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Tout simplement Noir

 

                                                    Tout simplement Noir

Les salles de cinéma ont rouvert le 22 juin. Je suis retourné au cinéma pour la première fois ce 14 juillet pour voir Tout simplement Noir de Jean-Pascal Zadi. Avec sa tête de pygmée, Jean-Pascal Zadi nous fait une fête au carré.

 

Jean-Pascal Zadi, acteur principal, corĂ©alisateur et scĂ©nariste de Tout simplement Noir, c’est un peu l’équivalent de l’ASH (la personne qui fait le mĂ©nage dans un hĂ´pital ou dans un lieu de soins) ou de la silhouette, Ă  peine dĂ©clarĂ©e, domiciliĂ©e habituellement dans le dĂ©cor le plus Ă©loignĂ© des paillettes. Et qui nous reviendrait dans la pièce principale, mais cette fois, devant et derrière la camĂ©ra. Et avec le sourire. 

 

Jean-Pascal Zadi avait dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ© d’autres films avant celui-ci. De lui, j’ai uniquement vu il y a quelques annĂ©es, Sans pudeur ni morale, dont j’ai achetĂ© le dvd. Mais Tout simplement Noir est son premier film « grand public Â» : plus diffusĂ©.

 

 

On comprend très vite en dĂ©couvrant le film Tout simplement Noir, que lorsqu’il Ă©tait dans l’angle mort du cinĂ©ma qui est «  très regardĂ© Â» , que Jean-Pascal Zadi ne s’est pas contentĂ© de laver les sols et les plinthes des portes, de vider, changer, les sacs poubelle et de ranger la vaisselle. Ce qui est une partie du travail d’un ASH et dĂ©jĂ  beaucoup. J’ai lu seulement très rĂ©cemment la fiche de poste d’un ASH et devant l’exigence du travail demandĂ©, je me suis senti très soulagĂ© de ne pas faire ce mĂ©tier.

 

Derrière le sourire de Jean-Pascal Zadi (qui n’a pas été ASH dans sa vie, je crois) il y a beaucoup de travail.

 

Derrière un sourire, il y a souvent beaucoup de travail mĂŞme si on aime bien croire le contraire. Une personne renfrognĂ©e, froide ou en colère nous oblige Ă  nous mettre au travail. Une personne qui sourit nous autorise plus facilement Ă  prendre des vacances.  Dans son film, Jean-Pascal Zadi nous fait faire le tour de nos Histoires sensibles en rĂ©ussissant souvent Ă  nous faire sourire, rĂ©flĂ©chir et rire. C’est un des gros atouts, parmi d’autres, de son film militant :

 

Prendre soin de rendre son sourire de simplet aussi affirmĂ© et conscient qu’un poing fermĂ©. Ce qui est beaucoup plus facile Ă  thĂ©oriser qu’à obtenir. C’est donc dire son intelligence et son adresse car Jean-Pascal Zadi a su faire passer son film entre « L’humour Â» (lequel ?), le sens du rythme, les aptitudes corporelles hors-normes qui sont les attributs-pendentifs souvent associĂ©s aux personnes noires et le radicalisme voire le racisme idĂ©ologique de certains « frères Â», « sĹ“urs Â», « cousins Â», « compatriotes Â» ou « concitoyens Â». Tout en les « incluant Â» :

 

Il ne les ignore pas. Son film emprunte Ă  la tauromachie : c’est un peu de la tauromagie. On en a un très bon aperçu lorsqu’il Ă©voque DieudonnĂ©, qui fut un temps l’un des meilleurs Humoristes de France et qui est aujourd’hui devenu celui qu’il faut Ă©viter si l’on veut voir sa carrière lĂ©viter.

 

 

C’est très simple : pour son film, Jean-Pascal Zadi s’est inspirĂ© de la plupart des Symboles militants les plus connus liĂ©s Ă  l’identitĂ© noire ces soixante dernières annĂ©es. Et il a croisĂ© ça avec une bonne partie des comĂ©diens ou personnalitĂ©s populaires  en France ces vingt et trente dernières annĂ©es qui, d’une certaine manière, sont devenus des modèles plutĂ´t engagĂ©s de cette « identitĂ© noire Â».  La prĂ©sence dans Tout simplement Noir de plusieurs des personnalitĂ©s françaises que l’on reconnaĂ®tra pour la plupart a donc une vĂ©ritable fonction et ponctue souvent un propos afin de bien traiter le sujet du film. MĂŞme si, vraisemblablement, certaines personnalitĂ©s regretteront sans doute d’être absentes du casting. Car en voyant Tout simplement Noir, je me suis dit que si j’étais un acteur ou une personnalitĂ© noire française en vue ou aspirant fortement Ă  ĂŞtre reconnue, j’aurais beaucoup aimĂ© ĂŞtre dans ce film. Car le film permet Ă  la fois de se divertir, d’affirmer un point de vue tout en se rendant visible de façon plutĂ´t originale :

 

De gauche à droite : Lucien Jean-Baptiste, Fabrice Eboué et Jean-Pascal Zadi.

 

L’acteur, scĂ©nariste et rĂ©alisateur Lucien jean-Baptiste m’a donnĂ© la possibilitĂ© de lâcher mon rire dans une (grande) salle de cinĂ©ma  comme je ne l’avais pas fait depuis plusieurs annĂ©es, je crois. Entre son « fait Â» dans Tout simplement Noir et son rĂ´le dĂ©jĂ  dans Possessions (2012) d’Eric Guirado, on voit qu’il peut tenir d’autres rĂ´les que celui du noir rigolo et sympa. MĂŞme si ça peut ĂŞtre plus simple aussi, et c’est mieux que rien, pour une carrière au cinĂ©ma de jouer le mec rigolo et sympa, sans doute est-il comme bien des acteurs ( noirs comme blancs ou blancs comme arabes ou asiatiques ou etc…) embastillĂ© dans un certain type de rĂ´le au cinĂ©ma.

 

A gauche, le doigt levĂ©, l’humoriste Fary avec Jean-Pascal Zadi.

 

Si nous pouvons avoir eu ou avoir recours Ă  des modèles noirs amĂ©ricains, ou autres, nous sommes bien français et dans Tout simplement Noir, nous parlons bien d’une identitĂ© française vivante. Et non muselĂ©e et tenue en laisse comme cela a pu l’être de par le passĂ©. Jean-Pascal Zadi est un Nègre Ă  propos bien plus qu’un Nègre Ă  plateau. Et celles et ceux qui sont dans son film vont dans la mĂŞme direction, chacune et chacun avec sa composition particulière. On se retrouve donc un moment, aussi, en « Autriche Â», ce qui est une façon comme une autre de faire…l’autruche. On parle mĂ©tissage. Pour rĂ©sumer, on parle autrement de la diversitĂ©. Et c’est illustrĂ©, concret et incarnĂ© par des sujets et des personnes. Et non par des mannequins, des suppositoires ou des superstitions.

Tout simplement Noir est un film très concret. Il repose autant sur l’expérience de quelqu’un qui a traversé des frontières que sur des réflexions concernant des événements et l’Histoire.

L’actrice Caroline Anglade avec Jean-Pascal Zadi.

 

Ainsi, la femme ( l’actrice Caroline Anglade) de Jean-Pascal Zadi dans le film est-elle blanche. Si on se demande comment ils gagnent leur vie, on comprend rapidement qu’à l’instar de la femme (blanche aussi) de Lucien Jean-Baptiste dans Première étoile, qu’elle est le pilier placide et amusé du couple tandis que le mari et le père, ici, est un grand naïf, un immature ou a la stratosphère dans les étoiles. A part ça, pour eux, leur vie ensemble va de soi et est tout à fait normale. Alors que leur couple représente encore une cascade frénétique ou une effraction pour bien des Français d’aujourd’hui. Et que d’autres, déterminés ou acculés, continueront de penser qu’il s’agit avant tout de choisir son clan et d’y rester.

Il y a une bonne vingtaine d’annĂ©es de cela, j’avais entendu parler d’un groupe de Rap qui s’appelait Tout simplement agressif.  Aujourd’hui, je crois que ce groupe n’existe plus et que ses membres ont arrĂŞtĂ© depuis longtemps cette activitĂ© d’adolescents. Mais je relate cette anecdote pour dire qu’il est possible que le film de Jean-Pascal Zadi soit très violent pour certaines sensibilitĂ©s. Cela fera peut-ĂŞtre sourire en le lisant et, pourtant, c’est aussi Ă  envisager.

Jean-Pascal Zadi avec “sa” femme et “leur” enfant dans le film. “Leur” fils s’appelle Malcolm.

 

Pour cela au moins, Tout simplement Noir, tout seul, ne va pas changer la face du soleil en France ou ailleurs. Mais, après d’autres films,  il offre une vision blindĂ©e et lucide sur ce qu’il faut regarder lorsque l’on parle «  d’identitĂ© noire Â». Et il donnera des idĂ©es Ă  celles et ceux qui, encore miraculĂ©s, n’avaient pas osĂ© se rĂ©aliser.  Sans forcer.

 

Franck Unimon, mercredi 15 juillet 2020.

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