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Vélo Taffes : photos de février-mars 2021

 

VĂ©lo taffes : Photos de fĂ©vrier-mars 2021. 

 

” Tu m’as abandonnĂ© ! Je suis devant la BNP… “. 

Une cousine africaine parlait au tĂ©lĂ©phone, de l’autre cĂŽtĂ© de la rue, il y a quelques heures, Ă  Argenteuil. Avant le couvre-feu. Elle portait un tailleur, des talons aiguilles, et malgrĂ© son masque anti-covid, personne, pas mĂȘme un reprĂ©sentant de la BNP, n’aurait pu hypothĂ©quer le bel arrangement de son apparence. 

Quelques mĂštres plus haut, j’ai croisĂ© une autre cousine. Alors qu’elle s’Ă©loignait, et distançait peu Ă  peu un cousin de l’Ăąge de son pĂšre, celui-ci a regardĂ© son postĂ©rieur. Il Ă©tait aussi large qu’un avenir limitrophe mais encore trop proche des frontiĂšres d’un pays qu’il ne pourrait jamais atteindre. Et, il le savait. 

 

Ces remarques n’ont rien Ă  voir avec la rubrique VĂ©lo Taffe puisque je revenais Ă  pied – et bredouille- du magasin Babou lorsque j’ai assistĂ© Ă  ces deux micro-scĂšnes de la vie courante. Mais je les trouve amusantes. Beaucoup plus que ce qui concerne les campagnes de vaccination et les vaccins anti-covid      ( Pfizer, Moderna, Astrazeneca, Sputnik V, Johnson&Johnson) ou la maniĂšre dont il aurait fallu ou dont il faudrait s’occuper de l’Ă©pidĂ©mie du Covid. Peut-ĂȘtre que de mĂȘme qu’il y a trois ou quatre opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©phonie mobile qui se rĂ©partissent le marchĂ© des tĂ©lĂ©phones portables en France, qu’il y aura bientĂŽt trois ou quatre labos qui se rĂ©partiront le marchĂ© de notre santĂ© en France ou dans le monde. Mais nous sommes encore un petit peu loin de tout ça.

 

Il y a deux ou trois jours, maintenant, je suis tombĂ© devant chez moi sur un couple d’amis. Nous nous sommes reconnus malgrĂ© nos masques.

Ils dĂ©couvraient le magasin de produits exotiques africains qui a ouvert il y a bientĂŽt six mois maintenant. Ils Ă©taient lĂ  Ă  regarder la vitrine sans trop oser y entrer quand j’y repense maintenant. Ils m’ont demandĂ© si les articles alimentaires Ă©taient bons. Oui. Ce magasin marche plutĂŽt bien. Nous saluons rĂ©guliĂšrement la commerçante.

Je n’avais pas croisĂ© ces amis depuis un moment. Ils habitent Ă  une dizaine de minutes de chez nous.

En discutant avec eux, j’ai compris qu’ils n’Ă©taient plus sortis de chez eux depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois. Lui, m’a dit : ” On respecte les consignes”. Ils m’ont expliquĂ© qu’ils pouvaient travailler depuis chez eux. Moi, j’avais un peu l’impression qu’ils sortaient de leur caisson de cryogĂ©nisation. MĂȘme s’ils Ă©taient parfaitement prĂ©sentables et que nous avons eu une conversation tout Ă  fait convenable, comme “auparavant”. Ils avaient toujours la mĂȘme syntaxe. Au moins en apparence.  Car j’ai compris avec eux qu’il existait des comportements radicalement opposĂ©s par rapport Ă  cet Ă©vĂ©nement qu’est le Covid. Ou la Covid. Y compris au sein des couples.

Le Covid nous met devant nos rapports personnels avec la mort. Il y a trĂšs peu de mise en scĂšne possible avec nos angoisses. Ce couple d’amis Ă©tait apparemment encore uni et raccord par rapport Ă  ce sujet. Lui, avait attrapĂ© des cheveux blancs depuis la derniĂšre fois que je l’avais rencontrĂ©. Cela n’a peut-ĂȘtre aucun rapport avec l’Ă©pidĂ©mie mais ça m’a fait un drĂŽle d’effet. 

Je ne leur ai pas dit que le matin, dans une pharmacie Ă  OdĂ©on, j’avais passĂ© mon premier test antigĂ©nique. Car un de mes collĂšgues Ă©tait prĂ©sumĂ© positif au Covid. Et que, comme mes autres collĂšgues, j’avais Ă©tĂ© considĂ©rĂ© ” cas contact”. J’ai eu le rĂ©sultat au bout de quinze minutes comme deux employĂ©s sympathiques des impĂŽts dont l’un des collĂšgues avait attrapĂ© le Covid :

Nous Ă©tions tous les trois nĂ©gatifs. 

Pour moi, le pire de l’angoisse, comme je l’ai rĂ©pĂ©tĂ© Ă  ce couple d’amis, mĂȘme si depuis les variants du Covid se multiplient et que de plus en plus d’enfants l’attrapent apparemment( six classes ont Ă©tĂ© fermĂ©es dans l’Ă©cole de ma fille aprĂšs qu’un enfant ou une personne ait Ă©tĂ© positive au Covid dans chacune de ces classes), ça a Ă©tĂ© au mois de mars de l’annĂ©e derniĂšre.  

Les premiĂšres semaines du premier confinement de l’annĂ©e derniĂšre avaient Ă©tĂ© les plus angoissantes. Je continuais comme aujourd’hui d’aller au travail. Et, au dĂ©part, il y avait une pĂ©nurie de masques. Jusqu’au dĂ©but du mois de Mai oĂč les masques avaient commencĂ© Ă  ĂȘtre “parachutĂ©s” dans les supermarchĂ©s et les pharmacies.

Puis, Ă  partir de mi-juillet de l’annĂ©e derniĂšre, en partant quelques jours en vacances, je m’Ă©tais un peu plus “sĂ©parĂ©” de l’angoisse. MĂȘme si je continue de vivre masquĂ© lorsque je sors de chez moi. 

Mais lorsque je suis Ă  vĂ©lo pour partir au travail, je retire mon masque pour pĂ©daler. Pour Ă©crire aussi, sans doute. 

 

Quelques remarques complĂ©mentaires Ă  propos de l’expĂ©rience vĂ©lo pliant 

Pour ce deuxiĂšme article de la rubrique VĂ©lo Taffe aprĂšs ( VĂ©lo Taffe : une histoire de goudron), je joins des photos prises pendant mon trajet de travail lors de ces mois de fĂ©vrier-mars 2021.

Si ma lampe avant- fixĂ©e Ă  mon vĂ©lo lors de la vente- ne marche dĂ©ja plus sans doute du fait des piles, je continue mes parcours Ă  vĂ©lo pour aller au travail. Je viens de commander une lampe avant et une lampe arriĂšre de la marque Lezyne que je ne connaissais pas. Je me suis fiĂ© au site d’un magasin de vĂ©lo devant lequel je passe, boulevard Raspail, en allant au travail. Magasin, ou plutĂŽt chaine de magasins, que je ne connaissais pas non plus avant ces itinĂ©raires Ă  vĂ©lo : En selle Marcel

Sur la route, je croise diffĂ©rentes sortes de vĂ©los. Pliants, non pliants, course, non-course, vĂ©lib. Je me demande si, un jour, un type ou deux ou trois types de vĂ©los s’imposeront. En espĂ©rant que ce ne soit pas le VĂ©lib actuel. “Le” Brompton, dans les vĂ©los pliants, continue d’avoir une aura particuliĂšre Ă  mes yeux. Depuis mon premier article, j’ai appris en discutant un peu Ă  un feu rouge avec un “bromptonien” que si le vĂ©lo est trĂšs bien, ses accessoires coĂ»tent cher : 35 euros pour changer une plaquette de freins ? Mais ses piĂšces durent peut-ĂȘtre plus longtemps.

Le Brompton a aussi pour particularitĂ© d’avoir des roues de 16 pouces. Contre 20 pour mon vĂ©lo pliant (je m’Ă©tais trompĂ© en disant que c’Ă©tait des roues de 26 pouces). Concernant son prix, j’ai vu sur le site de En Selle Marcel qu’il est possible de payer son Brompton en quatre fois sans frais. Mais il faut quand mĂȘme pouvoir donner 300 Ă  400 euros quatre mois de suite. Une seule mensualitĂ© de 400 euros, pour un Brompton, Ă©quivaut presque au prix de mon vĂ©lo B’Twin. 

Je reste tout autant perplexe devant le nombre de tĂȘtes recouvertes par le casque de la marque Kask. Plus de cent cinquante euros, prĂšs de deux cents euros ou plus, le casque. On le leur aura peut-ĂȘtre offert. 

 

Je croise aussi assez frĂ©quemment des livreurs Deliveroo ou Uber Eats Ă  vĂ©lo. Je m’applique gĂ©nĂ©ralement Ă  les laisser passer. Leurs conditions de travail sont si difficiles. 

Pour mes premiers trajets “vĂ©lo taffe”, je passais par le carrefour de l’OdĂ©on, un endroit trĂšs sensible pour la circulation. Que ce soit Ă  vĂ©lo ou Ă  pied. J’ai changĂ© de parcours et je m’en trouve mieux. MĂȘme si le Boulevard Raspail m’apparait encore un peu long Ă  monter. 

 

Les photos seront sĂ»rement un peu dans le dĂ©sordre. 

Franck Unimon, ce mercredi 31 mars 2021. 

 

 

Cette photo a Ă©tĂ© prise il y a plusieurs semaines, maintenant. Il s’agit du thĂ©Ăątre de l’OdĂ©on oĂč des banderoles sont toujours prĂ©sentes comme on le verra sur deux photos plus rĂ©centes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le ThĂ©Ăątre de l’OdĂ©on, ce vendredi 26 mars 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Cinéma

Barnay-Bambuck, athlĂštes engagĂ©s-un documentaire d’AurĂ©lie Bambuck

Ghislaine Barnay.

         Barnay-Bambuck, athlĂštes engagĂ©s / un documentaire d’AurĂ©lie Bambuck

 

 

C’était il y a un demi-siĂšcle. Mais cela aurait pu ĂȘtre une demi-seconde.

 

Quand il s’agit de jeter nos forces dans une action, une demi seconde, en trop ou en moins, ça peut ĂȘtre pareil qu’un demi siĂšcle.  

 

Le temps, la pesanteur, que l’on soit danseur ou d’ailleurs, nous leur devons toujours des comptes.

 

La France, ex grande puissance coloniale, ne compte plus les victoires et les chronos qu’elle doit sur une piste d’athlĂ©tisme aux descendants de ses esclaves et de ses indigĂšnes. Ghislaine Barnay et Roger Bambuck ont fait partie de ceux-lĂ  en saut en hauteur et en sprint.

 

 

 

Bambuck participait aux Jeux olympiques de Tokyo en 1964 et Ă  ceux de Mexico en 1968. Barnay, Ă  ceux de Mexico et de Munich en 1972. On ne parle pas d’Usain Bolt, lĂ . Pas mĂȘme de Carl Lewis pour celles et ceux qui s’en rappellent. Mais gagner des championnats de France et d’Europe, sauter jusqu’à 1m80 en ventral, courir le 100 mĂštres en 10 secondes 11 ne se fait pas en  vapotant. Pour cela, il faut dĂ©taler. Pousser. Ouvrir en grand les fenĂȘtres de son souffle.

 

Pour cela, il a aussi fallu quitter sa Martinique et sa Guadeloupe natale.

 

 

 

Des jeux de Tokyo, de Mexico et de Munich, j’ai le souvenir de l’AmĂ©ricain Bob Hayes sur 100 mĂštres. De Bambuck qui finit cinquiĂšme sur 100 mĂštres derriĂšre Jim Hines, le vainqueur. Du poing noir gantĂ© et levĂ© de Tommie Smith, de Lee Evans et John Carlos. Des terroristes palestiniens.

 

Parce-que j’ai lu. Barnay et Bambuck l’ont vĂ©cu.

 

Je ne connaissais pas Ghislaine Barnay.

 

Elle et Bambuck, d’abord athlĂštes individuels, puis couple,  ont concouru sur les pistes dans un monde en pleine dĂ©colonisation mais aussi en pleine mutation civique et politique.

 

Il y a l’engagement mĂ©diatique façon « poing levĂ© Â» ou arme Ă  la main. Et l’autre, qui consiste Ă  rester prĂ©sent lĂ  oĂč l’on ne nous attend pas. C’est cet engagement-lĂ , le second, que choisira le couple Barnay-Bambuck et que raconte leur fille, AurĂ©lie, rĂ©alisatrice du documentaire.

 

Pour Barnay, ce sera, aprĂšs sa retraite sportive, son travail d’éducatrice sportive. Pour Bambuck, aprĂšs plusieurs tĂątonnements, cela passera par un engagement en politique dans les annĂ©es 80.

 

D’aprĂšs le portrait qui est fait du couple, l’opportunisme ne fait pas partie de sa culture. Ni l’adoration du prestige passĂ©.

 

Cela fait drĂŽle de voir la famille Bambuck assister Ă  la finale du cent mĂštres masculin aux jeux de SĂ©oul en 1988. Lorsque Ben Johnson, l’astĂ©roĂŻde propulsĂ© sous stĂ©roĂŻdes, sort d’abord le majestueux Carl Lewis de l’Ă©crin de la premiĂšre place. Je me rappelle de cette finale pour l’avoir regardĂ©e Ă  la tĂ©lĂ©. C’était aussi l’annĂ©e de « Flo-Jo Griffith Â», toujours dĂ©tentrice du record du monde fĂ©minin sur 100 mĂštres, dĂ©cĂ©dĂ©e avant que n’ait pu ĂȘtre prouvĂ© son plus que probable dopage. 

 

Le dopage ne se trouve pas non plus sur la planĂšte Barnay-Bambuck. DiscrĂ©tion, conscience morale et professionnelle ressortent comme les pointes- homologuĂ©es- avec lesquelles le couple s’est dĂ©placĂ© sur le tartan de la vie. On ne peut pas dire qu’ils aient toujours Ă©tĂ© suivis.

 

Avec ce documentaire, AurĂ©lie Bambuck effectue un double tour d’histoire : Celui d’une partie de l’histoire de l’athlĂ©tisme français. Celui de l’histoire de ses parents. On peut les voir Ă  l’image s’exprimant de nos jours. Ou entendre Laura Flessel, ancienne championne d’escrime mais aussi ancienne Ministre, expliquer que les Barnay-Bambuck ont pu l’inspirer.

 

 

Peu d’athlĂštes, mĂȘme champions et recordmen du monde, bĂ©nĂ©ficieront d’un tel traitement un demi-siĂšcle aprĂšs la fin de leur carriĂšre sportive.

 

Ps : Pour toute demande concernant un dvd ou un Ă©ventuel support visuel se rapportant au documentaire, contacter camille@enfantsauvage.eu

 

Franck Unimon, ce samedi 27 mars 2021.

 

 

 

 

 

 

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Cinéma

La Nuit Des Rois-un film de Philippe LacĂŽte

“Roman” ( l’acteur KonĂ© Bakary)

 

                                          La Nuit des Rois/ un film de Philippe LacĂŽte

 

 

Une fois que l’on aura dit – ou citĂ©- que ce film a Ă  voir avec Shakespeare et un pays d’Afrique noire (ici, la CĂŽte d’Ivoire), il faudra pouvoir ensuite accepter, mĂȘme sans bien les connaĂźtre, que la folie serve ici – comme ailleurs- de filtre et d’intermĂ©diaire entre les deux.

 

Au dĂ©but du film La Nuit des Rois de Philippe LacĂŽte, on survole d’abord le poumon vert d’une forĂȘt en Afrique. AprĂšs un an de pandĂ©mie du Covid, et alors que nous sommes en France dans une pĂ©riode de « reconfinement Â» et d’impossibilitĂ© – sauf pour raisons impĂ©rieuses-  de voyage Ă  l’étranger, ces images sont d’abord agrĂ©ables et dĂ©paysent.

 

Sauf que prĂšs de cette forĂȘt, se trouve une prison, la MACA d’Abidjan ( Maison d’ArrĂȘt et de Correction d’Abidjan). La prison , surpeuplĂ©e, du pays.  C’est lĂ  que nous « allons Â».  

 

Rappelons que malgrĂ© sa croissance Ă©conomique – qui peut faire penser Ă  un Â« miracle» avec le dĂ©veloppement d’une certaine classe moyenne- quarante pour cent de la population de la  CĂŽte d’Ivoire, aujourd’hui, est pauvre.

 

 “Roman” ( l’acteur KonĂ© Bakary) le hĂ©ros, Ă  peine adulte, est menottĂ© et transbahutĂ© Ă  l’arriĂšre d’un quatre-quatre. Face au garde armĂ© qui le fixe, il est difficile de s’en remettre Ă  l’espoir en cas de tentative de fuite.

 

Si ce jeune homme faisait partie d’un groupe armĂ© ou de rĂ©sistance bien entraĂźnĂ©, on pourrait s’attendre Ă  ce qu’une attaque surprise change son trajet. Mais Ă  son air apeurĂ©, on comprend qu’il est vraiment seul et dĂ©sarmĂ©. Et qu’il n’a rien Ă  voir avec les membres de  L’ArmĂ©e des ombres  de Melville.  Un destin Ă  la Tahar Rahim dans Un ProphĂšte, alors ?

 

Autant demander à un grillon s’il peut terrasser le vent.

 

A la MACA d’Abidjan, il y a d’abord et surtout….  Barbe Noire, l’acteur Steve Tientcheu (Les MisĂ©rables, La Mort de Danton, Qu’un sang impur, Qui Vive
.).

 

Barbe Noire ( l’acteur Steve Tientcheu)

 

Barbe Noire, incarcĂ©rĂ© parmi les autres, est au dessus d’eux. Mais son rĂšgne expire. MalgrĂ© toute la chlorophylle environnante, il a du mal Ă  respirer et il lui faut une bouteille d’oxygĂšne Ă  proximitĂ© en permanence. Son ĂȘtre peut se situer entre le CaĂŻd de Daredevil et des traits de Marlon Brando dans Apocalypse Now. Mais s’il  compose un danger  repĂ©rable, ses mots, eux, en effritent le couperet. Car l’acteur Tientcheu a un peu trop la vulnĂ©rabilitĂ© du Lennie de Steinbeck.  C’est donc dans une adaptation des Souris et des hommes que je crois qu’il pourrait davantage dĂ©coller.

 

Cependant, des souris et des hommes, il y en a dans La nuit des rois de Philippe LacĂŽte.  Ainsi que des corps et des regards menaçants- plutĂŽt hypnotiques- dont il est difficile de s’extraire :

 

« C’est pas en dansant qu’on a atterri ici ! Â».

 

Pourtant, Roman est bien sous l’emprise d’une danse collective. Cette danse sourde, qui soude tous les autres, il ne l’a pas apprise. Car c’est celle de sa mort que tous ont dĂ©cidĂ©e dĂšs qu’il a reçu le titre de
Roman. Celui qui, lors d’une nuit de lune rouge, doit leur raconter une histoire et les Ă©treindre avec.

 

Sa seule chance de survie lui est soufflĂ©e discrĂštement par le personnage… de Silence, le seul blanc du film – interprĂ©tĂ© par l’acteur Denis Lavant– dont on se demande ce qu’il fait, lĂ .

 

Si tout est possible dans cet univers oĂč les rĂšgles peuvent s’inverser ( « La seule prison au monde gouvernĂ©e par les dĂ©tenus Â»), le blanc reste un souvenir colonial. Or, ici, il devient l’équivalent de l’ange gardien. Et son personnage est trop peu dĂ©veloppĂ© pour que l’on comprenne pourquoi il reste Ă  part dans cette prison avec son coq ou son poulet sur son Ă©paule oĂč il va et vient tranquillement sans ĂȘtre inquiĂ©tĂ©. A moins que son personnage ne soit en fait “rĂȘvĂ©” par Roman ou le rĂ©sultat d’une vision….

 

Il faut du souffle et du courage Ă  Roman pour trouver quoi dire Ă  tous ces hommes plus Ăąpres et plus ĂągĂ©s que lui. Mais il n’a pas l’érudition ou le lyrisme du Ray-Joshua du film Slam de Sam Levin.

 

Si son histoire est la mĂȘme que tous ses « guetteurs Â»,  qui connaissent aussi bien que lui le « quartier sans loi Â»,  il est par contre encore innocent. C’est d’ailleurs aussi pour ça que Barbe Noire, le premier, le condamne dĂšs son arrivĂ©e :

 

« On ne change pas les sentiments. C’est ce qu’on ressent qui est rĂ©el
mĂȘme si c’est injuste Â».

 

RĂ©plique de la vie politique rĂ©cente du pays avec l’évocation de l’arrestation de l’ancien PrĂ©sident Laurent Gbagbo, cette Nuit des rois a aussi son cortĂšge de prĂ©noms distributeurs d’indices mais aussi de sortilĂšges :

 

Nivaquine ( L’acteur Issaka Sawadogo)

 

Nivaquine (l’acteur Issaka Sawadogo) fait penser Ă  la nĂ©cessitĂ© d’un traitement pour contrer les convulsions d’un pays en perdition. On dĂ©couvrira que le traitement est limitĂ© et sanglant.

 

Demi Fou (l’acteur Digbeu Jean Cyrille) et Lass (Abdoul Karim KonatĂ©) en opposants politiques cherchant Ă  succĂ©der Ă  Barbe Noire font bien penser Ă  des dirigeants politiques qui prĂ©fĂšrent l’usage des forces ( tant mystiques que physiques) Ă  celui de la raison.

 

 

La nuit des Rois de Philippe LacÎte est un monde à suivre et à voir. Il sortira au cinéma dÚs que ce sera possible au printemps ou en été 2021.

 

Franck Unimon, ce jeudi 25 mars 2021.

 

 

 

 

 

 

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Corona Circus self-défense/ Arts Martiaux

Un déménagement de 22 ans

 

Un dĂ©mĂ©nagement de 22 ans :

En 1999, il y a 22 ans, j’aidais Vassili, un ancien collĂšgue, Ă  emmĂ©nager dans son nouvel appartement Ă  AsniĂšres.  Nous devions ĂȘtre quatre ou cinq.

 

Nous nous Ă©tions finalement retrouvĂ©s tous les deux, lui et moi, Ă  transporter ses meubles depuis son appartement d’Auvers sur Oise jusqu’à son nouvel appartement Ă  AsniĂšres sur Seine. PrĂšs de la gare de BĂ©con les BruyĂšres. Un appartement de 60 mĂštres carrĂ©s ou un peu plus dans un immeuble ancien des annĂ©es 30.

 

A cette Ă©poque, j’étais encore locataire. Et je n’avais encore jamais Ă©tĂ© « propriĂ©taire Â» moi-mĂȘme de mon propre appartement
moyennant un crĂ©dit immobilier de plusieurs annĂ©es. Il m’avait fallu du temps pour accepter de changer de mentalitĂ© :

 

Pour passer de locataire oĂč je payais un loyer mensuel. A l’idĂ©e d’un crĂ©dit immobilier que j’allais m’engager  Ă  rembourser tous les mois pendant plus de quinze ans. Car j’avais bĂ©nĂ©ficiĂ©, pour partie, d’un prĂȘt Ă  taux zĂ©ro. Ce qui Ă©tait une nouveautĂ© Ă  l’époque, pour inciter Ă  acheter.

 

 

Je connaissais des collĂšgues, souvent en couple avec enfants, qui avaient « achetĂ© Â» leur maison depuis plusieurs annĂ©es. Leur exemple et les encouragements de certains d’entre eux avaient fini par me convaincre que c’était une bonne dĂ©cision, pour moi, Ă  mon tour, bien qu’encore cĂ©libataire, « d’acheter Â» et de devenir propriĂ©taire, mĂȘme d’une petite surface.

 

En 1999, j’aurais Ă©tĂ© incapable d’acheter cet appartement que  venait d’acquĂ©rir Vassili. Plus ĂągĂ© que moi d’environ dix annĂ©es, Vassili avait aussi Ă©conomisĂ©. Vassili n’est pas du genre « coquet Â». Il fait peu de dĂ©penses. Moins que moi. Je crois aussi qu’il avait perçu un peu d’hĂ©ritage. Son appartement me faisait envie pour sa surface, sa localisation et sa proximitĂ© avec Paris. Mais je crois n’avoir jamais eu les moyens de m’en acheter un pareil. A l’époque, je crois qu’il l’avait achetĂ© – moyennant un apport financier et un crĂ©dit immobilier-  550 000 francs. A l’époque, ma capacitĂ© d’emprunt maximale Ă©tait de 430 000 francs sur vingt ans. Je m’en Ă©tais tenu Ă  un prĂȘt de 350 000 francs pour l’appartement que j’allais acheter ensuite sur plan. Un 23 mĂštres carrĂ©s.  

 

J’aurais sĂ»rement « dĂ» Â» prendre une surface plus petite que son appartement en cherchant dans l’ancien comme lui. Mais, Ă  l’époque, j’avais besoin d’acheter dans du neuf. Cela me rassurait. J’avais sĂ»rement besoin, aussi, de rester prĂšs de ma famille Ă  Cergy-Pontoise :

 

De ma mĂšre, de ma sƓur et de mon frĂšre au moins. Ma sƓur avait alors 22 ans et commençait Ă  peine Ă  travailler pour gagner sa vie. Notre frĂšre, lycĂ©en, avait 17 ans. BientĂŽt, Ă  la demande de notre mĂšre, j’allais finalement accepter de renoncer Ă  ma vie de cĂ©libataire et de locataire. Afin de permettre Ă  ma sƓur et Ă  mon frĂšre de vivre avec moi dans un F3 que nous allions louer et obtenir de la mairie de Cergy-StChristophe en moins de trois mois. Ce qui serait impossible aujourd’hui en 2021 oĂč toute demande de location prend facilement deux Ă  trois ans voire plus, je crois, avant d’obtenir une rĂ©ponse ou d’ĂȘtre satisfaite.

 

 

Enfin. En 1999, Vassili et moi en avions chiĂ© pour son dĂ©mĂ©nagement. Sortir ses meubles de son appartement d’Auvers sur Oise avait Ă©tĂ© simple :

 

C’était au rez de chaussĂ©e.

 

Les monter dans son nouvel appartement avait Ă©tĂ© plus Ă©puisant :

 

C’était au quatriĂšme Ă©tage sans ascenseur.

 

Vers la fin,  alors que nous avions montĂ© une bonne partie des meubles, cela en devenait comique, Vassili dĂ©crĂ©tait que tout nouveau meuble qui restait allait finir sa marche :

 

«  A la cave ! Â».

 

 

J’étais sous le coup d’une rupture amoureuse. Cette rupture amoureuse m’avait donnĂ© suffisamment de motivation pour ces travaux de « force Â». Mais, malgrĂ© elle, Ă  la fin, j’avais approuvĂ© ces dĂ©cisions de fourguer ce qui restait des meubles
à la cave !

 

AprĂšs que nous ayons eus terminĂ©s, Vassili m’avait dit :

 

« Je te remercie infiniment Â». Il avait aussi parlĂ© d’une « reconnaissance Ă©ternelle Â». Ces propos m’avaient un peu Ă©tonnĂ©.

 

Mais il est vrai que, mĂȘme si par la suite, lui et moi nous sommes modĂ©rĂ©ment revus ou appelĂ©s, notre relation est restĂ©e. Et, chaque fois que je l’ai sollicitĂ© par la suite pour un de mes dĂ©mĂ©nagements, il a toujours Ă©tĂ© prĂ©sent.

 

Depuis 1999, notre monde et nos vies ont plus que changé.

 

Prince et MichaĂ«l Jackson sont morts. Le Rap et internet ont essaimĂ©.  Les rĂ©seaux sociaux, les sites de rencontres type Tinder, Tok Tok ( Tik Tok ? ), Twitter, Snapchat, Instagram et autres aussi.

 

Le Ghosting s’est normalisĂ© au mĂȘme titre que la marchandisation des rapports humains.

 

On parle des mouvements Me#too et de Balance ton porc.

 

La numĂ©ro 2 de Facebook, une AmĂ©ricaine, Sheryl Sandberg,  proclame :

 

« Le monde irait mieux avec les femmes aux commandes Â». Mais aussi :

« Les pays gouvernĂ©s par des femmes ont eu les taux de mortalitĂ© dus au coronavirus les plus bas Â» (page 11 du journal « gratuit Â» Vingt minutes du lundi 22 mars 2021). « (
.) Lorsque les hommes rĂ©ussissent, les gens attribuent cela Ă  leurs compĂ©tences. Lorsqu’une femme rĂ©ussit, on attribue cela Ă  la chance et au travail (
.) Â».

 

 

Toute personne qui a du succÚs ou une certaine réussite sociale, femme ou homme, blanche ou noire, le doit souvent, à mon avis, en plus de ses compétences, à la chance et au travail.

 

Chance d’ĂȘtre « arrivĂ© Â» au bon moment, au bon endroit. « Chance Â» d’avoir rencontrĂ© les bonnes personnes au bon moment. A la place, d’autres, tout autant « compĂ©tentes Â» et « travailleuses Â» ont plutĂŽt la malchance de rencontrer leur « fossoyeur Â», leur futur proxĂ©nĂšte, leur exploiteur ou la mauvaise substance qui va les liquider.

 

Mais peu importe que ce que raconte Sheryl Sandberg puisse manquer de nuance ou occulter les travers de la firme puissante (Facebook) qu’elle reprĂ©sente. Comme toute personne qui a rĂ©ussi (femme ou homme, de couleur blanche ou autre) ses paroles, du fait, de son « succĂšs Â» auront toujours plus d’éclat et plus de lĂ©gitimitĂ© que ceux de la personne lambda.

 

MĂȘme si Sheryl Sandberg – comme toute personne publique ayant rĂ©ussi- raconte n’importe quoi. Cela me rappelle ces propos d’un joueur de Foot qui, aprĂšs avoir rencontrĂ© Lilian Thuram, avait dit un jour Ă  son propos :

 

« C’est un Monsieur ! Â». 

 

LĂ  encore, peu importe d’ĂȘtre d’accord avec les positions de Lilian Thuram Ă  propos du racisme, ou d’autre sujets. Puisque son trĂšs bon palmarĂšs- rĂ©cent et encore dans les mĂ©moires– de Footballeur professionnel lui attribuait une aura immĂ©diate. Sauf que si  Lilian Thuram avait eu les mĂȘmes idĂ©es en n’ayant qu’un CV de Footballeur de quatorziĂšme division, le mĂȘme footballeur professionnel, en le rencontrant, l’aurait sans doute Ă  peine considĂ©rĂ©.

 

 

Nous sommes nombreux Ă  avoir ce genre d’attitude. Nous sommes souvent Ă©bahis devant telle personne parce qu’elle a accompli ce que nous aimerions accomplir ou que peu ont accompli. Ce faisant, nous oublions qu’à notre niveau, nous rĂ©alisons l’impossible bien plus souvent que nous ne le croyons. Sauf que ce n’est pas mĂ©diatisĂ©. Et que nous avons le tort, aussi, de l’oublier ou d’estimer que cela a bien moins de valeur que les actions de toutes ces « grandes personnes Â» surmĂ©diatisĂ©es – souvent trĂšs bien entourĂ©es– que nous regardons. Parce-que, contrairement Ă  elles, nous ne sommes pas le numĂ©ro un ou le numĂ©ro deux d’une Ă©mission de tĂ©lĂ©, d’une grande entreprise, d’un mĂ©dia rĂ©putĂ© ou d’une Ă©quipe de Foot prestigieuse.

 

 

 

Lorsque hier matin, je me suis prĂ©parĂ© pour aller donner un coup de main Ă  Vassili pour ce dĂ©mĂ©nagement, j’ai eu un moment de doute. Je me suis demandĂ© pourquoi, Ă  nouveau, j’allais me retrouver dans une situation oĂč nous allions ĂȘtre si peu pour ce dĂ©mĂ©nagement : MĂȘme la chaine TF1 serait absente.

En plus, la veille, j’avais commencĂ© Ă  avoir mal au genou au point de me demander si j’allais pouvoir ĂȘtre en capacitĂ© d’y participer. J’aime participer Ă  des dĂ©mĂ©nagements. Mais vingt deux ans Ă©taient passĂ©s.

 

Pendant le dĂ©mĂ©nagement, j’ai aussi connu quelques moments de flottement devant l’organisation un peu « empirique Â» de mon ami Vassili. Lorsqu’arrivĂ©s devant la porte du garage donnant accĂšs au double box oĂč nous allions entreposer ses meubles, lui-mĂȘme ignorait si le camion allait « passer Â». Il a aussi exposĂ© quelques limites lorsqu’il s’agissait de piloter le dit-camion. 

 

Le camion ne pouvait pas passer. Et entrer dans le garage. Heureusement que nous avons pris le temps de vérifier tous ensemble au préalable.

 

J’ai un peu entrevu le moment oĂč ce dĂ©mĂ©nagement supposĂ© ĂȘtre « light Â» pouvait se transformer en Ă©popĂ©e ou en sinistre. Ou en supplice de longue durĂ©e.

 

Finalement, cela s’est bien passĂ©. Il a fallu un peu guider notre ami de temps Ă  autre pour bien diriger le camion. Ainsi que dans les escaliers de l’immeuble en descendant un ou deux meubles volumineux assez lourds. Ou lui rappeler, en pleine pandĂ©mie du Covid, la nĂ©cessitĂ© de porter un masque voire lui en donner un alors que nous nous retrouvions Ă  trois, cĂŽte Ă  cĂŽte, dans le mĂȘme camion.

 

Cependant, vingt deux ans plus tard,  Ă  nouveau, tout s’est bien dĂ©roulĂ©.

 

Ce dĂ©mĂ©nagement m’a permis de rencontrer une personne qui s’avĂšre ĂȘtre scĂ©nariste de documentaires, ĂȘtre allĂ© plusieurs fois en Afrique et dont la compagne est monteuse. Soit une personne que je suis en principe appelĂ© Ă  revoir.

 

 

Et, Ă  la fin, notre ami Vassili, nous a  pleinement exprimĂ© sa reconnaissance. Alors que nous n’attendions rien de particulier de lui Ă  ce moment-lĂ , je crois, l’autre ami et moi.

 

Il m’a semblĂ© que tous les vaccins contre le Covid, et tout ce fatras de certitudes que nous pouvons avoir sur bien des sujets ne valaient alors pas grand chose en comparaison avec ces remerciements de Vassili, cet engagement commun de nos corps pour rĂ©aliser ce dĂ©mĂ©nagement, et la concrĂ©tisation ou la confirmation de cette amitiĂ©. 

 

Sans doute parce-que je suis vieux jeu, has been mais aussi un loser. Car ce n’est certainement pas en m’y prenant comme ça que je passerai Ă  la tĂ©lĂ© ou deviendrai numĂ©ro deux d’un grand mĂ©dia ou d’une grande entreprise.

 

 

Franck Unimon, ce mardi 23 mars 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Moon France Musique self-défense/ Arts Martiaux

Rété Simp

 

                                                                RĂ©tĂ© Simp

Ce fut le titre que je n’ai pas citĂ© le 16 mars. Lorsque j’ai marchĂ© jusqu’au viaduc oĂč, ce 8 mars 2021, la jeune Alisha Khalid a Ă©tĂ© battue par deux de ses camarades puis « dĂ©chargĂ©e Â» dans la Seine. OĂč son affaiblissement – du Ă  ses blessures-  ajoutĂ© Ă  l’hypothermie, l’impuissance et le dĂ©sespoir sans doute lui ont enlevĂ© sa vie par noyade.

 

RĂ©tĂ© Simp ( « Reste simple Â»/ “Reste modeste”/ “arrĂȘte de te la pĂ©ter” en crĂ©ole guadeloupĂ©en mais aussi martiniquais) est un titre de zouk de l’artiste Jean-Michel Rotin qui date des annĂ©es 90 ou peut-ĂȘtre du dĂ©but des annĂ©es 2000. Il faisait alors partie du groupe Energy. Il est le deuxiĂšme en partant de la gauche sur la photo. 

 

Je n’avais pas envie de zouker quand j’ai Ă©critMarche jusqu’au viaduc . C’est sĂ»rement pour cela que j’ai alors « oubliĂ© Â» de citer RĂ©tĂ© Simp.

 

Pourtant, ce titre, je l’avais aussi « entendu Â» alors que je me rapprochais du viaduc sous la A 15. Mais d’autres Ă©motions avaient enserrĂ© le dessus de mes pensĂ©es. Des Ă©motions que plusieurs personnes – qui ont lu l’article- m’ont aussi exprimĂ© que ce soit par un mot sur ma page Facebook, un « signe Â» ou un sms.

 

Avant hier, particuliĂšrement, j’ai passĂ© quelques moments difficiles Ă©motionnellement Ă  « repenser Â» de prĂšs ou de loin, au meurtre d’Alisha. Il arrive aussi que depuis le train que je prends pour aller au travail, j’aperçoive au loin, furtivement, le viaduc sous lequel cela s’est passĂ©.

 

Au vu de ma sensibilitĂ© « augmentĂ©e Â», je me suis demandĂ© si j’étais proche d’un « ressenti traumatique». Mais je crois ĂȘtre  Â« simplement Â» nĂ©vrosĂ©. Et touchĂ© par ce qui est arrivĂ©.

 

Les images que « j’ai Â»

 

 

Moi, le cinĂ©phile, je n’ai pas revu beaucoup de films depuis quelques mois. Mais cela a plus Ă  voir avec le contexte Covid qui a remixĂ© nos existences- et en partie nos consciences- depuis un an, maintenant.

 

Le « nouveau Â» reconfinement depuis un ou deux jours, Ă  mon avis, m’affecte nettement moins que le tout premier de l’annĂ©e derniĂšre Ă©galement au mois de mars. L’annĂ©e derniĂšre, Ă  la mĂȘme date, comme la plupart, je me faisais tabasser par l’atmosphĂšre de fin du monde qui menaçait de m’encorner pratiquement Ă  n’importe quel moment avec la puissance du phacochĂšre. Une Ă©poque oĂč les masques anti-Covid Ă©taient une denrĂ©e rare ou vite Ă©puisĂ©e. Et oĂč on se rendait au travail en franchissant les « tranchĂ©es Â» de rues vides la gueule offerte faute de masques. Lesquels ont commencĂ© par ĂȘtre parachutĂ©s par milliers dans les supermarchĂ©s Ă  partir du dĂ©but du mois de Mai. J’avais rĂ©alisĂ© quelques diaporamas ( Panorama 18 mars-19 avril 2020 )de cette « pĂ©riode Â» alors Ă©trange et hors norme, aujourd’hui, assez banalisĂ©e : aujourd’hui tout le monde a un masque anti-Covid sur lui voire plusieurs de rechange. Et ne pas en porter est un dĂ©lit. Sauf si l’on fait son footing ou que l’on se dĂ©place Ă  vĂ©lo. Ou que l’on est seul en voiture. Ou en famille.

 

Paris, Place de la Concorde, en allant au travail, ce vendredi ou ce samedi matin.

 

 

Ce Mercredi, avant ce nouveau « reconfinement Â» dĂ©clarĂ©,  je suis donc allĂ© faire provision de nouveaux blu-ray dans un des magasins oĂč je « m’alimente Â» prĂšs du centre Georges Pompidou. Ce ravitaillement n’a rien Ă  voir avec le nouveau confinement alors encore hypothĂ©tique. J’étais alors dans le coin et cela faisait plusieurs mois que je n’étais pas allĂ© dans ce magasin oĂč l’on peut trouver des Blu-Ray et des dvds neufs en promotion.

 

Les images que j’ai, ces derniers jours, sont principalement faites de ces moments que je vis au quotidien avec mes proches ou d’autres, au travail ou ailleurs. Mais aussi de ces photos que je prends et dont j’ai commencĂ© Ă  parler dans la nouvelle rubrique VĂ©lo Taffe VĂ©lo Taffe : une histoire de goudron). C’est peut-ĂȘtre le monde tel que j’aspire encore Ă  le voir.

 

Il y a peu de livres, aussi, qui m’apportent des images en ce moment. Ainsi, je n’ai pas rĂ©ussi Ă  terminer Verre cassĂ© d’Alain Mabanckou, livre que j’avais pourtant commencĂ© Ă  lire il y a bientĂŽt deux mois. Alors qu’il me reste seulement trente pages Ă  lire et que je l’ai aimĂ© par endroits. Mais je reste un assidu du Canard EnchaĂźnĂ©  et du TĂ©lĂ©rama que je parcours par « strates Â». Et du journal gratuit quand je tombe dessus.

 

Plusieurs fois par semaine, aussi, depuis plusieurs semaines, j’écoute des podcasts. Pour cela, je peux remercier la technique de plus en plus performante en matiĂšre de stockage et de tĂ©lĂ©chargement de nos smartphones que nous payons si chers. MĂȘme si les conditions d’extractions des minerais nĂ©cessaires Ă  la construction de nos « doudous-portables Â» en font aussi l’équivalent de doudous de sang. Surtout en en changeant au bout de quelques mois ou chaque annĂ©e.  

 

Enfin, grĂące Ă  un podcast consacrĂ© au photographe «  de guerre Â» Patrick Chauvel -que je ne connaissais pas- je vais peut-ĂȘtre recommencer Ă  lire. Car il a Ă©crit :

 

Rapporteur de guerre, Sky et un autre livre que j’ai rĂ©ussi Ă  trouver d’occasion sur le net.

 

 

« Tu veux ĂȘtre bon,  va oĂč est le carnage Â» :

 

Le Maitre d’Arts martiaux Kacem Zoughari a citĂ© cette phrase – en Japonais- d’un de ses anciens Maitres japonais.

 

J’avais citĂ© cette phrase lors de mon pot de dĂ©part pendant mon discours il y a un peu plus de deux mois maintenant dans mon prĂ©cĂ©dent service :

 

«  Tu veux ĂȘtre bon, va oĂč est le carnage Â».

 

 

 AprĂšs l’article Marche jusqu’au viaduc, je peux maintenant m’apercevoir un peu plus Ă  quel point j’étais raccord avec cette phrase. Et ce n’est peut-ĂȘtre que le dĂ©but.

 

Je n’ai jamais aimĂ© le mois de  Mars. Pourtant, le mois de Mars, si je rĂ©flĂ©chis maintenant, c’est bien le mois ou le Dieu de la guerre.

 

Lorsque ce mois de mars a commencĂ© cette annĂ©e, je me suis dit qu’il allait passer vite compte-tenu de mes divers projets. Et c’est vrai. MĂȘme si je ne m’attendais pas Ă  certains Ă©vĂ©nements dans ma ville et dans ma vie comme la mort de la jeune Alisha que je ne connaissais pas.

 

 Aujourd’hui, nous sommes dĂ©ja le premier jour du printemps, le 21 mars 2021.

 

Reste simple :

 

Jean-Michel Rotin, un temps surnommĂ© «  le MichaĂ«l Jackson Â» du Zouk, est beaucoup moins connu que le groupe Kassav’ ou le « fameux Â»â€Š..Francky Vincent. Mais il a apportĂ© une nouveautĂ© en mĂ©langeant la « r’n’b Â» et le « Rap Â» avec le zouk dans les annĂ©es 90. Kassav’ avait frappĂ© plusieurs fois Ă  coups de maillet Ă  partir du milieu des annĂ©es 80 sur la production musicale antillaise mais aussi mondiale. Scellant l’envolĂ©e du Zouk. En Afrique, en AmĂ©rique du sud et jusqu’au aux Etats-Unis oĂč un Miles Davis, « un peu Â» condescendant, avait pu faire la « leçon Â» Ă  un journaliste :

«  Cette musique, ça s’appelle le Zouk. Kassav’, vous connaissez ? Â».

 

Dans les annĂ©es 90, sans atteindre l’envergure internationale de Kassav’, Rotin Ă©tait apparu avec son style qui le dĂ©marquait d’autres artistes de zouk qui rejouaient la « formule Â» Zouk sans trop de particularitĂ©s.

 

Aujourd’hui, Jean-Michel Rotin fait partie des « vieux Â» artistes ( les annĂ©es 90-2000, c’est « loin Â») et je ne sais pas si on peut encore le trouver novateur. Mais, Ă  une Ă©poque, certains artistes de zouk bonifiaient leur musique lorsque Rotin se retrouvait impliquĂ© Ă   la partition ou dans la production.

 

Il y a quelques mois, j’ai trouvĂ© une interview  de lui. Elle date de plusieurs annĂ©es, avant la pandĂ©mie du Covid. Dans cette interview, il exprimait une certaine amertume envers l’industrie du disque. Il estimait s’ĂȘtre fait arnaquer au moins Ă©conomiquement du fait de sa « naĂŻvetĂ© Â» et de son « ignorance Â» lors de sa pĂ©riode fastueuse. Il faisait aussi part de cette pĂ©riode oĂč sa principale activitĂ©, comme l’artiste Prince (qu’il cite) Ă©tait de crĂ©er un titre par jour. Mais aussi qu’on lui aurait « dit Â» qu’il allait « trop loin Â» dans sa recherche musicale. Cela aurait eu pour effet de brider sa production musicale. D’autant qu’il avait pu lui ĂȘtre reprochĂ© d’avoir « dĂ©naturĂ© Â» le Zouk. Je suis sĂ»r que d’autres personnes –artistes ou non- ailleurs dans le monde pourraient retrouver une partie de leur vie dans ce tĂ©moignage. L’artiste CĂ©dric Myton de l’ancien groupe de Reggae Congo ne raconte pas autre chose que Jean-Michel Rotin dans le documentaire Inna De Yard : The Soul of Jamaica rĂ©alisĂ© en 2018-2019 par Peter Webber

 

Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, Rotin a son public. Et ce public comporte plusieurs gĂ©nĂ©rations.

 

Jean-Michel Rotin a d’autres titres bien plus connus que RĂ©tĂ© Simp : LĂ© Ou Lov’ , par exemple, a Ă©tĂ© un de ses premiers gros tubes. Ou AdiĂ© An Nou.  Il y a pu aussi y avoir le titre Stop qui, dans sa version studio, m’avait moyennement plu, mais qui sur scĂšne prenait toute sa force. Plus rĂ©cemment, mĂȘme si ça date de plusieurs annĂ©es maintenant, sa reprise du titre Begui Begui Bang avait bien marchĂ© Ă  ce que j’avais compris. Et il a fait d’autres tubes.

 

 

 

Un ou une compatriote « opiniĂątro- Rotinophile Â» me reprochera sĂ»rement d’avoir omis une quantitĂ© astronomique des tubes produits par Jean-Michel Rotin. Et me fera sĂ»rement remarquer qu’une sĂ©rieuse formation de remise Ă  niveau s’impose de maniĂšre urgente- et critique- pour moi.

 

Mais ma prioritĂ©, ici, est de parler de Jean-Michel Rotin et de contribuer, selon mes moyens, Ă  le faire connaĂźtre un petit peu plus. Je rappelle qu’en France, comme d’autres artistes antillais, Rotin reste bien moins connu que Francky Vincent.

 

Francky Vincent a aussi ƓuvrĂ© pour la musique antillaise et est loin d’ĂȘtre le grand « niais Â» ou l’animateur « pour virĂ©es tropicales Â» façon Club Med qu’il a l’air d’ĂȘtre pour certains amies  et amis « mĂ©tros Â». Francky Vincent a aussi pu composer des titres engagĂ©s sur la sociĂ©tĂ© antillaise. Mais, mĂȘme si je suis trĂšs loin d’ĂȘtre Ă  jour, il  y a d’autres artistes qui « comptent Â» en dehors de Francky Vincent et de Kassav’ lorsque l’on parle de Zouk aux Antilles. Jeunes et moins jeunes. Comme le groupe Akiyo dont Kassav’ a utilisĂ© un des titres pour l’ouverture de ses concerts il y a deux ou trois ans. A la fĂȘte de l’HumanitĂ© par exemple : 

Kassav’  et Quelques photos de la fĂȘte de l’Huma 2019 

 

Cependant, pour reparler de Jean-Michel Rotin, je trouve que le titre Mwen Ni To reste sous-estimĂ©. Mais je n’étais pas « au pays Â» Ă  sa sortie pour pouvoir ĂȘtre pĂ©remptoire.

 

Les clips des chanteurs et chanteuses de Zouk peuvent apparaßtre trÚs kitsch, clichés ou ridicules. Plusieurs révolutions de la pellicule sont sans doute nécessaires.

 

Toutefois, il faut alors se rappeler que le but du Zouk n’est pas de rivaliser avec le cinĂ©ma d’un Wong-Kar-Wai ou d’un Lars Von Trier. Ni de se prĂ©parer Ă  effectuer des Ă©tudes de philo ou de sociologie Ă  la fac en rĂ©flĂ©chissant Ă  la pensĂ©e d’un Cioran ou d’un Durkheim. Mais d’abord de trouver et de donner de la force et du plaisir pour vivre et ĂȘtre ensemble malgrĂ© la duretĂ© de la vie.  Et, cela part du corps et du bassin. Ce que le groupe Kassav’énonce dans son titre Zouk La SĂ© Sel MĂ©dikaman Nou Ni, un de ses nombreux tubes. Mais aussi au moins
. le rĂ©alisateur Quentin Dupieux alias Mr Oizo Ă  travers Duke le flic ripoux- et mĂ©lomane- de son film Wrong Cops que l’on put d’abord voir dans une version court-mĂ©trage ( 2012-2013). Film dans lequel on peut voir le chanteur Marilyn Manson hilarant dans son rĂŽle de David Dolores Frank.

 

Le titre Zouk La SĂ© Sel MĂ©dikaman Nou Ni est peut-ĂȘtre moins connu – pour certains « jeunes Â» et moins jeunes- que le Djadja d’Aya Nakamura. Mais c’est nĂ©anmoins un tube mondial. Et presque aussi intergĂ©nĂ©rationnel que le Sex Machine de James Brown lĂąchĂ© dans les oreilles
.en 1966. Si je ne me trompe pas.  

https://youtu.be/1UzZUfFUnxY

 

Enfin, rappelons que Jocelyn BĂ©roard, une des meneuses du groupe Kassav’, faisait partie des chƓurs lors de l’enregistrement du titre RĂ©tĂ© Simp de Jean-Michel Rotin.

Un Art suprĂȘme :

 

 

John Coltrane a composĂ© entre autres le titre A Love Supreme.

 

 

Pour moi, la musique fait partie des Arts suprĂȘmes. Avant et devant le cinĂ©ma. Si les images nous parlent, la musique, elle, est l’étincelle qui peut nous dĂ©clencher avec trĂšs peu. Qu’un titre ait deux jours, cinq mois ou cinquante ans, si le cuivre dont est fait son rythme, son horizon ou son poids, sont calibrĂ©s pour nous, ils peuvent nous suivre jusqu’à la mort. Ou semblent nous avoir toujours attendus.

 

Parfois, ce mĂȘme titre parlera aussi Ă  d’autres. Parfois, pas. Mais ça ne changera rien pour nous. Il fera toujours partie de notre appareil vestibulaire et de notre vestiaire. Il sera toujours Ă  notre adresse.

 

Bien-sûr, tous les arts comptent. Mais un monde sans musiques
.

 

La musique que l’on aime Ă©couter brĂ»le l’horreur. Elle nous aide Ă  la soutenir, Ă  la convertir et Ă  la contourner. Bob Marley a pu chanter :

 

« Hit me with Music ! Â». Il n’a pas chantĂ© : « Frappez-moi avec des mathĂ©matiques ! Â». Ou « Frappez-moi avec les concepts spĂ©cifiques Ă  la PhĂ©nomĂ©nologie ! Â». MĂȘme si ces disciplines ont bien-sĂ»r leur rĂŽle Ă  jouer.

 

La musique peut nous aider Ă  nous redresser. Elle nous entraĂźne afin de continuer- Ă  vivre- mĂȘme lorsque l’horreur et la tristesse nous passent et nous repassent dessus.

 

 

Pour moi, le rire est pareil. C’est aussi notre rĂ©volution : on ne passe pas notre temps qu’à subir et Ă  se rĂ©duire. On rĂ©agit, aussi. On crĂ©e son Big Bang. On anticipe.

 

Cela ne fait pas de nous des Dieux, des super-héros ou des super puissances. Mais on existe. On apprend à supporter notre matiÚre et les tourments qui peuvent aller avec.

 

Le rire et la musique nous donnent le droit d’exister. Ce droit n’est pas donnĂ© Ă  tout le monde. Il y a des personnes qui en sont privĂ©es. Et d’autres qui s’en dĂ©tournent.

 

Ce dimanche 21 mars 2021, je ne vais pas me priver.

 

Depuis quelques jours, je « dĂ©couvre Â» Georges Brassens. Jusqu’à maintenant, je n’aimais ni sa voix ni son rythme. Mais, il y a quelques jours, par le titre Je me suis fait tout petit, je crois avoir trouvĂ© une entrĂ©e, mon entrĂ©e, dans son Ɠuvre. LĂ  oĂč des alpinistes vont trouver une-nouvelle- voie pour escalader une montagne.

 

 

 

Il faut quelques fois un titre pour trouver son propre passage vers un artiste. Comme il faut quelques fois son moment particulier pour trouver son passage vers quelqu’un ou vers une nouvelle discipline.

 

Ensuite, chef d’Ɠuvre, ratĂ©, meurtre, ou massacre, le rĂ©sultat dĂ©pend de la co-composition – ou co-crĂ©ation- des uns et des autres.

 

De ce que l’on est capable de dĂ©tecter et de fabriquer. Des ressources que l’on peut –accepter- trouver chez d’autres. Ou leur apporter.

 

AprĂšs  Brassens, il y aura le titre Hear my Train A Comin’ de Jimi Hendrix car, pour moi, c’est l’un des meilleurs alliĂ©s du titre de John Lee Hooker Oh, Come back, Baby, Please Don’t Go
 One More Time.

 

( il existe diffĂ©rentes versions souvent plus Ă©tendues du titre ” Hear My Train A Coming”).

 

 

 

Une autre fois, je parlerai peut-ĂȘtre de Dub,  de Maloya ou de Miles (Davis).

Paris, ce vendredi 19 mars ou samedi 20 mars 2021, le matin.

 

 

Franck Unimon, dimanche 21 mars 2021.

 

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Corona Circus VĂ©lo Taffe

VĂ©lo Taffe : une histoire de goudron

Place de la Concorde, Paris, FĂ©vrier 2021.

 

                                            VĂ©lo Taffe : une histoire de goudron

A chaque coup de pĂ©dale, je prends le pouls du macadam. Je m’écarte de l’écrou des tumeurs que sont les correspondances du mĂ©tro.  Des cycles de « Veuillez nous excuser pour la gĂȘne occasionnĂ©e Â». (cf.  Une ligne 14 Ă  bloc ! )

 

Pour fuir cette mauvaise fumĂ©e et ces rimes qui puent des pieds, cela fait un peu plus d’un mois maintenant que je me rends Ă  vĂ©lo au travail.

 

 

 Quelques uns de mes critĂšres pour le choix d’un vĂ©lo :

 

Depuis des annĂ©es – bien avant la pandĂ©mie du Covid et premier confinement de l’annĂ©e derniĂšre qui a stimulĂ© l’usage du vĂ©lo – je lorgnais sur le vĂ©lo pliant.

 

Je possĂšde le mĂȘme VTT plutĂŽt lĂ©ger depuis plus de vingt ans. Je suis dĂ©jĂ  allĂ© au travail avec lui depuis chez moi. Mais son inconvĂ©nient est que je dois le laisser dans un local fermĂ© Ă  dix minutes Ă  pied de chez moi. Par manque de place Ă  la maison.

MĂȘme s’il a vieilli et qu’il ne s’agit ni d’un vĂ©lo de luxe ou de compĂ©tition, je refuse de l’attacher dehors et de prendre le risque de me le faire voler.

 

L’avantage du vĂ©lo pliant est de pouvoir se ranger facilement chez soi. Mais aussi de pouvoir ĂȘtre amenĂ© Ă  peu prĂšs partout avec autant d’aisance. En plus, en se renseignant un peu, on apprend qu’un vĂ©lo pliant peut ĂȘtre aussi rapide qu’un « vrai Â» vĂ©lo :

 

Un vélo de plus grande taille, avec braquets et plusieurs vitesses.

 

A condition de bien choisir son vĂ©lo pliant. Bien-sĂ»r, il existe des premiers prix Ă  150 ou 200 euros mais j’ai facilement acceptĂ© le conseil d’éviter ces premiers prix. Il y a ce que j’appelle les « fausses Ă©conomies» :

 

On prend un article le moins cher possible en pensant que cela ne vaut pas le coĂ»t. Et, finalement, en pratique, on le paie plus cher Ă  mesure des ennuis  mĂ©caniques ou autres. Sauf que, lĂ , personne ne vous dira  « Veuillez nous excuser pour la gĂȘne occasionnĂ©e Â» pendant que vous regarderez passer les autres cyclistes bien heureux de continuer de rouler tout en vous ignorant ou, au mieux, en vous offrant un air dĂ©solĂ©.

 

 

Il y a donc un minimum Ă  mettre dans un vĂ©lo, pliant ou non, afin de se garantir une bonne durĂ©e de vie. Il y a plus de vingt ans, j’avais dĂ©cidĂ© de mettre 3000 francs dans mon VTT. Je m’étais renseignĂ© auparavant sur la qualitĂ© des piĂšces de la marque Shimano qui constituaient le vĂ©lo. C’était une somme assez importante mĂȘme pour l’époque. Mais je pouvais alors me le permettre. Et, aujourd’hui, plus de vingt ans plus tard, je peux tĂ©moigner du fait que je n’ai pas eu de mauvaise surprise ou de regret concernant cet effort financier.

 

Je me suis surtout servi de mon VTT pour des parcours que l’on rĂ©serve aux VTC  ou aux vĂ©los de course. Je suis un vĂ©tĂ©tiste du dimanche. Mais je voulais un vĂ©lo solide qui puisse aller partout si j’en avais le besoin. Et puis, je considĂšre le vĂ©lo comme l’une des meilleures inventions mĂ©caniques de l’ĂȘtre humain. Aussi, je crois qu’il faut savoir mettre le prix lorsque l’on s’achĂšte un vĂ©lo.

 

Il y a encore des gens qui gardent leur vĂ©lo toute leur vie et qui le transmettent Ă  leurs enfants. Pour moi, ce genre de bien a une valeur particuliĂšre en plus d’avoir un usage pratique Ă©vident. Je m’en rends bien compte lorsque je croise de temps en temps, celles et ceux qui partent fourailler dans les poubelles rĂ©cupĂ©rant ce dont d’autres se dĂ©barrassent. Ces « fourailleurs Â» sont souvent Ă  vĂ©lo. Car c’est plus pratique pour se dĂ©placer sur des kilomĂštres et pour transporter des objets en faisant le moins d’efforts possibles.

 

 

 

La marque Brompton :

 

 

 La marque Brompton est actuellement, et depuis des annĂ©es, la Rolls du vĂ©lo pliant. La premiĂšre fois que j’avais croisĂ© un Brompton, c’était au quartier de la DĂ©fense, au centre commercial Les Quatre Temps il  y a plusieurs annĂ©es. C’était dans un magasin de bricolage. Le vĂ©lo se trouvait avec son propriĂ©taire. Celui-ci m’avait rĂ©pondu en ĂȘtre content.

 

Le vĂ©lo m’était apparu beau. Il m’avait donnĂ© envie. Mais, Ă  l’époque, je n’avais pas de besoin particulier de vĂ©lo pliant. Je n’ai aucune idĂ©e ou aucun souvenir de son prix. Par contre, aujourd’hui, le prix d’un Brompton est exorbitant. Je veux bien mettre de l’argent dans un vĂ©lo mais, psychologiquement, et financiĂšrement, j’ai des limites.

Le premier prix pour un Brompton dĂ©passe les 1200 euros. Ensuite, il y a tout un tas d’autres critĂšres Ă  prendre en compte :

 

Le nombre de vitesses, le poids etc
.

 

Il m’a Ă©tĂ© conseillĂ© de prendre un vĂ©lo pliant qui dispose au moins de six vitesses. Quant Ă  la taille des roues, je crois que l’on m’avait recommandĂ© un diamĂštre de 26 pouces.

Mais lorsque l’on se trouve sur un site qui vous prĂ©sente les vĂ©los Brompton, vous avez un certain nombre de modĂšles sauf que le prix, lui, reste de plus en plus agressif pour votre compte en banque.

 

J’achĂšterai peut-ĂȘtre un Brompton, un jour, pour me faire plaisir d’autant que pour en avoir croisĂ© quelques uns sur la route, les Brompton me semblent pourvus de spĂ©cificitĂ©s qui les rendent particuliĂšrement aĂ©rodynamiques et performants. Sans forcer. Mais, pour l’instant, c’est trop cher pour moi.

 

La marque Tern :

Moins connue que Brompton, assez confidentielle, cette marque semble offrir des gages de fiabilitĂ© mais aussi d’accessibilitĂ© financiĂšre plus facile par rapport Ă  la marque Brompton. Mais son premier prix se situe aux alentours de 800 euros si j’ai bien retenu. A nouveau, je veux bien mettre de l’argent dans cette technique de pointe qu’est le vĂ©lo pliant, mais j’ai pour l’instant du mal Ă  allonger 800 euros dans un vĂ©lo pliant qui, pour moi, reste un vĂ©lo miniature. MĂȘme si j’ai pu apprendre qu’un « vĂ©lo pliant peut ĂȘtre aussi rapide qu’un vĂ©lo normal
. Â».

 

Pour choisir son vĂ©lo, on peut aussi le faire selon des canons esthĂ©tiques. Pour ma part, je trouve qu’esthĂ©tiquement, il y a aussi des beaux vĂ©los dans la marque Tern. Pour faire un jeu de mot trĂšs facile: les vĂ©los Tern sont loin d’ĂȘtre ternes.

 

Mais le premier prix est à 800 euros ensuite ça grimpe assez haut, aussi.

 

La Marque Moma :

Je n’ai rien lu de particulier sur cette marque. Mais d’aprĂšs ses prix, je trouve cette marque sur la ligne des prix pratiquĂ©s par la chaine DĂ©cathlon. Je parle de cette marque parce-que j’en ai croisĂ© quelques uns et que leurs propriĂ©taires en semblaient satisfaits. Le vĂ©lo Ă©tait assez passe-partout et jouait son rĂŽle de vĂ©lo pliant.

 

 

Mon attirail :

 

J’ai optĂ© pour ce qui est actuellement le vĂ©lo pliant le plus haut de gamme chez DĂ©cathlon : Le B’Twin Tilt 900 qui coĂ»te 499 euros et un petit peu plus si l’on prend la formule crĂ©dit pour l’acheter. En trois ou quatre fois. Ce que j’ai fait.

 

Pourquoi ce modĂšle ?

 

Tout d’abord, j’avais et ai un a priori dĂ©favorable sur la marque B’Twin de DĂ©cathlon. MĂȘme si je veux bien croire que la chaine DĂ©cathlon fasse des recherches pour amĂ©liorer ses produits et les amener au prix le plus accessible en fonction des possibilitĂ©s de sa clientĂšle, pour moi, DĂ©cathlon  reste connotĂ© comme une sorte de TATI  des articles de sport. MĂȘme si j’ai pu acheter bien des articles de sport Ă  DĂ©cathlon et en ai Ă©tĂ© plutĂŽt satisfait.

 

Mais il y a un dĂ©ficit d’image ou d’éducation  de ma part envers la marque DĂ©cathlon:

 

Pour moi, un vĂ©lo DĂ©cathlon est de qualitĂ© moyenne. Peut-ĂȘtre parce-que DĂ©cathlon reste une chaine de grande surface et, qu’en tant que telle, je crois qu’elle ne peut offrir qu’un conseil bas de gamme puisqu’elle privilĂ©gie les gros volumes lorsqu’elle vend des produits. Et vu qu’ils sont Ă  un prix courant ou « facile Â», ce n’est pas grave, si, Ă  un moment ou Ă  un autre, l’article que l’on a achetĂ© « chez Â» DĂ©cathlon nous lĂąche. Il suffit d’aller en racheter un autre Ă  un prix tout autant abordable que le premier.

 

Par ailleurs, des avis que j’ai pu lire sur le B’Twin Tilt 900 sur le net Ă©taient trĂšs critiques. MĂȘme si, ensuite, des avis relativisaient expliquant que, depuis, DĂ©cathlon avait rectifiĂ© ce qui n’allait pas. Mais sans communiquer Ă  ce sujet.

 

 

C’est aprĂšs avoir vu le film  Maudit !- un film d’Emmanuel Parraud d’Emmanuel Parraud en projection de presse que je me suis dĂ©cidĂ© Ă  aller commander mon vĂ©lo pliant. C’était pendant les vacances scolaires du mois de fĂ©vrier.

 

Dix jours plus tard, je recevais un mail ou un sms m’informant de son arrivĂ©e dans le magasin oĂč je l’avais commandĂ©.

 

J’ai optĂ© pour le B’Twin Tilt 900 car 500 euros Ă©tait le maximum que je pouvais accepter de mettre, psychologiquement, dans l’acquisition d’un vĂ©lo pliant. Et je me suis dit qu’en prenant le haut de gamme actuel de DĂ©cathlon, je pourrais me faire une idĂ©e assez juste de ce que peut offrir un vĂ©lo pliant Ă  peu prĂšs convenable.

 

 

Qu’a mon vĂ©lo pliant de convenable ?

 

 

Son poids, par exemple : 12, 2 kgs. Certains vĂ©los pliants font 14 kgs. D’autres peuvent ne faire que 8 kgs mais ils sont nettement plus chers que le mien. J’ai oubliĂ© le poids de mon VTT. Mais 12,2 kgs, c’est assez facile Ă  soulever. 

 

Son nombre de vitesses : Il en a neuf. Certains vĂ©los pliants n’ont pas de vitesse ou en ont six. D’autres en ont peut-ĂȘtre plus.

 

Concernant la façon de le plier, j’ai compris que la façon de plier son vĂ©lo varie selon la marque. Vu qu’il s’agit de mon premier vĂ©lo pliant, je n’ai aucun Ă©lĂ©ment de comparaison. Mais je peux nĂ©anmoins dire que s’il est affirmĂ© qu’il suffit de quinze secondes pour le plier et le dĂ©plier, que je continue plutĂŽt de mettre une bonne minute pour le faire. Je ne suis peut-ĂȘtre pas trĂšs douĂ© alors que le personnel de DĂ©cathlon, lui, subit peut-ĂȘtre des entraĂźnements intensifs de pliage et de dĂ©pliage de vĂ©lo. Mais ça n’est pas grave. Car mĂȘme en prenant une minute ou deux pour le plier ou le dĂ©plier, c’est assez simple. Ensuite, c’est agrĂ©able de pouvoir s’en aller sur son vĂ©lo et de voir comme on se dĂ©place aisĂ©ment plus rapidement que les piĂ©tons.

De toute façon, mĂȘme dĂ©pliĂ©, le vĂ©lo prend en effet une place raisonnable dans le train. En effet, si je me passe du mĂ©tro dans Paris pour aller au travail et en repartir, je continue de prendre le train pour aller jusqu’à Paris et en repartir.

Gare d’Argenteuil, fĂ©vrier 2021.

 

 

La maniabilité de mon vélo me paraßt bonne.

 

 

Question vitesse, je peux confirmer qu’il m’est arrivĂ©, Ă  mes dĂ©buts, de surprendre quelques cyclistes, sur leur vĂ©lo « montĂ© Â» en les rattrapant sans trop forcer puis en les dĂ©passant y compris dans une montĂ©e. En remontant le boulevard St Michel par exemple vers le jardin du Luxembourg. Ce fut assez amusant de facilitĂ©.

 

 

Ses limites :

A la fin de ma premiĂšre journĂ©e de vĂ©lo pliant, j’ai quittĂ© le travail tout content. Et puis, sur les pavĂ©s de la place de la Concorde, alors que j’étais Ă  quelques minutes de « l’arrivĂ©e Â» ( la gare St Lazare, pour moi), ma roue avant a dĂ©chaussĂ© sans que je ne comprenne pourquoi.

 

Quelques secondes plus tard, j’étais en train d’essayer de me rattraper sur mes deux pieds alors que je me dirigeais dans un sprint survoltĂ© vers le haut trottoir qui borde les pavĂ©s. PrĂȘt Ă  tenter les qualifs pour le championnat de France des dix mĂštres.  J’ai rĂ©ussi Ă  Ă©viter de heurter la “haie” du trottoir. Mais, malgrĂ© toute ma volontĂ© pour m’arrĂȘter, mon avant-bras gauche a butĂ© contre un feu de signalisation. L’arriĂšre gauche de mon casque, dans un Ă©lan de solidaritĂ©, a suivi. Je me suis aussi fait mal au majeur de ma main droite. Depuis, Ă  cette main-lĂ , j’ai encore le doigt d’honneur un peu douloureux. Mais ça va de  mieux en mieux mĂȘme si je m’en sers peu. 

 

Je ne roulais pas particuliĂšrement vite lors de ma chute. Le sol Ă©tait plutĂŽt sec. Il faisait plutĂŽt jour. Je n’avais de problĂšme de visibilitĂ© particulier. Je n’étais pas fatiguĂ© plus que de raison ou distrait.

 

TrĂšs vite, deux cyclistes se sont arrĂȘtĂ©s Ă  ma hauteur sur le haut trottoir. Ils allaient dans le sens inverse. Ils m’ont demandĂ© si ça allait bien. Mais, oui ! MĂȘme si je ne voyais pas ce qui avait bien pu se passer.

 

Le cycliste le plus proche m’a dit :

« Ă§a a Ă©tĂ© impressionnant Ă  voir ! Â». Je les ai remerciĂ©s. Puis, ils sont partis.

 

Je n’ai pas eu le temps d’avoir peur. J’ai plutĂŽt Ă©tĂ© en colĂšre. Une chute aussi idiote dĂšs le premier jour. Alors que tout allait bien.

 

 

Par prĂ©caution, avant de prendre le train, je suis allĂ© voir les pompiers de la gare St Lazare afin qu’ils m’examinent. J’ai ainsi appris qu’était  est frĂ©quent que des personnes glissent sur les pavĂ©s de la place de la Concorde. Depuis, mĂȘme si j’ai vu et continue de voir des cyclistes prendre ce passage avec leur vĂ©lo pliant, je l’évite en passant sur le trottoir. A ce jour, je n’ai pas fait d’autre chute. Et, Boulevard Raspail, Ă  quelques mĂštres derriĂšre moi, rĂ©cemment, un jour de pluie, c’est un conducteur de Vespa qui a chutĂ©. Sans gravitĂ©. J’avais entendu parler du fait que les Vespa ont une trĂšs mauvaise stabilitĂ©. Pourtant, les pneus de la Vespa sont plus larges que ceux de mon vĂ©lo pliant qui sont d’ailleurs supposĂ©s bĂ©nĂ©ficier d’une bonne adhĂ©rence.

 

J’ai oubliĂ© de dire qu’aprĂšs ma chute, je me suis rachetĂ© un nouveau casque de vĂ©lo. Alors, je vois assez rĂ©guliĂšrement des personnes porter le trĂšs beau casque de la marque Kask. Je me demande souvent comment elles font. Ce casque coĂ»te plus de 150 euros. Je trouve ça trĂšs cher. MĂȘme si je tiens Ă  ma vie et Ă  ma tĂȘte. Le nouveau casque, de la marque Abus, que j’ai achetĂ© (chez DĂ©cathlon) m’a coĂ»tĂ© 50 euros.

 

L’autre limite que je vois concernant mon vĂ©lo, c’est sa « sujĂ©tion Â» au vent. Lorsque je pĂ©dale et que je reçois un vent de travers, j’ai un peu l’impression d’ĂȘtre sur la mer, emportĂ© par le courant. Mais ce n’est peut-ĂȘtre qu’une impression.

 

 

Les piĂšges du vĂ©lo d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale :

LibĂ©rĂ© du carcan des correspondances de mĂ©tro comme de l’attente de son moyen de transport pour se rendre d’un point A Ă  un point B, la tentation est grande de vouloir dĂ©cider de fractionner l’espace-temps. Et de foncer. Peu importe la signalisation- ou les autres- et peu importe quelques mesures de prĂ©caution.

 

Je peux ainsi tĂ©moigner du fait que Batman fait du vĂ©lo. Il a la trentaine, pĂ©dale sans casque, sur un vĂ©lo de course de taille normale, mesure environ 1m65 pour une cinquantaine de kilos. Et sprinte, avec son manteau de Columbo grand ouvert, au point de laisser sur place le  cycliste sportswear qui porte un sac de la marque WANDRD PRVKE  , qui, au feu rouge, ne peut que le voir disparaĂźtre, une fois son excĂšs de vitesse accompli.

 

Mais ne me faites pas dire que Batman est seulement un homme. Avec ou sans Brompton – qui semble optimiser les effets de la poussĂ©e rectale de celles ou ceux qui avancent sur ce genre de vĂ©lo- Batman peut aussi ĂȘtre une femme.

 

Des livreurs de Mc Do, aprĂšs l’heure du couvre-feu durant la pandĂ©mie du Covid, prĂšs du PanthĂ©on, fĂ©vrier ou mars 2021.

 

Batman  peut aussi ĂȘtre un livreur (je vois beaucoup moins de livreuses de repas). Un livreur qui, prĂšs du carrefour de l’OdĂ©on, s’engueule avec un chauffeur de bus alors que celui-ci a la prioritĂ© ( Ă  droite) lorsqu’il dĂ©bouche assez subitement. Le livreur voit alors le chauffeur de bus comme celui qui l’empĂȘche de faire son travail et de gagner sa vie ! Tout ça, pour s’arrĂȘter Ă  peine cinquante mĂštres plus loin oĂč se trouve sa « base Â» en quelque sorte.

 

 

La vitesse est l’un des ennemis des cyclistes. Prendre son vĂ©lo pour aller plus vite est selon moi un des grands piĂšges. En ce moment, aprĂšs plusieurs essais d’itinĂ©raires, je mets entre 27 et 32 minutes pour aller au travail et en revenir. Un de mes collĂšgues, pour le mĂȘme trajet, met
.18 minutes. Tranquillement. Il m’a prĂ©cisĂ© qu’au dĂ©but, il mettait 30 minutes, tout transpirant. Mais je ne me lancerai pas dans une compĂ©tition du chrono Ă  vĂ©lo pour aller au travail.

 

Les avantages et les bĂ©nĂ©fices du vĂ©lo pour aller au travail :

 

Outre l’aspect pratique, se rendre lĂ  oĂč l’on a besoin ou envie d’aller, il y a le fait, de concilier comme on le dit « l’utile et l’agrĂ©able Â». On ne dĂ©pend pas d’un mĂ©tro ou d’un bus. On a donc une certaine libertĂ© ou une certaine autonomie. Et, en plus, on fait du sport sans se dire forcĂ©ment que l’on fait du sport. Ce qui reste l’une des meilleures maniĂšres de faire du sport : en rĂ©alisant un acte concret et utile. Et, mieux, de maniĂšre ludique.

 

Si je mets entre 27 et 32 minutes pour rĂ©aliser mon trajet, c’est parce-que je ne force pas trop pour aller vite. Parfois oui, parfois non. Et, dĂšs qu’à un endroit, je trouve que ce serait bien de prendre une ou deux photos, je m’arrĂȘte pour prendre ma photo. Je peux mĂȘme faire un petit dĂ©tour s’il le faut. Puisque, de toute façon, j’ai prĂ©vu large en partant de chez moi. Et, quand je rentre du travail, je ne fais pas la course.

 

 

Mais l’avantage et le bĂ©nĂ©fice les plus Ă©tonnants Ă  aller au travail Ă  vĂ©lo Ă  chaque fois comme je le fais depuis que j’ai mon vĂ©lo pliant, c’est qu’en quelques semaines, j’ai dĂ©jĂ  pratiquement oubliĂ© ce que ça fait de sortir de son train, descendre les escalators, rejoindre sa correspondance, poireauter sur un quai de mĂ©tro (ou de RER) en attendant que le vĂ©hicule ferroviaire arrive. Monter, descendre des escalators, des escaliers. C’est vraiment une vie de con ! Et, le pire, c’est qu’on l’accepte rapidement, cette vie de con.

 

 

Rouler sous la pluie m’invite Ă  la prudence pour la glisse. Mais, Ă  part ça, avec des vĂȘtements adĂ©quats, ça se passe trĂšs bien. En arrivant au travail, comme je suis en avance, je me douche, je me change puisque j’ai cette possibilitĂ©-lĂ . Et puis, c’est parti pour la journĂ©e ou la nuit de travail.

 

S’il fait froid, faire du vĂ©lo, avec, lĂ  aussi, les vĂȘtements adĂ©quats, ça rĂ©chauffe et ça stimule. Le point sensible reste les mains. Trouver des bons gants lorsqu’il fait froid selon la thermorĂ©gulation qui est la nĂŽtre peut ĂȘtre un exercice assez difficile. Mais la solution est sĂ»rement Ă  portĂ©e de main dans un article ou une astuce que l’on n’a pas encore dĂ©nichĂ©e.

 

C’est plutĂŽt s’il fait trĂšs chaud que cela m’incommoderait un peu de faire du vĂ©lo.

 

Mais le risque maximal,  pour moi, c’est en cas de verglas voire de neige. Ce serait, pour moi, les seules raisons qui pourraient, pendant deux ou trois jours, me dĂ©cider Ă  recommencer Ă  venir au travail en prenant le mĂ©tro etc
.Ă  ceci prĂšs que, je peux aussi marcher. Si je m’y prends suffisamment Ă  l’avance. Si ce n’est pas trop loin. ça me fait sourire lorsque, dans la rue, on me dit que «  c’est loin Â», alors qu’il s’agit de marcher quinze minutes.

 

 

VĂ©lo Taffe : pourquoi ce titre ?

 

J’ai dĂ©couvert l’expression « vĂ©lo-taf Â» il y a seulement quelques mois. Mais au moment d’écrire cet article, il m’a amusĂ© de faire un jeu de mot.

 

Si je suis non-fumeur depuis toujours, j’aime ces moments, oĂč, l’on prend le temps de s’apesantir comme lorsque l’on prend une taffe. C’est un petit peu mon Ă©quivalent du Birth of the Cool de Miles Davis, lorsqu’il avait dĂ©cidĂ© de ralentir le tempo du Jazz qui se jouait alors. 

 

Donc, VĂ©lo Taffe, non pour se remplir les poumons et le cerveau- ou les autres organes- de tumeur et de nicotine. Mais pour prendre le temps de respirer. Pour retrouver son souffle et son inspiration. En regardant Ă  nouveau autour de soi. 

Si l’article de cette nouvelle rubrique a Ă©tĂ© long, c’est parce-que cela faisait plusieurs semaines que je pensais Ă  m’y atteler. Mais je ne disposais pas du temps nĂ©cessaire. Les articles suivants devraient ĂȘtre plus courts.

Article Ă©crit avec le concours de l’album Myopia d’Agnes Obel, et, avant cela, de l’album The Good, The Bad & The Queen du groupe du mĂȘme nom ( avec Feu Tony Allen) et de l’album Meat is Murder de The Smiths que je dĂ©couvrais. 

Franck Unimon, ce jeudi 18 mars 2021.

 

 

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self-défense/ Arts Martiaux

Marche jusqu’au viaduc

 

                                           Marche jusqu’au viaduc

Elles ont probablement pris le bus 361. On peut le trouver Ă  la gare d’Argenteuil d’oĂč il part. C’est Ă  une dizaine de minutes, en marchant bien, depuis le lycĂ©e Cognac-Jay.

 

Si elles sont parties du lycĂ©e, elles ont peut-ĂȘtre mĂȘme pris le bus depuis le centre-ville d’Argenteuil, avenue Gabriel PĂ©ri, pour aller jusqu’à la gare. Et puis, attendre et prendre le bus 361 ensuite jusqu’à l’arrĂȘt BelvĂ©dĂšre. LĂ  oĂč Argenteuil se rapproche de la ville d’Epinay sur Seine.

L’arrĂȘt ” BelvĂ©dĂšre” du bus 361 oĂč Alisha est peut-ĂȘtre descendue avec sa camarade, le 8 mars.

 

 

En partant depuis la gare d’Argenteuil jusqu’à l’arrĂȘt BelvĂ©dĂšre, prĂšs du viaduc qui passe sous l’autoroute A15,  en bus, cela doit prendre une dizaine de minutes.

 

Ce trajet peut mĂȘme se faire Ă  pied. C’est ce que je viens de faire, ce matin, aprĂšs avoir emmenĂ© ma fille Ă  l’école. MĂȘme si le bus 361 a un arrĂȘt prĂšs de chez nous.

 

Intérieur-Extérieur

 

Il y a quelques nuits, au travail, j’ai eu un moment de dĂ©prime, en sourdine, venu sans prĂ©venir. C’est passĂ©. Personne n’a rien vu. Ni au travail. Ni chez moi. Je suis comme beaucoup de monde : j’ai un extĂ©rieur. Et un intĂ©rieur. Entre les deux, je filtre. Je fais le tri entre ce que je choisis de montrer et d’exprimer selon le moment, selon l’interlocuteur que j’ai en face de moi, selon la situation, et, bien-sĂ»r, selon la gravitĂ© que j’attribue Ă  ce que je ressens ou pense.

 

Une histoire de confiance

 

Bien-sĂ»r, il y a aussi une histoire de confiance. Certaines personnes se racontent facilement voire Ă  n’importe qui par la voire orale. Je dirais que je sĂ©lectionne assez strictement celles et ceux Ă  qui je me confie.  Mais, aussi, que je n’aime pas inquiĂ©ter mon entourage d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale. Des coups durs et des contrariĂ©tĂ©s, on peut en vivre Ă  peu prĂšs tous les jours.

 

Apprendre Ă  encaisser et Ă  esquiver

 

Pour vivre, Il faut donc, aussi, apprendre Ă  encaisser et Ă  esquiver. Mais, aussi, Ă   alerter des personnes ad hoc, ou qui l’on peut, lorsque cela devient vraiment nĂ©cessaire.

 

S’il est certaines menaces et certains dangers que l’on ignore ou que l’on nĂ©glige, il est, aussi, trop de fausses urgences ou trop de fois oĂč l’on va brasser beaucoup de forces pour presque rien. On me dira : mieux vaut prĂ©venir que guĂ©rir. Bien-sĂ»r. Mais ça peut-ĂȘtre utile, aussi, pour d’autres qui peuvent vĂ©ritablement en avoir besoin, d’apprendre soi-mĂȘme la diffĂ©rence entre une vraie urgence et ce qui l’est moins.

 

Le mĂȘme pĂšre

 

A mon travail, donc, il y a quelques jours, personne n’a su, je crois, que j’ai eu un petit passage Ă  vide. A la maison, non plus, pour les mĂȘmes raisons. Ce matin, je suis restĂ© le mĂȘme pĂšre qui engueule sa fille avant de l’emmener Ă  l’école parce qu’elle traĂźnait. Alors que j’avais tout prĂ©parĂ© avec elle une bonne vingtaine de minutes plus tĂŽt pour Ă©viter ce genre de situation. Lors du trajet vers l’Ă©cole, aprĂšs quelques minutes de marche, ma fille a mis sa main dans la mienne. Bien-sĂ»r, je l’ai prise. Il arrivera un jour oĂč nous ne nous donnerons plus la main, elle et moi. D’ici lĂ , j’espĂšre ĂȘtre parvenu Ă  lui apprendre ce qu’est une vraie urgence, mais aussi Ă  se dĂ©fendre et Ă  avoir confiance en elle.

 

Si Alisha, ce 8 mars 2021
.

 

 

Si Alisha Khalid, ce 8 mars 2021, avait effectuĂ© le trajet jusqu’au viaduc en marchant, j’ai envie de croire que sa mort aurait pu ĂȘtre esquivĂ©e. 

Ce trajet jusqu’au viaduc oĂč elle a Ă©tĂ© tabassĂ©e puis d’oĂč elle a Ă©tĂ© jetĂ©e dans la Seine, je viens de le faire Ă  pied Ă  l’aller comme au retour. Bien-sĂ»r, lĂ -bas, personne ne m’attendait pour me faire la peau ou me foutre le feu.

 

A l’aller, comme j’avais du mal Ă  situer oĂč ça se trouvait, j’ai dĂ» demander mon chemin Ă  plusieurs personnes.

 

 

14 ans

 

En Mai, cela fera 14 ans que j’habite dans cette ville. Pourtant, je ne m’étais jamais rendu Ă  cet endroit.

 

Il y a 14 ans, Alisha venait Ă  peine de naĂźtre. Ses deux meurtriers avaient un an tout au plus. Cela nous rappelle qu’il s’en passe du temps, avant de devenir meurtrier. Dans mon premier article ( Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021), j’ai Ă©crit que « trois Â» personnes avaient tuĂ© Alisha. Deux garçons et une fille. J’ai dĂ» mal comprendre ou peut-ĂȘtre que c’est une information qui a au dĂ©but circulĂ©. 

J’ai dĂ©cidĂ© de laisser cette erreur dans cet article.

 

Deux visages

 

Cette erreur de « rĂ©cit Â» ne change rien : Alisha est morte aprĂšs s’ĂȘtre faite piĂ©gĂ©e. On peut aussi se dire que le garçon qui l’a frappĂ© avait, comme nous tous (femmes ou hommes), au moins deux visages. Celui, le plus connu, du garçon tranquille et “sans histoire” ( qu’est-ce que ça veut dire, “ĂȘtre sans histoire” ? Nous avons tous une histoire). Et,  ce 8 mars 2021, celui de l’agresseur qui a attendu sa victime qui lui a Ă©tĂ© apportĂ©e en sacrifice sur un plateau. 

 

On peut bien-sĂ»r avoir deux visages, un visage public et un visage plus intime ou plus secret, sans ĂȘtre pour autant un meurtrier ou un criminel.

 

Mais il se trouve que pour Alisha, le deuxiĂšme visage de ce  jeune garçon et de sa complice, a Ă©tĂ© celui, le 8 mars 2021, de deux meurtriers.

 

 

Erreur de rĂ©cit et nombre d’agresseurs

 

 

Cette erreur de rĂ©cit concernant le nombre d’agresseurs d’Alisha ne change rien :

 

Lorsque des événements subits nous arrivent, nous recomposons et interprétons partiellement, difficilement, et souvent avec des erreurs, les informations que nous recevons.

Parce qu’émotionnellement et intellectuellement, nous sommes limitĂ©s et qu’il nous faut un temps plus ou moins long pour nous ajuster Ă  l’évĂ©nement. Pour bien et mieux comprendre. Lorsque nous sommes capables de bien reconstituer le puzzle :

Le trauma et la perte d’un ĂȘtre proche – ou non- peuvent nous empĂȘcher de « comprendre Â» et de reconstituer le puzzle des Ă©vĂ©nements.

 

 

Contributions Ă  la rĂ©ussite du/d’un crime :

 

Le 8 mars,  le trajet en bus- s’il a eu lieu– a contribuĂ© Ă  la rĂ©ussite du crime. Pour la rapiditĂ© du trajet. Car il aurait fallu environ trente minutes, Ă  pied, pour aller jusqu’au viaduc depuis la gare d’Argenteuil. Et un peu plus depuis le lycĂ©e. Tout dĂ©pend bien-sĂ»r de lĂ  oĂč elles sont parties et de lĂ  oĂč elles se sont rencontrĂ©es pour aller “ensemble” jusqu’au viaduc. 

 

En trente minutes, il faut pouvoir tenir son rĂŽle afin d’endormir la vigilance de la future victime. La complice du jeune agresseur et co-meurtrier avait peut-ĂȘtre la capacitĂ© Ă  faire bonne figure. Mais, en trente minutes, on peut, un peu plus facilement Ă  un moment ou Ă  un autre, instinctivement sentir que quelque chose « cloche Â» dans l’attitude de la personne qui nous accompagne.

 

A ce moment-lĂ , ce qui permet, ou non, la suite du scĂ©nario jusqu’à la mort, c’est peut-ĂȘtre l’optimisme,l’incrĂ©dulitĂ© ou la naĂŻvetĂ© de la victime. Mais, sĂ»rement, d’abord, le sentiment de confiance que la victime ressentait vis-Ă -vis de celle qui l’accompagnait. Ce sentiment de confiance a suffisamment pris le dessus sur les Ă©ventuels doutes que la victime ( Alisha, ici) a pu avoir Ă  un moment donnĂ©, lors du trajet.

Car elle « connaissait Â» celle qui l’accompagnait. Et, Ă  ce que j’ai appris, les lieux oĂč elles se sont rendues toutes les deux Ă©taient pour elle des lieux familiers qui entretiennent aussi la confiance.

 

Le sentiment de confiance :

 

 

Je pourrais ĂȘtre le pĂšre ou l’éducateur de ces trois jeunes, d’Alisha, et des deux meurtriers. Je suis un homme plutĂŽt en bonne santĂ© et que l’on dĂ©crit plutĂŽt comme une personne que, spontanĂ©ment, on ne va pas aller provoquer ou menacer dans la rue. Mais je suis aussi un trouillard. J’ai aussi Ă©tĂ© un ado. Et, je sais qu’ado, on aime bien avoir ses coins Ă  soi, avec des personnes de notre Ăąge, Ă  l’écart des adultes oĂč l’on fait notre vie : on y a notre intimitĂ© avec des gens de notre Ăąge ou Ă  peu prĂšs. 

 

Je suis incapable de dire, si, ado, j’aurais pu me rendre lĂ  oĂč Alisha et l’autre jeune fille se sont rendues ensemble ce 8 mars. Par contre, en m’y rendant tout Ă  l’heure pour la premiĂšre fois lĂ , je me suis dit qu’il fallait vraiment se sentir en confiance pour y aller. MĂȘme en plein jour.

 

Il faut passer Ă  droite pour rejoindre les berges de Seine. C’est par lĂ  que j’ai vu descendre un cycliste alors que j’arrivais.

 

 

 

 

MĂȘme si, avant de m’engager dans cet endroit, j’ai vu passer un cycliste qui semblait un habituĂ© de ce trajet.

 

Vers les berges de Seine en descendant.

 

 

Ce que l’on voit derriĂšre soi, quand on se retourne, quand on descend vers les berges de Seine.

 

 

 

 

On peut sĂ»rement passer de trĂšs bons moments et avoir de bons souvenirs ici. Mais ça fait aussi un peu “coupe-gorge”, non ? Et lorsque ces photos ont Ă©tĂ© prises, nous Ă©tions en plein jour ce mardi matin entre 9h et 9h30.

 

En sortant du petit tunnel.

 

 

Je n’ai pas compris tout de suite, en apercevant ce graf’ sur le viaduc qu’il concernait Alisha.

 

LĂ , non plus, je n’avais pas encore dĂ©chiffrĂ© le prĂ©nom d’Alisha. On peut me trouver Te-bĂȘ, mais il faut bien comprendre que je dĂ©couvrais l’endroit dans des circonstances Ă©motionnelles particuliĂšres. Le lieu est loin d’ĂȘtre paradisiaque et a plus eu tendance Ă  mobiliser ma vigilance que mes facultĂ©s pour le dĂ©cryptage et la mĂ©ditation.

 

Les bouquets de fleurs m’ont aidĂ© Ă  voir.

 

 En bas du viaduc, devant les fleurs posĂ©es en mĂ©moire d’Alisha, j’ai ensuite croisĂ© un jogger, qui, en s’approchant, avec ses baskets de la marque Hoka, et en apercevant ces fleurs, a d’abord secouĂ© la tĂȘte en signe de dĂ©sapprobation puis s’est dĂ©tendu pour me rĂ©pondre :

 

La direction prise par le cycliste vers St-Denis. Le jogger a pris la direction inverse. Vers moi. Le viaduc est alors pratiquement derriĂšre moi.

 

De lĂ  d’oĂč il venait, le long de la Seine, on pouvait aller loin. Jusqu’à la ville de Saint-Denis ! Et, selon lui, le chemin dans cette direction Ă©tait meilleur pour faire des footing. Puis, il est reparti sans peine.

 

Meurtres glaçants :

Ce matin, avant d’emmener ma fille Ă  l’école, j’ai essayĂ© de trouver de nouvelles informations. Car j’avais vraiment du mal Ă  « voir Â» oĂč pouvait bien se trouver ce viaduc !

 

Tout ce que j’ai pu trouver comme article remontait Ă  dimanche. Le 14 mars. Il y a deux jours. J’ai compris que pour les mĂ©dia, l’essentiel avait Ă©tĂ© fait. Couvrir l’évĂ©nement jusqu’à la marche blanche. Figer les informations. Puis, passer Ă  d’autres sujets. Comme d’autres fois. Comme images ou photos du Viaduc, je trouvais toujours les mĂȘmes. Mais rien pour m’indiquer prĂ©cisĂ©ment oĂč cela se trouvait.

 

Du meurtre, on l’a dĂ©crit comme « glaçant Â». MĂȘme le journaliste Harry Roselmack a employĂ© ce terme. C’était il y a quelques jours. Oui, ce meurtre est « glaçant Â». Parce qu’il a fini dans la Seine, dans la noyade et dans le sang.

 

Mais on parle beaucoup moins de tous ces meurtres, sans traces de sang,  sans scĂšne de crime, bien mieux prĂ©mĂ©ditĂ©s, oĂč l’on licencie des personnes par centaines et par milliers pour assurer Ă  des actionnaires et Ă  des privilĂ©giĂ©s leur marge de profit annuelle.

 

 

Cela n’a rien Ă  voir avec le meurtre d’Alisha, vraiment ?!

 

Il s’agit pourtant de meurtres d’autant plus « glaçants Â» qu’ils sont routiniers et invisibles. Parlez-en aux proches de celles et ceux qui se font licencier. Ou aux personnes licenciĂ©es. Expliquez-leur que tout va bien pour elles et eux. Qu’ils n’ont pas Ă©tĂ© piĂ©gĂ©s. Que, personne, n’a endormi leur vigilance. Que, eux, au moins, ils sont vivants. Et qu’ils peuvent rebondir.

Pendant qu’on nous montre, et c’est normal, ce meurtre d’Alisha, on passe sous silence, tous ces meurtres de notre vie quotidienne, que nous subissons et acceptons en bons citoyens Ă©duquĂ©s, civilisĂ©s, apeurĂ©s et dĂ©sarmĂ©s.

 

Photo prise “derriĂšre” le graf. Depuis lĂ , oĂč, vraisemblablement, Alisha a Ă©tĂ© frappĂ©e puis jetĂ©e dans la Seine. J’ai dĂ» rester lĂ  deux Ă  trois minutes. Pas plus. C’est de lĂ  que j’ai aperçu le “foyer” du SDF, sur la droite. Mais je ne l’ai pas vu. Le sentiment dominant que j’ai alors ressenti a Ă©tĂ© la peur. La peur du vide.

 

 

Rebondir

 

 Je ne supporte pas ce terme prĂ©mĂąchĂ© et formolĂ©.” Rebondir”….telle une balle de tennis Ă  Roland-Garros.

 

Mais, Alisha, c’est certain, n’a pas pu rebondir le 8 mars. Une fois sur place, tout Ă  l’heure, lĂ  oĂč sa vie s’est terminĂ©e, je me suis d’abord senti subitement seul ( avant de passer “derriĂšre” le graf et le bĂ©ton).  On ne rĂ©agit pas tous avec la mĂȘme luciditĂ© ni avec la mĂȘme combattivitĂ© lorsque l’on se sent subitement seul. Quel que soit l’endroit, le moment ou les personnes avec lesquelles on se trouve.

 

Sur le papier, en thĂ©orie, ou lorsque l’on se sait entourĂ© de personnes de confiance solides et fortes, on peut peut-ĂȘtre se reposer sur elles ou s’inspirer de leur exemple. Mais, lorsque c’est tout le contraire. Et que l’on est vĂ©ritablement, et soudainement seul, face Ă  soi-mĂȘme. Et que toutes les apparences, tous les maquillages et tous les mensonges- les nĂŽtres et ceux de nos agresseurs- qui nous prĂ©servent et nous dissimulent disparaissent d’un seul coup, comment fait-on ?

 

Il fallait vraiment se sentir en confiance, ĂȘtre un(e)  habituĂ©(e) de l’endroit ou avoir des intentions pacifiques pour ne pas se sentir menacĂ© sous cette autoroute.

 

J’ai vu ce qui Ă©tait sans doute le « domicile Â» du SDF qui se trouve prĂšs de lĂ  oĂč Alisha a Ă©tĂ© passĂ©e Ă  tabac. J’ai vu, je crois, les traces de sang que le SDF a dĂ©signĂ©es quand il a tĂ©moignĂ©. J’avais vu la vidĂ©o de son tĂ©moignage sur le net.

 

Je ne l’ai pas rencontrĂ©. Mais j’ai vu ses paires de chaussures, l’amĂ©nagement de son lieu de vie. J’ai mĂȘme vu sa paire de gants de boxes accrochĂ©e. J’aurais voulu discuter un peu avec lui. Savoir comment on fait pour continuer de vivre aprĂšs « Ă§a Â». Mais aussi, le connaĂźtre un peu. ConnaĂźtre sa vie. Ce qui l’a amenĂ© jusqu’à venir vivre ici. Cependant, je n’insisterai pas car je n’ai pas envie de l’enquiquiner ou de faire le voyeur. Et, c’est pour ces raisons que je ne montre pas de photos de son « foyer Â» ou des traces de sang supposĂ©es d’Alisha sur le sol.

 

Biographie brĂšve des deux jeunes meurtriers :

 

 

A ce que j’ai compris un peu de la biographie des deux jeunes meurtriers, ceux-ci ont en commun de ne pas avoir connu leur pĂšre. Ou de l’avoir perdu. Alisha Ă©tait tout le contraire : c’était, Ă  entendre une partie du discours de sa mĂšre, une adolescente heureuse dans une famille plutĂŽt unie, avec un pĂšre, et une bonne Ă©lĂšve. Elle Ă©tait aussi jolie.

 

« Le Â» meurtrier, lui, n’a pas connu son pĂšre et avait beaucoup d’absentĂ©isme scolaire. MĂȘme si, une fois Ă  l’école, il semblait plutĂŽt content et dans le coup d’un point de vue scolaire d’aprĂšs le tĂ©moignage de sa mĂšre. Ses absences scolaires semblaient principalement dues au fait qu’il jouait beaucoup aux jeux vidĂ©os. Mais bien d’autres jeunes qui prĂ©fĂšrent passer leur temps devant des jeux vidĂ©os, au lieu d’aller Ă  l’école, ne deviennent pas des meurtriers.

 

« L’autre Â» meurtriĂšre, j’ai oubliĂ©, si elle Ă©tait bonne Ă©lĂšve. Mais elle Ă©tait aussi sans pĂšre. C’est aussi une jolie fille, apparemment, et celle qui est devenue la petite amie du « meurtrier Â». AprĂšs qu’Alisha ait eu une histoire amoureuse « d’une semaine Â» avec lui.

 

D’aprĂšs ce que j’ai « lu Â» ou « entendu Â» en glanant sur le net, j’en dĂ©duis que le tandem qui a tuĂ© Alisha Ă©tait fusionnel.

 

 

Devant l’obstacle : prĂ©mĂ©ditation et acharnement

 

 

A un moment donnĂ©, Alisha, pour eux, a sans doute pris l’apparence de celle qui pouvait devenir un obstacle Ă  leur fusion. Un obstacle, ça s’évite, ou ça se dĂ©truit. Ou ça se jette dans la Seine ou dans le vide.

 

On parle de « prĂ©mĂ©ditation Â». On apprendra plus tard peut-ĂȘtre jusqu’à quel point. Pour l’instant, je crois que ce qui a Ă©tĂ© prĂ©mĂ©ditĂ©, c’est surtout l’embuscade, le passage Ă  tabac ou le rĂšglement de comptes. Ensuite, je veux bien croire que, pour se « dĂ©barrasser Â» du problĂšme, ou sous l’effet de la colĂšre, et parce-que l’endroit s’y « prĂȘtait, qu’Alisha a « fini Â» dans la Seine. Dans un autre endroit, dans un parc, par exemple, loin d’un fleuve, Alisha ne serait peut-ĂȘtre pas morte de noyade. Mais peut-ĂȘtre d’une autre forme d’acharnement.

 

 

Une colĂšre et une tristesse aveugles qui viennent de loin :

 

J’explique cet acharnement des deux jeunes par une colĂšre et une tristesse – aveugles- qui viennent de loin. De plusieurs annĂ©es. D’avant leur rencontre avec Alisha au lycĂ©e Cognac-Jay. Une colĂšre et une tristesse invisibles, indicibles, qu’ils portaient en eux depuis leur histoire personnelle.

 

Une colĂšre qu’ils ont « mutualisĂ©e Â» en fusionnant et, dont, la personne et le corps d’Alisha, sont devenus la cible. Je raisonne bien-sĂ»r en « psy Babou Â»  ou en “psy de supermarchĂ© Â».  Je n’ai pas de certitudes sur la façon dont ça s’est passĂ©. Je compose avec ce que j’ai attrapĂ© comme informations Ă  droite, Ă  gauche. Mais je sais que lorsque les mots Ă©chouent, les coups peuvent tuer.

 

 

Etre puissants :

Je crois, que, lorsqu’ils ont frappĂ©, les deux jeunes meurtriers, ont estimĂ© qu’ils leur fallait frapper fort et ĂȘtre « puissants Â» pour se guĂ©rir ou se libĂ©rer d’une offense ou d’une menace qui avait les traits d’Alisha.

 

Ensuite, aprĂšs le dĂ©ferlement ou la bouffĂ©e d’adrĂ©naline, est arrivĂ©e la redescente sur terre et la prise de conscience. Le : «  J’ai fait une bĂȘtise Â». Sauf que ce n’était plus une bĂȘtise d’un enfant de cinq ans qui a cassĂ© la jolie tasse de maman ou de papa sous l’effet de la colĂšre. Une tasse que l’on peut rĂ©parer, racheter ou oublier.

 

Non. C’était une personne, cette fois, qui avait pris ou bu la tasse. AprĂšs avoir Ă©tĂ© tabassĂ©e. C’était plus grave. Une bĂȘtise de « grand Â» : de quelqu’un qui a grandi, qui a dĂ©sormais plutĂŽt une apparence et une force d’adulte mais qui, dans le fond, doit encore apprendre Ă  devenir adulte et Ă  se maitriser. A savoir faire la part des choses entre son intĂ©rieur et son extĂ©rieur. On a toute une vie pour apprendre ça. Sans prendre pour autant la vie des autres. C’est un travail difficile. Plein de personnes ne rĂ©ussissent pas Ă  rĂ©aliser ce travail. Et, on ne touche pas de salaire pour l’effectuer.

 

Une heure et quinze minutes :

 

 

Sous ce viaduc, aprĂšs avoir pris des photos et filmĂ©, aprĂšs avoir fait « le tour Â», d’un seul coup, je ne savais plus quoi faire de mes mains. C’était le moment pour moi de partir. Je n’avais plus rien Ă  faire lĂ .

 

Un peu plus tĂŽt, en arrivant et en m’approchant des bouquets de fleurs, comme je l’ai Ă©crit, je me suis senti seul. Et, j’ai entendu un peu un titre de John Lee Hooker oĂč celui-ci confirme Ă  quelqu’un qu’il est seul. Peut-ĂȘtre ce titre oĂč il chante Oh, Come back, Baby, Let’s Talk it Over
 One More Time.

 

On trouvera peut-ĂȘtre que j’en ai trop fait avec ce « fait divers Â» ( Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021HarcĂšlement et rĂ©seaux sociaux : la dĂ©mocratisation et la sophistication des guillotines). Qu’il m’obsĂšde par rapport Ă  ma fille  ou que je suis excessif. Ou, limite timbrĂ© et paranoĂŻaque. Mais, ce n’est pas grave. En tout et pour tout, cela m’a pris 1h15 pour faire l’aller et retour Ă  pied jusqu’à cet endroit.

 

Je ne vois pas en quoi donner 1h15 de mon temps pour cette marche m’a privĂ© de quoique ce soit. Je ne vois pas pourquoi passer 1H15 dans les rayons d’un supermarchĂ© ou pour regarder un Ă©niĂšme dvd ou pour zoner sur internet Ă  la place aurait eu plus de valeur.   

 

Je suis dĂ©solĂ© si je donne l’impression d’ĂȘtre morbide :

 

Mais si l’agonie d’Alisha jusqu’à sa mort a sĂ»rement Ă©tĂ© longue, son passage Ă  tabac puis son rejet dans la Seine a sĂ»rement pris beaucoup moins de temps qu’une heure et quinze minutes.

 

 

 

En m’éloignant du viaduc

En commençant Ă  m’éloigner du viaduc, ce qui devait arriver est arrivĂ© :

 

Je me suis mis Ă  pleurer.

 

 

Mais je n’étais pas dĂ©truit. J’ai pensĂ© au navigateur Jean Le Cam lors du dernier VendĂ©e Globe. Lorsqu’il avait compris, vers la fin de la course que son navire, endommagĂ©, aurait pu couler et, lui, mourir avec. Une fois arrivĂ© sain et sauf, Ă  terre, il avait expliquĂ© sur le plateau tĂ©lĂ© que l’ĂȘtre humain Ă©tait « bien fait Â». Car, pleurer lui avait d’abord fait du bien. Ensuite, il s’était repris.

 

Je me suis rapidement arrĂȘtĂ© de pleurer en m’éloignant du viaduc.

 

Alors que je marchais dans la rue d’Epinay pour rentrer, la colĂšre que j’ai ressentie, il m’a semblĂ© que rien ne pourrait l’arrĂȘter. Lorsque je suis comme ça, personne, jamais, Ă  ce jour, n’est venu m’enquiquiner.

 

Une fois, chez moi, j’ai jetĂ© mon masque anti-Covid, j’ai changĂ© de chaussures et je me suis mis Ă  Ă©crire.

 

Depuis, j’essaie aussi d’Ă©couter  un album d’AgnĂšs Obel en me disant que cela ne peut que me faire du bien. 

 

Franck Unimon, ce mardi 16 mars 2021.

 

 

 

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HarcÚlement et réseaux sociaux : la démocratisation et la sophistication des guillotines

Avenue Gabriel PĂ©ri, Ă  Argenteuil, ce dimanche 14 mars 2021. L’Avenue Gabriel PĂ©ri est un des moyens d’accĂšs et de sortie de la ville d’Argenteuil en prenant le pont d’Argenteuil, au bout, qui surplombe la Seine. C’est aussi une avenue qui traverse le centre-ville et qui mĂšne, au bout ( derriĂšre nous) vers la mairie actuelle d’Argenteuil. A gauche, sur la photo, on peut lire ” Alisha. Non, au harcĂšlement”. Sur la droite de la photo, la fresque que l’on voit orne un des bĂątiments du conservatoire dĂ©partemental d’Argenteuil. Ordinairement, l’Avenue Gabriel PĂ©ri est Ă©videmment trĂšs passante d’autant que le dimanche est un jour de marchĂ©, le marchĂ© d’HĂ©loĂŻse, “derriĂšre” le conservatoire. Enfin, en face de nous, au loin, on peut apercevoir sur le pont d’Argenteuil, le barrage policier rĂ©alisĂ© pour la circonstance de la marche blanche d’Alisha. Rappelons qu’Argenteuil compte plus de 100 000 habitants.

 

 

 

 

HarcĂšlement et rĂ©seaux sociaux : la dĂ©mocratisation et la sophistication des guillotines

 

 

« HarcĂšlement Â» Ă©tait l’un des chaĂźnons manquants dans mon article ( Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021). C’est en dĂ©cidant finalement de me rendre hier Ă  la marche blanche (ce dimanche 14 mars 2021)  que je l’ai « dĂ©couvert Â». ArrivĂ© un peu aprĂšs 14h, je suis reparti vers 14h40 avant le discours de la mĂšre d’Alisha que j’ai partiellement entendu tout Ă  l’heure.

 

Dans la ville d’Argenteuil, dont l’entrĂ©e par le pont vers l’avenue Gabriel PĂ©ri et quelques rues prĂšs du lycĂ©e Ă©taient bouclĂ©es, le mot «  harcĂšlement Â» Ă©tait affichĂ© sur quelques murs. Mais aussi sur quelques tee-shirts comportant une photo d’Alisha. On pouvait aussi lire, inspirĂ© de la phrase reprise aprĂšs les attentats « de Â» Charlie Hebdo, ce qui suit :

 

« Je suis Alisha Â».

 

Devant le lycĂ©e Cognac-Jay, ce dimanche 14 mars 2021. L’avenue Gabriel-PĂ©ri, qui traverse le centre-ville et mĂšne Ă  la mairie, passe derriĂšre le lycĂ©e.

 

 

Des personnes des deux sexes, masculin et fĂ©minin, portaient ce tee-shirt. Il faut le souligner et l’encadrer dans une ville, ou, comme ailleurs, certains apparats religieux entendent marquer les frontiĂšres, les corps – et les esprits- entre les hommes et les femmes.

 

Il y avait foule hier devant le lycĂ©e Cognac-Jay  pour Alisha et ses parents. La foule Ă©tait masculine et fĂ©minine. Adolescente et adulte. Il y avait mĂȘme des enfants et quelques voisins qui regardaient depuis leur fenĂȘtre ou leur balcon l’attroupement en « bas de chez eux Â».

 

 

Dans la rue, j’ai entendu le chiffre de « 2000 personnes Â» concernant la foule. Il y avait des journalistes, des camĂ©ramen et aussi plein de smartphones qui prenaient des photos ou filmaient. Je n’ai pas aperçu de drones. Mais, peut-ĂȘtre Ă©taient-ils cachĂ©s ?

 

Devant le lycée Cognac-Jay, toujours à Argenteuil, ce dimanche 14 mars 2021.

 

 

C’est une des curiositĂ©s de notre Ă©poque et aussi de notre espĂšce humaine que d’avoir la capacitĂ© de filmer et de prendre des photos de notre espace, comme Ă  peu prĂšs de tout ce que l’on veut quand on le veut avec prĂ©cision. Sans pour autant toujours nous sentir obligĂ©s de faire attention Ă  celles et ceux que l’on filme.

 

Si une image peut aider Ă  faire rĂȘver, Ă  libĂ©rer et Ă  Ă©duquer, il arrive aussi qu’elle opprime. Tout dĂ©pend du projet et de l’intention de celle ou de celui qui s’en sert et du public et de l’époque auxquels elle ou il s’adresse.

 

Au cinĂ©ma, il y a dĂ©ja eu des dĂ©bats concernant la responsabilitĂ© morale de celle ou de celui qui filme. Comme de ce que l’on a le droit de montrer. Quand et Ă  qui.

Dans le monde de la photographie, aussi, cette question existe. En littĂ©rature, aussi. Chaque fois que l’on tĂ©moigne ou que l’on va rendre public une histoire ou une image sur un sujet sensible ou considĂ©rĂ© comme sensible.

 

Il y a celles et ceux qui estiment que l’on peut pratiquement tout dire et tout montrer. Ou que seule «  la fin justifie les moyens Â». Tant qu’une image peut faire vendre et donner de la renommĂ©e Ă  son autrice ou Ă  son auteur. D’autres qui sont lĂ  pour secouer les esprits. Ou pour les enterrer.

 

On pourrait reparler des caricatures puisque je fais le parallĂšle avec le journal Charlie Hebdo dans cet article. Sauf qu’une caricature, malgrĂ© ses dĂ©fauts, ne lapide pas, ne jette personne au dessus d’un pont ou sous un train. Elle ne fait sauter aucun immeuble ni aucun squelette. Une caricature ne poursuit pas une personne nuit et jour jusqu’à chez elle. Elle ne commet pas non plus d’attentat suicide.

 

 

Notre caricature

 

 

Chaque fois que nous les employons, les réseaux sociaux peuvent devenir une caricature de certains de nos travers.

 

Ils ont aussi du bon. Ils permettent de rester en contact, de rencontrer ou de retrouver des personnes qui comptent. Ils sont le pivot ou la lance de rampement de certaines carriĂšres artistiques et professionnelles.

 

Mais les rĂ©seaux sociaux peuvent aussi ĂȘtre le lance-flammes qui, Ă  l’image du chien de combat, peut causer Ă©normĂ©ment de torts si son propriĂ©taire ou son usager le jette sur une proie ou une cible qui ne peut faire le poids. Et qu’il ne lĂąche pas.

 

Ils peuvent aussi devenir la bĂ©quille sans laquelle nous nous effondrons si nous leur donnons toute notre vie.  

 

Si l’on parle de « harcĂšlement Â», alors il faut parler de « l’emprise Â». Car les deux vont ensemble. Sauf que des situations « d’emprise Â», nous en connaissons tous. Certaines sont volontaires, d’autres moins. Certaines plus nocives que d’autres. Etre sous l’emprise de l’alcool ou de la peur n’a pas les mĂȘmes effets que d’ĂȘtre sous l’emprise de la lecture.

 

PrĂšs de l’avenue Gabriel PĂ©ri, ce dimanche 14 mars 2021.

 

 

Edward Snowden, dans son livre MĂ©moires vives ( 2019) rappelle cette Ă©poque oĂč, adolescent, il a dĂ©couvert un internet permettant de « converser Â» avec n’importe qui Ă  l’autre bout du monde partageant le mĂȘme centre d’intĂ©rĂȘt. Cet internet-lĂ ,  a Ă©tĂ© une Ă©cole alternative ou parallĂšle et l’est peut-ĂȘtre restĂ© pour certaines et certains. Sauf qu’à cette Ă©poque, internet « se mĂ©ritait Â» en quelque sorte explique Snowden :

 

Il fallait avoir de sĂ©rieuses compĂ©tences informatiques pour parvenir Ă  se connecter sur le net. C’était peut-ĂȘtre cette Ă©poque, avant l’essor de la tĂ©lĂ©phonie mobile, oĂč les tĂ©lĂ©phones fixes Ă  fil Ă  domicile Ă©taient La rĂšgle. Et oĂč, chaque fois que l’on tentait de joindre une internaute ou un internaute Ă  son domicile, cela Ă©tait impossible si celle-ci ou celui-ci Ă©tait « connectĂ©(e). Car la ligne tĂ©lĂ©phonique restait alors systĂ©matiquement occupĂ©e. Aujourd’hui, il est banal de pouvoir ĂȘtre joint sur son smartphone alors que l’on navigue sur le net.

 

Snowden relate aussi certains travers que lui-mĂȘme a pu avoir, sous couvert de pseudo, adolescent, sur certains forums, oĂč il avait pu se permettre certains propos dĂ©placĂ©s. Et, parce qu’il n’a a priori tuĂ© personne Ă  cette Ă©poque, il explique que l’anonymat des internautes peut aussi permettre de donner une chance Ă  certaines et certains de changer et de se racheter une conduite au lieu d’ĂȘtre fichĂ©s pour des conneries qu’ils ont pu faire « plus jeunes Â».

 

Il est probable qu’un certain nombre des internautes, qui, aujourd’hui (ou hier) enfants, prĂ©-adolescents ou adolescents ou mĂȘme adultes se permettent d’écrire et de tenir des propos qu’ils regretteront d’eux-mĂȘmes par la suite. Ne serait-ce, par exemple, que sur Youtube mĂȘme si ce n’est pas un rĂ©seau social en tant que tel. Mais oĂč le fait de visionner une simple vidĂ©o et d’en « parler Â» suffit pour- trĂšs rapidement- voir surgir ici ou lĂ  des propos « extraordinaires Â» d’agressivitĂ© et de jugements personnels et dĂ©finitifs. La façon dont ça peut trĂšs vite « dĂ©goupiller Â» entre deux internautes peut me faire rire. Mais ces dĂ©rapages frĂ©quents donnent une idĂ©e de ce que la facilitĂ© d’accĂšs Ă  internet a amenĂ© comme « pollution Â» dans les Ă©changes entre internautes.  Comme la dĂ©mocratisation de l’escalade de l’Everest ou de l’Himalaya a pu, dans une moindre mesure, contribuer Ă  polluer une rĂ©gion du monde qui, « auparavant Â», Ă©tait pratiquement immaculĂ©e ou rĂ©servĂ©e Ă  quelques uns qui Ă©taient prĂȘts Ă  donner de leur personne pour atteindre un certain sommet.

 

C’est que depuis l’adolescence de Snowden ( E.Snowden est nĂ© en 1983), le net et le Web se sont « dĂ©mocratisĂ©s Â». DĂ©sormais, en quelques clics, n’importe qui, n’importe quand, peut activer une ou plusieurs guillotines Ă  distance. Mais aussi les programmer en s’allouant la complicitĂ© spontanĂ©e d’autres personnes trop contentes de participer et de faire appliquer leur sens de la justice. Tout en verrouillant leur cible.

 

Devant le lycée Cognac-Jay, ce dimanche 14 mars 2021.

 

 

Alisha est morte de ça, je crois : de la dĂ©mocratisation et de la sophistication des guillotines.

 

 

Franck Unimon, ce lundi 15 mars 2021.

 

 

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Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021

 

Alisha, 14 ans, morte dans la Seine ce 8 mars 2021

Aujourd’hui, dimanche 14 mars 2021, Ă  14 heures, une marche partira du LycĂ©e professionnel Cognac-Jay, oĂč elle Ă©tait scolarisĂ©e. La jeune Alisha, 14 ans, a Ă©tĂ© tuĂ©e par trois de ses camarades ce 8 mars 2021. JournĂ©e de la Femme.

 

Depuis des annĂ©es, une femme meurt tous les trois jours en France sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint. Ce chiffre est rappelĂ© dans le podcast oĂč la journaliste LĂ©a SalamĂ© interroge la colonelle de gendarmerie, Karine Lejeune. Un podcast rĂ©alisĂ© pour France Inter ce 2 janvier 2021. Deux mois avant la mort d’Alisha et d’autres.

 

A 14 ans, on pourrait dire qu’Alisha n’était pas encore une femme. Mais, pour ce que j’ai lu des Ă©vĂ©nements, c’est bien au moins dans un contexte passionnel, mĂȘme si l’acte a Ă©tĂ© prĂ©mĂ©ditĂ©, qu’elle est morte. Trois personnes l’ont tuĂ©e. Une jeune de son Ăąge qui l’a emmenĂ©e sur les lieux de l’embuscade. Et deux garçons qui « l’attendaient Â». Dont son ex-petit ami, si j’ai bien compris.

 

Cela s’est passĂ© Ă  Argenteuil, ville oĂč j’habite. Et je situe bien oĂč se trouve le lycĂ©e Cognac-Jay. Pour tout « arranger Â», un de mes proches, adulte, a connu l’auteur principal de l’homicide. Donc, tout cela me touche d’autant plus personnellement.

 

Je ne pourrai pas rejoindre la marche pour Alisha tout Ă  l’heure. J’ai travaillĂ© cette nuit. Je reprends le travail cette nuit. Et, Ă  14 heures, je me reposerai. Provisoirement. Contrairement Ă  Alisha dont le repos est dĂ©finitif.

 

Par contre, je peux Ă©crire. Pour elle, pour les autres. Et toujours pour moi.

 

Je tiens Ă  le prĂ©ciser tout de suite :

 

Je ne suis pas fĂ©ministe. Je le prĂ©cise parce-que, aujourd’hui, Ă  moins d’ĂȘtre un intĂ©griste d’une certaine religion, je trouve que c’est trĂšs facile de se dire « fĂ©ministe Â». Comme c’est trĂšs facile, aussi, de se dire « pour le mariage gay Â». C’est Ă  la mode. C’est comme, pour un homme,  aujourd’hui, porter une boucle d’oreille ou avoir le crĂąne rasĂ©. C’est trĂšs facile, en France. En plus, ça permet de donner de soi une belle image : celle d’une personne cool, tolĂ©rante et “Ă©voluĂ©e”, bien de son temps.

C’est trĂšs important tout ça, de donner de soi, une belle image. D’ĂȘtre “branchĂ©”. d’ĂȘtre “dans le coup”. D’ĂȘtre un adepte et un pratiquant de la Nouvelle norme. AprĂšs…la Nouvelle Vague….

 

Je ne rĂ©agis donc pas en tant que « fĂ©ministe Â» dans cet article. Mais en tant que personne. Car je suis une personne. Comme Alisha en Ă©tait et en reste une.

 

Dans les quelques commentaires que j’ai pu lire et entendre Ă  la tĂ©lĂ© Ă  propos des conditions de sa mort, l’adjectif « glaçant Â» a Ă©tĂ© utilisĂ©. Oui, la description du dĂ©roulement de son homicide est glaçante. Je n’arrive pas encore Ă  bien cerner d’oĂč, exactement, Alisha, a Ă©tĂ© balancĂ©e dans le vide. Mais si j’y parviens, je me suis dit que je m’y rendrais. En attendant, ce qui est « glaçant Â», pour moi, c’est d’imaginer ce moment oĂč ses meurtriers ont dĂ©cidĂ© de la soulever du sol, aprĂšs l’avoir tabassĂ©e, pour la faire passer par dessus le pont. Il en faut de la dĂ©termination pour cela. Et, qu’est-ce que cela a dĂ» ĂȘtre effroyable comme passage de la vie Ă  la mort pour Alisha.

 

C’est une sorte de frisson et de colĂšre que je ressens. Frisson et colĂšre pour cette impuissance intraitable qu’elle a dĂ» ressentir face Ă  cette mort vers laquelle cette ultime rencontre l’a conduite. Elle qui, apparemment, avait Ă©conduit l’un des auteurs de sa mort. J’ai tendance Ă  croire que l’effet de groupe a – encore- jouĂ©. Seul, ce jeune garçon, mĂȘme en colĂšre, n’aurait sans doute pas osĂ© aller aussi loin. Une nouvelle fois, la dĂ©termination, la supĂ©rioritĂ© numĂ©rique, en plus de la supĂ©rioritĂ© physique et de l’effet de surprise l’a emportĂ© sur la raison. On peut ĂȘtre plusieurs Ă  penser la mĂȘme chose- et Ă  la rĂ©aliser- et Ă  ĂȘtre plus que cons ! Plusieurs annĂ©es aprĂšs sa mort, d’un cancer, Desproges continue d’avoir raison.

 

 

Vers la fin du podcast oĂč LĂ©a SalamĂ© interroge la colonelle Karine Lejeune, fille et petite fille de gendarme, il est aussi Ă©voquĂ© le travail colossal rĂ©alisĂ© par celle-ci pour combattre les violences faites aux femmes. On doit Ă  la colonelle Karine Lejeune, ainsi qu’à une autre personne (une autre femme), le premier recensement des violences faites aux femmes en France. Recensement qui date de 2006. RĂ©sultat d’un travail consĂ©quent obtenu en sollicitant les services de police et de gendarmerie de France.

 

A Ă©couter les deux femmes, ce chiffre d’une femme tuĂ©e tous les trois jours reste stable depuis qu’il a Ă©tĂ© trouvĂ© en 2006. Il y a 15 ans. Est-ce dĂ©sespĂ©rant ? La colonelle Lejeune explique que, malgrĂ© tout, non. Car, depuis, des campagnes de prĂ©vention rĂ©pĂ©tĂ©es rappellent et rendent public tel numĂ©ro d’urgence. Mais, aussi, que les services de police et de gendarmerie sont disponibles. Entre-temps, petit Ă  petit le personnel masculin- fĂ©minin ?- des forces de police et de gendarmerie commence Ă  ĂȘtre sensibilisĂ© au sujet. MĂȘme si c’est toute la sociĂ©tĂ© qui doit l’ĂȘtre est-il rappelĂ© dans le podcast.

 

En effet, le thĂšme du podcast « Des femmes puissantes Â» reste un sujet animĂ© par une femme- la journaliste LĂ©a SalamĂ©- lĂ  oĂč il faudrait que l’on trouve plus souvent des hommes. Ceci reste une constante aussi lorsque l’on parle d’ouvrages littĂ©raires ou autres Ă©crits par des femmes oĂč il est question d’abus ou de violences faites aux femmes par des hommes. Dans le magazine TĂ©lĂ©rama, par exemple, c’est une journaliste qui a parlĂ© de l’ouvrage de Camille Kouchner qui relate un inceste dans sa famille. Inceste subi par son frĂšre ou son cousin, donc un garçon. Sauf que c’est, elle, Camille Kouchner, une femme, qui raconte le vif de l’histoire. Comme si le sujet ne concernait ou ne pouvait concerner….que des femmes, journalistes, tĂ©moins ou victimes.

 

Cependant, un autre point continue de m’inquiĂ©ter concernant les violences d’une façon gĂ©nĂ©rale :

 

Vers la toute fin du podcast, LĂ©a SalamĂ© nous informe que depuis dix ans, les violences envers les forces de police et de gendarmerie ont augmentĂ© de « 80% Â». On remarquera au passage- mĂȘme si cela ne change rien- que les termes “forces de police et de gendarmerie” sont des termes…fĂ©minins.

LĂ©a SalamĂ© interroge la colonelle Karine Lejeune sur ce chiffre de “80%”. A-t’elle une explication Ă  ce sujet ? ( on aimerait tous que notre salaire, par exemple, ces dix derniĂšres annĂ©es, ait connu une telle augmentation, non ?). 

 

Un peu plus tĂŽt, la colonelle avait condamnĂ© toute bavure Ă©manant d’un reprĂ©sentant de la Loi, policier ou gendarme. Et, elle avait critiquĂ© le fait que, trop souvent, le grand public amalgame le comportement de quelques policiers et de quelques gendarmes trop violents avec tout le corps de la gendarmerie et de la police. Par consĂ©quent, la Colonelle Karine Lejeune est contre ce terme de « violences Â» ou de « bavures»  policiĂšres qu’elle trouve trop rĂ©ducteur.

 

On peut la soupçonner un petit peu de dĂ©magogie ou de langue de bois dans un pays, oĂč, lors de la remise de son CĂ©sar de meilleur Espoir masculin il y a quelques jours, Jean-Pascal Zadi, rĂ©alisateur et acteur dans son dernier film Tout simplement Noir) cite les affaires Adama TraorĂ© et Michel Zecler dans son discours de remerciement. Pourtant, je crois encore, aussi, comme la Colonelle, que tout n’est pas noir dans la police comme dans la gendarmerie de France.

 

Ce qui m’a plus dĂ©rangĂ©, par contre, c’est cette rĂ©ponse de la colonelle Karine Lejeune, Ă  propos de son explication de cette augmentation des faits de violence ( « 80% Â») des citoyens envers les forces de police et de gendarmerie ces dix derniĂšres annĂ©es.

 

Aujourd’hui, la Colonelle Karine Lejeune incarne une certaine modernitĂ© dans la sociĂ©tĂ© française. C’est une femme hautement gradĂ©e au sein de la gendarmerie nationale, majoritairement composĂ©e d’hommes. Et, elle raconte une anecdote avantageuse pour elle Ă  propos d’un de ses anciens supĂ©rieurs, le “gĂ©nĂ©ral incongru”, concernant certains propos sexistes au cours de sa carriĂšre.

 

  La Colonelle est aussi une femme « moderne Â»  dans sa propre vie personnelle : mariĂ©e et plusieurs fois mĂšre de famille, c’est son mari qui a pris un congĂ© parental  et mis en suspens sa carriĂšre professionnelle. Mais elle peut aussi ĂȘtre un peu coquette lorsqu’elle est en service, loin de cette image de la gendarme « hommasse Â» a priori.

 

 Pourtant, cette femme « moderne Â» a alors deux rĂ©ponses Ă  mon sens totalement archaĂŻques ou stĂ©rĂ©otypĂ©es. Bien-sĂ»r, personne n’est parfait, mĂȘme moderne, mais quand mĂȘme, ça dĂ©note :

 

D’abord, comme d’autres avant elle, Madame la Colonelle dĂ©plore le fait qu’aujourd’hui, l’uniforme de la police et de la gendarmerie ne fait plus peur. Je tiens Ă  prĂ©ciser que je respecte l’uniforme de la police et de la gendarmerie ainsi que les personnes qui le portent.

 

Mais, ce que je trouve plus grave, dans les propos de Mme la Colonelle, c’est qu’elle ne s’explique pas ou ne comprend pas cette montĂ©e des faits de violence envers les reprĂ©sentants des forces de l’ordre en France ces dix derniĂšres annĂ©es.

 

Les causes de ces faits de violence sont bien-sĂ»r multiples. Et je ne vais pas me prĂ©tendre spĂ©cialiste du sujet. Par contre, en tĂ©moignant de son ignorance Ă  ce point, Mme la Colonelle rappelle tristement  ce fait :

 

MĂȘme en devenant pionniĂšre dans un domaine, Ă  mesure, en France, que l’on incorpore  une certaine Ă©lite, on s’éloigne de plus en plus d’un nombre grandissant de citoyens qui ,lui,  cumule les Ă©checs et les exclusions de toutes sortes tandis qu’une minoritĂ©- qui vit dans un Ă©cosystĂšme apparemment protĂ©gĂ© dont la journaliste LĂ©a SalamĂ© fait aussi partie- s’accapare la  majoritĂ© des rĂ©ussites, des privilĂšges comme des prestiges.

Cette minoritĂ© vit dans un vase clos. Et, plus les annĂ©es passent, plus les ambitions de cette minoritĂ© tendent Ă  rendre ce vase clos de plus en plus Ă©tanche. MĂȘme si certains ou plusieurs membres de cette minoritĂ© peuvent ensuite publiquement, gratuitement – ou sincĂšrement- trouver “glaçant” le rĂ©cit du dĂ©cĂšs de la jeune Alisha. 

 

Cette cĂ©citĂ© ou ce manque de conscience de Mme la Colonelle m’inquiĂšte particuliĂšrement du fait de son grade et de ses capacitĂ©s en principe supĂ©rieures d’analyse, de jugement mais aussi de dĂ©cision. Or, si elle n’est qu’un des rouages dĂ©cisionnels et exĂ©cutifs en France, elle en est nĂ©anmoins l’un des plus puissants.

 

 

On pensera peut-ĂȘtre que tout cela n’a rien Ă  voir avec la mort de la jeune Alisha. Que je mĂ©lange des sujets et des genres trĂšs diffĂ©rents. Ou que je fais passer la mort de celle-ci au second plan.

 

Je ne crois pas.

 

Je suis trĂšs touchĂ© par la mort de la jeune Alisha. Mon article n’est pas rĂ©digĂ© ici pour faire « genre Â», pour faire « joli Â» ou pour faire « style Â». Par ailleurs, malgrĂ© le temps que j’ai passĂ© Ă  le rĂ©diger, comme pour la plupart de mes articles, je sais qu’il sera, pour l’instant du moins, assez peu lu. Car, je fais aussi partie de la majoritĂ© des anonymes obĂ©issants et dĂ©pourvus de charisme. Et, je fais assez peu d’efforts en matiĂšre de communication pour avoir plus de “retentissement” mĂ©diatique.

 

J’approuve cette « fĂ©minisation Â» de la gendarmerie et d’autres corps de mĂ©tiers.

 

Par contre, je ne crois pas que la fĂ©minisation, Ă  des postes clĂ©s de la sociĂ©tĂ©, ou dans le monde, va suffire Ă  elle-mĂȘme pour tout rĂ©soudre- mĂ©caniquement- en termes de violences et d’espĂ©rance.

 

Je tiens Ă  rappeler ceci :

 

La norme, chez l’ĂȘtre humain, que l’on soit un homme ou une femme, c’est l’extrĂȘme.

 

Et, il faut beaucoup de travail, beaucoup de patience et de diplomatie, beaucoup d’optimisme,  beaucoup de conscience sur soi et aussi Ă  propos de son environnement et des autres, pour ne pas se laisser guider ou fasciner par notre goĂ»t immĂ©diat et spontanĂ© ou par notre appĂ©tence pour l’extrĂȘme.

 

La jeune Alisha est morte Ă  cause de cette norme.

 

 

 

Franck Unimon, ce dimanche 14 mars 2021.

 

 

 

 

 

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Le défaut à la bouche

 

                                                 Le dĂ©faut Ă  la bouche

 

Nous mourrons demain, c’est certain. Et, comme rien ne se meurt dans le bon pain, aujourd’hui, je suis parti assez loin piocher dans deux nouvelles boulangeries.

 

C’est mon beau-frĂšre qui, un jour, a mis le doigt sur ma folie prĂ©levĂ©e dans le pain. 

 

Pour du bon pain, moi qui en ai pourtant mangĂ© de l’industriel pendant des annĂ©es, je ferais des kilomĂštres. C’est comme avec le thĂ© que j’avais pu boire longtemps au moyen de  sachets achetĂ©s en supermarchĂ©, aromatisĂ©s et trĂšs sucrĂ©s. Comme ces musiques aussi piquantes que ces moustiques que j’avais pu Ă©couter en boucle. Ou tels ces films mal doublĂ©s en version française et ces Ă©missions de mauvaise qualitĂ© qui avaient pu me fixer pendant des heures, m’insufflant leur testostĂ©rone histrionique, me laissant bouche bĂ©e,  la pensĂ©e dessĂ©chĂ©e et avec pour seule activitĂ© potentielle celle du chromosome prĂ©parant son naufrage.

 

EnfermĂ©, mon monde s’ouvre par paliers.

 

Je trouve dans le pain, qu’il soit au levain ou non, une nouvelle forme de vie qui m’éloigne du gravier. Tout peut ĂȘtre prĂ©texte pour en dĂ©couvrir un nouveau et me faire l’atelier de sa dĂ©couverte. Ce matin, aprĂšs deux nuits de travail, c’était pour donner suite Ă  un rendez-vous qu’on m’avait fixĂ© Ă  Nation.

 

AprĂšs ça, je suis parti Ă  la recherche des deux inconnues. L’une, rue de la Chine, l’autre, avenue Gambetta. Le dĂ©faut Ă  la bouche, viens,  que je te touche.

 

 

 

Il Ă©tait plus de midi lorsque je me suis rapprochĂ© de la premiĂšre, la boulangerie Pan Vivo. Trois auxiliaires fliquettes m’avaient devancĂ©. Il ne restait plus beaucoup de pain. Une belle rangĂ©e, sur l’étage supĂ©rieur d’un chariot, Ă©tait devancĂ©e du panneau «  rĂ©servĂ© Â». J’ai appris qu’il se prĂ©parait la fournĂ©e du lendemain.

 

Une des fliquettes a sursautĂ©. Elle ne s’attendait pas Ă  me trouver derriĂšre elle. Elle ne m’avait pas entendu venir. Cela faisait une bonne minute que j’étais lĂ . Qu’est-ce que cela aurait Ă©tĂ© si nous nous Ă©tions trouvĂ©s, seuls, elle et moi, dans une  partielle obscuritĂ© ?

 

Pour continuer de dĂ©dramatiser, je lui ai demandĂ© quelle Ă©tait la station de mĂ©tro la plus proche. En regardant sur son smartphone, elle et ses collĂšgues m’ont rĂ©pondu qu’elles n’étaient pas du coin. Qu’elles Ă©taient du 12 Ăšme arrondissement. Elle est partie comme ça, captivĂ©e par son smartphone. Je croyais qu’elle se renseignait pour mon mĂ©tro. Elle m’a quittĂ© comme une miche.

 

Elle devait lire un sms ou avait peut-ĂȘtre reçu un Like sur un site de rencontres.

RĂ©gime pain sec.

 

Pour me consoler, j’ai pris une bonne livrĂ©e de pain de la veille vendue avec une rĂ©duction de 30 pour cent. Il y en avait pour deux kilos d’armature.

 

 

Le jeune vendeur Ă  l’accent italien m’a dit que, de toute façon, enroulĂ© dans des sacs en coton, il pouvait se garder cinq jours.

 

A l’autre boulangerie, La Gambette Ă  pain, il y avait plus de choix. Mais il y avait aussi la queue. J’ai attendu mon tour dehors avant de pouvoir entrer. Il faisait froid aujourd’hui.

 

 

Une fois Ă  l’intĂ©rieur, j’ai fait un festival. Je n’étais pas du coin. Je venais pour la premiĂšre fois. Je venais de loin. Je n’allais pas me contenter d’une demie baguette de pain ou d’un croissant au beurre et repartir.

 

J’ai dĂ» faire comprendre Ă  l’employĂ©e que, non, je n’avais pas fini. J’avais encore d’autres articles Ă  prendre.

 

 

Au final, je suis reparti avec deux sacs de pain et de viennoiserie.

 

 

 

 

 

Etoiles et toiles.

 

En descendant les marches. Tout en bas, le sandwich Kebab, dernier exemplaire, qui a Ă©tĂ© mon copieux dĂ©jeuner. AprĂšs ça, on reste sage et boire un verre d’eau suffit.

 

 

Puis, je me suis rabattu sur la station de mĂ©tro Gambetta. Je me suis mĂȘme permis de faire un passage dans un magasin de dvds et de blu-ray oĂč j’étais passĂ© il y a quelques annĂ©es.

 

 

Mais je n’y ai pas trouvĂ© le film que je cherchais. Le blu-ray du film MUD de Jeff Nichols.

 

Cette photo est ratée. On ne voit rien.

 

J’étais bien chargĂ© dans le mĂ©tro, avec mes deux sacs de pain, ma boite de pĂątisseries. Mais j’étais assis. Le trajet a Ă©tĂ© assez rapide.

 

 

A la station Quatre-Septembre, Ă  trois ou quatre stations de la gare St Lazare,  extinction des feux et petite voix :

 

« En raison de la prĂ©sence d’une personne sur la voie ferrĂ©e, le trafic est momentanĂ©ment interrompu sur la ligne 3 du mĂ©tro
.. Â». Je me suis Ă  nouveau fait confirmer que depuis bientĂŽt deux mois, les incidents de toutes sortes se cumulent dans les transports en commun. J’ai vraiment bien fait d’opter pour un vĂ©lo pliant quand je me rends au travail. Mais j’en parlerai mieux dans ma rubrique VĂ©lo Taffe.

 

Dans le mĂ©tro, station Quatre-Septembre, s’ensuivent quelques minutes d’attente et de rĂ©flexion et la fin du suspense :

 

« Le trafic reprendra Ă  15h15 Â». Il Ă©tait 14h50. Je n’avais pas dĂ©jeunĂ© ni fait ma sieste.

 

Sortir de la station, marcher jusqu’à une station de bus. Le prendre jusqu’à la gare St Lazare. Rien ne m’a dĂ©tournĂ© de l’arĂŽme du bon pain. Car c’est une valeur refuge.

 

Nous sommes arrivés sains et saufs à domicile.

 

 

Franck Unimon, ce vendredi 5 mars 2021.