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Cinéma

Maudit !- un film d’Emmanuel Parraud

 

 

L’Ăźle de La RĂ©union est aussi le pays oĂč se dĂ©roule une course de trail trĂšs dure mais aussi mondialement connue:

La diagonale des fous- ou le Grand Raid- qui perce l’üle sur une distance de 164 kilomùtres.

 

A premiĂšre vue, Alix (Farouk SaĂŻdi) et Marcellin (Aldo Dolphin) sont deux sportifs du coin qui reviennent d’un entraĂźnement de trail. Ils ont la trentaine, ont un travail, se dĂ©brouillent et ont l’air plutĂŽt cool. Nous sommes en 2020 ou en 2021. C’est aujourd’hui. 

 

Le sport, dont la course Ă  pied, fait partie des valeurs culturelles fortes et des attraits de l’üle. La RĂ©union, c’est joli, avec ses paysages  admirables. Les fĂ©es y ont les pieds dans l’eau. Maudit dĂ©bute d’ailleurs avec la prestation de la belle et blonde DorothĂ©e (Marie Lanfroy, membre et chanteuse dans la vie du groupe rĂ©unionnais Saodaj’) alors qu’elle est sur scĂšne. La chanteuse aborde la transe lors d’un concert sans doute au moins de Maloya.

 

Une idylle s’ensuit entre l’artiste DorothĂ©e et Marcellin, le tombeur, vainqueur de plusieurs courses. Tout cela se passe devant Alix qui assiste Ă  ce nouveau succĂšs de son meilleur ami. 

Marcellin est le plus clair des deux hommes. Celui qui semble aussi ĂȘtre le mieux dans cette peau. Cette particularitĂ© “pigmentaire” est  sans doute une petite coĂŻncidence.

Ou l’indice d’une certaine forme de paranoĂŻa.

Mais cette distinction pigmentaire est aussi une convention bien assimilée- et pratiquée- lors des critÚres de séduction et de sélection de son ou de sa partenaire :

Car c’est seulement en me rĂ©veillant ce matin, aprĂšs avoir publiĂ© cet article hier ( le 19 fĂ©vrier 2021) que je me suis rappelĂ© de ces deux aspects qui diffĂ©rencient les deux amis. 

Nous sommes pourtant sur l’Ăźle de la RĂ©union, une des rĂ©gions les plus mĂ©tissĂ©es au monde, souvent prĂ©sentĂ©e comme un pays oĂč la tolĂ©rance inter-ethnique, multiculturelle et religieuse serait vĂ©cue quotidiennement telle une Ă©vidence. Avec Maudit ! subtilement, nous faisons une autre expĂ©rience de cette “croyance”. Ensuite, nous avons un choix Ă  vivre : 

PrĂ©fĂ©rer Ă  cette “croyance” toutes les beautĂ©s Ă©talĂ©es et immĂ©diatement accessibles de la RĂ©union. Ou essayer, aussi, comme le rĂ©alisateur, d’entrer dans ce que cette Ăźle a de moins supportable.  

 

L’enivrement touche peut-ĂȘtre Emmanuel Parraud, qui, aprĂšs Sac la Mort (2016), poursuit sa reconnaissance de la RĂ©union avec un nouveau tandem masculin d’acteurs non professionnels. Le personnage d’Alix lui sert ici d’avatar. Et, vers la fin du film,  on apercevra l’acteur Patrice Planesse, son prĂ©cĂ©dent avatar, un des protagonistes principaux de Sac la Mort.

 

Moins Ă©gal que  celui-ci, Maudit !  est aussi plus ambitieux dans son traitement formel pour prĂ©senter “l’ire-rationnelle” que contient l’üle et qui ne tient pas dans quelques bouteilles en verre. Au mĂȘme titre que la violence subite qui  part des coulĂ©es de terre de cette histoire que nous verse Parraud. Les bouteilles Ă  la mer, si elles existaient du temps de l’esclavage, n’ont servi Ă  rien.    

 

Un film sur la RĂ©union loin des pistes touristiques,  et, en  CrĂ©ole, c’est rare au cinĂ©ma. Alors, on en profite.

 

Alix et Marcellin ont grandi dans la mĂȘme famille d’accueil. Orphelins, ils sont devenus insĂ©parables comme les doigts de la main. Cela tient comme ça pendant des annĂ©es. Puis, arrive la lueur de la femme blanche (DorothĂ©e). On la croit l’éclaireuse magique vers une histoire qu’Alix et Marcellin, malgrĂ© leurs kilomĂštres parcourus en pleine nature, n’ont  pas bouclĂ©e. Une histoire oĂč la douleur et la colĂšre, plutĂŽt qu’absentes, s’activent parmi les plantes.  

 

Car lorsque la femme libre- DorothĂ©e- s’évapore, la dĂ©pression des deux amis, autrefois relayĂ©e, devient une discipline individuelle pour forcenĂ©s. Chacun retourne au bercail comme vers les poings… de son cyclone. Et ça cogne fort. Le rhum, sĂ©rum ou filtre, est utilisĂ© bien-sĂ»r. Mais c’est un miracle grossier qui, s’il racle et se raccroche Ă   la gorge, rapproche aussi des traits et de l’acier de la folie.

 

Alix ( l’acteur Farouk SaĂŻdi)

 

Parraud nous parle d’un pays plus mĂ»r pour le fait divers que pour la parole qui libĂšre. Car, selon lui, les beaux paysages, la joie de vivre officielle et les trophĂ©es sportifs se lĂ©zardent encore devant les fracas du passĂ©.

 

(La sortie du film Ă©tait prĂ©vue dans les salles au printemps 2021. Elle a finalement eu lieu ce mercredi 17 novembre 2021). 

 

Franck Unimon, ce vendredi 19 février 2021.

 

 

 

 

 

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