ĂŞtre capable d’apprendre et d’accepter de cet Ă©chec.

 

Plus tard, Kacem Zoughari dit :

 

«  (….) Hatsumi sensei dit parfois : « Tu veux ĂŞtre bon, shuraba ni ike Â». Va oĂą a lieu le carnage Â».

 

On peut penser au « carnage Â» de la guerre. Mais on peut aussi penser au « carnage Â» de la souffrance et de la violence auquel le soignant oĂą le travailleur social est rĂ©gulièrement exposĂ©. Et Magali Berdah parle aussi de certaines pĂ©riodes de «  sa vie chaotique Â».

 

Et j’ai particulièrement aimĂ© lorsque Kacem Zoughari dit :

 

« Certains Ă©lèves copient le maitre jusque dans ses dĂ©formations de dos, de genou, etc. Au-delĂ  de l’aspect caricatural, c’est mĂŞme dĂ©lĂ©tère pour leur santĂ© ! Ce type de pratiquants intĂ©gristes refuse souvent aussi de voir ce qui se fait ailleurs pour ne pas corrompre l’image qu’ils ont de leur maĂ®tre. C’est une grave erreur Â».

 

Bien entendu, je n’attends pas que Kacem Zoughari verse dans l’univers de la téléréalité et dans le monde de Cyril Hanouna. Mais on a compris que selon mes aptitudes et mon état d’esprit, je peux trouver des parties de mes besoins et de mes réponses tant dans ce qu’enseigne Kacem Zoughari que dans ce que raconte Magali Berdah.

D’autant que Kacem Zoughari confirme aussi :

 

« (…..) car beaucoup d’obstacles se dressent sur la voie d’un adepte. Il y a d’abord les dĂ©sillusions. Le monde martial, comme tout microcosme, comporte de nombreuses personnes Ă  la moralitĂ© douteuse. Il faut alors avoir foi dans les bĂ©nĂ©fices de la pratique pour trouver le recul de se dire que les actes d’un individu ne dĂ©finissent pas la valeur d’une discipline Â».

 

 

Il y aurait bien-sûr davantage à dire de l’interview de Kacem Zoughari et je le ferai peut-être un autre jour.

 

Mais l’article va bientĂ´t se terminer et je veux d’abord rĂ©pondre Ă  des questions que je crois possibles devant certaines des photos :

 

La voix du Raid Ă©crit par Tatiana Brillant (avec la collaboration de Christine Desmoulins), ancienne nĂ©gociatrice du RAID, parce-que je crois que son expĂ©rience peut aussi m’apprendre quelque chose dans mon mĂ©tier comme dans ma vie. Tatiana Brillant, dont, d’ailleurs, le père est pompier. Et la mère….infirmière. Tatiana Brillant qui dit, page 24 :

 

«  (….) Ayant cette fois accès Ă  mon dossier, j’ai appris que lors des prĂ©cĂ©dents tests j’avais Ă©tĂ© reçue première avec l’observation suivante :

 

 Â«  Première candidate. Impressionnante malgrĂ© son jeune âge. Bonnes rĂ©actions, empathie naturelle Â».

C’est ainsi que je suis entrĂ©e au RAID le 1er mars 2004. A Bièvres, dans l’Essonne, mon rĂŞve se rĂ©alisait ! Tout cela validait Ă  jamais le mantra qui rythme ma vie :

 

« Il ne faut rien s’interdire Â».

 

« L’empathie Â» est une aptitude qui peut ĂŞtre dĂ©valuĂ©e dans un monde oĂą l’image, le statut social, la cĂ©lĂ©britĂ©, la rapiditĂ©, la rentabilitĂ© et le fric remportent souvent le gros lot.

 

Le personnel infirmier sait ce qu’est l’empathie mĂŞme s’il se fait rĂ©gulièrement enfler. Parce qu’il est plus dans le sacrifice et le don de soi que dans l’empathie me dira-t’on. Peut-ĂŞtre. Mais on voit Ă  travers Tatiana brillant, Magali Berdah mais aussi Kacem Zoughari, qui l’évoque d’une certaine façon dans un passage de son interview, que « l’empathie Â» est compatible avec la rĂ©ussite professionnelle et personnelle.

 

 

Tout bouge autour de moi de Dany Laferriere, membre de l’AcadĂ©mie française. Pour le titre. Pour la littĂ©rature. Parce-que je n’ai encore rien lu de lui. Parce qu’il parle d’HaĂŻti, oĂą il se trouvait, lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010 :

 

  «  Des choses vues Â» qui disent l’horreur, mais aussi le sang-froid des HaĂŻtiens. Que reste-il quand tout tombe ? La culture. Et l’énergie d’une forĂŞt de gens remarquables Â».

 

 

Parce qu’HaĂŻti est une Ă®le oĂą j’aurais aimĂ© ĂŞtre allĂ© depuis des annĂ©es. Mais son rĂ©gime politique et sa pauvretĂ© m’ont jusque lĂ  trop inquiĂ©tĂ©. Je suis « entrĂ© Â» un peu Ă  HaĂŻti d’abord par le cinĂ©ma de Raoul Peck dans les annĂ©es 90 par son film, L’Homme sur les quais. J’ai vu d’autres films de lui. Et mĂŞme des sĂ©ries. Je l’ai aussi rencontrĂ© et interviewĂ© deux fois. Une fois lors du festival de Cannes au dĂ©but des annĂ©es 2010. Une autre fois, Ă  Paris.

 

Il y a quelques photos de nos vacances en Bretagne. A la vallée des Saints ( avec les statues en granit) et aussi à Quiberon, du côté du port-Haliguen, où nous sommes passés avant que le port du masque ne devienne obligatoire dans la rue.

 

Le titre que j’ai choisi sur l’album Nordub  rĂ©alisĂ© par Sly & Robbie et Nils Petter Molvaer feat Eivind Aarset and Vladislav Delay s’appelle :

 

European Express.

 

C’est le septième titre de l’album. Après avoir lu des critiques dithyrambiques sur cet album, je me suis décidé à l’acheter. J’avais déjà écouté deux anciens albums de Nils Petter Molvaer. J’appréhendais qu’il soit trop présent avec ses traversées électroniques et sa trompette qui louche vers Miles mais sans l’attrait de Miles sur moi.

 

Sly and Robbie, depuis leur trajectoire Reggae avec Black Uhuru, Gainsbourg et beaucoup d’autres dans les années 70 et 80 ont depuis longtemps débouché dans d’autres atmosphères musicales. J’attendais beaucoup de cet album. J’attendais du Dub. J’ai d’abord été déconfit. Puis, en le reprenant en revenant de vacances, il s’est à nouveau vérifié que certains albums nous demandent du temps pour entrer dedans.

 

European Express,  de par sa dynamique, est le titre qui m’a semblĂ© le plus appropriĂ© pour cet article.

 

 

Cet article est sans doute plus long qu’il n’aurait dû, une fois de plus. Alors, j’espère qu’il ne sera pas trop fastidieux à lire et que les photos qui l’accompagnent vous iront aussi.

Ici, si on le souhaite, on pourra écouter cet article dans sa version audio :

 

 

Après un concert, il arrivait que Miles engueule certains de ses musiciens après qu’ils aient, selon lui, mal jouĂ©. Sans doute estimait-il qu’ils n’avaient pas pris assez de risques. Il leur disait :

 

 Â«  Jouez ce que vous savez jouer ! Â».

 

J’ai Ă©crit ce que je sais Ă©crire. C’est le souffle qui nous tient. C’est Ă  dire : trois fois rien.

 

 

Franck Unimon, ce mercredi 5 aout 2020.